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Document 62014CJ0319

Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 29 octobre 2015.
B & S Global Transit Center BV contre Staatssecretaris van Financiën.
Demande de décision préjudicielle, introduite par le Hoge Raad der Nederlanden.
Renvoi préjudiciel – Code des douanes communautaire – Règlement (CEE) no 2913/92 – Articles 203 et 204 – Régime de transit communautaire externe – Règlement (CEE) no 2454/93 – Articles 365, 366 et 859 – Naissance de la dette douanière – Soustraction ou non à la surveillance douanière – Inexécution d’une obligation – Omission de mettre fin au régime de transit – Sortie des marchandises du territoire douanier de l’Union européenne.
Affaire C-319/14.

Recueil – Recueil général

Identifiant ECLI: ECLI:EU:C:2015:734

ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

29 octobre 2015 ( * )

«Renvoi préjudiciel — Code des douanes communautaire — Règlement (CEE) no 2913/92 — Articles 203 et 204 — Régime de transit communautaire externe — Règlement (CEE) no 2454/93 — Articles 365, 366 et 859 — Naissance de la dette douanière — Soustraction ou non à la surveillance douanière — Inexécution d’une obligation — Omission de mettre fin au régime de transit — Sortie des marchandises du territoire douanier de l’Union européenne»

Dans l’affaire C‑319/14,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Hoge Raad der Nederlanden (Cour suprême des Pays‑Bas, Pays‑Bas), par décision du 13 juin 2014, parvenue à la Cour le 3 juillet 2014, dans la procédure

B & S Global Transit Center BV

contre

Staatssecretaris van Financiën,

LA COUR (cinquième chambre),

composée de M. T. von Danwitz (rapporteur), président de la quatrième chambre, faisant fonction de président de la cinquième chambre, MM. D. Šváby, A. Rosas, E. Juhász et C. Vajda, juges,

avocat général: M. M. Szpunar,

greffier: Mme M. Ferreira, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 20 mai 2015,

considérant les observations présentées:

pour B & S Global Transit Center BV, par Me B. Boersma, adviseur,

pour le gouvernement néerlandais, par Mmes M. Bulterman, M. Noort et C. Schillemans, en qualité d’agents,

pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de Mme A. Collabolletta, avvocato dello Stato,

pour la Commission européenne, par Mme L. Grønfeldt et M. H. Kranenborg, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 16 juillet 2015,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 203 et 204 du règlement (CEE) no 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire (JO L 302, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) no 1791/2006 du Conseil, du 20 novembre 2006 (JO L 363, p. 1, ci‑après le «code des douanes»), ainsi que de certaines dispositions du règlement (CEE) no 2454/93 de la Commission, du 2 juillet 1993, fixant certaines dispositions d’application du règlement no 2913/92 (JO L 253, p. 1, ci‑après le «règlement d’application»), à savoir les articles 365 et 859 du règlement d’application, dans leur version résultant du règlement (CE) no 993/2001 de la Commission, du 4 mai 2001 (JO L 141, p. 1, ci‑après, respectivement, l’«article 365 du règlement d’application» et l’«article 859 du règlement d’application»), ainsi que l’article 366 du règlement d’application, dans sa version résultant du règlement (CE) no 1192/2008 de la Commission, du 17 novembre 2008 (JO L 329, p. 1, ci‑après l’«article 366 du règlement d’application»).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant B & S Global Transit Center BV (ci‑après «B & S») au Staatssecretaris van Financiën (secrétaire d’État aux Finances) au sujet du paiement des droits de douane dont B & S serait redevable pour avoir soustrait des marchandises à la surveillance douanière en omettant de mettre fin aux régimes de transit communautaire externe (ci‑après les «régimes de transit») dans lesquels elle avait placé ces marchandises.

Le cadre juridique

Le code des douanes

3

L’article 37 du code des douanes dispose:

«1.   Les marchandises qui sont introduites dans le territoire douanier de la Communauté sont, dès cette introduction, soumises à la surveillance douanière. Elles peuvent faire l’objet de contrôles douaniers conformément aux dispositions en vigueur.

2.   Elles restent sous cette surveillance aussi longtemps qu’il est nécessaire pour déterminer leur statut douanier et, s’agissant de marchandises non communautaires et sans préjudice de l’article 82 paragraphe 1, jusqu’à ce qu’elles soit changent de statut douanier, soit sont introduites dans une zone franche ou un entrepôt franc, soit sont réexportées ou détruites conformément à l’article 182.»

4

L’article 91, paragraphe 1, de ce code est libellé comme suit:

«Le régime du transit externe permet la circulation d’un point à un autre du territoire douanier de la Communauté:

a)

de marchandises non communautaires sans que ces marchandises soient soumises aux droits à l’importation et aux autres impositions ni aux mesures de politique commerciale;

[...]»

5

L’article 92 dudit code prévoit:

«1.   Le régime du transit externe prend fin et les obligations du titulaire du régime sont remplies lorsque les marchandises placées sous le régime et les documents requis sont présentés au bureau de douane de destination, conformément aux dispositions du régime concerné.

2.   Les autorités douanières apurent le régime du transit externe lorsqu’elles sont en mesure d’établir, sur la base de la comparaison des données disponibles au bureau de départ et de celles disponibles au bureau de douane de destination, que le régime a pris fin correctement.»

6

Aux termes de l’article 96, paragraphe 1, de ce même code:

«Le principal obligé est le titulaire du régime de transit communautaire externe. Il est tenu:

a)

de présenter en douane les marchandises intactes au bureau de douane de destination, dans le délai prescrit et en ayant respecté les mesures d’identification prises par les autorités douanières;

b)

de respecter les dispositions relatives au régime du transit communautaire.»

7

Aux termes de l’article 203 du code des douanes:

«1.   Fait naître une dette douanière à l’importation:

la soustraction d’une marchandise passible de droits à l’importation à la surveillance douanière.

2.   La dette douanière naît au moment de la soustraction de la marchandise à la surveillance douanière.

3.   Les débiteurs sont:

la personne qui a soustrait la marchandise à la surveillance douanière,

[...]»

8

Selon l’article 204, paragraphe 1, de ce code:

«Fait naître une dette douanière à l’importation:

a)

l’inexécution d’une des obligations qu’entraîne pour une marchandise passible de droits à l’importation son séjour en dépôt temporaire ou l’utilisation du régime douanier sous lequel elle a été placée

[...]

dans des cas autres que ceux visés à l’article 203, à moins qu’il ne soit établi que ces manquements sont restés sans conséquence réelle sur le fonctionnement correct du dépôt temporaire ou du régime douanier considéré.»

9

Aux termes de l’article 239 dudit code:

«1.   Il peut être procédé au remboursement ou à la remise des droits à l’importation ou des droits à l’exportation dans des situations autres que celles visées aux articles 236, 237 et 238:

à déterminer selon la procédure du comité,

qui résultent de circonstances n’impliquant ni manœuvre ni négligence manifeste de la part de l’intéressé. Les situations dans lesquelles il peut être fait application de cette disposition ainsi que les modalités de procédure à suivre à cette fin sont définies selon la procédure du comité. Le remboursement ou la remise peuvent être subordonnées à des conditions particulières.

2.   Le remboursement ou la remise des droits pour les motifs indiqués au paragraphe 1 est accordé sur demande déposée auprès du bureau de douane concerné avant l’expiration d’un délai de douze mois à compter de la date de la communication desdits droits au débiteur.

Toutefois, les autorités douanières peuvent autoriser un dépassement de ce délai dans des cas exceptionnels dûment justifiés.»

Le règlement d’application

10

L’article 365 du règlement d’application, en vigueur jusqu’au 30 juin 2009, prévoyait:

«1.   En l’absence du retour de l’exemplaire 5 de la déclaration de transit aux autorités douanières de l’État membre de départ, au terme d’un délai de deux mois à compter de la date d’acceptation de la déclaration de transit, ces autorités en informent le principal obligé, en l’invitant à apporter la preuve que le régime a pris fin.

1   bis. Lorsque les dispositions de la sous‑section 7 de la section 2 s’appliquent et que les autorités douanières du pays de départ n’ont pas reçu le message ‘avis d’arrivée’ dans le délai imparti pour la présentation des marchandises au bureau de destination, ces autorités informent le principal obligé et lui demandent d’apporter la preuve que le régime a pris fin.

2.   La preuve visée au paragraphe 1 peut être apportée, à la satisfaction des autorités douanières, par la production d’un document certifié par les autorités douanières de l’État membre de destination, comportant l’identification des marchandises en cause et établissant qu’elles ont été présentées au bureau de destination ou, en cas d’application de l’article 406, auprès du destinataire agréé.

3.   Le régime de transit communautaire est également considéré comme ayant pris fin si le principal obligé produit, à la satisfaction des autorités douanières, un document douanier de placement sous une destination douanière dans un pays tiers ou sa copie ou photocopie, comportant l’identification des marchandises en cause. La copie ou photocopie de ce document doit être certifiée conforme, soit par l’organisme qui a visé le document original, soit par les services officiels du pays tiers concerné, soit par les services officiels d’un des États membres.»

11

L’article 366 du règlement d’application, en vigueur à compter du 1er juillet 2008, dispose:

«1.   La preuve que le régime a pris fin dans les délais indiqués dans la déclaration peut être apportée par le principal obligé, à la satisfaction des autorités douanières, sous la forme d’un document certifié par les autorités douanières de l’État membre de destination, comportant l’identification des marchandises en cause et établissant qu’elles ont été présentées au bureau de destination ou, en cas d’application de l’article 406, auprès du destinataire agréé.

2.   Le régime de transit communautaire est également considéré comme ayant pris fin si le principal obligé produit, à la satisfaction des autorités douanières, l’un des documents suivants:

a)

un document douanier de placement sous une destination douanière établi dans un pays tiers;

b)

un document établi dans un pays tiers, visé par les autorités douanières de ce pays et certifiant que les marchandises sont considérées être en libre circulation dans le pays tiers concerné.

3.   Les documents mentionnés au paragraphe 2 peuvent être remplacés par leurs copies ou photocopies certifiées conformes par l’organisme qui a visé les documents originaux, les autorités des pays tiers concernés ou les autorités d’un des États membres.»

12

L’article 859 du règlement d’application est libellé comme suit:

«Sont considérés comme restés sans conséquence réelle sur le fonctionnement correct du dépôt temporaire ou du régime douanier considéré au sens de l’article 204 paragraphe 1 du code [des douanes] les manquements suivants pour autant:

qu’ils ne constituent pas de tentative de soustraction à la surveillance douanière de la marchandise,

qu’ils n’impliquent pas de négligence manifeste de la part de l’intéressé,

que toutes les formalités nécessaires pour régulariser la situation de la marchandise soient accomplies a posteriori:

[...]

6)

s’agissant d’une marchandise en dépôt temporaire ou placée sous un régime douanier, la sortie de cette marchandise hors du territoire douanier de la Communauté ou son introduction dans une zone franche soumise aux modalités de contrôle du type I au sens de l’article 799 ou dans un entrepôt franc sans accomplissement des formalités nécessaires;

[...]»

Le litige au principal et les questions préjudicielles

13

Les 3 juillet 2006, 13 août 2007 et 18 décembre 2007, B & S, un prestataire de services logistiques, a introduit, en tant que principal obligé, des déclarations électroniques de placement de produits alimentaires sous le régime de transit. Ces déclarations désignaient chaque fois le bureau de douane de Moerdijk (Pays‑Bas) en tant que bureau de départ et, respectivement, ceux de Bremerhaven (Allemagne), de Anvers (Belgique) et, à nouveau, de Bremerhaven comme bureaux de destination.

14

Les 4 août 2006, 26 septembre 2007 et 24 janvier 2008, le bureau de douane de départ a indiqué à B & S qu’il n’avait pas reçu l’exemplaire de retour nécessaire ni le retour d’information électronique. À la suite de la demande de ce bureau d’apporter la preuve que ces régimes avaient pris fin correctement, B & S a fourni plusieurs documents commerciaux de transport, dénommés «bills of lading».

15

En réaction à un avis de recherche émis par l’inspecteur du service des impôts près l’administration fiscale (Inspecteur van de Belastingdienst (ci‑après l’«inspecteur»), les bureaux de douane de destination ont indiqué qu’aucune marchandise ni aucun document de transit correspondant ne leur avait été présenté. Dans ces conditions et estimant que les documents commerciaux communiqués par B & S n’étaient pas conformes aux articles 365 ou 366 du règlement d’application, de telle sorte que les régimes de transit ne pouvaient être considérés comme ayant pris fin, l’inspecteur, se fondant sur l’article 203 du code des douanes, a émis, respectivement les 24 mai 2007, 1er juillet 2008 et 4 novembre 2008, des avis de paiement de droits de douane à l’encontre de B & S, au motif que celle‑ci avait soustrait les marchandises concernées à la surveillance douanière.

16

B & S a introduit une réclamation contre deux avis de paiement ainsi qu’une demande de remboursement en ce qui concerne le troisième avis. Dans ce contexte, B & S a produit des documents supplémentaires, notamment des accusés de réception des marchandises en cause, émis par leurs destinataires, à savoir les forces de l’Organisation des Nations unies (ONU) à Abidjan (Côte d’Ivoire), les forces de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) à Kaboul (Afghanistan) et les forces de l’ONU à Port‑au‑Prince (Haïti). L’inspecteur, n’étant pas satisfait par ces nouveaux documents, a décidé de maintenir les avis de paiement.

17

B & S a formé un recours contre les décisions de l’inspecteur auprès du Rechtbank Haarlem (tribunal d’Haarlem). Ce dernier a annulé ces décisions au motif que les documents fournis par B & S permettaient d’établir l’existence d’un manquement resté sans conséquence réelle sur le fonctionnement correct de ces régimes au sens de l’article 204, paragraphe 1, sous a), du code des douanes, lu en combinaison avec l’article 859, point 6, du règlement d’application, les documents fournis par B & S ayant prouvé la sortie des marchandises du territoire douanier de l’Union européenne.

18

L’inspecteur a interjeté appel de ce jugement du Rechtbank Haarlem (tribunal d’Haarlem) devant le Gerechtshof te Amsterdam (cour d’appel d’Amsterdam). Celui‑ci a tout d’abord considéré que c’est à juste titre que l’inspecteur avait estimé qu’aucune des marchandises n’avait été présentée au bureau de destination, au sens des articles 92 et 96 du code des douanes. Ensuite, cette juridiction a constaté qu’aucun des documents produits par B & S ne remplissait les conditions impératives prévues aux articles 365, paragraphe 3, ou 366, paragraphes 2 et 3, du règlement d’application. Enfin, se référant à l’arrêt Hamann International (C‑337/01, EU:C:2004:90), le Gerechtshof te Amsterdam (cour d’appel d’Amsterdam) a jugé que, malgré la sortie des marchandises du territoire douanier de l’Union, l’omission de mettre fin aux régimes de transit était constitutive d’une soustraction de ces marchandises à la surveillance douanière et donnait naissance à une dette douanière en vertu de l’article 203 du code des douanes.

19

B & S a formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt devant la juridiction de renvoi, le Hoge Raad der Nederlanden (Cour suprême des Pays‑Bas). Cette juridiction est d’avis que c’est à bon droit que le Gerechtshof te Amsterdam (cour d’appel d’Amsterdam) a décidé que les régimes de transit en cause n’avaient pas pris fin, au sens de l’article 92 du code des douanes, et ne pouvaient pas être considérés comme ayant pris fin, au sens des articles 365, paragraphe 3, ou 366, paragraphes 2 et 3, du règlement d’application. Toutefois, cette juridiction estime que l’arrêt X (C‑480/12, EU:C:2014:329) pourrait être compris en ce sens que la naissance d’une dette douanière en vertu de l’article 203 du code des douanes est exclue lorsqu’il est établi que les marchandises n’ont pas été intégrées dans le circuit économique de l’Union sans être dédouanées.

20

Dans l’hypothèse où un manquement à l’obligation de mettre fin régulièrement au régime de transit ne constituerait pas une soustraction de la marchandise à la surveillance douanière, la juridiction de renvoi se demande si un tel manquement peut être considéré comme étant resté sans conséquence réelle sur le fonctionnement correct de ce régime au sens de l’article 204, paragraphe 1, sous a), du code des douanes, lu en combinaison avec l’article 859, troisième tiret et le point 6, du règlement d’application.

21

Dans ces conditions, le Hoge Raad der Nederlanden (Cour suprême des Pays‑Bas) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)

Les articles 203 et 204 du code des douanes, lus conjointement avec l’article 859 (en particulier le point 6) du règlement d’application, doivent‑ils être interprétés en ce sens que, lorsque le régime de transit n’a pas pris fin, mais que des documents fournis permettent d’établir que les marchandises sont sorties du territoire douanier de l’Union, le fait que ce régime n’a pas pris fin ne donne pas lieu à la naissance d’une dette douanière en raison d’une soustraction à la surveillance douanière, au sens de l’article 203 du code des douanes, mais bien, en principe, à la naissance d’une dette douanière sur le fondement de l’article 204 de ce code?

2)

L’article 859, point 6, du règlement d’application doit‑il être interprété en ce sens que cette disposition vise exclusivement l’inexécution des obligations (ou de l’une d’entre elles) liées à la (ré)exportation de marchandises, telles que définies aux articles 182 à 183 du code des douanes? Ou la phrase ‘sans accomplissement des formalités nécessaires’ doit‑elle être interprétée en ce sens que les ‘formalités nécessaires’ comprennent également les formalités devant être accomplies avant la (ré)exportation afin de mettre fin au régime douanier sous lequel sont placées les marchandises?

3)

Si la précédente question appelle une réponse affirmative, l’article 859, troisième tiret, du règlement d’application doit‑il être interprété en ce sens que le non‑accomplissement des formalités visées à la deuxième question ne s’oppose pas à ce que, dans un cas comme celui de l’espèce – dans lequel des documents démontrent que les marchandises sont sorties du territoire douanier de l’Union à l’issue du transport dans l’Union – la condition que ‘toutes les formalités nécessaires pour régulariser la situation de la marchandise soient accomplies a posteriori’ puisse être considérée comme étant remplie?»

Sur les questions préjudicielles

Sur la première question

22

Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 203 et 204 du code des douanes doivent être interprétés en ce sens qu’un manquement à l’obligation de présenter une marchandise placée sous le régime de transit au bureau de douane de destination fait, en principe, naître une dette douanière sur le fondement de l’article 204 de ce code, et non pas de l’article 203 de celui‑ci, lorsque la marchandise concernée est sortie du territoire douanier de l’Union et que le titulaire dudit régime n’est pas en mesure de produire des documents conformes aux articles 365, paragraphe 3, ou 366, paragraphes 2 et 3, du règlement d’application.

23

Il convient de relever, à titre liminaire, qu’il ressort des indications fournies par la juridiction de renvoi, d’une part, que les marchandises en cause au principal n’ont pas été présentées à leurs bureaux de douane de destination respectifs et, d’autre part, que les documents fournis par B & S à l’inspecteur, mentionnés aux points 14 et 16 du présent arrêt, démontrent que ces marchandises sont effectivement sorties du territoire douanier de l’Union. Cette juridiction considère, toutefois, que ces documents ne satisfont pas aux exigences de preuve prévues aux articles 365, paragraphe 3, ou 366, paragraphes 2 et 3, du règlement d’application.

24

Ladite juridiction conclut de ces circonstances que les régimes de transit en cause au principal n’ont pas pris fin conformément à l’article 92, paragraphe 1, du code des douanes et ne peuvent pas non plus être considérés comme ayant pris fin, au sens des articles 365, paragraphe 3, ou 366, paragraphes 2 et 3, du règlement d’application. Aucune des parties à la procédure devant la Cour n’a remis en cause ces conclusions.

25

S’agissant des champs d’application respectifs des articles 203 et 204 du code des douanes, il y a lieu de rappeler que ceux‑ci sont distincts. En effet, alors que le premier vise les comportements ayant pour résultat une soustraction de la marchandise à la surveillance douanière, le second a pour objet des manquements aux obligations et des inobservations de conditions liées aux différents régimes douaniers qui sont restés sans effet sur la surveillance douanière (arrêt DSV Road, C‑187/14, EU:C:2015:421, point 22).

26

Il ressort du libellé de l’article 204 du code des douanes que cette disposition ne trouve à s’appliquer que dans les cas qui ne relèvent pas de l’article 203 de ce code (arrêt DSV Road, C‑187/14, EU:C:2015:421, point 23).

27

Il s’ensuit que, pour déterminer quel est celui de ces deux articles sur le fondement duquel une dette douanière à l’importation est née, il faut, en priorité, examiner si les faits en cause constituent une soustraction à la surveillance douanière, au sens de l’article 203, paragraphe 1, du code des douanes. Ce n’est que lorsque la réponse à cette question est négative que les dispositions de l’article 204 du code des douanes peuvent trouver à s’appliquer (arrêt DSV Road, C‑187/14, EU:C:2015:421, point 24).

28

En ce qui concerne plus particulièrement la notion de soustraction à la surveillance douanière, figurant à l’article 203, paragraphe 1, du code des douanes, il y a lieu de rappeler que, conformément à la jurisprudence de la Cour, cette notion doit être entendue comme comprenant tout acte ou toute omission qui a pour résultat d’empêcher, ne serait‑ce que momentanément, l’autorité douanière compétente d’accéder à une marchandise sous surveillance douanière et d’effectuer les contrôles prévus à l’article 37, paragraphe 1, du code des douanes (arrêt DSV Road, C‑187/14, EU:C:2015:421, point 25).

29

Il suffit, pour qu’il y ait soustraction à la surveillance douanière, que la marchandise ait été objectivement soustraite à des contrôles éventuels, indépendamment du fait que ceux‑ci aient été effectivement réalisés par l’autorité compétente (arrêt SEK Zollagentur, C‑75/13, EU:C:2014:1759, point 32).

30

Eu égard à la jurisprudence citée aux points 25 à 29 du présent arrêt, il convient de constater qu’une situation telle que celle en cause dans l’affaire au principal, décrite aux points 23 et 24 du présent arrêt, relève du champ d’application non pas de l’article 204 du code des douanes, mais de l’article 203 de ce code.

31

En effet, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé aux points 25 et 26 de ses conclusions, l’obligation pour le titulaire d’un régime de transit de présenter la marchandise au bureau de douane de destination, prévue à l’article 96, paragraphe 1, sous a), du code des douanes, joue un rôle primordial pour le fonctionnement de la surveillance douanière dans le cadre d’un tel régime, puisque, conformément à l’article 92, paragraphe 2, dudit code, cette présentation permet aux autorités douanières d’établir, sur la base de la comparaison des données disponibles respectivement aux bureaux de douane de départ et de destination, si le régime de transit a pris fin correctement.

32

Ainsi, dans une situation telle que celle de l’affaire au principal, un manquement à l’obligation de présenter la marchandise au bureau de douane de destination avant qu’elle ne quitte le territoire douanier de l’Union a pour résultat d’empêcher les autorités compétentes d’effectuer un des contrôles douaniers visés à l’article 37, paragraphe 1, du code des douanes, à savoir celui prévu à l’article 92, paragraphe 2, de ce code, qui est décisif pour le fonctionnement du régime de transit, en ce qu’il permet à ces autorités d’établir si le régime de transit a pris fin correctement. Un tel manquement constitue une soustraction à la surveillance douanière, au sens de l’article 203 du code des douanes, dès lors que les exigences des articles 365, paragraphe 3, ou 366, paragraphes 2 et 3, du règlement d’application, permettant de considérer un tel régime comme ayant pris fin nonobstant l’absence de la présentation de la marchandise au bureau de douane de destination, ne sont pas non plus remplies.

33

Dans la mesure où la Commission européenne soutient que l’existence d’une soustraction à la surveillance douanière est exclue en l’espèce en raison du fait que les marchandises en cause au principal se trouvaient sous la surveillance des autorités douanières jusqu’au moment où elles sont sorties du territoire douanier de l’Union, il y a lieu de constater que, en omettant de s’acquitter de son obligation, résultant de l’article 96, paragraphe 1, sous a), du code des douanes, de présenter ces marchandises à leurs bureaux de douane de destination respectifs avant leur sortie du territoire douanier de l’Union, B & S a soustrait lesdites marchandises à la surveillance douanière avant même que celles‑ci aient quitté ce territoire.

34

Par ailleurs, le seul fait que les marchandises en cause au principal sont sorties du territoire douanier de l’Union ne s’oppose pas à ce qu’un manquement à l’obligation de présenter ces marchandises à leurs bureaux de douanes de destination respectifs soit qualifié de «soustraction à la surveillance douanière», faisant naître une dette douanière sur le fondement de l’article 203 du code des douanes. En effet, la Cour a déjà conclu à l’existence d’une telle soustraction nonobstant l’absence d’intégration irrégulière des marchandises concernées dans le circuit économique de l’Union.

35

Ainsi, dans l’arrêt Hamann International (C‑337/01, EU:C:2004:90), la Cour a jugé, ainsi qu’il ressort notamment des points 21 à 24, 32 et 36 de cet arrêt, que, eu égard aux circonstances de l’affaire ayant donné lieu à celui‑ci, le manquement à l’obligation de placer une marchandise sous le régime de transit constituait une soustraction à la surveillance douanière, au sens de l’article 203 du code des douanes, alors même que la marchandise concernée était sortie du territoire de l’Union. Dans l’arrêt SEK Zollagentur (C‑75/13, EU:C:2014:1759), la Cour a considéré, ainsi qu’il résulte notamment des points 18 et 33 de cet arrêt, que l’éloignement temporaire du document de transit des marchandises qui figurent sur ce document devait être qualifié de «soustraction desdites marchandises à la surveillance douanière», au sens de cet article, alors même que les marchandises concernées avaient été intégrées correctement dans le circuit économique de l’Union par leur mise en libre pratique.

36

En outre, il convient de rappeler que le caractère économique des droits à l’importation ne s’oppose pas à ce que, dans une situation dans laquelle les marchandises sont sorties du territoire douanier de l’Union, une dette douanière naisse sur le fondement de l’article 203, paragraphe 1, du code des douanes, l’article 239 de ce code prévoyant, sous certaines conditions, le remboursement ou la remise des droits légalement dus (voir, en ce sens, arrêt Hamann International, C‑337/01, EU:C:2004:90, point 34).

37

Enfin, la constatation énoncée au point 30 du présent arrêt ne saurait, non plus, être remise en cause par l’argument exposé par la juridiction de renvoi et avancé par B & S, selon lequel il résulte de l’arrêt X (C‑480/12, EU:C:2014:329) que le manquement à l’obligation de présenter les marchandises en cause au principal à leurs bureaux de douane de destination respectifs ne fait pas naître une dette douanière sur le fondement de l’article 203 du code des douanes, dans la mesure où la sortie de ces marchandises du territoire de l’Union a éliminé le risque d’intégration irrégulière desdites marchandises dans le circuit économique de l’Union.

38

En effet, il ressort du point 37 de cet arrêt ainsi que de l’exposé des faits relatifs à l’affaire ayant donné lieu audit arrêt que celui‑ci concernait un cas dans lequel les marchandises en cause avaient fait l’objet d’une présentation, certes tardive, au bureau de douane de destination. Or, les marchandises en cause au principal n’ont en revanche fait l’objet d’aucune présentation à leurs bureaux de douane de destination respectifs permettant aux autorités de s’assurer que le régime de transit a pris fin correctement.

39

Ainsi que M. l’avocat général l’a relevé, aux points 30 et 31 de ses conclusions, au regard de la jurisprudence citée au point 35 du présent arrêt, il ne saurait être déduit de l’arrêt X (C‑480/12, EU:C:2014:329) que celui‑ci énonce une règle générale selon laquelle la seule preuve de l’absence d’intégration irrégulière de marchandises dans le circuit économique de l’Union suffirait en soi pour exclure l’existence d’une soustraction à la surveillance douanière ou la naissance d’une dette douanière en vertu de l’article 203 du code des douanes.

40

Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la première question que les articles 203 et 204 du code des douanes doivent être interprétés en ce sens qu’un manquement à l’obligation de présenter une marchandise placée sous le régime de transit au bureau de douane de destination fait naître une dette douanière sur le fondement non pas de l’article 204 de ce code, mais de l’article 203 dudit code, lorsque la marchandise concernée est sortie du territoire douanier de l’Union et que le titulaire dudit régime n’est pas en mesure de produire des documents conformes aux articles 365, paragraphe 3, ou 366, paragraphes 2 et 3, du règlement d’application.

Sur les deuxième et troisième questions

41

Il convient de constater que l’article 859 du règlement d’application, qui fait l’objet des deuxième et troisième questions, ne trouve pas à s’appliquer dans les situations visées à l’article 203 du code des douanes. Dès lors, compte tenu de la réponse apportée à la première question, il n’y a pas lieu de répondre aux deuxième et troisième questions.

Sur les dépens

42

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle‑ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) dit pour droit:

 

Les articles 203 et 204 du règlement (CEE) no 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire, tel que modifié par le règlement (CE) no 1791/2006 du Conseil, du 20 novembre 2006, doivent être interprétés en ce sens qu’un manquement à l’obligation de présenter une marchandise placée sous le régime de transit communautaire externe au bureau de douane de destination fait naître une dette douanière sur le fondement non pas de l’article 204 du règlement no 2913/92, tel que modifié par le règlement no 1791/2006, mais de l’article 203 du règlement no 2913/92, tel que modifié par le règlement no 1791/2006, lorsque la marchandise concernée est sortie du territoire douanier de l’Union européenne et que le titulaire dudit régime n’est pas en mesure de produire des documents conformes à l’article 365, paragraphe 3, du règlement (CEE) no 2454/93 de la Commission, du 2 juillet 1993, fixant certaines dispositions d’application du règlement no 2913/92, dans sa version résultant du règlement (CE) no 993/2001 de la Commission, du 4 mai 2001, ou à l’article 366, paragraphes 2 et 3, du règlement no 2454/93, dans sa version résultant du règlement (CE) no 1192/2008 de la Commission, du 17 novembre 2008.

 

Signatures


( * )   Langue de procédure: le néerlandais.

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