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Document 62017CO0036

Ordonnance de la Cour (troisième chambre) du 5 avril 2017.
Daher Muse Ahmed contre Bundesrepublik Deutschland.
Demande de décision préjudicielle, introduite par le Verwaltungsgericht Minden.
Renvoi préjudiciel – Article 99 du règlement de procédure de la Cour – Règlement (UE) no 604/2013 – Détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans l’un des États membres par un ressortissant d’un pays tiers – Demande de protection internationale introduite par un ressortissant d’un pays tiers bénéficiaire du statut conféré par la protection subsidiaire – Applicabilité de la procédure de reprise en charge.
Affaire C-36/17.

Recueil – Recueil général

Identifiant ECLI: ECLI:EU:C:2017:273

ORDONNANCE DE LA COUR (troisième chambre)

5 avril 2017 ( *1 )

«Renvoi préjudiciel — Article 99 du règlement de procédure de la Cour — Règlement (UE) no 604/2013 — Détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans l’un des États membres par un ressortissant d’un pays tiers — Demande de protection internationale introduite par un ressortissant d’un pays tiers bénéficiaire du statut conféré par la protection subsidiaire — Applicabilité de la procédure de reprise en charge»

Dans l’affaire C‑36/17,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Verwaltungsgericht Minden (tribunal administratif de Minden, Allemagne), par décision du 19 janvier 2017, parvenue à la Cour le 25 janvier 2017, dans la procédure

Daher Muse Ahmed

contre

Bundesrepublik Deutschland,

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. L. Bay Larsen (rapporteur), président de chambre, MM. M. Vilaras, J. Malenovský, M. Safjan et D. Šváby, juges,

avocat général : Mme E. Sharpston,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 99 du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

Ordonnance

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 17, paragraphe 1, et des articles 20 à 33 du règlement (UE) no 604/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride (JO 2013, L 180, p. 31).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Daher Muse Ahmed à la Bundesrepublik Deutschland (République fédérale d’Allemagne), représentée par le Bundesamt für Migration und Flüchtlinge (Office fédéral de la migration et des réfugiés, Allemagne, ci-après l’« office »), au sujet de la décision de ce dernier rejetant sa demande d’asile, constatant l’absence de motifs interdisant son éloignement vers l’Italie, l’avertissant qu’il pourrait être éloigné vers cet État membre s’il ne quittait pas l’Allemagne et prononçant à l’encontre de celui-ci une interdiction d’entrée et de séjour d’une durée de 30 mois à compter du jour de l’éloignement.

Le cadre juridique

Le règlement no 604/2013

3

Les considérants 4 et 5 du règlement no 604/2013 énoncent :

« (4)

Les conclusions de Tampere ont [...] précisé que le [régime d’asile européen commun] devrait comporter à court terme une méthode claire et opérationnelle pour déterminer l’État membre responsable de l’examen d’une demande d’asile.

(5)

Une telle méthode devrait être fondée sur des critères objectifs et équitables tant pour les États membres que pour les personnes concernées. Elle devrait, en particulier, permettre une détermination rapide de l’État membre responsable afin de garantir un accès effectif aux procédures d’octroi d’une protection internationale et ne pas compromettre l’objectif de célérité dans le traitement des demandes de protection internationale. »

4

L’article 1er de ce règlement prévoit :

« Le présent règlement établit les critères et les mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride [...] »

5

L’article 2, sous b) et c), dudit règlement est libellé comme suit :

« Aux fins du présent règlement, on entend par :

[...]

b)

“demande de protection internationale”, une demande de protection internationale au sens de l’article 2, point h), de la directive 2011/95/UE [du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 2011, concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection (JO 2011, L 337, p. 9)] ;

c)

“demandeur”, le ressortissant de pays tiers ou l’apatride ayant présenté une demande de protection internationale sur laquelle il n’a pas encore été statué définitivement ».

6

L’article 18, paragraphe 1, du même règlement dispose :

« L’État membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de :

[...]

b)

reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le demandeur dont la demande est en cours d’examen et qui a présenté une demande auprès d’un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d’un autre État membre ;

c)

reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le ressortissant de pays tiers ou l’apatride qui a retiré sa demande en cours d’examen et qui a présenté une demande dans un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d’un autre État membre ;

d)

reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le ressortissant de pays tiers ou l’apatride dont la demande a été rejetée et qui a présenté une demande auprès d’un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d’un autre État membre. »

7

L’article 20, paragraphe 1, du règlement no 604/2013 précise :

« Le processus de détermination de l’État membre responsable commence dès qu’une demande de protection internationale est introduite pour la première fois auprès d’un État membre. »

8

L’article 23, paragraphes 1 à 3, de ce règlement énonce :

« 1.   Lorsqu’un État membre auprès duquel une personne visée à l’article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), a introduit une nouvelle demande de protection internationale estime qu’un autre État membre est responsable conformément à l’article 20, paragraphe 5, et à l’article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), il peut requérir cet autre État membre aux fins de reprise en charge de cette personne.

2.   Une requête aux fins de reprise en charge est formulée aussi rapidement que possible et, en tout état de cause, dans un délai de deux mois à compter de la réception du résultat positif Eurodac [...]

Si la requête aux fins de reprise en charge est fondée sur des éléments de preuve autres que des données obtenues par le système Eurodac, elle est envoyée à l’État membre requis dans un délai de trois mois à compter de la date d’introduction de la demande de protection internationale au sens de l’article 20, paragraphe 2.

3.   Lorsque la requête aux fins de reprise en charge n’est pas formulée dans les délais fixés au paragraphe 2, c’est l’État membre auprès duquel la nouvelle demande est introduite qui est responsable de l’examen de la demande de protection internationale. »

9

L’article 24, paragraphes 1, 2 et 4, dudit règlement prévoit :

« 1.   Lorsqu’un État membre sur le territoire duquel une personne visée à l’article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), se trouve sans titre de séjour et auprès duquel aucune nouvelle demande de protection internationale n’a été introduite estime qu’un autre État membre est responsable conformément à l’article 20, paragraphe 5, et à l’article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), il peut requérir cet autre État membre aux fins de reprise en charge de cette personne.

2.   Par dérogation à l’article 6, paragraphe 2, de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier [(JO 2008, L 348, p. 98)], lorsqu’un État membre sur le territoire duquel une personne se trouve sans titre de séjour décide d’interroger le système Eurodac [...], la requête aux fins de reprise en charge d’une personne visée à l’article 18, paragraphe 1, point b) ou c), du présent règlement ou d’une personne visée à son article 18, paragraphe 1, point d), dont la demande de protection internationale n’a pas été rejetée par une décision finale, est formulée aussi rapidement que possible et, en tout état de cause, dans un délai de deux mois à compter de la réception du résultat positif Eurodac [...]

[...]

4.   Lorsqu’une personne visée à l’article 18, paragraphe 1, point d), du présent règlement dont la demande de protection internationale a été rejetée par une décision définitive dans un État membre, se trouve sur le territoire d’un autre État membre sans titre de séjour, ce dernier État membre peut soit requérir le premier État membre aux fins de reprise en charge de la personne concernée soit engager une procédure de retour conformément à la directive 2008/115/CE.

[...] »

10

L’article 26, paragraphe 1, du même règlement est ainsi rédigé :

« Lorsque l’État membre requis accepte [...] la reprise en charge [...] d’une autre personne visée à l’article 18, paragraphe 1, point c) ou d), l’État membre requérant notifie à la personne concernée la décision de le transférer vers l’État membre responsable et, le cas échéant, la décision de ne pas examiner sa demande de protection internationale. [...] »

La directive 2013/32/UE

11

L’article 10, paragraphe 2, de la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale (JO 2013, L 180, p. 60), dispose :

« Lors de l’examen d’une demande de protection internationale, l’autorité responsable de la détermination détermine d’abord si le demandeur remplit les conditions d’octroi du statut de réfugié et, si tel n’est pas le cas, détermine si le demandeur remplit les conditions pour pouvoir bénéficier de la protection subsidiaire. »

12

L’article 33 de cette directive, intitulé « Demandes irrecevables », est libellé comme suit :

« 1.   Outre les cas dans lesquels une demande n’est pas examinée en application du règlement (UE) no 604/2013, les États membres ne sont pas tenus de vérifier si le demandeur remplit les conditions requises pour prétendre à une protection internationale en application de la directive 2011/95/UE, lorsqu’une demande est considérée comme irrecevable en vertu du présent article.

2.   Les États membres peuvent considérer une demande de protection internationale comme irrecevable uniquement lorsque :

a)

une protection internationale a été accordée par un autre État membre ;

[...] »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

13

Le 7 décembre 2015, M. Ahmed a sollicité l’asile en Allemagne. Il a ensuite présenté une demande officielle d’asile auprès de l’office le 30 juin 2016.

14

Une recherche dans le système « Eurodac » ayant notamment fait apparaître que l’intéressé avait déjà sollicité la protection internationale en Italie, le 17 octobre 2013, l’office a demandé, le 25 août 2016, aux autorités italiennes de reprendre M. Ahmed en charge, sur la base du règlement no 604/2013.

15

Par lettre du 9 septembre 2016, les autorités italiennes ont rejeté cette requête aux fins de reprise en charge, aux motifs que M. Ahmed bénéficie de la protection subsidiaire en Italie et que son éventuel transfert devrait dès lors avoir lieu dans le cadre des accords de réadmission en vigueur.

16

Par décision du 25 novembre 2016, l’office a rejeté comme irrecevable la demande d’asile que M. Ahmed avait introduite, a constaté l’absence de motifs interdisant l’éloignement de celui-ci vers l’Italie, l’a averti qu’il pourrait être éloigné vers cet État membre s’il ne quittait l’Allemagne et a prononcé à l’encontre de celui-ci une interdiction d’entrée et de séjour d’une durée de 30 mois à compter du jour de l’éloignement.

17

M. Ahmed a contesté cette décision devant la juridiction de renvoi.

18

Cette juridiction doute de l’applicabilité des dispositions du règlement no 604/2013 relatives à la procédure de reprise en charge à un ressortissant d’un pays tiers bénéficiant de la protection subsidiaire dans un autre État membre.

19

Toutefois, dans l’hypothèse où ces dispositions seraient bien applicables à une situation telle que celle en cause au principal, ladite juridiction se demande si, dans une telle situation, un demandeur d’asile peut se prévaloir de l’expiration des délais de présentation de la requête aux fins de reprise en charge prévus à l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 604/2013. Elle s’interroge également sur les modalités de décompte de ces délais et sur les effets éventuels du retard pris dans la présentation d’une requête aux fins de reprise en charge sur la détermination de l’État membre responsable de l’examen de la demande d’asile.

20

Dans ces conditions, le Verwaltungsgericht Minden (tribunal administratif de Minden, Allemagne) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

Les articles 20 à 33 du règlement no 604/2013 doivent‑ils être appliqués aux demandeurs d’asile bénéficiant déjà de la protection subsidiaire dans un État membre ?

En cas de réponse affirmative à la première question :

2)

Un demandeur d’asile peut‑il se prévaloir d’un transfert de la responsabilité à l’État membre requérant en raison de l’expiration du délai de présentation de la requête aux fins de reprise en charge (article 23, paragraphe 3, du règlement no 604/2013) ?

3)

En cas de réponse affirmative à la deuxième question, un demandeur d’asile peut‑il également se prévaloir d’un transfert de responsabilité lorsque l’État membre requis reste disposé à le prendre en charge ?

4)

En cas de réponse négative à la troisième question, est‑il possible de déduire de l’accord explicite ou implicite (article 25, paragraphe 2, du règlement no 604/2013) de l’État membre requis que celui‑ci reste disposé à prendre le demandeur d’asile en charge ?

5)

Le délai de deux mois prévu à l’article 23, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement no 604/2013 peut‑il s’achever après l’expiration du délai de trois mois prévu à l’article 23, paragraphe 2, second alinéa, du règlement no 604/2013 lorsque l’État membre requérant laisse s’écouler plus d’un mois après le début du délai de trois mois avant d’envoyer une demande de consultation de la base de données Eurodac ?

6)

Une demande de protection internationale est‑elle réputée introduite au sens de l’article 20, paragraphe 2, du règlement no 604/2013 dès la première délivrance d’une attestation de déclaration en tant que demandeur d’asile ou uniquement lorsque l’office reçoit ladite attestation ou les informations essentielles qu’elle contient ou uniquement après l’enregistrement d’une demande formelle d’asile ? En particulier :

a)

L’attestation de déclaration en tant que demandeur d’asile est‑elle un formulaire ou un procès‑verbal au sens de l’article 20, paragraphe 2, du règlement no 604/2013 ?

b)

L’autorité compétente au sens de l’article 20, paragraphe 2, du règlement no 604/2013 est‑elle l’autorité compétente pour recevoir le formulaire ou établir le procès‑verbal, ou l’autorité compétente pour se prononcer sur la demande d’asile ?

c)

Un formulaire ou un procès‑verbal sont‑ils également réputés être parvenus à l’autorité compétente lorsque leurs éléments essentiels lui ont été communiqués ou faut‑il pour cela que l’original ou une copie du procès‑verbal lui ait été transmis ?

7)

Le retard pris entre la première sollicitation de l’asile ou la première délivrance d’une attestation de déclaration en tant que demandeur d’asile et la présentation d’une requête aux fins de reprise en charge peut‑il entraîner un transfert de la responsabilité à l’État membre requérant en application par analogie de l’article 23, paragraphe 3, du règlement no 604/2013 ou une obligation pour l’État membre requérant de faire usage de son droit d’évocation conformément à l’article 17, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement no 604/2013 ?

8)

En cas de réponse affirmative à l’une des alternatives de la septième question, à partir de quel délai peut-on considérer qu’une requête aux fins de reprise en charge a été présentée de manière excessivement tardive ?

9)

Une requête aux fins de reprise en charge dans laquelle l’État membre requérant indique uniquement la date d’entrée sur son territoire et la date de présentation de la demande officielle d’asile, et non la date de la première sollicitation de l’asile ou celle de la première délivrance d’une attestation de déclaration en tant que demandeur d’asile, est‑t‑elle réputée avoir été introduite dans le délai de l’article 23, paragraphe 2, premier et second alinéas, du règlement no 604/2013 ou une telle demande est‑elle “inopérante” ? »

Sur les questions préjudicielles

21

En vertu de l’article 99 de son règlement de procédure, lorsque la réponse à une question posée à titre préjudiciel ne laisse place à aucun doute raisonnable, la Cour peut à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, décider de statuer par voie d’ordonnance motivée.

22

Il y a lieu de faire application de cette disposition dans le cadre de la présente affaire.

23

Compte tenu du traitement de l’affaire par la présente ordonnance adoptée au titre de l’article 99 du règlement de procédure, il n’y a pas lieu de statuer sur la demande de procédure accélérée.

Sur la première question

24

Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les dispositions et les principes du règlement no 604/2013 régissant, de manière directe ou indirecte, les délais de présentation d’une requête aux fins de reprise en charge sont applicables dans une situation, telle que celle en cause au principal, où un ressortissant d’un pays tiers a introduit une demande de protection internationale dans un État membre après s’être vu octroyer le bénéfice de la protection subsidiaire par un autre État membre.

25

À cet égard, il importe de souligner que ces règles, qui ont pour objet d’encadrer le déroulement de la procédure de reprise en charge prévue par ce règlement en assurant qu’une requête aux fins de reprise en charge sera formulée dans un délai raisonnable, ne sont, par nature, applicables qu’aux situations dans lesquelles une telle procédure peut, en principe, valablement être engagée en application dudit règlement.

26

Le champ d’application de la procédure de reprise en charge est défini aux articles 23 et 24 du règlement no 604/2013. Alors que l’article 24 de ce règlement porte sur les cas dans lesquels aucune nouvelle demande de protection internationale n’a été introduite dans l’État membre requérant, l’article 23 de celui-ci régit les situations, telles que celle en cause au principal, dans lesquelles une telle demande a été introduite dans cet État membre.

27

Il ressort de l’article 23, paragraphe 1, dudit règlement que, dans de telles situations, la procédure de reprise en charge ne peut viser que le transfert d’une personne visée à l’article 18, paragraphe 1, sous b), c) ou d), du même règlement.

28

Ces trois dernières dispositions visent, respectivement, un demandeur dont la demande est en cours d’examen, un ressortissant d’un pays tiers ou un apatride qui a retiré sa demande en cours d’examen et un ressortissant d’un pays tiers ou un apatride dont la demande a été rejetée.

29

La circonstance qu’un ressortissant d’un pays tiers bénéficie du statut conféré par la protection subsidiaire octroyé par un État membre autre que celui qui procède à la détermination de l’État membre responsable ne pouvant être analysée comme impliquant qu’une demande introduite par ce ressortissant d’un pays tiers est en cours d’examen ou a été retirée dans un autre État membre, il y a lieu de déterminer si une telle personne peut être considérée comme un ressortissant d’un pays tiers dont la demande a été rejetée dans un autre État membre.

30

À cet égard, il convient certes de relever que l’article 18, paragraphe 1, sous d), du règlement no 604/2013 ne précise pas si la « demande » rejetée à laquelle il est fait référence est une demande de protection internationale ou une demande d’asile stricto sensu.

31

Or, si cette disposition devait être interprétée comme renvoyant au rejet d’une demande d’asile, elle pourrait éventuellement être appliquée à un ressortissant d’un pays tiers bénéficiant du statut octroyé par la protection subsidiaire, dans la mesure où, en vertu de l’article 10, paragraphe 2, de la directive 2013/32, ce statut ne doit être octroyé qu’après avoir déterminé que le demandeur ne remplit pas les conditions d’octroi du statut de réfugié.

32

Cependant, cette interprétation de l’article 18, paragraphe 1, sous d), du règlement no 604/2013 ne saurait être retenue.

33

En effet, ladite interprétation impliquerait d’admettre que le législateur de l’Union a employé, dans cette disposition, le terme « demande » dans plusieurs sens différents, puisque la référence, figurant à ladite disposition, au fait que la personne concernée « a présenté une demande auprès d’un autre État membre », renvoie nécessairement, au vu notamment de l’article 1er et de l’article 20, paragraphe 1, de ce règlement, à l’introduction d’une demande de protection internationale.

34

En outre, il découle d’une jurisprudence constante de la Cour qu’il y a lieu, pour l’interprétation d’une disposition de droit de l’Union, de tenir compte non seulement des termes de celle-ci, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie (arrêt du 19 décembre 2013, Koushkaki, C‑84/12, EU:C:2013:862, point 34).

35

À cet égard, il importe de relever que l’article 2, sous c), du règlement no 604/2013 définit le terme « demandeur » comme renvoyant à un ressortissant d’un pays tiers ou à un apatride « ayant présenté une demande de protection internationale sur laquelle il n’a pas encore été statué définitivement ».

36

De même, si ce règlement ne comprend pas directement de définition du terme « demande », son article 2, sous b), définit la notion de « demande de protection internationale ». Les dispositions dudit règlement emploient d’ailleurs, de manière générale, les termes « demande » et « demande de protection internationale » de façon indissociable, sans jamais se référer, au contraire du règlement (CE) no 343/2003 du Conseil, du 18 février 2003, établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans l’un des États membres par un ressortissant d’un pays tiers (JO 2003, L 50, p. 1), à une « demande d’asile ».

37

En outre, en vue de définir le régime applicable à une personne visée à l’article 18, paragraphe 1, sous d), du règlement no 604/2013 lorsque celle-ci n’a pas introduit de nouvelle demande de protection internationale, l’article 24, paragraphes 2 et 4, de ce règlement se réfère expressément au caractère définitif ou non de la décision rejetant la « demande de protection internationale » présentée par cette personne.

38

Par ailleurs, l’article 33 de la directive 2013/32 distingue clairement les cas dans lesquels une demande de protection internationale n’est pas examinée en application du règlement no 604/2013, de ceux dans lesquels une telle demande peut être rejetée comme irrecevable parce qu’une « protection internationale a été accordée par un autre État membre ».

39

Le législateur de l’Union a donc considéré que le rejet de la demande de protection internationale introduite par un ressortissant d’un pays tiers tel que celui en cause au principal devait être assuré par une décision d’irrecevabilité, en application de l’article 33 de cette directive, plutôt qu’au moyen d’une décision de transfert et de non-examen, en vertu de l’article 26 de ce règlement, ce qui entraîne un certain nombre de conséquences, en particulier sur les voies de recours ouvertes contre la décision de rejet.

40

Cette conclusion n’est pas de nature à entraver la réalisation des objectifs, mentionnés au considérant 5 dudit règlement, tenant, d’une part, à assurer un accès effectif aux procédures d’octroi d’une protection internationale et, d’autre part, à ne pas compromettre la célérité du traitement des demandes de protection internationale, puisqu’un ressortissant d’un pays tiers tel que celui en cause au principal bénéficie déjà d’une protection internationale.

41

Par conséquent, il découle de l’article 23, paragraphe 1, du règlement no 604/2013, lu en combinaison avec l’article 18, paragraphe 1, sous d), de celui-ci, qu’un État membre ne peut pas valablement requérir un autre État membre aux fins de reprendre en charge, dans le cadre des procédures définies par ce règlement, un ressortissant d’un pays tiers, tel que celui en cause au principal, qui a introduit une demande de protection internationale dans ce premier État membre après s’être vu octroyer le bénéfice de la protection subsidiaire par ce second État membre.

42

Partant, il y a lieu de répondre à la première question que les dispositions et les principes du règlement no 604/2013 régissant, de manière directe ou indirecte, les délais de présentation d’une requête aux fins de reprise en charge ne sont pas applicables dans une situation, telle que celle en cause au principal, où un ressortissant d’un pays tiers a introduit une demande de protection internationale dans un État membre après s’être vu octroyer le bénéfice de la protection subsidiaire par un autre État membre.

Sur les deuxième à neuvième questions

43

Eu égard à la réponse apportée à la première question, il n’y a pas lieu de répondre aux deuxième à neuvième questions.

Sur les dépens

44

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

 

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit :

 

Les dispositions et les principes du règlement (UE) no 604/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, régissant, de manière directe ou indirecte, les délais de présentation d’une requête aux fins de reprise en charge ne sont pas applicables dans une situation, telle que celle en cause au principal, où un ressortissant d’un pays tiers a introduit une demande de protection internationale dans un État membre après s’être vu octroyer le bénéfice de la protection subsidiaire par un autre État membre.

 

Signatures


( *1 )   Langue de procédure : l’allemand.

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