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Document 62013CJ0515

    Arrêt de la Cour (septième chambre) du 26 février 2015.
    Ingeniørforeningen i Danmark contre Tekniq.
    Demande de décision préjudicielle, introduite par l'Østre Landsret.
    Renvoi préjudiciel – Politique sociale – Directive 2000/78/CE – Égalité de traitement en matière d’emploi et de travail – Article 2, paragraphes 1 et 2, sous a) – Article 6, paragraphe 1 – Différence de traitement fondée sur l’âge – Réglementation nationale prévoyant l’absence de versement d’indemnité de licenciement aux travailleurs éligibles, à la date de leur départ, au bénéfice d’une pension de retraite du régime général.
    Affaire C-515/13.

    Recueil – Recueil général

    Identifiant ECLI: ECLI:EU:C:2015:115

    ARRÊT DE LA COUR (septième chambre)

    26 février 2015 ( *1 )

    «Renvoi préjudiciel — Politique sociale — Directive 2000/78/CE — Égalité de traitement en matière d’emploi et de travail — Article 2, paragraphes 1 et 2, sous a) — Article 6, paragraphe 1 — Différence de traitement fondée sur l’âge — Réglementation nationale prévoyant l’absence de versement d’indemnité de licenciement aux travailleurs éligibles, à la date de leur départ, au bénéfice d’une pension de retraite du régime général»

    Dans l’affaire C‑515/13,

    ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’Østre Landsret (Danemark), par décision du 17 septembre 2013, parvenue à la Cour le 25 septembre 2013, dans la procédure

    Ingeniørforeningen i Danmark, agissant pour Poul Landin,

    contre

    Tekniq, agissant pour ENCO A/S – VVS,

    LA COUR (septième chambre),

    composée de M. J.-C. Bonichot, président de chambre, MM. A. Arabadjiev (rapporteur) et J. L. da Cruz Vilaça, juges,

    avocat général: M. P. Cruz Villalón,

    greffier: M. I. Illéssy, administrateur,

    vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 2 octobre 2014,

    considérant les observations présentées:

    pour Ingeniørforeningen i Danmark, agissant pour M. Landin, par Me K. Schioldann, advokat,

    pour Tekniq, agissant pour ENCO A/S – VVS, par Mes C. Ketelsen et T. Lind-Larsen, advokaterne,

    pour le gouvernement danois, par Mme M. Wolff ainsi que par MM. C. Thorning et U. Melgaard, en qualité d’agents,

    pour la Commission européenne, par Mme M. Clausen et M. D. Martin, en qualité d’agents,

    vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

    rend le présent

    Arrêt

    1

    La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 2, paragraphe 2, sous a), et 6, paragraphe 1, de la directive 2000/78/CE du Conseil, du 27 novembre 2000, portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail (JO L 303, p. 16).

    2

    Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Ingeniørforeningen i Danmark, agissant pour M. Landin, à Tekniq, agissant pour ENCO A/S – VVS, au sujet du rejet par Tekniq de la demande de M. Landin visant à obtenir une indemnité spéciale de licenciement.

    Le cadre juridique

    La directive 2000/78

    3

    Aux termes de l’article 1er de la directive 2000/78, celle-ci «a pour objet d’établir un cadre général pour lutter contre la discrimination fondée sur la religion ou les convictions, [le] handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle, en ce qui concerne l’emploi et le travail, en vue de mettre en œuvre, dans les États membres, le principe de l’égalité de traitement».

    4

    L’article 2 de cette directive énonce:

    «1.   Aux fins de la présente directive, on entend par ‘principe de l’égalité de traitement’ l’absence de toute discrimination directe ou indirecte, fondée sur un des motifs visés à l’article 1er.

    2.   Aux fins du paragraphe 1:

    a)

    une discrimination directe se produit lorsqu’une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne le serait dans une situation comparable, sur la base de l’un des motifs visés à l’article 1er;

    [...]»

    5

    L’article 6 de la même directive est ainsi libellé:

    «1.   Nonobstant l’article 2, paragraphe 2, les États membres peuvent prévoir que des différences de traitement fondées sur l’âge ne constituent pas une discrimination lorsqu’elles sont objectivement et raisonnablement justifiées, dans le cadre du droit national, par un objectif légitime, notamment par des objectifs légitimes de politique de l’emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle, et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires.

    Ces différences de traitement peuvent notamment comprendre:

    a)

    la mise en place de conditions spéciales d’accès à l’emploi et à la formation professionnelle, d’emploi et de travail, y compris les conditions de licenciement et de rémunération, pour les jeunes, les travailleurs âgés et ceux ayant des personnes à charge, en vue de favoriser leur insertion professionnelle ou d’assurer leur protection;

    b)

    la fixation de conditions minimales d’âge, d’expérience professionnelle ou d’ancienneté dans l’emploi, pour l’accès à l’emploi ou à certains avantages liés à l’emploi;

    [...]

    2.   Nonobstant l’article 2, paragraphe 2, les États membres peuvent prévoir que ne constitue pas une discrimination fondée sur l’âge la fixation, pour les régimes professionnels de sécurité sociale, d’âges d’adhésion ou d’admissibilité aux prestations de retraite ou d’invalidité, y compris la fixation, pour ces régimes, d’âges différents pour des travailleurs ou des groupes ou catégories de travailleurs et l’utilisation, dans le cadre de ces régimes, de critères d’âge dans les calculs actuariels, à condition que cela ne se traduise pas par des discriminations fondées sur le sexe.»

    Le droit danois

    6

    La loi relative aux employés [lov om retsforholdet mellem arbejdsgivere og funktionærer (funktionærloven), ci-après la «loi relative aux employés»] contient à son article 2a les dispositions suivantes relatives à l’indemnité spéciale de licenciement:

    «1.   En cas de licenciement d’un employé qui a été au service de la même entreprise pendant une durée ininterrompue de 12 ans, de 15 ans ou de 18 ans, l’employeur acquitte, lors du départ de l’employé, un montant correspondant respectivement à un, à deux ou à trois mois de salaire.

    2.   Les dispositions du paragraphe 1 ne sont pas applicables si l’employé va toucher, au moment du départ, la pension de retraite du régime général.

    3.   Si l’employé va toucher, au moment du départ, une pension de vieillesse versée par l’employeur et si l’employé a adhéré au régime de retraite en question avant d’avoir atteint l’âge de 50 ans, l’indemnité de licenciement n’est pas versée.

    4.   Les dispositions du paragraphe 3 ne sont pas applicables si une convention collective règle, à la date du 1er juillet 1996, la question de la réduction ou de la suppression de l’indemnité de licenciement du fait de la pension de vieillesse versée par l’employeur.

    5.   Les dispositions du paragraphe 1 sont applicables mutatis mutandis en cas de licenciement abusif.»

    Le litige au principal et la question préjudicielle

    7

    M. Landin est né le 24 novembre 1944 et a été engagé le 11 janvier 1999 en qualité d’ingénieur en application des dispositions de la loi relative aux employés.

    8

    Avec effet au jour de son 65e anniversaire, le 24 novembre 2009, il a demandé que le versement de sa pension de retraite du régime général soit différé afin d’obtenir un montant plus élevé.

    9

    Le 30 novembre 2011, la défenderesse au principal a notifié à M. Landin, alors âgé de 67 ans, sa décision de le licencier au terme d’un préavis de six mois, à la fin du mois de mai 2012, conformément aux dispositions de la loi relative aux employés compte tenu de son ancienneté.

    10

    Étant donné que M. Landin, âgé de plus de 65 ans, était éligible au bénéfice de la pension de retraite du régime général, la défenderesse au principal ne lui a pas versé l’indemnité spéciale de licenciement prévue à l’article 2a, paragraphe 1, de la loi relative aux employés au motif que, conformément aux dispositions de l’article 2a, paragraphe 2, de cette loi, le salarié éligible au bénéfice de la pension de retraite du régime général perd le droit à l’indemnité prévue au paragraphe 1 dudit article 2a, même s’il continue à exercer une activité professionnelle et même s’il a demandé que le versement de cette pension soit différé.

    11

    M. Landin a travaillé durant toute la période du préavis et, à l’échéance de celle-ci, a intégré un emploi d’ingénieur sprinkler chez un autre employeur, aux conditions normales du marché et en application de la loi relative aux employés.

    12

    Il a alors intenté une procédure afin d’obtenir l’indemnité spéciale de licenciement prévue à l’article 2a, paragraphe 1, de la loi relative aux employés, faisant valoir que le refus de ce paiement est contraire au droit de l’Union.

    13

    Dans ces conditions, l’Østre Landsret a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

    «L’interdiction des discriminations directes fondées sur l’âge, résultant des articles 2 et 6 de la directive [2000/78], doit-elle être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à ce qu’un État membre maintienne un régime juridique prévoyant que, en cas de licenciement d’un employé qui a été au service de la même entreprise pendant une durée ininterrompue de 12 ans, de 15 ans ou de 18 ans, l’employeur acquitte, lors du départ de l’employé, une indemnité correspondant respectivement à un, à deux ou à trois mois de salaire, mais que cette indemnité n’est pas versée si l’employé a la possibilité, au moment du départ, de bénéficier de la pension de retraite du régime général?»

    Sur la question préjudicielle

    14

    Afin de répondre à la question posée, il convient, dans un premier temps, de rechercher s’il résulte de l’application de l’article 2a, paragraphe 2, de la loi relative aux employés une différence de traitement, au sens de l’article 2, paragraphe 1, de la directive 2000/78.

    15

    En l’occurrence, l’article 2a, paragraphe 2, de la loi relative aux employés a pour effet de priver du droit à l’indemnité spéciale de licenciement certains travailleurs, et ce au seul motif qu’ils peuvent bénéficier, à la date de leur licenciement, d’une pension de retraite du régime général. Or, il ressort du dossier que l’admission au bénéfice d’une telle pension est soumise à une condition d’âge minimal qui a été fixé à 65 ans pour les travailleurs nés avant l’année 1954. Cette disposition est ainsi fondée sur un critère qui est indissociablement lié à l’âge des salariés (voir, par analogie, arrêt Ingeniørforeningen i Danmark, C‑499/08, EU:C:2010:600, point 23).

    16

    Il s’ensuit que la réglementation nationale en cause au principal contient une différence de traitement directement fondée sur le critère de l’âge au sens des dispositions combinées des articles 1er et 2, paragraphe 2, sous a), de la directive 2000/78.

    17

    Il convient, dans un second temps, d’examiner si cette différence de traitement peut être justifiée.

    18

    L’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 2000/78 précise en effet que les États membres peuvent prévoir qu’une différence de traitement en fonction de l’âge ne constitue pas une discrimination lorsqu’elle est objectivement et raisonnablement justifiée, dans le cadre du droit national, par des objectifs légitimes, notamment par des objectifs légitimes de politique de l’emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle, et que les moyens destinés à atteindre ces objectifs sont appropriés et nécessaires (arrêt Schmitzer, C‑530/13, EU:C:2014:2359, point 37).

    19

    La Cour a itérativement jugé que les États membres disposent d’une large marge d’appréciation dans le choix non seulement de la poursuite d’un objectif déterminé parmi d’autres en matière de politique sociale et de l’emploi, mais également dans la définition des mesures susceptibles de le réaliser (arrêts Specht e.a., C‑501/12 à C‑506/12, C‑540/12 et C‑541/12, EU:C:2014:2005, point 46 ainsi que jurisprudence citée, et Schmitzer, EU:C:2014:2359, point 38).

    20

    Pour apprécier le caractère légitime de l’objectif poursuivi par la disposition en cause au principal, il y a lieu de relever, d’une part, que l’indemnité spéciale de licenciement a pour objet, comme l’indique la juridiction de renvoi en se référant à l’exposé des motifs du projet de loi relative aux employés, de faciliter la transition vers un nouvel emploi des travailleurs les plus âgés qui disposent d’une ancienneté importante auprès du même employeur. D’autre part, si le législateur a entendu restreindre le bénéfice de cette indemnité aux travailleurs qui, à la date de leur licenciement, n’ont pas été admis au bénéfice d’une pension de retraite du régime général, les travaux préparatoires de cette mesure législative, cités par la juridiction de renvoi, démontrent que cette limitation repose sur le constat selon lequel les personnes admises au bénéfice d’une telle pension de retraite décident, en règle générale, de quitter le marché du travail (voir, en ce sens, arrêt Ingeniørforeningen i Danmark, EU:C:2010:600, point 27).

    21

    Ainsi qu’il ressort du dossier dont dispose la Cour, la limitation instaurée à l’article 2a, paragraphe 2, de la loi relative aux employés vise à garantir que les employeurs ne paient pas aux employés licenciés jouissant d’une grande ancienneté une double compensation qui ne servirait aucun objectif en matière de politique de l’emploi.

    22

    La finalité de protection des travailleurs disposant d’une importante ancienneté dans l’entreprise et d’aide à leur réinsertion professionnelle poursuivie par l’indemnité spéciale de licenciement relève de la catégorie des objectifs légitimes de politique de l’emploi et du marché du travail au sens de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2000/78 (arrêt Ingeniørforeningen i Danmark, EU:C:2010:600, point 29).

    23

    Selon cette dernière disposition, ces objectifs sont susceptibles de justifier, à titre de dérogation au principe d’interdiction des discriminations fondées sur l’âge, des différences de traitement liées, notamment, «à la mise en place de conditions spéciales [...] d’emploi et de travail, y compris les conditions de licenciement et de rémunération, pour [...] les travailleurs âgés [...], en vue de favoriser leur insertion professionnelle ou d’assurer leur protection».

    24

    Par conséquent, des objectifs tels que ceux poursuivis par la disposition nationale en cause au principal doivent, en principe, être considérés comme étant de nature à justifier «objectivement et raisonnablement», «dans le cadre du droit national», ainsi que le prévoit l’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 2000/78, une différence de traitement fondée sur l’âge (arrêt Ingeniørforeningen i Danmark, EU:C:2010:600, point 31).

    25

    Encore faut-il vérifier, selon les termes mêmes de ladite disposition, si les moyens mis en œuvre pour réaliser ces objectifs sont «appropriés et nécessaires». Il y a lieu, en l’occurrence, d’examiner si l’article 2a, paragraphe 2, de la loi relative aux employés permet d’atteindre les objectifs de politique de l’emploi poursuivis par le législateur sans pour autant porter une atteinte excessive aux intérêts légitimes des travailleurs qui se trouvent, du fait de cette disposition, privés de cette indemnité au motif qu’ils sont éligibles au bénéfice d’une pension de retraite du régime général (voir, en ce sens, arrêt Ingeniørforeningen i Danmark, EU:C:2010:600, point 32).

    26

    À cet égard, il convient de rappeler que les États membres disposent d’une large marge d’appréciation dans le choix des mesures susceptibles de réaliser leurs objectifs en matière de politique sociale et d’emploi. Toutefois, cette marge d’appréciation ne saurait avoir pour effet de vider de sa substance la mise en œuvre du principe de non-discrimination fondée sur l’âge (arrêt Ingeniørforeningen i Danmark, EU:C:2010:600, point 33 et jurisprudence citée).

    27

    Or, restreindre l’indemnité spéciale de licenciement aux seuls travailleurs qui ne vont pas, à la date de leur licenciement, bénéficier d’une pension de retraite du régime général n’apparaît pas déraisonnable au regard de la finalité poursuivie par le législateur, consistant à apporter une protection accrue aux travailleurs dont la transition vers un nouvel emploi s’avère délicate en raison de leur ancienneté dans l’entreprise. L’article 2a, paragraphe 2, de la loi relative aux employés permet également de limiter les possibilités d’abus consistant, pour un travailleur, à bénéficier d’une indemnité destinée à le soutenir dans la recherche d’un nouvel emploi alors qu’il va partir à la retraite (voir, en ce sens, arrêt Ingeniørforeningen i Danmark, EU:C:2010:600, point 34).

    28

    Dès lors, il convient de considérer qu’une disposition telle que l’article 2a, paragraphe 2, de la loi relative aux employés n’apparaît pas manifestement inappropriée pour atteindre l’objectif légitime de politique de l’emploi poursuivi par le législateur de l’Union européenne.

    29

    Il convient encore de vérifier si cette mesure excède ce qui est nécessaire pour atteindre un tel objectif.

    30

    Il ressort du dossier dont dispose la Cour que le législateur a mis en balance la protection des travailleurs qui, en raison de leur ancienneté dans l’entreprise, sont généralement parmi les plus âgés, avec celle des travailleurs plus jeunes, lesquels ne peuvent prétendre au bénéfice de l’indemnité spéciale de licenciement. Les travaux préparatoires de la loi no 1417, du 22 décembre 2004, par laquelle a été transposée la directive 2000/78, cités par la juridiction de renvoi, démontreraient, à cet égard, que le législateur a pris en considération le fait que l’indemnité spéciale de licenciement, en tant qu’instrument de protection renforcée d’une catégorie de travailleurs définie par rapport à leur ancienneté de service, constitue une forme de différence de traitement au détriment des travailleurs plus jeunes. Le gouvernement danois fait ainsi observer que la limitation du champ d’application de l’indemnité spéciale de licenciement prévue à l’article 2a, paragraphe 2, de la loi relative aux employés permet de ne pas étendre au-delà de ce qui est nécessaire une mesure de protection sociale qui n’a pas vocation à s’appliquer aux travailleurs les plus jeunes.

    31

    En outre, la mesure en cause au principal tendrait à garantir, conformément au principe de proportionnalité et à la nécessité de lutter contre les abus, que l’indemnité spéciale de licenciement ne soit versée qu’aux personnes auxquelles elle est destinée, c’est-à-dire à celles qui entendent demeurer actives, mais qui, eu égard à leur âge, éprouvent généralement plus de difficultés à trouver un nouvel emploi. Cette mesure permettrait également d’éviter que l’indemnité spéciale de licenciement ne soit versée à des personnes qui vont, par ailleurs, bénéficier d’une pension de retraite du régime général.

    32

    Il ressort de ces éléments que l’article 2a, paragraphe 2, de la loi relative aux employés, dans la mesure où il exclut du bénéfice de l’indemnité spéciale de licenciement les travailleurs qui vont percevoir, à la date de leur licenciement, une pension de retraite du régime général, ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs qu’il vise à concilier (voir, en ce sens, arrêt Ingeniørforeningen i Danmark, EU:C:2010:600, point 40).

    33

    Il convient toutefois d’examiner si ce constat est susceptible d’être remis en cause par la circonstance que cette disposition assimile aux personnes qui vont effectivement percevoir une pension de retraite du régime général celles qui sont éligibles au bénéfice d’une telle pension (voir, par analogie, arrêt Ingeniørforeningen i Danmark, EU:C:2010:600, point 41).

    34

    L’article 2a, paragraphe 2, de la loi relative aux employés a pour effet d’exclure du bénéfice de l’indemnité spéciale de licenciement tous les travailleurs qui sont éligibles, à la date de leur licenciement, à une pension de retraite du régime général. Il convient donc d’examiner si une telle exclusion ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs poursuivis (voir, en ce sens, arrêt Ingeniørforeningen i Danmark, EU:C:2010:600, point 43).

    35

    Il ressort des explications fournies par la juridiction de renvoi et le gouvernement danois que cette exclusion repose sur l’idée selon laquelle, en règle générale, les salariés quittent le marché du travail dès lors qu’ils sont éligibles à une pension de retraite du régime général. En raison de cette appréciation liée à l’âge, un travailleur qui, bien que remplissant les conditions d’éligibilité au bénéfice d’une pension de retraite du régime général, souhaite y renoncer temporairement afin de poursuivre sa carrière professionnelle ne pourra percevoir l’indemnité spéciale de licenciement, pourtant destinée à le protéger. Ainsi, dans le but légitime d’éviter que cette indemnité ne bénéficie à des personnes qui ne cherchent pas un nouvel emploi, mais vont percevoir un revenu de substitution prenant la forme d’une pension de retraite du régime général, la mesure en cause aboutit à priver de ladite indemnité des travailleurs licenciés qui veulent rester sur le marché du travail, au seul motif qu’ils pourraient, en raison notamment de leur âge, disposer d’une telle pension (voir arrêt Ingeniørforeningen i Danmark, EU:C:2010:600, point 44).

    36

    Au point 45 de l’arrêt Ingeniørforeningen i Danmark (EU:C:2010:600), dans lequel était en cause l’article 2a, paragraphe 3, de la loi relative aux employés, prévoyant l’exclusion de l’indemnité spéciale de licenciement lorsque l’employé a la possibilité, à la date de son départ, de bénéficier de la pension de retraite versée par son employeur, la Cour a considéré que cette disposition rendait plus difficile pour un tel employé l’exercice ultérieur de son droit de travailler, car, se trouvant en situation de transition vers un nouvel emploi, il ne bénéficiait pas de cette indemnité. Au point 46 de cet arrêt, la Cour a constaté l’existence d’un risque pour les travailleurs concernés de devoir accepter une pension de vieillesse d’un montant réduit, entraînant une perte de revenus significative à long terme.

    37

    Toutefois, il y a lieu de constater que le litige au principal se distingue de celui à l’origine de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Ingeniørforeningen i Danmark (EU:C:2010:600).

    38

    La pension de vieillesse en cause dans ladite affaire pouvant être versée à partir de l’âge de 60 ans, tout employé ayant atteint cet âge au jour de son départ ne pouvait bénéficier que d’une pension d’un montant réduit par rapport à celui qu’il aurait obtenu s’il avait pu attendre d’avoir l’âge de départ à la retraite pour faire valoir ses droits à celle-ci. Partant, il risquait en effet de subir une minoration du montant versé au titre de la retraite anticipée.

    39

    Tel n’est pas le cas dans l’affaire au principal, qui concerne l’exclusion de l’indemnité spéciale de licenciement dans le cas où l’employé a la possibilité, à la date de son départ, de bénéficier de la pension de retraite du régime général. Ainsi qu’il ressort du dossier dont dispose la Cour, cette pension de retraite est assimilable à une prise en charge lorsque l’âge de la retraite défini au niveau national est atteint. Au cours de la période allant de l’année 1999 à l’année 2023, l’âge normal du départ à la retraite est de 65 ans et cette limite sera progressivement portée à l’âge de 67 ans pour l’année 2027.

    40

    En effet, il y a lieu de constater que le risque de subir une minoration du montant versé au titre de la retraite anticipée ne concerne en principe pas les employés qui, tel M. Landin, âgé de 67 ans à la date de son licenciement, peuvent bénéficier de la pension de retraite du régime général.

    41

    En outre, dans la mesure où l’indemnité spéciale de licenciement est une indemnité unique correspondant à un, à deux ou à trois mois de salaire, une disposition telle que celle en cause au principal n’apparaît pas susceptible de causer une perte de revenus significative à long terme.

    42

    À cet égard, le litige au principal se distingue également de celui à l’origine de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Dansk Jurist- og Økonomforbund (C‑546/11, EU:C:2013:603), laquelle concernait l’exclusion, pour les fonctionnaires qui ont atteint l’âge de 65 ans et sont éligibles au bénéfice d’une pension de retraite, du droit au maintien de leur traitement pendant trois années.

    43

    Ces conclusions ne sont pas remises en cause par la circonstance qu’un employé tel que M. Landin peut, en continuant de travailler au-delà de l’âge de la retraite, augmenter le montant de sa pension de retraite. Il y a lieu, en effet, de relever que, ainsi que l’a indiqué le gouvernement danois en réponse à une question posée lors de l’audience, il est possible de percevoir la pension de retraite du régime général tout en exerçant une activité professionnelle. Le versement de cette pension peut également être suspendu en vue d’exercer une telle activité et ainsi, à terme, d’augmenter le montant de ladite pension.

    44

    Dans ces conditions, et compte tenu des éléments relevés aux points 40 et 41 du présent arrêt, dont il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier l’exactitude, une mesure telle que celle prévue à l’article 2a, paragraphe 2, de la loi relative aux employés n’apparaît pas porter une atteinte excessive aux intérêts légitimes des travailleurs ayant atteint l’âge normal de la retraite.

    45

    Eu égard à ce qui précède, il convient de répondre à la question posée que les articles 2, paragraphes 1 et 2, sous a), et 6, paragraphe 1, de la directive 2000/78 doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui prévoit que, en cas de licenciement d’un employé qui a été au service de la même entreprise pendant une durée ininterrompue de 12 ans, de 15 ans ou de 18 ans, l’employeur acquitte, lors du départ de cet employé, une indemnité correspondant respectivement à un, à deux ou à trois mois de salaire, mais que cette indemnité n’est pas versée si ledit employé a la possibilité, à la date de son départ, de bénéficier de la pension de retraite du régime général, dans la mesure où, d’une part, cette réglementation est objectivement et raisonnablement justifiée par un objectif légitime relatif à la politique de l’emploi et du marché du travail et, d’autre part, elle constitue un moyen approprié et nécessaire pour la réalisation de cet objectif. Il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier que tel est le cas.

    Sur les dépens

    46

    La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

     

    Par ces motifs, la Cour (septième chambre) dit pour droit:

     

    Les articles 2, paragraphes 1 et 2, sous a), et 6, paragraphe 1, de la directive 2000/78/CE du Conseil, du 27 novembre 2000, portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail, doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui prévoit que, en cas de licenciement d’un employé qui a été au service de la même entreprise pendant une durée ininterrompue de 12 ans, de 15 ans ou de 18 ans, l’employeur acquitte, lors du départ de cet employé, une indemnité correspondant respectivement à un, à deux ou à trois mois de salaire, mais que cette indemnité n’est pas versée si ledit employé a la possibilité, à la date de son départ, de bénéficier de la pension de retraite du régime général, dans la mesure où, d’une part, cette réglementation est objectivement et raisonnablement justifiée par un objectif légitime relatif à la politique de l’emploi et du marché du travail et, d’autre part, elle constitue un moyen approprié et nécessaire pour la réalisation de cet objectif. Il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier que tel est le cas.

     

    Signatures


    ( *1 ) Langue de procédure: le danois.

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