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Document 62013CO0488

Ordonnance de la Cour (cinquième chambre) du 9 septembre 2014.
«Parva Investitsionna Banka» AD e.a. contre «Ear Proparti Developmant – v nesastoyatelnost» AD et Sindik na «Ear Proparti Developmant – v nesastoyatelnost» AD.
Demande de décision préjudicielle, introduite par l’Okrazhen sad – Tagrovishte.
Renvoi préjudiciel – Règlement (CE) nº 1896/2006 – Notion de ‘créances pécuniaires incontestées’ – Procédure d’insolvabilité – Titre extrajudiciaire portant sur une créance contestée – Demande d’exécution à partir de la masse de la faillite, sur le fondement d’un tel titre – Situation ne relevant pas du champ d’application du règlement nº 1896/2006 – Incompétence manifeste de la Cour.
Affaire C‑488/13.

Recueil – Recueil général

Identifiant ECLI: ECLI:EU:C:2014:2191

ORDONNANCE DE LA COUR (cinquième chambre)

9 septembre 2014 ( *1 )

«Renvoi préjudiciel — Règlement (CE) no 1896/2006 — Notion de ‘créances pécuniaires incontestées’ — Procédure d’insolvabilité — Titre extrajudiciaire portant sur une créance contestée — Demande d’exécution à partir de la masse de la faillite, sur le fondement d’un tel titre — Situation ne relevant pas du champ d’application du règlement no 1896/2006 — Incompétence manifeste de la Cour»

Dans l’affaire C‑488/13,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’Okrazhen sad – Targovishte (Bulgarie), par décision du 2 septembre 2013, parvenue à la Cour le 9 septembre 2013, dans la procédure

«Parva Investitsionna Banka» AD,

«UniKredit Bulbank» AD,

«Siyk Faundeyshan» LLS,

contre

«Ear Proparti Developmant – v nesastoyatelnost» AD,

Sindik na «Ear Proparti Developmant – v nesastoyatelnost» AD,

en présence de:

Natsionalna agentsia za prihodite,

«Aset Menidzhmant» EAD,

«Ol Siyz Balgaria» OOD,

«Si Dzhi Ef – aktsionerna obshtnost» AD,

«Silvar Biych» EAD,

«Rudersdal» EOOD,

«Kota Enerdzhi» EAD,

Chavdar Angelov Angelov,

LA COUR (cinquième chambre),

composée de M. T. von Danwitz (rapporteur), président de chambre, MM. E. Juhász, A. Rosas, D. Šváby et C. Vajda, juges,

avocat général: M. P. Mengozzi,

greffier: M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées:

pour «Parva Investitsionna Banka» AD, par Me I. Dermendzhiev, advokat,

pour «UniKredit Bulbank» AD, par Mme M. Fezliyska ainsi que par MM. A. Kazini et L. K. Hampartsumyan,

pour «Siyk Faundeyshan» LLS, par Me Z. Tomov, advokat,

pour «Ear Proparti Developmant – v nesastoyatelnost» AD, par Me M. G. Nakova, advokat,

pour le Sindik na «Ear Proparti Developmant – v nesastoyatelnost» AD, par Mme G. Y. Kolyovska,

pour «Aset Menidzhmant» EAD, par Me D. Ianakiev, advokat,

pour «Ol Siyz Balgaria» OOD, par Me V. Skochev, advokat,

pour «Silvar Biych» EAD, par Me D. Ianakiev, advokat,

pour «Rudersdal» EOOD, par Me V. Goshev, advokat,

pour «Kota Enerdzhi» EAD, par Me M. Nikolova, advokat,

pour la Commission européenne, par Mme S. Petrova et M. M. Wilderspin, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

Ordonnance

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation du règlement (CE) no 1896/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, instituant une procédure européenne d’injonction de payer (JO L 399, p. 1).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant «Parva Investitsionna Banka» AD, «UniKredit Bulbank» AD et «Siyk Faundeyshan» LLS à «Ear Proparti Developmant – v nesastoyatelnost» AD et au Sindik na «Ear Proparti Developmant – v nesastoyatelnost» AD, et relatif à une procédure d’insolvabilité ouverte contre «Ear Proparti Developmant – v nesastoyatelnost» AD.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3

Conformément à son article 1er, paragraphe 1, sous a), le règlement no 1896/2006 a pour objet de «simplifier, d’accélérer et de réduire les coûts de règlement dans les litiges transfrontaliers concernant des créances pécuniaires incontestées en instituant une procédure européenne d’injonction de payer».

4

L’article 2 de ce règlement, intitulé «Champ d’application», prévoit:

«1.   Le présent règlement s’applique en matière civile et commerciale dans les litiges transfrontaliers, quelle que soit la nature de la juridiction. Il ne recouvre notamment pas les matières fiscales, douanières ou administratives, ni la responsabilité de l’État pour des actes ou des omissions commis dans l’exercice de la puissance publique (‘acta jure imperii’).

2.   Sont exclus de l’application du présent règlement:

[...]

b)

les faillites, concordats et autres procédures analogues;

[...]»

5

L’article 3 dudit règlement définit les litiges transfrontaliers comme suit:

«1.   Aux fins du présent règlement, un litige transfrontalier est un litige dans lequel au moins une des parties a son domicile ou sa résidence habituelle dans un État membre autre que l’État membre de la juridiction saisie.

2.   Le domicile est déterminé conformément aux articles 59 et 60 du règlement (CE) no 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale [(JO 2001, L 12, p. 1)].

3.   Le moment auquel s’apprécie le caractère transfrontalier d’un litige est celui où la demande d’injonction de payer européenne est introduite conformément au présent règlement.»

6

L’article 21 du même règlement, intitulé «Exécution», dispose à son paragraphe 1, premier alinéa:

«Sans préjudice des dispositions du présent règlement, les procédures d’exécution sont régies par le droit de l’État membre d’exécution.»

7

L’article 26 du règlement no 1896/2006, intitulé «Relation avec le droit procédural national», dispose:

«Toute question procédurale non expressément réglée par le présent règlement est régie par le droit national.»

Le droit bulgare

La Constitution

8

L’article 5, paragraphe 4, de la Constitution dispose:

«Les accords internationaux, ratifiés selon la procédure constitutionnelle, publiés et entrés en vigueur pour la République de Bulgarie, font partie du droit national de l’État. Ils ont la priorité sur les normes de la législation nationale si celles-ci sont en contradiction avec eux.»

La loi sur le commerce

9

L’article 717n, de la loi sur le commerce (Targovski zakon, ci‑après le «TZ») dispose:

«Lors de la vente d’un bien qui est hypothéqué par le débiteur en vue de garantir la dette d’autrui, le syndic envoie au créancier hypothécaire un avis de vente. Le montant échu au créancier hypothécaire est conservé par le syndic et remis au créancier sur présentation d’un titre exécutoire de sa créance.»

Le code de procédure civile

10

L’article 417 du code de procédure civile (Grazhdanski protsesualen kodeks, ci-après le «GPK») prévoit:

«Le demandeur peut solliciter la délivrance d’unе injonction également lorsque la créance, indépendamment de son montant, est fondée sur:

1)

un acte d’un organe administratif, dont les tribunaux civils sont chargés d’autoriser l’exécution;

2)

un document comptable ou un relevé de la comptabilité qui établit la créance d’un établissement de l’État, d’une commune ou d’une banque;

3)

un acte notarié, un arrangement ou un autre accord, avec légalisation notariale des signatures, en ce qui concerne des obligations de paiement d’argent ou d’autres éléments fongibles qui y sont inscrits, ainsi que des obligations de transmission de biens déterminés;

[...]»

11

L’article 418 de ce code dispose:

«1.   Lorsque la demande est accompagnée d’un document visé à l’article 417 sur lequel se fonde la créance, le créancier peut demander au tribunal d’ordonner l’exécution immédiate et de délivrer un titre exécutoire.

2.   Le titre exécutoire est délivré après que le tribunal a vérifié la régularité formelle du document et a constaté une créance exécutoire envers le débiteur. Pour délivrer le titre exécutoire, le tribunal appose une note à cet effet sur le document présenté et sur l’injonction.

3.   Lorsque, selon le document présenté, l’exigibilité de la dette dépend de l’exécution d’une contrepartie ou de la réalisation d’un autre fait, l’exécution de cette contrepartie ou la survenance de cette circonstance doivent être constatées par un document officiel ou par un document provenant du débiteur.

4.   L’acte par lequel est rejetée en tout ou en partie la demande de délivrance d’un titre exécutoire peut faire l’objet d’un recours par le demandeur dans un délai d’une semaine à compter de sa notification, par un recours incident, dont il n’est pas présenté de copie pour signification.

[...]»

La loi sur les actes normatifs

12

L’article 46 de la loi sur les actes normatifs (Zakon za normativnite aktove, ci-après le «ZNA»), concernant l’interprétation des actes normatifs, dispose:

«1.   Les dispositions des actes normatifs s’appliquent selon leur sens strict. Si elles ne sont pas claires, elles sont interprétées dans le sens qui correspond le mieux aux autres dispositions, à la finalité de l’acte interprété et aux principes généraux du droit bulgare.

2.   Lorsque l’acte normatif est incomplet, sont appliquées aux cas de figure qu’il ne réglemente pas les dispositions qui concernent des cas analogues, pour autant que cela est conforme à la finalité de l’acte. En l’absence de dispositions de ce type, les rapports sont régis par les principes généraux du droit bulgare [...]»

Le litige au principal et les questions préjudicielles

13

L’Okrazhen sad – Targovishte (tribunal régional de Targovishte), compétent en matière de faillites, a ouvert, par une décision du 30 mai 2011, une procédure d’insolvabilité contre «Ear Proparti Developmant – v nesastoyatelnost» AD et a ordonné, par une décision du 15 juin 2012, la saisie des biens faisant partie de la masse de la faillite ainsi que la liquidation de ceux-ci.

14

Le Sindik na «Ear Proparti Developmant – v nesastoyatelnost» AD (syndic désigné dans le cadre de la procédure ouverte contre ««Ear Proparti Developmant – v nesastoyatelnost» AD) a procédé à la vente de plusieurs biens immobiliers faisant partie de ladite masse et grevés d’hypothèques au profit de «Parva Investitsionna Banka» AD (ci-après «Parva Investitsionna Banka»). Ces hypothèques avaient été constituées en vue de garantir des contrats relatifs à des crédits, conclus entre Parva Investitsionna Banka et des tiers, à savoir «Port Investmant Developmant – Balgaria 2» EAD et «Aset Menidzhmant» EAD.

15

Parva Investitsionna Banka est titulaire de plusieurs titres exécutoires extrajudiciaires relatifs aux créances liées à ces crédits hypothécaires. Cette société a introduit une requête, fondée sur l’article 717n, du TZ et tendant à ce qu’il soit procédé à l’exécution par provision et immédiate de ces titres, en application des articles 417 et 418 du GPK. Elle demandait le paiement du prix auquel avaient été vendus les biens immobiliers faisant partie de la masse de la faillite. Ces créances étant contestées, notamment, par les sociétés débitrices, le Sindik na «Ear Proparti Developmant – v nesastoyatelnost» AD a demandé à la juridiction de renvoi de se prononcer, entre autres, sur les conditions d’application de l’article 717n, du TZ, dans l’hypothèse où le paiement d’une créance contestée est demandé à partir de la masse de la faillite.

16

Selon la juridiction de renvoi, cette demande pose, en substance, la question de savoir si le paiement, à partir de la masse de la faillite et selon les modalités prévues à l’article 717n, du TZ, d’une créance contestée, dont l’exécution provisoire et immédiate a été autorisée sur le fondement de titres extrajudiciaires, peut être considéré comme licite.

17

À cet égard, cette juridiction fait état d’un arrêt du Konstitutsionen sad (Cour constitutionnelle) du 2 octobre 2012 (affaire no 4/2012), ayant confirmé la conformité à la Constitution des articles 417 et 418 du GPK habilitant les banques, sur le fondement d’un relevé des comptes de crédit, à obtenir une exécution immédiate. L’examen auquel s’est livré le Konstitutsionen sad aurait été effectué au regard du règlement no 1896/2006 en raison du fait que ce dernier fait partie du droit national interne et qu’il bénéficie d’une primauté, conformément à l’article 5, paragraphe 4, de la Constitution, par rapport aux normes internes qui sont contraires aux principes juridiques et aux solutions qu’il prévoit.

18

La juridiction de renvoi considère que l’examen du droit national révèle l’existence d’un vide juridique étant donné que l’article 717n, du TZ ne prévoit pas le cas dans lequel une demande formée au titre de cette disposition est contestée. Selon cette juridiction, l’article 46, paragraphe 2, du ZNA lui impose, lorsqu’un tel vide est relevé, de tenir compte de l’économie de la loi et des principes généraux du droit, afin de statuer sur la demande dont elle est saisie. Le règlement no 1896/2006, même s’il porte exclusivement sur une procédure européenne d’injonction de payer, est, selon ladite juridiction, la seule réglementation dont les solutions normatives sont, par leur objet, suffisamment proches de la nature du litige pendant devant elle. Ce règlement prévoirait des règles et des principes pertinents aux fins de répondre aux questions relatives au conflit existant entre la procédure d’exécution individuelle et la procédure d’insolvabilité.

19

Conformément à l’article 5, paragraphe 4, de la Constitution, ledit règlement ferait partie du droit national. Il y aurait donc lieu de tenir compte de celui-ci lors de l’interprétation des principes généraux du droit et de la détermination de l’économie de la loi.

20

C’est dans ces conditions que l’Okrazhen sad – Targovishte a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)

Comment faut-il interpréter le critère relatif au caractère incontestable, au sens du considérant 6 et de l’article 1er du règlement [no 1896/2006], de la créance pécuniaire exécutée?

2)

Dans les cas où la législation nationale d’un État membre de l’Union européenne, sur le territoire duquel la créance pécuniaire est exécutée, est muette quant à l’application de l’injonction de payer cette créance dans la procédure d’insolvabilité, ouverte à l’égard de la personne sur le patrimoine de laquelle l’exécution est demandée l’interdiction posée à l’article 2, paragraphe 2, sous b), du règlement [no 1896/2006] doit-elle recevoir une interprétation stricte et ne s’appliquer qu’à l’égard des créances pécuniaires contestées dont l’exécution est demandée ou bien concerne-t-elle également les créances pécuniaires incontestées dont l’exécution est demandée?

3)

Comment faut-il interpréter l’article 2, paragraphe 2, sous b), du règlement [no 1896/2006], qui prévoit l’exclusion de son champ d’application des faillites de sociétés ou d’autres personnes morales, des concordats et d’autres procédures analogues, en vue de savoir si la limitation ne concerne que l’ouverture des procédures précitées, ou bien si elle comprend également leur déroulement complet, en fonction des étapes procédurales prévues par le droit national de l’État membre en cause?

4)

Au regard du principe de la primauté du droit communautaire et en présence d’une lacune du droit national d’un État membre de l’Union européenne, la juridiction nationale de l’État membre en cause, devant laquelle une procédure d’insolvabilité a été ouverte à l’égard de la personne sur le patrimoine de laquelle l’exécution est demandée, peut-elle retenir, par voie interprétative, une solution différente, contraire aux principes généraux qui sous-tendent le règlement [no 1896/2006], sur le fondement du considérant 10 et de l’article 26 de ce dernier?»

Sur la compétence de la Cour

21

Conformément à son article 1er, le règlement no 1896/2006 institue une procédure européenne d’injonction de payer dans les litiges transfrontaliers concernant des créances pécuniaires incontestées.

22

Il ressort de la décision de renvoi que l’affaire au principal ne porte ni sur une procédure européenne d’injonction de payer, prévue par le règlement no 1896/2006, ni sur l’exécution d’une injonction de payer européenne, délivrée sur le fondement de celui-ci, mais concerne l’exécution d’un titre extrajudiciaire, dont l’exécution par provision et immédiate est demandée sur le fondement du droit national dans le cadre d’une procédure d’insolvabilité.

23

Ainsi, il est manifeste que la situation en cause au principal ne relève pas du champ d’application du règlement no 1896/2006, dont la juridiction de renvoi demande l’interprétation.

24

Or, il découle de la décision de renvoi que, par ses questions, la juridiction de renvoi sollicite une interprétation du règlement no 1896/2006, afin de combler une lacune que cette juridiction a relevée dans la législation nationale applicable à une situation, telle que celle en cause au principal, ne relevant pas du champ d’application de ce règlement.

25

À cet égard, il y a lieu de rappeler que, conformément à l’article 94, sous c), du règlement de procédure de la Cour, la demande de décision préjudicielle doit contenir l’exposé des raisons qui ont conduit la juridiction de renvoi à s’interroger sur l’interprétation ou la validité de certaines dispositions du droit de l’Union ainsi que le lien qu’elle établit entre ces dispositions et la législation nationale applicable au litige au principal. Cet exposé, de même que l’exposé sommaire des faits pertinents requis à l’article 94, sous a), dudit règlement de procédure, doit permettre à la Cour de vérifier, outre la recevabilité de la demande de décision préjudicielle, sa compétence pour répondre à la question posée (arrêt Siragusa, C‑206/13, EU:C:2014:126, point 19).

26

En outre, la Cour n’est, en principe, pas compétente pour répondre à une question posée à titre préjudiciel lorsqu’il est manifeste que la disposition du droit de l’Union soumise à son interprétation ne peut trouver à s’appliquer (voir, en ce sens, arrêt Caixa d’Estalvis i Pensions de Barcelona, C‑139/12, EU:C:2014:174, point 41 et jurisprudence citée).

27

Toutefois, dans une situation, telle que celle en cause au principal, dans laquelle les faits se situent en dehors du champ d’application des dispositions du droit de l’Union dont l’interprétation est sollicitée, la Cour est compétente pour statuer sur une demande de décision préjudicielle dès lors que le droit national renvoie au contenu desdites dispositions du droit de l’Union pour déterminer les règles applicables à une situation purement interne de l’État membre concerné (voir, notamment, arrêts Poseidon Chartering, C‑3/04, EU:C:2006:176, point 15; ETI e.a., C‑280/06, EU:C:2007:775, points 22 et 26; Salahadin Abdulla e.a., C‑175/08, C‑176/08, C‑178/08 et C‑179/08, EU:C:2010:105, point 48; Cicala, C‑482/10, EU:C:2011:868, point 17; Nolan, C‑583/10, EU:C:2012:638, point 45, ainsi que Romeo, C‑313/12, EU:C:2013:718, point 21).

28

En effet, il existe un intérêt certain de l’Union à ce que, pour éviter des divergences d’interprétation futures, les dispositions ou les notions reprises du droit de l’Union reçoivent une interprétation uniforme, lorsqu’une législation nationale se conforme, pour les solutions qu’elle apporte à des situations ne relevant pas du champ d’application de l’acte de l’Union concerné, à celles retenues par ledit acte, afin d’assurer un traitement identique aux situations internes et aux situations régies par le droit de l’Union, quelles que soient les conditions dans lesquelles les dispositions ou les notions reprises du droit de l’Union sont appelées à s’appliquer (voir, notamment, arrêts Salahadin Abdulla e.a., EU:C:2010:105, point 48; SC Volksbank România, C‑602/10, EU:C:2012:443, points 87 et 88; Nolan, EU:C:2012:638, point 46; Allianz Hungária Biztosító e.a., C‑32/11, EU:C:2013:160, points 20 et 21, ainsi que Romeo, EU:C:2013:718, point 22).

29

Tel est le cas dès lors que les dispositions du droit de l’Union en cause ont été rendues applicables de manière directe et inconditionnelle, par le droit national, à de telles situations (arrêts Cicala, EU:C:2011:868, point 19; Nolan, EU:C:2012:638, point 47, et Romeo, EU:C:2013:718, point 23). En revanche, tel n’est pas le cas lorsque les dispositions du droit national permettent au juge national de s’écarter des règles du droit de l’Union, telles qu’interprétées par la Cour (voir, en ce sens, arrêts Kleinwort Benson, C‑346/93, EU:C:1995:85, points 16 et 18, ainsi que Romeo, EU:C:2013:718, point 33 et jurisprudence citée).

30

En l’occurrence, la juridiction de renvoi se réfère à l’article 46, paragraphe 2, du ZNA, lu en combinaison avec l’article 5, paragraphe 4, de la Constitution, et explicite les raisons pour lesquelles elle considère qu’une interprétation des dispositions du règlement no 1896/2006 dans une situation, telle que celle en cause au principal, ne relevant pas du champ d’application de ce règlement est nécessaire aux fins de la résolution du litige dont elle est saisie. Or, l’exposé de ces raisons n’est pas de nature à permettre à la Cour de conclure qu’elle est compétente pour répondre à la demande de décision préjudicielle.

31

L’article 5, paragraphe 4, de la Constitution dispose que «les accords internationaux, ratifiés selon la procédure constitutionnelle, publiés et entrés en vigueur pour la République de Bulgarie, font partie du droit national de l’État[, et qu’ils] ont la priorité sur les normes de la législation nationale si celles-ci sont en contradiction avec eux». Cette norme ne renvoie donc pas aux dispositions du règlement no 1896/2006, visées par les questions préjudicielles, mais prévoit uniquement, selon son libellé, une règle relative à la hiérarchie existant entre le droit international et le droit national.

32

S’agissant de l’article 46, paragraphe 2, du ZNA, celui-ci renvoie de manière générale aux «principes généraux du droit bulgare» et non pas spécifiquement aux dispositions du règlement no 1896/2006, visées par lesdites questions. Si la juridiction de renvoi avance que cette disposition du ZNA, lue en combinaison avec l’article 5, paragraphe 4, de la Constitution, vise également le droit de l’Union, elle ne fait aucunement état de ce que ces dispositions du droit bulgare renvoient effectivement aux dispositions de ce règlement, afin de régler des situations ne relevant pas du champ d’application de ce dernier pour assurer un traitement identique aux situations internes et aux situations relevant du droit de l’Union.

33

S’agissant de la décision du Konstitutsionen sad, mentionnée au point 17 de la présente ordonnance, et à laquelle se réfère, dans ce contexte, la juridiction de renvoi, il ne ressort aucunement de l’ordonnance de renvoi que ladite décision aurait trait à la question de savoir si les dispositions des articles 5, paragraphe 4, de la Constitution et 46, paragraphe 2, du ZNA contiennent un renvoi au droit de l’Union visant à assurer un tel traitement identique.

34

Or, si cette dernière disposition, lue en combinaison avec l’article 5, paragraphe 4, de la Constitution, renvoie de manière générale aux principes généraux du droit afin de combler un vide juridique, il ne ressort pas de cette ordonnance que les dispositions du règlement no 1896/2006 ont été rendues applicables, en tant que telles, par ces dispositions du droit bulgare, d’une manière directe et inconditionnelle, à une situation ne relevant pas du champ d’application des dispositions de ce règlement dont l’interprétation est sollicitée. Il apparaît plutôt que lesdites dispositions du droit bulgare se limitent à donner mandat au juge saisi pour recourir à des principes généraux et à des règles du droit national ainsi que du droit de l’Union, afin de combler, par voie jurisprudentielle et selon sa propre appréciation des enseignements tirés de ces règles et principes, la lacune constatée.

35

Dans ces conditions, il ne saurait être considéré que les dispositions du règlement no 1896/2006 visées par les questions posées ont été rendues, en tant que telles, applicables de manière directe et inconditionnelle par le droit national à une situation telle que celle en cause au principal ne relevant pas du champ d’application de ce règlement.

36

Par conséquent, il y a lieu de constater, sur le fondement de l’article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure, que la Cour est manifestement incompétente pour répondre aux questions posées par l’Okrazhen sad –Targovishte.

Sur les dépens

37

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) ordonne:

 

La Cour de justice de l’Union européenne est manifestement incompétente pour répondre aux questions posées par l’Okrazhen sad – Targovishte (Bulgarie).

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure: le bulgare.

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