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Document 62014CJ0069

Arrêt de la Cour (grande chambre) du 6 octobre 2015.
Dragoș Constantin Târșia contre Statul român et Serviciul public comunitar regim permise de conducere și înmatriculare a autovehiculelor.
Demande de décision préjudicielle, introduite par le Tribunalul Sibiu.
Renvoi préjudiciel – Principes d’équivalence et d’effectivité – Autorité de la chose jugée – Répétition de l’indu – Restitution des taxes perçues par un État membre en violation du droit de l’Union – Décision juridictionnelle définitive imposant le paiement d’une taxe incompatible avec le droit de l’Union – Demande en révision d’une telle décision juridictionnelle – Législation nationale permettant la révision, au regard des arrêts postérieurs de la Cour rendus à titre préjudiciel, des seules décisions juridictionnelles définitives rendues en matière administrative.
Affaire C-69/14.

Recueil – Recueil général

Identifiant ECLI: ECLI:EU:C:2015:662

ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

6 octobre 2015 ( * )

«Renvoi préjudiciel — Principes d’équivalence et d’effectivité — Autorité de la chose jugée — Répétition de l’indu — Restitution des taxes perçues par un État membre en violation du droit de l’Union — Décision juridictionnelle définitive imposant le paiement d’une taxe incompatible avec le droit de l’Union — Demande en révision d’une telle décision juridictionnelle — Législation nationale permettant la révision, au regard des arrêts postérieurs de la Cour rendus à titre préjudiciel, des seules décisions juridictionnelles définitives rendues en matière administrative»

Dans l’affaire C‑69/14,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Tribunalul Sibiu (tribunal de grande instance de Sibiu, Roumanie), par décision du 16 janvier 2014, parvenue à la Cour le 10 février 2014, dans la procédure

Dragoș Constantin Târșia

contre

Statul român,

Serviciul public comunitar regim permise de conducere și înmatriculare a autovehiculelor,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. V. Skouris, président, M. K. Lenaerts, vice-président, MM. M. Ilešič (rapporteur), L. Bay Larsen, T. von Danwitz, A. Ó Caoimh et J.‑C. Bonichot, présidents de chambre, M. A. Arabadjiev, Mmes C. Toader, M. Berger, A. Prechal, MM. E. Jarašiūnas et C. G. Fernlund, juges,

avocat général: M. N. Jääskinen,

greffier: Mme L. Carrasco Marco, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 27 janvier 2015,

considérant les observations présentées:

pour M. Târșia, par lui-même,

pour le gouvernement roumain, par MM. R. Radu et V. Angelescu ainsi que par Mme D. Bulancea, en qualité d’agents,

pour le gouvernement polonais, par M. B. Majczyna ainsi que par Mmes B. Czech et K. Pawłowska, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par MM. R. Lyal et G.‑D. Bălan, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 23 avril 2015,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 110 TFUE, de l’article 6 TUE, des articles 17, 20, 21 et 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ainsi que de principes généraux du droit de l’Union.

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Târşia au Statul român (État roumain), représenté par le ministère des Finances et de l’Économie (Ministerul Finanţelor şi Economiei) et au Serviciul public comunitar regim permise de conducere şi înmatriculare a autovehiculelor (Service public communautaire portant sur le régime des permis de conduire et de l’immatriculation des véhicules automobiles), au sujet d’un recours en révision d’une décision définitive, rendue par une juridiction nationale, imposant à M. Târşia le paiement d’une taxe ultérieurement jugée incompatible avec le droit de l’Union.

Le cadre juridique roumain

3

L’article 21 de la loi no 554/2004, sur le contentieux administratif (Legea contenciosului administrativ nr. 554/2004), du 2 décembre 2004 (Monitorul Oficial al României, partie I, no 1154 du 7 décembre 2004, ci-après la «loi sur le contentieux administratif»), telle qu’en vigueur à la date de l’introduction de la demande en révision, prévoyait:

«1)   Des voies de recours prévues par le code de procédure civile peuvent être exercées contre les décisions définitives et irrévocables prononcées par les instances du contentieux administratif.

2)   Constitue un motif de révision, qui s’ajoute à ceux prévus par le code de procédure civile, le prononcé d’un jugement définitif et irrévocable, en violation du principe de primauté du droit [de l’Union] prévu à l’article 148, paragraphe 2, lu en combinaison avec l’article 20, paragraphe 2, de la Constitution de la Roumanie, telle que republiée. La demande de révision est introduite dans les 15 jours qui suivent la date de la communication, laquelle est faite, par dérogation à la règle consacrée à l’article 17, paragraphe 3, sur demande dûment motivée de la partie intéressée, dans les 15 jours qui suivent la date du prononcé de la décision. Il est statué en urgence et prioritairement sur la demande de révision et dans un délai maximal de 60 jours à compter de son enregistrement.»

Le litige au principal et la question préjudicielle

4

M. Târşia, un ressortissant roumain, a acheté en France, le 3 mai 2007, un véhicule automobile d’occasion. Afin de procéder à l’immatriculation de ce véhicule en Roumanie, le 5 juin 2007, il a dû s’acquitter d’un montant de 6899,51 lei roumains (RON) (environ 1560 euros) au titre de la taxe spéciale sur les véhicules de tourisme, exigible en vertu des articles 214 bis et 214 ter du code fiscal, dans leur version en vigueur à la date de l’immatriculation dudit véhicule.

5

Considérant que cette taxe est incompatible avec l’article 110 TFUE, M. Târşia a entamé, devant la Judecătoria Sibiu (tribunal de première instance de Sibiu), une procédure de nature civile afin d’obtenir la restitution du montant de ladite taxe. Cette juridiction a, en condamnant l’État roumain par jugement du 13 décembre 2007, fait droit à cette demande, au motif que la même taxe est contraire à l’article 110 TFUE.

6

L’État roumain, représenté par le ministère des Finances et de l’Économie, s’est pourvu en cassation contre ce jugement. Par la décision no 401/2008, la section civile du Tribunalul Sibiu (tribunal de grande instance de Sibiu) a limité la restitution de la taxe spéciale sur les véhicules de tourisme acquittée par M. Târşia à un montant égal à la différence entre cette taxe et celle, postérieure, sur la pollution exigible en vertu de l’ordonnance d’urgence du gouvernement no 50/2008, établissant la taxe sur la pollution des véhicules automobiles (Ordonanţă de urgenţă a Guvernului nr. 50/2008 pentru instituirea taxei pe poluare pentru autovehicule) du 21 avril 2008 (Monitorul Oficial al României, partie I, no 327 du 25 avril 2008).

7

Cette dernière décision a fait l’objet d’un recours en révision introduit par M. Târşia le 29 septembre 2011 devant le Tribunalul Sibiu (tribunal de grande instance de Sibiu). M. Târşia a demandé, sur le fondement de l’article 21, paragraphe 2, de la loi sur le contentieux administratif, d’une part, l’annulation de la décision no 401/2008 de cette juridiction et, d’autre part, qu’il soit de nouveau statué, au motif que la Cour aurait dit pour droit, dans son arrêt Tatu (C‑402/09, EU:C:2011:219), que l’article 110 TFUE s’oppose à une taxe telle que celle sur la pollution résultant de ladite ordonnance d’urgence du gouvernement no 50/2008. M. Târşia considère, par conséquent, qu’il a été fait droit au pourvoi de l’État roumain en violation du principe de primauté du droit de l’Union et que la taxe spéciale sur les véhicules de tourisme acquittée devrait lui être restituée dans son entièreté.

8

La juridiction de renvoi relève à cet égard que les règles procédurales applicables au contentieux civil ne prévoient pas la possibilité d’introduire un recours en révision d’une décision juridictionnelle définitive en raison d’une violation du droit de l’Union, alors qu’un tel recours peut être introduit selon les règles procédurales régissant le contentieux administratif.

9

Dans ces conditions, le Tribunalul Sibiu (tribunal de grande instance de Sibiu) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«Les articles 17, 20, 21 et 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, l’article 6 TUE, l’article 110 TFUE, et le principe de sécurité juridique résultant du droit [de l’Union] et de la jurisprudence de la [Cour] doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation telle que l’article 21, paragraphe 2, de la [loi sur le contentieux administratif] qui prévoit que seules les décisions des juridictions internes prononcées en matière de contentieux administratif peuvent faire l’objet d’une révision en cas de violation du principe de primauté du droit [de l’Union] et ne permet pas de réviser les décisions des juridictions internes prononcées dans les domaines autres que celui du contentieux administratif (civil, pénal) lorsque ce même principe de primauté du droit [de l’Union] est violé par l’une de ces décisions?»

Sur la question préjudicielle

Sur la recevabilité de la demande de décision préjudicielle

10

Le gouvernement roumain estime que la présente demande de décision préjudicielle n’est pas recevable. À cet égard, ce gouvernement soutient, en premier lieu, que le rapport juridique entre M. Târşia et l’État roumain relève du droit fiscal. Par conséquent, le droit procédural applicable à la demande de M. Târşia serait le droit procédural fiscal, lequel relève du droit du contentieux administratif. Dans ces conditions, bien que ce soit la formation de la juridiction de renvoi, compétente en matière civile, ayant rendu la décision no 401/2008 qui a été saisie du recours en révision de cette décision, cette juridiction serait tenue d’appliquer le droit procédural du contentieux administratif, y compris les dispositions concernant le motif d’ouverture du recours en révision prévu à l’article 21, paragraphe 2, de la loi sur le contentieux administratif.

11

En second lieu, le gouvernement roumain soutient que M. Târşia aurait pu exercer un recours extraordinaire en annulation de ladite décision. Cette voie de droit aurait permis le renvoi de l’affaire considérée à la formation en charge du contentieux administratif, qui aurait pu appliquer l’article 21, paragraphe 2, de la loi sur le contentieux administratif. L’ordre juridique roumain garantissant une voie de recours effective permettant de garantir la compatibilité avec le droit de l’Union de la situation de M. Târşia, la réponse à la question ne serait pas utile pour la résolution du litige pendant devant la juridiction de renvoi.

12

À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, les questions relatives à l’interprétation du droit de l’Union posées par le juge national dans le cadre réglementaire et factuel qu’il définit sous sa responsabilité, et dont il n’appartient pas à la Cour de vérifier l’exactitude, bénéficient d’une présomption de pertinence (arrêts Fish Legal et Shirley, C‑279/12, EU:C:2013:853, point 30, ainsi que Verder LabTec, C‑657/13, EU:C:2015:331, point 29).

13

En particulier, il n’appartient pas à la Cour, dans le cadre du système de coopération judiciaire établi par l’article 267 TFUE, de vérifier ou de remettre en cause l’exactitude de l’interprétation du droit national faite par le juge national, cette interprétation relevant de la compétence exclusive de ce dernier. Aussi, la Cour doit-elle, lorsqu’elle est saisie à titre préjudiciel par une juridiction nationale, s’en tenir à l’interprétation du droit national qui lui a été exposée par ladite juridiction (voir, en ce sens, arrêts Winner Wetten, C‑409/06, EU:C:2010:503, point 35; Padawan, C‑467/08, EU:C:2010:620, point 22, et Logstor ROR Polska, C‑212/10, EU:C:2011:404, point 30).

14

Par ailleurs, le refus de la Cour de statuer sur une demande formée par une juridiction nationale n’est possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (arrêts Nicula, C‑331/13, EU:C:2014:2285, point 23, et Verder LabTec, C‑657/13, EU:C:2015:331, point 29).

15

En l’occurrence, retenir l’argumentation du gouvernement roumain selon laquelle la juridiction de renvoi serait obligée d’appliquer les règles procédurales du contentieux administratif alors qu’elle est saisie d’une demande de révision d’une décision juridictionnelle rendue dans le cadre d’un recours de nature civile reviendrait à procéder à une interprétation du droit national, laquelle relève toutefois de la compétence de la seule juridiction de renvoi.

16

Or, selon cette juridiction, l’article 21, paragraphe 2, de la loi sur le contentieux administratif, prévoyant la possibilité de réviser des décisions juridictionnelles définitives rendues dans le cadre d’un recours administratif, n’est pas applicable dans l’affaire au principal, cette dernière étant de nature civile.

17

Par ailleurs, il ressort de la jurisprudence de la Cour que la qualification, aux fins de la détermination des modalités applicables de remboursement d’une imposition nationale perçue en violation du droit de l’Union, des rapports juridiques établis entre l’administration fiscale d’un État membre et des assujettis lors de la perception d’une telle imposition relève du droit national (voir, en ce sens, arrêt IN. CO. GE.’90 e.a., C‑10/97 à C‑22/97, EU:C:1998:498, point 26).

18

La première fin de non-recevoir soulevée par le gouvernement roumain doit, dès lors, être écartée.

19

S’agissant de la fin de non-recevoir tirée de l’existence, dans l’ordre juridique national, de voies de recours effectives qui, en tout état de cause, permettraient à M. Târşia d’obtenir gain de cause, il suffit de rappeler qu’il appartient à la seule juridiction nationale, laquelle, dans l’affaire au principal, s’interroge sur la possibilité pour elle de réviser une décision juridictionnelle définitive rendue dans le cadre d’un recours de nature civile, d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour rendre son jugement que la pertinence des questions qu’elle pose à la Cour. En effet, dès lors que les questions posées portent sur l’interprétation du droit de l’Union, la Cour est, en principe, tenue de statuer (voir, en ce sens, arrêts Transportes Urbanos y Servicios Generales, C‑118/08, EU:C:2010:39, point 25, et Nicula, C‑331/13, EU:C:2014:2285, point 21).

20

Aucun élément du dossier mis à la disposition de la Cour ne permettant de conclure que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union ne serait pas utile pour la juridiction de renvoi, la seconde fin de non‑recevoir du gouvernement roumain ne saurait être accueillie.

21

Cela étant, conformément à la jurisprudence rappelée au point 14 du présent arrêt, l’interprétation sollicitée du droit de l’Union doit être en rapport avec l’objet du litige au principal. Or, par sa question, la juridiction de renvoi interroge la Cour sur l’interprétation du droit de l’Union eu égard à la réglementation nationale ne permettant pas la révision de décisions juridictionnelles définitives rendues tant en matière civile qu’en matière pénale, incompatibles avec le droit de l’Union. Dans la mesure où il ressort sans ambiguïté du dossier que l’affaire au principal ne revêt pas un caractère pénal, force est de constater, ainsi que le soutiennent les gouvernements roumain et polonais, qu’il est manifeste qu’une réponse de la Cour à cet égard n’aurait aucun rapport avec l’objet de l’affaire au principal.

22

Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de constater que la demande de décision préjudicielle est recevable, sauf en ce qu’elle porte sur l’impossibilité de réviser les décisions définitives rendues par des juridictions en matière pénale, incompatibles avec le droit de l’Union.

Sur le fond

23

Il convient de rappeler, à titre liminaire, qu’il ressort du dossier que M. Târşia s’est vu, par une décision juridictionnelle rendue dans le cadre d’un recours de nature civile, imposer le paiement de la taxe sur la pollution des véhicules automobiles que la Cour a, en substance, déclarée incompatible avec l’article 110 TFUE dans l’arrêt Tatu (C‑402/09, EU:C:2011:219), rendu postérieurement à la date à laquelle cette décision juridictionnelle est devenue définitive.

24

Or, il est de jurisprudence constante que le droit d’obtenir le remboursement de taxes perçues par un État membre en violation des règles du droit de l’Union est la conséquence et le complément des droits conférés aux justiciables par les dispositions du droit de l’Union prohibant de telles taxes, telles qu’elles ont été interprétées par la Cour. Les États membres sont donc tenus, en principe, de rembourser les impositions perçues en violation du droit de l’Union (arrêts Littlewoods Retail e.a., C‑591/10, EU:C:2012:478, point 24; Irimie, C‑565/11, EU:C:2013:250, point 20, ainsi que Nicula, C‑331/13, EU:C:2014:2285, point 27).

25

En outre, lorsqu’un État membre a prélevé des taxes en violation des règles du droit de l’Union, les justiciables ont droit au remboursement non seulement de l’impôt indûment perçu, mais également des montants payés à cet État ou retenus par celui-ci en rapport direct avec cet impôt. Il s’ensuit que le principe de l’obligation faite aux États membres de restituer avec des intérêts les montants des taxes prélevées en violation du droit de l’Union découle de ce dernier droit (voir, en ce sens, arrêts Littlewoods Retail e.a., C‑591/10, EU:C:2012:478, points 25 et 26, ainsi que Irimie, C‑565/11, EU:C:2013:250, points 21 et 22).

26

En l’absence de réglementation de l’Union en matière de restitution d’impôts nationaux indûment perçus, il appartient à chaque État membre, en vertu du principe de l’autonomie procédurale, de désigner les juridictions compétentes et de régler les modalités procédurales des recours en justice destinés à assurer la sauvegarde des droits que les contribuables tirent du droit de l’Union (voir en ce sens, arrêts Rewe-Zentralfinanz et Rewe-Zentral, 33/76, EU:C:1976:188, point 5; Aprile, C‑228/96, EU:C:1998:544, point 18, ainsi que Test Claimants in the Franked Investment Income Group Litigation, C‑362/12, EU:C:2013:834, point 31).

27

Les modalités procédurales des recours destinés à assurer la sauvegarde des droits que les contribuables tirent du droit de l’Union ne doivent toutefois pas être moins favorables que celles concernant des recours similaires de droit interne (principe d’équivalence) ni aménagées de manière à rendre impossible en pratique ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique de l’Union (principe d’effectivité) (voir en ce sens, notamment, arrêts Rewe-Zentralfinanz et Rewe-Zentral, 33/76, EU:C:1976:188, point 5; Transportes Urbanos y Servicios Generales, C‑118/08, EU:C:2010:39, point 31, ainsi que Test Claimants in the Franked Investment Income Group Litigation, C‑362/12, EU:C:2013:834, point 32).

28

Dans la mesure où la restitution d’une taxe déclarée incompatible avec le droit de l’Union se trouve, en l’occurrence, entravée par l’existence d’une décision juridictionnelle définitive imposant le paiement de cette taxe, il convient de rappeler l’importance que revêt, tant dans l’ordre juridique de l’Union que dans les ordres juridiques nationaux, le principe de l’autorité de la chose jugée. En effet, en vue de garantir aussi bien la stabilité du droit et des relations juridiques qu’une bonne administration de la justice, il importe que des décisions juridictionnelles devenues définitives après épuisement des voies de recours disponibles ou après expiration des délais prévus pour ces recours ne puissent plus être remises en cause (arrêt Impresa Pizzarotti, C‑213/13, EU:C:2014:2067, point 58 et jurisprudence citée).

29

Partant, le droit de l’Union n’impose pas au juge national d’écarter l’application des règles de procédure internes conférant l’autorité de la chose jugée à une décision juridictionnelle, même si cela permettrait de remédier à une situation nationale incompatible avec ce droit (arrêt Impresa Pizzarotti, C‑213/13, EU:C:2014:2067, point 59 et jurisprudence citée).

30

Cela étant, si les règles de procédure internes applicables comportent la possibilité, sous certaines conditions, pour le juge national de revenir sur une décision revêtue de l’autorité de la chose jugée pour rendre la situation compatible avec le droit national, cette possibilité doit, conformément aux principes d’équivalence et d’effectivité, prévaloir, si ces conditions sont réunies, afin que soit restaurée la conformité de la situation en cause avec le droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêt Impresa Pizzarotti, C‑213/13, EU:C:2014:2067, point 62).

31

Eu égard aux considérations liminaires qui précèdent, il convient de considérer que la juridiction de renvoi demande, en substance, si le droit de l’Union, notamment les principes d’équivalence et d’effectivité, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce qu’un juge national n’ait pas la possibilité de réviser une décision juridictionnelle définitive rendue dans le cadre d’un recours de nature civile, lorsque cette décision s’avère incompatible avec une interprétation du droit de l’Union retenue par la Cour postérieurement à la date à laquelle ladite décision est devenue définitive, alors qu’une telle possibilité existe en ce qui concerne les décisions juridictionnelles définitives incompatibles avec le droit de l’Union rendues dans le cadre des recours de nature administrative.

Sur le principe d’équivalence

32

Il ressort de la jurisprudence rappelée au point 27 du présent arrêt que le principe d’équivalence interdit à un État membre de prévoir des modalités procédurales moins favorables pour les demandes de remboursement d’une taxe fondées sur une violation du droit de l’Union que celles applicables aux recours similaires fondés sur une violation du droit interne (voir, également, arrêt Weber’s Wine World e.a., C‑147/01, EU:C:2003:533, point 104).

33

Or, par sa question, la juridiction de renvoi demande à la Cour de comparer, aux fins de l’application dudit principe, d’une part, les recours juridictionnels de nature administrative fondés sur la méconnaissance du droit de l’Union et, d’autre part, les recours juridictionnels de nature civile fondés sur la méconnaissance de ce droit.

34

À cet égard, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 49 de ses conclusions, le même principe implique un traitement égal des recours fondés sur une violation du droit national et de ceux, similaires, fondés sur une violation du droit de l’Union, et non pas l’équivalence des règles procédurales nationales applicables à des contentieux de nature différente tels que, comme dans l’affaire au principal, le contentieux civil, d’un côté, et le contentieux administratif, de l’autre. En outre, le principe d’équivalence n’est pas pertinent dans une situation qui, comme dans l’affaire au principal, concerne deux types de recours fondés, l’un comme l’autre, sur une violation du droit de l’Union (arrêt ÖBB Personenverkehr, C‑417/13, EU:C:2015:38, point 74).

35

Il s’ensuit que le principe d’équivalence ne s’oppose pas à ce qu’un juge national n’ait pas la possibilité de réviser une décision juridictionnelle définitive rendue dans le cadre d’un recours de nature civile, lorsque cette décision s’avère incompatible avec une interprétation du droit de l’Union retenue par la Cour postérieurement à la date à laquelle ladite décision est devenue définitive, alors même qu’une telle possibilité existe en ce qui concerne les décisions juridictionnelles définitives incompatibles avec le droit de l’Union rendues dans le cadre des recours de nature administrative.

Sur le principe d’effectivité

36

S’agissant du principe d’effectivité, il convient de rappeler que chaque cas où se pose la question de savoir si une disposition procédurale nationale rend impossible en pratique ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés aux particuliers par l’ordre juridique de l’Union doit être analysé en tenant compte de la place des règles concernées dans l’ensemble de la procédure, du déroulement de cette procédure et des particularités de ces règles, devant les diverses instances nationales (voir, en ce sens, arrêt Asturcom Telecomunicaciones, C‑40/08, EU:C:2009:615, point 39 et jurisprudence citée).

37

Dans cette perspective, il y a lieu de tenir compte, le cas échéant, des principes qui sont à la base du système juridictionnel national concerné, tels que la protection des droits de la défense, le principe de sécurité juridique et le bon déroulement de la procédure (voir, notamment, arrêts Fallimento Olimpiclub, C‑2/08, EU:C:2009:506, point 27, ainsi que Agrokonsulting-04, C‑93/12, EU:C:2013:432, point 48 et jurisprudence citée).

38

Or, ainsi que cela ressort du point 28 du présent arrêt, la Cour a, à maintes reprises, rappelé l’importance que revêt le principe de l’autorité de la chose jugée (voir également, en ce sens, arrêt Köbler, C‑224/01, EU:C:2003:513, point 38). Ainsi, il a été jugé que le droit de l’Union n’exige pas que, pour tenir compte de l’interprétation d’une disposition pertinente de ce droit adoptée par la Cour postérieurement à la décision d’un organe juridictionnel revêtue de l’autorité de la chose jugée, celui-ci doive, par principe, revenir sur cette décision (arrêt Impresa Pizzarotti, C‑213/13, EU:C:2014:2067, point 60).

39

En l’occurrence, aucune circonstance particulière de l’affaire au principal, ressortant du dossier dont dispose la Cour, ne justifie une approche différente de celle retenue par la Cour dans la jurisprudence rappelée aux points 28 et 29 du présent arrêt, selon laquelle le droit de l’Union n’impose pas au juge national d’écarter l’application des règles de procédure internes conférant l’autorité de la chose jugée à une décision juridictionnelle, même si cela permettrait de remédier à une situation nationale incompatible avec ce droit.

40

Cela étant, dans la mesure où la décision juridictionnelle définitive imposant à M. Târșia le paiement d’une taxe, qui, en substance, a été ultérieurement déclarée incompatible avec le droit de l’Union, a été prise par une juridiction nationale statuant en dernier ressort, il convient de rappeler qu’il est de jurisprudence constante que, en raison, notamment, de la circonstance qu’une violation des droits tirés du droit de l’Union par une telle décision ne peut normalement plus faire l’objet d’un redressement, les particuliers ne sauraient être privés de la possibilité d’engager la responsabilité de l’État afin d’obtenir par ce moyen une protection juridique de leurs droits (voir, en ce sens, arrêts Köbler, C‑224/01, EU:C:2003:513, point 34, et Traghetti del Mediterraneo, C‑173/03, EU:C:2006:391, point 31).

41

Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’il y a lieu de répondre à la question que le droit de l’Union, notamment les principes d’équivalence et d’effectivité, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas, dans des circonstances telles que celles de l’affaire au principal, à ce qu’un juge national n’ait pas la possibilité de réviser une décision juridictionnelle définitive rendue dans le cadre d’un recours de nature civile, lorsque cette décision s’avère incompatible avec une interprétation du droit de l’Union retenue par la Cour postérieurement à la date à laquelle ladite décision est devenue définitive, alors même qu’une telle possibilité existe en ce qui concerne les décisions juridictionnelles définitives incompatibles avec le droit de l’Union rendues dans le cadre des recours de nature administrative.

Sur les dépens

42

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (grande chambre) dit pour droit:

 

Le droit de l’Union, notamment les principes d’équivalence et d’effectivité, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas, dans des circonstances telles que celles de l’affaire au principal, à ce qu’un juge national n’ait pas la possibilité de réviser une décision juridictionnelle définitive rendue dans le cadre d’un recours de nature civile, lorsque cette décision s’avère incompatible avec une interprétation du droit de l’Union retenue par la Cour de justice de l’Union européenne postérieurement à la date à laquelle ladite décision est devenue définitive, alors même qu’une telle possibilité existe en ce qui concerne les décisions juridictionnelles définitives incompatibles avec le droit de l’Union rendues dans le cadre des recours de nature administrative.

 

Signatures


( * )   Langue de procédure: le roumain.

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