EUR-Lex L'accès au droit de l'Union européenne

Retour vers la page d'accueil d'EUR-Lex

Ce document est extrait du site web EUR-Lex

Document 62015CO0397

Ordonnance de la Cour (septième chambre) du 13 janvier 2016.
Raiffeisen Privatbank Liechtenstein AG contre Gerhild Lukath.
Demande de décision préjudicielle, introduite par le Landgericht Itzehoe.
Renvoi préjudiciel – Convention de Rome sur la loi applicable aux obligations contractuelles – Premier protocole concernant l’interprétation par la Cour de la convention de Rome – Articles 1 et 2, sous a) et b) – Juridictions nationales ayant la faculté de saisir la Cour d’une question préjudicielle – Incompétence manifeste de la Cour.
Affaire C-397/15.

Identifiant ECLI: ECLI:EU:C:2016:16

ORDONNANCE DE LA COUR (septième chambre)

13 janvier 2016 (*)

«Renvoi préjudiciel – Convention de Rome sur la loi applicable aux obligations contractuelles – Premier protocole concernant l’interprétation par la Cour de la convention de Rome – Articles 1 et 2, sous a) et b) – Juridictions nationales ayant la faculté de saisir la Cour d’une question préjudicielle – Incompétence manifeste de la Cour»

Dans l’affaire C‑397/15,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre du premier protocole du 19 décembre 1988 concernant l’interprétation par la Cour de justice des Communautés européennes de la convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles, introduite par le Landgericht Itzehoe (tribunal régional d’Itzehoe, Allemagne), par décision du 15 juin 2015, parvenue à la Cour le 23 juillet 2015, dans la procédure

Raiffeisen Privatbank Liechtenstein AG

contre

Gerhild Lukath,

en présence de:

Rüdiger Boy,

Boy Finanzberatung GmbH,

Christian Maibaum,

Vienna-Life Lebensversicherung AG,

Frank Weber,

LA COUR (septième chambre),

composée de Mme C. Toader (rapporteur), président de chambre, MM. A. Rosas et E. Jarašiūnas, juges,

avocat général: M. M. Szpunar,

greffier: M. A. Calot Escobar,

considérant les observations présentées:

–        pour Raiffeisen Privatbank Liechtenstein AG, par Me P. Fischer, Rechtsanwalt,

–        pour Mme Lukath, par Me S. Bender, Rechtsanwalt,

–        pour la Commission européenne, par M. M. Wilderspin, en qualité d’agent,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

Ordonnance

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 5, paragraphe 2, de la convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles, ouverte à la signature à Rome le 19 juin 1980 (JO 1980, L 266, p. 1, ci-après la «convention de Rome»).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Raiffeisen Privatbank Liechtenstein AG (ci-après «Raiffeisen»), établissement bancaire établi à Vaduz (Liechtenstein), à Mme Lukath, ressortissante allemande ayant sa résidence principale en Allemagne ainsi qu’une résidence secondaire en Espagne, au sujet du remboursement d’un prêt consenti sur la base d’un contrat de crédit à la consommation.

 Le cadre juridique

3        L’article 1er de la convention de Rome, intitulé «Champ d’application», prévoit, à son paragraphe 1:

«Les dispositions de la présente convention sont applicables, dans les situations comportant un conflit de lois, aux obligations contractuelles.»

4        L’article 1er du premier protocole concernant l’interprétation par la Cour de justice des Communautés européennes de la convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles, ouverte à la signature à Rome le 19 juin 1980 (JO 1989, L 48, p. 1, ci-après le «premier protocole»), dispose:

«La Cour de justice des Communautés européennes est compétente pour statuer sur l’interprétation:

a)      de la [convention de Rome];

[...]»

5        L’article 2 du premier protocole prévoit:

«Toute juridiction visée ci-après a la faculté de demander à la Cour de justice de statuer à titre préjudiciel sur une question soulevée dans une affaire pendante devant elle et portant sur l’interprétation des dispositions que comportent les instruments mentionnés à l’article 1er, lorsqu’elle estime qu’une décision sur ce point est nécessaire pour rendre son jugement:

a)      [...]

–        en république fédérale d’Allemagne:

die obersten Gerichtshöfe des Bundes,

[...]

b)      les juridictions des États contractants lorsqu’elles statuent en appel.»

6        Le règlement (CE) n° 593/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 17 juin 2008, sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I) (JO L 177, p. 6, ci-après le «règlement Rome I»), a remplacé la convention de Rome. Le règlement Rome I s’applique aux contrats conclus à compter du 17 décembre 2009.

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

7        Au cours de l’année 2006, la défenderesse au principal a été conseillée par un agent d’investissement en vue du placement d’une épargne d’un montant de 50 000 euros. Cet agent, qui résidait en Allemagne, y avait notamment pour activité la distribution de titres émis par Swiss Select Asset Management AG (ci-après «Swiss Select»), établie en Suisse.

8        Conformément à la stratégie d’investissement développée par Swiss Select et promue par ledit agent, la défenderesse au principal a souscrit une assurance-vie auprès d’un assureur liechtensteinois, financée par une prime unique de 100 000 euros. Cette prime a été couverte par les fonds propres de l’intéressée et par un prêt de 110 000 francs suisses (CHF) au maximum accordé à celle-ci par Raiffeisen sur la base d’un contrat de crédit à la consommation. Ce contrat a été signé le 20 décembre 2006 en Espagne par la défenderesse au principal.

9        Une clause figurant dans ledit contrat désignait le droit liechtensteinois comme la loi applicable à celui-ci.

10      L’assureur a acquis, pour la somme totale investie par la défenderesse au principal, des titres émis par Swiss Select, lesquels ont été remis, à titre de sûretés, à Raiffeisen.

11      Au cours de l’année 2011, Raiffeisen a demandé à la défenderesse au principal de constituer une marge supplémentaire, puisque la valeur des titres émis par Swiss Select s’était dépréciée à partir de l’année 2008 et que, par suite, le prêt consenti à l’intéressée n’était plus suffisamment couvert par les sûretés qui avaient été constituées. Dans ces circonstances, l’assurance-vie a été résiliée et la somme obtenue en conséquence de cette résiliation a été utilisée pour rembourser partiellement ce prêt. Le remboursement du solde dudit prêt, d’un montant d’environ 40 000 CHF, fait l’objet de la demande au principal, laquelle a été introduite en première instance devant la juridiction de renvoi.

12      Les parties au principal divergent sur la question de savoir si ledit contrat de crédit est régi par la loi liechtensteinoise ou par la loi allemande.

13      Dans ces conditions, le Landgericht Itzehoe (tribunal régional d’Itzehoe) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      Un contrat passé entre une banque et un consommateur et portant sur l’octroi d’un crédit qui est lié à un contrat de souscription d’une assurance-vie et à un contrat de conseil et d’intermédiaire en vue du placement d’un capital, lequel capital garantit lui-même le crédit, doit-il être considéré comme un contrat ayant pour objet la fourniture de services au sens de l’article 5, paragraphe 2, de la convention de Rome?

2)       L’article 5, paragraphe 2, de la convention de Rome trouve-t-il aussi application à des situations dans lesquelles la publicité et/ou la prise de contact se font dans un pays dans lequel le consommateur a sa résidence principale, bien qu’il signe les contrats au lieu de sa résidence secondaire, dès lors que le cocontractant du consommateur ou son représentant a reçu la commande du consommateur dans l’État de la résidence principale de celui-ci?»

 Sur la compétence de la Cour

14      En vertu de l’article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsqu’elle est manifestement incompétente pour connaître d’une affaire, la Cour, l’avocat général entendu, peut à tout moment décider de statuer par voie d’ordonnance motivée, sans poursuivre la procédure.

15      Il convient de faire application de ladite disposition dans la présente affaire.

16      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, compte tenu de la date à laquelle a été signé le contrat de crédit consenti par Raiffeisen à la défenderesse au principal, soit le 20 décembre 2006, le litige au principal relève du champ d’application ratione temporis de la convention de Rome, le règlement Rome I n’étant pas encore applicable à cette date.

17      La Cour est, en principe, compétente pour se prononcer sur l’interprétation des dispositions de la convention de Rome en vertu du premier protocole, lequel est entré en vigueur le 1er août 2004 (voir, en ce sens, arrêt ICF, C‑133/08, EU:C:2009:617, point 20).

18      Toutefois, il ressort de l’article 2, sous a) et b), du premier protocole que les juridictions de la République fédérale d’Allemagne qui disposent de la faculté de demander à la Cour de statuer à titre préjudiciel sur l’interprétation des dispositions de la convention de Rome sont, d’une part, les cours fédérales suprêmes («die obersten Gerichtshöfe des Bundes») et, d’autre part, les juridictions statuant en appel.

19      Or, il résulte de manière manifeste de la décision de renvoi que le Landgericht Itzehoe (tribunal régional d’Itzehoe) ne figure pas au nombre des cours fédérales suprêmes allemandes et que, dans le litige au principal, il est appelé à statuer en qualité non de juridiction d’appel, mais de juridiction de première instance.

20      Il s’ensuit que, dans le litige au principal, les conditions prévues à l’article 2, sous a) et b), du premier protocole ne sont pas remplies.

21      Dans ces conditions, il y a lieu de constater que la Cour est manifestement incompétente pour répondre aux questions préjudicielles posées par le Landgericht Itzehoe (tribunal régional d’Itzehoe).

 Sur les dépens

22      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (septième chambre) ordonne:

La Cour de justice de l’Union européenne est manifestement incompétente pour répondre aux questions préjudicielles posées par le Landgericht Itzehoe (tribunal régional d’Itzehoe, Allemagne), par décision du 15 juin 2015 dans l’affaire C‑397/15.

Signatures


* Langue de procédure: l’allemand.

Haut