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Document 62011CJ0373

    Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 19 septembre 2013.
    Panellinios Syndesmos Viomichanion Metapoiisis Kapnou contre Ypourgos Oikonomias kai Oikonomikon et Ypourgos Agrotikis Anaptyxis kai Trofimon.
    Demande de décision préjudicielle, introduite par le Symvoulio tis Epikrateias.
    Renvoi préjudiciel – Appréciation de validité – Politique agricole commune – Règlement (CE) no 1782/2003 – Paiement supplémentaire octroyé pour des types particuliers d’agriculture et la production de qualité – Marge d’appréciation laissée aux États membres – Discrimination – Articles 32 CE et 34 CE.
    Affaire C‑373/11.

    Recueil – Recueil général

    Identifiant ECLI: ECLI:EU:C:2013:567

    ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

    19 septembre 2013 ( *1 )

    «Renvoi préjudiciel — Appréciation de validité — Politique agricole commune — Règlement (CE) no 1782/2003 — Paiement supplémentaire octroyé pour des types particuliers d’agriculture et la production de qualité — Marge d’appréciation laissée aux États membres — Discrimination — Articles 32 CE et 34 CE»

    Dans l’affaire C‑373/11,

    ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Symvoulio tis Epikrateias (Grèce), par décision du 22 mars 2011, parvenue à la Cour le 13 juillet 2011, dans la procédure

    Panellinios Syndesmos Viomichanion Metapoiisis Kapnou

    contre

    Ypourgos Oikonomias kai Oikonomikon,

    Ypourgos Agrotikis Anaptyxis kai Trofimon,

    LA COUR (cinquième chambre),

    composée de M. T. von Danwitz, président de chambre, MM. A. Rosas, E. Juhász, D. Šváby (rapporteur) et C. Vajda, juges,

    avocat général: M. N. Jääskinen,

    greffier: Mme L. Hewlett, administrateur principal,

    vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 21 novembre 2012,

    considérant les observations présentées:

    pour la Panellinios Syndesmos Viomichanion Metapoiisis Kapnou, par Mes E. Petritsi et K. Adamantopoulos, dikigoroi,

    pour le gouvernement hellénique, par M. I. Chalkias et Mme S. Papaïoannou, en qualité d’agents,

    pour le Conseil de l’Union européenne, par Mme M. Balta, M. E. Sitbon, Mmes M. Iosifidou et A. Westerhof Löfflerová, en qualité d’agents,

    pour la Commission européenne, par MM. D. Triantafyllou et G. von Rintelen, en qualité d’agents,

    ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 6 février 2013,

    rend le présent

    Arrêt

    1

    La demande de décision préjudicielle porte sur la validité de l’article 69 du règlement (CE) no 1782/2003 du Conseil, du 29 septembre 2003, établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs et modifiant les règlements (CEE) no 2019/93, (CE) no 1452/2001, (CE) no 1453/2001, (CE) no 1454/2001, (CE) no 1868/94, (CE) no 1251/1999, (CE) no 1254/1999, (CE) no 1673/2000, (CEE) no 2358/71 et (CE) no 2529/2001 (JO L 270, p. 1).

    2

    Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant la Panellinios Syndesmos Viomichanion Metapoiisis Kapnou (Fédération grecque des industries de transformation du tabac, ci-après la «Panellinios Syndesmos») à l’Ypourgos Oikonomias kai Oikonomikon (ministre de l’Économie et des Finances) et à l’Ypourgos Agrotikis Anaptyxis kai Trofimon (ministre du Développement agricole et des Denrées alimentaires) au sujet des paiements supplémentaires dans le secteur du tabac.

    Le cadre juridique

    Le droit de l’Union

    3

    Les considérants 24 et 33 du règlement no 1782/2003 étaient libellés comme suit:

    «(24)

    L’amélioration de la compétitivité de l’agriculture communautaire et le développement des normes en matière de qualité des denrées alimentaires et d’environnement entraînent nécessairement une baisse des prix institutionnels des produits agricoles et une augmentation des coûts de production pour les exploitations agricoles dans la Communauté. Pour atteindre ces objectifs et promouvoir une agriculture durable et plus orientée vers le marché, il y a lieu de passer du soutien de la production au soutien du producteur en introduisant un système découplé d’aide au revenu pour chaque exploitation agricole. [...]

    [...]

    (33)

    Les États membres doivent avoir la possibilité d’établir un certain équilibre entre les droits au paiement individuels et les moyennes régionales ou nationales ainsi qu’entre les paiements existants et le paiement unique, afin qu’ils disposent d’une souplesse suffisante pour réagir aux situations particulières [...] En outre, pour tenir compte des particularités agricoles d’un État membre, il convient de prévoir la possibilité pour celui-ci de demander une période transitoire pour mettre en œuvre le régime de paiement unique tout en continuant de respecter les plafonds budgétaires fixés pour le régime de paiement unique. En cas de graves distorsions de concurrence pendant la période transitoire et afin de veiller au respect des obligations internationales de la Communauté, la Commission doit pouvoir prendre les mesures nécessaires pour faire face à de telles situations.»

    4

    Dans le titre III, intitulé «Régime de paiement unique», chapitre 5, lui‑même intitulé «Mise en œuvre régionale et facultative», section 2, l’article 64, paragraphes 1 et 2, du règlement no 1782/2003 disposait:

    «1.   Un État membre peut décider, au plus tard le 1er août 2004, d’appliquer, au niveau national ou régional, le régime de paiement unique prévu aux chapitres 1 à 4 dans les conditions fixées dans la présente section.

    2.   En fonction du choix fait par chaque État membre, la Commission fixe, conformément à la procédure visée à l’article 144, paragraphe 2, un plafond pour chacun des paiements directs visés respectivement aux articles 66, 67, 68 et 69.

    Ce plafond est égal à la composante de chaque type de paiement direct dans les plafonds nationaux visés à l’article 41, multipliée par les pourcentages de réduction appliqués par les États membres conformément aux articles 66, 67, 68 et 69.

    Le montant total des plafonds fixés est déduit des plafonds nationaux visés à l’article 41 conformément à la procédure visée à l’article 144, paragraphe 2.»

    5

    L’article 69 dudit règlement, intitulé «Mise en œuvre facultative en ce qui concerne des types particuliers d’agriculture et la production de qualité», prévoyait:

    «Les États membres peuvent conserver jusqu’à 10 % de la composante des plafonds nationaux visés à l’article 41 qui correspond à chaque secteur visé à l’annexe VI. En ce qui concerne les secteurs des grandes cultures, de la viande bovine et de la viande ovine et caprine, cette mesure est prise en compte pour l’application des pourcentages maximaux fixés aux articles 66, 67 et 68 respectivement.

    Dans ce cas, et dans les limites du plafond fixé conformément à l’article 64, paragraphe 2, l’État membre concerné effectue, sur une base annuelle, un paiement supplémentaire aux agriculteurs, dans le secteur ou les secteurs visés par ladite mesure.

    Le paiement supplémentaire est octroyé pour des types particuliers d’agriculture qui sont importants pour la protection ou l’amélioration de l’environnement ou pour l’amélioration de la qualité et de la commercialisation des produits agricoles dans des conditions que la Commission devra définir conformément à la procédure visée à l’article 144, paragraphe 2.»

    6

    L’article 48 du règlement (CE) no 795/2004 de la Commission, du 21 avril 2004, portant modalités d’application du régime de paiement unique prévu par le règlement no 1782/2003 (JO L 141, p. 1), disposait:

    «1.   Le paiement supplémentaire prévu à l’article 69 du règlement (CE) no 1782/2003 est alloué, sans préjudice des dispositions de l’article 37, paragraphe 3, du règlement (CE) no 1257/1999 et de ses modalités d’application, dans les conditions prévues aux paragraphes 2 à 6 du présent article.

    2.   Le paiement est accordé uniquement aux agriculteurs au sens de l’article 2, point a), du règlement (CE) no 1782/2003, indépendamment du fait qu’ils aient ou non introduit une demande au titre du régime de paiement unique ou qu’ils détiennent ou non des droits au paiement.

    3.   Par les termes ‘dans le secteur ou les secteurs visés par ladite mesure’, on entend que le paiement peut être demandé, en principe, par tous les agriculteurs produisant, à la date d’introduction d’une demande de paiement supplémentaire et dans les conditions prévues par le présent article, les produits relevant du ou des secteurs énumérés à l’annexe VI du règlement (CE) no 1782/2003.

    4.   Si le paiement vise des modes de production ou des mesures relatives à la qualité et à la commercialisation ne portant pas sur une production déterminée ou si la production ne relève pas directement d’un secteur, il peut être octroyé à condition que le prélèvement soit appliqué à l’ensemble des secteurs énumérés à l’annexe VI du règlement (CE) no 1782/2003 et que seuls les agriculteurs des secteurs mentionnés dans cette annexe participent au régime.

    5.   En cas d’application de l’article 69 du règlement (CE) no 1782/2003 au niveau régional, le prélèvement est calculé sur la base de la composante des paiements des secteurs concernés dans la région concernée.

    Les États membres délimitent la région au niveau territorial approprié selon des critères objectifs et de manière à assurer l’égalité de traitement entre les agriculteurs et à éviter des distorsions du marché ou de la concurrence.

    6.   Les États membres concernés communiquent, au plus tard le 1er août de l’année précédant la première année d’application du régime de paiement unique, les informations relatives au paiement qu’ils entendent octroyer et, en particulier, les conditions d’admissibilité et les secteurs concernés.

    [...]»

    7

    Le règlement no 1782/2003 a été abrogé par le règlement (CE) no 73/2009 du Conseil, du 19 janvier 2009, établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct en faveur des agriculteurs dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs, modifiant les règlements (CE) no 1290/2005, (CE) no 247/2006 et (CE) no 378/2007, et abrogeant le règlement (CE) no 1782/2003 (JO L 30, p. 16). De même, le règlement no 795/2004 a été abrogé par le règlement (CE) no 1120/2009 de la Commission, du 29 octobre 2009, portant modalités d’application du régime de paiement unique prévu par le titre III du règlement no 73/2009 (JO L 316, p. 1).

    Le droit grec

    8

    Les règlements nos 1782/2003 et 795/2004 ont été transposés en droit interne par deux décisions conjointes de l’Ypourgos Oikonomias kai Oikonomikon et de l’Ypourgos Agrotikis Anaptyxis kai Trofimon, à savoir la décision conjointe no 292464, du 9 août 2005 (FEK B’ 1122), établissant de manière générale les mesures administratives d’exécution additionnelles et les mesures en vue du calcul du nombre et de la valeur des droits des personnes éligibles au paiement unique, et la décision conjointe no 49143, du 8 août 2006 (FEK B’ 1333), établissant spécifiquement les mesures, à savoir la méthode de paiement, les montants payés et les documents justificatifs pour le paiement, aux fins du paiement supplémentaire au titre de la qualité dans le secteur du tabac.

    9

    L’article 16 et l’annexe I de la décision conjointe no 292464, du 9 août 2005, fixent le taux de retenue pour le paiement supplémentaire au titre de la qualité pour le tabac à 2 %.

    Le litige au principal et la question préjudicielle

    10

    Le 13 novembre 2006, la Panellinios Syndesmos a introduit, devant le Symvoulio tis Epikrateias, un recours tendant à l’annulation de la décision conjointe no 49143, du 8 août 2006. Dans le cadre de cette procédure, la Panellinios Syndesmos a également contesté la légalité de la décision conjointe no 292464, du 9 août 2005.

    11

    Selon la Panellinios Syndesmos, ces deux décisions sont illégales dans la mesure où elles constituent des mesures d’exécution du règlement no 1782/2003, dont l’article 69 serait contraire au droit de l’Union.

    12

    La juridiction de renvoi estime que la marge de manœuvre consentie par ledit règlement aux autorités nationales pour l’application de celui-ci contribue à une différenciation qui correspond aux besoins de chaque région et que la possibilité pour les États membres de fixer des taux de retenue différents ne constitue pas une discrimination.

    13

    Toutefois, la juridiction de renvoi se demande si cette mise en œuvre différenciée, notamment en raison de l’application de taux de retenue et, partant, de paiements supplémentaires différents, ne conduit pas à des distorsions de la concurrence entre les producteurs du même produit dans les différents États membres et à des conséquences négatives sur le revenu des producteurs des différentes régions.

    14

    Dans ces conditions, le Symvoulio tis Epikrateias a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

    «L’article 69 du règlement no 1782/2003, en vertu duquel les États membres sont autorisés à fixer – dans la limite de 10 % de la composante des plafonds nationaux visés à l’article 41 et dans le respect des conditions visées à l’article 69, paragraphe 3 – des taux de conservation différents pour l’octroi d’une aide supplémentaire aux producteurs, est-il compatible, en ce qu’il autorise cette différenciation du taux de conservation, avec les articles 2 CE, 32 CE et 34 CE, ainsi qu’avec les objectifs de garantie d’un revenu stable pour les producteurs et de conservation des zones rurales?»

    Sur la question préjudicielle

    15

    Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 69 du règlement no 1782/2003 est valide au regard des articles 32 CE et 34 CE ainsi que des objectifs de garantie d’un revenu stable pour les producteurs et de conservation des zones rurales, en ce que son application placerait les producteurs dont l’État membre fixe un taux de retenue peu élevé dans une position désavantageuse par rapport à des producteurs situés dans d’autres États membres dans lesquels ce taux a été fixé à un niveau plus élevé et entraînerait une discrimination ainsi que des distorsions de concurrence entre producteurs du même produit situés dans différents États membres.

    16

    Il convient d’observer, à titre liminaire, que le fait que les règlements nos 1782/2003 et 795/2004 aient été abrogés est sans incidence sur l’objet du litige au principal puisque l’application de l’article 69 du règlement no 1782/2003 s’étend jusqu’au mois de juin 2010.

    17

    Ainsi qu’il est exposé à son considérant 24, le règlement no 1782/2003 visait à permettre la transition de l’aide à la production vers l’aide au producteur par la réduction progressive des paiements directs et l’introduction d’un régime d’aide au revenu découplée de la production, à savoir le paiement unique déterminé sur la base des droits antérieurs au cours d’une période de référence, afin de rendre les agriculteurs de l’Union européenne plus concurrentiels.

    18

    Il convient d’ajouter que l’introduction du régime du paiement unique s’insère dans la nouvelle politique agricole commune dont l’un des principaux objectifs était, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 3 de ses conclusions, la rationalisation et la simplification des règles pertinentes de l’Union, tout en réalisant une plus grande décentralisation de la mise en œuvre des politiques, en laissant une plus grande marge aux États membres et à leurs régions.

    19

    L’article 64 du règlement no 1782/2003 prévoyait, dans le cadre de la mise en œuvre partielle du régime de paiement unique, la possibilité pour les États membres de décider, «au plus tard le 1er août 2004», d’appliquer, au niveau national ou régional, le régime de paiement unique dans des conditions spécifiques.

    20

    C’est dans ce cadre que l’article 69 dudit règlement accorde aux États membres la possibilité de retenir jusqu’à 10 % de la composante des plafonds nationaux de chaque secteur de produit afin d’effectuer un paiement supplémentaire pour des types particuliers d’agriculture qui sont importants pour la protection ou l’amélioration de l’environnement ou pour l’amélioration de la qualité et de la commercialisation des produits agricoles.

    Sur la violation de l’article 34 CE

    21

    Sur ce point, il y a lieu d’apprécier si l’article 69 du règlement no 1782/2003 est contraire à l’article 34 CE au motif qu’il entraîne, d’une part, une discrimination entre producteurs et, d’autre part, des distorsions de concurrence entre producteurs du même produit situés dans différents États membres.

    22

    À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’article 34, paragraphe 2, CE, qui interdit toute discrimination dans le cadre de la PAC, n’est que l’expression spécifique du principe général d’égalité, lequel exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale à moins qu’une différenciation ne soit objectivement justifiée (arrêt du 11 juin 2009, Agrana Zucker, C-33/08, Rec. p. I-5035, point 46).

    23

    Force est de constater, en premier lieu, que l’article 69 du règlement no 1782/2003 ne fixe pas lui-même de conditions différentes selon les États membres ou les producteurs, mais se borne à accorder à tous les États membres, aux mêmes conditions et selon les mêmes modalités, une certaine marge d’appréciation pour effectuer des paiements supplémentaires dans le cadre de la réforme de la PAC.

    24

    Il convient de rappeler, en deuxième lieu, d’abord, que, conformément au principe de subsidiarité, énoncé à l’article 5, deuxième alinéa, CE, l’Union n’intervient, dans les domaines qui ne relèvent pas de sa compétence exclusive, que si et dans la mesure où les objectifs de l’action envisagée ne peuvent pas être réalisés de manière suffisante par les États membres, mais peuvent l’être mieux, en raison des dimensions ou des effets de l’action envisagée, au niveau de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 8 juin 2010, Vodafone e.a., C-58/08, Rec. p. I-4999, point 72).

    25

    Ensuite, il ressort d’une jurisprudence constante que les États membres peuvent adopter des dispositions dans une situation régie par le droit de l’Union lorsque celui-ci leur confère expressément un pouvoir décisionnel (voir, en ce sens, arrêts du 11 novembre 1992, Teulie, C-251/91, Rec. p. I-5599, point 13, et du 27 novembre 1997, Witt, C-356/95, Rec. p. I-6589, point 39).

    26

    Enfin, il convient de constater que, dans le cadre de la PAC qui relève, conformément à l’article 4, paragraphe 2, sous d), TFUE, d’une compétence partagée entre l’Union et les États membres, ces derniers disposent d’un pouvoir législatif leur permettant, ainsi qu’il résulte de l’article 2, paragraphe 2, TFUE, d’exercer leur compétence dans la mesure où l’Union n’a pas exercé la sienne.

    27

    Il en est d’autant plus ainsi depuis la réforme de la PAC qui implique, ainsi que le relève la juridiction de renvoi, une décentralisation accrue des compétences afin de tenir davantage compte des particularités de chaque État membre ou région, ainsi que de la situation du marché des différents produits et des producteurs concernés, conformément à l’article 33, paragraphe 2, sous a), CE.

    28

    Il s’ensuit que le Conseil de l’Union européenne pouvait accorder aux États membres une certaine marge d’appréciation dans la fixation du taux de retenue afin, ainsi qu’il est exposé au considérant 33 du règlement no 1782/2003, que les États membres aient la possibilité d’établir un certain équilibre entre les droits aux paiements individuels et les moyennes régionales ou nationales ainsi qu’entre les paiements existants et le paiement unique, et qu’ils disposent ainsi d’une souplesse suffisante pour réagir aux situations particulières.

    29

    En troisième lieu, il convient de relever que l’habilitation accordée aux États membres, d’une part, est strictement encadrée et subordonnée à une série de conditions de nature à la fois matérielle et procédurale et, d’autre part, constitue une mesure temporaire visant à faciliter la transition vers le régime du paiement unique.

    30

    En effet, d’une part, la différenciation permise par l’article 69 du règlement no 1782/2003 est limitée, puisque, dans le cadre de la réduction progressive des paiements directs, les États membres ne peuvent conserver qu’un maximum de 10 % de la composante des plafonds nationaux dans le but d’effectuer un paiement supplémentaire.

    31

    D’autre part, ledit article 69 prévoit que le paiement supplémentaire ne peut être octroyé que pour des types particuliers d’agriculture qui sont importants pour la protection ou l’amélioration de l’environnement ou pour l’amélioration de la qualité et de la commercialisation des produits agricoles, ce paiement étant subordonné au respect des conditions définies par la Commission conformément à l’article 69, troisième alinéa, du règlement no 1782/2003. Un examen plus approfondi de chaque secteur de produit a, en outre, amené le législateur de l’Union à prévoir, aux articles 66 à 68 du règlement no 1782/2003, des règles spécifiques en fonction de leurs caractéristiques.

    32

    En quatrième lieu, il ressort de l’article 69 du règlement no 1782/2003 que le montant total des paiements aux agriculteurs dans un secteur précis demeure dans chaque État membre essentiellement le même, indépendamment de la question de savoir si les autorités nationales décident d’introduire des paiements supplémentaires et, si tel est le cas, quel que soit le niveau de retenue qu’ils fixent à cet effet.

    33

    De plus, la fixation de taux de retenue différents n’entraîne pas automatiquement l’octroi de paiements supplémentaires plus ou moins élevés, dès lors que ces derniers ne sont octroyés qu’aux seuls agriculteurs respectant les exigences et les critères spécifiques prévus.

    34

    En cinquième lieu, il convient de rappeler que le fait que l’adoption d’une mesure dans le cadre d’une organisation commune de marché puisse avoir des répercussions différentes pour certains producteurs en raison de leur production individuelle ou des conditions locales ne saurait être considéré comme une discrimination interdite par le traité CE, dès lors que la mesure est basée sur des critères objectifs, adaptés aux besoins du fonctionnement global de l’organisation commune de marché (arrêts du 9 juillet 1985, Bozzetti, 179/84, Rec. p. 2301, point 34, ainsi que du 14 mai 2009, Azienda Agricola Disarò Antonio e.a., C-34/08, Rec. p. I-4023, point 69).

    35

    De même, il ressort d’une jurisprudence constante que l’interdiction de discrimination ne vise pas les éventuelles disparités de traitement qui peuvent résulter, d’un État membre à l’autre, des divergences existant entre les législations des différents États membres du moment que ces législations affectent de manière égale toutes personnes relevant de leur champ d’application (arrêt du 16 juillet 2009, Horvath, C-428/07, Rec. p. I-6355, point 55 et jurisprudence citée).

    36

    Si ce principe a certes été développé dans le cadre de l’interprétation des dispositions du droit de l’Union aux fins de l’appréciation de la compatibilité de la législation nationale par rapport au principe de non-discrimination, il ne saurait toutefois en aller autrement s’agissant de l’appréciation de la validité de la disposition du droit de l’Union accordant aux États membres une marge d’appréciation au titre de laquelle ils adoptent lesdites législations différentes.

    37

    En sixième lieu, le maintien d’une concurrence effective sur les marchés des produits agricoles fait partie des objectifs de la PAC.

    38

    Il convient de rappeler à cet égard, tout d’abord, que, ainsi qu’il a été constaté aux points 32 et 33 du présent arrêt, la fixation de taux de retenue différents n’entraîne pas nécessairement l’octroi de montants plus ou moins élevés.

    39

    À supposer que la fixation des taux de retenue à un niveau différent par les États membres puisse conduire à des distorsions de concurrence entre les producteurs d’un même produit situés dans des États membres différents, ce qui n’a pas été précisé dans la décision de renvoi, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, même en ce qui concerne les règles du traité en matière de concurrence, l’article 36 CE accorde la primauté aux objectifs de la PAC sur ceux de la politique en matière de concurrence (arrêt du 9 septembre 2003, Milk Marque et National Farmers’ Union, C-137/00, Rec. p. I-7975, point 81).

    40

    En tout état de cause, le législateur de l’Union dispose en matière de PAC d’un large pouvoir d’appréciation qui correspond aux responsabilités politiques que les articles 34 CE et 37 CE lui attribuent et la Cour a, à maintes reprises, jugé que seul le caractère manifestement inapproprié d’une mesure arrêtée dans ce domaine, par rapport à l’objectif que l’institution compétente entend poursuivre, peut affecter la légalité d’une telle mesure (arrêt du 2 juillet 2009, Bavaria et Bavaria Italia, C-343/07, Rec. p. I-5491, point 81).

    41

    Par conséquent, le contrôle de la Cour doit se limiter à vérifier si la mesure en cause n’est pas entachée d’erreur manifeste ou de détournement de pouvoir ou si l’autorité en question n’a pas manifestement dépassé les limites de son pouvoir d’appréciation (arrêts du 12 juillet 2001, Jippes e.a., C-189/01, Rec. p. I-5689, point 80; du 9 septembre 2004, Espagne/Commission, C-304/01, Rec. p. I-7655, point 23, ainsi que du 23 mars 2006, Unitymark et North Sea Fishermen’s Organisation, C-535/03, Rec. p. I-2689, point 55).

    42

    À cet égard, il résulte, notamment, des considérants 33 et 34 du règlement no 1782/2003 que la possibilité prévue à l’article 69 de ce dernier d’octroyer un paiement supplémentaire doit être mise en œuvre en fonction des disparités structurelles et naturelles entre les diverses régions agricoles. Cet élément fait expressément partie de ceux dont, conformément à l’article 33, paragraphe 2 CE, il doit être tenu compte dans l’élaboration de la PAC.

    43

    Les éventuelles distorsions de concurrence pouvant résulter de l’application de l’article 69 du règlement no 1782/2003 étant, tout au plus, limitées, il ne saurait, en outre, être considéré que le législateur de l’Union n’a pas effectué un juste équilibre entre les divers éléments ou objectifs à prendre en considération, et aurait, ainsi, manifestement dépassé les limites de son pouvoir d’appréciation.

    44

    Par conséquent, l’examen de l’article 69 du règlement no 1782/2003 au regard de l’article 34 CE n’a révélé aucun élément de nature à affecter sa validité.

    Sur la violation de l’article 32 CE

    45

    La juridiction de renvoi se réfère à l’argumentation de la requérante au principal selon laquelle l’article 69 du règlement no 1782/2003 est en contradiction avec l’article 32 CE en ce que, en permettant aux États membres de fixer librement, sans critères ou conditions préalables, le pourcentage de retenue appliqué au plafond national dont ils pourront disposer pour soutenir un produit qui, tel le tabac brut, fait l’objet de politique commune de la politique agricole, cette disposition supprime la nature commune de la politique agricole.

    46

    Force est de constater que la marge d’appréciation accordée aux États membres pour fixer un taux de retenue appliqué au plafond national des aides correspondant au secteur concerné afin d’effectuer un paiement supplémentaire n’a nullement pour objet ou pour effet de supprimer le caractère commun de la politique agricole, mais correspond uniquement à une habilitation donnée aux autorités nationales pour mettre en œuvre certaines règles que le législateur de l’Union a jugées appropriées dans le cadre de l’introduction du régime de paiement unique.

    47

    En effet, ledit paiement supplémentaire, temporaire et d’un montant limité à concurrence de 10 % de la composante des plafonds nationaux, vise, d’une part, à inciter les agriculteurs à respecter les exigences relatives à l’amélioration de la qualité de leurs produits et à la protection de l’environnement, en tant que récompense pour leur meilleure adaptation aux nouvelles exigences de la PAC, et, d’autre part, à atténuer les répercussions qu’entraîne de fait pour certains secteurs de produit la transition du régime de paiements directs au régime de paiement unique.

    48

    La faculté laissée aux États membres de fixer les taux de retenue au niveau le plus approprié en tenant compte de leurs particularités nationales ou régionales ainsi que de la situation du marché des différents produits et des producteurs concernés est justifiée au regard de l’article 33, paragraphe 2, CE, qui impose, dans le cadre de l’élaboration de la PAC et des méthodes spéciales de son application, de tenir compte du caractère particulier de l’activité agricole, découlant de la structure sociale de l’agriculture et des disparités structurelles et naturelles entre les diverses régions agricoles, ainsi que de la nécessité d’opérer graduellement les ajustements opportuns.

    49

    En outre, ainsi qu’il ressort des points 29 à 31 du présent arrêt, l’habilitation accordée par le législateur de l’Union aux autorités nationales est subordonnée à plusieurs conditions, de nature à la fois procédurale et matérielle, fixées tant directement à l’article 69 du règlement no 1782/2003 que dans un règlement devant être adopté par la Commission conformément à la procédure visée à l’article 144, paragraphe 2, dudit règlement.

    50

    À cet égard, il convient de constater que la Commission a établi, de manière détaillée, lesdites conditions dans le règlement no 795/2004, dont l’article 48 prévoit d’importantes garanties en exigeant que les États membres adoptent leurs décisions selon des critères objectifs et qu’ils agissent «de manière à assurer l’égalité de traitement entre les agriculteurs et à éviter des distorsions du marché ou de la concurrence». De plus, lesdites dispositions reconnaissent à la Commission le pouvoir de surveiller étroitement la manière dont les autorités des États membres effectuent les paiements supplémentaires, en imposant à ces dernières plusieurs obligations de notification.

    51

    De même, l’article 64, paragraphe 3, du règlement no 1782/2003 exige que la Commission, dans un délai spécifique, soumette «au Conseil un rapport, accompagné si nécessaire de propositions appropriées, portant sur les conséquences éventuelles, en termes d’évolution structurelle et du marché, de la mise en œuvre par les États membres», notamment, de l’option prévue à l’article 69 du même règlement.

    52

    Il résulte de ce qui précède que l’examen de l’article 69 du règlement no 1782/2003 au regard de l’article 32 CE n’a révélé aucun élément de nature à affecter sa validité.

    Sur la violation des objectifs de garantie d’un revenu stable pour les producteurs et de conservation des zones rurales

    53

    La juridiction de renvoi demande si l’article 69 du règlement no 1782/2003 viole les «objectifs de garantie d’un revenu stable pour les producteurs» et de «conservation des zones rurales» en ce que son application aurait pour effet que les agriculteurs ne sont pas assurés d’un revenu stable et peuvent être conduits à abandonner la culture du tabac.

    54

    En ce qui concerne la garantie d’un revenu stable, il convient de relever que, ainsi que le souligne le Conseil, un tel objectif ne figure pas parmi les objectifs énoncés de la PAC à l’article 33 CE, lequel mentionne l’objectif «d’assurer ainsi un niveau de vie équitable à la population agricole» et celui de «stabiliser les marchés».

    55

    Par ailleurs, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 60 de ses conclusions, les traités n’exigent pas qu’un niveau de vie équitable soit garanti par la culture sans relâche d’un seul et même produit.

    56

    En outre, ainsi qu’il est exposé au point 32 du présent arrêt, l’article 69 du règlement no 1782/2003 ne modifie pas le montant total de l’aide pouvant être versée aux agriculteurs d’un secteur de produit, tel le tabac, mais permet seulement, et dans une mesure limitée, une répartition du montant de l’aide entre paiements directs et, le cas échéant, paiements supplémentaires.

    57

    De même, l’objectif de stabiliser les marchés, mentionné à l’article 33, paragraphe 1, sous c), CE, n’implique pas que la production doive toujours être stable, l’un des objectifs de la réforme de la PAC consistant au contraire à promouvoir une industrie agricole plus compétitive et davantage orientée sur le marché.

    58

    S’agissant de la compatibilité avec l’objectif allégué de la conservation des zones rurales, il convient de relever que les considérants 3 et 21 du règlement no 1782/2003 soulignent, précisément, la nécessité d’éviter l’abandon des terres agricoles et de conserver des zones rurales. La juridiction de renvoi n’a exposé aucun élément susceptible d’établir que la mesure prévue à l’article 69 dudit règlement porterait atteinte à de tels objectifs. Au contraire, la marge d’appréciation accordée aux États membres dans le cadre du taux de retenue leur permet de conditionner le droit au paiement supplémentaire au respect de conditions visant à atteindre ces objectifs.

    59

    Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que l’examen de la question préjudicielle n’a révélé aucun élément de nature à affecter la validité de l’article 69 du règlement no 1782/2003.

    Sur les dépens

    60

    La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

     

    Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) dit pour droit:

     

    L’examen de la question préjudicielle n’a révélé aucun élément de nature à affecter la validité de l’article 69 du règlement (CE) no 1782/2003 du Conseil, du 29 septembre 2003, établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs et modifiant les règlements (CEE) no 2019/93, (CE) no 1452/2001, (CE) no 1453/2001, (CE) no 1454/2001, (CE) no 1868/94, (CE) no 1251/1999, (CE) no 1254/1999, (CE) no 1673/2000, (CEE) no 2358/71 et (CE) no 2529/2001.

     

    Signatures


    ( *1 ) Langue de procédure: le grec.

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