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Document 62014CC0381

Conclusions de l'avocat général M. M. Szpunar, présentées le 14 janvier 2016.

Recueil – Recueil général

Identifiant ECLI: ECLI:EU:C:2016:15

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MACIEJ SZPUNAR

présentées le 14 janvier 2016 ( 1 )

Affaires jointes C‑381/14 et C‑385/14

Jorge Sales Sinués

contre

Caixabank SA

et

Youssouf Drame Ba

contre

Catalunya Caixa SA (Catalunya Banc SA)

[demandes de décision préjudicielle formées par le Juzgado de lo Mercantil no 9 de Barcelona (tribunal de commerce no 9 de Barcelone, Espagne)]

«Directive 93/13/CEE — Contrats conclus avec les consommateurs — Contrat de prêt hypothécaire — Clauses abusives — Action en nullité d’une clause — Association de protection de consommateurs — Action collective en cessation — Suspension de la procédure individuelle — Principes d’équivalence et d’effectivité»

I – Introduction

1.

Dans les présentes affaires, le Juzgado de lo Mercantil no 9 de Barcelona (tribunal de commerce no 9 de Barcelone, Espagne) éprouve des doutes quant à la compatibilité d’une réglementation espagnole relative à la primauté procédurale civile avec l’article 7 de la directive 93/13/CEE ( 2 ) et, par conséquent, quant à la comptabilité, avec ce même article, de la suspension d’actions individuelles dans l’attente d’une décision définitive clôturant une procédure collective introduite par une association de consommateurs et d’usagers.

2.

Les demandes préjudicielles ont été présentées dans le cadre de litiges opposant deux consommateurs à deux établissements bancaires au sujet des actions individuelles en nullité de clause plancher figurant dans des contrats de crédit hypothécaire.

3.

Ces affaires offrent, entre autres, à la Cour la possibilité de préciser sa jurisprudence concernant la nature des actions individuelles et des actions collectives et leur relation.

II – Le cadre juridique

A – Le droit de l’Union

4.

L’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 dispose:

«Une clause d’un contrat n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle est considérée comme abusive lorsque, en dépit de l’exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat.»

5.

L’article 4, paragraphe 1, de cette directive précise:

«[...] le caractère abusif d’une clause contractuelle est apprécié en tenant compte de la nature des biens ou services qui font l’objet du contrat et en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu’à toutes les autres clauses du contrat, ou d’un autre contrat dont il dépend.»

6.

L’article 6, paragraphe 1, de ladite directive est rédigé comme suit:

«Les États membres prévoient que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux, et que le contrat restera contraignant pour les parties selon les mêmes termes, s’il peut subsister sans les clauses abusives.»

7.

L’article 7, paragraphes 1 et 2, de la directive 93/13 prévoit:

«1.   Les États membres veillent à ce que, dans l’intérêt des consommateurs ainsi que des concurrents professionnels, des moyens adéquats et efficaces existent afin de faire cesser l’utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs par un professionnel.

2.   Les moyens visés au paragraphe 1 comprennent des dispositions permettant à des personnes ou à des organisations ayant, selon la législation nationale, un intérêt légitime à protéger les consommateurs de saisir, selon le droit national, les tribunaux ou les organes administratifs compétents afin qu’ils déterminent si des clauses contractuelles rédigées en vue d’une utilisation généralisée ont un caractère abusif et appliquent des moyens adéquats et efficaces afin de faire cesser l’utilisation de telles clauses.

[...]»

B – Le droit espagnol

8.

L’article 13 du code de procédure civile (Ley de enjuiciamiento), du 7 janvier 2000 (BOE no 7, du 8 janvier 2000, p. 575, ci-après le «code de procédure civile») dispose:

«1.   Lorsqu’une procédure est en cours, toute personne démontrant qu’elle a un intérêt direct et légitime à la solution du litige peut être admise en tant que partie requérante ou défenderesse.

En particulier, tout consommateur ou utilisateur peut intervenir dans les procédures engagées par les entités légalement reconnues pour la défense des intérêts de ces derniers.

2.   La demande d’intervention ne suspend pas le cours de la procédure. Le tribunal statue par voie d’ordonnance dans le délai commun de dix jours, après avoir entendu les parties à la procédure.

3.   Une fois l’intervention admise, celle-ci n’a pas d’effet rétroactif sur le traitement de l’affaire, mais l’intervenant est considéré comme une partie à la procédure à part entière et peut défendre les conclusions formulées par ses litisconsorts ou celles que lui-même formule, s’il en a la possibilité dans la procédure, même si ses litisconsorts renoncent à la procédure, acceptent la demande, se désistent ou s’en écartent pour tout autre motif.

Il est également permis à l’intervenant de faire valoir les arguments nécessaires à sa défense qu’il n’a pas invoqués car ceux-ci correspondaient à des étapes procédurales antérieures à son admission dans la procédure. En tout état de cause, le Secretario judicial communique ces arguments aux autres parties dans un délai de cinq jours.

De même, l’intervenant peut utiliser les voies de recours prévues contre les décisions qu’il estime préjudiciables à ses intérêts, même si ses litisconsorts y souscrivent.»

9.

L’article 15 du code de procédure civile est ainsi rédigé:

«1.   Dans les procédures engagées par des associations ou entités créées pour la protection des droits et intérêts des consommateurs et utilisateurs, ou par les groupes de personnes lésées, est appelé à participer à la procédure quiconque a la qualité de personne lésée pour avoir été consommateur du produit ou utilisateur du service ayant donné lieu à la procédure, afin qu’il fasse valoir son droit ou son intérêt individuel. Cet appel est effectué par le Secretario judicial qui publie la recevabilité du recours par le biais de médias diffusés sur le territoire sur lequel est survenue l’atteinte portée à ces droits ou intérêts.

[…]

3.   S’agissant d’une procédure dans laquelle le fait dommageable porte préjudice à une pluralité de personnes indéterminées ou difficiles à déterminer, l’appel suspend le cours de la procédure pendant une durée n’excédant pas deux mois et que le Secretario judicial fixe dans chaque cas compte tenu des circonstances ou de la complexité des faits et des difficultés de détermination et de localisation des personnes lésées. La procédure reprend son cours avec l’intervention de tous les consommateurs ayant répondu à l’appel, la participation individuelle de consommateurs ou d’utilisateurs à la procédure n’étant pas admise ultérieurement, sous réserve que ceux-ci puissent faire valoir leurs droits ou intérêts conformément aux dispositions des articles 221 et 519 de la présente loi.

4.   Les dispositions ci-dessus ne s’appliquent pas aux procédures intentées moyennant l’introduction d’une action en cessation ayant pour objet la défense des intérêts collectifs diffus des consommateurs et utilisateurs.»

10.

Aux termes de l’article 43 du code de procédure civile:

«[L]orsque, pour statuer sur l’objet du litige, il est nécessaire de trancher une question qui constitue elle-même l’objet principal d’une autre procédure pendante devant le même tribunal ou un autre tribunal, si la jonction d’affaires est impossible, le tribunal peut décider par voie d’ordonnance, à la demande des deux parties ou de l’une d’entre elles, après avoir entendu la partie adverse, de suspendre l’affaire au stade de son avancement jusqu’à ce que la procédure portant sur la question préjudicielle soit close.»

11.

S’agissant des effets des jugements prononcés dans le cadre de procédures intentées par des associations de consommateurs ou d’utilisateurs, l’article 221 du code de procédure civile indique:

«1.   Sans préjudice des dispositions des articles précédents, les jugements rendus à l’issue de recours introduits par des associations de consommateurs ou d’utilisateurs avec la légitimation visée à l’article 11 de la présente loi sont soumis aux règles suivantes:

1a.

S’il est conclu à une condamnation pécuniaire, à une obligation de faire ou de ne pas faire ou de donner une chose particulière ou générale, le jugement accueillant la demande désigne individuellement les consommateurs et utilisateurs devant être considérés comme bénéficiaires de la condamnation conformément aux lois sur leur protection.

Lorsque la désignation individuelle est impossible, le jugement prévoit les données, caractéristiques et conditions nécessaires pour pouvoir exiger le paiement et, le cas échéant, demander l’exécution ou intervenir dans celle-ci, si l’association requérante en fait la demande.

2a.

Si la déclaration du caractère illicite ou contraire à la loi d’une activité ou d’un comportement donnés est à l’origine de la condamnation ou du jugement principal ou unique, le jugement indique si, conformément à la législation relative à la protection des consommateurs et des utilisateurs, la déclaration doit produire des effets procéduraux qui ne se limitent pas aux personnes ayant été parties à la procédure en cause.

3a.

Si des consommateurs ou utilisateurs déterminés ont participé à la procédure, le jugement doit se prononcer expressément sur leurs conclusions.

2.   Dans les jugements accueillant une action en cessation ayant pour objet la défense des intérêts collectifs et des intérêts diffus des consommateurs et des utilisateurs, le tribunal peut, s’il l’estime nécessaire, et aux frais de la partie défenderesse, décider la publication totale ou partielle du jugement ou, si les effets de l’infraction sont susceptibles de perdurer, faire une déclaration rectificative.»

12.

En vertu de l’article 222 du code de procédure civile:

«1.   L’autorité de la chose jugée attachée aux jugements définitifs, qu’ils accueillent ou rejettent la demande, exclut, conformément à la loi, toute procédure ultérieure dont l’objet serait identique à celui de la procédure dans laquelle celle-ci est intervenue.

2.   L’autorité de la chose jugée s’attache aux conclusions formulées dans la demande principale et dans la demande reconventionnelle ainsi qu’aux points visés à l’article 408, paragraphes 1 et 2, de la présente loi.

Sont considérés comme nouveaux et différents par rapport au fondement des conclusions précitées les faits qui sont postérieurs à l’expiration du délai de présentation des mémoires dans la procédure au cours de laquelle ces conclusions ont été formulées.

3.   L’autorité de la chose jugée s’étend aux parties à la procédure dans laquelle elle intervient ainsi qu’à leurs héritiers et ayants droit, et aux personnes qui, sans être parties à la procédure, sont titulaires des droits qui fondent la légitimation active des parties conformément aux dispositions de l’article 11 de la présente loi.

[…]

4.   Ce qui est passé en force de chose jugée dans le jugement définitif clôturant une procédure s’impose au tribunal saisi d’une procédure ultérieure si la décision revêtue de la force jugée apparaît, dans la nouvelle procédure, comme un antécédent logique de l’objet de celle-ci, quel qu’il soit, dès lors que les parties aux deux procédures sont les mêmes ou que l’autorité de la chose jugée s’étend à eux par disposition légale.»

13.

En vertu de l’article 519 du code de procédure civile:

«Lorsque les jugements de condamnation visés par la première règle de l’article 221 n’ont pas désigné les consommateurs ni les utilisateurs individuels qui en bénéficient, le tribunal compétent pour l’exécution rend, à la demande d’un ou plusieurs intéressés et après avoir entendu la partie condamnée, une ordonnance dans laquelle il décide s’il reconnaît aux parties requérantes, selon les données, caractéristiques et conditions prévues dans le jugement, la qualité de bénéficiaires. Sur la base de cette ordonnance, les personnes reconnues comme telles peuvent demander l’exécution. Le ministère public peut demander l’exécution du jugement en faveur des consommateurs et des utilisateurs concernés.»

III – Les faits du litige au principal, les questions préjudicielles et la procédure devant la Cour

14.

Les 20 octobre et 7 février 2005, M. Sales Sinués et M. Drame Ba ont conclu, chacun en ce qui le concerne, un contrat de novation de prêt hypothécaire et un contrat de prêt hypothécaire, respectivement, avec les établissements bancaires Caixabank SA (ci-après «Caixabank») et Catalunya Caixa SA (Catalunya Banc SA) (ci-après «Catalunya Caixa»). Ces contrats ont été conclus à taux nominaux pour des montants totaux, respectivement, de 78132 et de 209000 euros et prévoyaient, sous le nom de «clause plancher», une limite à la variation du taux d’intérêt nominal applicable aux reconductions annuelles successives, qui était fixée, respectivement, à 2,85 % et à 3,75 %. Ces mêmes contrats prévoyaient également une limite maximale, ou seuil plafond, à ce taux, fixée à 12 %.

15.

Les contrats susmentionnés comportaient, en outre, une clause en vertu de laquelle le taux nominal fixe était applicable depuis leur mise en place jusque, respectivement, au 1er octobre 2006 et au 31 août 2005. Entre le jour suivant ces dates et l’amortissement total des prêts, un intérêt nominal variable était applicable selon un indice de référence, à savoir l’Euribor, pour des valeurs respectives de + 0,60 % et + 0,50 %.

16.

Les 10 octobre et 25 octobre 2013, respectivement, M. Sales Sinués et M. Drame Ba ont chacun formé un recours individuel en nullité des clauses plancher figurant dans leurs contrats de prêt hypothécaire. Dans leurs recours, les requérants dans les affaires au principal font valoir que, s’agissant des conditions générales des contrats, les clauses plancher leur avaient été imposées unilatéralement par les établissements bancaires sans avoir fait l’objet d’aucune négociation. Par conséquent, ils demandent à la juridiction de renvoi, d’une part, de constater la nullité de ces clauses en raison du défaut de transparence et du déséquilibre qui s’est produit à leur détriment et, d’autre part, de prononcer la restitution des sommes indûment perçues par ces établissements bancaires en vertu desdites clauses.

17.

Préalablement aux actions des requérants, l’association de consommateurs et d’usagers de l’Adicae (Asociación de Usuarios de Bancos Cajas y Seguros) ( 3 ) a introduit, le 11 novembre 2010, devant le Juzgado de lo Mercantil no 11 de Madrid (tribunal de commerce no 11 de Madrid, Espagne) une action collective contre 72 établissements bancaires, dont Caixabank et Catalunya Caixa ( 4 ). Cette requête visait à faire cesser l’usage des clauses plancher au motif de leur caractère abusif.

18.

Se fondant sur les articles 11, paragraphe 4, 43 et 222 du code de procédure civile, les parties défenderesses dans les litiges au principal ont soulevé une exception préjudicielle civile et ont demandé la suspension des procédures individuelles les concernant dans l’attente d’une décision définitive mettant fin à la procédure collective.

19.

Les requérants dans le litiges au principal se sont opposés à cette exception en faisant valoir leur droit à se désolidariser de l’action collective engagée par l’association de consommateurs et d’usagers et leur droit d’introduire une action à titre individuel.

20.

Dans le cadre des litiges dont elle a ainsi été saisie, la juridiction de renvoi indique, tout d’abord, que l’article 43 du code de procédure civile prévoit un effet suspensif sur l’action individuelle jusqu’à ce que l’action collective ait abouti à une décision définitive. Elle ajoute que, lorsque le nombre de personnes concernées est difficile, voire impossible à déterminer, l’article 15, paragraphe 3, du code de procédure civile ne permet aux personnes concernées d’agir en justice à titre individuel que dans le délai de deux mois suivant un appel général à participer à la procédure, lancé au moyen de médias sociaux. Enfin, elle précise que la participation individuelle à une procédure de protection des intérêts collectifs engagée sur le fondement de l’article 11, paragraphe 4, du code de procédure civile obligerait le consommateur concerné à comparaître devant le tribunal saisi de cette affaire en renonçant à son propre for (juge commercial du lieu de son domicile).

21.

Eu égard à ce qui précède, la juridiction de renvoi émet des doutes quant à la compatibilité de l’article 43 du code de procédure civile avec l’article 7 de la directive 93/13 dans des circonstances telles que celles en cause au principal. Elle rappelle, en particulier, que la procédure relative à l’action collective, dont l’issue serait déterminante en cas de suspension des affaires au principal, est, à la date des demandes préjudicielles, en cours depuis quatre années, que la date du procès n’a pas encore été fixée et que les mémoires en défense de plusieurs établissements bancaires n’ont toujours pas été présentés.

22.

C’est dans ces conditions que le Juzgado de lo Mercantil no 9 de Barcelona (tribunal de commerce no 9 de Barcelone) a, par deux décisions du 27 juin 2014 parvenues au greffe de la Cour, respectivement, les 11 (C‑381/14) et 13 août 2014 (C‑385/14), décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)

Peut-on considérer [que l’ordre juridique espagnol prévoit] un moyen ou un mécanisme efficace au sens de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13?

2)

Dans quelle mesure cet effet suspensif constitue-t-il un obstacle pour le consommateur et donc une infraction à l’article 7, paragraphe 1, de la directive précitée pour dénoncer la nullité de ces clauses abusives figurant dans son contrat?

3)

Le fait que le consommateur ne puisse se désolidariser de l’action collective constitue-t-il une infraction à l’article 7, paragraphe 3, de la directive 93/13?

4)

Ou l’effet suspensif de l’article 43 [du code de procédure civile] est-il au contraire conforme à l’article 7 de la directive 93/13 en ce sens que les droits du consommateur sont pleinement sauvegardés par cette action collective, l’ordre juridique espagnol prévoyant d’autres mécanismes procéduraux tout aussi efficaces pour la protection de ses droits, et par un principe de sécurité juridique?»

23.

Par ordonnance du président de la Cour du 9 septembre 2014, les affaires C‑381/14 et C‑385/14 ont été jointes aux fins de la procédure écrite, de la procédure orale et de l’arrêt. Des observations écrites ont été déposées par M. Sales Sinués, Catalunya Caixa, le gouvernement espagnol ainsi que par la Commission européenne. M. Sales Sinués, Caixabank, Catalunya Caixa, le gouvernement espagnol ainsi que la Commission ont été entendus lors de l’audience qui s’est tenue le 30 septembre 2015.

IV – Analyse des questions préjudicielles

24.

Les présentes questions préjudicielles, telles que formulées par la juridiction de renvoi, concernent l’interprétation de la directive 93/13 dans le cadre de deux contrats de prêt hypothécaire comportant chacun une clause plancher. Ce type de clause fixe pour les taux d’intérêt variables un seuil minimal en deçà duquel les consommateurs ne peuvent pas profiter de la baisse des taux officiels.

25.

Les présentes affaires s’inscrivent non seulement dans un cadre juridique complexe, mais également dans un contexte où de nombreux critères d’interprétation ne sont pas unifiés entre les différentes juridictions nationales. Il me semble donc nécessaire de commencer par rappeler, en m’appuyant sur les informations qui ressortent des dossiers dont dispose la Cour, les éléments essentiels de la réglementation procédurale en cause, avant de procéder à l’examen des questions préjudicielles.

A – Remarques liminaires

26.

La juridiction de renvoi, M. Sales Sinués, le gouvernement espagnol ainsi que la Commission ont fait référence à la portée de la réglementation en cause, en particulier de l’article 43 du code de procédure civile, qui se trouve par ailleurs au cœur du problème dont sont saisies la juridiction de renvoi et la Cour.

1. L’exception tirée de la primauté procédurale civile

27.

La juridiction de renvoi indique que, en droit procédural espagnol, deux procédures judiciaires opposant les mêmes parties et ayant une identité d’objet et de cause ne peuvent être engagées ni simultanément ni successivement, compte tenu du risque d’aboutir à des décisions contradictoires. Trois mécanismes différents visant à éviter un tel risque sont donc prévus par le droit espagnol, à savoir l’autorité matérielle de la chose jugée ( 5 ), la litispendance ( 6 ) et la primauté procédurale civile.

28.

C’est précisément ce dernier mécanisme procédural, prévu à l’article 43 du code de procédure civile, qui constitue le problème essentiel soulevé par la juridiction de renvoi. Cet article vise les situations dans lesquelles, pour statuer sur l’objet d’un litige pendant devant un tribunal de l’ordre juridictionnel civil, «il est nécessaire de trancher une question qui constitue elle-même l’objet principal d’une autre procédure pendante devant le même tribunal ou un autre tribunal» de l’ordre juridictionnel civil. Selon ce même article, si la jonction des affaires est possible, le tribunal est tenu de les joindre. En revanche, si la jonction est impossible, cette disposition permet au tribunal saisi de suspendre l’affaire.

29.

Afin de procéder à cette suspension, trois conditions cumulatives doivent être remplies, à savoir l’incidence directe et déterminante de la question préjudicielle sur la solution de l’affaire principale, la demande d’une partie ou des deux ( 7 ) et l’existence d’une affaire pendante portant sur la question préjudicielle. Cependant, l’article 43 du code de procédure civile énonce que «le tribunal peut décider de suspendre l’affaire». Dès lors, ainsi qu’il ressort des décisions de renvoi, la suspension semble avoir un caractère facultatif, en ce que l’article 43 reconnaît aux juridictions une marge d’appréciation pour décider si une telle suspension est pertinente ( 8 ).

2. L’interprétation et l’application divergentes de l’article 43 du code de procédure civile par les juridictions nationales

30.

Ainsi qu’il ressort des pièces des dossiers dont dispose la Cour, ce sont l’interprétation et l’application divergentes, par les juridictions nationales, de l’article 43 du code de procédure civile dans le cadre de la procédure collective en cessation introduite par l’Adicae, qui rendent l’analyse des questions préjudicielles encore plus complexe, sans que cette question ait été tranchée en cassation au niveau national.

31.

D’une part, certaines juridictions semblent estimer qu’il existe une primauté procédurale civile en vertu de l’article 43 du code de procédure civile et prononcent la suspension des premières procédures dans l’attente d’un jugement définitif concernant les secondes, en se fondant sur la connexité entre l’objet des actions individuelles et celui des actions collectives ( 9 ).

32.

D’autre part, d’autres juridictions semblent considérer qu’il existe une situation de litispendance entre les actions individuelles et les actions collectives, compte tenu de l’identité d’objet, de cause et de parties ( 10 ) et décident de radier les affaires individuelles en se fondant sur l’article 222, paragraphe 3, du code de procédure civile. Il ressort du dossier que cette position serait minoritaire.

33.

Enfin, certaines juridictions estiment qu’il n’y a ni primauté procédurale civile ni litispendance en considérant, notamment, qu’il n’existe d’identité réelle ni d’objet ni de parties, que les suites de l’action collective ne sont pas déterminantes pour les actions individuelles et que, même si la déclaration de nullité des clauses plancher dans le cadre de l’action collective pouvait avoir un effet positif sur les actions individuelles, le rejet de la première n’entraînerait pas nécessairement celui des secondes. Elles concluent ainsi que le consommateur conserve la qualité pour agir pour défendre ses propres intérêts en justice, sans qu’il y ait lieu de suspendre la procédure individuelle ( 11 ).

34.

C’est à cette dernière interprétation que le gouvernement espagnol et la Commission semblent se rallier en faisant notamment valoir, dans leurs observations écrites, que l’application de l’article 43 du code de procédure civile n’entraîne pas nécessairement la suspension de l’action individuelle.

35.

Le gouvernement espagnol ajoute, dans ses observations présentées lors de l’audience, qu’il convient de distinguer l’action collective en cessation de conditions générales contractuelles ayant un caractère abusif de l’action individuelle en nullité d’un contrat de prêt hypothécaire fondée sur le motif que celui‑ci contiendrait une clause abusive. Ces deux actions étant de nature différente, leur objet ne coïnciderait que partiellement. En effet, tandis que, dans l’action collective en cessation, les parties ont la possibilité de présenter leurs observations sans qu’il soit possible d’évaluer toutes les circonstances du cas d’espèce (contrôle abstrait et général), notamment en ce qui concerne un consommateur qui a conclu un contrat d’adhésion, dans l’action individuelle, le juge doit tenir compte de toutes les circonstances existant à la date de conclusion du contrat de prêt, y compris leur évolution, de toutes les circonstances qui entourent sa conclusion ainsi que de toutes les autres clauses du contrat ou d’un autre contrat dont il dépendrait ( 12 ).

36.

Par conséquent, le gouvernement espagnol soutient, d’une part, qu’une interprétation logique et systématique de la réglementation procédurale espagnole exclut la primauté procédurale civile et, d’autre part, que l’article 43 du code de procédure civile concerne une primauté non pas simplement hypothétique ou potentielle, mais réelle, raison pour laquelle il ne faut pas accorder cette suspension.

3. La problématique des effets des décisions faisant droit aux actions collectives pour les consommateurs qui n’étaient pas parties à la procédure

37.

Le gouvernement espagnol et Catalunya Caixa soutiennent que l’article 221 du code de procédure civile ne prévoit pas que les effets d’une décision faisant droit à une action collective soient étendus à tout consommateur dont le contrat contient une condition générale qui relève de la nature de la clause mise en cause. En effet, en cas de rejet de l’action collective, cet article admet la poursuite de l’exercice de l’action individuelle, pour permettre au consommateur de présenter les circonstances spécifiques de son cas concret. Cela serait, selon ce gouvernement, conforme à l’article 11, paragraphe 1, du code de procédure civile, selon lequel la qualité pour agir des associations de consommateurs est admise «[s]ans préjudice de la qualité individuelle pour agir des personnes lésées» ( 13 ). En revanche, le gouvernement espagnol ajoute que l’article 221 du code de procédure civile se limite à établir que les effets d’une décision qui fait droit à l’action collective sont susceptibles d’être étendus au-delà des personnes qui ont été parties à la procédure, cette décision incombant à la juridiction nationale ( 14 ).

38.

Cependant, M. Sales Sinués a fait valoir lors de l’audience que l’exercice d’une action individuelle implique, en principe, une désolidarisation de la procédure collective, c’est-à-dire que le consommateur renonce à l’effet extensif que l’article 221, paragraphe 1, du code de procédure civile, attache à une éventuelle décision faisant droit à l’action collective dans cette procédure. Par conséquent, il n’y aurait pas de risque que deux arrêts contradictoires soient rendus sur la même demande. Toutefois, il soutient qu’une interprétation de l’article 43 du code de procédure civile selon laquelle il existerait une primauté procédurale civile et que, partant, l’affaire serait suspendue dans l’attente d’une décision définitive sur l’action collective, aurait pour conséquence que le consommateur ne pourrait pas se désolidariser de l’action collective.

4. L’intervention dans les procédures visant la protection des droits et des intérêts collectifs et diffus des consommateurs

39.

La juridiction de renvoi, M. Sales Sinués, le gouvernement espagnol et la Commission font référence à l’arrêt du Tribunal Supremo du 9 mai 2013 ( 15 ), rendu dans le cadre d’une action collective en cessation, autre que celle visée par la juridiction de renvoi, mais concernant également une clause plancher. Le Tribunal supremo (Cour suprême) avait déclaré la nullité de ce type de clauses en raison non pas de leur contenu, mais d’un défaut de transparence, c’est-à-dire en l’absence d’informations claires et transparentes transmises aux consommateurs sur lesdites clauses ( 16 ).

40.

Pour ce qui est de la nature de l’action concernée par cet arrêt, la Commission a fait valoir dans ses observations écrites que, dès lors qu’il concernait uniquement une action collective en cessation et, partant, qu’il ne s’agissait que de la légalité des clauses plancher, cette action collective n’était pas assortie de conséquences en termes d’indemnisation.

41.

En revanche, M. Sales Sinués a indiqué lors de l’audience que l’action collective introduite par l’Adicae comprend, d’une part, une action déclarative visant à faire cesser l’incorporation de la clause plancher dans les contrats de prêt et, d’autre part, une demande collective d’indemnisation des préjudices occasionnés par une telle clause. À cet égard, il a relevé que l’article 15 du code de procédure civile est applicable non pas dans le cadre d’une action en cessation, mais seulement dans celui d’une action collective en dédommagement. Par conséquent, l’intervention des consommateurs à titre individuel, qui a eu lieu dans un délai de deux mois suivant l’appel général à participer à la procédure collective lancé au travers des médias, prévue à l’article 15, paragraphe 3, du code de procédure civile, concernerait non pas l’action collective en cessation introduite par l’Adicae, mais seulement l’action collective en réparation ( 17 ). Selon M. Sales Sinués, en l’espèce, le retard de la procédure est donc dû à l’action collective en réparation, du fait du nombre très élevé de consommateurs qui se sont portés parties à titre individuel ( 18 ). Ainsi, il fait valoir qu’une action collective en réparation est plus lente qu’une action individuelle.

42.

Il résulte de ce qui précède que, à mon sens, c’est dans ce contexte que doivent être examinées les questions préjudicielles, sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi.

B – Sur les questions préjudicielles

43.

Il convient, d’emblée, de rappeler que, dans le cadre de la procédure de coopération entre les juridictions nationales et la Cour, il appartient à cette dernière de donner au juge national une réponse utile qui lui permette de trancher le litige dont il est saisi. Dans cette optique, il incombe, le cas échéant, à la Cour de reformuler les questions qui lui sont soumises ( 19 ). À cette fin, la Cour peut extraire de l’ensemble des éléments fournis par la juridiction nationale, et notamment de la motivation de la décision de renvoi, les normes et les principes du droit de l’Union qui appellent une interprétation, compte tenu de l’objet du litige au principal ( 20 ).

44.

En l’espèce, je suis d’avis que, par ses questions, le Juzgado de lo Mercantil no 9 de Barcelona (tribunal de commerce no 9 de Barcelone) invite en réalité la Cour à interpréter les principes d’équivalence et d’effectivité dans le cadre de la mise en œuvre de l’article 7 de la directive 93/13, afin de lui permettre d’évaluer le respect du droit de l’Union par la réglementation procédurale en cause.

45.

Dans ces conditions, il y a lieu de comprendre les questions préjudicielles comme visant, en substance, à savoir si, eu égard aux principes d’équivalence et d’effectivité, l’article 7 de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation procédurale nationale, telle que celle en cause au principal, qui permet la suspension, pour cause de primauté procédurale civile, d’une action individuelle engagée parallèlement à une action collective en cessation jusqu’au prononcé d’une décision définitive mettant fin à la procédure collective, sans que le consommateur concerné puisse se désolidariser de l’action collective.

1. Sur les critères d’appréciation du caractère abusif des clauses contractuelles dans le cadre de la directive 93/13 et de la jurisprudence

a) Les actions impliquant un consommateur individuel et les actions collectives en cessation

46.

Il me semble important de rappeler, à titre liminaire, que le système de protection mis en œuvre par la directive 93/13 repose sur l’idée que le consommateur se trouve dans une situation d’infériorité à l’égard du professionnel en ce qui concerne tant le pouvoir de négociation que le niveau d’information, situation qui le conduit à adhérer aux conditions rédigées préalablement par le professionnel, sans pouvoir exercer une influence sur le contenu de celles-ci ( 21 ).

47.

Afin d’assurer la protection visée par la directive 93/13, le législateur de l’Union a introduit des critères d’appréciation du caractère abusif des clauses contractuelles qui exigent, notamment, une analyse des circonstances concrètes de chaque affaire ( 22 ). À cet égard, conformément à l’article 3 de la directive 93/13, il convient de savoir si la clause du contrat en cause a fait l’objet d’une négociation individuelle ou non et, partant, si cette clause a été rédigée préalablement sans que le consommateur ait pu avoir une influence sur son contenu, notamment dans le cadre d’un contrat d’adhésion. En outre, l’article 4, paragraphe 1, de cette même directive dispose que le caractère abusif d’une clause contractuelle doit être apprécié en tenant compte, lors de la conclusion d’un contrat, de «toutes les circonstances qui entourent sa conclusion» ainsi que de «toutes les autres clauses du contrat, ou d’un autre contrat dont il dépend».

48.

S’agissant, en premier lieu, des actions impliquant un consommateur individuel, telles que celles en cause dans les affaires au principal, la Cour a jugé que, eu égard à la situation d’infériorité susmentionnée, l’«article 6, paragraphe 1, de la directive oblige les États membres à prévoir que les clauses abusives ‘ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux’. Ainsi qu’il ressort de la jurisprudence, il s’agit d’une disposition impérative qui tend à substituer à l’équilibre formel que le contrat établit entre les droits et les obligations des contractants un équilibre réel de nature à rétablir l’égalité entre ces derniers» ( 23 ).

49.

Il me paraît pertinent de rappeler que les articles 3 et 6 de la directive 93/13 accordent aux consommateurs des droits subjectifs que les juridictions nationales ont l’obligation de protéger, y compris d’office.

50.

En ce qui concerne, en second lieu, les actions collectives en cessation, telles que celle introduite par l’Adicae, je rappelle qu’il résulte de la jurisprudence que la directive 93/13 ne vise pas à harmoniser les sanctions applicables dans les cas où le caractère abusif d’une clause est reconnu dans le cadre desdites actions collectives. Néanmoins, l’article 7, paragraphe 1, de cette directive oblige les États membres à veiller à ce que des moyens adéquats et efficaces existent afin de faire cesser l’utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs ( 24 ).

51.

La Cour a déjà souligné à plusieurs reprises que le système de protection établi par la directive 93/13 repose sur l’idée que la situation d’inégalité existant entre le consommateur et le professionnel ne peut être compensée que par une intervention positive, extérieure aux seules parties au contrat ( 25 ). C’est la raison pour laquelle l’article 7, paragraphe 2, de la directive 93/13 précise que les moyens susmentionnés comprennent la possibilité pour les associations agréées de consommateurs de saisir les tribunaux [ou les organes administratifs] compétents afin de faire déterminer si des clauses rédigées en vue d’une utilisation généralisée présentent un caractère abusif et d’obtenir, le cas échéant, leur interdiction ( 26 ).

52.

Cela étant, il est opportun d’indiquer également que la relation existant entre les actions individuelles et les actions collectives n’a pas été expressément réglementée par le législateur de l’Union. Cependant, ainsi que l’a fait valoir à juste titre la Commission, la nature et les limites des rapports de ces deux types d’actions peuvent être déduits non seulement de la directive 93/13, mais également de la jurisprudence de la Cour.

b) La nature des actions individuelles et des actions collectives en cessation et leur relation

i) Sur la nature différente des actions individuelles et des actions collectives dans la directive 93/13

53.

La Commission soutient dans ses observations écrites que l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13 se réfère, de manière générale, aux actions individuelles introduites par les consommateurs lésés par des clauses abusives, ces actions étant la voie de recours ordinaire pour protéger leurs intérêts, tandis que les actions collectives en cessation, prévues au paragraphe 2, constituent un complément pour garantir cette protection.

54.

Je suis d’accord avec cette analyse.

55.

Le caractère complémentaire des actions collectives en cessation est, à mon avis, lié au fait qu’il s’agit d’actions générales qui concernent non pas un contrôle concret, tel que l’exige la directive 93/13 dans le cadre des actions impliquant un consommateur individuel, mais uniquement un contrôle abstrait et général de l’éventuel caractère abusif de clauses contractuelles ( 27 ).

56.

Il en résulte que la directive 93/13 impose aux États membres d’introduire dans leur système juridique, d’une part, à titre principal, des actions individuelles, afin de faire valoir le caractère abusif de clauses contractuelles et, d’autre part, de manière complémentaire ( 28 ), des actions collectives en cessation, qui ne sauraient cependant se substituer aux actions individuelles ou y faire obstacle.

ii) Sur le rapport de complémentarité entre les actions individuelles et les actions collectives dans la jurisprudence

57.

En ce qui concerne les actions individuelles, il ressort de la jurisprudence que le rôle attribué par la directive 93/13 au juge national, consistant à assurer l’effet utile de la protection voulue par les dispositions de la directive, «ne se limite pas à la simple faculté de se prononcer sur la nature éventuellement abusive d’une clause contractuelle, mais comporte également l’obligation d’examiner d’office cette question» ( 29 ). Selon la Cour, cette obligation d’intervenir, même d’office, dans le cadre des actions individuelles constitue, de manière générale, l’action positive ou le moyen adéquat destiné à compenser la situation d’infériorité dans laquelle se trouve le consommateur par rapport au professionnel ( 30 ). En revanche, s’agissant des actions collectives en cessation, la Cour a jugé que les associations de protection des consommateurs ne se trouvent pas dans une telle situation d’infériorité par rapport au professionnel ( 31 ). Plus précisément, elle a déclaré qu’une action collective en cessation opposant une telle association à un professionnel «n’est pas caractérisée par le déséquilibre qui existe dans le cadre d’un recours individuel impliquant un consommateur et son cocontractant» ( 32 ). Cette différence entre les actions individuelles et les actions collectives en cessation découlant de la directive 93/13, reconnue par la jurisprudence, renforce, à mon avis, le caractère complémentaire des secondes au regard des premières.

58.

En outre, la Cour a déclaré que «la nature préventive et l’objectif dissuasif des actions [collectives en cessation] devant être mises en place, ainsi que leur indépendance à l’égard de tout conflit individuel concret, impliquent que de telles actions puissent être exercées alors même que les clauses dont l’interdiction est réclamée n’auraient pas été utilisées dans des contrats déterminés» ( 33 ). La réalisation effective de cet objectif exige, selon la Cour, que les clauses des conditions générales des contrats de consommation déclarées abusives dans le cadre d’une action en cessation dirigée contre le professionnel [ou les professionnels concernés], telle que celle visée par la juridiction de renvoi, «ne lient ni les consommateurs qui sont parties à la procédure en cessation ni ceux qui ont conclu avec ce professionnel un contrat auquel s’appliquent les mêmes clauses générales» ( 34 ). En effet, «l’application d’une sanction de nullité d’une clause abusive à l’égard de tous les consommateurs qui ont conclu un contrat de consommation auquel s’appliquent les mêmes conditions générales de contrat garantit que ces consommateurs ne sont pas liés par ladite clause, sans pour autant exclure d’autres types de sanctions adéquates et efficaces prévues par les législations nationales» ( 35 ).

59.

Il résulte donc de cette jurisprudence que, dans le cadre de la directive 93/13, il doit y avoir un lien favorable aux consommateurs entre l’action collective en cessation et les clauses concrètes qui les lient et non un lien faisant obstacle aux actions individuelles ou substituant à ces dernières les actions collectives en cessation.

2. Sur l’appréciation de la réglementation procédurale en cause à la lumière de l’article 7 de la directive et des principes d’équivalence et d’effectivité

60.

Il convient de noter, au vu de la formulation des questions préjudicielles, que la juridiction de renvoi semble être partie du principe que la suspension des actions individuelles en cause, engagées de manière parallèle par les requérants dans l’attente d’une décision définitive dans la procédure collective, est un effet nécessaire de l’article 43 du code de procédure civile ( 36 ). Cependant, il ressort des observations de M. Sales Sinués et du gouvernement espagnol ainsi que de la Commission que cette suspension a un caractère facultatif, en ce que la disposition en question reconnaît aux juridictions espagnoles une marge d’appréciation pour décider si une telle suspension est pertinente ou non.

61.

J’observe en outre, ainsi qu’il ressort des points 30 à 33 des présentes conclusions, que, en l’espèce, une interprétation divergente de la réglementation procédurale en cause par les juridictions nationales s’ajoute à la complexité de cette réglementation.

62.

En l’occurrence, s’agissant de la réglementation nationale en cause dans les affaires au principal, je rappelle qu’il n’appartient pas à la Cour de se prononcer sur l’interprétation des dispositions du droit interne, cette mission incombant exclusivement à la juridiction de renvoi ou, le cas échéant, aux juridictions nationales compétentes, lesquelles doivent déterminer si les dispositions de la réglementation nationale applicable satisfont aux exigences du droit de l’Union. Toutefois, la Cour, statuant sur renvoi préjudiciel, peut, le cas échéant, apporter des précisions visant à guider la juridiction nationale dans son appréciation ( 37 ).

63.

C’est dans ce contexte que je vais maintenant examiner, à la lumière des principes d’équivalence et d’effectivité, si la réglementation procédurale nationale en cause fait obstacle à l’exercice des droits conférés par la directive 93/13.

64.

À cet égard, je rappelle que la Cour a déjà jugé à maintes reprises que, en l’absence d’une harmonisation en matière de réglementation procédurale, cette question relève de l’ordre juridique interne des États membres en vertu du principe d’autonomie procédurale de ces derniers. Néanmoins, la Cour a souligné que les modalités procédurales des recours destinés à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent du droit de l’Union doivent répondre à la double condition de ne pas être moins favorables que celles régissant des situations similaires soumises au droit interne (principe d’équivalence) et de ne pas rendre impossible en pratique ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés aux consommateurs par le droit de l’Union (principe d’effectivité) ( 38 ).

a) Respect du principe d’équivalence

65.

S’agissant du respect du principe d’équivalence, ce dernier suppose que la règle nationale en cause s’applique indifféremment aux actions fondées sur la violation du droit de l’Union et à celles fondées sur la méconnaissance du droit interne, ayant un objet et une cause semblables. Afin de vérifier si le principe d’équivalence est respecté, il appartient à la juridiction nationale, qui est la seule à avoir une connaissance directe des modalités procédurales des actions dans le domaine du droit interne, de contrôler si les modalités procédurales destinées à assurer, en droit interne, la sauvegarde des droits que les justiciables tirent du droit de l’Union sont conformes à ce principe et d’examiner tant l’objet que les éléments essentiels des actions prétendument similaires de nature interne. À ce titre, ladite juridiction doit apprécier la similitude des actions concernées sous l’angle de leur objet, de leur cause et de leurs éléments essentiels. Elle doit, pour déterminer si une disposition procédurale nationale est moins favorable, tenir compte de sa place dans l’ensemble de la procédure, du déroulement de ladite procédure et des particularités de ces règles ( 39 ).

66.

En l’espèce, l’éventuelle primauté procédurale civile ou la litispendance des litiges individuels et collectifs trouve son origine dans des critères d’interprétation de la réglementation en cause qui ne sont pas unifiés entre les différentes juridictions nationales. Toutefois, il n’existe, à mon avis, aucun élément permettant de conclure que cette réglementation serait interprétée différemment dans le cadre de litiges relatifs à des droits fondés sur le droit national.

b) Respect du principe d’effectivité

67.

Sous l’angle du principe d’effectivité, ainsi que je l’exposerai dans les points qui suivent, plusieurs éléments me permettent, en revanche, de considérer que l’interprétation de la réglementation procédurale en cause, qui admet une primauté procédurale civile et, partant, la suspension de l’action individuelle dans l’attente d’une décision définitive prononcée sur l’action collective, a rendu impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par la directive 93/13.

68.

En premier lieu, si, ainsi qu’il ressort des points 46 à 59 des présentes conclusions, l’on part du principe que, d’une part, la directive 93/13 confère des droits subjectifs individuels, lesquels doivent pouvoir être invoqués dans le cadre d’une procédure individuelle, et, d’autre part, l’action collective en cessation est complémentaire, différente et indépendante d’une éventuelle action individuelle, une suspension obligatoire ou automatique de cette dernière tant qu’une décision définitive dans la procédure collective n’aura pas été prononcée ne saurait être justifiée.

69.

S’agissant de la dimension individuelle des droits des consommateurs, il convient de noter que, notamment, en ce qui concerne l’obligation d’examiner d’office la nature éventuellement abusive d’une clause contractuelle, le juge national n’est toutefois pas tenu, en vertu de la directive 93/13, d’écarter l’application de la clause en cause si le consommateur, après avoir été avisé par ledit juge, entend ne pas en faire valoir le caractère abusif et non contraignant ( 40 ). En effet, la Cour a jugé que, lorsque le juge national, après l’examen d’office d’une clause contractuelle, considère celle-ci comme étant abusive, «il ne l’applique pas, sauf si le consommateur s’y oppose» ( 41 ). Cette dimension individuelle, selon laquelle «le droit à une protection juridique effective englobe la faculté de renoncer à faire valoir ses droits» ( 42 ), se matérialise dans la possibilité qu’a le consommateur de s’exprimer et l’obligation du juge national «de tenir compte, le cas échéant, de la volonté exprimée par le consommateur lorsque, conscient du caractère non contraignant d’une clause abusive, ce dernier indique néanmoins qu’il s’oppose à ce qu’elle soit écartée, donnant ainsi un consentement libre et éclairé à la clause en question» ( 43 ).

70.

Par conséquent, une interprétation de la réglementation en cause, notamment de l’article 43 du code de procédure civile, qui prévoit l’obligation de suspendre l’action individuelle lorsqu’il existe une procédure collective parallèle ( 44 ) ou accorde une priorité automatique à l’action collective sur les actions individuelles, sans que le consommateur puisse décider, d’une part, de ne pas exercer son droit ou de l’exercer efficacement dans le cadre d’une procédure individuelle ni, d’autre part, de se désolidariser de l’action collective, ne serait pas conforme au principe d’effectivité.

71.

À cet égard, ainsi que la Commission l’a relevé dans ses observation écrites, le respect de l’effectivité des droits individuels conférés par la directive 93/13 implique que tout consommateur devrait pouvoir se désolidariser de l’action collective et introduire une action individuelle, ou tout simplement continuer dans la procédure collective et accepter le caractère non contraignant de la clause litigieuse. En d’autres termes, le consommateur «devrait être libre de quitter [l’action collective] à tout moment avant que l’arrêt ne soit prononcé ou que le litige ne soit valablement réglé d’une autre manière, sans que cela ne le prive de la possibilité de faire valoir autrement ses prétentions et si cela ne nuit pas à la bonne administration de la justice» ( 45 ). Cette conclusion concerne le cas où un consommateur n’a pas participé à l’action collective.

72.

En deuxième lieu, si, ainsi qu’il ressort du point 55 des présentes conclusions, l’on admet que le contrôle abstrait et général de la nature abusive d’une clause contractuelle dans le cadre d’une action collective en cessation vise un objet différent de celui poursuivi par les actions individuelles, c’est-à-dire le contrôle concret d’une clause au vu des circonstances spécifiques, il doit alors également être admis que, en principe, les décisions rendues dans le cadre des actions collectives et individuelles peuvent être différentes mais rarement contradictoires ( 46 ). Ainsi, un consommateur qui décide d’agir à titre individuel ne devrait pas être directement affecté par la décision prononcée dans le cadre de la procédure collective, même si la juridiction saisie de l’action individuelle en tiendra bien évidement compte ( 47 ).

73.

En troisième et dernier lieu, la possibilité pour le consommateur d’intervenir dans l’action collective ne saurait être assimilée à l’introduction d’une action individuelle. Tout d’abord, ainsi qu’il ressort de la décision de renvoi, la participation individuelle à une procédure de protection des intérêts collectifs engagée sur le fondement de l’article 11, paragraphe 4, du code de procédure civile obligerait le consommateur concerné à comparaître devant le tribunal saisi de cette affaire en renonçant à son propre for, celui du juge commercial du lieu de son domicile. Ensuite, le délai de deux mois à compter de la publication dans les médias prévu à l’article 15, paragraphes 1 et 3, du code de procédure civile peut présenter certaines difficultés pratiques pour l’intervention des consommateurs lésés dans l’action collective ( 48 ). Enfin, le consommateur se trouve limité par la manière dont l’association de protection des consommateurs a abordé l’affaire, sans pouvoir en modifier l’objet ou introduire d’autres prétentions, ou par le retard qui, comme en l’espèce, constitue un obstacle pour sa protection en tant que consommateur.

74.

Par conséquent, au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, je suis d’avis que, eu égard au principe d’effectivité, l’article 7 de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation procédurale nationale, telle que celle en cause au principal, qui permet la suspension, pour cause de primauté procédurale civile, d’une action individuelle engagée parallèlement à une action collective en cessation, jusqu’au prononcé d’une décision définitive mettant fin à la procédure collective, à condition que, d’une part, cette suspension ne soit pas obligatoire ni automatique et, d’autre part, le consommateur concerné puisse se désolidariser de l’action collective.

V – Conclusion

Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre au Juzgado de lo Mercantil no 9 de Barcelona (tribunal de commerce no 9 de Barcelone) de la manière suivante:

Eu égard au principe d’effectivité, l’article 7 de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation procédurale nationale, telle que celle en cause au principal, qui permet la suspension, pour cause de primauté procédurale civile, d’une action individuelle engagée parallèlement à une action collective en cessation, jusqu’au prononcé d’une décision définitive mettant fin à la procédure collective, à condition que:

cette suspension ne soit pas obligatoire ni automatique, et

le consommateur concerné puisse se désolidariser de l’action collective.


( 1 ) Langue originale: le français.

( 2 ) Directive du Conseil du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO L 95, p. 29).

( 3 ) Association de consommateurs spécialisée dans le domaine des services bancaires et des assurances.

( 4 ) Cette action collective a fait l’objet d’un appel public à la demande du tribunal saisi, au moyen des médias et de l’Adicae.

( 5 ) Selon la juridiction de renvoi, l’autorité matérielle de la chose jugée, prévue à l’article 222 du code de procédure civile, existe lorsqu’un jugement définitif, accueillant ou rejetant la demande, est rendu dans une procédure judiciaire antérieure, de sorte qu’aucune autre procédure postérieure ayant le même objet, la même cause et opposant les même parties ne peut être engagée.

( 6 ) La juridiction de renvoi explique qu’il y a litispendance lorsque l’objet de la procédure postérieure est identique à celui qui a donné lieu à une procédure antérieure en cours. Ainsi, compte tenu du risque d’aboutir à des décisions contradictoires statuant sur le même objet, cette seconde procédure doit être radiée.

( 7 ) Voir, en ce sens, arrêt du Tribunal Supremo (chambre civile) no 527/2013, du 3 septembre 2013.

( 8 ) La juridiction de renvoi indique qu’«elle se trouve au stade de la procédure où elle doit décider de la suspension de l’affaire, ou si, au contraire, elle poursuit son cours normal jusqu’au prononcé de l’arrêt». C’est moi qui souligne. Sur l’article 43 du code de procédure civile, voir, notamment, De la Oliva Santos, A., Objeto del proceso y cosa juzgada en el proceso civil, Thomson-Civitas, 2006, p. 85 à 88; Montero Aroca, J., et al., Derecho Jurisdiccional II. Proceso civil, 21e éd., Tirant lo Blanch, 2013, p. 126 et 127, et Gimeno Sendra, V., Derecho Procesal Civil 1. El proceso de declaración. Parte General, 5e éd., Colex, 2014, p. 215.

( 9 ) À cet égard, la juridiction de renvoi fait référence à l’ordonnance de l’Audiencia Provincial de Barcelona (cour provinciale de Barcelone) no 84/2013, du 11 juin 2013, qui, en prenant en compte la possibilité que la décision à prononcer dans la procédure collective déclare la nullité des clauses plancher, prévoit explicitement, conformément aux dispositions de l’article 221, paragraphe 1, du code de procédure civile, qu’elle s’applique ultra partes.

( 10 ) La Commission indique que cette position minoritaire semble être désormais celle de l’Audiencia Provincial de Barcelona (cour provinciale de Barcelone) dans son ordonnance no 112/2014, du 9 octobre 2014.

( 11 ) Voir, notamment, ordonnance de l’Audiencia Provincial de Huelva (cour provinciale de Huelva), no 76/2013, du 24 février 2014, et arrêts de l’Audiencia Provincial de Ourense (cour provinciale d’Orense), no 278/2013 et no 494/2013, du 22 mai et du 22 septembre 2014.

( 12 ) Arrêt du Tribunal Supremo (Cour suprême) no 241/13, du 9 mai 2013, points 235 à 238.

( 13 ) Ce même article dispose que, «[s]ans préjudice de la qualité individuelle pour agir des personnes lésées, les associations de consommateurs et d’usagers légalement constituées disposent de la qualité pour agir pour défendre en justice les droits et les intérêts de leurs membres et ceux de l’association, ainsi que les intérêts généraux des consommateurs et des usagers».

( 14 ) C’est moi qui souligne.

( 15 ) Arrêt du Tribunal Supremo (Cour suprême) no 241/13, du 9 mai 2013. Dans cet arrêt, le Tribunal Supremo avait limité la rétroactivité de la déclaration de nullité, de manière à ce qu’elle produise des effets ex nunc, c’est‑à‑dire non pas à partir de la date de conclusion du contrat de prêt (ex tunc), mais uniquement à partir du 9 mai 2013, date du prononcé de l’arrêt en cause. Cette limitation a été confirmée dans un arrêt de la même juridiction du 25 mars 2015, no 139/2015. En outre, cette limitation des effets a récemment fait l’objet d’une demande de décision préjudicielle introduite par une juridiction espagnole dans l’affaire Gutierrez Naranjo (C‑154/15), pendante devant la Cour.

( 16 ) Il ressort des observations écrites présentées par M. Sales Sinués que, la clause plancher faisant partie du prix du contrat de prêt, les établissements financiers doivent informer le consommateur sur cette clause, afin que celui-ci ait une pleine connaissance de son existence et de son incidence sur le prix réel du crédit au moment où il signe le contrat.

( 17 ) Le requérant a cité l’article 15, paragraphe 4, du code de procédure civile, selon lequel «[l]es dispositions ci-dessus ne s’appliquent pas aux procédures intentées par l’introduction d’une action en cessation ayant pour objet la défense des intérêts collectifs diffus des consommateurs et usagers».

( 18 ) Catalunya Caixa a soutenu lors de l’audience que la lenteur de la procédure collective est liée, entre autres, au nombre élevé de consommateurs (9000) qui se sont constitués parties à titre individuel dans cette affaire.

( 19 ) Voir, notamment, arrêts Krüger (C‑334/95, EU:C:1997:378, points 22 et 23); Byankov (C‑249/11, EU:C:2012:608, point 57), ainsi que Biovet (C‑306/14, EU:C:2015:689, point 17).

( 20 ) Voir, en ce sens, notamment, arrêts Redmond (83/78, EU:C:1978:214, point 26); Byankov (C‑249/11, EU:C:2012:608, point 58), ainsi que Konstantinides (C‑475/11, EU:C:2013:542, point 42).

( 21 ) Voir arrêts Océano Grupo Editorial et Salvat Editores (C‑240/98 à C‑244/98, EU:C:2000:346, point 25); Mostaza Claro (C‑168/05, EU:C:2006:675, point 25); Asturcom Telecomunicaciones (C‑40/08, EU:C:2009:615, point 29); Pannon GSM (C‑243/08, EU:C:2009:350, point 22); Invitel (C‑472/10, EU:C:2012:242, point 33); Aziz (C‑415/11, EU:C:2013:164, point 44), et Barclays Bank (C‑280/13, EU:C:2014:279, point 32).

( 22 ) Selon le considérant 15 de la directive 93/13, «il est nécessaire de fixer de façon générale les critères d’appréciation du caractère abusif des clauses contractuelles».

( 23 ) Voir arrêt Invitel (C‑472/10, EU:C:2012:242, point 34).

( 24 ) Ibidem (point 35).

( 25 ) Voir arrêts Océano Grupo Editorial et Salvat Editores (C‑240/98 à C‑244/98, EU:C:2000:346, point 27); Mostaza Claro (C‑168/05, EU:C:2006:675, point 26); Asturcom Telecomunicaciones (C‑40/08, EU:C:2009:615, point 31), ainsi que Banco Español de Crédito (C‑618/10, EU:C:2012:349, point 41).

( 26 ) Voir, en ce sens, arrêt Océano Grupo Editorial et Salvat Editores (C‑240/98 à C‑244/98, EU:C:2000:346, point 27); Commission/Italie (C‑372/99, EU:C:2002:42, point 15), et Invitel (C‑472/10, EU:C:2012:242, point 36). Voir, également, considérant 23 de la directive 93/13.

( 27 ) La Commission précise que les «personnes» visées à l’article 7, paragraphe 2, de la directive 93/13 sont non pas les consommateurs eux-mêmes, mais les personnes chargées de leur protection comme, par exemple, le «médiateur des consommateurs».

( 28 ) Selon la Commission, la protection des consommateurs est un des domaines «où l’intervention des personnes privées sous la forme d’un recours collectif complète utilement le contrôle public du respect des droits conférés par le droit de l’Union». Voir recommandation de la Commission du 11 juin 2013 relative à des principes communs applicables aux mécanismes de recours collectif en cessation et en réparation dans les États membres en cas de violation de droits conférés par le droit de l’Union (JO 2013, L 201, considérant 7, p. 60). C’est moi qui souligne.

( 29 ) Pannon GSM (C‑243/08, EU:C:2009:350, point 32).

( 30 ) Voir arrêts Océano Grupo Editorial et Salvat Editores (C‑240/98 à C‑244/98, EU:C:2000:346, point 27); Cofidis (C‑473/00, EU:C:2002:705, point 32), et Pannon GSM (C‑243/08, EU:C:2009:350, point 32).

( 31 ) Voir arrêt Asociación de Consumidores Independientes de Castilla y León (C‑413/12, EU:C:2013:800, point 49).

( 32 ) Ibidem (point 50).

( 33 ) Voir arrêts Commission/Italie (C‑372/99, EU:C:2002:42, point 15); Invitel (C‑472/10, EU:C:2012:242, point 37), et Pohotovosť (C‑470/12, EU:C:2014:101, point 44).

( 34 ) Voir arrêt Invitel (C‑472/10, EU:C:2012:242, point 38).

( 35 ) Ibidem (point 40).

( 36 ) Toutefois, il semble ressortir de la décision de renvoi que cette juridiction n’est pas obligée de suspendre les affaires en cause. Voir, à cet égard, note en bas de page 8 des présentes conclusions.

( 37 ) Voir, en ce sens, arrêt Mascolo e.a. (C‑22/13, C‑61/13, C‑63/13 et C‑418/13, EU:C:2014:2401, points 81 et 83).

( 38 ) Voir, notamment, arrêts Rewe-Zentralfinanz et Rewe-Zentral (33/76, EU:C:1976:188, point 5); Peterbroeck (C‑312/93, EU:C:1995:437, point 12), ainsi que Impact (C‑268/06, EU:C:2008:223, points 44 à 46). Voir, également, arrêts Banif Plus Bank (C‑472/11, EU:C:2013:88, point 26); Aziz (C‑415/11, EU:C:2013:164, point 50), et Barclays Bank (C‑280/13, EU:C:2014:279, point 37).

( 39 ) Voir, en ce sens, arrêt Rosado Santana (C‑177/10, EU:C:2011:557, point 90).

( 40 ) Arrêt Pannon GSM (C‑243/08, EU:C:2009:350, point 33).

( 41 ) Ibidem (point 35).

( 42 ) Conclusions de l’avocat général Kokott dans l’affaire Duarte Hueros (C‑32/12, EU:C:2013:128, point 53).

( 43 ) Arrêt Banif Plus Bank (C‑472/11, EU:C:2013:88, point 35).

( 44 ) Je note, en revanche, que les juridictions doivent conserver la possibilité de suspendre une procédure individuelle donnée, pour d’autres raisons légitimes, lorsque la suspension constitue un moyen adéquat et proportionné d’assurer une bonne administration de la justice.

( 45 ) Recommandation de la Commission du 11 juin 2013, p. 64, point 22.

( 46 ) Par exemple, une clause contractuelle peut ne pas être abusive de manière abstraite mais l’être uniquement dans certaines circonstances; ou elle peut être potentiellement abusive mais avoir fait l’objet, dans une situation concrète, d’une négociation individuelle et, en conséquence, engager le consommateur concerné.

( 47 ) Je note que cette interprétation est retenue par certaines juridictions nationales qui refusent d’accorder la suspension en se fondant, notamment, sur le fait que la différence de nature entre l’action individuelle (contrôle concret) et l’action collective (contrôle abstrait et général) ferait obstacle à l’extension des effets de la seconde à la première. Voir, notamment, arrêts de l’Audiencia Provincial de Granada (cour provinciale de Grenade) no 128/2014, du 23 mai 2014, de l’Audiencia Provincial de Oviedo (cour provinciale d’Oviedo), no 308/2014 et no 141/2015, du 17 décembre 2014 et du 20 mai 2015, et de l’Audiencia Provincial de Girona (cour provinciale de Gérone) no 332/2014, du 3 décembre 2014.

( 48 ) À cet égard, voir point 41 des présentes conclusions.

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