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Document 62012CJ0425

Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 12 décembre 2013.
Portgás – Sociedade de Produção e Distribuição de Gás SA contre Ministério da Agricultura, do Mar, do Ambiente e do Ordenamento do Território.
Demande de décision préjudicielle, introduite par le Tribunal Administrativo e Fiscal do Porto.
Procédures de passation des marchés publics dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des télécommunications – Directive 93/38/CEE – Non-transposition en droit interne – Possibilité pour l’État d’invoquer cette directive à l’encontre d’un organisme concessionnaire d’un service public en l’absence de transposition de cet acte en droit interne.
Affaire C‑425/12.

Recueil – Recueil général

Identifiant ECLI: ECLI:EU:C:2013:829

ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

12 décembre 2013 ( *1 )

«Procédures de passation des marchés publics dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des télécommunications — Directive 93/38/CEE — Non-transposition en droit interne — Possibilité pour l’État d’invoquer cette directive à l’encontre d’un organisme concessionnaire d’un service public en l’absence de transposition de cet acte en droit interne»

Dans l’affaire C‑425/12,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Tribunal Administrativo e Fiscal do Porto (Portugal), par décision du 26 juin 2012, parvenue à la Cour le 18 septembre 2012, dans la procédure

Portgás – Sociedade de Produção e Distribuição de Gás SA

contre

Ministério da Agricultura, do Mar, do Ambiente e do Ordenamento do Território,

LA COUR (cinquième chambre),

composée de M. T. von Danwitz (rapporteur), président de chambre, MM. E. Juhász, A. Rosas, D. Šváby et C. Vajda, juges,

avocat général: M. N. Wahl,

greffier: Mme M. Ferreira, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 4 juillet 2013,

considérant les observations présentées:

pour Portgás – Sociedade de Produção e Distribuição de Gás SA, par Me J. Vieira Peres, advogado,

pour le Ministério da Agricultura, do Mar, do Ambiente e do Ordenamento do Território, par Mmes M. Ferreira da Costa et M. Pires da Fonseca, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par Mme M. Afonso et M. A. Tokár, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 18 septembre 2013,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de la directive 93/38/CEE du Conseil, du 14 juin 1993, portant coordination des procédures de passation des marchés dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des télécommunications (JO L 199, p. 84), telle que modifiée par la directive 98/4/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 février 1998 (JO L 101, p. 1, ci-après la «directive 93/38»).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Portgás – Sociedade de Produção e Distribuição de Gás SA (ci-après «Portgás») au Ministério da Agricultura, do Mar, do Ambiente e do Ordenamento do Território (ministère de l’Agriculture, de la Mer, de l’Environnement et de l’Aménagement du territoire, ci-après «le Ministério»), au sujet d’une décision ordonnant la récupération de l’aide financière qui a été octroyée à cette société dans le cadre du Fonds européen de développement régional, au motif que, lors de l’acquisition de compteurs de gaz auprès d’une autre société, Portgás n’a pas respecté les règles du droit de l’Union en matière de marchés publics.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3

L’article 2, paragraphe 1, de la directive 93/38 dispose:

«La présente directive s’applique aux entités adjudicatrices:

a)

qui sont des pouvoirs publics ou des entreprises publiques et qui exercent une des activités visées au paragraphe 2;

b)

qui, lorsqu’elles ne sont pas des pouvoirs publics ou des entreprises publiques, exercent, parmi leurs activités, l’une des activités visées au paragraphe 2, ou plusieurs de ces activités, et bénéficient de droits spéciaux ou exclusifs délivrés par une autorité compétente d’un État membre.»

4

Parmi les activités mentionnées à l’article 2, paragraphe 2, de la directive 93/38 figure la mise à disposition ou l’exploitation de réseaux fixes destinés à fournir un service au public dans le domaine de la production, du transport ou de la distribution de gaz.

5

Aux termes de l’article 4, paragraphes 1 et 2, de cette directive:

«1.   Pour passer leurs marchés de fournitures, de travaux et de services ou organiser leurs concours, les entités adjudicatrices appliquent les procédures qui sont adaptées aux dispositions de la présente directive.

2.   Les entités adjudicatrices veillent à ce qu’il n’y ait pas de discrimination entre fournisseurs, entrepreneurs ou prestataires de services.»

6

L’article 14, paragraphe 1, sous c), i), de ladite directive dispose que celle-ci s’applique aux marchés passés par les entités adjudicatrices qui exercent des activités dans le domaine du transport ou de la distribution de gaz, lorsque la valeur estimée hors taxe sur la valeur ajoutée de ces marchés égale ou dépasse 400000 euros.

7

Conformément à l’article 15 de la directive 93/38, les marchés de fournitures et de travaux ainsi que les marchés qui ont pour objet des services figurant dans l’annexe XVI A de cette directive sont passés conformément aux dispositions des titres III, IV et V de celle-ci.

8

En vertu de l’article 45, paragraphe 2, de la directive 93/38, la République portugaise était tenue d’adopter les mesures nécessaires pour se conformer à cette directive et les appliquer au plus tard le 1er janvier 1998. S’agissant des modifications apportées à ladite directive par la directive 98/4, celles-ci devaient être transposées dans l’ordre juridique interne portugais au plus tard le 16 février 2000.

Le droit portugais

9

La directive 93/38 a été transposée dans l’ordre juridique portugais par le décret-loi no 223/2001, du 9 août 2001 (Diário da República I, série A, no 184, du 9 août 2001, p. 5002). Conformément à son article 53, paragraphe 1, le décret-loi no 223/2001 est entré en vigueur 120 jours après la date de sa publication.

Le litige au principal et la question préjudicielle

10

Portgás est une société par actions de droit portugais qui est active dans le secteur de la production et de la distribution de gaz naturel.

11

Le 7 juillet 2001, Portgás a conclu avec Soporgás – Sociedade Portuguesa de Gás Lda un contrat portant sur la fourniture de compteurs de gaz. La valeur de ce marché était de 532736,92 euros.

12

Le 21 décembre 2001, Portgás a présenté une demande de cofinancement communautaire dans le cadre du Fonds européen de développement régional, laquelle a été approuvée. Le contrat d’attribution des aides financières visant à couvrir les dépenses éligibles du projet POR/3.2/007/DREN, dont faisait partie l’acquisition de ces compteurs de gaz, a été signé le 11 octobre 2002.

13

À la suite d’un audit effectué par l’Inspecção-Geral das Finanças (Inspection générale des Finances), le 29 octobre 2009, le gestionnaire du Programa Operacional Norte (programme opérationnel Nord) a ordonné la récupération du concours financier qui avait été accordé à Portgás dans le cadre de ce projet, au motif que, s’agissant de l’acquisition desdits compteurs de gaz, Portgás avait manqué aux règles du droit de l’Union relatives à la passation des marchés publics, de sorte que l’intégralité des dépenses faisant l’objet du cofinancement public n’était pas éligible.

14

Portgás a introduit une action administrative spéciale devant le Tribunal Administrativo e Fscal do Porto en vue d’obtenir l’annulation de la décision ordonnant cette récupération. Devant cette juridiction, cette société a soutenu que l’État portugais ne pouvait exiger d’elle, en tant qu’entreprise privée, de se conformer aux dispositions de la directive 93/38. En effet, selon ladite société, au moment de la conclusion du contrat passé avec Soporgás – Sociedade Portuguesa de Gás Lda, les dispositions de cette directive n’avaient pas encore été transposées dans l’ordre juridique portugais et, dès lors, elles ne pouvaient produire d’effet direct à son égard.

15

Le Ministério a relevé devant la juridiction de renvoi que la directive 93/38 s’adresse non seulement aux États membres, mais également à toutes les entités adjudicatrices, telles que définies par celle-ci. Selon le Ministério, en sa qualité de concessionnaire de service public exclusif dans la zone couverte par la concession, Portgás était soumise aux obligations résultant de cette directive.

16

Éprouvant des doutes quant à l’interprétation des dispositions du droit de l’Union invoquées dans le cadre du litige au principal, le Tribunal Administrativo e Fiscal do Porto a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«Les articles 4, paragraphe 1, et 14, paragraphe 1, sous c), i), de la [directive 93/38] ainsi que les autres dispositions de [cette directive] ou les principes généraux de droit communautaire applicables peuvent-ils être interprétés en ce sens qu’ils créent des obligations pour les particuliers concessionnaires de services publics – notamment, une entité relevant de l’article 2, paragraphe 1, sous b), de la [directive 93/38] –, alors que cette directive n’a pas été transposée en droit national par l’État portugais, le non-respect de ces obligations pouvant être invoqué à l’encontre de ladite entité concessionnaire particulière par l’État portugais, dans un acte imputable à l’un de ses ministères?»

Sur la question préjudicielle

17

Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 4, paragraphe 1, 14, paragraphe 1, sous c), i), et 15 de la directive 93/38 peuvent être opposés à une entreprise privée, au seul motif que cette dernière a la qualité de concessionnaire exclusif d’un service d’intérêt public relevant du champ d’application personnel de cette directive et si, dans l’affirmative, les autorités de l’État membre concerné peuvent se prévaloir de ces dispositions, alors que ladite directive n’a pas encore été transposée dans l’ordre interne de cet État membre.

18

À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, dans tous les cas où les dispositions d’une directive apparaissent, du point de vue de leur contenu, inconditionnelles et suffisamment précises, les particuliers sont fondés à les invoquer devant les juridictions nationales à l’encontre de l’État, soit lorsque celui-ci s’est abstenu de transposer dans les délais la directive en droit national, soit lorsqu’il en a fait une transposition incorrecte (voir, notamment, arrêts du 19 janvier 1982, Becker, 8/81, Rec. p. 53, point 25, ainsi que du 24 janvier 2012, Dominguez, C‑282/10, point 33 et jurisprudence citée).

19

S’agissant des articles 4, paragraphe 1, 14, paragraphe 1, sous c), i), et 15 de la directive 93/38, il y a lieu de relever que ces dispositions imposent, d’une manière inconditionnelle et précise, aux entités adjudicatrices exerçant des activités, notamment, dans les secteurs du transport ou de la distribution de gaz de passer les marchés de fournitures, dont la valeur estimée hors taxe sur la valeur ajoutée égale ou dépasse 400000 euros, conformément aux dispositions des titres III, IV et V de cette directive et de veiller à ce qu’il n’y ait pas de discrimination entre fournisseurs, entrepreneurs ou prestataires de services.

20

Il s’ensuit que ces dispositions de la directive 93/38 sont inconditionnelles et suffisamment précises pour être invoquées devant les juridictions nationales.

21

Dans ces conditions, il convient de déterminer si lesdites dispositions peuvent, devant les juridictions nationales, être opposées à une entreprise privée, telle Portgás, en sa qualité de concessionnaire exclusif de service public.

22

À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 288, troisième alinéa, TFUE, le caractère contraignant d’une directive sur lequel est fondée la possibilité d’invoquer celle-ci n’existe qu’à l’égard de «tout État membre destinataire». Il s’ensuit, selon une jurisprudence constante, qu’une directive ne peut par elle-même créer d’obligations dans le chef d’un particulier et ne peut donc être invoquée en tant que telle à l’encontre d’une telle personne devant une juridiction nationale (arrêts du 8 octobre 1987, Kolpinghuis Nijmegen, 80/86, Rec. p. 3969, point 9; du 14 juillet 1994, Faccini Dori, C-91/92, Rec. p. I-3325, point 20, ainsi que Dominguez, précité, point 37 et jurisprudence citée).

23

En ce qui concerne les entités qui peuvent se voir opposer les dispositions d’une directive, il ressort de la jurisprudence de la Cour que ces dispositions peuvent être invoquées à l’encontre d’un État, quelle que soit la qualité en laquelle agit ce dernier, employeur ou autorité publique. Dans l’un et l’autre cas, il convient, en effet, d’éviter que l’État puisse tirer avantage de sa méconnaissance du droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêts du 26 février 1986, Marshall, 152/84, Rec. p. 723, point 49; du 12 juillet 1990, Foster e.a., C-188/89, Rec. p. I-3313, point 17, ainsi que Dominguez, précité, point 38).

24

Ainsi, selon une jurisprudence constante, figure au nombre des entités qui peuvent se voir opposer les dispositions d’une directive susceptibles d’avoir des effets directs un organisme qui, quelle que soit sa forme juridique, a été chargé en vertu d’un acte de l’autorité publique d’accomplir, sous le contrôle de cette dernière, un service d’intérêt public et qui dispose, à cet effet, de pouvoirs exorbitants par rapport aux règles applicables dans les relations entre particuliers (arrêts Foster e.a., précité, point 20; du 14 septembre 2000, Collino et Chiappero, C-343/98, Rec. p. I-6659, point 23; du 5 février 2004, Rieser Internationale Transporte, C-157/02, Rec. p. I-1477, point 24; du 19 avril 2007, Farrell, C-356/05, Rec. p. I-3067, point 40, ainsi que Dominguez, précité, point 39).

25

Il découle de cette jurisprudence que, même si un particulier relève du champ d’application personnel d’une directive, les dispositions de celle-ci ne peuvent être invoquées en tant que telles à son encontre devant les juridictions nationales. Ainsi, comme M. l’avocat général l’a relevé au point 41 de ses conclusions, la seule circonstance qu’une entreprise privée concessionnaire exclusif d’un service public fasse partie des entités expressément visées par le champ d’application personnel de la directive 93/38 n’a pas pour conséquence que cette entreprise puisse se voir opposer les dispositions de cette directive.

26

Il faut, en effet, que ledit service d’intérêt public soit accompli sous le contrôle d’une autorité publique et que ladite entreprise dispose de pouvoirs exorbitants par rapport aux règles applicables dans les relations entre particuliers (voir, en ce sens, arrêt Rieser Internationale Transporte, précité, points 25 à 27).

27

S’agissant de la situation de Portgás, il ressort de la décision de renvoi que cette entreprise a été chargée par l’État portugais, en tant que concessionnaire exclusif, d’accomplir un service d’intérêt public, à savoir l’exploitation du réseau de distribution de gaz dans la région du Nord du Portugal.

28

Or, les indications fournies par la juridiction de renvoi ne permettent pas à la Cour de déterminer si, au moment des faits en cause au principal, ce service d’intérêt public était accompli sous le contrôle des autorités étatiques et si Portgás disposait de pouvoirs exorbitants par rapport aux règles applicables dans les relations entre particuliers.

29

À cet égard, il convient de relever que, en ce qui concerne la question de savoir si ledit service d’intérêt public était accompli sous le contrôle des autorités portugaises, Portgás a fait valoir, sans être contredit par le gouvernement portugais, que son capital social n’est pas tenu majoritairement ou exclusivement par l’État portugais et que ce dernier ne peut ni désigner des membres de ses organes de gestion et de contrôle ni donner des instructions touchant à la gestion de son activité de service public. Il ne ressort cependant pas clairement du dossier dont dispose la Cour que ces circonstances étaient réunies au moment des faits en cause au principal.

30

Quant à la question de savoir si Portgás disposait de pouvoirs exorbitants par rapport aux règles applicables dans les relations entre particuliers, il convient de relever que, si cette entreprise bénéficiait, en vertu du contrat de concession, de droits spéciaux et exclusifs, cela n’implique pas, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 39 de ses conclusions, qu’elle disposât de tels pouvoirs exorbitants. La circonstance que Portgás pouvait demander que soient effectuées les expropriations nécessaires à l’implantation ainsi qu’à l’exploitation des infrastructures, sans pour autant pouvoir y procéder par elle-même, ne suffit pas, en tant que telle, pour qu’il puisse être admis que Portgás disposât de pouvoirs exorbitants par rapport aux règles applicables dans les relations entre particuliers.

31

Dans ces conditions, il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier si, au moment des faits en cause au principal, Portgás était un organisme chargé d’accomplir, sous le contrôle d’une autorité publique, un service d’intérêt public, et si cette entreprise disposait, à cet effet, de tels pouvoirs exorbitants.

32

Dans l’hypothèse où Portgás aurait fait partie des entités qui peuvent, en vertu de la jurisprudence citée au point 24, se voir opposer, par un particulier, les dispositions de la directive 93/38, il y a lieu d’examiner la question de savoir si ces dispositions pouvaient également être opposées à Portgás par les autorités portugaises.

33

À cet égard, il convient de relever que, si la Cour a jugé que les dispositions inconditionnelles et suffisamment précises d’une directive peuvent être invoquées par les particuliers à l’encontre d’un organisme chargé, sous le contrôle de l’autorité publique, d’un service d’intérêt public et disposant, à cet effet, de pouvoirs exorbitants (voir, en ce sens, arrêts précités Foster e.a., points 18 et 20, ainsi que Dominguez, points 38 et 39 ainsi que jurisprudence citée), la présente affaire au principal se place dans un autre contexte que cette jurisprudence.

34

Dans le contexte de la présente affaire, il importe de rappeler que, conformément à la jurisprudence de la Cour, l’obligation pour un État membre de prendre toutes les mesures nécessaires pour atteindre le résultat prescrit par une directive est une obligation contraignante imposée par l’article 288, troisième alinéa, TFUE et par la directive elle-même. Cette obligation de prendre toutes mesures générales ou particulières s’impose à toutes les autorités des États membres (voir arrêt du 18 décembre 1997, Inter-Environnement Wallonie, C-129/96, Rec. p. I-7411, point 40 et jurisprudence citée) ainsi qu’aux organismes qui, sous le contrôle de ces autorités, ont été chargés d’un service d’intérêt public et disposent, à cet effet, de pouvoirs exorbitants. Il en découle que les autorités des États membres doivent être en mesure de faire respecter les dispositions de la directive 93/38 par de tels organismes.

35

Il serait, en effet, contradictoire de juger que des autorités étatiques et des organismes remplissant les conditions figurant au point 24 du présent arrêt sont tenus de faire application de la directive 93/38, tout en refusant auxdites autorités la possibilité de faire respecter, le cas échéant devant les juridictions nationales, les dispositions de cette directive par un organisme remplissant ces conditions, alors que ce dernier doit également se conformer à ladite directive.

36

En outre, les États membres seraient en mesure de tirer avantage de leur méconnaissance du droit de l’Union en omettant de transposer correctement une directive en droit interne, si le respect des dispositions de la directive 93/38 par de tels organismes ne pouvait être assuré à l’initiative d’une autorité étatique.

37

Enfin, cette solution aurait pour conséquence de permettre à un concurrent privé de se prévaloir des dispositions de la directive 93/38 à l’encontre d’une entité adjudicatrice remplissant les critères figurant au point 24 du présent arrêt, tandis que des autorités étatiques ne pourraient opposer à cette dernière les obligations découlant de cette directive. Ainsi, en fonction de la nature des personnes ou des organismes qui lui opposent la directive 93/38, une telle entité adjudicatrice serait tenue, ou non, de se conformer aux dispositions de cette directive. Or, dans ces circonstances, ladite directive ne serait plus appliquée de manière uniforme dans l’ordre juridique interne de l’État membre concerné.

38

Il s’ensuit qu’une entreprise privée, chargée en vertu d’un acte de l’autorité publique d’accomplir, sous le contrôle de cette dernière, un service d’intérêt public et disposant, à cet effet, de pouvoirs exorbitants par rapport aux règles applicables dans les relations entre particuliers, est obligée de respecter les dispositions de la directive 93/38 et peut donc se voir opposer ces dispositions par les autorités d’un État membre.

39

Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la question posée que:

Les articles 4, paragraphe 1, 14, paragraphe 1, sous c), i), et 15 de la directive 93/38 doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne peuvent être opposés à une entreprise privée, au seul motif que cette dernière a la qualité de concessionnaire exclusif d’un service d’intérêt public relevant du champ d’application personnel de cette directive, alors que ladite directive n’a pas encore été transposée dans l’ordre interne de l’État membre concerné.

Une telle entreprise, qui a été chargée en vertu d’un acte de l’autorité publique d’accomplir, sous le contrôle de cette dernière, un service d’intérêt public et dispose, à cet effet, de pouvoirs exorbitants par rapport aux règles applicables dans les relations entre particuliers, est obligée de respecter les dispositions de la directive 93/38 et peut donc se voir opposer ces dispositions par les autorités d’un État membre.

Sur les dépens

40

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) dit pour droit:

 

Les articles 4, paragraphe 1, 14, paragraphe 1, sous c), i), et 15 de la directive 93/38/CEE du Conseil, du 14 juin 1993, portant coordination des procédures de passation des marchés dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des télécommunications, telle que modifiée par la directive 98/4/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 février 1998, doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne peuvent être opposés à une entreprise privée, au seul motif que cette dernière a la qualité de concessionnaire exclusif d’un service d’intérêt public relevant du champ d’application personnel de cette directive, alors que ladite directive n’a pas encore été transposée dans l’ordre interne de l’État membre concerné.

 

Une telle entreprise, qui a été chargée en vertu d’un acte de l’autorité publique d’accomplir, sous le contrôle de cette dernière, un service d’intérêt public et dispose, à cet effet, de pouvoirs exorbitants par rapport aux règles applicables dans les relations entre particuliers, est obligée de respecter les dispositions de la directive 93/38, telle que modifiée par la directive 98/4, et peut donc se voir opposer ces dispositions par les autorités d’un État membre.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure: le portugais.

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