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Document 62013CJ0176

Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 18 février 2016.
Conseil de l'Union européenne contre Bank Mellat.
Pourvoi – Politique étrangère et de sécurité commune – Lutte contre la prolifération nucléaire – Mesures restrictives prises à l’encontre de la République islamique d’Iran – Gel des fonds d’une banque iranienne – Obligation de motivation – Procédure d’adoption de l’acte – Erreur manifeste d’appréciation.
Affaire C-176/13 P.

Recueil – Recueil général

Identifiant ECLI: ECLI:EU:C:2016:96

ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

18 février 2016 ( *1 )

«Pourvoi — Politique étrangère et de sécurité commune — Lutte contre la prolifération nucléaire — Mesures restrictives prises à l’encontre de la République islamique d’Iran — Gel des fonds d’une banque iranienne — Obligation de motivation — Procédure d’adoption de l’acte — Erreur manifeste d’appréciation»

Dans l’affaire C‑176/13 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 9 avril 2013,

Conseil de l’Union européenne, représenté par Mme S. Boelaert et M. M. Bishop, en qualité d’agents,

partie requérante,

soutenu par:

Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, représenté par M. L. Christie et par Mmes S. Behzadi-Spencer, en qualité d’agents, assistés de Mme S. Lee, barrister,

les autres parties à la procédure étant:

Bank Mellat, établie à Téhéran (Iran), représentée par M. M. Brindle, QC, MM. R. Blakeley et V. Zaiwalla, barristers, ainsi que par Mme Z. Burbeza, Mme P. Reddy, M. S. Zaiwalla et Mme F. Zaiwalla, solicitors,

partie demanderesse en première instance,

Commission européenne, représentée par Mme D. Gauci et M. M. Konstantinidis, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie intervenante en première instance,

LA COUR (cinquième chambre),

composée de M. T. von Danwitz, président de chambre, MM. D. Šváby, A. Rosas (rapporteur), E. Juhász et C. Vajda, juges,

avocat général: Mme E. Sharpston,

greffier: Mme L. Carrasco Marco, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 10 septembre 2014,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 26 février 2015,

rend le présent

Arrêt

1

Par son pourvoi, le Conseil de l’Union européenne demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 29 janvier 2013, Bank Mellat/Conseil (T‑496/10, EU:T:2013:39, ci-après l’«arrêt attaqué»), par lequel celui-ci a annulé, pour autant qu’ils concernent Bank Mellat:

le point 4 du tableau B de l’annexe II de la décision 2010/413/PESC du Conseil, du 26 juillet 2010, concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant la position commune 2007/140/PESC (JO L 195, p. 39, et rectificatif JO L 197, p. 19);

le point 2 du tableau B de l’annexe du règlement d’exécution (UE) no 668/2010 du Conseil, du 26 juillet 2010, mettant en œuvre l’article 7, paragraphe 2, du règlement (CE) no 423/2007 concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 195, p. 25);

le point 4 du tableau B, sous le titre I, de l’annexe de la décision 2010/644/PESC du Conseil, du 25 octobre 2010, modifiant la décision 2010/413 (JO L 281, p. 81);

le point 4 du tableau B de l’annexe VIII du règlement (UE) no 961/2010 du Conseil, du 25 octobre 2010, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement (CE) no 423/2007 (JO L 281, p. 1);

la décision 2011/783/PESC du Conseil, du 1er décembre 2011, modifiant la décision 2010/413 (JO L 319, p. 71);

le règlement d’exécution (UE) no 1245/2011 du Conseil, du 1er décembre 2011, mettant en œuvre le règlement no 961/2010 (JO L 319, p. 11);

le point 4 du tableau B, sous le titre I, de l’annexe IX du règlement (UE) no 267/2012 du Conseil, du 23 mars 2012, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement no 961/2010 (JO L 88, p. 1),

dans la mesure où le nom de «Bank Mellat» figure sur les listes des personnes, des entités et des organismes auxquels s’appliquent les mesures restrictives décidées aux termes de ces actes (ci-après, ensemble, les «actes litigieux»).

Le cadre juridique et les antécédents du litige

2

Préoccupé par les nombreux rapports du directeur général de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) et les résolutions du Conseil des gouverneurs de l’AIEA relatifs au programme nucléaire de la République islamique d’Iran, le Conseil de sécurité des Nations unies (ci-après le «Conseil de sécurité») a, le 23 décembre 2006, adopté la résolution 1737 (2006), dont le point 12, lu en combinaison avec l’annexe de celle-ci, énumère une série de personnes et d’entités qui seraient impliquées dans la prolifération nucléaire et dont les fonds ainsi que les ressources économiques devraient être gelés.

3

Afin de mettre la résolution 1737 (2006) en œuvre dans l’Union européenne, le Conseil a, le 27 février 2007, adopté la position commune 2007/140/PESC concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 61, p. 49).

4

L’article 5, paragraphe 1, de la position commune 2007/140 prévoyait le gel de tous les fonds et de toutes les ressources économiques de certaines catégories de personnes et d’entités énumérées aux points a) et b) de cette disposition. Ainsi, le point a) de cet article 5, paragraphe 1, visait les personnes et les entités désignées à l’annexe de la résolution 1737 (2006) ainsi que les autres personnes et les autres entités désignées par le Conseil de sécurité ou par le comité du Conseil de sécurité créé conformément à l’article 18 de la résolution 1737 (2006). La liste de ces personnes et de ces entités figurait à l’annexe I de la position commune 2007/140. Le point b) dudit article 5, paragraphe 1, visait les personnes et les entités non mentionnées à cette annexe I qui, notamment, participent, sont directement associées ou apportent un appui aux activités nucléaires de la République islamique d’Iran posant un risque de prolifération. La liste de ces personnes et de ces entités figurait à l’annexe II de ladite position commune.

5

Dans la mesure où les compétences de la Communauté européenne étaient concernées, la résolution 1737 (2006) a été mise en œuvre par le règlement (CE) no 423/2007 du Conseil, du 19 avril 2007, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 103, p. 1), adopté sur la base des articles 60 CE et 301 CE, visant la position commune 2007/140 et dont le contenu est en substance semblable à celui de cette dernière, les mêmes noms d’entités et de personnes physiques figurant à l’annexe IV de ce règlement, concernant les personnes, les entités et les organismes désignés par le Conseil de sécurité ou le comité des sanctions, et, à l’annexe V dudit règlement, concernant les personnes, les entités et les organismes autres que ceux figurant à cette annexe IV.

6

L’article 7, paragraphe 2, sous a), du règlement no 423/2007 était rédigé comme suit:

«Sont gelés tous les fonds et ressources économiques qui appartiennent aux personnes, entités ou organismes cités à l’annexe V, de même que tous les fonds [...] que ces personnes, entités ou organismes possèdent, détiennent ou contrôlent. L’annexe V comprend les personnes physiques et morales, entités et organismes non cités à l’annexe IV qui ont été reconnus conformément à l’article 5, paragraphe 1, point b), de la position commune 2007/140/PESC:

a)

comme participant, étant directement associés ou apportant un appui aux activités nucléaires de l’Iran posant un risque de prolifération [...]».

7

Constatant que la République islamique d’Iran poursuivait ses activités liées à l’enrichissement nucléaire et ne collaborait pas avec l’AIEA, le Conseil de sécurité a adopté, le 3 mars 2008, la résolution 1803 (2008). Au point 10 de cette résolution, le Conseil de sécurité:

«Demande à tous les États de faire preuve de vigilance s’agissant des activités menées par les institutions financières sises sur leur territoire avec toutes les banques domiciliées en Iran, en particulier la Banque Melli et la Banque Saderat, ainsi qu’avec leurs succursales et leurs agences à l’étranger, afin d’éviter que ces activités concourent à des activités posant un risque de prolifération, ou à la mise au point de vecteurs d’armes nucléaires, comme il est dit dans la résolution 1737 (2006)».

8

Par la résolution 1929 (2010), du 9 juin 2010, le Conseil de sécurité a adopté des mesures plus sévères et a notamment décidé le gel des fonds de diverses entités financières. Au point 21 de ladite résolution, le Conseil de sécurité invite notamment les États «à empêcher la fourniture de services financiers sur leur territoire, notamment les services d’assurance et de réassurance, ou le transfert vers, par ou depuis leur territoire, à ou par leurs nationaux ou des entités relevant de leur juridiction (y compris les filiales à l’étranger), ou des personnes ou institutions financières se trouvant sur leur territoire, de tous fonds, autres actifs ou ressources économiques s’ils disposent d’informations leur donnant des motifs raisonnables de penser que ces services, actifs ou ressources pourraient contribuer aux activités nucléaires de l’Iran posant un risque de prolifération ou à la mise au point de vecteurs d’armes nucléaires, notamment en gelant les fonds, autres actifs et ressources économiques se trouvant sur leur territoire ou qui se trouveraient plus tard sur leur territoire, ou qui sont soumis à leur juridiction ou viendraient à l’être, et sont associés à ces programmes ou activités, et en exerçant une surveillance renforcée pour prévenir de telles transactions, en accord avec leurs autorités nationales et conformément à leur législation nationale».

9

Bank Mellat est mentionnée au point 6 de l’annexe I de la résolution 1929 (2010), dans les motifs de l’inscription à cette annexe de First East Export Bank plc (ci-après «FEE»):

«Cette banque est la propriété, se trouve sous le contrôle ou agit au nom de Bank Mellat. Au cours des sept dernières années, Bank Mellat a permis aux entités iraniennes associées au programme d’arme nucléaire, de missiles et de défense d’effectuer des transactions de plusieurs centaines de millions de dollars.»

10

Dans une déclaration annexée à ses conclusions du 17 juin 2010, le Conseil européen a souligné qu’il était de plus en plus préoccupé par le programme nucléaire iranien, s’est félicité de l’adoption, par le Conseil de sécurité, de la résolution 1929 (2010), a pris acte du dernier rapport de l’AIEA, en date du 31 mai 2010, et a annoncé l’instauration de nouvelles mesures restrictives portant, notamment, sur le secteur financier.

11

Par la décision 2010/413, adoptée le 26 juillet 2010, le Conseil a mis ladite déclaration en œuvre, en abrogeant la position commune 2007/140 et en adoptant des mesures restrictives supplémentaires par rapport à cette dernière. Les considérants 17 à 20 de la décision 2010/413, relatifs aux activités financières, rappellent les décisions du Conseil de sécurité dans la résolution 1929 (2010) ainsi que la déclaration du Conseil européen du 17 juin 2010. Le chapitre 2 de la décision 2010/413 est consacré au secteur financier. L’article 10, paragraphe 1, de cette décision prévoit que, afin d’empêcher la fourniture de services financiers sur le territoire des États membres ou le transfert vers, par ou depuis leur territoire, à ou par des ressortissants des États membres ou des entités relevant de leur juridiction (y compris les filiales à l’étranger), ou des personnes ou des institutions financières présents sur leur territoire, de tous fonds, autres actifs ou ressources économiques susceptibles de contribuer aux activités nucléaires de l’Iran posant un risque de prolifération ou à la mise au point de vecteurs d’armes nucléaires, les États membres exercent une surveillance renforcée de toutes les activités menées par les institutions financières relevant de leur juridiction avec les banques domiciliées en Iran, les agences, les filiales ou les entités contrôlées par celles-ci.

12

L’article 20, paragraphe 1, de la décision 2010/413 prévoit le gel des fonds de plusieurs catégories de personnes et d’entités. Le point a) de cet article 20, paragraphe 1, vise les personnes et les entités désignées par le Conseil de sécurité, qui sont énumérées à l’annexe I de cette décision. Le point b) dudit article 20, paragraphe 1, concerne «les personnes et entités non mentionnées à l’annexe I qui participent, sont directement associées ou apportent un appui aux activités nucléaires de l’Iran posant un risque de prolifération ou à la mise au point de vecteurs d’armes nucléaires, y compris en concourant à l’acquisition des articles, biens, équipements, matières et technologies interdits, ou les personnes ou entités agissant pour leur compte ou sur leurs ordres, ou les entités qui sont leur propriété ou sont sous leur contrôle, y compris par des moyens illicites, ou les personnes et les entités qui ont aidé les personnes ou les entités désignées à se soustraire aux dispositions des résolutions 1737 (2006), 1747 (2007), 1803 (2008) et 1929 (2010) du Conseil de sécurité ou de la présente décision, ou à les enfreindre, ainsi que les autres membres de haut niveau et entités du Corps des gardiens de la révolution islamique et de la compagnie Islamic Republic of Iran Shipping Lines et les entités qui sont leur propriété, sont sous leur contrôle ou agissent pour leur compte, telles qu’énumérées à l’annexe II».

13

Plusieurs entités financières ou groupes de telles entités sont mentionnés à l’annexe II de la décision 2010/413. Bank Mellat est inscrite au point 4 de la partie I, B, de cette annexe. Les motifs suivants sont indiqués:

«La Banque Mellat est une banque d’État. Elle a un comportement qui soutient et facilite les programmes nucléaires et de missiles balistiques de l’Iran. Elle fournit des services bancaires à des entités figurant sur les listes des Nations unies et de l’[Union], à des entités agissant pour le compte ou sur les instructions de celles-ci ou à des entités détenues ou contrôlées par elles. Elle est la société mère de [FEE], qui est désignée dans la résolution 1929 du Conseil de sécurité [...].»

14

Par le règlement d’exécution no 668/2010, adopté le 26 juillet 2010 en exécution de l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 423/2007, le nom de Bank Mellat, mentionné au point 2 de la partie I, B, de l’annexe de ce règlement d’exécution, a été ajouté à la liste des personnes morales, entités et organismes figurant dans le tableau I de l’annexe V du règlement no 423/2007.

15

Les motifs de l’inscription de Bank Mellat sur ladite liste sont quasi identiques à ceux figurant dans la décision 2010/413.

16

Par lettre du 27 juillet 2010, le Conseil a informé Bank Mellat de l’inclusion de son nom dans la liste de l’annexe II de la décision 2010/413 et dans celle de l’annexe V du règlement no 423/2007.

17

Par lettres des 16 et 24 août et des 2 et 9 septembre 2010, Bank Mellat a invité le Conseil à lui communiquer les éléments sur lesquels il s’était basé pour adopter les mesures restrictives à son égard.

18

En réponse aux demandes d’accès au dossier de la demanderesse, le Conseil lui a communiqué, par lettre du 13 septembre 2010, les copies de deux propositions d’adoption des mesures restrictives présentées par des États membres. Il a également fixé à la demanderesse un délai expirant le 25 septembre 2010 pour présenter ses observations concernant l’adoption des mesures restrictives à son égard.

19

L’annexe II de la décision 2010/413 a été revue et réécrite par la décision 2010/644, adoptée le 25 octobre 2010. Dans le considérant 2 de cette décision, le Conseil indique avoir tenu compte des observations qui lui ont été soumises par les intéressés.

20

Le nom de Bank Mellat a été repris au point 4 de la liste des entités figurant dans le tableau I de l’annexe II de la décision 2010/413 telle qu’elle résulte de la décision 2010/644. La motivation n’indique plus qu’il s’agit d’une banque d’État, mais pour le reste, elle est identique à celle figurant dans la décision 2010/413.

21

Le règlement no 423/2007 a été abrogé et remplacé par le règlement no 961/2010, adopté le 25 octobre 2010. Aux termes de l’article 16, paragraphe 2, de ce règlement:

«Sont gelés tous les fonds et ressources économiques appartenant aux personnes, entités ou organismes énumérés à l’annexe VIII, de même que tous les fonds et ressources économiques que ces personnes, entités ou organismes possèdent, détiennent ou contrôlent. L’annexe VIII comprend les personnes physiques et morales, les entités et les organismes [...] qui ont été reconnus conformément à l’article 20, paragraphe 1, point b), de la décision 2010/413 [...]:

a)

comme participant, étant directement associés ou apportant un appui aux activités nucléaires de l’Iran posant un risque de prolifération ou à la mise au point de vecteurs d’armes nucléaires par l’Iran, y compris en concourant à l’acquisition de biens et technologies interdits, ou comme étant détenus par une telle personne ou entité ou par un tel organisme, ou se trouvant sous leur contrôle, y compris par des moyens illicites, ou agissant pour leur compte ou selon leurs instructions;

b)

comme étant une personne physique ou morale, une entité ou un organisme ayant aidé une personne, une entité ou un organisme figurant sur une liste à enfreindre les dispositions du présent règlement, de la décision 2010/413 [...] ou des résolutions 1737 (2006), 1747 (2007), 1803 (2008) et 1929 (2010) [...], ou à s’y soustraire;

[...]»

22

Le nom de Bank Mellat a été inscrit par le Conseil au point 4 de la liste des personnes morales, entités et organismes énumérés à l’annexe VIII, B, du règlement no 961/2010. Les motifs de cette inscription sont quasi identiques à ceux figurant dans la décision 2010/413 telle qu’elle résulte de la décision 2010/644.

23

Le 31 mai 2011, le Conseil a communiqué à Bank Mellat, à l’annexe du mémoire en duplique déposé dans le cadre du recours en annulation ayant donné lieu à l’arrêt attaqué, un document du Conseil daté du 27 mai 2011 contenant l’extrait d’une troisième proposition d’inscription de Bank Mellat sur la liste des entités faisant l’objet de mesures restrictives (ci-après la «troisième proposition»).

24

Le 1er décembre 2011, le Conseil a décidé, après avoir procédé à un réexamen, de maintenir Bank Mellat sur la liste de la décision 2010/413, par la décision 2011/783, ainsi que sur la liste du règlement no 961/2010, par le règlement d’exécution no 1245/2011.

25

Faisant référence aux conclusions du Conseil européen du 9 décembre 2011, le Conseil a adopté de nouvelles mesures par la décision 2012/35/PESC, du 23 janvier 2012, modifiant la décision 2010/413 (JO L 19, p. 22).

26

Le 23 mars 2012, il a adopté de nouvelles mesures par le règlement no 267/2012, qui abroge et remplace le règlement no 961/2010. Le gel des fonds et des ressources économiques est prévu à l’article 23 du règlement no 267/2012. L’article 23, paragraphe 2, est alors rédigé comme suit:

«Sont gelés tous les fonds et ressources économiques appartenant aux personnes, entités et organismes énumérés à l’annexe IX, de même que tous les fonds et ressources économiques que ces personnes, entités ou organismes possèdent, détiennent ou contrôlent. L’annexe IX comprend les personnes physiques et morales, les entités et les organismes qui, conformément à l’article 20, paragraphe 1, points b) et c), de la décision [2010/413], ont été reconnus:

a)

comme participant, étant directement associés ou apportant un appui aux activités nucléaires de l’Iran posant un risque de prolifération ou à la mise au point de vecteurs d’armes nucléaires par l’Iran, y compris en concourant à l’acquisition de biens et technologies interdits, ou appartenant à une telle personne, entité ou organisme, ou se trouvant sous son contrôle, y compris par des moyens illicites, ou agissant pour son compte ou selon ses instructions;

b)

comme étant une personne physique ou morale, une entité ou un organisme ayant aidé une personne, une entité ou un organisme figurant sur une liste à enfreindre les dispositions du présent règlement, de la décision [2010/413] ou des résolutions 1737 (2006), 1747 (2007), 1803 (2008) et 1929 (2010) [...], ou à s’y soustraire;

[...]

d)

comme étant d’autres personnes, entités ou organismes qui fournissent un appui au gouvernement iranien, notamment un soutien matériel, logistique ou financier, ou qui lui sont associés;

[...]»

27

Bank Mellat est inscrite au point 4 du tableau B, sous le titre I, de l’annexe IX du règlement no 267/2012. Les motifs de cette inscription sont quasi identiques à ceux figurant dans la décision 2010/413 telle qu’elle résulte de la décision 2010/644.

La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

28

Par requête déposée au greffe du Tribunal le 7 octobre 2010, Bank Mellat a introduit un recours en annulation contre la décision 2010/413 et le règlement d’exécution no 668/2010. Par la suite, elle a élargi ses chefs de conclusions, demandant également l’annulation de la décision 2010/644, du règlement no 961/2010, de la décision 2011/783, du règlement d’exécution no 1245/2011 et du règlement no 267/2012, pour autant que ces actes la concernent.

29

Tout d’abord, le Tribunal a rejeté l’argumentation tant du Conseil que de la Commission, selon laquelle Bank Mellat n’était pas en droit d’invoquer les protections et les garanties liées aux droits fondamentaux.

30

Il a ensuite examiné le recours présenté par Bank Mellat. Celle-ci faisait valoir trois moyens. Le premier moyen était tiré d’une violation de l’obligation de motivation, de ses droits de la défense et de son droit à une protection juridictionnelle effective. Le deuxième moyen était tiré d’une erreur manifeste d’appréciation s’agissant de l’adoption des mesures restrictives à son égard. Le troisième moyen était tiré d’une violation de son droit de propriété et du principe de proportionnalité.

31

Dans le cadre du premier moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation, de ses droits de la défense et de son droit à une protection juridictionnelle effective, le Tribunal a examiné chacun des motifs concernant Bank Mellat et figurant dans les actes litigieux et dans les propositions d’adoption des mesures restrictives. Il a jugé que le Conseil avait violé l’obligation de motivation pour ce qui concerne certains motifs en raison de leur manque de précision. En raison de ce manque de précision, le droit à la protection juridictionnelle de Bank Mellat a également été violé en ce qui concerne ces motifs. Ce droit a en outre été violé pour ce qui concerne la décision 2010/413, le règlement d’exécution no 668/2010, la décision 2010/644 et le règlement no 961/2010 en raison de la communication tardive de la troisième proposition d’adoption des mesures restrictives. Enfin, le Tribunal a considéré que l’examen de la décision 2010/413 et du règlement d’exécution no 668/2010 était affecté d’un vice dès lors que le dossier ne contenait aucun indice suggérant que le Conseil avait vérifié la pertinence et le bien-fondé des éléments visant Bank Mellat. En conséquence, le Tribunal a fait droit au premier moyen en ce qui concerne la décision 2010/413, le règlement d’exécution no 668/2010, la décision 2010/644 et le règlement no 961/2010.

32

Le Tribunal a ensuite examiné le deuxième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation s’agissant de l’adoption des mesures restrictives à l’égard de Bank Mellat. Cet examen a porté sur les motifs considérés comme suffisamment précis et ne violant pas l’obligation de motivation. Aucun de ces motifs invoqués par le Conseil à l’encontre de la demanderesse ne justifiant l’adoption des mesures restrictives la visant, le Tribunal a accueilli le deuxième moyen et annulé les actes litigieux pour autant qu’ils concernent la demanderesse, sans qu’il fût nécessaire d’examiner le troisième moyen, tiré d’une violation du principe de proportionnalité.

Les conclusions des parties

33

Le Conseil demande à la Cour:

d’annuler l’arrêt attaqué;

de statuer définitivement sur le litige et de rejeter le recours formé par Bank Mellat contre les actes litigieux;

de condamner Bank Mellat aux dépens exposés par le Conseil tant en première instance que dans le cadre du présent pourvoi.

34

Bank Mellat demande à la Cour de rejeter le pourvoi et de condamner le Conseil aux dépens.

35

La Commission soutient intégralement les conclusions formulées par le Conseil dans son pourvoi.

36

Le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord demande à la Cour de faire droit au pourvoi, d’annuler l’arrêt attaqué et de rejeter le recours formé par Bank Mellat contre les actes litigieux.

Sur le pourvoi

Sur l’exception d’irrecevabilité du pourvoi

Argumentation des parties

37

Bank Mellat soutient que le pourvoi a été introduit hors délai. Elle fait valoir que les délais de distance prévus par le règlement de procédure de la Cour ne sont pas applicables, le Conseil n’étant pas éloigné de la Cour puisqu’il communique avec celle-ci par voie électronique.

38

Le Conseil rappelle l’article 51 du règlement de procédure, selon lequel les délais de distance sont forfaitaires.

Appréciation de la Cour

39

Ainsi que l’a souligné Mme l’avocat général aux points 32 et 33 de ses conclusions, si la terminologie utilisée pour désigner les délais prévus à l’article 51 du règlement de procédure rappelle que ces délais visaient à compenser le temps requis par les services postaux en fonction de l’éloignement de la Cour, ces délais sont, depuis les modifications du règlement de procédure de la Cour de justice du 28 novembre 2000 (JO L 322, p. 1), des délais forfaitaires (voir, en ce sens, arrêt Gbagbo e.a./Conseil, C‑478/11 P à C‑482/11 P, EU:C:2013:258, point 63).

40

Il s’ensuit que l’article 51 du règlement de procédure était applicable en l’espèce, même si le Conseil communiquait avec la Cour par voie électronique. Par conséquent, le pourvoi a été introduit dans le délai prévu et l’exception d’irrecevabilité doit être rejetée.

Sur le fond

41

Le Conseil fait valoir que l’arrêt attaqué est entaché de plusieurs erreurs de droit.

Sur l’exception d’irrecevabilité des moyens tirés de la violation des droits fondamentaux

– L’arrêt attaqué

42

Au point 46 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté l’argumentation tant du Conseil que de la Commission, selon laquelle Bank Mellat n’était pas en droit d’invoquer les protections et les garanties liées aux droits fondamentaux. Il a jugé, au point 41 de cet arrêt, que le droit de l’Union ne comporte pas de règle empêchant des personnes morales qui sont des émanations des États tiers d’invoquer à leur profit les protections et les garanties liées aux droits fondamentaux et, au point 42 dudit arrêt, que, au demeurant et en tout état de cause, le Conseil et la Commission n’ont pas avancé d’éléments permettant d’établir que la demanderesse était effectivement une émanation de l’État iranien.

– Argumentation des parties

43

Le Conseil critique, tout d’abord, les points 35 à 41 de l’arrêt attaqué. Il estime que le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant que, même s’il était établi que Bank Mellat est une émanation de l’État iranien, celle-ci pourrait invoquer à son profit, devant le juge de l’Union, les protections et les garanties liées aux droits fondamentaux.

44

Il tire argument de l’article 34 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la «CEDH»), qui exclut la saisine de la Cour européenne des droits de l’homme par des organisations gouvernementales et des entités similaires, et d’autres dispositions équivalentes, tel l’article 44 de la convention américaine relative aux droits de l’homme, du 22 novembre 1969. La ratio legis serait le fait qu’un État ne saurait être bénéficiaire de droits fondamentaux. Même si les traités de l’Union et la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ne contiennent pas de dispositions analogues à l’article 34 de la CEDH, le même principe serait d’application.

45

Il considère que le Tribunal a également commis une erreur de droit lorsqu’il a estimé qu’il n’existait aucun élément permettant d’établir que Bank Mellat constitue bien une organisation gouvernementale. À cet égard, le Conseil mentionne:

la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, selon laquelle il est nécessaire d’examiner avec soin chaque contexte de fait et de droit pour déterminer si une entité est une organisation ou une entité gouvernementale ou non gouvernementale;

les travaux de la Commission du droit international des Nations unies, et notamment les commentaires relatifs à l’article 2, sous b), de la convention des Nations unies sur l’immunité juridictionnelle des États et de leurs biens, adoptée le 2 décembre 2004, selon lesquels le concept d’«organismes ou institutions de l’État et autres entités» peut englober les entreprises d’État ou les autres entités établies par l’État qui effectuent des transactions commerciales, et

la jurisprudence de la Cour en matière d’aides (arrêt France/Commission, C‑482/99, EU:C:2002:294, point 55).

46

Ce serait donc à tort que le Tribunal a estimé que, en raison du fait que Bank Mellat mène des activités commerciales soumises au droit commun, celles-ci ne peuvent être qualifiées de «service public» même si elles sont nécessaires pour le fonctionnement de l’économie d’un État. Le Tribunal n’aurait pas non plus tenu dûment compte de l’influence que le gouvernement iranien exerce sur Bank Mellat, alors que cet État détient, dans cette banque, une participation de 20 % et que le reste de l’actionnariat est dispersé.

47

Bank Mellat conteste l’argumentation du Conseil.

– Appréciation de la Cour

48

Il y a lieu de relever que le recours introduit par Bank Mellat s’inscrit dans le cadre de l’article 275, second alinéa, TFUE (arrêt Conseil/Manufacturing Support & Procurement Kala Naft, C‑348/12 P, EU:C:2013:776, point 50).

49

Bank Mellat fait valoir des moyens tirés d’une violation de ses droits de la défense et de son droit à une protection juridictionnelle effective. De tels droits peuvent être invoqués par toute personne physique ou toute entité formant un recours devant les juridictions de l’Union.

50

Il en va de même des moyens tirés d’une violation des formes substantielles, tel celui tiré d’une violation de l’obligation de motivation d’un acte.

51

S’agissant de moyens tirés d’une erreur manifeste d’appréciation ou d’une violation du principe général de proportionnalité, il y a lieu de constater que la possibilité, pour une entité étatique, de les invoquer est une question qui a trait au fond du litige (arrêt Conseil/Manufacturing Support & Procurement Kala Naft, C‑348/12 P, EU:C:2013:776, point 51).

52

Eu égard à ces éléments, il y a lieu de rejeter le moyen du Conseil sans qu’il soit nécessaire d’examiner l’argument tiré d’une erreur du Tribunal lorsque celui-ci a jugé qu’il n’était pas établi que Bank Mellat était une entité étatique, cet argument étant inopérant.

Sur l’obligation de motivation, les droits de la défense, le droit à une protection juridictionnelle effective et l’accès au dossier

– L’arrêt attaqué

53

Aux points 49 à 51 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a rappelé la jurisprudence relative à l’obligation de motiver les actes, prévue à l’article 296, deuxième alinéa, TFUE. Aux points 52 à 55 de cet arrêt, il a rappelé la jurisprudence relative aux droits de la défense et à l’obligation de communiquer les éléments retenus à la charge de l’entité intéressée afin que celle-ci soit mise en mesure de faire valoir utilement son point de vue au sujet de ces éléments.

54

Aux points 63 et 64 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré que, pour apprécier le respect de l’obligation de motivation et de l’obligation de communiquer à Bank Mellat les éléments retenus à sa charge, il y a lieu de prendre en considération, outre les motifs figurant dans les actes litigieux, deux propositions d’adoption des mesures restrictives communiquées par le Conseil à la demanderesse par lettre du 13 septembre 2010 ainsi que la troisième proposition annexée par le Conseil à son mémoire en duplique, déposé le 31 mai 2011. Selon le Tribunal, ces propositions ont été soumises aux délégations des États membres dans le contexte de l’adoption des mesures restrictives visant la demanderesse et constituent, par conséquent, des éléments sur lesquels sont fondées ces mesures.

55

Au point 65 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté:

«[...] il est vrai que la troisième proposition a été communiquée à la [demanderesse] tant après l’introduction du recours qu’après l’adaptation des conclusions consécutive à l’adoption de la décision 2010/644 et du règlement no 961/2010. Dès lors, elle ne peut pas valablement compléter la motivation de la décision 2010/413, du règlement d’exécution no 668/2010, de la décision 2010/644 et du règlement no 961/2010. Elle peut, néanmoins, être prise en considération dans le cadre de l’appréciation de la légalité des actes ultérieurs, à savoir de la décision 2011/783, du règlement d’exécution no 1245/2011 et du règlement no 267/2012.»

56

Aux points 66 à 76 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a examiné chacun des motifs figurant dans les actes litigieux et dans les propositions d’adoption des mesures restrictives. Les points 66 à 69 sont rédigés comme suit:

«66

Les actes [litigieux] mentionnent les quatre motifs suivants qui concernent la [demanderesse]:

selon la décision 2010/413 et le règlement d’exécution no 668/2010, la [demanderesse] est une banque d’État (ci-après le ‘premier motif’);

la [demanderesse] a un comportement qui soutient et facilite les programmes nucléaires et de missiles balistiques de l’Iran (ci-après le ‘deuxième motif’);

la [demanderesse] fournit des services bancaires à des entités figurant sur les listes des Nations unies et de [l’Union], à des entités agissant pour le compte ou sur les instructions de celles-ci ou à des entités détenues ou contrôlées par elles (ci‑après le ‘troisième motif’);

la [demanderesse] est la société mère de [FEE], qui est désignée dans la résolution 1929 (2010) [...] (ci-après le ‘quatrième motif’).

67

La première des deux propositions d’adoption des mesures restrictives communiquées le 13 septembre 2010 recoupe, en partie, le deuxième motif fourni dans les actes [litigieux]. Elle ajoute les motifs suivants:

la [demanderesse] fournit des services bancaires à l’Organisation iranienne de l’énergie atomique (ci-après [l’]‘OIEA’) et à Novin Energy Company (ci-après ‘Novin’), qui sont visées par des mesures restrictives adoptées par le Conseil de sécurité [...] (ci-après le ‘cinquième motif’);

la [demanderesse] gère les comptes des hauts responsables de l’Organisation des industries aérospatiales et d’un responsable des achats iranien (ci‑après le ‘sixième motif’).

68

La seconde proposition communiquée le 13 septembre 2010 recoupe, pour l’essentiel, la motivation des actes [litigieux]. Elle ajoute un seul motif, selon lequel la [demanderesse] aurait facilité le mouvement de millions de dollars pour le programme nucléaire iranien depuis au moins 2003 (ci-après le ‘septième motif’).

69

La troisième proposition d’adoption des mesures restrictives, qui est annexée à la duplique, ne comporte pas d’éléments supplémentaires par rapport aux actes [litigieux] et aux deux propositions communiquées le 13 septembre 2010.»

57

Au point 77, le Tribunal a jugé que le Conseil a violé l’obligation de motivation ainsi que l’obligation de communiquer à la demanderesse les éléments retenus à sa charge en ce qui concerne les deuxième, troisième, sixième et septième motifs, en raison de leur manque de précision, mais que ces obligations ont été respectées en ce qui concerne les autres motifs.

58

S’agissant de l’accès au dossier, le Tribunal a observé, au point 81 de l’arrêt attaqué, qu’il ne ressortait pas des éléments du dossier que le Conseil se serait fondé, lors de l’adoption des actes litigieux, sur des éléments autres que les trois propositions de mesures restrictives à l’encontre de Bank Mellat présentées par les États membres. Il constate cependant, au point 82 de cet arrêt, que la troisième proposition n’a été communiquée à la demanderesse qu’en annexe au mémoire en duplique du Conseil, à savoir après l’expiration du délai fixé à la demanderesse par le Conseil pour présenter ses observations à la suite de l’adoption de la décision 2010/413 et du règlement d’exécution no 668/2010, après l’introduction du recours ainsi qu’après l’adoption de la décision 2010/644 et du règlement no 961/2010.

59

Au point 84 dudit arrêt, le Tribunal a rejeté l’argument du Conseil selon lequel celui-ci avait communiqué cette proposition dès qu’il avait recueilli l’accord de l’État membre dont elle émanait. Le Tribunal a jugé que, lorsque le Conseil entend se fonder sur des éléments fournis par un État membre pour adopter des mesures restrictives à l’égard d’une entité, il est tenu de s’assurer, avant l’adoption desdites mesures, que les éléments en question peuvent être communiqués à l’entité concernée en temps utile afin que celle-ci puisse faire valoir utilement son point de vue. Le Tribunal a conclu, au point 85 de ce même arrêt, que le Conseil n’a pas donné accès à cet élément de son dossier en temps utile, en violation des droits de la défense.

60

Statuant sur la possibilité pour la demanderesse de faire valoir utilement son point de vue, le Tribunal a considéré, au point 89 de l’arrêt attaqué, que la demanderesse a eu l’occasion de faire valoir utilement son point de vue, sauf en ce qui concerne, d’une part, les deuxième, troisième, sixième et septième motifs fournis par le Conseil, qui étaient excessivement vagues, et, d’autre part, la proposition d’adoption des mesures restrictives communiquée à l’annexe du mémoire en duplique du Conseil, pour autant qu’elle n’en disposait pas à la date de la présentation des observations.

61

Au point 90 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré qu’il ressortait des lettres du Conseil que celui-ci avait pris en considération les observations de la demanderesse. Il a notamment relevé, au point 91 de cet arrêt, que le Conseil a rectifié la mention selon laquelle la demanderesse était une banque d’État, dont l’exactitude a été contestée par cette dernière.

62

Au point 96 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé que le droit de la demanderesse à une protection juridictionnelle effective a été violé, eu égard au manque de précision des deuxième, troisième, sixième et septième motifs, et à la communication tardive de l’une des propositions d’adoption des mesures restrictives. En revanche, ce droit n’a pas été violé en ce qui concerne les premier, quatrième et cinquième motifs invoqués par le Conseil.

– Argumentation des parties

63

En premier lieu, sous l’intitulé «Obligation de motivation», le Conseil estime que le Tribunal a commis une erreur de droit en appréciant chacun des motifs séparément au lieu de les examiner globalement. Ces motifs seraient de toute évidence liés. En particulier, le troisième motif serait une description plus précise du comportement mentionné dans le deuxième. En outre, ce serait à tort que le Tribunal aurait jugé, au point 73 de l’arrêt attaqué, que ces deux derniers motifs «ne précisent pas [le] comportement reproché». Même si ce troisième motif ne mentionnait pas le nom des entités figurant sur les listes des Nations unies et de l’Union auxquelles Bank Mellat fournit des services bancaires, celle-ci aurait pu comparer lesdites entités à ses listes de clients et contester ledit motif dans le cas où aucun de ses clients n’aurait figuré sur les listes des Nations unies ou de l’Union.

64

S’agissant du sixième motif, figurant dans une proposition d’inscription présentée par un État membre et mentionnant que Bank Mellat gère les comptes de responsables de l’Organisation des industries aérospatiales et d’un responsable des achats, le Conseil considère que c’est à tort que le Tribunal a jugé qu’il n’était pas suffisamment détaillé. En effet, puisque les informations sur les clients d’une banque comprennent le nom de leur employeur, Bank Mellat aurait pu vérifier si l’un des clients était employé de cette organisation ou le responsable des achats. Ce motif répondait donc aux exigences définies par la jurisprudence en ce qu’il donnait suffisamment d’informations pour pouvoir déterminer si les actes litigieux étaient bien fondés.

65

La Commission soutient que la position adoptée par le Tribunal, au point 77 de l’arrêt attaqué, selon laquelle le recours en annulation est fondé pour ce qui concerne certains motifs mais pas pour d’autres, n’est pas défendable. Le Conseil ne pourrait être considéré comme ayant enfreint l’obligation de motivation et de communication à l’égard de la demanderesse pour chaque motif séparément.

66

Dans son mémoire en intervention, le Royaume-Uni conteste également la conclusion du Tribunal selon laquelle le deuxième motif serait excessivement vague, alors que ce motif doit être lu en combinaison avec les motifs qui le suivent.

67

En deuxième lieu, sous l’intitulé «L’accès au dossier», le Conseil conteste la décision du Tribunal, au point 63 de l’arrêt attaqué, selon laquelle, «pour apprécier le respect de l’obligation de motivation et de l’obligation de communiquer à l’entité intéressée les éléments retenus à sa charge, il y a lieu de prendre en considération, outre les motifs figurant dans les actes litigieux, les trois propositions d’adoption des mesures restrictives communiquées par le Conseil à la [demanderesse]».

68

Il fait valoir que le Tribunal a mal appliqué la jurisprudence qu’il cite au point 54 de l’arrêt attaqué, qui a été établie dans le contexte des premières affaires concernant le terrorisme, alors qu’aucun motif n’était fourni pour justifier une inscription sur une liste de personnes, d’entités et d’organismes faisant l’objet de mesures restrictives et que, dans ces circonstances, les termes «motifs» et «éléments» étaient interchangeables. En l’espèce, les actes contenaient des motifs, si bien que rien ne justifiait la communication des propositions d’adoption de mesures restrictives qui, en tout état de cause, n’apportaient aucune valeur ajoutée.

69

Quant aux éléments qui ne figuraient pas dans l’exposé des motifs du Conseil, ils ne devraient pas non plus être communiqués séparément puisque l’on ne peut présumer d’office que le Conseil s’en est servi comme motifs et comme éléments de preuve. Selon le Conseil, le Tribunal aurait dû appliquer la jurisprudence qu’il a citée au point 55 de l’arrêt attaqué, selon laquelle, lorsque les motifs sont suffisamment précis, ce n’est que sur la demande de la partie intéressée que le Conseil est tenu de donner accès à tous les documents administratifs non confidentiels concernant la mesure en cause (arrêt Bank Melli Iran/Conseil, T‑390/08, EU:T:2009:401, point 97).

70

Faisant référence au point 111 de l’arrêt Commission e.a./Kadi (C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518), le Royaume-Uni fait valoir que, s’agissant des listes d’entités faisant l’objet de mesures restrictives, seul l’exposé des motifs d’inscription sur de telles listes fournis par le Conseil devait être divulgué et non les propositions d’inscription des entités concernées.

71

Bank Mellat fait sienne l’argumentation du Tribunal. Elle fait valoir que, même examinés ensemble, les deuxième et troisième motifs ne sont pas suffisamment précis, puisque le troisième, prétendument plus spécifique, a été qualifié à juste titre d’«excessivement vague». S’agissant du sixième motif, Bank Mellat fait valoir que le Conseil n’apporte aucune preuve de l’affirmation selon laquelle les dossiers de la banque sur ses clients contiendraient le nom de l’employeur de ces derniers. Quant au septième motif, le Conseil ne le défend pas dans le cadre du pourvoi.

72

Bank Mellat fait valoir que le Conseil était tenu de fournir les propositions d’inscription auxdites listes à la date même de cette inscription ou peu après, dès lors qu’il s’agissait des seuls éléments composant le dossier. S’agissant de l’affirmation du Conseil selon laquelle il n’était d’aucune utilité, pour Bank Mellat, d’obtenir ces propositions d’inscription, Bank Mellat répond qu’il n’appartient pas au Conseil d’apprécier les éléments du dossier qui peuvent être pertinents pour un requérant. Il serait contraire aux droits de la défense de permettre au Conseil de procéder au choix des éléments du dossier à retenir.

73

Bank Mellat conteste l’argument selon lequel la jurisprudence issue de l’arrêt Bank Melli Iran/Conseil (T‑390/08, EU:T:2009:401) aurait dû être appliquée en l’espèce, dès lors qu’elle ne disposait pas d’informations suffisamment précises lui permettant de faire connaître utilement son point de vue sur les éléments retenus à sa charge. Elle souligne que tant le Tribunal que le Conseil se sont fondés sur le fait que les propositions d’inscription sur des listes d’entités faisant l’objet de mesures restrictives constituaient des preuves, alors que tel n’était pas le cas.

– Appréciation de la Cour

74

Selon une jurisprudence constante, l’obligation de motiver un acte faisant grief, qui constitue un corollaire du principe du respect des droits de la défense, a pour but, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour savoir si l’acte est bien fondé ou s’il est éventuellement entaché d’un vice permettant d’en contester la validité devant le juge de l’Union et, d’autre part, de permettre à ce dernier d’exercer son contrôle sur la légalité de cet acte (voir arrêt Conseil/Bamba, C‑417/11 P, EU:C:2012:718, point 49 et jurisprudence citée).

75

La motivation exigée à l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et au contexte dans lequel il a été adopté. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où le caractère suffisant d’une motivation doit être apprécié au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir, arrêt Conseil/Bamba, C‑417/11 P, EU:C:2012:718, point 53, et jurisprudence citée). Un acte faisant grief est suffisamment motivé dès lors qu’il est intervenu dans un contexte connu de l’intéressé, qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (arrêt Conseil/Manufacturing Support & Procurement Kala Naft, C‑348/12 P, EU:C:2013:776, point 71).

76

S’agissant de mesures restrictives, sans aller jusqu’à imposer de répondre de manière détaillée aux observations soulevées par la personne concernée, l’obligation de motivation prévue à l’article 296 TFUE implique en toutes circonstances, y compris lorsque la motivation de l’acte de l’Union correspond à des motifs exposés par une instance internationale, que cette motivation identifie les raisons individuelles, spécifiques et concrètes pour lesquelles les autorités compétentes considèrent que la personne concernée doit faire l’objet de telles mesures. Le juge de l’Union doit, dès lors, notamment vérifier le caractère suffisamment précis et concret des motifs invoqués (voir, en ce sens, arrêt Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, points 116 et 118).

77

En l’occurrence, en examinant les deuxième et troisième motifs, le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit, le Conseil n’ayant pas avancé devant celui-ci que ces motifs devaient être lus conjointement.

78

En tout état de cause, même à supposer, comme le soutient le Conseil, que ledit troisième motif aurait dû être compris en ce sens qu’il explicite le comportement reproché au deuxième motif, une lecture combinée desdits motifs ne permettrait pas à Bank Mellat de savoir concrètement quels services bancaires celle-ci a fournis à quelles entités «figurant sur les listes des Nations unies et de l’[Union]» ou «agissant pour le compte ou sur les instructions de ces entités inscrites ou appartenant à des entités détenues ou contrôlées par elles». Dans ces conditions, il ne saurait être reproché au Tribunal d’avoir conclu, au point 73 de l’arrêt attaqué, que les deuxième et troisième motifs d’inscription sur lesdites listes sont trop vagues.

79

C’est également à juste titre que le Tribunal a qualifié, au point 76 de l’arrêt attaqué, le sixième motif comme n’étant pas suffisamment précis en raison du fait qu’il n’identifie pas les personnes dont Bank Mellat a géré les comptes.

80

Contrairement à ce que soutient le Conseil dans son pourvoi, il n’appartenait pas à Bank Mellat, dans le cadre de la procédure visant à l’adoption de mesures de gel de fonds, de comparer, aux fins de sa défense, ses listes de clients avec les noms des entités figurant sur les listes des Nations unies et de l’Union, ou encore de vérifier si l’un de ses clients était un employé de l’Organisation des industries aérospatiales.

81

Un tel résultat serait contraire à la jurisprudence citée au point 76 du présent arrêt, qui exige que la motivation de l’acte identifie les raisons individuelles, spécifiques et concrètes pour lesquelles les autorités compétentes considèrent que la personne concernée doit faire l’objet de mesures restrictives.

82

Enfin, s’agissant de l’accès au dossier, c’est à juste titre que le Tribunal a considéré, aux points 84, 85 et 105 de l’arrêt attaqué, que le Conseil était tenu de s’assurer, avant l’adoption des mesures restrictives, que les éléments retenus à charge contre Bank Mellat pouvaient lui être communiqués en temps utile afin que celle-ci puisse faire valoir utilement son point de vue et que la communication tardive de la troisième proposition, annexée au mémoire en duplique du Conseil, violait les droits de la défense de la demanderesse et son droit à une protection juridictionnelle effective et, dès lors, affectait la légalité de la décision 2010/413, du règlement d’exécution no 668/2010, de la décision 2010/644 et du règlement no 961/2010, pour autant que ces actes concernaient Bank Mellat.

Sur les vices affectant l’examen effectué par le Conseil

– L’arrêt attaqué

83

Toujours dans le cadre du moyen tiré d’une violation de l’obligation de motivation, des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective, le Tribunal synthétise comme suit un argument de Bank Mellat:

«97

La [demanderesse] soutient que le Conseil n’a pas procédé à un véritable examen des circonstances de l’espèce, mais qu’il s’est borné à adopter les propositions présentées par les États membres. Ce vice affecterait tant l’examen préalable à l’adoption des mesures restrictives la visant que le réexamen périodique de ces mêmes mesures.»

84

Le Tribunal a statué comme suit:

«101

En l’espèce, d’une part, le dossier ne contient aucun indice suggérant que le Conseil a vérifié la pertinence et le bien-fondé des éléments visant la [demanderesse] qui lui ont été soumis avant l’adoption de la décision 2010/413 et du règlement d’exécution no 668/2010. Au contraire, l’indication erronée, dans ces actes, selon laquelle la [demanderesse] était une banque d’État, dont l’inexactitude n’est pas contestée par le Conseil, tend à établir qu’aucune vérification en ce sens n’a eu lieu.

102

D’autre part, il ressort des points 90 à 92 ci-dessus que, lors de l’adoption des actes [litigieux] ultérieurs, le Conseil a réexaminé les circonstances de l’espèce à la lumière des observations de la [demanderesse], dès lors qu’il a supprimé l’indication selon laquelle elle était une banque d’État et qu’il s’est exprimé sur son argumentation relative aux services financiers fournis à des entités impliquées dans la prolifération nucléaire.

[…]

104

Dans ces circonstances, il y a lieu d’accueillir les arguments de la [demanderesse] relatifs aux vices dont serait affecté l’examen opéré par le Conseil, en ce qui concerne la décision 2010/413 et le règlement d’exécution no 668/2010, et de les rejeter pour le surplus.»

85

Au point 106 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a conclu que, lors de l’adoption de la décision 2010/413 et du règlement d’exécution no 668/2010, le Conseil n’a pas respecté l’obligation d’examiner la pertinence et le bien-fondé des éléments d’information et de preuve à l’égard de la demanderesse qui lui ont été soumis, entachant ainsi lesdits actes d’illégalité.

– Argumentation des parties

86

Le Conseil considère que le Tribunal a commis une erreur de droit en exigeant, aux points 100 et 101 de l’arrêt attaqué, la présence dans le dossier d’indices montrant que le Conseil a vérifié les éléments qui lui ont été soumis. Il fait valoir qu’il n’est pas possible de déterminer les indices devant être produits pour montrer que cette vérification a bien été effectuée par les membres du Conseil et, par ailleurs, que certains éléments provenaient de sources confidentielles auxquelles l’ensemble des membres du Conseil n’a pas accès.

87

Bank Mellat fait valoir que le principe juridique selon lequel le Conseil devrait apprécier la pertinence et le bien-fondé des informations et des éléments de preuve qui lui sont présentés n’est pas contesté. Elle estime que le Tribunal avait le droit d’invoquer l’absence de toute preuve quant au fait que le Conseil aurait mené une vérification adéquate au soutien de sa conclusion selon laquelle il n’avait pas procédé ainsi. Elle relève, en outre, que le Conseil admet qu’il n’a effectué aucune vérification des allégations contenues dans les propositions qui lui ont été soumises concernant la désignation de Bank Mellat en tant qu’entité faisant l’objet de mesures restrictives, précisément parce qu’il n’avait pas accès aux éléments de preuve sous-jacents, considérés comme confidentiels.

– Appréciation de la Cour

88

Il ressort de l’arrêt attaqué que Bank Mellat a été inscrite sur les listes d’entités faisant l’objet de mesures restrictives par l’adoption de la décision 2010/413 et du règlement d’exécution no 668/2010 sur la base des seules propositions d’inscription présentées par les États membres. Toutefois, le Tribunal ne démontre pas en quoi cet élément peut constituer l’une des causes d’annulation visées à l’article 263 TFUE.

89

Ainsi que l’a relevé Mme l’avocat général au point 95 de ses conclusions, il n’apparaît pas que la vérification de la pertinence et du bien-fondé des éléments visant la demanderesse qui ont été soumis au Conseil avant l’adoption de la décision 2010/413 et du règlement d’exécution no 668/2010 puisse constituer une forme substantielle de l’adoption de ces actes dont le non-respect pourrait entraîner l’illégalité de ceux-ci. Le Tribunal n’a pas établi qu’une telle forme serait prévue par le traité FUE ou un acte de droit dérivé.

90

Le Tribunal n’a pas non plus établi en quoi cet élément pourrait contribuer à une violation de l’obligation de motivation, des droits de la défense de Bank Mellat ou de son droit à une protection juridictionnelle effective invoqués par Bank Mellat dans son premier moyen, ou encore de toute autre règle de droit.

91

Aucune des causes d’annulation visées à l’article 263 TFUE n’ayant été démontrée par le Tribunal comme affectant la validité de la décision 2010/413 et du règlement d’exécution no 668/2010 en raison de l’absence de vérification de la pertinence et du bien-fondé des éléments visant la demanderesse, il y a lieu de constater que le Tribunal a commis une erreur de droit en jugeant, aux points 100 et 101 de l’arrêt attaqué, que, lors de l’adoption d’un premier acte arrêtant des mesures restrictives à l’encontre des entités prétendument impliquées dans la prolifération nucléaire, le Conseil est tenu d’examiner la pertinence et le bien-fondé des éléments d’information et de preuves qui lui sont soumis par un État membre ou par le haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité. En conséquence, le Tribunal a commis la même erreur de droit en concluant, au point 106 de l’arrêt attaqué, que, lors de l’adoption de la décision 2010/413 et du règlement d’exécution no 668/2010, le Conseil n’a pas respecté l’obligation d’examiner la pertinence et le bien-fondé des éléments d’information et de preuve à l’égard de la demanderesse qui lui ont été soumis, entachant ainsi lesdits actes d’illégalité.

Sur l’erreur manifeste d’appréciation

– L’arrêt attaqué

92

Au point 112 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré que, compte tenu du défaut de motivation des deuxième, troisième, sixième et septième motifs invoqués par le Conseil à l’égard de la demanderesse, il convenait de se limiter à la vérification du bien-fondé des premier, quatrième et cinquième motifs invoqués.

93

Au point 113 dudit arrêt, il a jugé que le premier motif, selon lequel Bank Mellat serait une banque d’État, repose sur un constat factuel erroné et ne saurait donc justifier les mesures restrictives adoptées à l’égard de la demanderesse par la décision 2010/413 et par le règlement d’exécution no 668/2010.

94

S’agissant du quatrième motif, relatif à FEE, filiale détenue par Bank Mellat, le Tribunal a jugé, au point 117 de ce même arrêt, que, d’une part, il est fondé sur de simples allégations et, d’autre part, il ne constitue pas un motif autonome par rapport à ceux visant la demanderesse directement.

95

En ce qui concerne le cinquième motif, le Tribunal a jugé, au point 118 de l’arrêt attaqué, que le Conseil n’a produit aucun élément de preuve ou d’information établissant que Bank Mellat avait fourni des services à l’OIEA. S’agissant des services fournis à Novin, le Tribunal a jugé, au point 128 de cet arrêt, qu’il y avait lieu de tenir compte de l’allégation de Bank Mellat selon laquelle celle-ci n’était pas informée de l’implication de Novin dans la prolifération nucléaire avant l’adoption des mesures restrictives visant celle-ci par le Conseil de sécurité.

96

Par ailleurs, au point 131 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré que la demanderesse a démontré avoir agi sans délai afin de cesser la fourniture de services financiers à Novin après avoir appris l’implication de cette dernière dans la prolifération nucléaire. Le Tribunal a jugé, au point 137 de cet arrêt, que ni les services fournis par Bank Mellat à Novin avant l’adoption des mesures restrictives visant cette dernière ni les modalités de la cessation de la relation commerciale de la demanderesse avec Novin ne constituent un appui à la prolifération nucléaire au sens de la décision 2010/413 ainsi que des règlements nos 423/2007, 961/2010 et 267/2012.

97

Eu égard à ces éléments, le Tribunal a conclu, au point 139 de l’arrêt attaqué, qu’aucun des premier, quatrième et cinquième motifs invoqués par le Conseil à l’encontre de la demanderesse ne justifiant l’adoption des mesures restrictives la visant, il y avait lieu d’accueillir le deuxième moyen.

– Argumentation des parties

98

S’agissant du quatrième motif, relatif au fait que FEE, filiale détenue à 100 % par Bank Mellat, est visée par la résolution 1929 (2010) du Conseil de sécurité, le Conseil rappelle que cette désignation de FEE, en tant qu’entité faisant l’objet de mesures restrictives, est motivée, notamment, par le fait que, «au cours des sept dernières années, Bank Mellat a permis aux entités iraniennes associées au programme d’arme nucléaire, de missiles et de défense d’effectuer des transactions de plusieurs centaines de millions de dollars». Selon le Conseil, c’est à tort que le Tribunal a jugé, au point 117 de l’arrêt attaqué, que ce motif n’était fondé que sur de simples allégations et ne constituait pas un motif autonome par rapport aux autres motifs visant Bank Mellat directement. Il rappelle l’importance particulière qui s’attache aux résolutions du Conseil de sécurité au titre du chapitre VII de la charte des Nations unies ainsi que les dispositions des traités.

99

Le Conseil fait par ailleurs valoir que le Tribunal n’a pas dûment tenu compte de la nature clandestine des activités, si bien que les éléments de preuves proviennent de sources confidentielles et ne peuvent pas être communiqués dans tous les cas. Il souligne également le principe de confiance mutuelle entre les États membres et les institutions ainsi que le principe de coopération loyale. Le Conseil fait valoir en outre que, selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, il n’existe pas de droit absolu à la divulgation des éléments de preuve. Si un tel principe s’applique aux accusations en matière pénale, il s’applique a fortiori aux mesures restrictives concernées, qui sont des mesures conservatoires.

100

Cet argument vaudrait également pour les services bancaires fournis à l’OIEA.

101

En ce qui concerne l’aveu de Bank Mellat selon lequel celle-ci a fourni des services bancaires à Novin, désignée par la résolution 1747 (2007) du Conseil de sécurité, le Conseil estime que le Tribunal a commis une erreur de droit en substituant sa propre appréciation à celle du Conseil en jugeant que le fait que Bank Mellat a fourni dans le passé des services bancaires à Novin ne justifiait pas les actes litigieux parce que Bank Mellat avait progressivement limité puis cessé totalement ses relations avec Novin après avoir appris que cette dernière avait été désignée par le Conseil de sécurité. Selon le Conseil, la fourniture de services bancaires avant la désignation de Novin, c’est-à-dire pendant la période au cours de laquelle il s’est avéré que celle-ci était impliquée dans le développement des activités iraniennes posant un risque de prolifération, montre que Bank Mellat est susceptible de fournir ces services à l’avenir à d’autres entités ayant les mêmes activités. C’est donc à juste titre que le Conseil a imposé un gel des avoirs à l’encontre de Bank Mellat en tant que mesure conservatoire. Le fait que Bank Mellat soit ou non au courant de l’implication de ces entités dans ces activités, ou que les services bancaires soient ou non utilisés dans le cadre desdites activités, ne serait pas un facteur décisif à cet égard.

102

Le Conseil ajoute que le Tribunal a procédé à une interprétation excessivement stricte de la notion de soutien aux activités nucléaires iraniennes posant un risque de prolifération, au sens de la décision 2010/413, du règlement no 961/2010 et du règlement no 267/2012 et que, ce faisant, il a substitué sa propre appréciation à celle du Conseil au sujet des faits justifiant l’imposition d’un gel des avoirs à titre de mesure conservatoire, allant ainsi à l’encontre de sa propre jurisprudence (arrêt People’s Mojahedin Organization of Iran/Conseil, T‑256/07, EU:T:2008:461, point 138).

103

La Commission fait valoir que les activités de Bank Mellat doivent être vues dans une perspective plus globale et ne peuvent être examinées comme des transactions individuelles hors contexte. Elle rappelle que l’inscription de Bank Mellat a été envisagée par le Conseil de sécurité. Elle souligne, à cet égard, l’importance des résolutions du Conseil de sécurité au titre de la charte des Nations unies.

104

La Commission rappelle également que les mesures restrictives font partie intégrante de la réponse opposée au programme nucléaire de l’Iran, qui est mené sans coopération avec l’AIEA. L’inscription des banques sur les listes s’explique par la nécessité, pour l’Iran, d’utiliser les services bancaires pour l’importation d’uranium, de technologie et d’autres matériaux. Selon la Commission, exclure une banque telle que Bank Mellat de l’un des principaux marchés financiers où s’effectuent ce type de transactions est rationnellement lié à l’objectif de la communauté internationale de prévenir le développement et la prolifération des armes nucléaires. La fourniture de services bancaires par Bank Mellat à Novin avant que celle-ci ne soit désignée par le Conseil de sécurité constitue une indication claire que Bank Mellat est en mesure de fournir ce type de services.

105

Selon la Commission, le Conseil ne doit pas être tenu de prouver que les services ou les transactions spécifiquement en cause étaient «directement» liés à la prolifération nucléaire, comme le suggère le Tribunal aux points 135 et 137 de l’arrêt attaqué. L’équilibre qu’il convient de trouver entre la protection des droits fondamentaux des personnes inscrites sur les listes et la nécessité de protéger les intérêts évidents de l’Union en matière de sécurité exige que le Conseil dispose d’une certaine marge d’appréciation pour déterminer si une entité, au moyen de son activité de prestations de services financiers, aide des entités, inscrites sur les listes d’entités faisant l’objet de mesures restrictives, à participer à des activités posant un risque de prolifération, même si les transactions en cause ne sont pas, en elles-mêmes, aussi directes que le Tribunal semble le souhaiter. Elle fait valoir que le contrôle assuré par le juge doit se limiter à vérifier si le Conseil a commis une erreur manifeste d’appréciation ou un abus de pouvoir. Selon la Commission, il ne peut être prétendu que le Conseil a abusé de son pouvoir en inscrivant sur les listes une banque partiellement détenue par l’État iranien et au sujet de laquelle même le Conseil de sécurité s’est déclaré préoccupé.

106

Le Royaume-Uni soutient le Conseil et la Commission dans leur analyse relative à la fourniture de services bancaires à Novin.

107

Bank Mellat conteste les arguments présentés par le Conseil, la Commission et le Royaume-Uni.

– Appréciation de la Cour

108

L’argumentation du Conseil porte uniquement sur l’appréciation, par le Tribunal, du bien-fondé des quatrième et cinquième motifs.

109

S’agissant des éléments retenus pour justifier l’inscription de Bank Mellat sur lesdites listes et de la preuve du bien-fondé de cette inscription, il y a lieu de rappeler que l’effectivité du contrôle juridictionnel garanti à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne exige, notamment, que le juge de l’Union s’assure que la décision, qui revêt une portée individuelle pour la personne ou l’entité concernée, repose sur une base factuelle suffisamment solide. Cela implique une vérification des faits allégués dans l’exposé des motifs qui sous-tend ladite décision, de sorte que le contrôle juridictionnel ne soit pas limité à l’appréciation de la vraisemblance abstraite des motifs invoqués, mais porte sur le point de savoir si ces motifs, ou, à tout le moins, l’un d’eux considéré comme suffisant en soi pour soutenir cette même décision, sont étayés (voir, en ce sens, arrêts Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 119; Conseil/Fulmen et Mahmoudian, C‑280/12 P, EU:C:2013:775, point 64; Conseil/Manufacturing Support & Procurement Kala Naft, C‑348/12 P, EU:C:2013:776, point 73; Anbouba/Conseil, C‑605/13 P, EU:C:2015:248, point 45; Anbouba/Conseil, C‑630/13 P, EU:C:2015:247, point 46, ainsi que Ipatau/Conseil, C‑535/14 P, EU:C:2015:407, point 42).

110

À cette fin, il incombe au juge de l’Union de procéder audit examen en demandant, le cas échéant, à l’autorité compétente de l’Union de produire des informations ou des éléments de preuve, confidentiels ou non, pertinents aux fins d’un tel examen (voir arrêts Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 120, ainsi que Conseil/Fulmen et Mahmoudian, C‑280/12 P, EU:C:2013:775, point 65).

111

Si l’autorité compétente de l’Union est dans l’impossibilité d’accéder à la demande du juge de l’Union, il appartient alors à ce dernier de se fonder sur les seuls éléments qui lui ont été communiqués (voir arrêts Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 123, ainsi que Conseil/Fulmen et Mahmoudian, C‑280/12 P, EU:C:2013:775, point 68).

112

En ce qui concerne le quatrième motif, relatif au fait que FEE, filiale détenue à 100 % par la demanderesse, est visée par la résolution 1929 (2010), le Tribunal a constaté, au point 117 de l’arrêt attaqué, qu’il était fondé sur de simples allégations. En effet, le Conseil n’a produit aucun élément permettant au Tribunal de vérifier le bien-fondé de ce motif. Dans une telle situation, il est impossible pour le juge de l’Union, qui est appelé à contrôler le bien-fondé factuel des motifs d’inscription en tenant compte des observations et des éléments à décharge éventuellement produits par la personne concernée ainsi que de la réponse de l’autorité compétente de l’Union à ces observations, de constater le bien-fondé de ces motifs, de sorte que ces derniers ne sauraient servir de fondement à la décision d’inscription attaquée (voir, en ce sens, arrêt Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 137).

113

Pour autant que le Conseil critique le Tribunal pour avoir constaté, au point 117 de l’arrêt attaqué, que le quatrième motif ne constituait pas un motif autonome par rapport aux autres motifs, force est de constater que ce grief n’est nullement étayé.

114

Par ailleurs, justifier le gel des fonds de Bank Mellat par celui de FEE, alors que cette dernière a été désignée dans la résolution des Nations unies en raison de l’activité de Bank Mellat, constitue un raisonnement circulaire, si bien que le gel des fonds de la demanderesse ne saurait être justifié par la désignation de FEE dans cette résolution. Enfin, contrairement à ce que soutient le Conseil, la seule mention de Bank Mellat dans ladite résolution, selon laquelle cette dernière «a permis aux entités iraniennes associées au programme d’arme nucléaire, de missiles et de défense d’effectuer des transactions de plusieurs centaines de millions de dollars», ne saurait, conformément à la jurisprudence citée aux points 109 et 112 du présent arrêt, constituer une justification suffisante de sa désignation par l’Union.

115

Dans son pourvoi, le Conseil a fait valoir que les preuves du soutien apporté par Bank Mellat aux activités nucléaires de l’Iran proviennent de sources confidentielles dont la divulgation permettrait d’identifier les personnes les ayant fournies, ce qui mettrait en danger, notamment, la vie et la sécurité de ces personnes. En outre, les preuves pourraient avoir été transmises par des pays tiers refusant leur divulgation. Dans un tel cas, il faudrait respecter la confidentialité sous peine de compromettre la coopération internationale.

116

S’agissant de la confidentialité des preuves, il convient de constater que cet argument est invoqué pour la première fois au stade du pourvoi. Or, conformément à une jurisprudence constante, permettre à une partie de soulever pour la première fois devant la Cour un moyen et des arguments qu’elle n’a pas soulevés devant le Tribunal reviendrait à l’autoriser à saisir la Cour, dont la compétence en matière de pourvoi est limitée, d’un litige plus étendu que celui dont a eu à connaître le Tribunal. Dans le cadre d’un pourvoi, la compétence de la Cour est donc limitée à l’appréciation de la solution légale qui a été donnée aux moyens et aux arguments débattus devant les premiers juges (arrêt Suède e.a./API et Commission, C‑514/07 P, C‑528/07 P et C‑532/07 P, EU:C:2010:541, point 126 ainsi que jurisprudence citée).

117

Par conséquent, l’argument tiré de la confidentialité des preuves est irrecevable.

118

Eu égard à ces éléments, c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a conclu, au point 117 de l’arrêt attaqué, que le quatrième motif ne saurait justifier l’adoption de mesures restrictives à l’égard de Bank Mellat.

119

S’agissant du cinquième motif, en ce qu’il est relatif aux services financiers fournis à l’OIEA, le Tribunal a constaté, au point 118 de l’arrêt attaqué, que le Conseil n’a fourni aucun élément de preuve ou d’information pour établir que de tels services ont été fournis. À cet égard, le Conseil a cependant également invoqué, dans son pourvoi, la nature clandestine des activités, empêchant la communication des preuves provenant de sources confidentielles, les principes de confiance mutuelle et de coopération loyale entre les États membres et les institutions ainsi que l’inexistence d’un droit absolu à la divulgation des éléments de preuve.

120

Cet argument ayant été invoqué pour la première fois au stade du pourvoi, il doit, conformément à la jurisprudence citée au point 116 du présent arrêt, être déclaré irrecevable.

121

C’est, dès lors, sans commettre d’erreur de droit en matière de charge et d’administration de la preuve que le Tribunal a conclu, au point 118 de l’arrêt attaqué, que les allégations concernant l’OIEA ne justifiaient pas l’adoption des mesures restrictives à l’égard de la demanderesse.

122

S’agissant du cinquième motif, en ce qu’il est relatif aux services financiers fournis à Novin, le Tribunal a procédé à plusieurs constatations et appréciations de fait qu’il n’appartient pas à la Cour de contrôler. Ainsi, au point 126 de l’arrêt attaqué, il a constaté que les services fournis à Novin l’ont été sur le territoire iranien. Au point 128, il a considéré qu’il y avait lieu de tenir compte de l’allégation de Bank Mellat selon laquelle elle n’avait pas été au courant de l’implication de Novin dans la prolifération nucléaire avant l’adoption des mesures restrictives visant celle-ci par le Conseil de sécurité, dans la mesure où le Conseil n’avait pas présenté d’éléments de preuve ou d’information précis et concrets à cet égard. Au point 129, il a décrit la manière dont Bank Mellat a clôturé les comptes de Novin après l’adoption des mesures restrictives visant cette entité. Après un examen de la réglementation applicable, le Tribunal a considéré, aux points 134 et 135 de l’arrêt attaqué, que les dernières transactions financières effectuées par Bank Mellat au profit de Novin étaient autorisées et que le Conseil et la Commission n’alléguaient même pas que les paiements en cause étaient liés à la prolifération nucléaire.

123

Au regard des éléments qui précèdent, le Tribunal a conclu, au point 137 de l’arrêt attaqué, que ni les services fournis par Bank Mellat à Novin avant l’adoption des mesures restrictives visant cette dernière ni les modalités de la cessation de la relation commerciale de la demanderesse avec Novin ne constituent un appui à la prolifération nucléaire au sens de la décision 2010/413 ainsi que des règlements nos 423/2007, 961/2010 et 267/2012.

124

Cette conclusion est contestée par le Conseil, la Commission et le Royaume-Uni au motif qu’il importait peu que Bank Mellat soit ou non au courant de l’implication de Novin dans les activités nucléaires, sans cependant que soient contestées les constatations et les appréciations de fait effectuées par le Tribunal. La Commission fait notamment valoir que l’inscription, sur les listes des entités faisant l’objet de mesures restrictives, de banques fournissant des services financiers liés au commerce international est liée à l’objectif de la communauté internationale de prévenir le développement et la prolifération des armes nucléaires.

125

Or, les actes litigieux visent à l’adoption des mesures de gel de fonds à l’égard de Bank Mellat au motif que, par son comportement, celle-ci apporte un appui aux activités nucléaires de l’Iran posant un risque de prolifération. Eu égard au fait que, malgré la contestation par Bank Mellat du bien-fondé du cinquième motif, le Conseil n’avait présenté aucun élément de preuve ou d’information précise permettant d’établir que les services fournis par Bank Mellat à Novin constituaient un tel appui, c’est sans commettre une erreur de droit que le Tribunal a conclu, au point 138 de l’arrêt attaqué, que les circonstances visées au point 137 de cet arrêt ne justifient pas l’adoption des mesures restrictives visant Bank Mellat.

126

Il s’ensuit que l’argumentation du Conseil portant sur l’appréciation par le Tribunal du bien-fondé des quatrième et cinquième motifs doit être rejetée.

Sur les conclusions à tirer de l’examen du pourvoi

127

Il ressort de l’examen du pourvoi que le Tribunal a commis une erreur de droit entachant son raisonnement en concluant, au point 106 de l’arrêt attaqué, que, lors de l’adoption de la décision 2010/413 et du règlement d’exécution no 668/2010, le Conseil n’a pas respecté l’obligation d’examiner la pertinence et le bien-fondé des éléments d’information et de preuve à l’égard de Bank Mellat qui lui ont été soumis. Il convient, cependant, de vérifier si le dispositif de cet arrêt peut être maintenu sur le fondement des motifs dudit arrêt qui ne sont pas entachés d’erreurs de droit.

128

Il ressort de l’arrêt attaqué que le Tribunal a annulé les actes litigieux sur le fondement de plusieurs motifs combinés.

129

Ainsi, si le Tribunal a considéré à tort, au point 106 de l’arrêt attaqué, que le vice affectant la décision du Conseil justifiait l’annulation de la décision 2010/413 et du règlement d’exécution no 668/2010, en ce qui concerne Bank Mellat, il a cependant, aux points 105 et 107 de l’arrêt attaqué, annulé ces mêmes actes pour d’autres vices sans que la Cour ait constaté une erreur de droit à cet égard. Il s’ensuit que le vice constaté au point 106 de l’arrêt attaqué n’affecte pas le dispositif de cet arrêt.

130

Il résulte de l’ensemble de ces considérations que le pourvoi doit être rejeté.

Sur les dépens

131

En vertu de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens.

132

L’article 138 du même règlement, rendu applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, dispose, à son paragraphe 1, que toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

133

Bank Mellat ayant conclu à la condamnation du Conseil et celui-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de le condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par Bank Mellat dans les deux instances.

134

L’article 140, paragraphe 1, du règlement de procédure, rendu applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, prévoit que les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens.

135

Le Royaume-Uni et la Commission supporteront leurs propres dépens dans les deux instances.

 

Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) déclare et arrête:

 

1)

Le pourvoi est rejeté.

2)

Le Conseil de l’Union européenne supporte, outre ses propres dépens, ceux exposés par Bank Mellat dans les deux instances.

3)

Le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord et la Commission européenne supportent leurs propres dépens dans les deux instances.

 

Signatures


( *1 )   Langue de procédure: l’anglais.

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