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Document 62010CJ0588

    Arrêt de la Cour (deuxième chambre) du 26 janvier 2012.
    Minister Finansów contre Kraft Foods Polska SA.
    Demande de décision préjudicielle, introduite par le Naczelny Sąd Administracyjny.
    Fiscalité — TVA — Directive 2006/112/CE — Article 90, paragraphe 1 — Réduction du prix après le moment où l’opération a été effectuée — Réglementation nationale subordonnant la réduction de la base d’imposition à la possession, par le fournisseur de biens ou de services, d’un accusé de réception d’une facture rectificative remis par le preneur des biens ou des services — Principe de neutralité de la TVA — Principe de proportionnalité.
    Affaire C-588/10.

    Recueil – Recueil général

    Identifiant ECLI: ECLI:EU:C:2012:40

    ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

    26 janvier 2012 ( *1 )

    «Fiscalité — TVA — Directive 2006/112/CE — Article 90, paragraphe 1 — Réduction du prix après le moment où l’opération a été effectuée — Réglementation nationale subordonnant la réduction de la base d’imposition à la possession, par le fournisseur de biens ou de services, d’un accusé de réception d’une facture rectificative remis par le preneur des biens ou des services — Principe de neutralité de la TVA — Principe de proportionnalité»

    Dans l’affaire C-588/10,

    ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Naczelny Sąd Administracyjny (Pologne), par décision du 16 septembre 2010, parvenue à la Cour le 14 décembre 2010, dans la procédure

    Minister Finansów

    contre

    Kraft Foods Polska SA,

    LA COUR (deuxième chambre),

    composée de M. J. N. Cunha Rodrigues, président de chambre, MM. U. Lõhmus, A. Rosas, A. Ó Caoimh et A. Arabadjiev (rapporteur), juges,

    avocat général: Mme J. Kokott,

    greffier: Mme K. Sztranc-Sławiczek,

    vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 15 novembre 2011,

    considérant les observations présentées:

    pour le Minister Finansów, par M. J. Kwaśnicki, conseiller juridique,

    pour Kraft Foods Polska SA, par M. P. Żurowski, conseiller fiscal, et Mme A. Smolińska-Wiśnioch, adwokat,

    pour le gouvernement polonais, par Mmes A. Kraińska et A. Kramarczyk ainsi que par M. M. Szpunar, en qualité d’agents,

    pour le gouvernement portugais, par M. L. Inez Fernandes, en qualité d’agent,

    pour la Commission européenne, par Mmes K. Herrmann et L. Lozano Palacios, en qualité d’agents,

    vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

    rend le présent

    Arrêt

    1

    La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 90, paragraphe 1, de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO L 347, p. 1, ci-après la «directive TVA»), ainsi que des principes de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA») et de proportionnalité.

    2

    Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant le Minister Finansów (ministre des Finances polonais) à Kraft Foods Polska SA (ci-après «KFP») au sujet d’un avis individuel adressé à KFP et constatant l’illégalité, eu égard à la réglementation nationale, de la réduction, sur la base d’une facture rectificative adressée au cocontractant, de la base d’imposition ainsi que du montant de la TVA due si, à la date du dépôt de la déclaration de TVA, KFP n’était pas en possession d’un accusé de réception de ladite facture rectificative remis par ce cocontractant.

    Le cadre juridique

    La réglementation de l’Union

    3

    L’article 1er, paragraphe 2, de la directive TVA énonce que le «principe du système commun de TVA est d’appliquer aux biens et aux services un impôt général sur la consommation exactement proportionnel au prix des biens et des services, quel que soit le nombre des opérations intervenues dans le processus de production et de distribution antérieur au stade d’imposition».

    4

    Aux termes de l’article 73 de cette directive, pour «les livraisons de biens et les prestations de services autres que celles visées aux articles 74 à 77, la base d’imposition comprend tout ce qui constitue la contrepartie obtenue ou à obtenir par le fournisseur ou le prestataire pour ces opérations de la part de l’acquéreur, du preneur ou d’un tiers, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations».

    5

    L’article 79 de ladite directive prévoit:

    «Ne sont pas à comprendre dans la base d’imposition les éléments suivants:

    a)

    les diminutions de prix à titre d’escompte pour paiement anticipé;

    b)

    les rabais et ristournes de prix consentis à l’acquéreur ou au preneur et acquis au moment où s’effectue l’opération;

    c)

    les montants reçus par un assujetti de la part de son acquéreur ou de son preneur, en remboursement des frais exposés au nom et pour le compte de ces derniers et qui sont portés dans sa comptabilité dans des comptes de passage.

    L’assujetti doit justifier le montant effectif des frais visés au premier alinéa, point c), et ne peut pas procéder à la déduction de la TVA qui les a éventuellement grevés.»

    6

    Conformément à l’article 90, paragraphe 1, de la directive TVA, en «cas d’annulation, de résiliation, de résolution, de non-paiement total ou partiel ou de réduction de prix après le moment où s’effectue l’opération, la base d’imposition est réduite à due concurrence dans les conditions déterminées par les États membres».

    7

    L’article 273 de cette directive dispose:

    «Les États membres peuvent prévoir d’autres obligations qu’ils jugeraient nécessaires pour assurer l’exacte perception de la TVA et pour éviter la fraude, sous réserve du respect de l’égalité de traitement des opérations intérieures et des opérations effectuées entre États membres par des assujettis, et à condition que ces obligations ne donnent pas lieu dans les échanges entre les États membres à des formalités liées au passage d’une frontière.

    La faculté prévue au premier alinéa ne peut être utilisée pour imposer des obligations de facturation supplémentaires à celles fixées au chapitre 3.»

    8

    Aux termes de l’article 183 de la directive TVA:

    «Lorsque le montant des déductions dépasse celui de la TVA due pour une période imposable, les États membres peuvent soit faire reporter l’excédent sur la période suivante, soit procéder au remboursement selon les modalités qu’ils fixent.

    Toutefois, les États membres peuvent refuser le report ou le remboursement lorsque l’excédent est insignifiant.»

    La réglementation nationale

    9

    L’article 29, paragraphes 4a à 4c, de la loi du 11 mars 2004 relative à la taxe sur les biens et les services (ustawa z dnia 11 marca 2004 r. o podatku od towarów i usług, Dz. U. no 54, position 535, ci-après la «loi relative à la TVA») prévoit:

    «4a.

    Dans les cas prévus, l’assujetti peut procéder à la réduction de la base imposable telle que fixée dans la facture pourvu que, avant l’expiration du délai de dépôt de la déclaration de TVA pour la période imposable au cours de laquelle le preneur du bien ou du service a reçu la facture [rectificative], il soit en possession d’un accusé de réception de cette facture par ledit preneur. Lorsque le preneur du bien ou du service a reçu la facture après l’expiration du délai de dépôt de la déclaration fiscale pour une période imposable, l’assujetti a le droit de prendre en compte la facture [rectificative] pour la période imposable au cours de laquelle il a reçu l’accusé de réception de la part du preneur.

    4b.

    La condition relative à l’obtention, par l’assujetti, de l’accusé de réception de la facture de la part du preneur du bien ou du service ne s’applique pas:

    1)

    en cas d’exportation, de livraison intracommunautaire et de livraison de biens pour lesquelles le lieu de taxation se trouve en dehors du territoire national;

    2)

    à l’égard d’acquéreurs pour lesquels il s’agit d’une vente terminée, à savoir les fournitures d’énergie électrique et de chauffage, de gaz, de services de télécommunications et de radiocommunications ainsi que de services indiqués aux points 138 et 153 de l’annexe 3 de la présente loi.

    4c.

    La disposition du paragraphe 4a s’applique également en cas de constatation d’une erreur dans le montant de la taxe indiqué sur la facture et de délivrance d’une facture rectificative de la facture faisant mention d’un montant de taxe supérieur au montant dû.»

    Le litige au principal et les questions préjudicielles

    10

    KFP est active dans le domaine de la production et de la distribution de denrées alimentaires. Dans le cadre de la vente de ses produits à de multiples cocontractants, elle délivre un nombre important de factures et de factures rectificatives, ces dernières étant émises, notamment, pour l’octroi de remises, pour le retour de produits et en cas d’erreurs.

    11

    Il arrive régulièrement que KFP ne reçoive qu’avec un retard significatif les accusés de réception de factures rectificatives de la part de preneurs, ou même qu’elle ne les reçoive pas. L’obtention de tels accusés de réception nécessite souvent l’envoi de rappels ainsi que des échanges de courriers et implique l’obligation de mettre en place un suivi de la remise de ces accusés de réception.

    12

    Considérant qu’elle était autorisée à réduire la base d’imposition et le montant de la TVA due sur le fondement de la facture rectificative prise en compte dans la déclaration de TVA afférente à la période au cours de laquelle ladite facture a été délivrée, alors même que, à la date du dépôt de cette déclaration, elle n’était pas en possession de l’accusé de réception de ladite facture rectificative, KFP a adressé au Minister Finansów une demande visant à faire confirmer son interprétation de l’article 29 de la loi relative à la TVA.

    13

    Dans un avis individuel du 10 avril 2009, le Minister Finansów a considéré qu’il ressort d’une lecture littérale de l’article 29, paragraphe 4a, de ladite loi que la réduction du montant de la TVA due par le vendeur est subordonnée à la possession par ce dernier d’un accusé de réception de la facture rectificative remis par l’acquéreur, les difficultés pratiques que KFP pourrait éprouver en vue de l’obtention de cet accusé de réception étant dépourvues de toute pertinence.

    14

    À la suite d’un recours administratif infructueux, KFP a saisi le Wojewódzki Sąd Administracyjny w Warszawie (tribunal administratif de Varsovie) en invoquant une violation, premièrement, de l’article 29, paragraphes 4a et 4c, de la loi relative à la TVA, lu en combinaison avec les articles 73 et 79 de la directive TVA, résultant d’une violation du principe de neutralité de la TVA, deuxièmement, du principe de proportionnalité, troisièmement, du principe de la primauté du droit de l’Union et, quatrièmement, de règles de procédure, en raison, notamment, d’un refus d’appliquer la jurisprudence de la Cour.

    15

    Le Wojewódzki Sąd Administracyjny w Warszawie, d’une part, a estimé que l’article 29, paragraphe 4a, de la loi relative à la TVA oblige l’assujetti désirant réduire la base d’imposition à obtenir la preuve de la remise de la facture rectificative à l’acquéreur des biens ou des services.

    16

    D’autre part, cette juridiction a considéré que ledit article 29, paragraphe 4a, est contraire au droit de l’Union, dès lors que les articles 73 à 92 de la directive TVA ne prévoient pas l’obligation de disposer d’un accusé de réception d’une facture rectificative et que l’introduction, par le législateur national, d’une telle obligation est contraire aux principes de neutralité de la TVA et de proportionnalité. En effet, cette disposition du droit national aurait pour conséquence une non-prise en compte de la base réelle réduite de l’imposition et prévoirait des exigences formelles allant au-delà de ce qui est nécessaire pour le contrôle d’éventuels abus.

    17

    Le Minister Finansów a formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt devant la juridiction de renvoi. Selon lui, en exigeant un accusé de réception d’une facture rectificative, le législateur national s’est borné à faire usage de la faculté que lui reconnaît la directive TVA de choisir les formes et les moyens de la mise en œuvre du droit à la réduction de la base d’imposition. Cette exigence viserait à garantir la régularité des opérations et n’enfreindrait ni le principe de neutralité de la TVA ni celui de proportionnalité.

    18

    C’est dans ces circonstances que le Naczelny Sąd Administracyjny a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

    «Une condition, telle que celle visée à l’article 29, paragraphe 4a, de la [loi relative à la TVA], qui subordonne le droit de réduire la base d’imposition fixée dans une facture, à la possession, par l’assujetti, avant l’expiration du délai de dépôt de la déclaration fiscale afférente à la période imposable au cours de laquelle le preneur des biens ou des services a reçu la facture [rectificative], d’un accusé de réception de ladite facture de la part du preneur des biens ou des services, peut-elle relever de la notion de condition visée à l’article 90, paragraphe 1, de la directive [TVA], qui dispose que, en cas de réduction de prix après le moment où s’effectue l’opération, la base d’imposition est réduite à due concurrence dans les conditions déterminées par les États membres, et cette condition n’enfreint-elle pas le principe de neutralité de la TVA ainsi que le principe de proportionnalité?»

    Sur la question préjudicielle

    19

    Par la question posée, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’exigence consistant à subordonner la réduction de la base d’imposition, telle qu’elle résulte d’une facture initiale, à la possession, par l’assujetti, d’un accusé de réception d’une facture rectificative remis par le preneur des biens ou des services, relève de la notion de condition visée à l’article 90, paragraphe 1, de la directive TVA et si les principes de neutralité de la TVA ainsi que de proportionnalité s’opposent à une telle exigence.

    20

    S’agissant de la question de savoir si l’exigence en cause au principal relève de la notion de condition visée à l’article 90, paragraphe 1, de la directive TVA, il y a lieu de rappeler qu’il résulte des articles 1er, paragraphe 2, et 73 de la directive TVA que le principe du système commun de TVA consiste à appliquer aux biens et aux services un impôt général sur la consommation exactement proportionnel à leur prix et que la base d’imposition comprend tout ce qui constitue la contrepartie obtenue ou à obtenir par le fournisseur de biens ou le prestataire de services pour les opérations visées de la part de l’acquéreur, du preneur ou d’un tiers.

    21

    En particulier, en cas de réduction de prix après le moment où s’effectue l’opération, l’article 90, paragraphe 1, de la directive TVA dispose que «la base d’imposition est réduite à due concurrence dans les conditions déterminées par les États membres».

    22

    En outre, en vertu de l’article 273 de ladite directive, les États membres peuvent prévoir les obligations qu’ils jugent nécessaires pour assurer l’exacte perception de la TVA et pour éviter la fraude, à condition que l’égalité de traitement des opérations intérieures et des opérations effectuées entre États membres par des assujettis soit respectée, que ces obligations ne donnent pas lieu dans les échanges entre les États membres à des formalités liées au passage d’une frontière et que cette faculté ne soit pas utilisée pour imposer des obligations de facturation supplémentaires à celles fixées au chapitre 3 de la même directive.

    23

    Étant donné que, en dehors des limites qu’elles fixent, les dispositions des articles 90, paragraphe 1, et 273 de la directive TVA ne précisent ni les conditions ni les obligations que les États membres peuvent prévoir, force est de constater que ces dispositions confèrent aux États membres une marge d’appréciation, notamment, quant aux formalités à remplir par les assujettis devant les autorités fiscales desdits États, aux fins de procéder, en cas de réduction du prix après le moment où s’effectue l’opération, à une réduction de la base d’imposition à due concurrence.

    24

    En l’occurrence, il est constant que, en cas de réduction du prix après le moment où s’effectue l’opération, la réglementation polonaise en cause au principal subordonne la réduction à due concurrence de la base d’imposition à la possession, par l’assujetti, d’un accusé de réception d’une facture rectificative remis par le preneur des biens ou des services et que cette exigence vise à assurer l’exacte perception de la TVA et à éviter la fraude, ainsi que l’a fait valoir, notamment, le gouvernement polonais.

    25

    Une telle exigence relève, simultanément, de la notion de condition visée à l’article 90, paragraphe 1, de la directive TVA et de celle d’obligation visée à l’article 273 de cette directive.

    26

    S’agissant de la question de savoir si les principes de neutralité de la TVA et de proportionnalité s’opposent à une telle exigence, il convient de rappeler que l’article 90, paragraphe 1, de la directive TVA oblige les États membres à réduire la base d’imposition et, partant, le montant de la TVA due par l’assujetti chaque fois que, postérieurement à la conclusion d’une transaction, une partie ou la totalité de la contrepartie n’est pas perçue par l’assujetti (voir arrêt du 3 juillet 1997, Goldsmiths, C-330/95, Rec. p. I-3801, point 16).

    27

    Cette disposition constitue l’expression d’un principe fondamental de la directive TVA, selon lequel la base d’imposition est constituée par la contrepartie réellement reçue et dont le corollaire consiste en ce que l’administration fiscale ne saurait percevoir au titre de la TVA un montant supérieur à celui que l’assujetti avait perçu (voir, en ce sens, arrêt Goldsmiths, précité, point 15).

    28

    Il ressort également de la jurisprudence que les mesures de nature à éviter des fraudes ou des évasions fiscales ne peuvent en principe déroger au respect de la base d’imposition de la TVA que dans les limites strictement nécessaires pour atteindre cet objectif spécifique. En effet, elles doivent affecter le moins possible les objectifs et principes de la directive TVA et ne peuvent, dès lors, être utilisées de manière telle qu’elles remettraient en cause la neutralité de la TVA, laquelle constitue un principe fondamental du système commun de la TVA mis en place par la législation de l’Union en la matière (voir, en ce sens, arrêts Goldsmiths, précité, point 21; du 18 juin 2009, Stadeco, C-566/07, Rec. p. I-5295, point 39 et jurisprudence citée, ainsi que du 27 janvier 2011, Vandoorne, C-489/09, Rec. p. I-225, point 27).

    29

    En conséquence, si le remboursement de la TVA devient impossible ou excessivement difficile en fonction des conditions dans lesquelles des demandes de restitution de taxes peuvent être exercées, lesdits principes peuvent exiger que les États membres prévoient les instruments et les modalités procédurales nécessaires pour permettre à l’assujetti de récupérer la taxe indûment facturée (arrêt Stadeco, précité, point 40 et jurisprudence citée).

    30

    En outre, en ce qui concerne la possibilité, en vertu de l’article 183 de la directive TVA, de prévoir que l’excédent de TVA soit reporté sur la période d’imposition suivante ou qu’il soit remboursé, la Cour a précisé que les modalités fixées par les États membres à cet égard ne peuvent pas porter atteinte au principe de neutralité fiscale en faisant supporter à l’assujetti, en tout ou en partie, le poids de cette taxe (arrêt du 28 juillet 2011, Commission/Hongrie, C-274/10, Rec. p. I-7289, point 45).

    31

    La Cour a souligné que de telles modalités doivent permettre à l’assujetti de récupérer, dans des conditions adéquates, la totalité de la créance résultant de cet excédent de TVA, cela impliquant que le remboursement soit effectué dans un délai raisonnable (arrêt Commission/Hongrie, précité, point 45).

    32

    En l’occurrence, il doit être constaté que la possession, par le fournisseur de biens ou de services, d’un accusé de réception d’une facture rectificative remis par le preneur des biens ou des services est de nature à prouver que ce dernier est informé du fait qu’il doit calculer son éventuel droit à déduction de la TVA sur la base de ladite facture rectificative.

    33

    L’exigence en cause est, en principe, susceptible de contribuer tant à assurer l’exacte perception de la TVA et à éviter la fraude qu’à éliminer le risque de perte de recettes fiscales. Il s’ensuit que la République de Pologne peut soutenir à bon droit que cette exigence poursuit les objectifs légitimes énoncés aux articles 90, paragraphe 1, et 273 de la directive TVA.

    34

    La République de Pologne a indiqué devant la Cour que l’exigence en cause au principal, d’une part, ne s’applique qu’aux opérations intérieures et, d’autre part, n’est assortie d’aucune condition de forme et peut, dès lors, être satisfaite par tout moyen adéquat. Cette exigence pourrait être considérée comme n’étant pas, en principe, excessivement contraignante pour les assujettis, fournisseurs de biens ou de services.

    35

    Toutefois, KFP a fait valoir lors de l’audience que, en pratique, l’administration n’accepte qu’une forme spécifique d’accusé de réception, à savoir, une copie de la facture rectificative sur laquelle est apposé un tampon par le preneur des biens et des services.

    36

    Il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier quelles sont les formes d’accusés de réception que l’administration fiscale accepte comme preuve du respect de l’exigence en cause au principal.

    37

    Par ailleurs, étant donné que la possession de l’accusé de réception en question permet au fournisseur des biens et des services de calculer la TVA due sur la base des montants indiqués sur la facture rectifiée ou de récupérer l’intégralité de l’excédent de TVA versé à l’administration fiscale, cette exigence ne remet pas, en principe, en cause la neutralité de la TVA.

    38

    Toutefois, la possession d’un accusé de réception étant, dans le droit national, une condition sine qua non pour le calcul de la TVA due sur la base des montants indiqués sur la facture rectificative ou la récupération de l’excédent de TVA versé, force est de constater que, eu égard à la jurisprudence rappelée aux points 29 à 31 du présent arrêt, la neutralité de la TVA est affectée lorsqu’il est impossible ou excessivement difficile pour le fournisseur des biens ou des services d’obtenir un tel accusé de réception dans un délai raisonnable.

    39

    À cet égard, KFP a précisé, sans être contredite sur ce point, que le droit polonais ne prévoit, pour le preneur des biens ou des services, aucune obligation juridiquement contraignante d’accuser réception d’une facture rectificative, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

    40

    Si la récupération dans un délai raisonnable, par le fournisseur des biens ou des services, de l’excédent de TVA versé à l’administration fiscale sur la base de la facture initiale devient impossible ou excessivement difficile en raison de la condition en cause au principal, les principes de neutralité de la TVA et de proportionnalité exigent que l’État membre concerné permette à l’assujetti d’établir, par d’autres moyens, devant les autorités fiscales nationales, d’une part, qu’il a fait preuve des diligences nécessaires dans les circonstances de l’espèce pour s’assurer que le preneur des biens ou des services est en possession de la facture rectificative et qu’il en a pris connaissance et, d’autre part, que l’opération en cause a effectivement été réalisée conformément aux conditions énoncées dans ladite facture rectificative.

    41

    Peuvent servir, à cet égard, des copies de la facture rectificative et du rappel adressé au preneur des biens ou des services aux fins de l’envoi de l’accusé de réception ainsi que, comme l’a fait valoir KFP lors de l’audience, sans être contredite sur ce point, des preuves des paiements ou la production d’écritures comptables permettant d’identifier le montant effectivement versé à l’assujetti, au titre de l’opération en cause, par le preneur des biens ou des services.

    42

    Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la question posée que:

    une exigence subordonnant la réduction de la base d’imposition, telle qu’elle résulte d’une facture initiale, à la possession, par l’assujetti, d’un accusé de réception d’une facture rectificative remis par le preneur des biens ou des services, relève de la notion de condition visée à l’article 90, paragraphe 1, de la directive TVA;

    les principes de neutralité de la TVA ainsi que de proportionnalité ne s’opposent pas, en principe, à une telle exigence. Toutefois, lorsqu’il s’avère impossible ou excessivement difficile pour l’assujetti, fournisseur de biens ou de services, de se faire remettre, dans un délai raisonnable, un tel accusé de réception, il ne saurait lui être refusé d’établir, par d’autres moyens, devant les autorités fiscales nationales, d’une part, qu’il a fait preuve des diligences nécessaires dans les circonstances de l’espèce pour s’assurer que le preneur des biens ou des services est en possession de la facture rectificative et qu’il en a pris connaissance et, d’autre part, que l’opération en cause a effectivement été réalisée conformément aux conditions énoncées dans ladite facture rectificative.

    Sur les dépens

    43

    La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

     

    Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit:

     

    Une exigence subordonnant la réduction de la base d’imposition, telle qu’elle résulte d’une facture initiale, à la possession, par l’assujetti, d’un accusé de réception d’une facture rectificative remis par le preneur des biens ou des services, relève de la notion de condition visée à l’article 90, paragraphe 1, de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée.

     

    Les principes de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée ainsi que de proportionnalité ne s’opposent pas, en principe, à une telle exigence. Toutefois, lorsqu’il s’avère impossible ou excessivement difficile pour l’assujetti, fournisseur de biens ou de services, de se faire remettre, dans un délai raisonnable, un tel accusé de réception, il ne saurait lui être refusé d’établir par d’autres moyens, devant les autorités fiscales de l’État membre concerné, d’une part, qu’il a fait preuve des diligences nécessaires dans les circonstances de l’espèce pour s’assurer que le preneur des biens ou des services est en possession de la facture rectificative et qu’il en a pris connaissance et, d’autre part, que l’opération en cause a effectivement été réalisée conformément aux conditions énoncées dans ladite facture rectificative.

     

    Signatures


    ( *1 ) Langue de procédure: le polonais.

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