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Document 62013CJ0672

    Arrêt de la Cour (sixième chambre) du 19 mars 2015.
    OTP Bank Nyrt contre Magyar Állam et Magyar Államkincstár.
    Demande de décision préjudicielle, introduite par la Fővárosi Törvényszék.
    Renvoi préjudiciel – Aide d’État – Article 107, paragraphe 1, TFUE – Notion d’‘aide d’État’ – Aide au logement, octroyée avant l’adhésion de la Hongrie à l’Union européenne, à certaines catégories des ménages – Liquidation de l’aide par des établissements de crédit en contrepartie d’une garantie de l’État – Article 108, paragraphe 3, TFUE – Mesure n’ayant pas été préalablement notifiée à la Commission européenne – Illégalité.
    Affaire C-672/13.

    Recueil – Recueil général

    Identifiant ECLI: ECLI:EU:C:2015:185

    ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)

    19 mars 2015 ( *1 )

    «Renvoi préjudiciel — Aide d’État — Article 107, paragraphe 1, TFUE — Notion d’‘aide d’État’ — Aide au logement, octroyée avant l’adhésion de la Hongrie à l’Union européenne, à certaines catégories des ménages — Liquidation de l’aide par des établissements de crédit en contrepartie d’une garantie de l’État — Article 108, paragraphe 3, TFUE — Mesure n’ayant pas été préalablement notifiée à la Commission européenne — Illégalité»

    Dans l’affaire C‑672/13,

    ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Fővárosi Törvényszék (Hongrie), par décision du 30 juillet 2013, parvenue à la Cour le 17 décembre 2013, dans la procédure

    OTP Bank Nyrt

    contre

    Magyar Állam,

    Magyar Államkincstár,

    LA COUR (sixième chambre),

    composée de M. A. Borg Barthet, faisant fonction de président de la sixième chambre, MM. E. Levits et F. Biltgen (rapporteur), juges,

    avocat général: M. N. Jääskinen,

    greffier: M. I. Illéssy, administrateur,

    vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 13 novembre 2014,

    considérant les observations présentées:

    pour OTP Bank Nyrt, par Me P. Nagy, ügyvéd,

    pour le gouvernement hongrois, par MM. M. Z. Fehér et G. Koós, en qualité d’agents,

    pour la Commission européenne, par Mme K. Talabér-Ritz et M. L. Flynn, en qualité d’agents,

    vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

    rend le présent

    Arrêt

    1

    La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 107 TFUE et 108 TFUE.

    2

    Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant OTP Bank Nyrt (ci-après «OTP Bank»), établissement de crédit hongrois, au Magyar Állam (ci‑après «État hongrois») et au Magyar Államkincstár (ci-après «Trésor public hongrois»), au sujet d’une demande de remboursement au titre d’une garantie octroyée par l’État hongrois à OTP Bank.

    Le cadre juridique

    Le droit de l’Union

    3

    Conformément à son article 2, paragraphe 2, le traité entre le Royaume de Belgique, le Royaume de Danemark, la République fédérale d’Allemagne, la République hellénique, le Royaume d’Espagne, la République française, l’Irlande, la République italienne, le Grand-Duché de Luxembourg, le Royaume des Pays‑Bas, la République d’Autriche, la République portugaise, la République de Finlande, le Royaume de Suède, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord (États membres de l’Union européenne) et la République tchèque, la République d’Estonie, la République de Chypre, la République de Lettonie, la République de Lituanie, la République de Hongrie, la République de Malte, la République de Pologne, la République de Slovénie, la République slovaque relatif à l’adhésion de la République tchèque, de la République d’Estonie, de la République de Chypre, de la République de Lettonie, de la République de Lituanie, de la République de Hongrie, de la République de Malte, de la République de Pologne, de la République de Slovénie et de la République slovaque à l’Union européenne (JO 2003, L 236, p. 17, ci-après le «traité d’adhésion») est entré en vigueur le 1er mai 2004.

    4

    Selon l’article 1er, paragraphe 2, du traité d’adhésion, les conditions de l’admission et les adaptations des traités sur lesquels l’Union européenne est fondée figurent dans l’acte relatif aux conditions d’adhésion à l’Union européenne de la République tchèque, de la République d’Estonie, de la République de Chypre, de la République de Lettonie, de la République de Lituanie, de la République de Hongrie, de la République de Malte, de la République de Pologne, de la République de Slovénie et de la République slovaque, et aux adaptations des traités sur lesquels est fondée l’Union européenne (JO 2003, L 236, p. 33, ci-après l’«acte d’adhésion»).

    5

    L’article 22 de l’acte d’adhésion qui, au même titre que les autres dispositions de celui-ci, fait partie intégrante du traité d’adhésion dispose que les mesures énumérées dans la liste figurant à son annexe IV sont appliquées dans les conditions définies par ladite annexe.

    6

    À son point 3, intitulé «Politique de la concurrence», l’annexe IV de l’acte d’adhésion énonce:

    «1.

    Les régimes d’aides et aides individuelles ci-après, mis à exécution dans un nouvel État membre avant la date de l’adhésion et toujours applicables après cette date, sont considérés lors de l’adhésion comme aide existante au sens de l’article [108], paragraphe 1, [TFUE]:

    a)

    aides mises à exécution avant le 10 décembre 1994;

    b)

    aides énumérées dans l’appendice de la présente annexe;

    c)

    aides examinées par l’autorité chargée de la surveillance des aides publiques du nouvel État membre avant l’adhésion et jugées compatibles avec l’acquis, et à l’égard desquelles la Commission n’a pas soulevé d’objections en raison de doutes sérieux quant à la compatibilité des mesures avec le marché commun, en vertu de la procédure visée au paragraphe 2.

    Toutes les mesures encore applicables après la date d’adhésion qui constituent une aide publique et ne satisfont pas aux conditions susvisées sont considérées comme une aide nouvelle à la date de l’adhésion aux fins de l’application de l’article [108], paragraphe 3, [TFUE].»

    7

    Le règlement (CEE) no 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [108 TFUE] (JO L 83, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) no 1791/2006 du Conseil, du 20 novembre 2006 (JO L 363, p. 1, ci-après le «règlement no 659/1999»), à son article 1er, intitulé «Définitions», dispose:

    «Aux fins du présent règlement, on entend par:

    a)

    ‘aide’: toute mesure remplissant tous les critères fixés à l’article [107], paragraphe 1, [TFUE];

    b)

    ‘aide existante’:

    i)

    sans préjudice [...] de l’annexe IV, point 3, et de l’appendice de ladite annexe de l’acte [d’adhésion], toute aide existant avant l’entrée en vigueur du traité dans l’État membre concerné, c’est-à-dire les régimes d’aides et aides individuelles mis à exécution avant et toujours applicables après ladite entrée en vigueur;

    ii)

    toute aide autorisée, c’est-à-dire les régimes d’aides et les aides individuelles autorisés par la Commission ou le Conseil;

    iii)

    toute aide qui est réputée avoir été autorisée conformément à l’article 4, paragraphe 6, du présent règlement, ou avant le présent règlement, mais conformément à la présente procédure;

    iv)

    toute aide réputée existante conformément à l’article 15;

    v)

    toute aide qui est réputée existante parce qu’il peut être établi qu’elle ne constituait pas une aide au moment de sa mise en vigueur, mais qui est devenue une aide par la suite en raison de l’évolution du marché commun et sans avoir été modifiée par l’État membre. Les mesures qui deviennent une aide suite à la libéralisation d’une activité par le droit communautaire ne sont pas considérées comme une aide existante après la date fixée pour sa libéralisation;

    c)

    ‘aide nouvelle’: toute aide, c’est-à-dire tout régime d’aides ou toute aide individuelle, qui n’est pas une aide existante, y compris toute modification d’une aide existante;

    d)

    ‘régime d’aides’: toute disposition sur la base de laquelle, sans qu’il soit besoin de mesures d’application supplémentaires, des aides peuvent être octroyées individuellement à des entreprises, définies d’une manière générale et abstraite dans ladite disposition et toute disposition sur la base de laquelle une aide non liée à un projet spécifique peut être octroyée à une ou plusieurs entreprises pour une période indéterminée et/ou pour un montant indéterminé;

    e)

    ‘aide individuelle’: une aide qui n’est pas accordée sur la base d’un régime d’aides, ou qui est accordée sur la base d’un régime d’aides, mais qui doit être notifiée;

    f)

    ‘aide illégale’: une aide nouvelle mise à exécution en violation de l’article [108], paragraphe 3, [TFUE];

    [...]»

    Le droit hongrois

    8

    En vertu des pouvoirs accordés par les lois fixant le budget de la République de Hongrie pour les années 2000 à 2002, le gouvernement de cet État membre a adopté le décret gouvernemental no 12/2001, du 31 janvier 2001, concernant les aides destinées à favoriser l’accès au logement (Magyar Közlöny 2001/11, ci‑après le «décret de 2001»).

    9

    L’article 24, paragraphe 1, de ce décret, figurant sous le chapitre VII de celui-ci, prévoyait qu’il appartenait aux établissements de crédit d’accorder et de verser les prêts visés aux chapitres II à VI dudit décret, de déterminer les modalités des remboursements ainsi que des aides, et d’en liquider les montants à faire valoir au budget général, et ce quelle que soit la personne qui bâtit, fait bâtir ou vend le bien.

    10

    Aux termes de l’article 24, paragraphe 15, du même décret:

    «L’établissement de crédit conclut un contrat avec le ministre et le Trésor public concernant le versement des aides et des avances au sens du paragraphe 11 et le système de liquidation, ainsi que la fourniture des données nécessaires aux fins du contrôle financier. L’établissement de crédit est habilité à procéder à la liquidation des aides et des avances à la suite de la conclusion de ce contrat.»

    11

    Aux termes de l’article 25, paragraphes 1 et 2, du décret de 2001:

    «1)   Si le demandeur a également, pour se procurer un logement, recouru à l’allocation de construction visée à l’article 5, paragraphe 4, l’État rembourse à l’établissement de crédit 80 % de la somme du prêt, tel que fixé en conformité avec l’article 13, paragraphe 1, versé par l’établissement de crédit et devenu irrécouvrable selon les dispositions de la loi sur la comptabilité, des intérêts et des frais sur ce prêt, lesquels ne peuvent pas dépasser la moitié du capital de celui‑ci.

    2)   L’État rembourse à l’établissement de crédit la somme du capital, des intérêts et frais du prêt versé sous forme d’avances par l’établissement de crédit en vertu de l’article 5/A et devenu irrécouvrable selon les dispositions de la loi sur la comptabilité.»

    12

    L’article 25/C du décret de 2001, inséré par l’article 10 du décret gouvernemental no 257/2011 du 6 décembre 2011 (ci-après le «décret de 2011»), dispose:

    «Les obligations de remboursement de l’État visées à l’article 25, paragraphes 1 et 2, du décret [de 2001] ne sont pas exigibles lorsqu’elles concernent des contrats de prêt conclus le 1er mai 2004 ou ultérieurement.»

    Le litige au principal et les questions préjudicielles

    13

    Le 15 septembre 2008, le ministère des Collectivités locales, le Trésor public et OTP Bank ont conclu un contrat de commission sur la base de l’article 24, paragraphe 15, du décret de 2001.

    14

    En application du chapitre I, point 1, de ce contrat, le ministère des Collectivités locales a chargé OTP Bank, aux fins de la mise en œuvre de ce même décret, d’effectuer les opérations de liquidation des aides d’État au logement. Dans ce cadre, OTP Bank s’est acquittée des tâches suivantes: évaluer les demandes des postulants à l’aide au logement et aux prêts immobiliers subventionnés, verser les aides dans les conditions prévues par le décret de 2001, veiller à l’enregistrement au registre foncier des hypothèques en faveur de l’État ainsi que des interdictions de cession et de charge, procéder à la comptabilisation dans le budget des montants accordés au titre des aides au logement et communiquer les données conformément aux dispositions de ce décret.

    15

    En contrepartie de ces tâches, OTP Bank percevait le remboursement des frais prévu au chapitre II, point 5, du contrat de commission du 15 septembre 2008, à savoir 1,5 % des montants accordés au titre de l’aide au logement et 3 % des montants fixés dans des contrats de prêt versé sous forme d’avances, de l’aide au logement pour les jeunes et de l’aide accordée au titre de l’ancien régime de remboursement d’impôt.

    16

    Aux termes de l’article 25, paragraphe 1, du décret de 2001, en vigueur au moment de la conclusion du contrat de commission du 15 septembre 2008, soit avant sa modification par le décret de 2011, l’État hongrois était, sous certaines conditions, également tenu de rembourser à l’établissement de crédit 80 % de la somme du prêt, versé par cet établissement de crédit et devenu irrécouvrable selon les dispositions de la loi sur la comptabilité, et des intérêts et frais sur ce prêt.

    17

    L’article 25, paragraphe 2, du décret de 2001 prévoyait que l’État devait également garantir le remboursement à l’établissement de crédit de la somme de capital, des intérêts et frais du prêt versé sous forme d’avances par l’établissement de crédit en vertu de l’article 5/A et devenu irrécouvrable.

    18

    OTP Bank a invité, à plusieurs reprises, sans succès, l’État hongrois à exécuter ce contrat de commission pour ce qui concernait le troisième trimestre de l’année 2009 et les trimestres des années suivantes. L’État hongrois a contesté cette obligation, invoquant les dispositions de l’article 25/C du décret de 2001, insérées par le décret de 2011. À la suite de cette modification législative, l’État hongrois s’est en effet estimé déchargé des obligations visées à l’article 25, paragraphes 1 et 2, du décret de 2001 en ce qui concerne les contrats de prêt conclus à partir du 1er mai 2004.

    19

    Dans ce contexte, OTP Bank a introduit un recours devant la Fővárosi Törvényszék (Cour de Budapest) en vue d’obtenir que l’État hongrois soit condamné au paiement d’une somme de 1 261 506 204 forints hongrois (HUF), augmentée des intérêts et frais, et que la décision à intervenir soit opposable au Trésor public. Selon OTP Bank, l’État hongrois aurait, à la suite de l’adoption de l’article 25/C du décret de 2001, de surcroît rendu impossible l’exécution du contrat de commission du 15 septembre 2008 et, de ce fait, rompu celui-ci de manière unilatérale. Pour ce motif, OTP Bank a également requis une reddition de compte relative aux services fournis en exécution de ce contrat, en vertu de l’article 479, paragraphe 3, du code civil.

    20

    L’État hongrois et le Trésor public, concluant au rejet du recours d’OTP Bank, ont soutenu que la modification du décret de 2001 par le décret de 2011 était nécessaire car la garantie fournie par l’État hongrois aux termes de l’article 25, paragraphes 1 et 2, du décret de 2001 (ci-après la «garantie de l’État») constitue une aide d’État interdite en vertu du droit de l’Union. Ainsi, en adoptant le décret de 2011, l’État hongrois n’aurait visé qu’à rendre le droit hongrois conforme au droit de l’Union.

    21

    Le recours d’OTP Bank a été rejeté par la Fővárosi Törvényszék. La Fővárosi Ítélőtábla (cour d’appel de Budapest) a annulé ce jugement, tout en considérant qu’il pouvait s’avérer utile de contrôler la compatibilité de cette prétendue aide d’État avec le marché intérieur, au sens de l’article 107, paragraphes 2 et 3, TFUE, et a renvoyé l’affaire devant la Fővarosi Törvényszék.

    22

    Devant la Fővárosi Törvényszék, statuant de nouveau sur l’affaire, OTP Bank soutient que, si cette juridiction devait estimer que la garantie de l’État relève de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, il lui appartiendrait d’interroger la Cour sur le point de savoir si cette garantie est, selon le droit de l’Union, compatible avec le marché intérieur, en particulier compte tenu de l’exception relative aux aides à caractère social visées à l’article 107, paragraphe 2, sous a), TFUE et de la circonstance que les bénéficiaires de la forme d’aide en cause seraient des particuliers et non les établissements de crédit.

    23

    Selon la Fővárosi Törvényszék, la résolution du différend porté devant elle nécessite une interprétation du droit de l’Union. En effet, si ladite garantie n’est pas une aide d’État interdite ou, autrement, cette garantie constitue, au sens de l’article 107, paragraphes 2 et 3, TFUE, une aide compatible avec le marché intérieur, il se pourrait, le cas échéant, que l’État hongrois ait rompu ledit contrat de commission sans fondement valable en droit.

    24

    Dans ces conditions, la Fővárosi Törvényszék a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

    «1)

    Faut-il considérer comme une aide d’État, et dans l’affirmative, comme compatible avec le marché intérieur, la garantie de l’État accordée avant l’adhésion de la Hongrie à l’Union européenne dans le cadre du décret [de 2001]?

    2)

    À supposer que la garantie de l’État accordée dans le cadre dudit décret soit incompatible avec le marché intérieur, comment peut-on remédier, sur la base du droit de l’Union, aux éventuelles atteintes portées aux intérêts des personnes concernées?»

    Sur la recevabilité

    25

    Le gouvernement hongrois et la Commission émettent des doutes quant à la recevabilité de la demande de décision préjudicielle ou, à tout le moins, de l’une ou l’autre des questions posées.

    26

    À cet égard, il importe, d’abord, de rappeler que, dans le cadre de la procédure instituée à l’article 267 TFUE, il appartient au seul juge national, qui est saisi du litige et doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour. En conséquence, dès lors que les questions posées portent sur l’interprétation du droit de l’Union, la Cour est, en principe, tenue de statuer (voir, notamment, arrêt Bruno e.a., C‑395/08 et C‑396/08, EU:C:2010:329, point 18 et jurisprudence citée).

    27

    Selon une jurisprudence constante de la Cour, les questions relatives à l’interprétation du droit de l’Union posées par le juge national dans le cadre réglementaire et factuel qu’il définit sous sa responsabilité, et dont il n’appartient pas à la Cour de vérifier l’exactitude, bénéficient d’une présomption de pertinence. Le refus de la Cour de statuer sur une demande de décision préjudicielle formée par une juridiction nationale n’est possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (arrêts van der Weerd e.a., C‑222/05 à C‑225/05, EU:C:2007:318, point 22, ainsi que Melki et Abdeli, C‑188/10 et C‑189/10, EU:C:2010:363, point 27).

    28

    Ainsi, ce n’est que dans des circonstances exceptionnelles qu’il incombe à la Cour d’examiner les conditions dans lesquelles elle est saisie par le juge national (voir, en ce sens, arrêt PreussenElektra, C‑379/98, EU:C:2001:160, point 39). En effet, l’esprit de collaboration qui doit présider au fonctionnement du renvoi préjudiciel implique que, de son côté, le juge national ait égard à la fonction confiée à la Cour, qui est de contribuer à l’administration de la justice dans les États membres et non de formuler des opinions consultatives sur des questions générales ou hypothétiques (arrêt Schmidberger, C‑112/00, EU:C:2003:333, point 32 et jurisprudence citée).

    29

    Ensuite, il convient de souligner que, conformément à la jurisprudence de la Cour, même s’il n’appartient pas à cette dernière de se prononcer, dans le cadre d’une procédure introduite en application de l’article 267 TFUE, sur la compatibilité de normes de droit interne avec le droit de l’Union ni d’interpréter des dispositions législatives ou réglementaires nationales, elle est toutefois compétente pour fournir à la juridiction de renvoi tous les éléments d’interprétation relevant du droit de l’Union qui peuvent permettre à celle-ci de trancher l’affaire dont elle est saisie (voir, notamment, arrêt Paint Graphos e.a., C‑78/08 à C‑80/08, EU:C:2011:550, point 34 et jurisprudence citée).

    30

    Plus précisément, il a déjà été jugé que la compétence de la Commission pour apprécier la compatibilité d’une aide avec le marché intérieur ne fait pas obstacle à ce qu’une juridiction nationale interroge la Cour à titre préjudiciel sur l’interprétation de la notion d’aide (arrêt DM Transport, C‑256/97, EU:C:1999:332, point 15). Ainsi, la Cour peut notamment fournir au juge de renvoi les éléments d’interprétation relevant du droit de l’Union lui permettant de déterminer si une mesure nationale peut être qualifiée d’«aide d’État» au sens dudit droit (voir, en ce sens, arrêt Fallimento Traghetti del Mediterraneo, C‑140/09, EU:C:2010:335, point 24 et jurisprudence citée).

    31

    En effet, les juridictions nationales peuvent être saisies de litiges les obligeant à interpréter et à appliquer la notion d’aide, visée à l’article 107, paragraphe 1, TFUE, en particulier en vue de déterminer si une mesure étatique aurait dû ou non être soumise à la procédure de contrôle préalable établie à l’article 108, paragraphe 3, TFUE, et, le cas échéant, de vérifier si l’État membre concerné s’est conformé à cette obligation (voir, en ce sens, arrêt P, C‑6/12, EU:C:2013:525, point 38 et jurisprudence citée).

    32

    Enfin, et dans la mesure où, ainsi qu’il ressort du point 29 du présent arrêt, il appartient à la Cour de donner une réponse utile au juge de renvoi, il lui incombe, le cas échéant, de reformuler les questions qui lui sont soumises (voir, notamment, arrêt Byankov, C‑249/11, EU:C:2012:608, point 57 et jurisprudence citée).

    33

    Au vu de ce qui précède, et aux fins d’apporter une réponse utile à la juridiction de renvoi, il convient de reformuler les deux questions, qu’il y a lieu d’examiner conjointement, en ce sens que la juridiction de renvoi demande, en substance, si la garantie de l’État est susceptible d’être qualifiée d’«aide d’État» au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE et, dans l’affirmative, si celle-ci était soumise à l’obligation de notification prévue à l’article 108, paragraphe 3, TFUE et, le cas échéant, quelles seraient les conséquences découlant du non-respect de cette obligation.

    Sur les questions préjudicielles

    Observations liminaires

    34

    S’agissant du contrôle du respect par les États membres des obligations mises à leur charge par les articles 107 TFUE et 108 TFUE, il y a lieu de rappeler, à titre liminaire, la manière dont les dispositions de ce dernier article s’articulent entre elles ainsi que les pouvoirs et les responsabilités que ces dispositions accordent à la Commission, d’une part, et aux États membres, d’autre part.

    35

    L’article 108 TFUE institue des procédures distinctes selon que les aides sont existantes ou nouvelles. Alors que les aides nouvelles doivent, conformément à l’article 108, paragraphe 3, TFUE, être notifiées préalablement à la Commission et ne peuvent être mises à exécution avant que la procédure n’ait abouti à une décision finale, les aides existantes peuvent, conformément à l’article 108, paragraphe 1, TFUE, être régulièrement exécutées tant que la Commission n’a pas constaté leur incompatibilité (arrêt P, EU:C:2013:525, point 36 et jurisprudence citée).

    36

    Dans le cadre de ce système de contrôle, la Commission et les juridictions nationales exercent des responsabilités et des pouvoirs différents (arrêt Namur-Les assurances du crédit, C‑44/93, EU:C:1994:311, point 14).

    37

    Conformément à la jurisprudence citée au point 31 du présent arrêt, ces juridictions peuvent être saisies de litiges les obligeant à interpréter et à appliquer la notion d’aide, visée à l’article 107, paragraphe 1, TFUE, en particulier en vue de déterminer si une mesure étatique aurait dû ou non être soumise à la procédure de contrôle préalable établie à l’article 108, paragraphe 3, TFUE. Si lesdites juridictions parviennent au constat que la mesure concernée aurait effectivement dû être préalablement notifiée à la Commission, elles doivent la déclarer illégale. En revanche, ces mêmes juridictions ne sont pas compétentes pour statuer sur la compatibilité d’une aide d’État avec le marché intérieur, ce contrôle ressortissant à la compétence exclusive de la Commission (voir, en ce sens, arrêt P, EU:C:2013:525, point 38 et jurisprudence citée).

    Sur le fond

    38

    Compte tenu de ces éléments, et aux fins d’apporter une réponse utile à la juridiction de renvoi, il importe, en premier lieu, de déterminer si la mesure en cause dans l’affaire au principal constitue une aide d’État au sens de l’article 107 TFUE. À cet égard, il convient de fournir à la juridiction de renvoi les éléments d’interprétation nécessaires des conditions auxquelles l’article 107, paragraphe 1, TFUE subordonne la qualification d’une mesure nationale en tant qu’aide d’État, à savoir le financement de cette mesure par l’État ou au moyen de ressources d’État, la sélectivité d’une telle mesure ainsi que l’incidence de celle-ci sur les échanges entre les États membres et la distorsion de la concurrence résultant de cette mesure. Il y a lieu d’examiner successivement ces trois conditions.

    Sur la condition relative à un financement de la mesure par l’État ou au moyen de ressources d’État

    39

    L’article 107, paragraphe 1, TFUE vise les «aides accordées par les États ou au moyen de ressources d’État sous quelque forme que ce soit».

    40

    Selon une jurisprudence constante de la Cour, la notion d’aide est plus générale que celle de subvention parce qu’elle comprend non seulement des prestations positives, telles que les subventions elles-mêmes, mais également des interventions qui, sous des formes diverses, allègent les charges qui normalement grèvent le budget d’une entreprise et qui, par là même, sans être des subventions au sens strict du mot, sont de même nature et ont des effets identiques (voir, notamment, arrêt Cassa di Risparmio di Firenze e.a., C‑222/04, EU:C:2006:8, point 131 et jurisprudence citée).

    41

    S’agissant de l’affaire au principal, il ressort du dossier soumis à la Cour que, d’une part, la garantie de l’État était prévue dans le contrat de commission conclu le 15 septembre 2008 entre le ministère des Collectivités locales, le Trésor public et OTP Bank, sur la base de l’article 24, paragraphe 15, du décret de 2001.

    42

    D’autre part, lors des appels trimestriels à la garantie de l’État, les établissements de crédit ont envoyé leurs demandes au ministère des Collectivités locales ou au ministère de l’Économie, lesquels leur ont octroyé les aides et les avances demandées en les imputant sur les crédits du budget général alloués aux «Autres aides au logement», dans la comptabilité gérée par le Trésor public.

    43

    Il en découle que la garantie de l’État constitue une aide accordée par l’État ou au moyen de ressources d’État, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

    Sur la condition relative au caractère sélectif de la mesure

    44

    L’article 107, paragraphe 1, TFUE vise les aides «favorisant certaines entreprises ou certaines productions», c’est-à-dire les aides sélectives.

    45

    Il importe, dès lors, de déterminer si la garantie de l’État est de nature à favoriser certaines entreprises ou productions par rapport à d’autres entreprises se trouvant, au regard de l’objectif de la mesure en cause, dans une situation factuelle et juridique comparable.

    46

    À titre liminaire, il convient de relever que le décret de 2001, sur la base duquel cette garantie a été octroyée, réglemente les aides destinées à favoriser l’accès au logement de certaines catégories de ménages. Ainsi, l’article 24, paragraphe 1, de ce décret prévoit qu’il appartient aux établissements de crédit d’accorder et de verser les prêts et de déterminer les modalités des remboursements et des aides. En contrepartie, l’article 25, paragraphes 1 et 2, dudit décret confère ladite garantie aux établissements de crédit concernés.

    47

    Selon la jurisprudence de la Cour, lorsqu’une aide est octroyée sous la forme d’une garantie, il est essentiel, pour les juridictions nationales, d’identifier les bénéficiaires de cette aide, ceux-ci pouvant être soit l’emprunteur, soit le prêteur ou, dans certains cas, les deux conjointement (voir, en ce sens, arrêt Residex Capital IV, C‑275/10, EU:C:2011:814, point 37).

    48

    En l’occurrence, ainsi qu’il ressort du point 46 du présent arrêt, le décret de 2001 prévoit qu’il appartient aux établissements de crédit de mettre en œuvre ledit décret et ainsi de bénéficier de la garantie de l’État. La mesure en cause apparaît donc profiter de manière exclusive au secteur des établissements de crédit.

    49

    Or, selon la jurisprudence de la Cour, une aide peut être sélective au regard de l’article 107, paragraphe 1, TFUE même lorsqu’elle concerne tout un secteur économique (voir notamment, en ce sens, arrêts Belgique/Commission, C‑75/97, EU:C:1999:311, point 33, ainsi que Paint Graphos e.a., EU:C:2011:550, point 53).

    50

    Partant, la garantie de l’État peut être considérée comme étant de nature sélective. La circonstance que, le cas échéant, celle-ci profite également à des bénéficiaires qui ne sont pas des établissements de crédit, tels que, en l’occurrence, certains ménages dont les revenus ne leur permettent pas, à eux seuls, d’envisager l’acquisition d’un bien immobilier, ne remet pas en cause cette constatation, suffisante aux fins de l’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

    51

    Il convient, toutefois, de faire observer que, à l’occasion des débats tenus lors de l’audience devant la Cour, il a été fait état d’une modification du décret de 2001, intervenue au cours de l’année 2008, qui aurait étendu la possibilité de mettre en œuvre ledit décret à d’autres opérateurs économiques.

    52

    S’agissant d’une question de fait, c’est en définitive à la juridiction de renvoi qu’il appartient de vérifier la véracité de ces éléments et d’apprécier si ceux-ci sont de nature à remettre en question le caractère sélectif de la garantie de l’État.

    Sur les conditions relatives à l’incidence de la mesure sur les échanges entre les États membres et à la distorsion de la concurrence qu’elle est susceptible d’entraîner

    53

    L’article 107, paragraphe 1, TFUE prohibe les aides qui affectent les échanges entre les États membres et faussent ou menacent de fausser la concurrence.

    54

    Aux fins de la qualification d’une mesure nationale en tant qu’aide d’État, il y a lieu non pas d’établir une incidence réelle de l’aide en cause sur les échanges entre les États membres et une distorsion effective de la concurrence, mais seulement d’examiner si cette aide est susceptible d’affecter ces échanges et de fausser la concurrence (arrêts Italie/Commission, C‑372/97, EU:C:2004:234, point 44, et Unicredito Italiano, C‑148/04, EU:C:2005:774, point 54).

    55

    En particulier, lorsqu’une aide accordée par un État membre renforce la position d’une entreprise par rapport à celle d’autres entreprises concurrentes dans les échanges intracommunautaires, ces derniers doivent être considérés comme influencés par l’aide (voir arrêt Unicredito Italiano, EU:C:2005:774, point 56 et jurisprudence citée).

    56

    À cet égard, il n’est pas nécessaire que l’entreprise bénéficiaire participe elle-même aux échanges intracommunautaires. En effet, lorsqu’un État membre octroie une aide à une entreprise, l’activité intérieure peut s’en trouver maintenue ou augmentée, avec cette conséquence que les chances des entreprises établies dans d’autres États membres de pénétrer le marché de cet État membre en sont diminuées. En outre, un renforcement de la position d’une entreprise qui, jusqu’alors, ne participait pas à des échanges intracommunautaires peut la placer dans une situation lui permettant de pénétrer le marché d’un autre État membre (arrêt Unicredito Italiano, EU:C:2005:774, point 58).

    57

    En ce qui concerne l’affaire au principal, il importe de relever que la garantie de l’État permet aux établissements de crédit de conclure des prêts sans avoir à en assumer le risque économique. Ainsi, les établissements de crédit ayant conclu un contrat de commission tel que celui en cause au principal ne doivent pas nécessairement examiner la solvabilité des emprunteurs ni prévoir de prime de garantie. En outre, les emprunteurs vont, le plus souvent, solliciter des services supplémentaires auprès de ces établissements, tels que l’ouverture d’un compte courant. Dès lors, la garantie de l’État confère auxdits établissements un avantage puisqu’elle a pour effet d’accroître leur clientèle et d’augmenter leurs recettes.

    58

    Il s’ensuit que la garantie de l’État a pour effet de renforcer la position des établissements de crédit par rapport à celle des autres opérateurs du marché et de rendre plus difficile, pour les opérateurs établis dans les autres États membres, de pénétrer le marché hongrois. Dès lors, cette garantie est susceptible d’affecter les échanges entre les États membres et de fausser la concurrence, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

    59

    Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de constater que la garantie de l’État, accordée de manière exclusive aux établissements de crédit est, a priori, constitutive d’une «aide d’État», au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Toutefois, il appartient à la juridiction de renvoi d’apprécier plus particulièrement le caractère sélectif d’une telle garantie en déterminant, notamment, si, à la suite de la modification du décret de 2001 prétendument intervenue au cours de l’année 2008, cette garantie est susceptible d’être accordée à d’autres opérateurs économiques que les seuls établissements de crédit et, dans l’affirmative, si cette circonstance est de nature à remettre en cause le caractère sélectif de ladite garantie.

    60

    En deuxième lieu, et à supposer que la juridiction de renvoi qualifie la garantie de l’État comme étant constitutive d’une «aide d’État» au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, il convient, aux fins de lui permettre d’en apprécier la légalité, de déterminer si celle-ci était soumise à la procédure de notification prévue à l’article 108, paragraphe 3, TFUE. Pour ce faire, il y a lieu d’établir si ladite garantie constitue une aide existante ou une aide nouvelle.

    61

    Il ressort de l’article 1er, sous b), i), du règlement no 659/1999 que constitue une aide existante, sans préjudice de l’annexe IV, point 3, de l’acte d’adhésion, toute aide existant avant l’entrée en vigueur du traité FUE dans l’État membre concerné, c’est-à-dire les régimes d’aides et d’aides individuelles mis à exécution avant, et toujours applicables après, ladite entrée en vigueur.

    62

    L’annexe IV, point 3, de l’acte d’adhésion dispose que toutes les mesures encore applicables après la date d’adhésion qui constituent une aide publique et ne satisfont à aucune des trois conditions énumérées au point 3, paragraphe 1, de ladite annexe sont considérées comme une aide nouvelle à la date de l’adhésion.

    63

    En l’occurrence, il importe de relever que le décret de 2001, sur la base duquel la garantie de l’État a été octroyée, est entré en vigueur après le 10 décembre 1994, qu’il n’est pas mentionné dans la liste des aides énumérées à l’appendice de l’annexe IV de l’acte d’adhésion et qu’il n’a pas été notifié à la Commission dans le cadre de la procédure dite «de transition» visée à l’annexe IV, point 3, paragraphe 1, sous c), de cet acte.

    64

    Par conséquent, la garantie de l’État ne remplit pas les trois conditions énumérées à l’annexe IV, point 3, paragraphe 1, de l’acte d’adhésion et doit, dès lors, le cas échéant, être considérée comme une aide nouvelle.

    65

    Conformément à l’article 108, paragraphe 3, TFUE, les aides nouvelles doivent être notifiées préalablement à la Commission et ne peuvent être mises à exécution avant que la procédure n’ait abouti à une décision finale.

    66

    Selon la jurisprudence constante de la Cour, une mesure d’aide mise à exécution en méconnaissance des obligations découlant de l’article 108, paragraphe 3, TFUE est illégale (arrêt Distribution Casino France e.a., C‑266/04 à C‑270/04, C‑276/04 et C‑321/04 à C‑325/04, EU:C:2005:657, point 30 et jurisprudence citée).

    67

    Or, s’agissant de l’affaire au principal, il apparaît que la Hongrie n’a pas notifié la garantie de l’État à la Commission.

    68

    Il découle de ce qui précède que, à supposer que la juridiction de renvoi qualifie la garantie de l’État comme étant constitutive d’une «aide d’État» au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, une telle garantie doit être considérée comme une aide nouvelle, et est, à ce titre, soumise à l’obligation de notification préalable à la Commission, conformément à l’article 108, paragraphe 3, TFUE. C’est à la juridiction de renvoi qu’il incombe de vérifier si l’État membre concerné s’est conformé à cette obligation et, si tel n’est pas le cas, de déclarer cette garantie illégale.

    69

    S’agissant, en troisième lieu, des conséquences découlant d’une telle illégalité, et plus particulièrement en ce qui concerne les bénéficiaires de l’aide illégale, il importe, d’abord, de rappeler que la Cour a itérativement jugé qu’il appartient aux juridictions nationales de tirer les conséquences de la violation de l’article 108, paragraphe 3, TFUE, conformément à leur droit national, tant en ce qui concerne la validité des actes comportant mise à exécution des mesures d’aide que le recouvrement des soutiens financiers accordés en méconnaissance de cette disposition (voir, en ce sens, arrêts van Calster e.a., C‑261/01 et C‑262/01, EU:C:2003:571, point 64; Xunta de Galicia, C‑71/04, EU:C:2005:493, point 49, ainsi que CELF et ministre de la Culture et de la Communication, C‑199/06, EU:C:2008:79, point 41).

    70

    La conséquence logique de la constatation de l’illégalité d’une aide est sa suppression par voie de récupération afin de rétablir la situation antérieure (voir, notamment, arrêts Italie et SIM 2 Multimedia/Commission, C‑328/99 et C‑399/00, EU:C:2003:252, point 66, ainsi que Mediaset/Commission, C‑403/10 P, EU:C:2011:533, point 122).

    71

    Ainsi, le principal objectif visé par la récupération d’une aide d’État versée illégalement est d’éliminer la distorsion de la concurrence causée par l’avantage concurrentiel procuré par une telle aide (voir, en ce sens, arrêts Allemagne/Commission, C‑277/00, EU:C:2004:238, point 76, et Commission/MTU Friedrichshafen, C‑520/07 P, EU:C:2009:557, point 57). En effet, par le remboursement de l’aide, le bénéficiaire perd l’avantage dont il disposait sur le marché par rapport à ses concurrents et la situation antérieure au versement de l’aide est rétablie (arrêt Commission/Italie, C‑350/93, EU:C:1995:96, point 22).

    72

    Ce n’est que si des circonstances exceptionnelles se présentent qu’il pourrait, le cas échéant, être inapproprié d’ordonner le remboursement de l’aide (voir arrêt Residex Capital IV, EU:C:2011:814, point 35 et jurisprudence citée).

    73

    Dans l’affaire au principal, il ne ressort pas du dossier soumis à la Cour que l’existence de telles circonstances exceptionnelles a été invoquée devant la juridiction de renvoi. Par conséquent, le juge national est tenu, en principe, d’ordonner le remboursement de l’aide en cause dans cette affaire, conformément à son droit national.

    74

    Ensuite, il convient de rappeler que la Commission est seule compétente pour apprécier la compatibilité d’une aide avec le marché intérieur, en procédant à cet examen même dans les cas où l’État membre méconnaît l’interdiction, visée à l’article 108, paragraphe 3, dernière phrase, TFUE, de mise à exécution des mesures d’aide. En effet, les juridictions nationales, dans une telle situation, ne font que sauvegarder, jusqu’à la décision finale de la Commission, les droits des justiciables face à une méconnaissance éventuelle, par les autorités étatiques, de cette interdiction (voir, en ce sens, arrêt CELF et ministre de la Culture et de la Communication, EU:C:2008:79, point 38 et jurisprudence citée).

    75

    Partant, il appartient à la Commission d’examiner la compatibilité de la garantie de l’État avec le marché intérieur aux fins, notamment, d’apprécier si ladite aide est susceptible de bénéficier de l’exemption relative aux aides à caractère social prévue à l’article 107, paragraphe 2, sous a), TFUE.

    76

    Cependant, même à supposer que la Commission déclare, dans une décision finale à intervenir, la garantie de l’État compatible avec le marché intérieur, le juge national reste tenu d’ordonner le remboursement de cette aide d’État, conformément à son droit national. En effet, sous peine de porter atteinte à l’effet direct de l’article 108, paragraphe 3, dernière phrase, TFUE et de méconnaître les intérêts des justiciables que les juridictions nationales ont pour mission de préserver, ladite décision finale de la Commission n’a pas pour conséquence de régulariser, a posteriori, les actes d’exécution qui étaient invalides en raison du fait qu’ils avaient été pris en méconnaissance de l’interdiction visée à cet article. Toute autre interprétation conduirait à favoriser l’inobservation, par l’État membre concerné, du paragraphe 3, dernière phrase, dudit article et le priverait de son effet utile (voir, en ce sens, arrêts Fédération nationale du commerce extérieur des produits alimentaires et Syndicat national des négociants et transformateurs de saumon, C‑354/90, EU:C:1991:440, point 16, ainsi que SFEI e.a, C‑39/94, EU:C:1996:285, points 67 à 69).

    77

    Enfin, et s’agissant en particulier des bénéficiaires de la garantie de l’État, il importe de souligner que, compte tenu du caractère impératif du contrôle des aides étatiques opéré par la Commission au titre de l’article 108 TFUE, d’une part, les entreprises bénéficiaires d’une aide ne sauraient avoir, en principe, une confiance légitime dans la régularité de l’aide que si celle-ci a été accordée dans le respect de la procédure prévue à cet article et, d’autre part, un opérateur économique diligent doit normalement être en mesure de s’assurer que cette procédure a été respectée. En particulier, lorsqu’une aide est mise à exécution sans notification préalable à la Commission, de sorte qu’elle est illégale en vertu de l’article 108, paragraphe 3, TFUE, le bénéficiaire de l’aide ne peut avoir, à ce moment, une confiance légitime dans la régularité de l’octroi de celle-ci (arrêt Unicredito Italiano, EU:C:2005:774, point 104 et jurisprudence citée).

    78

    Il résulte des considérations qui précèdent que les bénéficiaires d’une garantie de l’État telle que celle en cause au principal, octroyée en méconnaissance de l’article 108, paragraphe 3, TFUE et, partant, illégale, ne disposent pas de voie de recours conformément au droit de l’Union.

    79

    Au vu de l’ensemble de ces développements, il y a lieu de répondre aux questions posées par la juridiction de renvoi en ce sens que:

    la garantie de l’État accordée de manière exclusive aux établissements de crédit est, a priori, constitutive d’une «aide d’État», au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Toutefois, il appartient à la juridiction de renvoi d’apprécier plus particulièrement le caractère sélectif d’une telle garantie en déterminant, notamment, si, à la suite de la modification du décret de 2001 prétendument intervenue au cours de l’année 2008, cette garantie est susceptible d’être accordée à d’autres opérateurs économiques que les seuls établissements de crédit et, dans l’affirmative, si cette circonstance est de nature à remettre en cause le caractère sélectif de ladite garantie;

    à supposer que la juridiction de renvoi qualifie la garantie de l’État en cause dans l’affaire au principal comme étant constitutive d’une «aide d’État» au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, une telle garantie doit être considérée comme une aide nouvelle, et est, à ce titre, soumise à l’obligation de notification préalable à la Commission européenne, conformément à l’article 108, paragraphe 3, TFUE. C’est à la juridiction de renvoi qu’il incombe de vérifier si l’État membre concerné s’est conformé à cette obligation et, si tel n’est pas le cas, de déclarer cette garantie illégale;

    les bénéficiaires d’une garantie de l’État telle que celle en cause au principal, octroyée en méconnaissance de l’article 108, paragraphe 3, TFUE et, partant, illégale, ne disposent pas de voie de recours conformément au droit de l’Union.

    Sur les dépens

    80

    La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

     

    Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) dit pour droit:

     

    La garantie fournie par l’État hongrois aux termes de l’article 25, paragraphes 1 et 2, du décret gouvernemental no 12/2001, du 31 janvier 2001, concernant les aides destinées à favoriser l’accès au logement accordée de manière exclusive aux établissements de crédit est, a priori, constitutive d’une «aide d’État», au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Toutefois, il appartient à la juridiction de renvoi d’apprécier plus particulièrement le caractère sélectif d’une telle garantie en déterminant, notamment, si, à la suite de la modification de ce décret prétendument intervenue au cours de l’année 2008, cette garantie est susceptible d’être accordée à d’autres opérateurs économiques que les seuls établissements de crédit et, dans l’affirmative, si cette circonstance est de nature à remettre en cause le caractère sélectif de ladite garantie.

     

    À supposer que la juridiction de renvoi qualifie la garantie de l’État en cause dans l’affaire au principal comme étant constitutive d’une «aide d’État» au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, une telle garantie doit être considérée comme une aide nouvelle, et est, à ce titre, soumise à l’obligation de notification préalable à la Commission européenne, conformément à l’article 108, paragraphe 3, TFUE. C’est à la juridiction de renvoi qu’il incombe de vérifier si l’État membre concerné s’est conformé à cette obligation et, si tel n’est pas le cas, de déclarer cette garantie illégale.

     

    Les bénéficiaires d’une garantie de l’État telle que celle en cause au principal, octroyée en méconnaissance de l’article 108, paragraphe 3, TFUE et, partant, illégale, ne disposent pas de voie de recours conformément au droit de l’Union.

     

    Signatures


    ( *1 ) Langue de procédure: le hongrois.

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