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Document 62015CC0134

Conclusions de l'avocat général M. M. Bobek, présentées le 16 mars 2016.

Recueil – Recueil général

Identifiant ECLI: ECLI:EU:C:2016:169

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MICHAL BOBEK

présentées le 16 mars 2016 ( 1 )

Affaire C‑134/15

Lidl GmbH & Co. KG

contre

Freistaat Sachsen

[demande de décision préjudicielle formée par le Sächsisches Oberverwaltungsgericht (tribunal administratif supérieur du Land de Saxe, Allemagne)]

«Règlement (CE) no 543/2008 de la Commission — Normes de commercialisation pour la viande de volaille — Validité de l’article 5, paragraphe 4, sous b) — Viande fraîche de volaille préemballée — Obligation de faire figurer le prix total et le prix par unité de poids sur le préemballage ou sur une étiquette solidaire de ce dernier au niveau de la vente au détail — Article 15, paragraphe 1, et article 16 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne — Liberté d’exercer une profession librement choisie — Liberté d’entreprise — Proportionnalité — Article 40, paragraphe 2, TFUE — Non-discrimination»

1. 

La présente demande de décision préjudicielle porte sur la validité de l’article 5, paragraphe 4, sous b), du règlement (CE) no 543/2008 ( 2 ) qui prévoit une obligation d’étiquetage pour la viande fraîche de volaille. Aux termes de cette disposition, concernant la viande fraîche de volaille, pour la vente au détail, le prix total et le prix par unité de poids doivent être indiqués soit sur le préemballage, soit sur une étiquette solidaire de ce dernier (ci-après l’« obligation d’étiquetage »).

2. 

La juridiction de renvoi a demandé à la Cour si l’obligation d’étiquetage est compatible avec l’article 15, paragraphe 1, et l’article 16 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci‑après la « Charte »). En outre, étant donné que l’obligation d’étiquetage s’applique uniquement à la viande fraîche de volaille, et non pas à d’autres types de viandes, il est également demandé à la Cour de se prononcer sur la question de savoir si l’article 5, paragraphe 4, sous b), du règlement no 543/2008 est compatible avec le principe de non-discrimination consacré à l’article 40, paragraphe 2, TFUE.

I – Le cadre juridique

A – Le droit de l’Union

3.

L’article 121, sous e), iv), du règlement no 1234/2007 ( 3 ) dispose qu’en ce qui concerne la commercialisation de la viande de volaille, la Commission européenne est autorisée à arrêter des règles précises, notamment des « règles concernant les indications supplémentaires devant figurer sur les documents commerciaux d’accompagnement, l’étiquetage et la présentation de la viande de volaille destinée au consommateur final ainsi que la publicité faite à son égard, et la dénomination de vente au sens de l’article 3, paragraphe 1, point 1), de la directive 2000/13/CE » du Parlement européen et du Conseil, du 20 mars 2000, relative au rapprochement des législations des États membres concernant l’étiquetage et la présentation des denrées alimentaires ainsi que la publicité faite à leur égard (JO 2000, L 109, p. 29).

4.

Le règlement no 543/2008, qui est fondé sur l’article 121, sous e), et l’article 4 du règlement no 1234/2007, prévoit des règles détaillées pour l’application du règlement no 1234/2007 en ce qui concerne les normes de commercialisation pour la viande de volaille.

5.

Le considérant 10 du règlement no 543/2008 indique que « [p]our offrir au consommateur une information adéquate, claire et objective concernant les produits mis en vente et pour assurer la libre circulation de ces derniers dans la Communauté, il convient d’assurer que les normes de commercialisation des volailles tiennent compte autant que possible des dispositions de la directive 76/211/CEE du Conseil du 20 janvier 1976 concernant le rapprochement des législations des États membres relatives au préconditionnement en masse ou en volume de certains produits en préemballages [JO 1976, L 46, p. 1] ».

6.

L’article 5, paragraphe 2, du règlement no 543/2008 dispose qu’« [o]utre les règles nationales prises conformément à la Directive 2000/13/CE, l’étiquetage et la présentation des viandes de volailles destinées au consommateur final, ainsi que la publicité faite à leur égard, doivent être conformes aux exigences supplémentaires énoncées aux paragraphes 3 et 4 du présent article ».

7.

L’article 5, paragraphe 4, sous b), du règlement no 543/2008, qui intègre les dispositions de l’article 5, paragraphe 3, sous b), du règlement (CEE) no 1906/90 du Conseil ( 4 ), prévoit que « [d]ans le cas de la viande de volaille préemballée, les données suivantes doivent également figurer sur le préemballage ou sur une étiquette solidaire de ce dernier : […] dans le cas de la viande fraîche de volaille, le prix total et le prix par unité de poids au niveau de la vente au détail» ( 5 ).

8.

La directive 2000/13 ne comportait pas de dispositions concernant les obligations d’étiquetage en matière de prix.

9.

En vertu de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 98/6/CE relative à la protection des consommateurs en matière d’indication des prix des produits offerts aux consommateurs ( 6 ), « [l]e prix de vente et le prix à l’unité de mesure doivent être indiqués pour tous les produits visés à l’article 1er, l’indication du prix à l’unité de mesure relevant de l’article 5. Le prix à l’unité de mesure ne doit pas être indiqué s’il est identique au prix de vente ».

II – Faits, procédure et questions préjudicielles

10.

Lidl GmbH & Co. KG est une entreprise de vente au détail qui exploite des magasins de discompte alimentaire dans toute l’Allemagne. Dans certains de ses magasins de la région de Lampertswalde (Allemagne), elle offre à la vente, notamment, de la viande fraîche de volaille préemballée. Le prix de la viande fraîche de volaille ne figure pas directement sur l’étiquette solidaire du produit lui‑même. Au lieu de cela, les étiquettes de prix sont apposées sur les rayonnages.

11.

Ayant constaté cette pratique en matière d’étiquetage des prix à l’occasion de différents contrôles, le Sächsiches Landesanstalt für Landwirtschaft (Office de l’agriculture du Land de Saxe), devenu le Sächsisches Landesamt für Umwelt, Landwirtschaft und Geologie (Office de l’environnement, de l’agriculture et de la géologie du Land de Saxe), a considéré que cette pratique violait l’article 5, paragraphe 3, sous b), du règlement no 1906/90, applicable à la date des contrôles, qui correspond à l’actuel article 5, paragraphe 4, sous b), du règlement no 543/2008.

12.

En 2007, la requérante a introduit un recours visant à faire constater que sa pratique d’étiquetage des prix de la viande fraîche de volaille préemballée est conforme à l’obligation d’étiquetage prévue à l’article 5, paragraphe 3, sous b), du règlement no 1906/90 et, par la suite, l’article 5, paragraphe 4, sous b), du règlement no 543/2008. Elle a fait valoir que l’article 5, paragraphe 4, sous b), du règlement no 543/2008 était invalide, car contraire à l’article 6, paragraphe 1, TUE lu en combinaison avec l’article 15, paragraphe 1, de la Charte. Selon elle, l’obligation d’étiquetage constitue une atteinte disproportionnée au libre exercice d’une activité professionnelle. Le Verwaltungsgericht Dresden (tribunal administratif de Dresde, Allemagne) a rejeté le recours par un jugement de 2010.

13.

La requérante a maintenu sa demande en interjetant appel devant le Sächsisches Oberverwaltungsgericht (tribunal administratif supérieur du Land de Saxe, Allemagne). Dans sa décision de renvoi, la juridiction de renvoi émet des doutes quant à la validité de l’article 5, paragraphe 4, sous b), du règlement no 543/2008 pour deux raisons.

14.

Premièrement, la juridiction de renvoi n’est pas certaine que l’atteinte résultant de l’obligation d’étiquetage soit justifiée au regard de l’article 15, paragraphe 1, et de l’article 16 de la Charte. Elle est d’avis que l’obligation d’étiquetage ne porte pas atteinte à la substance même des droits et des libertés en cause, qu’elle répond effectivement à l’objectif de renforcer la protection des consommateurs, un objectif d’intérêt général reconnu par l’Union européenne, et qu’elle apparaît comme appropriée et nécessaire à cette fin. Toutefois, la juridiction de renvoi n’est pas certaine qu’une mise en balance appropriée des intérêts en cause ait été effectuée.

15.

Deuxièmement, la juridiction de renvoi émet des doutes quant à la validité de l’obligation d’étiquetage des viandes de volaille à la lumière du principe de non-discrimination prévu à l’article 40, paragraphe 2, TFUE. Il est souligné, dans la décision de renvoi, que, pour d’autres produits carnés préemballés, comme la viande de bœuf, de veau, de porc, de mouton ou de chèvre, pour lesquels le règlement no 1308/2013 prévoit également des règles en matière d’organisation commune des marchés, une telle obligation d’étiquetage n’est pas prévue. Par conséquent, la juridiction de renvoi estime que l’obligation d’étiquetage applicable à la viande fraîche de volaille implique une différence de traitement, car des situations comparables sont traitées de manière différente. Elle doute, notamment, qu’une telle inégalité de traitement soit objectivement justifiée par l’intérêt général de protection des consommateurs.

16.

Dans ces conditions, le Sächsisches Oberverwaltungsgericht (tribunal administratif supérieur du Land de Saxe) a sursis à statuer et a saisi la Cour à titre préjudiciel des questions suivantes :

« 1)

L’article 5, paragraphe 4, sous b), du règlement (CE) no 543/2008 de la Commission, du 16 juin 2008, portant modalités d’application du règlement (CE) no 1234/2007 du Conseil en ce qui concerne les normes de commercialisation pour la viande de volaille (JO 2008, L 157, p. 46) est-il compatible avec l’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, TUE lu en combinaison avec les articles 15, paragraphe 1, et 16 de la Charte ?

2)

L’article 5, paragraphe 4, sous b), du règlement no 543/2008 est‑il compatible avec l’article 40, paragraphe 2, deuxième alinéa, TFUE ? »

17.

Lidl GmbH & Co., le Freistaat Sachsen (l’État libre de Saxe), partie défenderesse dans la procédure au principal, et la Commission ont présenté des observations écrites, et ont tous été entendus en leurs plaidoiries lors de l’audience du 13 janvier 2016.

III – Appréciation des questions posées à titre préjudiciel

A – Sur la première question : la compatibilité de l’obligation d’étiquetage avec l’article 15, paragraphe 1, et l’article 16 de la Charte

18.

En vue de proposer une réponse à la première question préjudicielle, je commencerai par déterminer quelle est la disposition pertinente de la Charte à l’égard de laquelle il convient d’examiner la validité de l’article 5, paragraphe 4, sous b), du règlement no 543/2008 (sous 1). Par ailleurs, j’examinerai la compatibilité de l’obligation d’étiquetage avec cette disposition spécifique de la Charte (sous 2), en vérifiant si cette limitation est prévue par la loi et si elle respecte le contenu essentiel de ce droit [sous a)] et le principe de proportionnalité [sous b)].

1. La disposition applicable : l’article 15, paragraphe 1, ou l’article 16 de la Charte ?

19.

La juridiction de renvoi considère que la validité de l’obligation d’étiquetage doit être examinée au regard aussi bien de l’article 15, paragraphe 1, que de l’article 16 de la Charte. Elle indique que la requérante, du fait de l’obligation d’étiquetage, subit une atteinte à son droit d’exercer librement sa profession et à son droit d’exercer une activité économique. Dans le même ordre d’idées, la requérante considère elle aussi que l’obligation d’étiquetage constitue une atteinte aux droits et aux libertés garantis à l’article 15, paragraphe 1, et à l’article 16 de la Charte. Le Land de Saxe a également fait référence à ces deux dispositions dans ses observations. La Commission considère, quant à elle, que seul l’article 16 de la Charte est applicable dans la présente affaire.

20.

Ainsi qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour, les droits et les libertés consacrés à l’article 15, paragraphe 1, et à l’article 16, de la Charte sont étroitement liés. Cela se déduit de la jurisprudence antérieure à l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne. À l’époque, la Cour utilisait différentes formules pour faire référence, en qualité de principes généraux du droit, au libre exercice du commerce, du travail et d’autres activités professionnelles ; au libre exercice des activités professionnelles, au droit à l’exploitation d’une entreprise ou au libre exercice des activités économiques ( 7 ). Elle a admis que ces notions se recoupent, indiquant que la liberté d’entreprendre « se confond avec le libre exercice d’une activité professionnelle» ( 8 ).

21.

Ce recoupement demeure manifeste dans la jurisprudence postérieure à l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne. L’article 15, paragraphe 1, et l’article 16 de la Charte ont souvent été invoqués et interprétés ensemble, avec l’article 17 de la Charte (droit de propriété) ( 9 ). Toutes ces dispositions peuvent être considérées comme protégeant les intérêts économiques des personnes.

22.

Toutefois, le fait que la Charte comprenne désormais deux dispositions distinctes indique que l’on devrait distinguer « le droit de travailler et d’exercer une profession librement choisie ou acceptée » (article 15, paragraphe 1) de « la liberté d’entreprise » (article 16).

23.

D’un point de vue structurel, distinguer ces deux dispositions n’est pas sans conséquence. Comme l’ont fait valoir la Commission et le Land de Saxe, l’article 16 de la Charte laisse un pouvoir d’appréciation plus large en matière de réglementations susceptibles de porter atteinte à la liberté d’entreprise. Cela ressort du libellé de cette disposition qui, contrairement à d’autres libertés prévues au titre II de la Charte, fait référence au droit de l’Union ainsi qu’aux législations et pratiques nationales. De surcroît, la Cour a indiqué que « la liberté d’entreprise peut être soumise à un large éventail d’interventions de la puissance publique susceptibles d’établir, dans l’intérêt général, des limitations à l’exercice de l’activité économique» ( 10 ).

24.

Ce pouvoir d’appréciation relativement large laissé aux États membres lorsque ceux-ci réglementent les activités économiques se retrouve également dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (ci-après la « Cour EDH »). Dans le cadre de l’interprétation de l’article 1er du protocole no 1 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, la Cour EDH a reconnu que les États disposent d’un large pouvoir d’appréciation « pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général» ( 11 ).

25.

Il ne fait donc aucun doute qu’eu égard aux limitations admissibles, l’article 16 de la Charte permet un degré d’intervention de l’État plus important que l’article 15, paragraphe 1. Bien qu’il existe des différences claires en ce qui concerne les limitations susceptibles d’être imposées à chaque liberté, cela apporte peu d’éclaircissement sur la définition initiale du champ d’application du droit lui-même. Les deux articles protègent la sphère de l’autonomie individuelle dans les domaines professionnel et de l’entreprise, qui sont étroitement liés. Ils sont tous deux intrinsèquement liés à l’exercice d’une activité économique. Il n’existe donc pas de critères précis pouvant être établis, dans l’abstrait, pour distinguer le champ d’application de ces deux articles, par exemple, sur le fondement de la nature morale ou physique des personnes concernées ou du caractère indépendant ou dépendant des activités économiques en cause ( 12 ).

26.

Même en l’absence de critères précis délimitant le champ d’application respectif de l’article 15, paragraphe 1, et de l’article 16 de la Charte, il est au moins possible de dégager des orientations générales. D’une part, l’article 15, paragraphe 1, se concentre sur les aspects liés au choix et à l’autonomie personnelle, qui sont étroitement liés aux droits de la personne et à leur développement. La référence au droit de « travailler » met l’accent sur un effet plus pertinent, bien que non exclusif, en ce qui concerne les personnes physiques et les relations de travail ( 13 ). D’autre part, la liberté d’entreprendre prévue à l’article 16 est plus proche de l’activité entrepreneuriale et présente des liens plus étroits avec le droit de propriété ( 14 ). Ainsi, le champ d’application matériel de l’article 16 de la Charte, tel qu’il a été progressivement défini par la Cour, se concentre plus sur l’aspect économique de l’activité entrepreneuriale. Il vise l’exercice d’activités économiques ou commerciales, ce qui inclut la liberté contractuelle, la concurrence libre, la liberté de choisir ses partenaires commerciaux et la liberté de fixer le prix d’un service ( 15 ). En outre, la liberté d’entreprise comprend également le droit de pouvoir librement disposer des ressources économiques, financières et techniques disponibles ( 16 ).

27.

En résumé, il est plus probable que l’article 15, paragraphe 1, de la Charte s’applique si la situation en cause concerne des personnes physiques et des questions telles que l’accès à l’emploi ainsi que le choix de la profession. À l’inverse, l’article 16 de la Charte s’avère plus pertinent à l’égard des personnes morales et la manière dont une activité commerciale déjà établie, ou une profession déjà choisie, est exercée et réglementée ( 17 ).

28.

Néanmoins, des orientations générales délimitant les critères d’application respectifs de l’article 15, paragraphe 1, et de l’article 16, n’excluent pas que des recoupements continuent à se produire ou que les articles 15 et 16 de la Charte puissent être examinés de pair, le cas échéant. Un examen conjoint pourrait notamment s’avérer approprié à l’égard des règles limitant l’accès à une profession au moyen d’obligations d’octroi de licences ou d’agréments, ou lorsque des activités commerciales sont soumises à des exigences très lourdes.

29.

Dans la présente affaire, Lidl GmbH & Co. soutient que les exigences relatives à l’étiquetage de ses marchandises portent atteinte à la manière dont elle souhaite exercer ses activités commerciales. L’obligation d’étiquetage ne limite en aucun cas le droit de la requérante de choisir ou d’exercer une activité professionnelle librement choisie. Elle concerne seulement la manière dont une entreprise peut exercer un type d’activité (déjà choisi).

30.

Au vu des orientations générales exposées ci-dessus, je suis donc d’avis que l’affaire devrait être examinée au regard de l’article 16 de la Charte.

2. La compatibilité de l’obligation d’étiquetage avec l’article 16 de la Charte

31.

Comme la Commission et le Land de Saxe l’ont à juste titre relevé, la liberté d’entreprise n’est pas absolue. Elle doit être prise en considération par rapport à sa fonction dans la société ( 18 ). L’article 52, paragraphe 1, de la Charte autorise les limitations à l’exercice des droits et des libertés reconnus par la Charte si elles sont prévues par la loi, si elles respectent le contenu essentiel du droit ou de la liberté en cause et si, dans le respect du principe de proportionnalité, elles sont « nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union ou au besoin de protection des droits et libertés d’autrui» ( 19 ).

32.

Je vais maintenant examiner successivement si l’obligation d’étiquetage remplit ces exigences.

a) Les limitations autorisées à la liberté d’entreprise

33.

Comme la requérante l’a admis dans ses observations écrites, il ne fait aucun doute que l’obligation d’étiquetage est prévue par la loi.

34.

De surcroît, la Cour a déjà jugé que, si la réglementation de l’Union en matière d’étiquetage pose, dans un domaine bien délimité, certaines restrictions à l’activité commerciale des opérateurs économiques concernés, « elle ne porte aucune atteinte à la substance même du droit au libre exercice de cette activité» ( 20 ). La situation en cause dans la présente affaire n’est pas différente. Par conséquent, je suis d’accord avec la Commission et le Land de Saxe en ce que l’obligation d’étiquetage ne porte pas atteinte au contenu essentiel de la liberté d’entreprise.

b) La proportionnalité

35.

À ce stade, il doit encore être examiné si l’obligation d’étiquetage respecte le principe de proportionnalité.

i) Observations générales

36.

La Cour a établi que « l’étendue du pouvoir d’appréciation du législateur de l’Union peut s’avérer limitée en fonction d’un certain nombre d’éléments, parmi lesquels figurent, notamment, le domaine concerné, la nature du droit en cause garanti par la Charte, la nature et la gravité de l’ingérence ainsi que la finalité de celle-ci» ( 21 ).

37.

Cela signifie que la rigueur du contrôle juridictionnel exercé par la Cour et, en particulier, le degré d’immixtion qu’implique le contrôle de proportionnalité peuvent varier d’une affaire à l’autre. Deux éléments en particulier sont pertinents pour déterminer l’approche à adopter dans la présente affaire : le domaine du droit de l’Union en cause et la nature des droits concernés.

38.

En ce qui concerne le domaine en cause, la Cour a toujours admis que, dans le domaine de l’agriculture, le législateur de l’Union dispose d’un large pouvoir d’appréciation, correspondant aux responsabilités politiques que les articles 40 et 43 TFUE lui attribuent ( 22 ). Par conséquent, le contrôle exercé par la Cour se limite à vérifier si le législateur n’a pas manifestement dépassé les limites de ce large pouvoir d’appréciation ( 23 ).

39.

Le large pouvoir d’appréciation dont dispose la Commission est également confirmé dans la présente affaire par la nature du droit en cause. Comme l’a constaté la Cour, la liberté d’entreprise « peut être soumise à un large éventail d’interventions de la puissance publique susceptibles d’établir, dans l’intérêt général, des limitations à l’exercice de l’activité économique» ( 24 ).

40.

En règle générale, la proportionnalité consiste à examiner l’adéquation entre le ou les objectifs déclarés et le ou les moyens choisis. Le respect du principe de proportionnalité implique que les actes adoptés soient appropriés à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis, qu’ils n’aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre ces objectifs (lorsque plusieurs réglementations sont envisageables, il convient de retenir la moins contraignante) et que les inconvénients causés ne soient pas démesurés par rapport aux buts visés (mise en balance interne ou proportionnalité stricto sensu) ( 25 ).

41.

L’analyse de la proportionnalité en trois étapes est, dans une très large mesure, souple du point de vue interne. Elle peut être réalisée avec une plus ou moins grande rigueur, modifiant ainsi le degré de déférence accordé au législateur. Par ailleurs, la proportionnalité devra toutefois inclure l’ensemble de ces trois étapes. Le fait qu’un acte ait été adopté dans un domaine où la Commission dispose d’un large pouvoir d’appréciation, comme c’est le cas dans le domaine de l’agriculture, ne signifie pas, à mes yeux, que l’examen de proportionnalité réalisé par la Cour doive se limiter au contrôle du caractère approprié de cet acte. Cela signifie plutôt qu’un plus grand degré de déférence s’impose dans la mise en œuvre de ce contrôle. Celui-ci se limite alors à détecter les vices manifestes ( 26 ). En revanche, un examen approprié de chacune des trois étapes décrites ci-dessus reste nécessaire.

42.

Ainsi, souscrivant pleinement à l’argumentation déjà très éclairante développée par d’autres avocats généraux ( 27 ), j’estime que le standard « manifestement inapproprié » s’applique au cours des trois étapes de l’analyse de la proportionnalité. Comme l’avocat général Kokott l’a récemment précisé ( 28 ), dans un tel cas de figure, le contrôle juridictionnel se limite à vérifier que l’acte n’est pas manifestement inapproprié à la réalisation des objectifs poursuivis, qu’il n’aille pas manifestement au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre ces objectifs, ou bien qu’il ne produit pas des inconvénients manifestement disproportionnés par rapport à ces objectifs.

43.

Par ailleurs, il existe deux arguments plus vastes d’ordre constitutionnel qui corroborent le besoin d’un contrôle plus approfondi des actes des institutions de l’Union, impliquant un contrôle de proportionnalité complet, en trois étapes. Premièrement, le traité de Lisbonne a érigé la Charte au rang de droit primaire contraignant. Ce faisant, il a mis au premier plan le contrôle des actes de l’Union au regard des droits fondamentaux.

44.

Deuxièmement, en l’absence de contrôle externe ( 29 ), le pouvoir de contrôler la compatibilité des actes des institutions de l’Union avec les droits fondamentaux revient exclusivement à la Cour. Dans l’exécution de ce pouvoir, le niveau de protection élevé que vise la Charte nécessite d’effectuer un contrôle interne complet et effectif du droit de l’Union et des actes des institutions de l’Union.

45.

Compte tenu des considérations qui précèdent, je vais maintenant examiner si l’obligation d’étiquetage est conforme au principe de proportionnalité en trois volets.

ii) L’application du principe de proportionnalité dans la présente affaire

46.

La Commission et le Land de Saxe soutiennent que l’obligation d’étiquetage est appropriée et proportionnée eu égard à l’objectif légitime de protection des consommateurs.

47.

En effet, la protection des consommateurs est un objectif d’intérêt général reconnu par l’Union, notamment à l’article 114, paragraphe 3, à l’article 169 TFUE et à l’article 38 de la Charte. Elle n’a toutefois pas un caractère absolu, comme c’est le cas de plusieurs autres objectifs et valeurs. Le besoin de parvenir à un juste équilibre entre la protection des consommateurs et d’autres valeurs, dont la liberté d’entreprendre, a souvent été reconnu par la Cour ( 30 ).

48.

Dans ses observations écrites, la Commission a fait référence au considérant 10 du règlement no 543/2008. Ce considérant prévoit la nécessité d’assurer que les normes de commercialisation des volailles tiennent compte « autant que possible » des dispositions de la directive 76/211/CEE ( 31 ) afin d’offrir au consommateur « une information adéquate, claire et objective concernant les produits mis en vente ». Je suis donc d’accord que ce considérant, et d’autres considérants, même s’ils ne sont pas directement liés à l’obligation d’étiquetage en cause dans la présente affaire, indiquent que l’objectif consistant à offrir une meilleure information aux consommateurs est expressément reconnu dans le règlement no 543/2008 ( 32 ).

49.

La requérante considère néanmoins qu’en pratique, l’obligation d’étiquetage ne contribue pas à la réalisation de l’objectif de protection des consommateurs. Elle rend l’adaptation spontanée des prix plus difficile, limitant ainsi la possibilité d’une concurrence par les prix à court terme, ce qui, en fin de compte, ne serait pas dans le meilleur intérêt des consommateurs.

50.

Bien que les arguments de la requérante puissent être pertinents dans le cadre de l’évaluation de la conformité de l’obligation d’étiquetage avec le principe de non-discrimination, il ne fait guère de doute qu’offrir des informations sur les prix au moyen d’un étiquetage favorise la réalisation de l’objectif de protection des consommateurs. L’obligation d’étiquetage impose d’indiquer le prix par unité de poids et le prix total sur le préemballage ou sur une étiquette solidaire de ce dernier. Elle améliore ainsi l’information dont disposent les consommateurs en fournissant une indication exacte et claire sur le prix, leur permettant ainsi de faire un choix éclairé. Vue sous cet angle, l’obligation d’étiquetage n’est certainement pas manifestement inappropriée pour atteindre l’objectif légitime qui consiste à offrir une meilleure information aux consommateurs.

51.

S’agissant du caractère nécessaire, il ressort clairement de la jurisprudence de la Cour que l’étiquetage est, en général, considéré comme l’une des formes d’intervention réglementaire les moins contraignantes ( 33 ).

52.

La requérante considère toutefois que la pratique consistant à apposer le prix dans les rayonnages constitue une solution réglementaire moins contraignante qui est apte à réaliser l’objectif de protection des consommateurs. Selon elle, l’obligation générale découlant de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 98/6, qui impose d’indiquer le prix de vente et le prix par unité (sans préciser où), remplit déjà l’objectif consistant à offrir suffisamment d’informations aux consommateurs.

53.

À mes yeux, même si la pratique de la requérante pourrait être considérée comme une manière appropriée d’offrir des informations sur les prix, elle n’est pas aussi efficace que l’est l’obligation d’étiquetage. On pourrait imaginer toute une série de situations dans lesquelles l’indication du prix par unité de poids et du prix total sur une étiquette directement solidaire du préemballage permettrait d’informer le consommateur de manière plus efficace.

54.

Premièrement, l’obligation d’étiquetage permet de garantir que l’indication du prix soit disponible en permanence tout au long du processus d’achat. Elle permet de comparer les prix une fois que l’article a été retiré du rayonnage. Elle protège également les consommateurs en cas de mauvais placement de la marchandise.

55.

Deuxièmement, l’indication du prix total et du prix par unité de poids est encore plus pertinente lorsqu’elle concerne les préemballages avec un poids non standardisé. Dans ce contexte, il est certain que l’obligation d’étiquetage contribue à l’objectif de protection des consommateurs. Elle garantit l’exactitude des informations sur les prix et permet d’assurer que le consommateur puisse faire un choix éclairé.

56.

Certes, en ce qui concerne les emballages avec un poids non standardisé, la conformité avec les dispositions de la directive 98/6 oblige déjà à indiquer le prix total et le prix par unité de poids sur le préemballage.

57.

Néanmoins, ainsi qu’il a déjà été indiqué ci-dessus, la Commission dispose d’un large pouvoir d’appréciation dans ce domaine. Ayant cela à l’esprit, je suis d’avis que la Commission n’est pas allée manifestement au-delà de ce qui était nécessaire pour atteindre l’objectif d’amélioration de la protection des consommateurs.

58.

Enfin, il convient d’examiner si l’obligation d’étiquetage impose des inconvénients manifestement disproportionnés aux opérateurs auxquels elle s’applique.

59.

La requérante met en avant les charges financières et organisationnelles auxquelles l’obligation d’étiquetage donne lieu et estime qu’une mise en balance appropriée des intérêts opposés n’a pas été réalisée.

60.

Toutefois, ainsi qu’il ressort des explications apportées par le Land de Saxe dans ses plaidoiries devant la Cour, en pratique, l’obligation d’étiquetage n’entraîne pas de charges supplémentaires importantes en temps et en coûts pour les producteurs. L’étendue et le degré de détail des informations figurant sur une étiquette peuvent être aisément modifiés par ordinateur au moment de la fabrication, sans coûts supplémentaires importants.

61.

De plus, les coûts supplémentaires d’un éventuel nouvel étiquetage dans un magasin de vente au détail, en cas d’ajustement des prix ultérieurs ou de campagnes promotionnelles, sont modérés. Premièrement, comme la Commission et le Land de Saxe l’ont fait valoir lors de l’audience, les quantités de marchandises ainsi touchées par de telles actions sont relativement faibles. Deuxièmement, le nouvel étiquetage en cas de modification des prix entraînera certainement un travail supplémentaire pour les détaillants. Cependant, comme le Land de Saxe l’a souligné lors de l’audience, un autocollant apposé sur l’étiquette originelle devrait être conforme à l’obligation d’étiquetage. Cela ne saurait être considéré comme donnant lieu à des coûts disproportionnés au regard de l’objectif consistant à informer le consommateur du changement de prix.

62.

Pour ces raisons, je considère que l’obligation d’étiquetage n’impose pas de charges manifestement disproportionnées au regard des intérêts de la requérante et n’est pas disproportionnée par rapport à la réalisation de l’objectif de protection des consommateurs. Par conséquent, elle ne donne pas lieu à une limitation inadmissible de la liberté d’entreprise prévue à l’article 16 de la Charte.

63.

Au vu de ce qui précède, je propose à la Cour de répondre comme suit à la première question : l’examen de la question posée n’a révélé aucun élément de nature à entacher la validité de l’article 5, paragraphe 4, sous b), du règlement no 543/2008 eu égard à l’article 16 de la Charte.

B – Sur la seconde question : la compatibilité de l’obligation d’étiquetage avec l’article 40, paragraphe 2, TFUE

64.

Conformément à la jurisprudence constante de la Cour, l’article 40, paragraphe 2, TFUE consacre le principe général de non‑discrimination dans le domaine de l’agriculture ( 34 ). Ce principe s’applique aux opérateurs économiques qui sont soumis à une organisation commune des marchés ( 35 ). Cette disposition constitue l’expression spécifique du principe général de non‑discrimination, lequel exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié ( 36 ).

65.

Il convient de souligner d’emblée que la réponse à la première question préjudicielle ne préjuge pas de l’analyse de la compatibilité de l’obligation d’étiquetage avec le principe de non-discrimination. L’appréciation de la compatibilité de l’obligation d’étiquetage avec la liberté d’entreprise consacrée à l’article 16 de la Charte est un examen de nature « verticale» : l’objectif déclaré de protection des consommateurs est examiné par rapport aux moyens de mise en œuvre de l’obligation d’étiquetage, mais seulement en ce qui concerne le produit concerné, à savoir la viande fraîche de volaille. Cet examen est réalisé, dans une large mesure, indépendamment des autres produits et secteurs. En revanche, le principe de non-discrimination prévu à l’article 40, paragraphe 2, TFUE exige un type de contrôle différent, qui est de nature « horizontale» : l’obligation d’étiquetage, qui est applicable uniquement et exclusivement aux viandes fraîches de volailles, donne-t-elle lieu à un traitement différent de situations comparables ? Dans l’affirmative, un tel traitement peut-il être objectivement justifié ?

1. Le caractère comparable

66.

La question préalable est celle du caractère comparable : quels sont les producteurs, les consommateurs et, à travers eux, les produits qui peuvent être considérés comme se trouvant dans la même situation aux fins de l’article 40, paragraphe 2, TFUE ? Il existe des divergences de vues à cet égard.

67.

D’une part, la juridiction de renvoi et la requérante conçoivent le caractère comparable de manière large. Elles suggèrent que l’article 5, paragraphe 4, sous b), du règlement no 543/2008 donne lieu à une différence de traitement en ce qui concerne d’autres types de viandes qui ne sont pas soumises à la même obligation, comme la viande de porc, de bœuf, de mouton ou de chèvre. Elles laissent entendre que tous ces types de produits carnés frais sont, aux fins de l’étiquetage, comparables.

68.

D’autre part, la Commission adopte une vue plus étroite du caractère comparable et soutient que la viande fraîche de volaille ne se trouve pas dans la même situation que d’autres produits carnés. L’argument principal avancé par la Commission pour soutenir cette thèse est d’ordre historique : il s’appuie sur un exposé détaillé de l’évolution des différents cadres réglementaires auxquels les différents secteurs de la viande ont été soumis. La Commission soutient que le législateur de l’Union a été moins interventionniste dans le secteur de la viande de volaille par rapport à d’autres secteurs de la viande. Parmi les rares mesures qui ont été adoptées par l’Union afin de soutenir le secteur de la viande de volaille figurent des normes de commercialisation telles que l’obligation d’étiquetage. La Commission soutient que cette obligation, en protégeant les consommateurs, encourage les ventes et contribue ainsi à la réalisation de l’objectif d’amélioration du revenu des agriculteurs.

69.

Le point de vue de la Commission pose, selon moi, plusieurs problèmes. Avant tout, la question du caractère comparable constitue, par nature, une appréciation objective. Cette question examine si, par rapport à une certaine qualité (c’est-à-dire le tertium comparationis, qui peut être une valeur, un objectif, une action, etc.), les éléments de comparaison (les personnes, produits, etc.) montrent plus de similarités ou plus de différences. Il est certain que, dans le cadre de cette appréciation, les choix réglementaires subjectifs antérieurs sont pertinents, notamment pour définir le tertium comparationis ( 37 ). Ils ne sont toutefois pas nécessairement décisifs.

70.

Néanmoins, les questions assez complexes du caractère comparable des différents secteurs agricoles ne doivent pas être examinées ici, et ce pour une raison simple : même si l’on devait accepter les arguments de la Commission concernant le caractère non comparable des produits carnés appartenant à différents secteurs, il n’en demeure pas moins que l’article 5, paragraphe 4, sous b), du règlement no 543/2008 ne soumet qu’un seul produit à l’obligation d’étiquetage, à savoir la viande fraîche de volaille. Comme l’indique la requérante, d’autres produits de viandes de volaille auxquels le règlement no 543/2008 est également applicable, comme la viande de volaille congelée ou surgelée ( 38 ), ne sont pas soumis à l’obligation d’étiquetage ( 39 ).

71.

Ainsi, même si l’on adoptait le point de vue étroit du caractère comparable défendu par la Commission, qui se limite aux seules viandes de volaille, il existe toujours une différence de traitement au sein du seul secteur des viandes de volaille.

2. Justification objective

72.

La différence de traitement ayant à présent été établie, je vais maintenant examiner si elle peut être objectivement justifiée.

73.

La Commission a invoqué son pouvoir d’appréciation dans la poursuite des objectifs de la politique agricole commune. En effet, comme déjà indiqué ci-dessus au point 38 des présentes conclusions, la Cour a constamment reconnu le large pouvoir d’appréciation dont disposent les institutions de l’Union s’agissant des questions liées à l’agriculture. Par conséquent, lorsque la Cour examine des violations alléguées du principe de non-discrimination dans le domaine de l’agriculture, le contrôle qu’elle exerce se limite à vérifier si la mesure en cause n’est pas entachée d’erreur manifeste ou de détournement de pouvoir et si l’institution en question n’a pas manifestement dépassé les limites de son pouvoir d’appréciation ( 40 ).

74.

Cela étant, pour qu’une différence de traitement dans ce domaine ne soit pas discriminatoire, elle doit malgré tout être justifiée par des raisons objectives qui ne sont pas manifestement inappropriées ( 41 ). Il appartient, en particulier, à l’institution qui est l’auteur de l’acte en cause d’établir l’existence de tels critères objectifs et d’apporter à la Cour les éléments appropriés à l’évaluation de ces critères ( 42 ).

75.

En dépit des questions qui ont été posées à plusieurs reprises à la Commission lors de l’audience, force est de constater qu’un manque de clarté évident persiste quant aux raisons objectives susceptibles de justifier l’adoption d’une obligation d’étiquetage limitée aux seules viandes fraîches de volaille, mais non applicable à d’autres types de viandes de volaille. La Commission a mis en avant deux raisons objectives potentielles : premièrement, la protection des consommateurs en tant que telle et, deuxièmement, une meilleure protection des consommateurs en tant qu’objectif intermédiaire pour contribuer à la réalisation de l’objectif d’amélioration du revenu des agriculteurs.

76.

Il me paraît difficile d’accepter ces arguments en tant que justifications valables de l’inégalité de traitement en cause.

77.

Bien qu’une obligation d’étiquetage puisse être considérée, en tant que telle, comme appropriée pour atteindre un niveau élevé d’information du consommateur, aucune raison objective n’a été avancée pour expliquer pourquoi cette obligation ne devrait s’appliquer qu’aux viandes fraîches de volaille et non pas également aux autres types de viandes de volaille relevant du champ d’application du règlement en cause.

78.

En règle générale, dans le cas de produits frais, le caractère périssable serait susceptible de justifier certaines différences s’agissant de l’information devant figurer sur les étiquettes apposées sur le préemballage des produits carnés ( 43 ). Toutefois, aucune caractéristique particulière n’a été invoquée pour justifier des obligations d’étiquetage différentes s’agissant des indications relatives au prix ( 44 ). Au contraire, lors de l’audience, la requérante et le Land de Saxe ont confirmé que les caractéristiques particulières alléguées de la viande fraîche de volaille en ce qui concerne la conservation, le transport, l’abatage, la découpe, la commercialisation et la taille des viandes de volaille n’ont aucune incidence sur la fabrication d’emballages au poids standardisé. En tout état de cause, ces caractéristiques particulières, s’il y en a, seraient non seulement propres à la viande fraîche de volaille, mais aussi à d’autres types de viandes de volaille qui ne sont pas soumises à l’obligation d’étiquetage.

79.

En outre, la Commission a indiqué que l’article 3, paragraphe 1, de la directive 98/6 réduit l’écart entre le régime juridique applicable à la viande de volaille et celui applicable aux autres types de viandes, puisque cette disposition implique, notamment en ce qui concerne les produits avec des poids non standardisés, l’obligation d’indiquer le prix sur le préemballage. La Commission indique que le fait qu’un tel régime général existe ne signifie pas que le niveau de protection applicable dans le domaine de la viande de volaille devrait être abaissé. Invoquant une argumentation similaire, le Land de Saxe fait également valoir que l’application du principe de non‑discrimination ne devrait pas conduire au niveau de protection le moins élevé, faisant référence, par analogie, à la jurisprudence de la Cour dans le domaine de la police sanitaire ( 45 ).

80.

Selon moi, ces arguments ne permettent pas non plus de valablement justifier la différence de traitement.

81.

Premièrement, l’argument de la Commission selon lequel la différence de traitement est « réduite » par l’obligation générale prévue à l’article 3, paragraphe 1, de la directive 98/6 n’est pas pertinent. Tout d’abord, il ne justifie en aucun cas la différence de traitement « résiduelle » et il ne permet certainement pas de justifier, en soi, la différence de traitement.

82.

Deuxièmement, il convient de distinguer la présente affaire de l’arrêt du 6 décembre 2005, ABNA e.a. (C‑453/03, C‑11/04, C‑12/04 et C‑194/04, EU:C:2005:741), invoqué par le Land de Saxe. Dans cette affaire, la Cour a examiné la compatibilité d’une exigence prévue par la directive 2002/2/CE ( 46 ) avec le principe de non-discrimination, à savoir que les fabricants d’aliments pour animaux étaient soumis à des exigences en matière d’information qui ne s’appliquaient pas aux aliments destinés à la consommation humaine. Dans ce contexte, la Cour a considéré que le fait que des mesures aussi restrictives puissent également être justifiées dans d’autres secteurs qui n’ont pas encore fait l’objet d’une réglementation ne constituait pas une raison suffisante pour considérer que les mesures en cause n’étaient pas légitimes en raison de leur caractère discriminatoire. La Cour a jugé que, « [à] défaut, cela aurait pour effet d’aligner le niveau de protection de la santé publique sur la réglementation existante la moins protectrice» ( 47 ).

83.

La situation en cause dans la présente affaire se distingue clairement de celle dans l’arrêt ABNA e.a. (C‑453/03, C‑11/04, C‑12/04 et C‑194/04, EU:C:2005:741). Premièrement, cet arrêt ne portait pas sur le traitement différent de produits couverts par une organisation commune des marchés dans le domaine de la politique agricole commune. Au lieu de cela, la directive 2002/2 était fondée sur l’article 152, paragraphe 4, sous b), CE [devenu article 168, paragraphe 4, sous b) TFUE] en tant que base juridique liée à l’adoption de mesures visant à assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine. Contrairement à l’affaire ABNA e.a. (C‑453/03, C‑11/04, C‑12/04 et C‑194/04, EU:C:2005:741), l’obligation d’étiquetage en cause dans la présente affaire instaure une différence de traitement en ce qui concerne des produits agricoles appartenant au même secteur, à savoir celui de la viande de volaille, tel que défini dans le règlement no 1234/2007 et le règlement d’application no 543/2008. Deuxièmement, comme l’avocat général l’avait relevé dans cette affaire, la réglementation plus stricte des aliments pour animaux pouvait être objectivement justifiée en raison du lien plus étroit entre, d’une part, le secteur des aliments pour animaux et, d’autre part, l’encéphalopathie spongiforme et la crise de la dioxine, auxquelles était liée l’adoption de la directive 2002/2 ( 48 ).

84.

Le deuxième volet de justifications potentielles avancé par la Commission concerne l’objectif de protection des consommateurs, cette fois-ci non pas en tant qu’objectif même, mais en tant que valeur de transition vers l’objectif final d’amélioration du revenu des agriculteurs. Cet argument est développé comme suit : en offrant des informations supplémentaires aux consommateurs, l’indication du prix figurant sur l’emballage rehausse leur confiance dans le produit. Une confiance accrue des consommateurs augmente les ventes, améliorant ainsi, en définitive, le revenu des agriculteurs.

85.

Cet argument ne convainc pas. Le simple bon sens voudrait que la requérante et les autres détaillants souhaitent eux aussi favoriser ces ventes. Toutefois, comme la requérante le fait valoir de manière assez détaillée, les coûts supplémentaires liés à l’obligation d’étiquetage sont susceptibles de faire subir aux détaillants des charges plus importantes en cas d’ajustements des prix et d’actions promotionnelles à l’égard de la viande fraîche de volaille, décourageant ainsi les ventes de ce produit. Il est donc difficile de voir comment une obligation d’étiquetage supplémentaire contribuerait à augmenter les ventes à cet égard.

86.

Toutefois, si l’on laisse de côté les spéculations sur la réalité sociale ou les perceptions des consommateurs, la Commission n’a pas plus donné de justification objective qui permettrait d’expliquer pourquoi, même en admettant que l’obligation d’étiquetage contribue à l’amélioration du revenu des agriculteurs, une telle mesure devrait se limiter à la seule viande fraîche de volaille et ne devrait pas s’appliquer à d’autres types de viandes de volaille.

87.

Par conséquent, à mes yeux, ni la première ni la deuxième raison invoquée par la Commission ne constituent des justifications objectives aux différences en matière d’exigences d’étiquetage dans le secteur de la viande de volaille.

88.

Enfin, la Commission s’appuie sur la jurisprudence de la Cour en vertu de laquelle la légalité d’un acte de l’Union doit être appréciée en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date où l’acte a été adopté ( 49 ). Lors de l’audience, la Commission a laissé entendre que si elle devait être amenée à adopter des règles similaires aujourd’hui, celles-ci auraient peut-être été différentes. Partant, une partie du pouvoir d’appréciation dont disposait la Commission a été considérée comme comprenant également une dimension historique : celle-ci devrait être autorisée à introduire des changements au fur et à mesure. Dans un tel contexte, il ne devrait pas être du ressort de la Cour d’intervenir et d’annuler de telles dispositions.

89.

La réponse à cet argument peut être double : une réponse concrète, spécifique à l’affaire, et une réponse plus large, d’ordre constitutionnel. Au niveau concret de la présente affaire, il suffit de relever que l’obligation d’étiquetage, initialement prévue à l’article 5, paragraphe 3, sous b), du règlement no 1906/90 ( 50 ), a été reprise dans le règlement d’application en cause, adopté en 2008. Ainsi, le législateur pourrait, en quelque sorte, être considéré comme adoptant à nouveau les mêmes choix réglementaires en 2008. La Cour ne dispose d’aucun élément qui permettrait d’établir que des raisons techniques ou toute autre raison objective présente à ce moment-là seraient de nature à justifier la différence de traitement en cause dans la présente affaire.

90.

De manière plus générale, le large pouvoir d’appréciation dont disposent les institutions de l’Union dans certains domaines ne saurait être interprété, à mes yeux, comme un « chèque en blanc » illimité dans le temps, signifiant que les choix réglementaires effectués dans le passé devraient être perçus comme justifiant, de manière permanente et suffisante, qu’ils continuent à s’appliquer dans un contexte social et de marché ayant considérablement changé. Pour utiliser une métaphore, le législateur doit, à l’instar d’un forestier, régulièrement prendre soin de la forêt législative. Il doit non seulement continuer à planter des arbres, mais il doit également, à intervalles réguliers, éclaircir la forêt et éliminer le bois mort. À défaut, il ne pourra pas s’étonner de ce que quelqu’un d’autre soit obligé d’intervenir.

91.

Pour toutes ces raisons, même en reconnaissant le large pouvoir d’appréciation dont dispose la Commission et en exerçant un contrôle modéré, je suis amené à conclure que la Commission n’a pas produit de critères objectifs susceptibles de justifier la différence de traitement, s’agissant des exigences en matière d’étiquetage, entre les différents types de viandes de volaille.

92.

En conséquence, j’estime que la Cour devrait répondre de la manière suivante à la seconde question préjudicielle : l’article 5, paragraphe 4, sous b), du règlement no 543/2008 est entaché d’illégalité, dans la mesure où il instaure une discrimination entre différents types de viandes de volaille en violation de l’article 40, paragraphe 2, TFUE.

IV – Conclusion

93.

Compte tenu des considérations qui précèdent, je suggère à la Cour de répondre comme suit aux questions préjudicielles posées par le Sächsisches Oberverwaltungsgericht (tribunal administratif supérieur du Land de Saxe) :

1)

L’examen de la première question n’a révélé aucun facteur de nature à entacher la validité de l’article 5, paragraphe 4, sous b), du règlement (CE) no 543/2008 de la Commission, du 16 juin 2008, portant modalités d’application du règlement (CE) no 1234/2007 du Conseil en ce qui concerne les normes de commercialisation pour la viande de volaille, eu égard à l’article 16 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

2)

L’article 5, paragraphe 4, sous b), du règlement no 543/2008 est entaché d’illégalité, dans la mesure où il instaure une discrimination entre différents types de viandes de volaille en violation de l’article 40, paragraphe 2, TFUE.


( 1 ) Langue originale : l’anglais.

( 2 ) Règlement de la Commission du 16 juin 2008 portant modalités d’application du règlement (CE) no 1234/2007 du Conseil en ce qui concerne les normes de commercialisation pour la viande de volaille (JO 2008, L 157, p. 46).

( 3 ) Règlement du Conseil du 22 octobre 2007 portant organisation commune des marchés dans le secteur agricole et dispositions spécifiques en ce qui concerne certains produits de ce secteur (règlement OCM unique) (JO 2007, L 299, p. 1). Ce règlement a été abrogé par le règlement (UE) no 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, portant organisation commune des marchés des produits agricoles et abrogeant les règlements (CEE) no 922/72, (CEE) no 234/79, (CE) no 1037/2001 et no 1234/2007 du Conseil (JO 2013, L 347, p. 671). Toutefois, la disposition sur laquelle le règlement no 543/2008 est fondé, à savoir l’article 121, sous e), iv), du règlement no 1234/2007, fait partie des dispositions qui continuent à s’appliquer en vertu de l’article 230, paragraphe 1, sous c), du règlement no 1308/2013. Conformément à l’article 230, paragraphe 2, du règlement no 1308/2013, les références au règlement no 1234/2007 s’entendent comme faites au règlement no 1308/2013 et au règlement (UE) no 1306/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, relatif au financement, à la gestion et au suivi de la politique agricole commune et abrogeant les règlements (CEE) no 352/78, (CE) no 165/94, (CE) no 2799/98, (CE) no 814/2000, (CE) no 1200/2005 et no 485/2008 du Conseil (JO 2013, L 347, p. 549), et sont à lire selon le tableau de correspondance figurant à l’annexe XIV du règlement no 1308/2013.

( 4 ) Règlement du 26 juin 1990 établissant des normes de commercialisation pour les volailles (JO 1990, L 173, p. 1), abrogé par le règlement no 1234/2007.

( 5 ) Aux termes de l’article 2, sous c), du règlement no 543/2008, la « viande de volaille préemballée » désigne la viande de volaille présentée conformément aux conditions prévues à l’article 1er, paragraphe 3, sous b), de la directive 2000/13. Conformément à l’article 1er, paragraphe 3, sous b), de la directive 2000/13, l’expression « denrée alimentaire préemballée » désigne « l’unité de vente destinée à être présentée en l’état au consommateur final et aux collectivités, constituée par une denrée alimentaire et l’emballage dans lequel elle a été conditionnée avant sa présentation à la vente, que cet emballage la recouvre entièrement ou partiellement, mais de telle façon que le contenu ne puisse être modifié sans que l’emballage subisse une ouverture ou une modification ». La directive 2000/13 a été abrogée par le règlement (UE) no 1169/2011 du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2011, concernant l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires, modifiant les règlements (CE) no 1924/2006 et (CE) no 1925/2006 du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 87/250/CEE de la Commission, la directive 90/496/CEE du Conseil, la directive 1999/10/CE de la Commission, la directive 2000/13 du Parlement européen et du Conseil, les directives 2002/67/CE et 2008/5/CE de la Commission et le règlement (CE) no 608/2004 de la Commission (JO 2011, L 304, p. 18). Toutefois, l’article 2, paragraphe 2, sous e), du règlement no 1169/2011 maintient la précédente définition et précise que la notion de « denrée alimentaire préemballée »« ne couvre pas les denrées emballées sur le lieu de vente à la demande du consommateur ou préemballées en vue de leur vente immédiate ».

( 6 ) Directive du Parlement européen et du Conseil du 16 février 1998 (JO 1998, L 80, p. 27).

( 7 ) Voir notamment, pour les différentes formules, arrêts du 14 mai 1974, Nold/Commission (4/73, EU:C:1974:51, point 14) ; du 13 décembre 1979, Hauer (44/79, EU:C:1979:290, point 32) ; du 27 septembre 1979, Eridania-Zuccherifici nazionali et Società italiana per l’industria degli zuccheri (230/78, EU:C:1979:216, point 21) ; du 6 décembre 1984, Biovilac/CEE (59/83, EU:C:1984:380, point 21) ; du 8 octobre 1986, Keller (234/85, EU:C:1986:377, point 8) ; du 19 septembre 1985, Finsider/Commission (63/84 et 147/84, EU:C:1985:358, point 24) ; du 21 mai 1987, Rau Lebensmittelwerke e.a. (133/85 à 136/85, EU:C:1987:244, point 19) ; du 11 juillet 1989, Schräder HS Kraftfutter (265/87, EU:C:1989:303, point 15) ; du 21 février 1991, Zuckerfabrik Süderdithmarschen et Zuckerfabrik Soest (C‑143/88 et C‑92/89, EU:C:1991:65, point 76) ; du 10 janvier 1992, Kühn (C‑177/90, EU:C:1992:2, point 16) ; du 5 octobre 1994, Allemagne/Conseil (C‑280/93, EU:C:1994:367, point 81), et du 30 juillet 1996, Bosphorus (C‑84/95, EU:C:1996:312, point 22).

( 8 ) Arrêt du 9 septembre 2004, Espagne et Finlande/Parlement et Conseil (C‑184/02 et C‑223/02, EU:C:2004:497, point 51).

( 9 ) Voir, notamment, arrêts du 6 septembre 2012, Deutsches Weintor (C‑544/10, EU:C:2012:526, points 44 et suiv.) ; du 29 mars 2012, Interseroh Scrap and Metals Trading (C‑1/11, EU:C:2012:194, point 43), ainsi que du 30 avril 2014, Pfleger e.a. (C‑390/12, EU:C:2014:281, points 57 et suiv.).

( 10 ) Arrêts du 22 janvier 2013, Sky Österreich (C‑283/11, EU:C:2013:28, point 46), et du 28 novembre 2013, Conseil/Manufacturing Support & Procurement Kala Naft (C‑348/12 P, EU:C:2013:776, point 123).

( 11 ) Voir Cour EDH, 23 septembre 1982, Sporrong et Lönnroth c. Suède, CE:ECHR:1982:0923JUD000715175, § 61 ; 24 octobre 1986, AGOSI c. Royaume-Uni, CE:ECHR:1986:1024JUD000911880, § 52 ; 25 octobre 1989, Allan Jacobsson c. Suède, ECLI:CE:ECHR:1989:1025JUD001084284, et 30 août 2007, J.A. Pye (Oxford) LTD et J.A. Pye (Oxford) Land LTD c. Royaume-Uni CE:ECHR:2007:0830JUD004430202, § 55. Voir également décision de la Commission européenne des droits de l’homme rendue dans l’affaire Pinnacle Meat Processors Company et autres c. Royaume-Uni, 21 octobre 1998, requête no 33298/96.

( 12 ) En effet, comme l’avocat général Wahl l’a indiqué au point 69 des conclusions qu’il a présentées le 12 mars 2015 dans l’affaire Gullotta et Farmacia di Gullotta Davide & C. (C‑497/12, EU:C:2015:168), les entreprises bénéficient du droit prévu à l’article 15 de la Charte.

( 13 ) Voir, à cet égard, point 24 des conclusions que l’avocat général Wahl a présentées le 29 mai 2013 dans l’affaire Schaible (C‑101/12, EU:C:2013:334).

( 14 ) Voir, notamment, arrêt du 13 décembre 1979, Hauer (44/79, EU:C:1979:290, point 32). Toutefois, comme l’a relevé l’avocat général Cruz Villalón au point 51 des conclusions qu’il a présentées le 19 février 2013 dans l’affaire Alemo-Herron e.a. (C‑426/11, EU:C:2013:82), malgré ce lien étroit, le droit fondamental de propriété et la liberté d’entreprise protègent des situations juridiques différentes.

( 15 ) Voir, notamment, arrêts du 22 janvier 2013, Sky Österreich (C‑283/11, EU:C:2013:28, points 42 et suiv.) ; du 18 juillet 2013, Alemo-Herron e.a. (C‑426/11, EU:C:2013:521, points 32 et suiv.), ainsi que du 17 octobre 2013, Schaible (C‑101/12, EU:C:2013:661, point 25).

( 16 ) Arrêt du 27 mars 2014, UPC Telekabel Wien (C‑314/12, EU:C:2014:192, points 49 et 50).

( 17 ) Voir approche adoptée par la Cour dans les arrêts du 24 novembre 2011, Scarlet Extended (C‑70/10, EU:C:2011:771) ; du 31 janvier 2013, McDonagh (C‑12/11, EU:C:2013:43) ; du 22 janvier 2013, Sky Österreich (C‑283/11, EU:C:2013:28) ; du 17 octobre 2013, Schaible (C‑101/12, EU:C:2013:661), ainsi que du 17 décembre 2015, Neptune Distribution (C‑157/14, EU:C:2015:823).

( 18 ) Voir, notamment, arrêts du 22 janvier 2013, Sky Österreich (C‑283/11, EU:C:2013:28, point 45), et du 6 septembre 2012, Deutsches Weintor (C‑544/10, EU:C:2012:526, point 54).

( 19 ) Voir, notamment, arrêt du 9 novembre 2010, Volker und Markus Schecke et Eifert (C‑92/09 et C‑93/09, EU:C:2010:662, point 65).

( 20 ) Arrêt du 8 octobre 1986, Keller (234/85, EU:C:1986:377, point 9). Voir également arrêts du 6 septembre 2012, Deutsches Weintor (C‑544/10, EU:C:2012:526, points 57 et 58), ainsi que du 17 décembre 2015, Neptune Distribution (C‑157/14, EU:C:2015:823, point 71).

( 21 ) Arrêt du 8 avril 2014, Digital Rights Ireland e.a. (C‑293/12 et C‑594/12, EU:C:2014:238, point 47).

( 22 ) Voir, notamment, arrêts du 13 novembre 1990, Fedesa e.a. (C‑331/88, EU:C:1990:391, point 14) ; du 11 juillet 1989, Schräder HS Kraftfutter (265/87, EU:C:1989:303, point 22), ainsi que du 7 septembre 2006, Espagne/Conseil (C‑310/04, EU:C:2006:521, points 96 et suiv.).

( 23 ) Voir, notamment, arrêts du 17 octobre 2013, Schaible (C‑101/12, EU:C:2013:661, point 48), et du 17 mars 2011, AJD Tuna (C‑221/09, EU:C:2011:153, point 80).

( 24 ) Voir, notamment, arrêt du 17 octobre 2013, Schaible (C‑101/12, EU:C:2013:661, point 28).

( 25 ) Voir, notamment, arrêts du 12 juillet 2001, Jippes e.a. (C‑189/01, EU:C:2001:420, point 81) ; du 28 juillet 2011, Agrana Zucker (C‑309/10, EU:C:2011:531, point 42) ; du 17 octobre 2013, Schaible (C‑101/12, EU:C:2013:661, point 29), ainsi que du 29 avril 2015, Léger (C‑528/13, EU:C:2015:288, point 58).

( 26 ) Voir, à cet effet, point 57 des conclusions que l’avocat général Tizzano a présentées le 7 avril 2005 dans l’affaire ABNA e.a. (C‑453/03, EU:C:2005:202).

( 27 ) Voir, notamment, conclusions que l’avocat général Kokott a présentées le 10 mars 2009 dans l’affaire S.P.C.M. e.a. (C‑558/07, EU:C:2009:142, points 74 et suiv.), ainsi que le 19 janvier 2012 dans l’affaire Association Kokopelli (C‑59/11, EU:C:2012:28, point 61). Voir également point 40 des conclusions que l’avocat général Wahl a présentées le 29 mai 2013 dans l’affaire Schaible (C‑101/12, EU:C:2013:334).

( 28 ) Conclusions qu’elle a présentées le 23 décembre 2015 dans les affaires Pologne/Parlement et Conseil (C‑358/14, EU:C:2015:848, point 89) ; Pillbox 38 (C‑477/14, EU:C:2015:854, point 58), ainsi que Philip Morris Brands e.a. (C‑547/14, EU:C:2015:853, point 150). Voir en ce sens également points 80 et suiv. des conclusions que l’avocat général Trstenjak a présentées le 24 juin 2010 dans l’affaire Chabo (C‑213/09, EU:C:2010:372).

( 29 ) Voir, à cet égard, avis 2/13, du 18 décembre 2014 (EU:C:2014:2454).

( 30 ) Voir, notamment, arrêts du 31 janvier 2013, McDonagh (C‑12/11, EU:C:2013:43, point 63), et du 17 décembre 2015, Neptune Distribution (C‑157/14, EU:C:2015:823, point 74).

( 31 ) Directive du Conseil du 20 janvier 1976 concernant le rapprochement des législations des États membres relatives au préconditionnement en masse ou en volume de certains produits en préemballages (JO 1976, L 46, p. 1).

( 32 ) Voir, en particulier, considérants 6, 11 et 12.

( 33 ) Voir, notamment, dans le domaine de la libre circulation des marchandises, arrêt du 10 novembre 1982, Rau Lebensmittelwerke (261/81, EU:C:1982:382, point 17).

( 34 ) Voir, notamment, arrêt du 14 mars 2013, Agrargenossenschaft Neuzelle (C‑545/11, EU:C:2013:169, point 41 et jurisprudence citée).

( 35 ) Voir, à cet effet, arrêt du 5 octobre 1994, Allemagne/Conseil (C‑280/93, EU:C:1994:367, point 68).

( 36 ) Voir, notamment, arrêts du 19 octobre 1977, Ruckdeschel e.a. (117/76 et 16/77, EU:C:1977:160, point 10) ; du 19 octobre 1977, Moulins et Huileries de Pont‑à‑Mousson et Providence agricole de la Champagne (124/76 et 20/77, EU:C:1977:161, point 22) ; du 6 mars 2003, Niemann (C‑14/01, EU:C:2003:128, point 51), ainsi que du 11 juillet 2006, Franz Egenberger (C‑313/04, EU:C:2006:454, point 33 et jurisprudence citée).

( 37 ) En effet, le caractère comparable « doi[t], notamment, être déterminé […] et apprécié […] à la lumière de l’objet et du but de l’acte communautaire qui institue la distinction en cause » (arrêt du 16 décembre 2008, Arcelor Atlantique et Lorraine e.a., C‑127/07, EU:C:2008:728, point 26 et jurisprudence citée). Voir, pour plus de précisions concernant l’application du principe de non-discrimination entre différents secteurs dans le domaine de la politique agricole commune, Barents, R., The Significance of the Non-Discrimination Principle for the Common Agricultural Policy : Between Competition and Intervention, Mélanges H.G. Schermers, vol. 2, Martinus Nijhoff Publishers, 1994, p. 527, notamment p. 538.

( 38 ) Aux termes de l’annexe XIV, point B III, paragraphe 2, du règlement no 1234/2007, les viandes de volaille et les préparations à base de viandes de volaille peuvent être commercialisées à l’état i) frais, ii) congelé ou iii) surgelé.

( 39 ) En outre, il convient de relever que le règlement (CE) no 1047/2009 du Conseil, du 19 octobre 2009, modifiant le règlement no 1234/2007 portant organisation commune des marchés dans le secteur agricole, en ce qui concerne les normes de commercialisation pour la viande de volaille (JO 2009, L 290, p. 1), a étendu le champ d’application des normes de commercialisation pour la viande de volaille aux « préparations à base de viande de volaille » et aux « produits à base de viande de volaille ».

( 40 ) Voir, notamment, arrêts du 14 mars 2013, Agrargenossenschaft Neuzelle (C‑545/11, EU:C:2013:169, point 43), ainsi que du 17 mars 2011, AJD Tuna (C‑221/09, EU:C:2011:153, point 80).

( 41 ) Voir, notamment, arrêts du 16 décembre 2008, Arcelor Atlantique et Lorraine e.a. (C‑127/07, EU:C:2008:728, point 58), ainsi que du 14 mars 2013, Agrargenossenschaft Neuzelle (C‑545/11, EU:C:2013:169, points 44 et suiv.).

( 42 ) Voir, à cet effet, notamment, arrêts du 17 octobre 2013, Schaible (C‑101/12, EU:C:2013:661, point 78), ainsi que du 16 décembre 2008, Arcelor Atlantique et Lorraine e.a. (C‑127/07, EU:C:2008:728, point 48 ainsi que jurisprudence citée).

( 43 ) Notamment, comme prévu par le règlement no 1169/2011, mentionné à la note en bas de page 5.

( 44 ) Par conséquent, la présente affaire se distingue de situations telles que celles en cause dans, notamment, les arrêts du 6 mars 2003, Niemann (C‑14/01, EU:C:2003:128, points 51 et suiv.), ainsi que du 12 juillet 2012, Association Kokopelli (C‑59/11, EU:C:2012:447, point 73).

( 45 ) Arrêt du 6 décembre 2005, ABNA e.a. (C‑453/03, C‑11/04, C‑12/04 et C‑194/04, EU:C:2005:741, point 65).

( 46 ) Directive du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2002 modifiant la directive 79/373/CEE du Conseil concernant la circulation des aliments composés pour animaux et abrogeant la directive 91/357/CEE de la Commission (JO 2002, L 63, p. 23).

( 47 ) Arrêt du 6 décembre 2005, ABNA e.a. (C‑453/03, C‑11/04, C‑12/04 et C‑194/04, EU:C:2005:741, point 65).

( 48 ) Point 138 des conclusions que l’avocat général Tizzano a présentées le 7 avril 2005 dans l’affaire ABNA e.a. (C‑453/03, EU:C:2005:202).

( 49 ) Voir, notamment, arrêt du 28 juillet 2011, Agrana Zucker (C‑309/10, EU:C:2011:531, point 45 et jurisprudence citée).

( 50 ) Il convient de relever que la proposition de règlement (CEE) du Conseil établissant des normes de commercialisation pour la viande de volaille [COM(89) 580 final, du 23 novembre 1989], présentée par la Commission, avait envisagé que l’obligation d’étiquetage prévue à son article 5, paragraphe 3, s’applique à la « viande de volaille préemballée » en général. Les seules obligations spécifiques à l’étiquetage de la viande de volaille fraîche concernaient la date limite de consommation.

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