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Document 62014CO0500

    Ordonnance de la Cour (troisième chambre) du 6 octobre 2015.
    Ford Motor Company contre Wheeltrims srl.
    Demande de décision préjudicielle, introduite par le Tribunale di Torino.
    Renvoi préjudiciel – Dessins ou modèles – Directive 98/71/CE – Article 14 – Règlement (CE) no 6/2002 – Article 110 – Clause dite ‘de réparation’ – Usage par un tiers d’une marque, en l’absence du consentement du titulaire, pour des pièces de rechange ou des accessoires pour véhicules automobiles identiques aux produits pour lesquels la marque est enregistré.
    Affaire C-500/14.

    Recueil – Recueil général

    Identifiant ECLI: ECLI:EU:C:2015:680

    ORDONNANCE DE LA COUR (troisième chambre)

    6 octobre 2015 ( * )

    «Renvoi préjudiciel — Dessins ou modèles — Directive 98/71/CE — Article 14 — Règlement (CE) no 6/2002 — Article 110 — Clause dite ‘de réparation’ — Usage par un tiers d’une marque, en l’absence du consentement du titulaire, pour des pièces de rechange ou des accessoires pour véhicules automobiles identiques aux produits pour lesquels la marque est enregistrée»

    Dans l’affaire C‑500/14,

    ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Tribunale di Torino (tribunal de Turin, Italie), par décision du 21 octobre 2014, parvenue à la Cour le 10 novembre 2014, dans la procédure

    Ford Motor Company

    contre

    Wheeltrims srl,

    LA COUR (troisième chambre),

    composée de M. M. Ilešič (rapporteur), président de chambre, M. A. Ó Caoimh, Mme C. Toader, MM. E. Jarašiūnas et C. G. Fernlund, juges,

    avocat général: M. M. Wathelet,

    greffier: M. A. Calot Escobar,

    vu la procédure écrite,

    considérant les observations présentées:

    pour Ford Motor Company, par Me A. Camusso, avvocato,

    pour Wheeltrims srl, par Me D. Rizzo, avvocato,

    pour le gouvernement allemand, par M. T. Henze et Mme J. Kemper, en qualité d’agents,

    pour la Commission européenne, par M. V. Di Bucci et Mme J. Samnadda, en qualité d’agents,

    vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 99 du règlement de procédure de la Cour,

    rend la présente

    Ordonnance

    1

    La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 14 de la directive 98/71/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 octobre 1998, sur la protection juridique des dessins ou modèles (JO L 289, p. 28) et de l’article 110 du règlement (CE) no 6/2002 du Conseil, du 12 décembre 2001, sur les dessins ou modèles communautaires (JO L 3, p. 1).

    2

    Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Ford Motor Company (ci‑après «Ford») à Wheeltrims srl (ci‑après «Wheeltrims») au sujet de la commercialisation par cette dernière d’enjoliveurs de roues de voitures sur lesquels figurait un signe identique à la marque enregistrée par Ford notamment pour de tels produits.

    Le cadre juridique

    Le droit de l’Union

    La réglementation relative aux dessins et aux modèles

    3

    Le considérant 7 de la directive 98/71 énonce:

    «considérant que la présente directive n’exclut pas l’application aux dessins ou modèles des dispositions de droit national ou communautaire qui prévoient une protection autre que celle que les dessins ou modèles acquièrent par leur enregistrement ou leur publication, telles que les dispositions relatives aux dessins ou modèles non enregistrés, aux marques, aux brevets et modèles d’utilité, à la concurrence déloyale et à la responsabilité civile».

    4

    L’article 2 de cette directive, intitulé «Champ d’application», est libellé comme suit:

    «1.   La présente directive s’applique:

    a)

    aux enregistrements de dessins ou modèles auprès des services centraux de la propriété industrielle des États membres;

    b)

    aux enregistrements de dessins ou modèles auprès du bureau Benelux des dessins ou modèles;

    c)

    aux enregistrements de dessins ou modèles effectués en application d’un accord international produisant ses effets dans un État membre;

    d)

    aux demandes d’enregistrement de dessins ou modèles visées aux points a), b) et c).

    2.   Aux fins de la présente directive, l’enregistrement d’un dessin ou modèle comprend également la publication suivant le dépôt d’un dessin ou modèle auprès du service de la propriété industrielle d’un État membre dans lequel cette publication a pour effet de créer des droits sur un dessin ou modèle.»

    5

    L’article 14 de ladite directive, intitulé «Disposition transitoire», prévoit:

    «Jusqu’à la date d’adoption des modifications apportées à la présente directive, sur proposition de la Commission [européenne], conformément aux dispositions de l’article 18, les États membres maintiennent en vigueur leurs dispositions juridiques existantes relatives à l’utilisation du dessin ou modèle d’une pièce utilisée dans le but de permettre la réparation d’un produit complexe en vue de lui rendre son apparence initiale et n’introduisent des modifications à ces dispositions que si l’objectif en est de libéraliser le marché de ces pièces.»

    6

    L’article 16 de la même directive, intitulé «Rapports avec les autres formes de protection», dispose:

    «La présente directive s’applique sans préjudice des dispositions du droit communautaire ou du droit de l’État membre concerné qui s’appliquent aux dessins ou modèles non enregistrés, aux marques et autres signes distinctifs, aux brevets et modèles d’utilité, aux caractères typographiques, à la responsabilité civile et à la concurrence déloyale.»

    7

    Les considérants 5 et 31 du règlement no 6/2002 sont libellés comme suit:

    «(5)

    Il est donc nécessaire de créer un dessin ou modèle communautaire directement applicable dans chaque État membre parce que ce n’est qu’ainsi que l’on pourra, en présentant une demande unique devant l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) suivant une procédure unique en vertu d’une législation unique, obtenir une protection d’un dessin ou d’un modèle pour un territoire unique comprenant tous les États membres.

    [...]

    (31)

    Le présent règlement n’exclut pas l’application aux dessins ou modèles protégés par le dessin ou modèle communautaire des réglementations relatives à la propriété industrielle ou d’autres réglementations pertinentes des États membres, telles que celles relatives à la protection acquise par voie d’enregistrement ou celles relatives aux dessins ou modèles non enregistrés, aux marques commerciales, aux brevets et aux modèles d’utilité, à la concurrence déloyale et à la responsabilité civile.»

    8

    L’article 1er de ce règlement, intitulé «Dessin ou modèle communautaire», dispose:

    «1.   Les dessins ou modèles qui remplissent les conditions énoncées dans le présent règlement sont ci‑après dénommés ‘dessins ou modèles communautaires’.

    2.   Un dessin ou modèle communautaire est protégé:

    a)

    en qualité de ‘dessin ou modèle communautaire non enregistré’, s’il est divulgué au public selon les modalités prévues par le présent règlement;

    b)

    en qualité de ‘dessin ou modèle communautaire enregistré’, s’il est enregistré selon les modalités prévues par le présent règlement.

    3.   Le dessin ou modèle communautaire a un caractère unitaire. Il produit les mêmes effets dans l’ensemble de [l’Union européenne]. Il ne peut être enregistré, transféré, faire l’objet d’une renonciation ou d’une décision de nullité et son usage ne peut être interdit que pour l’ensemble de [l’Union]. Ce principe s’applique sauf disposition contraire du présent règlement.»

    9

    L’article 96, paragraphe 1, dudit règlement, intitulé «Rapports avec les autres formes de protection prévues par les législations nationales», se lit comme suit:

    «Le présent règlement s’applique sans préjudice des dispositions du droit [de l’Union] ou du droit de l’État membre concerné applicables aux dessins ou modèles non enregistrés, aux marques et autres signes distinctifs, aux brevets et modèles d’utilité, aux caractères typographiques, à la responsabilité civile et à la concurrence déloyale.»

    10

    Aux termes de l’article 110 du même règlement, intitulé «Disposition transitoire»:

    «1.   Jusqu’à la date d’entrée en vigueur des modifications apportées au présent règlement, sur proposition de la Commission à ce sujet, une protection au titre de dessin ou modèle communautaire n’existe pas à l’égard d’un dessin ou modèle qui constitue une pièce d’un produit complexe qui est utilisée au sens de l’article 19, paragraphe 1, dans le but de permettre la réparation de ce produit complexe en vue de lui rendre son apparence initiale.

    2.   La proposition de la Commission, visée au paragraphe 1, sera présentée en même temps que les changements que la Commission soumettra sur le même sujet conformément à l’article 18 de la directive [98/71] et tiendra compte de ces changements.»

    La réglementation relative aux marques

    11

    L’article 5 de la directive 2008/95/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2008, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO L 299, p. 25 et rectificatif JO 2009, L 11, p. 86), intitulé «Droits conférés par la marque», dispose:

    «1.   La marque enregistrée confère à son titulaire un droit exclusif. Le titulaire est habilité à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires:

    a)

    d’un signe identique à la marque pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels celle‑ci est enregistrée;

    b)

    d’un signe pour lequel, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services couverts par la marque et le signe, il existe, dans l’esprit du public, un risque de confusion qui comprend le risque d’association entre le signe et la marque.

    2.   Tout État membre peut également prescrire que le titulaire est habilité à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d’un signe identique ou similaire à la marque pour des produits ou des services qui ne sont pas similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, lorsque celle‑ci jouit d’une renommée dans l’État membre et que l’usage du signe sans juste motif tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque ou leur porte préjudice.

    3.   Si les conditions énoncées aux paragraphes 1 et 2 sont remplies, il peut notamment être interdit:

    a)

    d’apposer le signe sur les produits ou sur leur conditionnement;

    b)

    d’offrir les produits, de les mettre dans le commerce ou de les détenir à ces fins, ou d’offrir ou de fournir des services sous le signe;

    c)

    d’importer ou d’exporter les produits sous le signe;

    d)

    d’utiliser le signe dans les papiers d’affaires et la publicité.

    4.   Lorsque, antérieurement à la date d’entrée en vigueur des dispositions nécessaires pour se conformer à la [première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO L 40, p. 1)], le droit de cet État ne permettait pas d’interdire l’usage d’un signe dans les conditions visées au paragraphe 1, point b), ou au paragraphe 2, le droit conféré par la marque n’est pas opposable à la poursuite de l’usage de ce signe.

    5.   Les paragraphes 1 à 4 n’affectent pas les dispositions applicables dans un État membre et relatives à la protection contre l’usage qui est fait d’un signe à des fins autres que celle de distinguer les produits ou services, lorsque l’usage de ce signe sans juste motif tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque ou leur porte préjudice.»

    12

    L’article 6 de cette directive, intitulé «Limitation des effets de la marque», prévoit:

    «1.   Le droit conféré par la marque ne permet pas à son titulaire d’interdire à un tiers l’usage, dans la vie des affaires:

    a)

    de son nom et de son adresse;

    b)

    d’indications relatives à l’espèce, à la qualité, à la quantité, à la destination, à la valeur, à la provenance géographique, à l’époque de la production du produit ou de la prestation du service ou à d’autres caractéristiques de ceux‑ci;

    c)

    de la marque lorsqu’elle est nécessaire pour indiquer la destination d’un produit ou d’un service, notamment en tant qu’accessoires ou pièces détachées,

    pour autant que cet usage soit fait conformément aux usages honnêtes en matière industrielle ou commerciale.

    2.   Le droit conféré par la marque ne permet pas à son titulaire d’interdire à un tiers l’usage, dans la vie des affaires, d’un droit antérieur de portée locale si ce droit est reconnu par la loi de l’État membre concerné et dans la limite du territoire où il est reconnu.»

    13

    L’article 7 de ladite directive est relatif à l’épuisement du droit conféré par la marque.

    14

    L’article 8 de la même directive traite des licences dont la marque peut faire l’objet.

    15

    Aux termes de l’article 17 de la directive 2008/95, la directive 89/104 est abrogée et les références faites à celle‑ci s’entendent comme faites à cette première directive.

    16

    L’article 9 du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1), intitulé «Droit conféré par la marque communautaire», est libellé comme suit:

    «1.   La marque communautaire confère à son titulaire un droit exclusif. Le titulaire est habilité à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires:

    a)

    d’un signe identique à la marque communautaire pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels celle‑ci est enregistrée;

    b)

    d’un signe pour lequel, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque communautaire et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services couverts par la marque communautaire et le signe, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public; le risque de confusion comprend le risque d’association entre le signe et la marque;

    c)

    d’un signe identique ou similaire à la marque communautaire pour des produits ou des services qui ne sont pas similaires à ceux pour lesquels la marque communautaire est enregistrée, lorsque celle‑ci jouit d’une renommée dans [l’Union] et que l’usage du signe sans juste motif tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque communautaire ou leur porte préjudice.

    2.   Il peut notamment être interdit, si les conditions énoncées au paragraphe 1 sont remplies:

    a)

    d’apposer le signe sur les produits ou sur leur conditionnement;

    b)

    d’offrir les produits ou de les mettre dans le commerce ou de les détenir à ces fins ou d’offrir ou de fournir des services sous le signe;

    c)

    d’importer ou d’exporter les produits sous le signe;

    d)

    d’utiliser le signe dans les papiers d’affaires et la publicité.

    3.   Le droit conféré par la marque communautaire n’est opposable aux tiers qu’à compter de la publication de l’enregistrement de la marque. Toutefois, une indemnité raisonnable peut être exigée pour des faits postérieurs à la publication d’une demande de marque communautaire qui, après la publication de l’enregistrement de la marque, seraient interdits en vertu de celle‑ci. Le tribunal saisi ne peut statuer au fond tant que l’enregistrement n’a pas été publié.»

    17

    L’article 12 de ce règlement, intitulé «Limitation des effets de la marque communautaire», est rédigé comme suit:

    «Le droit conféré par la marque communautaire ne permet pas à son titulaire d’interdire à un tiers l’usage, dans la vie des affaires:

    a)

    de son nom ou de son adresse;

    b)

    d’indications relatives à l’espèce, à la qualité, à la quantité, à la destination, à la valeur, à la provenance géographique, à l’époque de la production du produit ou de la prestation du service ou à d’autres caractéristiques de ceux‑ci;

    c)

    de la marque lorsqu’il est nécessaire pour indiquer la destination d’un produit ou d’un service, notamment en tant qu’accessoire ou pièce détachée,

    pour autant que cet usage soit fait conformément aux usages honnêtes en matière industrielle ou commerciale.»

    Le droit italien

    18

    L’article 20 du décret législatif no 30 portant code de la propriété industrielle (decreto legislativo n. 30 - Codice della proprietà industriale), du 10 février 2005 (GURI no 52, du 4 mars 2005), tel que modifié par le décret législatif no 131 du 13 août 2010 (decreto legislativo n. 131, GURI no 192, du 18 août 2010, ci‑après le «CPI»), intitulé «Droits conférés par l’enregistrement», prévoit:

    «1.   Les droits du titulaire de la marque enregistrée consistent en la faculté de faire un usage exclusif de la marque. Le titulaire est habilité à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires:

    a)

    d’un signe identique à la marque pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels celle‑ci est enregistrée;

    b)

    d’un signe identique ou similaire à une marque enregistrée, pour des produits ou des services identiques ou similaires, si en raison de l’identité ou de la similitude entre les signes et de l’identité ou de la similitude entre les produits ou les services, il est possible de déceler un risque de confusion pour le public, pouvant consister notamment en un risque d’association entre les deux signes;

    c)

    d’un signe identique ou similaire à la marque enregistrée pour des produits ou des services même non similaires, lorsque celle‑ci jouit d’une renommée et que l’usage du signe sans juste motif permet de tirer indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque ou leur porte préjudice.

    2.   Dans les cas visés au paragraphe 1, le titulaire de la marque peut notamment interdire à tout tiers d’apposer le signe sur les produits ou sur leur emballage; d’offrir les produits, de les mettre dans le commerce ou de les détenir à ces fins, ou d’offrir ou de fournir des services sous le signe; d’importer ou d’exporter les produits sous le signe; d’utiliser le signe dans les documents d’affaires et la publicité.

    3.   Le commerçant peut apposer sa propre marque sur les marchandises qu’il met en vente, mais ne peut pas supprimer la marque du producteur ou du commerçant dont il a reçu les produits ou marchandises.»

    19

    L’article 21 du CPI, intitulé «Limitations du droit de marque», dispose:

    «1.   Les droits de marque enregistrée ne permettent pas à leur titulaire d’en interdire l’usage à des tiers dans la vie des affaires, dès lors que cet usage est conforme aux principes de la probité professionnelle:

    a)

    de son nom et de son adresse;

    b)

    d’indications relatives à l’espèce, à la qualité, à la quantité, à la destination, à la valeur, à la provenance géographique, à l’époque de la production du produit ou de la prestation du service ou à d’autres caractéristiques du produit, ou

    c)

    de la marque lorsqu’elle est nécessaire pour indiquer la destination d’un produit ou d’un service, notamment en tant qu’accessoires ou que pièces détachées.

    2.   Il n’est pas permis d’utiliser la marque d’une manière contraire à la loi, ni, en particulier, de manière à provoquer un risque de confusion sur le marché avec d’autres signes connus comme étant distinctifs d’entreprises, de produits ou de services d’autrui, ni, en tout état de cause, d’induire le public en erreur, notamment sur la nature, la qualité ou la provenance des produits ou des services, en raison du mode et du contexte dans lequel elle est utilisée, ni de porter atteinte à un droit d’auteur ou de propriété industrielle, ou à un autre droit exclusif de tiers.

    3.   Il est interdit à quiconque de faire usage d’une marque enregistrée après que l’enregistrement a été déclaré nul lorsque la cause de nullité entraîne l’illégalité de l’usage de la marque.»

    20

    L’article 241 dudit CPI, intitulé «Droits exclusifs sur les pièces d’un produit complexe», est libellé comme suit:

    «Jusqu’à ce que la directive [98/71] soit modifiée sur proposition de la Commission conformément à l’article 18 de ladite directive, les droits exclusifs relatifs aux pièces d’un produit complexe ne peuvent être invoqués pour empêcher la fabrication et la vente de ces pièces pour la réparation du produit complexe en vue de lui rendre son apparence initiale».

    Le litige au principal et les questions préjudicielles

    21

    Ford, qui est un producteur de véhicules automobiles ainsi que d’accessoires et de pièces de rechange pour de tels véhicules, identifie ses produits par l’apposition d’un signe de forme ovale, placé en position longitudinale et présentant à l’intérieur l’inscription «Ford» en caractères italiques de fantaisie, avec ou sans couleurs (ci‑après la «marque Ford»). Ce signe a fait l’objet d’enregistrements en tant que marque aussi bien pour des véhicules que pour des pièces de rechange et des accessoires, y compris des enjoliveurs. Ford appose cette marque, notamment, sur les enjoliveurs montés sur les jantes des roues des voitures qu’elle produit.

    22

    Wheeltrims, fournisseur de pièces de rechange pour véhicules automobiles, commercialise des enjoliveurs comportant chacun la reproduction servile des marques de divers constructeurs de véhicules automobiles, dont la marque Ford, sans disposer d’autorisation à cette fin. Cette société produit et commercialise également des enjoliveurs «universels», c’est‑à‑dire non revêtus d’une marque quelconque, à des prix inférieurs à ceux disposant d’une marque de constructeur.

    23

    Ford a, le 15 mai 2013, engagé une action en contrefaçon contre Wheeltrims devant le Tribunale di Torino (tribunal de Turin) en vue, d’une part, d’interdire à Wheeltrims toutes production et commercialisation d’enjoliveurs revêtus de la marque Ford ainsi que toute utilisation non autorisée de cette marque dans l’Union et, d’autre part, de condamner cette société à réparer le préjudice subi par Ford. Selon cette dernière, l’apposition sans autorisation de ladite marque sur les enjoliveurs commercialisés par Wheeltrims constitue une violation des droits exclusifs de Ford, au sens de l’article 20 du CPI et de l’article 9 du règlement no 207/2009. En outre, une telle utilisation ne serait aucunement justifiée par l’une des exceptions visées à l’article 21 du CPI et à l’article 12 du règlement no 207/2009, dans la mesure où l’apposition de la marque Ford sur les enjoliveurs commercialisés par Wheeltrims ne serait pas nécessaire pour indiquer la destination d’une telle pièce de rechange ni pour assurer d’autres fonctions descriptives, au sens de ces dispositions.

    24

    Wheeltrims soutient, au contraire, que son utilisation de la marque Ford est purement descriptive. Cette société se prévaut, à cet égard, de la dérogation dite de la «clause de réparation» figurant à l’article 241 du CPI, qui prévoit le droit de reproduire les composants, protégés par une marque, d’un produit complexe, sans obtenir le consentement préalable du titulaire de cette marque, dès lors que cette reproduction doit permettre de restituer son apparence initiale au produit complexe (ci‑après la «clause de réparation»). L’apposition par Wheeltrims de la marque Ford sur les enjoliveurs qu’elle commercialise aurait pour fonction non pas d’indiquer l’origine de ces pièces, mais d’identifier le fabricant du produit envisagé dans son ensemble, à savoir le véhicule automobile sur lequel sont montés les enjoliveurs. Cette utilisation de la marque Ford servirait à reproduire, sur la pièce de rechange, une propriété esthético‑descriptive de la pièce d’origine concernée, à savoir l’enjoliveur, cette propriété devant être considérée comme indispensable à la restitution de l’apparence initiale du produit complexe que constitue le véhicule automobile dans son ensemble. À défaut, pour les producteurs de pièces de rechange de véhicules automobiles, de pouvoir utiliser des marques à cette fin, il serait fait obstacle à la libre concurrence sur le marché concerné.

    25

    Le Tribunale di Torino (tribunal de Turin) considère que le comportement reproché à Wheeltrims constitue une violation des droits conférés par la marque Ford, qui n’est justifiée par aucun des motifs visés à l’article 21 du CPI ou à l’article 12 du règlement no 207/2009. Cette juridiction se réfère, à cet égard, à l’arrêt Gillette Company et Gillette Group Finland (C‑228/03, EU:C:2005:177) et estime que l’utilisation par Wheeltrims de la marque Ford n’est pas nécessaire pour indiquer au public la destination des enjoliveurs en cause ou bien leur compatibilité avec un produit «Ford», au sens de cet arrêt.

    26

    De l’avis de cette juridiction, un doute sérieux existe, en revanche, quant au champ d’application de la clause de réparation. La Cour ne se serait pas encore prononcée sur le rapport existant entre la protection des droits conférés par une marque et cette clause. Selon cette juridiction, l’article 241 du CPI et l’article 110 du règlement no 6/2002 se prêtent à deux interprétations différentes entre lesquelles la jurisprudence italienne est partagée.

    27

    Selon une première interprétation, le libellé de ces dispositions et la place qu’elles occupent dans les réglementations qui les contiennent suggèreraient que la clause de réparation n’autoriserait un producteur, tel que Wheeltrims, à commercialiser des pièces de rechange identiques à la pièce d’origine que lorsque la production de ces pièces de rechange a pour but de rétablir un produit complexe dans son apparence initiale et qu’elle implique uniquement une dérogation à la protection accordée à un dessin ou à un modèle et non pas à un autre droit protégeant la propriété industrielle, plus particulièrement à une marque enregistrée.

    28

    Selon une seconde interprétation, la clause de réparation aurait un caractère général et son champ d’application devrait être entendu largement, compte tenu de la nécessité de rendre aux produits complexes leur apparence initiale indépendamment de l’existence d’autres droits protégeant la propriété industrielle, notamment ceux résultant de l’enregistrement d’une marque. Cette nécessité viserait à permettre au fabricant de la pièce de rechange d’opérer sur le marché sur un pied d’égalité avec le producteur des pièces d’origine, quelle que soit la nature de la protection revendiquée par ce dernier, en autorisant ce fabricant de pièces de rechange à reproduire la pièce d’origine dans toutes ses caractéristiques, tant fonctionnelles qu’esthétiques.

    29

    Ladite juridiction précise que cette seconde interprétation est adoptée par d’autres juridictions italiennes, notamment par la Corte di Appello di Milano (cour d’appel de Milan).

    30

    Le Tribunale di Torino (tribunal de Turin) signale que cette interprétation a été retenue également par les juges qui ont débouté Ford de son action en référé fondée sur les mêmes faits que ceux dont elle est saisie. Les juges des référés ont considéré, en substance, que la clause de réparation prévue à l’article 241 du CPI était opposable à Ford, dans la mesure où cette clause garantit un droit économique fondamental pour les fabricants de pièces de rechange de produire un substitut parfait d’un composant originaire d’un produit complexe.

    31

    Dans ces conditions, le Tribunale di Torino (tribunal de Turin) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

    «1)

    Est‑il compatible avec le droit de l’Union d’appliquer l’article 14 de la directive 98/71 et l’article 110 du règlement no 6/2002 en ce sens que ces dispositions confèrent aux fabricants de pièces de rechange et d’accessoires le droit d’utiliser des marques enregistrées par des tiers afin de permettre à l’acheteur final de rendre au produit complexe son esthétique initiale et, partant, même si le titulaire du droit de marque appose le signe distinctif en cause sur la pièce de rechange ou sur l’accessoire destiné à être monté sur le produit complexe, de façon à ce qu’il soit apparent extérieurement et concoure ainsi à l’apparence externe du produit complexe?

    2)

    La clause de réparation contenue à l’article 14 de la directive 98/71 et à l’article 110 du règlement no 6/2002 doit‑elle être interprétée en ce sens qu’elle crée un droit subjectif dans le chef des entreprises tierces produisant des pièces de rechange et des accessoires et que ce droit subjectif comporte le droit de ces entreprises tierces d’utiliser, sur les pièces de rechange et les accessoires, la marque enregistrée par un tiers, par dérogation aux dispositions du règlement no 207/2009 et de la directive 89/104 et, partant, même si le titulaire du droit de marque appose également le signe distinctif en cause sur la pièce de rechange ou sur l’accessoire destiné à être monté sur le produit complexe, de façon à ce qu’il soit apparent extérieurement et concoure ainsi à l’apparence externe du produit complexe?»

    Sur les questions préjudicielles

    32

    Conformément à l’article 99 de son règlement de procédure, lorsque la réponse à une question préjudicielle ne laisse place à aucun doute raisonnable, la Cour peut à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, décider de statuer par voie d’ordonnance motivée.

    33

    Il y a lieu de faire application de cette disposition dans le cadre du présent renvoi préjudiciel.

    Sur la recevabilité

    34

    Le gouvernement allemand émet des doutes quant à la recevabilité de la demande de décision préjudicielle. La juridiction de renvoi n’exposerait en effet pas les raisons pour lesquelles il serait nécessaire, pour la solution du litige au principal, de répondre à la question concernant la possibilité de transposer, au domaine des marques, la clause de réparation, qui est propre au domaine des dessins et des modèles. Le problème ainsi soulevé serait donc de nature hypothétique.

    35

    Il convient de rappeler, à cet égard, que, selon une jurisprudence constante de la Cour, les questions relatives à l’interprétation du droit de l’Union posées par le juge national dans le cadre réglementaire et factuel qu’il définit sous sa responsabilité, et dont il n’appartient pas à la Cour de vérifier l’exactitude, bénéficient d’une présomption de pertinence. Le refus de la Cour de statuer sur une demande de décision préjudicielle formée par une juridiction nationale n’est possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (arrêts Fish Legal et Shirley, C‑279/12, EU:C:2013:853, point 30 et jurisprudence citée, ainsi que Idrodinamica Spurgo Velox e.a., C‑161/13, EU:C:2014:307, point 29).

    36

    En l’occurrence, il ressort de la décision de renvoi que les enjoliveurs en cause au principal, produits par Wheeltrims, reproduisent la marque Ford, de sorte que, si l’interprétation décrite au point 27 de la présente ordonnance doit être retenue, ce producteur de pièces non originales doit être condamné pour atteinte à cette marque, tandis que si c’est l’interprétation décrite au point 28 de la présente ordonnance qui doit prévaloir, il n’y aurait pas atteinte à ladite marque.

    37

    Par conséquent, il n’apparaît pas de manière manifeste que le problème soulevé dans le cadre de la demande de décision préjudicielle est de nature hypothétique. Cette demande est, partant, recevable.

    Sur le fond

    38

    Par ses questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 14 de la directive 98/71 et l’article 110 du règlement no 6/2002 doivent être interprétés en ce sens qu’ils autorisent, par dérogation aux dispositions de la directive 2008/95 et du règlement no 207/2009, un fabricant de pièces détachées et d’accessoires pour véhicules automobiles, tels que des enjoliveurs, à apposer sur ses produits un signe identique à une marque enregistrée, entre autres choses pour de tels produits, par un producteur de véhicules automobiles, sans le consentement de ce dernier, au motif que l’usage ainsi fait de cette marque constitue le seul moyen de réparer le véhicule concerné en lui restituant, en tant que produit complexe, son apparence initiale.

    39

    Il convient de relever, en premier lieu, qu’il ressort du libellé de l’article 14 de la directive 98/71 et de l’article 110 du règlement no 6/2002 que ces dispositions n’apportent certaines limitations qu’à la protection au titre des dessins et des modèles, sans se référer aucunement à la protection au titre des marques.

    40

    Il y a lieu de constater, en deuxième lieu, que, aux termes de son article 2, la directive 98/71 ne s’applique qu’aux enregistrements de dessins ou de modèles auprès de certains services nationaux et internationaux ainsi qu’aux demandes d’enregistrement de dessins ou de modèles à cette fin. En outre, il ressort de l’article 1er du règlement no 6/2002, lu à la lumière du considérant 5 de ce règlement, que celui‑ci tend seulement à créer un dessin ou un modèle communautaire directement applicable dans chaque État membre.

    41

    Il importe de relever, en troisième lieu, qu’il résulte, d’une part, du considérant 7 et de l’article 16 de la directive 98/71 et, d’autre part, du considérant 31 et de l’article 96, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, que ces actes du droit de l’Union s’appliquent sans préjudice des dispositions de ce droit ou du droit de l’État membre concerné relatives, notamment, aux marques.

    42

    Il résulte de ces considérations que l’article 14 de la directive 98/71 et l’article 110 du règlement no 6/2002 ne contiennent aucune dérogation aux dispositions de la directive 2008/95 et du règlement no 207/2009.

    43

    Quant à la thèse exposée par la juridiction de renvoi et défendue par Wheeltrims, selon laquelle l’objectif de préserver le système de concurrence non faussée poursuivi par l’Union exige d’étendre l’application de l’article 14 de la directive 98/71 et de l’article 110 du règlement no 6/2002 à la protection au titre des marques, il convient de relever que cet objectif a déjà été pris en compte par le législateur de l’Union dans le cadre de la directive 2008/95 et du règlement no 207/2009. En effet, par une limitation des effets des droits que le titulaire d’une marque tire de l’article 5 de la directive 2008/95 ou, s’agissant d’une marque communautaire, de l’article 9 du règlement no 207/2009, l’article 6 de cette directive et l’article 12 dudit règlement visent à concilier les intérêts fondamentaux de la protection des droits de marque avec ceux de la libre circulation des marchandises et de la libre prestation des services dans le marché intérieur, et ce de manière telle que le droit de marque puisse remplir son rôle d’élément essentiel du système de concurrence non faussée que le traité entend établir et maintenir (voir en ce sens, notamment, arrêts BMW, C‑63/97, EU:C:1999:82, point 62, ainsi que Gillette Company et Gillette Group Finland, C‑228/03, EU:C:2005:177, point 29).

    44

    Par ailleurs, il découle d’une jurisprudence constante de la Cour que les articles 5 à 7 de la directive 2008/95 procèdent à une harmonisation complète des règles relatives aux droits conférés par la marque et définissent ainsi les droits dont jouissent les titulaires de marques dans l’Union. Dès lors, sous réserve des cas particuliers régis par les articles 8 et suivants de cette directive, une juridiction nationale ne saurait, dans le cadre d’un litige portant sur l’exercice du droit exclusif conféré par une marque, limiter ce droit exclusif d’une manière qui dépasse les limitations découlant desdits articles 5 à 7 (arrêt Martin Y Paz Diffusion, C‑661/11, EU:C:2013:577, points 54 et 55 ainsi que jurisprudence citée).

    45

    Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre aux questions posées que l’article 14 de la directive 98/71 et l’article 110 du règlement no 6/2002 doivent être interprétés en ce sens qu’ils n’autorisent pas, par dérogation aux dispositions de la directive 2008/95 et du règlement no 207/2009, un fabricant de pièces détachées et d’accessoires pour véhicules automobiles, tels que des enjoliveurs, à apposer sur ses produits un signe identique à une marque enregistrée, entre autres choses pour de tels produits, par un producteur de véhicules automobiles, sans le consentement de ce dernier, au motif que l’usage qui serait ainsi fait de cette marque constituerait le seul moyen de réparer le véhicule concerné en lui restituant, en tant que produit complexe, son apparence initiale.

    Sur les dépens

    46

    La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle‑ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

     

    Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit:

     

    L’article 14 de la directive 98/71/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 octobre 1998, sur la protection juridique des dessins ou modèles et l’article 110 du règlement (CE) no 6/2002 du Conseil, du 12 décembre 2001, sur les dessins ou modèles communautaires doivent être interprétés en ce sens qu’ils n’autorisent pas, par dérogation aux dispositions de la directive 2008/95/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2008, rapprochant les législations des États membres sur les marques et du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire, un fabricant de pièces détachées et d’accessoires pour véhicules automobiles, tels que des enjoliveurs, à apposer sur ses produits un signe identique à une marque enregistrée, entre autres choses pour de tels produits, par un producteur de véhicules automobiles, sans le consentement de ce dernier, au motif que l’usage qui serait ainsi fait de cette marque constituerait le seul moyen de réparer le véhicule concerné en lui restituant, en tant que produit complexe, son apparence initiale.

     

    Signatures


    ( * )   Langue de procédure: l’italien.

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