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Document 62013CJ0182
Judgment of the Court (Fifth Chamber) of 13 May 2015.#Valerie Lyttle and Others v Bluebird UK Bidco 2 Limited.#Request for a preliminary ruling from the Industrial Tribunals (Northern Ireland).#Reference for a preliminary ruling — Social policy — Collective redundancies — Directive 98/59/EC — Article 1(1)(a) — Meaning of ‘establishment’ — Method of calculating the number of workers made redundant.#Case C-182/13.
Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 13 mai 2015.
Valerie Lyttle e.a. contre Bluebird UK Bidco 2 Limited.
Demande de décision préjudicielle, introduite par l'Industrial Tribunals, (Northern Ireland).
Renvoi préjudiciel – Politique sociale – Licenciements collectifs – Directive 98/59/CE – Article 1er, paragraphe 1, premier alinéa, sous a) – Notion d’‘établissement’ – Modalités de calcul du nombre de travailleurs licenciés.
Affaire C-182/13.
Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 13 mai 2015.
Valerie Lyttle e.a. contre Bluebird UK Bidco 2 Limited.
Demande de décision préjudicielle, introduite par l'Industrial Tribunals, (Northern Ireland).
Renvoi préjudiciel – Politique sociale – Licenciements collectifs – Directive 98/59/CE – Article 1er, paragraphe 1, premier alinéa, sous a) – Notion d’‘établissement’ – Modalités de calcul du nombre de travailleurs licenciés.
Affaire C-182/13.
Recueil – Recueil général
Identifiant ECLI: ECLI:EU:C:2015:317
ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)
13 mai 2015 ( *1 )
«Renvoi préjudiciel — Politique sociale — Licenciements collectifs — Directive 98/59/CE — Article 1er, paragraphe 1, premier alinéa, sous a) — Notion d’‘établissement’ — Modalités de calcul du nombre de travailleurs licenciés»
Dans l’affaire C‑182/13,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’Industrial Tribunal (Northern Ireland), Belfast (Royaume‑Uni), par décision du 26 mars 2013, parvenue à la Cour le 12 avril 2013, dans la procédure
Valerie Lyttle,
Sarah Louise Halliday,
Clara Lyttle,
Tanya McGerty
contre
Bluebird UK Bidco 2 Limited,
LA COUR (cinquième chambre),
composée de M. T. von Danwitz, président de chambre, MM. C. Vajda, A. Rosas, E. Juhász (rapporteur) et D. Šváby, juges,
avocat général: M. N. Wahl,
greffier: M. I. Illéssy, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 20 novembre 2014,
considérant les observations présentées:
— |
pour Bluebird UK Bidco 2 Limited, par M. D. Reade, QC, |
— |
pour le gouvernement du Royaume-Uni, par M. L. Christie, en qualité d’agent, assisté de M. T. Ward, QC, et de M. J. Holmes, barrister, |
— |
pour le gouvernement hongrois, par M. M. Fehér et Mme K. Szíjjártó, en qualité d’agents, |
— |
pour la Commission européenne, par MM. J. Enegren et R. Vidal Puig ainsi que par Mme J. Samnadda, en qualité d’agents, |
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 5 février 2015,
rend le présent
Arrêt
1 |
La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 1er, paragraphe 1, premier alinéa, sous a), ii), de la directive 98/59/CE du Conseil, du 20 juillet 1998, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux licenciements collectifs (JO L 225, p. 16). |
2 |
Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Mmes V. Lyttle, S. L. Halliday, C. Lyttle et T. McGerty à leur ancien employeur, Bluebird UK Bidco 2 Limited (ci-après «Bluebird»), au sujet de la légalité de leur licenciement. |
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
3 |
Il ressort du considérant 1 de la directive 98/59 que celle-ci a codifié la directive 75/129/CEE du Conseil, du 17 février 1975, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux licenciements collectifs (JO L 48, p. 29). |
4 |
Aux termes du considérant 2 de la directive 98/59, il importe de renforcer la protection des travailleurs en cas de licenciements collectifs en tenant compte de la nécessité d’un développement économique et social équilibré au sein de l’Union européenne. |
5 |
Les considérants 3 et 4 de cette directive énoncent:
|
6 |
Le considérant 7 de ladite directive souligne la nécessité de promouvoir le rapprochement des législations des États membres relatives aux licenciements collectifs. |
7 |
L’article 1er de la même directive, intitulé «Définitions et champ d’application», dispose: «1. Aux fins de l’application de la présente directive:
[...] Pour le calcul du nombre de licenciements prévus au premier alinéa, point a), sont assimilées aux licenciements les cessations du contrat de travail intervenues à l’initiative de l’employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne des travailleurs, à condition que les licenciements soient au moins au nombre de cinq. 2. La présente directive ne s’applique pas:
[...]» |
8 |
En vertu de l’article 2 de la directive 98/59: «1. Lorsqu’un employeur envisage d’effectuer des licenciements collectifs, il est tenu de procéder, en temps utile, à des consultations avec les représentants des travailleurs en vue d’aboutir à un accord. 2. Les consultations portent au moins sur les possibilités d’éviter ou de réduire les licenciements collectifs ainsi que sur les possibilités d’en atténuer les conséquences par le recours à des mesures sociales d’accompagnement visant notamment l’aide au reclassement ou à la reconversion des travailleurs licenciés. [...] 3. Afin de permettre aux représentants des travailleurs de formuler des propositions constructives, l’employeur est tenu, en temps utile au cours des consultations:
L’employeur est tenu de transmettre à l’autorité publique compétente au moins une copie des éléments de la communication écrite prévus au premier alinéa, points b) i) à v). [...]» |
9 |
L’article 3, paragraphe 1, de cette directive prévoit: «L’employeur est tenu de notifier par écrit tout projet de licenciement collectif à l’autorité publique compétente. [...] La notification doit contenir tous renseignements utiles concernant le projet de licenciement collectif et les consultations des représentants des travailleurs prévues à l’article 2, notamment les motifs de licenciement, le nombre des travailleurs à licencier, le nombre des travailleurs habituellement employés et la période au cours de laquelle il est envisagé d’effectuer les licenciements.» |
10 |
L’article 4, paragraphes 1 et 2, de ladite directive est libellé comme suit: «1. Les licenciements collectifs dont le projet a été notifié à l’autorité publique compétente prennent effet au plus tôt trente jours après la notification prévue à l’article 3, paragraphe 1, sans préjudice des dispositions régissant les droits individuels en matière de délai de préavis. Les États membres peuvent accorder à l’autorité publique compétente la faculté de réduire le délai visé au premier alinéa. 2. L’autorité publique compétente met à profit le délai visé au paragraphe 1 pour chercher des solutions aux problèmes posés par les licenciements collectifs envisagés.» |
11 |
L’article 5 de la même directive dispose: «La présente directive ne porte pas atteinte à la faculté des États membres d’appliquer ou d’introduire des dispositions législatives, réglementaires ou administratives plus favorables aux travailleurs ou de permettre ou de favoriser l’application de dispositions conventionnelles plus favorables aux travailleurs.» |
Le droit du Royaume-Uni
12 |
La directive 98/59 a été transposée dans l’ordre juridique de l’Irlande du Nord par la section XIII de l’ordonnance de 1996 relative aux droits des travailleurs [Employment Rights (Northern Ireland) Order 1996] et par la section IV, chapitre II, de la loi consolidée de 1992 relative aux syndicats et aux relations de travail [Trade Union and Labour Relations (Consolidation) Act 1992] en ce qui concerne l’Angleterre, le Pays de Galles et l’Écosse). |
13 |
L’article 216 de l’ordonnance de 1996 relative aux droits des travailleurs dispose que, «lorsqu’un employeur envisage de supprimer 20 emplois, ou davantage, dans un établissement, au cours d’une période de 90 jours ou moins, l’employeur consulte, au sujet des licenciements, l’ensemble des personnes qui sont les représentants appropriés des employés qui peuvent être affectés par les licenciements envisagés ou qui peuvent être affectés par des mesures adoptées en rapport avec ces licenciements». |
Le litige au principal et les questions préjudicielles
14 |
Au début de l’année 2012, l’entreprise Bonmarché exploitait 394 magasins de vêtements féminins dans l’ensemble du Royaume-Uni et y employait 4000 personnes. Du point de vue administratif, la société Bonmarché considérait ses magasins d’Irlande du Nord et son unique magasin de l’Île de Man comme constituant une seule région (ci-après la «région d’Irlande du Nord») pour les besoins de ses affaires au Royaume-Uni. Au début de l’année 2012, la région d’Irlande du Nord comptait 20 magasins employant 180 personnes. |
15 |
Les requérantes au principal étaient employées par la société Bonmarché dans quatre magasins différents. Ces magasins se trouvaient dans des villes différentes, à savoir Lurgan, Banbridge, Omagh et Belfast, et employaient moins de 20 personnes chacun. |
16 |
Chaque magasin était traité comme un «centre de coût individuel», dont les budgets étaient déterminés au siège central, situé en Grande‑Bretagne. C’est également le siège central qui déterminait les stocks et les priorités en termes de promotion de vente de chaque magasin et qui fournissait les articles offerts à la vente ou organisait leur fourniture. Néanmoins, chaque directeur de succursale pouvait influencer les volumes et les types de marchandises fournis. Les directeurs de magasin étaient responsables de la réalisation des objectifs dans leurs magasins respectifs. Dans les limites de l’enveloppe budgétaire allouée aux heures de travail, déterminée de manière centrale, le directeur de succursale disposait d’un pouvoir discrétionnaire quant au nombre de personnes qui seraient engagées à temps plein et à temps partiel. |
17 |
La société Bonmarché s’étant retrouvée en état d’insolvabilité, elle a été transférée, le 20 janvier 2012, à Bluebird. Immédiatement après ce transfert, cette dernière a initié un processus de restructuration impliquant la fermeture de nombreux magasins, y compris ceux dans lesquels travaillaient les requérantes au principal. |
18 |
À la suite des licenciements effectués au cours de l’année 2012 par Bluebird, la société Bonmarché ne disposait plus que de 265 magasins sur le territoire du Royaume-Uni, employant 2900 personnes. Le nombre de magasins situés dans la région d’Irlande du Nord est passé de 20 à 8 et le nombre de personnes y étant employées a été réduit de 180 à 75 salariés. |
19 |
Les requérantes au principal ont été licenciées, parmi d’autres salariés, le 12 mars 2012. Le processus de licenciement n’a été précédé d’aucune procédure de consultation, au sens de la directive 98/59. |
20 |
Il ressort de la décision de renvoi que Mmes V. Lyttle, S. L. Halliday, C. Lyttle et T. McGerty étaient respectivement affectées dans les unités locales suivantes pour exercer leurs tâches: les magasins de Lurgan, de Banbridge et d’Omagh ainsi que celui d’Ann Street à Belfast. |
21 |
Les requérantes au principal ont introduit un recours pour contester la validité de leur licenciement devant la juridiction de renvoi. |
22 |
Cette juridiction considère qu’il est possible d’interpréter l’article 1er, paragraphe 1, premier alinéa, sous a), ii), de la directive 98/59 en ce sens que le nombre de 20 qui y est visé fait référence au nombre d’employés au sein d’un établissement en particulier, mais qu’il est également possible de considérer que ce même nombre se réfère aux personnes licenciées dans l’ensemble de l’entreprise de l’employeur. Elle indique qu’une interprétation téléologique est appropriée en l’occurrence et qu’il ressort de l’arrêt Rockfon (C‑449/93, EU:C:1995:420) qu’il y avait lieu de conférer à la directive 75/129, à laquelle a succédé la directive 98/59, une interprétation permettant de couvrir le plus grand nombre possible de licenciements à caractère économique. |
23 |
C’est dans ces conditions que l’Industrial Tribunal (Northern Ireland), Belfast, [tribunal du travail (Irlande du Nord), Belfast] a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:
|
Sur les questions préjudicielles
24 |
Par ces questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, d’une part, si la notion d’«établissement» figurant à l’article 1er, paragraphe 1, premier alinéa, sous a), ii), de la directive 98/59 doit être interprétée de la même manière que la notion d’«établissement» sous a), i), de ce même alinéa et, d’autre part, si l’article 1er, paragraphe 1, premier alinéa, sous a), ii), de la directive 98/59 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale qui prévoit une obligation d’information et de consultation des travailleurs en cas de licenciement, au cours d’une période de 90 jours, d’au moins 20 travailleurs d’un établissement particulier d’une entreprise, et non pas lorsque le nombre cumulé de licenciements dans tous les établissements ou dans certains établissements d’une entreprise pendant la même période atteint ou dépasse le seuil de 20 travailleurs. |
25 |
Ainsi qu’il ressort tant de la décision de renvoi que des observations soumises à la Cour, lors de la transposition de la directive 98/59, le Royaume-Uni a opté pour le seuil d’application de celle-ci figurant à l’article 1er, paragraphe 1, premier alinéa, sous a), ii), de cette directive. En vertu du droit national applicable, lorsqu’un employeur envisage de supprimer au moins 20 emplois dans un établissement, au cours d’une période de 90 jours, il est tenu de respecter une procédure d’information et de consultation des travailleurs à ce sujet. |
26 |
D’emblée, il convient de constater, à cet égard, que, conformément à la jurisprudence de la Cour, la notion d’«établissement», qui n’est pas définie dans la directive 98/59, constitue une notion du droit de l’Union et ne peut se définir par référence aux législations des États membres (voir, en ce sens, arrêt Rockfon, C‑449/93, EU:C:1995:420, point 25). Elle doit, à ce titre, recevoir une interprétation autonome et uniforme dans l’ordre juridique de l’Union (voir, en ce sens, arrêt Athinaïki Chartopoiïa, C‑270/05, EU:C:2007:101, point 23). |
27 |
La Cour a déjà interprété la notion d’«établissement» ou d’«établissements» figurant à l’article 1er, paragraphe 1, premier alinéa, sous a), de la directive 98/59. |
28 |
Au point 31 de l’arrêt Rockfon (C‑449/93, EU:C:1995:420), la Cour, en se référant au point 15 de l’arrêt Botzen e.a. (186/83, EU:C:1985:58), a observé que la relation de travail est essentiellement caractérisée par le lien qui existe entre le travailleur et la partie de l’entreprise à laquelle il est affecté pour exercer sa tâche. La Cour a dès lors décidé, au point 32 de l’arrêt Rockfon (C‑449/93, EU:C:1995:420), qu’il y a lieu d’interpréter la notion d’«établissement» figurant à l’article 1er, paragraphe 1, premier alinéa, sous a), de la directive 98/59 comme désignant, selon les circonstances, l’unité à laquelle les travailleurs concernés par le licenciement sont affectés pour exercer leur tâche. Le fait que l’unité en cause dispose d’une direction pouvant effectuer de manière indépendante des licenciements collectifs n’est pas essentiel à la définition de la notion d’«établissement». |
29 |
Il ressort du point 5 de l’arrêt Rockfon (C‑449/93, EU:C:1995:420) que le Royaume de Danemark, dont était originaire la juridiction ayant introduit la demande de décision préjudicielle dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, avait opté pour la solution prévue à l’article 1er, paragraphe 1, sous a), i), de ladite directive. |
30 |
Dans l’arrêt Athinaïki Chartopoiïa (C‑270/05, EU:C:2007:101), la Cour a apporté des précisions supplémentaires à la notion d’«établissement», notamment en jugeant, au point 27 de cet arrêt, que, aux fins de l’application de la directive 98/59, peut notamment constituer un «établissement», dans le cadre d’une entreprise, une entité distincte, présentant une certaine permanence et stabilité, qui est affectée à l’exécution d’une ou de plusieurs tâches déterminées et qui dispose d’un ensemble de travailleurs ainsi que de moyens techniques et d’une certaine structure organisationnelle permettant l’accomplissement de ces tâches. |
31 |
Par l’emploi des termes «entité distincte» et «dans le cadre d’une entreprise», la Cour a précisé que les notions d’«entreprise» et d’«établissement» sont différentes et que l’établissement constitue normalement une partie d’une entreprise. Cela n’exclut cependant pas que, dans le cas où l’entreprise ne dispose pas de plusieurs unités distinctes, l’établissement et l’entreprise puissent coïncider. |
32 |
Au point 28 de l’arrêt Athinaïki Chartopoiïa (C‑270/05, EU:C:2007:101), la Cour a considéré que la directive 98/59 visant les effets socio‑économiques que des licenciements collectifs seraient susceptibles de provoquer dans un contexte local et un environnement social déterminés, l’entité en cause ne doit pas nécessairement être dotée d’une autonomie juridique quelconque ni d’une autonomie économique, financière, administrative ou technologique pour pouvoir être qualifiée d’«établissement». |
33 |
Par conséquent, il ressort de la jurisprudence de la Cour que, lorsqu’une «entreprise» comprend plusieurs entités répondant aux critères précisés aux points 28, 30 et 32 du présent arrêt, c’est l’entité à laquelle les travailleurs concernés par le licenciement sont affectés pour exercer leur tâche qui constitue l’«établissement», au sens de l’article 1er, paragraphe 1, premier alinéa, sous a), de la directive 98/59. |
34 |
Cette jurisprudence s’applique à la présente affaire. |
35 |
Il convient de constater que la signification des termes «établissement» ou «établissements» figurant à l’article 1er, paragraphe 1, premier alinéa, sous a), i), de la directive 98/59 est la même que celle des termes «établissement» ou «établissements» figurant à l’article 1er, paragraphe 1, premier alinéa, sous a), ii), de cette directive. |
36 |
À cet égard, la circonstance, relevée lors de l’audience devant la Cour, selon laquelle le terme «établissement» est utilisé au pluriel notamment dans les versions en langues anglaise, espagnole, française et italienne de cette disposition est sans pertinence. En effet, dans ces versions linguistiques, le terme «établissements» figure au pluriel tant sous a), i), que sous a), ii), de ladite disposition. De plus, ainsi que M. l’avocat général l’a souligné au point 53 de ses conclusions, plusieurs autres versions linguistiques de l’article 1er, paragraphe 1, premier alinéa, sous a), ii), de la directive 98/59 utilisent ce terme au singulier, ce qui exclut l’interprétation selon laquelle le seuil prévu à cette dernière disposition vise tous les «établissements» d’une «entreprise». |
37 |
L’option figurant à l’article 1er, paragraphe 1, premier alinéa, sous a), ii), de la directive 98/59, à l’exception de la différence des périodes pendant lesquelles les licenciements interviennent, apparaît comme étant une alternative substantiellement équivalente à l’option figurant sous a), i), de cette même disposition. |
38 |
Aucun élément dans le libellé de l’article 1er, paragraphe 1, premier alinéa, sous a), de la directive 98/59 ne suggère qu’il y a lieu de donner une signification différente aux termes «établissement» ou «établissements» figurant au même alinéa de cette disposition. |
39 |
À cet égard, il convient de rappeler que, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Athinaïki Chartopoiïa (C‑270/05, EU:C:2007:101), la Cour n’a pas examiné si la République hellénique avait opté pour la solution prévue sous a), i) ou sous a), ii), de l’article 1er, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 98/59. Le dispositif de cet arrêt vise l’article 1er, paragraphe 1, sous a), sans faire de distinction entre les options figurant sous a), i) ou a), ii), de cette disposition. |
40 |
Le fait que le législateur offre un choix aux États membres entre les options figurant, respectivement, à l’article 1er, paragraphe 1, premier alinéa, sous a), i), et sous a), ii), de la directive 98/59 indique que la notion d’«établissement» ne peut avoir une portée entièrement différente selon que l’État membre concerné opte pour l’une ou l’autre alternative qui lui est proposée. |
41 |
En outre, une différence d’une telle ampleur serait contraire à la nécessité de promouvoir le rapprochement des législations des États membres relatives aux licenciements collectifs, nécessité qui est soulignée par le considérant 7 de la directive 98/59. |
42 |
En ce qui concerne la question soulevée par la juridiction de renvoi de savoir si l’article 1er, paragraphe 1, premier alinéa, sous a), ii), de la directive 98/59 exige de prendre en compte les licenciements effectués dans chaque établissement, considéré séparément, l’interprétation selon laquelle cette disposition exigerait de prendre en compte le nombre total des licenciements opérés dans tous les établissements d’une entreprise augmenterait, certes, significativement le nombre de travailleurs pouvant bénéficier de la protection de la directive 98/59, ce qui correspondrait à l’un des objectifs de celle‑ci. |
43 |
Toutefois, il convient de rappeler que cette directive a pour objectif non seulement de renforcer la protection des travailleurs en cas de licenciements collectifs, mais également, d’une part, d’assurer une protection comparable des droits des travailleurs dans les différents États membres et, d’autre part, de rapprocher les charges qu’entraînent ces règles de protection pour les entreprises de l’Union (voir, en ce sens, arrêts Commission/Royaume-Uni, C‑383/92, EU:C:1994:234, point 16; Commission/Portugal, C‑55/02, EU:C:2004:605, point 48, et Confédération générale du travail e.a., C‑385/05, EU:C:2007:37, point 43). |
44 |
Or, une interprétation de la notion d’«établissement», telle que celle évoquée au point 42 du présent arrêt, d’une part, serait contraire à l’objectif visant à assurer une protection comparable des droits des travailleurs dans tous les États membres et, d’autre part, entraînerait des charges très différentes pour les entreprises devant remplir les obligations d’information et de consultation en vertu des articles 2 à 4 de cette directive selon le choix de l’État membre concerné, ce qui irait également à l’encontre de l’objectif poursuivi par le législateur de l’Union qui est de rendre le poids de ces charges comparable dans tous les États membres. |
45 |
Il y a lieu d’ajouter que cette interprétation ferait entrer dans le champ d’application de la directive 98/59 non seulement un groupe de travailleurs concernés par un licenciement collectif, mais, le cas échéant, également un seul travailleur d’un établissement – éventuellement d’un établissement se trouvant dans une agglomération séparée et éloignée des autres établissements de la même entreprise – ce qui serait contraire à la notion de «licenciement collectif», au sens usuel de cette expression. De plus, le licenciement de ce seul travailleur déclencherait les procédures d’information et de consultation prévues par les dispositions de la directive 98/59, dispositions qui ne sont pas adaptées à un tel cas individuel. |
46 |
Il convient toutefois de rappeler que la directive 98/59 instaure une protection minimale relative à l’information et à la consultation des travailleurs en cas de licenciements collectifs (voir arrêt Confédération générale du travail e.a., C‑385/05, EU:C:2007:37, point 44). À cet égard, il y a lieu de relever que l’article 5 de cette directive a accordé la faculté aux États membres d’appliquer ou d’introduire des dispositions législatives, réglementaires ou administratives plus favorables aux travailleurs ou de permettre ou de favoriser l’application de dispositions conventionnelles plus favorables aux travailleurs. |
47 |
Dans le cadre de cette faculté, l’article 5 de la directive 98/59 permet notamment aux États membres d’accorder la protection prévue par cette directive non seulement aux travailleurs d’un établissement, au sens de l’article 1er, paragraphe 1, premier alinéa, sous a), de ladite directive, qui ont été ou vont être licenciés, mais également à tous les travailleurs concernés par un licenciement d’une entreprise ou d’une partie d’une entreprise d’un même employeur, le terme «entreprise» étant entendu comme recouvrant la totalité des unités distinctes d’emploi de cette entreprise ou de cette partie d’entreprise. |
48 |
Si les États membres sont ainsi en droit de prévoir des règles plus favorables aux travailleurs sur le fondement de l’article 5 de la directive 98/59, ils sont toutefois liés par l’interprétation autonome et uniforme de la notion du droit de l’Union d’«établissement» figurant à l’article 1er, paragraphe 1, premier alinéa, sous a), i) et ii), de cette directive, telle qu’elle résulte du point 33 du présent arrêt. |
49 |
Il résulte de ce qui précède que la définition figurant à l’article 1er, paragraphe 1, premier alinéa, sous a), i), et sous a), ii), de la directive 98/59 exige de prendre en compte les licenciements effectués dans chaque établissement considéré séparément. |
50 |
L’interprétation que la Cour a donnée de la notion d’«établissement», rappelée aux points 28, 30 et 32 du présent arrêt, est corroborée par les dispositions de la directive 2002/14/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mars 2002, établissant un cadre général relatif à l’information et la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne (JO L 80, p. 29), dont l’article 2, sous a) et b), établit également une nette distinction entre la notion d’«entreprise» et celle d’«établissement». |
51 |
En l’occurrence, sur la base des informations dont dispose la Cour, relevées au point 16 du présent arrêt, il apparaît que chacun des magasins en cause au principal est une entité distincte qui est normalement permanente, chargée de l’exécution de tâches déterminées, à savoir, principalement, la vente de marchandises, et qui dispose, à cet effet, de plusieurs travailleurs, de moyens techniques et d’une structure organisationnelle en ce que le magasin est un centre de coûts individuel géré par un directeur. |
52 |
Partant, un tel magasin est susceptible de remplir les critères de la jurisprudence, citée aux points 28, 30 et 32 du présent arrêt, relative à la notion d’«établissement» figurant à l’article 1er, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 98/59, ce qu’il appartient néanmoins à la juridiction de renvoi de vérifier au regard des circonstances concrètes de l’affaire au principal. |
53 |
Dans ces conditions, il convient de répondre aux questions posées que, d’une part, la notion d’«établissement» figurant à l’article 1er, paragraphe 1, premier alinéa, sous a), ii), de la directive 98/59 doit être interprétée de la même manière que la notion figurant sous a), i), de ce même alinéa et, d’autre part, que l’article 1er, paragraphe 1, premier alinéa, sous a), ii), de la directive 98/59 doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui prévoit une obligation d’information et de consultation des travailleurs en cas de licenciement, au cours d’une période de 90 jours, d’au moins 20 travailleurs d’un établissement particulier d’une entreprise, et non lorsque le nombre cumulé de licenciements dans tous les établissements ou dans certains établissements d’une entreprise pendant la même période atteint ou dépasse le seuil de 20 travailleurs. |
Sur les dépens
54 |
La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement. |
Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) dit pour droit: |
La notion d’«établissement» figurant à l’article 1er, paragraphe 1, premier alinéa, sous a), ii), de la directive 98/59/CE du Conseil, du 20 juillet 1998, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux licenciements collectifs, doit être interprétée de la même manière que la notion figurant sous a), i), de ce même alinéa. |
L’article 1er, paragraphe 1, premier alinéa, sous a), ii), de la directive 98/59 doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui prévoit une obligation d’information et de consultation des travailleurs en cas de licenciement, au cours d’une période de 90 jours, d’au moins 20 travailleurs d’un établissement particulier d’une entreprise, et non lorsque le nombre cumulé de licenciements dans tous les établissements ou dans certains établissements d’une entreprise pendant la même période atteint ou dépasse le seuil de 20 travailleurs. |
Signatures |
( *1 ) Langue de procédure: l’anglais.