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Document 62012CO0194
Order of the Court (Sixth Chamber) of 21 February 2013. # Concepción Maestre García v Centros Comerciales Carrefour SA. # Reference for a preliminary ruling: Juzgado de lo Social de Benidorm - Spain. # Article 99 of the Rules of Procedure - Directive 2003/88/EC - Organisation of working time - Entitlement to paid annual leave - Annual leave scheduled by the undertaking coinciding with sick leave - Entitlement to take annual leave at another time - Allowance in lieu of annual leave not taken. # Case C-194/12.
Ordonnance de la Cour (sixième chambre) du 21 février 2013.
Concepción Maestre García contre Centros Comerciales Carrefour SA.
Demande de décision préjudicielle: Juzgado de lo Social de Benidorm - Espagne.
Article 99 du règlement de procédure - Directive 2003/88/CE - Aménagement du temps de travail - Droit au congé annuel payé - Congé annuel fixé par l'entreprise coïncidant avec un congé de maladie - Droit de bénéficier du congé annuel à une autre période - Indemnité financière pour congé annuel non pris.
Affaire C-194/12.
Ordonnance de la Cour (sixième chambre) du 21 février 2013.
Concepción Maestre García contre Centros Comerciales Carrefour SA.
Demande de décision préjudicielle: Juzgado de lo Social de Benidorm - Espagne.
Article 99 du règlement de procédure - Directive 2003/88/CE - Aménagement du temps de travail - Droit au congé annuel payé - Congé annuel fixé par l'entreprise coïncidant avec un congé de maladie - Droit de bénéficier du congé annuel à une autre période - Indemnité financière pour congé annuel non pris.
Affaire C-194/12.
Recueil – Recueil général
Identifiant ECLI: ECLI:EU:C:2013:102
ORDONNANCE DE LA COUR (sixième chambre)
21 février 2013 ( *1 )
«Article 99 du règlement de procédure — Directive 2003/88/CE — Aménagement du temps de travail — Droit au congé annuel payé — Congé annuel fixé par l’entreprise coïncidant avec un congé de maladie — Droit de bénéficier du congé annuel à une autre période — Indemnité financière pour congé annuel non pris»
Dans l’affaire C‑194/12,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Juzgado de lo Social de Benidorm (Espagne), par décision du 22 février 2012, parvenue à la Cour le 26 avril 2012, dans la procédure
Concepción Maestre García
contre
Centros Comerciales Carrefour SA,
LA COUR (sixième chambre),
composée de Mme M. Berger, président de chambre, MM. E. Levits (rapporteur) et J.-J. Kasel, juges,
avocat général: M. Y. Bot,
greffier: M. A. Calot Escobar,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 99 du règlement de procédure de la Cour,
rend la présente
Ordonnance
1 |
La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail (JO L 299, p. 9). |
2 |
Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Mme Maestre García à Centros Comerciales Carrefour SA (ci-après «Carrefour»), son employeur, au sujet de la demande de Mme Maestre García de bénéficier d’un congé annuel en dehors de la période fixée par l’entreprise, période durant laquelle elle était en congé de maladie, ou, subsidiairement, d’obtenir une indemnité financière au titre de ce congé non pris. |
Le cadre juridique
La réglementation de l’Union
3 |
L’article 7 de la directive 2003/88, intitulé «Congé annuel», est libellé comme suit: «1. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie d’un congé annuel payé d’au moins quatre semaines, conformément aux conditions d’obtention et d’octroi prévues par les législations et/ou pratiques nationales. 2. La période minimale de congé annuel payé ne peut être remplacée par une indemnité financière, sauf en cas de fin de relation de travail.» |
4 |
L’article 17 de la directive 2003/88 prévoit que les États membres peuvent déroger à certaines dispositions de cette directive. Aucune dérogation n’est admise à l’égard de l’article 7 de ladite directive. |
La réglementation nationale
5 |
Le décret royal législatif 1/1995, portant approbation du texte refondu de la loi portant statut des travailleurs (Real Decreto Legislativo 1/1995, por el que se aprueba el texto refundido de la Ley del Estatuto de los Trabajadores), du 24 mars 1995 (BOE no 75, du 29 mars 1995, p. 9654), dans sa version applicable à la date des faits au principal (ci-après le «statut»), régit notamment la matière des congés payés annuels ainsi que celle des incapacités temporaires de travail. |
6 |
L’article 38 du statut dispose: «1. La période de congé annuel payé, qui ne peut être remplacée par une indemnité financière, est celle convenue par convention collective ou contrat individuel. Sa durée ne pourra en aucun cas être inférieure à trente jours civils. 2. La ou les périodes où le congé peut être pris sont fixées d’un commun accord entre l’entrepreneur et le travailleur, conformément à ce que prévoient, le cas échéant, les conventions collectives sur la planification annuelle des congés. En cas de désaccord entre les parties, la juridiction compétente fixe la date à laquelle le congé sera pris, et sa décision n’est pas susceptible de recours. La procédure est accélérée et prioritaire. 3. Le calendrier des congés est fixé dans chaque entreprise. Le travailleur doit connaître les dates le concernant au moins deux mois avant le début du congé. Lorsque la période de congé fixée dans le calendrier des congés de l’entreprise mentionné à l’alinéa précédent coïncide avec une période d’incapacité de travail due à la grossesse, à l’accouchement ou à l’allaitement, ou avec la période de suspension du contrat de travail prévue à l’article 48, paragraphe 4, de la présente loi, l’intéressé a le droit de prendre son congé à une époque distincte de celle de l’incapacité de travail ou de celle où il bénéficie du congé qui lui a été accordé en application de cette disposition, à l’expiration de la période de suspension, même si l’année civile correspondante est déjà écoulée.» |
7 |
L’article 48, paragraphe 4, du statut régit les cas de suspension du contrat de travail en cas d’accouchement, de décès de la mère après l’accouchement, d’accouchement prématuré, d’hospitalisation du nouveau-né, d’adoption ou d’accueil. |
8 |
L’article 37, dernier paragraphe, de la convention collective des grands magasins 2009-2012 contient une disposition analogue à celle du dernier paragraphe de l’article 38 du statut. |
Le litige au principal et la question préjudicielle
9 |
Mme Maestre García, employée en tant que caissière chez Carrefour, a été en congé de maladie du 4 novembre 2010 au 20 juin 2011. Durant cette période, le calendrier de planification des congés pour l’année 2011 a été fixé. La requérante au principal s’est vu attribuer une période de congés de 10 jours en hiver et une autre de 21 jours en été. |
10 |
Les périodes de congés qui lui ont été accordées couvraient la période de son congé de maladie. En conséquence, Mme Maestre García a demandé à son employeur de fixer ces périodes à des dates postérieures au terme de son congé de maladie. Cette demande n’a été acceptée qu’en ce qui concerne la période hivernale, un problème d’organisation et de ressources humaines ayant été avancé s’agissant de la période estivale. |
11 |
Afin de faire reconnaître son droit au congé annuel relatif à l’année 2011, Mme Maestre García a intenté un recours tendant, à titre principal, à la condamnation de Carrefour à lui accorder la période de congés estivale de 21 jours dont elle n’a pu bénéficier et, à titre subsidiaire, à lui payer une indemnité financière. |
12 |
Le Juzgado de lo Social de Benidorm, ayant des doutes, au regard du droit de l’Union, sur la solution du litige pendant devant lui lorsque des périodes de congés annuels coïncident avec une période de congés de maladie, a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:
|
Sur les questions préjudicielles
13 |
Conformément à l’article 99 du règlement de procédure de la Cour, lorsque la réponse à une question posée à titre préjudiciel peut être clairement déduite de la jurisprudence, la Cour peut, après avoir entendu l’avocat général, à tout moment, statuer par voie d’ordonnance motivée comportant référence à la jurisprudence en cause. |
14 |
Il y a lieu de faire application dudit article dans la présente affaire. |
Sur les première et deuxième questions
15 |
Par ses première et deuxième questions, qu’il y a lieu de traiter ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une interprétation de la réglementation nationale selon laquelle un travailleur qui est en congé de maladie durant la période de congés annuels fixée unilatéralement dans le calendrier des congés de l’entreprise où il est employé n’a pas le droit, au terme de son congé de maladie, de bénéficier de son congé annuel à une période autre que celle initialement fixée, le cas échéant en dehors de la période de référence correspondante, pour des raisons liées à la production ou à l’organisation de l’entreprise. |
16 |
À cet égard, il y a lieu de rappeler, en premier lieu, que, selon une jurisprudence constante, le droit au congé annuel payé de chaque travailleur doit être considéré comme un principe du droit social de l’Union revêtant une importance particulière, auquel il ne saurait être dérogé et dont la mise en œuvre par les autorités nationales compétentes ne peut être effectuée que dans les limites expressément énoncées par la directive 93/104/CE du Conseil, du 23 novembre 1993, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail (JO L 307, p. 18), elle-même, cette directive ayant été codifiée par la directive 2003/88 (arrêt du 22 novembre 2011, KHS, C-214/10, Rec. p. I-11757, point 23 et jurisprudence citée). |
17 |
Il convient de noter, en second lieu, que le droit au congé annuel payé revêt, en sa qualité de principe du droit social de l’Union, non seulement une importance particulière, mais qu’il est aussi expressément consacré à l’article 31, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, à laquelle l’article 6, paragraphe 1, TUE reconnaît la même valeur juridique que les traités (arrêts KHS, précité, point 37, et du 3 mai 2012, Neidel, C‑337/10, point 40). |
18 |
Il est constant, en outre, que la finalité du droit au congé annuel payé est de permettre au travailleur de se reposer et de disposer d’une période de détente et de loisirs. Cette finalité diffère en cela de celle du droit au congé de maladie. Ce dernier est accordé au travailleur afin qu’il puisse se rétablir d’une maladie engendrant une incapacité de travail (voir arrêt du 21 juin 2012, ANGED, C‑78/11, point 19). |
19 |
Ainsi, la Cour a déjà jugé qu’il découle notamment de la finalité du droit au congé annuel payé qu’un travailleur qui est en congé de maladie durant une période de congés annuels fixée au préalable a le droit, à sa demande et afin qu’il puisse bénéficier effectivement de son congé annuel, de prendre celui-ci à une autre époque que celle coïncidant avec la période de congés de maladie (voir arrêts du 10 septembre 2009, Vicente Pereda, C-277/08, Rec. p. I-8405, point 22, et ANGED, précité, point 20). |
20 |
À cet égard, il y a lieu de préciser que le travailleur a la faculté de présenter sa demande de congé annuel non seulement avant la date à laquelle les congés annuels sont fixés dans le calendrier des congés de l’entreprise, mais également après cette date, marquant ainsi son désaccord avec la période qui lui a été accordée. Dans ce contexte, toute disposition émanant d’un accord entre l’entreprise et les représentants des travailleurs de celle-ci, qui lui dénierait cette faculté, est dépourvue de pertinence. |
21 |
Par conséquent, si la directive 2003/88 ne s’oppose pas à des dispositions ou à des pratiques nationales permettant à un travailleur en congé de maladie de prendre un congé annuel payé durant une période de congé de maladie (arrêt du 20 janvier 2009, Schultz-Hoff e.a., C-350/06 et C-520/06, Rec. p. I-179, point 31), il résulte de la jurisprudence citée au point 19 de la présente ordonnance que, lorsque ce travailleur ne souhaite pas prendre un congé annuel durant une telle période, l’employeur est obligé de lui accorder un congé annuel au cours d’une période différente. |
22 |
La Cour a déjà jugé, en ce qui concerne la fixation de cette nouvelle période de congés annuels, correspondant à la durée du chevauchement entre la période de congés annuels initialement fixée et le congé de maladie, qu’elle est soumise aux règles et aux procédures de droit national applicables pour la fixation des congés des travailleurs, tenant compte des différents intérêts en présence, notamment des raisons impérieuses liées aux intérêts de l’entreprise (voir arrêt Vicente Pereda, précité, point 22). |
23 |
S’agissant de la prise en compte des intérêts de celle-ci, la Cour a précisé que, dans l’hypothèse où de tels intérêts s’opposent à l’acceptation de la demande du travailleur concernant la nouvelle période de congés annuels, l’employeur est obligé d’accorder au travailleur une autre période de congés annuels proposée par ce dernier qui soit compatible avec lesdits intérêts, sans exclure a priori que ladite période se situe en dehors de la période de référence pour le congé annuel en question (voir arrêt Vicente Pereda, précité, point 23). |
24 |
Il découle de ces considérations que l’employeur ne saurait refuser, pour des raisons liées aux intérêts de l’entreprise, d’accorder au travailleur toute autre période de congés annuels. En effet, au regard de l’importance particulière du droit au congé annuel payé en sa qualité de principe du droit social de l’Union, ainsi que cela a été évoqué au point 17 de la présente ordonnance, la prise en compte des intérêts de l’entreprise ne saurait se traduire que par la faculté pour l’employeur de refuser une période choisie par le travailleur au profit d’une autre période, se situant, le cas échéant, en dehors de la période de référence, sans mettre en cause l’octroi d’une période de congés annuels ultérieure en tant que tel. |
25 |
Au regard de tout ce qui précède, il y a lieu de répondre aux première et deuxième questions posées que l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une interprétation de la réglementation nationale selon laquelle un travailleur qui est en congé de maladie durant la période de congés annuels fixée unilatéralement dans le calendrier des congés de l’entreprise où il est employé n’a pas le droit, au terme de son congé de maladie, de bénéficier de son congé annuel à une période autre que celle initialement fixée, le cas échéant en dehors de la période de référence correspondante, pour des raisons liées à la production ou à l’organisation de l’entreprise. |
Sur la troisième question
26 |
Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 7 de la directive 2003/88 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une interprétation de la réglementation nationale qui permet que la période de congé annuel dont le travailleur n’a pu bénéficier en raison d’une incapacité de travail soit remplacé par une indemnité financière, alors même que la relation de travail n’a pas pris fin, mais qu’il existe des motifs liés à la production ou à l’organisation de l’entreprise empêchant le travailleur de prendre effectivement son congé annuel. |
27 |
En vue de répondre à cette question, il importe de rappeler d’emblée que, aux termes mêmes de l’article 7, paragraphe 2, de la directive 2003/88, «la période minimale de congé annuel payé ne peut être remplacée par une indemnité financière, sauf en cas de fin de relation de travail». |
28 |
Ainsi, selon une jurisprudence constante (voir arrêts précités Vicente Pereda, point 20 et jurisprudence citée, ainsi que Neidel, point 29 et jurisprudence citée), le travailleur doit normalement pouvoir bénéficier d’un repos effectif, dans un souci de protection efficace de sa sécurité et de sa santé. Ce n’est, dès lors, que dans le cas où la relation de travail prend fin que l’article 7, paragraphe 2, de la directive 2003/88 permet de remplacer le droit au congé annuel payé non pris par une compensation financière. |
29 |
Or, dans l’affaire au principal, il est constant que le contrat de travail de Mme Maestre García n’a pas pris fin, de sorte que l’article 7 de la directive 2003/88 n’autorise pas le paiement d’une indemnité financière, des raisons liées aux intérêts de l’entreprise qui empêcheraient le travailleur de prendre effectivement son congé annuel étant dépourvues de toute pertinence à cet égard. |
30 |
Au vu de ce qui précède, il y a lieu de répondre à la troisième question posée que l’article 7 de la directive 2003/88 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une interprétation de la réglementation nationale qui permet que, pendant la durée du contrat de travail, la période de congé annuel dont le travailleur n’a pu bénéficier en raison d’une incapacité de travail soit remplacé par une indemnité financière. |
Sur les dépens
31 |
La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement. |
Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) dit pour droit: |
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Signatures |
( *1 ) Langue de procédure: l’espagnol.
Parties
Motifs de l'arrêt
Dispositif
Dans l’affaire C-194/12,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Juzgado de lo Social de Benidorm (Espagne), par décision du 22 février 2012, parvenue à la Cour le 26 avril 2012, dans la procédure
Concepción Maestre García
contre
Centros Comerciales Carrefour SA,
LA COUR (sixième chambre),
composée de M me M. Berger, président de chambre, MM. E. Levits (rapporteur) et J.-J. Kasel, juges,
avocat général: M. Y. Bot,
greffier: M. A. Calot Escobar,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 99 du règlement de procédure de la Cour,
rend la présente
Ordonnance
1. La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail (JO L 299, p. 9).
2. Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M me Maestre García à Centros Comerciales Carrefour SA (ci-après «Carrefour»), son employeur, au sujet de la demande de M me Maestre García de bénéficier d’un congé annuel en dehors de la période fixée par l’entreprise, période durant laquelle elle était en congé de maladie, ou, subsidiairement, d’obtenir une indemnité financière au titre de ce congé non pris.
Le cadre juridique
La réglementation de l’Union
3. L’article 7 de la directive 2003/88, intitulé «Congé annuel», est libellé comme suit:
«1. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie d’un congé annuel payé d’au moins quatre semaines, conformément aux conditions d’obtention et d’octroi prévues par les législations et/ou pratiques nationales.
2. La période minimale de congé annuel payé ne peut être remplacée par une indemnité financière, sauf en cas de fin de relation de travail.»
4. L’article 17 de la directive 2003/88 prévoit que les États membres peuvent déroger à certaines dispositions de cette directive. Aucune dérogation n’est admise à l’égard de l’article 7 de ladite directive.
La réglementation nationale
5. Le décret royal législatif 1/1995, portant approbation du texte refondu de la loi portant statut des travailleurs (Real Decreto Legislativo 1/1995, por el que se aprueba el texto refundido de la Ley del Estatuto de los Trabajadores), du 24 mars 1995 (BOE n o 75, du 29 mars 1995, p. 9654), dans sa version applicable à la date des faits au principal (ci-après le «statut»), régit notamment la matière des congés payés annuels ainsi que celle des incapacités temporaires de travail.
6. L’article 38 du statut dispose:
«1. La période de congé annuel payé, qui ne peut être remplacée par une indemnité financière, est celle convenue par convention collective ou contrat individuel. Sa durée ne pourra en aucun cas être inférieure à trente jours civils.
2. La ou les périodes où le congé peut être pris sont fixées d’un commun accord entre l’entrepreneur et le travailleur, conformément à ce que prévoient, le cas échéant, les conventions collectives sur la planification annuelle des congés.
En cas de désaccord entre les parties, la juridiction compétente fixe la date à laquelle le congé sera pris, et sa décision n’est pas susceptible de recours. La procédure est accélérée et prioritaire.
3. Le calendrier des congés est fixé dans chaque entreprise. Le travailleur doit connaître les dates le concernant au moins deux mois avant le début du congé.
Lorsque la période de congé fixée dans le calendrier des congés de l’entreprise mentionné à l’alinéa précédent coïncide avec une période d’incapacité de travail due à la grossesse, à l’accouchement ou à l’allaitement, ou avec la période de suspension du contrat de travail prévue à l’article 48, paragraphe 4, de la présente loi, l’intéressé a le droit de prendre son congé à une époque distincte de celle de l’incapacité de travail ou de celle où il bénéficie du congé qui lui a été accordé en application de cette disposition, à l’expiration de la période de suspension, même si l’année civile correspondante est déjà écoulée.»
7. L’article 48, paragraphe 4, du statut régit les cas de suspension du contrat de travail en cas d’accouchement, de décès de la mère après l’accouchement, d’accouchement prématuré, d’hospitalisation du nouveau-né, d’adoption ou d’accueil.
8. L’article 37, dernier paragraphe, de la convention collective des grands magasins 2009-2012 contient une disposition analogue à celle du dernier paragraphe de l’article 38 du statut.
Le litige au principal et la question préjudicielle
9. M me Maestre García, employée en tant que caissière chez Carrefour, a été en congé de maladie du 4 novembre 2010 au 20 juin 2011. Durant cette période, le calendrier de planification des congés pour l’année 2011 a été fixé. La requérante au principal s’est vu attribuer une période de congés de 10 jours en hiver et une autre de 21 jours en été.
10. Les périodes de congés qui lui ont été accordées couvraient la période de son congé de maladie. En conséquence, M me Maestre García a demandé à son employeur de fixer ces périodes à des dates postérieures au terme de son congé de maladie. Cette demande n’a été acceptée qu’en ce qui concerne la période hivernale, un problème d’organisation et de ressources humaines ayant été avancé s’agissant de la période estivale.
11. Afin de faire reconnaître son droit au congé annuel relatif à l’année 2011, M me Maestre García a intenté un recours tendant, à titre principal, à la condamnation de Carrefour à lui accorder la période de congés estivale de 21 jours dont elle n’a pu bénéficier et, à titre subsidiaire, à lui payer une indemnité financière.
12. Le Juzgado de lo Social de Benidorm, ayant des doutes, au regard du droit de l’Union, sur la solution du litige pendant devant lui lorsque des périodes de congés annuels coïncident avec une période de congés de maladie, a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:
«1) L’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88 […] s’oppose-t-il à une interprétation de la réglementation nationale qui ne permet pas d’interrompre le congé annuel afin de bénéficier de la totalité du congé [annuel] – ou du congé [annuel] restant – à une date ultérieure si un arrêt de maladie survient avant ledit congé et qu’il existe des raisons liées à la production ou à l’organisation s’opposant à ce que le congé annuel soit pris à une date ultérieure?
2) L’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88 […] s’oppose-t-il à une interprétation de la réglementation nationale qui permet à l’employeur de fixer unilatéralement une période de congé [annuel] coïncidant avec un congé de maladie, si le travailleur n’a pas indiqué préalablement préférer prendre son congé annuel à un autre moment et qu’il existe un accord entre les représentants des travailleurs de l’entreprise et l’entreprise le permettant?
3) L’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88 […] s’oppose-t-il à une interprétation de la réglementation nationale qui permet de compenser financièrement, bien qu’il n’y ait pas d’extinction du contrat de travail, les congés annuels non pris en raison d’un arrêt de maladie, s’il existe des raisons liées à la production ou à l’organisation qui ne permettent pas au travailleur de prendre effectivement son congé [annuel]?»
Sur les questions préjudicielles
13. Conformément à l’article 99 du règlement de procédure de la Cour, lorsque la réponse à une question posée à titre préjudiciel peut être clairement déduite de la jurisprudence, la Cour peut, après avoir entendu l’avocat général, à tout moment, statuer par voie d’ordonnance motivée comportant référence à la jurisprudence en cause.
14. Il y a lieu de faire application dudit article dans la présente affaire.
Sur les première et deuxième questions
15. Par ses première et deuxième questions, qu’il y a lieu de traiter ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une interprétation de la réglementation nationale selon laquelle un travailleur qui est en congé de maladie durant la période de congés annuels fixée unilatéralement dans le calendrier des congés de l’entreprise où il est employé n’a pas le droit, au terme de son congé de maladie, de bénéficier de son congé annuel à une période autre que celle initialement fixée, le cas échéant en dehors de la période de référence correspondante, pour des raisons liées à la production ou à l’organisation de l’entreprise.
16. À cet égard, il y a lieu de rappeler, en premier lieu, que, selon une jurisprudence constante, le droit au congé annuel payé de chaque travailleur doit être considéré comme un principe du droit social de l’Union revêtant une importance particulière, auquel il ne saurait être dérogé et dont la mise en œuvre par les autorités nationales compétentes ne peut être effectuée que dans les limites expressément énoncées par la directive 93/104/CE du Conseil, du 23 novembre 1993, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail (JO L 307, p. 18), elle-même, cette directive ayant été codifiée par la directive 2003/88 (arrêt du 22 novembre 2011, KHS, C-214/10, Rec. p. I-11757, point 23 et jurisprudence citée).
17. Il convient de noter, en second lieu, que le droit au congé annuel payé revêt, en sa qualité de principe du droit social de l’Union, non seulement une importance particulière, mais qu’il est aussi expressément consacré à l’article 31, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, à laquelle l’article 6, paragraphe 1, TUE reconnaît la même valeur juridique que les traités (arrêts KHS, précité, point 37, et du 3 mai 2012, Neidel, C-337/10, point 40).
18. Il est constant, en outre, que la finalité du droit au congé annuel payé est de permettre au travailleur de se reposer et de disposer d’une période de détente et de loisirs. Cette finalité diffère en cela de celle du droit au congé de maladie. Ce dernier est accordé au travailleur afin qu’il puisse se rétablir d’une maladie engendrant une incapacité de travail (voir arrêt du 21 juin 2012, ANGED, C-78/11, point 19).
19. Ainsi, la Cour a déjà jugé qu’il découle notamment de la finalité du droit au congé annuel payé qu’un travailleur qui est en congé de maladie durant une période de congés annuels fixée au préalable a le droit, à sa demande et afin qu’il puisse bénéficier effectivement de son congé annuel, de prendre celui-ci à une autre époque que celle coïncidant avec la période de congés de maladie (voir arrêts du 10 septembre 2009, Vicente Pereda, C-277/08, Rec. p. I-8405, point 22, et ANGED, précité, point 20).
20. À cet égard, il y a lieu de préciser que le travailleur a la faculté de présenter sa demande de congé annuel non seulement avant la date à laquelle les congés annuels sont fixés dans le calendrier des congés de l’entreprise, mais également après cette date, marquant ainsi son désaccord avec la période qui lui a été accordée. Dans ce contexte, toute disposition émanant d’un accord entre l’entreprise et les représentants des travailleurs de celle-ci, qui lui dénierait cette faculté, est dépourvue de pertinence.
21. Par conséquent, si la directive 2003/88 ne s’oppose pas à des dispositions ou à des pratiques nationales permettant à un travailleur en congé de maladie de prendre un congé annuel payé durant une période de congé de maladie (arrêt du 20 janvier 2009, Schultz-Hoff e.a., C-350/06 et C-520/06, Rec. p. I-179, point 31), il résulte de la jurisprudence citée au point 19 de la présente ordonnance que, lorsque ce travailleur ne souhaite pas prendre un congé annuel durant une telle période, l’employeur est obligé de lui accorder un congé annuel au cours d’une période différente.
22. La Cour a déjà jugé, en ce qui concerne la fixation de cette nouvelle période de congés annuels, correspondant à la durée du chevauchement entre la période de congés annuels initialement fixée et le congé de maladie, qu’elle est soumise aux règles et aux procédures de droit national applicables pour la fixation des congés des travailleurs, tenant compte des différents intérêts en présence, notamment des raisons impérieuses liées aux intérêts de l’entreprise (voir arrêt Vicente Pereda, précité, point 22).
23. S’agissant de la prise en compte des intérêts de celle-ci, la Cour a précisé que, dans l’hypothèse où de tels intérêts s’opposent à l’acceptation de la demande du travailleur concernant la nouvelle période de congés annuels, l’employeur est obligé d’accorder au travailleur une autre période de congés annuels proposée par ce dernier qui soit compatible avec lesdits intérêts, sans exclure a priori que ladite période se situe en dehors de la période de référence pour le congé annuel en question (voir arrêt Vicente Pereda, précité, point 23).
24. Il découle de ces considérations que l’employeur ne saurait refuser, pour des raisons liées aux intérêts de l’entreprise, d’accorder au travailleur toute autre période de congés annuels. En effet, au regard de l’importance particulière du droit au congé annuel payé en sa qualité de principe du droit social de l’Union, ainsi que cela a été évoqué au point 17 de la présente ordonnance, la prise en compte des intérêts de l’entreprise ne saurait se traduire que par la faculté pour l’employeur de refuser une période choisie par le travailleur au profit d’une autre période, se situant, le cas échéant, en dehors de la période de référence, sans mettre en cause l’octroi d’une période de congés annuels ultérieure en tant que tel.
25. Au regard de tout ce qui précède, il y a lieu de répondre aux première et deuxième questions posées que l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une interprétation de la réglementation nationale selon laquelle un travailleur qui est en congé de maladie durant la période de congés annuels fixée unilatéralement dans le calendrier des congés de l’entreprise où il est employé n’a pas le droit, au terme de son congé de maladie, de bénéficier de son congé annuel à une période autre que celle initialement fixée, le cas échéant en dehors de la période de référence correspondante, pour des raisons liées à la production ou à l’organisation de l’entreprise.
Sur la troisième question
26. Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 7 de la directive 2003/88 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une interprétation de la réglementation nationale qui permet que la période de congé annuel dont le travailleur n’a pu bénéficier en raison d’une incapacité de travail soit remplacé par une indemnité financière, alors même que la relation de travail n’a pas pris fin, mais qu’il existe des motifs liés à la production ou à l’organisation de l’entreprise empêchant le travailleur de prendre effectivement son congé annuel.
27. En vue de répondre à cette question, il importe de rappeler d’emblée que, aux termes mêmes de l’article 7, paragraphe 2, de la directive 2003/88, «la période minimale de congé annuel payé ne peut être remplacée par une indemnité financière, sauf en cas de fin de relation de travail».
28. Ainsi, selon une jurisprudence constante (voir arrêts précités Vicente Pereda, point 20 et jurisprudence citée, ainsi que Neidel, point 29 et jurisprudence citée), le travailleur doit normalement pouvoir bénéficier d’un repos effectif, dans un souci de protection efficace de sa sécurité et de sa santé. Ce n’est, dès lors, que dans le cas où la relation de travail prend fin que l’article 7, paragraphe 2, de la directive 2003/88 permet de remplacer le droit au congé annuel payé non pris par une compensation financière.
29. Or, dans l’affaire au principal, il est constant que le contrat de travail de M me Maestre García n’a pas pris fin, de sorte que l’article 7 de la directive 2003/88 n’autorise pas le paiement d’une indemnité financière, des raisons liées aux intérêts de l’entreprise qui empêcheraient le travailleur de prendre effectivement son congé annuel étant dépourvues de toute pertinence à cet égard.
30. Au vu de ce qui précède, il y a lieu de répondre à la troisième question posée que l’article 7 de la directive 2003/88 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une interprétation de la réglementation nationale qui permet que, pendant la durée du contrat de travail, la période de congé annuel dont le travailleur n’a pu bénéficier en raison d’une incapacité de travail soit remplacé par une indemnité financière.
Sur les dépens
31. La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) dit pour droit:
1) L’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une interprétation de la réglementation nationale selon laquelle un travailleur qui est en congé de maladie durant la période de congés annuels fixée unilatéralement dans le calendrier des congés de l’entreprise où il est employé n’a pas le droit, au terme de son congé de maladie, de bénéficier de son congé annuel à une période autre que celle initialement fixée, le cas échéant en dehors de la période de référence correspondante, pour des raisons liées à la production ou à l’organisation de l’entreprise.
2) L’article 7 de la directive 2003/88 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une interprétation de la réglementation nationale qui permet que, pendant la durée du contrat de travail, la période de congé annuel dont le travailleur n’a pu bénéficier en raison d’une incapacité de travail soit remplacée par une indemnité financière.