Choisissez les fonctionnalités expérimentales que vous souhaitez essayer

Ce document est extrait du site web EUR-Lex

Document 62012CO0156

Ordonnance de la Cour (sixième chambre) du 13 juin 2012.
GREP GmbH contre Freitstaat Bayern.
Demande de décision préjudicielle — Landesgericht Salzburg — Interprétation de l’article 51, par. 1, première phrase, et de l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ainsi que, à titre subsidiaire, de l’article 43, par. 1, du règlement (CE) no 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 2001, L 12, p. 1) et de l’article 6, par. 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales — Champ d’application de la Charte des droits fondamentaux — Procédure de mise en œuvre d’une décision rendue dans un autre État membre — Droit à l’aide juridictionnelle — Admissibilité d’une réglementation nationale refusant d’octroyer ce droit aux personnes morales.
Article 104, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement de procédure — Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne — Articles 47 et 51, paragraphe 1 — Mise en œuvre du droit de l’Union — Recours contre une décision constatant la force exécutoire d’une décision rendue dans un autre État membre et ordonnant des saisies — Protection juridictionnelle effective — Droit d’accès à un tribunal — Aide juridictionnelle — Réglementation nationale refusant l’aide juridictionnelle aux personnes morales.
Affaire C‑156/12.

Recueil de jurisprudence 2012 -00000

Identifiant ECLI: ECLI:EU:C:2012:342

ORDONNANCE DE LA COUR (sixième chambre)

13 juin 2012(*)

«Article 104, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement de procédure – Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Articles 47 et 51, paragraphe 1 – Mise en œuvre du droit de l’Union – Recours contre une décision constatant la force exécutoire d’une décision rendue dans un autre État membre et ordonnant des saisies – Protection juridictionnelle effective – Droit d’accès à un tribunal – Aide juridictionnelle – Réglementation nationale refusant l’aide juridictionnelle aux personnes morales»

Dans l’affaire C‑156/12,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Landesgericht Salzburg (Autriche), par décision du 22 mars 2012, parvenue à la Cour le 30 mars 2012, dans la procédure

GREP GmbH

contre

Freistaat Bayern,

LA COUR (sixième chambre),

composée de M. U. Lõhmus, président de chambre, MM. A. Rosas (rapporteur), et A. Ó Caoimh, juges,

avocat général: M. P. Mengozzi,

greffier: M. A. Calot Escobar,

la Cour se proposant de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 104, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement de procédure,

l’avocat général entendu,

rend la présente

Ordonnance

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 47 et 51, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la «charte»).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un recours introduit par GREP Gmbh (ci-après «GREP») en vue de l’obtention d’une aide juridictionnelle qui lui permettrait d’introduire un recours afin de contester la décision déclarant la force exécutoire de l’ordonnance de saisie conservatoire («Arrest- und Pfändungsbeschluss») du Landgericht München I (Allemagne) et ordonnant la saisie des biens de GREP en garantie de l’exécution d’une créance au titre de l’impôt sur le revenu du Freistaat Bayern à l’encontre du fondateur de cette société.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

3        Les considérants 16 à 18 du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 2001, L 12, p. 1), sont libellés comme suit:

«(16) La confiance réciproque dans la justice au sein de la Communauté justifie que les décisions rendues dans un État membre soient reconnues de plein droit, sans qu’il soit nécessaire, sauf en cas de contestation, de recourir à aucune procédure.

(17)  Cette même confiance réciproque justifie que la procédure visant à rendre exécutoire, dans un État membre, une décision rendue dans un autre État membre soit efficace et rapide. À cette fin, la déclaration relative à la force exécutoire d’une décision devrait être délivrée de manière quasi automatique, après un simple contrôle formel des documents fournis, sans qu’il soit possible pour la juridiction de soulever d’office un des motifs de non-exécution prévus par le présent règlement.

(18) Le respect des droits de la défense impose toutefois que le défendeur puisse, le cas échéant, former un recours, examiné de façon contradictoire, contre la déclaration constatant la force exécutoire, s’il considère qu’un des motifs de non-exécution est établi. Une faculté de recours doit également être reconnue au requérant si la déclaration constatant la force exécutoire a été refusée.»

4        Le chapitre III du règlement n° 44/2001, comprenant les articles 32 à 56 de celui-ci, énonce les règles relatives à la reconnaissance et à l’exécution dans les autres États membres des décisions rendues dans un État membre.

5        Les articles 34 et 35 du règlement n° 44/2001 énoncent de manière limitative les motifs de non-reconnaissance des décisions rendues dans un autre État membre.

6        Les articles 38 à 52 du règlement n° 44/2001, qui figurent à la section 2 de ce chapitre III, règlent la procédure d’exequatur.

7        Aux termes de l’article 38, paragraphe 1, du règlement n° 44/2001:

«Les décisions rendues dans un État membre et qui y sont exécutoires sont mises à exécution dans un autre État membre après y avoir été déclarées exécutoires sur requête de toute partie intéressée.»

8        L’article 41 dudit règlement dispose:

«La décision est déclarée exécutoire dès l’achèvement des formalités prévues à l’article 53, sans examen au titre des articles 34 et 35. La partie contre laquelle l’exécution est demandée ne peut, en cet état de la procédure, présenter d’observations.»

9        L’article 43 du règlement n° 44/2001 prévoit:

«1.       L’une ou l’autre partie peut former un recours contre la décision relative à la demande de déclaration constatant la force exécutoire.

[…]

3.       Le recours est examiné selon les règles de la procédure contradictoire.

[…]

5.      Le recours contre la déclaration constatant la force exécutoire doit être formé dans le délai d’un mois à compter de sa signification. […]»

10      L’article 45 du règlement n° 44/2001 est rédigé comme suit:

«1.       La juridiction saisie d’un recours prévu à l’article 43 ou 44 ne peut refuser ou révoquer une déclaration constatant la force exécutoire que pour l’un des motifs prévus aux articles 34 et 35. Elle statue à bref délai.

2.       En aucun cas la décision étrangère ne peut faire l’objet d’une révision au fond.»

 Le droit autrichien

11      En vertu de l’article 79, paragraphe 1, du code des voies d’exécution (Exekutionsordnung), l’autorisation de l’exécution forcée sur la base d’actes et de documents établis à l’étranger et ne relevant pas des titres exécutoires visés à l’article 2 du même code (titres exécutoires étrangers) est subordonnée à la condition qu’ils aient été déclarés exécutoires en Autriche. La demande d’autorisation de l’exécution forcée peut, conformément à l’article 84a, paragraphe 1, du code des voies d’exécution, être jointe à la demande de déclaration constatant la force exécutoire. Il appartient à la juridiction de statuer concomitamment sur les deux demandes.

12      Les procédures afférentes à la déclaration constatant la force exécutoire et à l’exécution forcée sont, par application de l’article 78 du code des voies d’exécution, subsidiairement soumises aux dispositions du code de procédure civile (Zivilprozessordnung), de sorte que les appels doivent, en vertu de l’article 520, paragraphe 2, dernière phrase, dudit code, être revêtus de la signature d’un avocat et que les parties peuvent en principe également bénéficier de l’aide juridictionnelle en vertu des articles 63 et suivants de ce même code.

13      L’article 63, paragraphe 1, du code de procédure civile est rédigé comme suit:

«L’aide juridictionnelle totale ou partielle est accordée à une partie personne physique qui n’est pas en mesure d’exposer les frais de procédure sans mettre en péril ses indispensables moyens de subsistance et dont l’action ou la défense n’apparaît pas manifestement vexatoire ou dépourvue de chances de succès.»

14      L’article 64, paragraphe 1, du code de procédure civile prévoit:

«L’aide juridictionnelle peut […] couvrir les avantages suivants:

1.      l’exonération provisoire

a)      des frais de justice […]

[…]

3.      si la représentation par ministère d’avocat est obligatoire ou […], l’assistance provisoire gratuite d’un avocat, […]»

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

15      Il ressort du dossier national soumis à la Cour que GREP a été fondée en Autriche par M. Gribkowsky, de même que les sociétés GFU GmbH et Aktion Zeitgeschenk GmbH. Ces trois sociétés appartiennent à la fondation privée Sonnenschein, créée également en Autriche par M. Gribkowsky au cours de l’année 2007.

16      En Allemagne, M. Gribkowsky est poursuivi pour corruption, détournement de fonds et fraude fiscale. Dans ce contexte, le Landesamt für Finanzen (administration des finances) du Freistaat Bayern (Allemagne) lui réclame l’impôt dû pour une rémunération dont il est allégué qu’elle a été perçue par l’intermédiaire des sociétés autrichiennes. Les saisies en Allemagne étant restées infructueuses, le Landesamt für Finanzen, craignant que les fonds disparaissent, a demandé au Landgericht München I d’ordonner la saisie conservatoire des biens et des créances détenues, notamment, par GREP ainsi que par la fondation privée Sonnenschein. Ce Landesamt für Finanzen soutient que GREP et la fondation ne sont que des «coquilles vides», à la tête desquelles se trouveraient des «hommes de paille». La gestion effective de cette société et de cette fondation serait exercée par M. Gribkowsky, si bien que le domicile de ces dernières se trouverait en Allemagne, conformément à l’article 60, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 44/2001, qui prévoit qu’une société est domiciliée au lieu où est située son administration centrale.

17      Selon le dossier national soumis à la Cour et, notamment, la requête du Landesamt für Finanzen, GREP aurait reçu, au cours de l’année 2007, à titre gratuit ou sans juste cause, la somme de 16 294 003 euros de la part de M. Gribkowsky ou sur l’ordre de ce dernier. Ces paiements constitueraient des faits juridiques susceptibles d’être contestés sur le fondement de la loi relative à la contestation judiciaire des actes du débiteur hors de la procédure de faillite [Gesetz über die Anfechtung von Rechtshandlungen eines Schuldners außerhalb des Insolvenzverfahrens (Anfechtungsgesetz – AnfG)]. Le recours au principal contre GREP sur cette base juridique aurait d’ailleurs déjà été introduit devant le Landgericht München I. Afin d’assurer l’exécution de l’arrêt devant être rendu dans le cadre de ce recours, il était nécessaire d’ordonner la saisie conservatoire des biens et créances de cette société.

18      Ainsi que l’expose la juridiction de renvoi, le Landgericht München I a, à la demande du Landesamt für Finanzen, rendu, le 30 août 2011, une ordonnance de saisie conservatoire par laquelle, en vue, notamment, de garantir l’exécution d’une créance d’un montant de 17 033 201,88 euros à l’encontre du débiteur M. Gribkowsky, il a ordonné la saisie conservatoire de la somme de 16 294 003 euros dans le patrimoine de GREP. Il a également décidé la saisie-arrêt, jusqu’à concurrence du montant susvisé, de créances détenues par GREP sur Deutsche Bank Österreich AG, société gestionnaire du compte professionnel, ainsi que sur GFU GmbH et Aktion Zeitgeschenk GmbH. Il ressort également du dossier national soumis à la Cour que GREP aurait introduit, devant le Landgericht München I, un recours («Widerspruch») contre cette ordonnance.

19      Par décision du 3 octobre 2011, rendue sur requête du Landesamt für Finanzen, le Bezirksgericht Salzburg (Autriche) a déclaré exécutoire en Autriche l’ordonnance de saisie du Landgericht München I, conformément à l’article 79 du code des voies d’exécution. Sur le fondement de cette ordonnance, le Bezirksgericht Salzburg a en outre autorisé le Landesamt für Finanzen, pour garantir le paiement de sa créance de 16 294 003 euros et le remboursement des dépens fixés à 50 122,13 euros, à procéder à l’exécution forcée en saisissant les créances que détient GREP sur Deutsche Bank Österreich AG, GFU GmbH et Aktion Zeitgeschenk GmbH. Le Landesamt für Finanzen avait produit, outre une expédition de l’ordonnance de saisie, le certificat prévu à l’article 54 du règlement n° 44/2001, attestant que ce titre était exécutoire dans l’État membre d’origine, c’est-à-dire en Allemagne.

20      Dans les délais fixés pour l’introduction d’un appel de cette décision, GREP a demandé au Bezirksgericht Salzburg, juridiction de première instance, de lui accorder l’aide juridictionnelle totale prévue à l’article 64, paragraphe 1, du code de procédure civile. Elle a fait valoir que, tous les biens de la société ayant été saisis, elle n’est pas en mesure de tirer du patrimoine de la société ou de celui des personnes économiquement intéressées à la poursuite de la procédure, telle la fondation privée Sonnenschein, les fonds nécessaires pour couvrir les frais afférents à la procédure de recours contre ladite décision, procédure dont elle a fait valoir qu’elle n’apparaissait pas manifestement vexatoire ou dénuée de chance de succès. Par ordonnance du 9 novembre 2011, le Bezirksgericht Salzburg a rejeté cette demande d’aide juridictionnelle au motif que les personnes morales sont, en vertu des articles 63 et suivants du code de procédure civile et de l’article 78 du code des voies d’exécution, dispositions nationales actuellement applicables et donc contraignantes, exclues du bénéfice de l’aide juridictionnelle.

21      GREP a, dans les délais, interjeté appel du refus d’octroyer l’aide juridictionnelle devant le Landesgericht Salzburg. Dans la décision de renvoi, cette juridiction indique que ni le contrôleur aux comptes («Revisor»), qui représente la République d’Autriche dans les procédures d’aide juridictionnelle, ni le Landesamt für Finanzen du Freistaat Bayern n’ont pris part à la procédure de recours. Ladite juridiction précise par ailleurs qu’il lui appartient de statuer sur ce recours en matière d’aide juridictionnelle, étant entendu que les décisions d’appel en cette matière ne sont pas susceptibles de recours juridictionnels de droit interne en vertu de l’article 528, paragraphe 2, point 4, du code de procédure civile.

22      Le Landesgericht Salzburg expose que, jusqu’à la modification de l’article 63 du code de procédure civile par la loi d’accompagnement budgétaire 2009 (Budgetbegleitgesetz – BGBl. I 52/2009), les personnes morales et les organismes dotés de la capacité d’agir pouvaient également prétendre à l’aide juridictionnelle. L’article 15, point 3, de la loi d’accompagnement budgétaire 2009 a modifié l’article 63 du code de procédure civile en ce sens que les termes «personne physique» ont été ajoutés après le mot «partie», tandis que le paragraphe 2 de cet article, qui régissait les conditions de l’octroi de l’aide juridictionnelle à une personne morale, a été abrogé. Dans son arrêt du 5 octobre 2011 (G 26/10-11*), le Verfassungsgerichtshof (Autriche, Cour constitutionnelle) a certes annulé l’article 15, point 3, de la loi d’accompagnement budgétaire 2009, mais tout en décidant, par application de l’article 140, paragraphe 5, troisième et quatrième phrases, de la Constitution (Bundes- Verfassungsgesetz), de différer les effets de l’annulation jusqu’au 31 décembre 2012. Il conviendrait donc en principe de suivre la thèse de la juridiction de première instance, selon laquelle, en l’état actuel des dispositions nationales applicables à la procédure d’exécution forcée et, partant, à la procédure de déclaration constatant la force exécutoire, visée aux articles 38 et suivants du règlement n° 44/2001, il est impossible d’accorder l’aide juridictionnelle à une personne morale en vertu des articles 63 et suivants du code de procédure civile et de l’article 78 du code des voies d’exécution.

23      Devant le Landesgericht Salzburg, GREP a invoqué l’arrêt de la Cour du 22 décembre 2010, DEB (C‑279/09, non encore publié au Recueil) ainsi que l’article 47 de la charte. Selon la juridiction de renvoi, la question se pose toutefois de savoir si et dans quelle mesure les principes que consacre la charte, et dont, outre le respect des droits de la défense et la garantie d’une procédure équitable, le droit à l’aide juridictionnelle fait en principe aussi partie, sont également applicables dans la procédure en cause, qui se rattache à celle consistant à obtenir confirmation du caractère exécutoire d’une décision («Titelverfahren») et qui vise à la mise en œuvre internationale du droit à l’exécution.

24      Selon le Landesgericht Salzburg, au regard de l’article 43, paragraphe 1, du règlement n° 44/2001, en vertu duquel un recours peut être formé par l’une ou l’autre partie contre une décision relative à la demande de déclaration constatant la force exécutoire d’une décision rendue dans un État membre, il apparaît clairement que le principe de la protection juridictionnelle effective, dont bénéficient également les personnes morales, peut revêtir une grande importance en l’espèce.

25      Cette juridiction précise que le droit national impose aux parties de se faire représenter par un ministère d’avocat dans la procédure de recours prévue à cette disposition et que la loi d’accompagnement budgétaire 2011 a supprimé la possibilité d’interjeter appel par voie de déclaration orale donnant lieu à procès-verbal («Protokollarrekurs»). Aussi, la substance du droit d’accès aux tribunaux serait gravement compromise si les personnes morales ne pouvaient jamais prétendre à la dispense des frais de justice et/ou d’avocat grâce à l’aide juridictionnelle. Il conviendrait, à cet égard, de tenir compte du fait que la loi d’accompagnement budgétaire 2009 a institué un droit forfaitaire (frais de procédure) pour les appels interjetés dans les procédures d’exécution forcée, qui, en vertu du poste tarifaire 12a de la loi sur les frais de justice (Gerichtsgebührengesetz), s’élève au double des droits forfaitaires prévus pour la procédure de première instance. Certes, le droit forfaitaire ne serait pas réclamé lorsque le recours ne porte que sur la déclaration constatant la force exécutoire d’une décision rendue, mais, dès lors que la décision autorisant l’exécution forcée est également attaquée, le droit forfaitaire qui doit être acquitté au moment où l’appel est formé s’élèverait, en l’espèce, à la somme d’environ 80 000 euros.

26      La déclaration constatant la force exécutoire, au sens des dispositions du règlement n° 44/2001, pourrait, en principe, être distincte de la décision autorisant l’exécution forcée. Toutefois, la nature et le contenu du titre étranger considéré ainsi que les modalités d’exécution sollicitées peuvent obliger, par prudence, à attaquer simultanément, outre la déclaration constatant la force exécutoire, la décision autorisant l’exécution forcée. Les frais d’avocat prévus par le tarif pour un tel appel sont d’environ 20 000 euros, compte tenu de la valeur du litige.

27      Eu égard à ces éléments, le Landesgericht Salzburg a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      L’article 51, paragraphe 1, première phrase, de la charte […] doit-il être interprété en ce sens que relève également du champ d’application de ladite charte une procédure visant à obtenir, par application des articles 38 et suivants du règlement n° 44/2001, une déclaration constatant la force exécutoire de décisions rendues dans un État membre?

2)      a)     Dans l’affirmative, le principe de protection juridictionnelle effective, tel que consacré à l’article 47 de la charte […], comprend-il le droit d’être dispensé du paiement des frais de procédure, et notamment d’un droit forfaitaire exigible à l’introduction d’un recours, et/ou des honoraires dus pour obtenir l’assistance d’un avocat dans une procédure visée à la première question?

      b)      En va-t-il de même pour la procédure d’exécution forcée qui doit être menée en vertu du droit national, ou, tout au moins, pour la procédure d’appel qui vise concomitamment la décision autorisant l’exécution forcée, si la juridiction a statué conjointement, dans une ordonnance, sur la demande de déclaration constatant la force exécutoire et sur l’autorisation de l’exécution forcée?

3)      Un droit à l’aide juridictionnelle (aide pour les frais de justice) au sens indiqué ci-dessus découle-t-il, éventuellement à titre subsidiaire, de l’article 43, paragraphe 1, du règlement n° 44/2001 et/ou de l’article 6, paragraphe 1, de la [convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950], lorsque le droit national oblige les parties à se faire représenter par un avocat pour introduire le recours prévu (en l’occurrence un appel)?»

28      Bien qu’il indique que le délai d’appel a été interrompu en raison de la demande d’aide juridictionnelle, le Landesgericht Salzburg a demandé que l’affaire soit soumise à la procédure accélérée prévue à l’article 104 bis du règlement de procédure de la Cour. Selon cette juridiction, l’urgence extraordinaire résulte du fait que le titre exécutoire constitue une mesure provisoire qui, dans le cadre des saisies demandées et autorisées, exerce de graves effets sur la situation économique de GREP.

 Sur les questions préjudicielles

29      En vertu de l’article 104, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement de procédure, lorsqu’une question préjudicielle est identique à une question sur laquelle la Cour a déjà statué ou lorsque la réponse à une telle question peut être clairement déduite de la jurisprudence, la Cour peut à tout moment, après avoir entendu l’avocat général, statuer par voie d’ordonnance motivée. La Cour estime que tel est le cas dans la présente affaire.

30      Par ses deux premières questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si le principe de protection juridictionnelle effective, tel que consacré à l’article 47 de la charte, doit être interprété en ce sens qu’il comprend le droit d’être dispensé du paiement des frais de procédure et/ou des honoraires dus pour obtenir l’assistance d’un avocat dans une procédure visant à contester, conformément à l’article 43 du règlement n° 44/2001, une décision constatant la force exécutoire d’une décision rendue dans un État membre et ordonnant des saisies conservatoires.

31      Il convient tout d’abord de relever qu’une telle procédure, menée en application de l’article 43 du règlement n° 44/2001 pour contester la force exécutoire d’une ordonnance de saisie constatée conformément aux articles 38 à 42 dudit règlement, constitue une mise en œuvre du droit de l’Union au sens de l’article 51 de la charte (voir, en ce sens, arrêt du 21 décembre 2011, N. S. e.a., C‑411/10 et C‑493/10, non encore publié au Recueil, points 64 à 69).

32      Le règlement n° 44/2001, comme la convention du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 1972, L 299, p. 32), telle que modifiée par les conventions successives relatives à l’adhésion des nouveaux États membres à cette convention, vise à assurer la libre circulation des décisions émanant des États membres en matière civile et commerciale en simplifiant les formalités en vue de leur reconnaissance et de leur exécution rapides et simples (arrêt du 14 décembre 2006, ASML, C‑283/05, Rec. p. I‑12041, point 23).

33      L’objectif du règlement n° 44/2001 ne saurait toutefois être atteint en affaiblissant, de quelque manière que ce soit, les droits de la défense (arrêt ASML, précité, point 24). La Cour a, à cet égard, rappelé que l’ensemble des dispositions du règlement n° 44/2001 expriment l’intention de veiller à ce que, dans le cadre des objectifs de celui-ci, les procédures menant à l’adoption de décisions judiciaires se déroulent dans le respect des droits de la défense (arrêt du 15 mars 2012, G, C‑292/10, non encore publié au Recueil, point 47 et jurisprudence citée).

34      Cette exigence résulte notamment du considérant 18 du règlement n° 44/2001, en vertu duquel le respect des droits de la défense impose que le défendeur puisse, le cas échéant, former un recours, examiné de façon contradictoire, contre la déclaration constatant la force exécutoire d’une décision, s’il considère que l’un des motifs de non-exécution est établi (arrêt ASML, précité, point 25).

35      Le respect des droits de la défense est l’un des aspects du principe de protection juridictionnelle effective lequel, ainsi qu’il résulte d’une jurisprudence constante, constitue un principe général du droit de l’Union, qui découle des traditions constitutionnelles communes aux États membres et qui est garanti à l’article 47 de la charte. Ce principe est également consacré par les articles 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (voir, en ce sens, arrêt du 8 septembre 2010, Winner Wetten, C‑409/06, Rec. p. I-8015, point 58).

36      L’article 47, premier alinéa, de la charte prévoit que toute personne dont les droits et les libertés garantis par le droit de l’Union ont été violés a droit à un recours effectif devant un tribunal dans le respect des conditions prévues audit article. Selon le deuxième alinéa du même article, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, établi préalablement par la loi. Toute personne a la possibilité de se faire conseiller, défendre et représenter. Quant au troisième alinéa dudit article, il prévoit spécifiquement qu’une aide juridictionnelle est accordée à ceux qui ne disposent pas de ressources suffisantes, dans la mesure où cette aide serait nécessaire pour assurer l’effectivité de l’accès à la justice.

37      Il s’ensuit que le principe de protection juridictionnelle effective, et notamment le droit à l’aide juridictionnelle, doit pouvoir être invoqué afin d’introduire un recours tel que celui prévu à l’article 43 du règlement n° 44/2001.

38      Au point 59 de l’arrêt DEB, précité, prenant en considération la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, la Cour a jugé que le principe de protection juridictionnelle effective, tel que consacré à l’article 47 de la charte, doit être interprété en ce sens qu’il n’est pas exclu qu’il soit invoqué par des personnes morales et que l’aide octroyée en application de ce principe peut couvrir, notamment, la dispense du paiement de l’avance des frais de procédure et/ou l’assistance d’un avocat.

39      La Cour a cependant jugé que les droits fondamentaux, tels que le respect des droits de la défense, n’apparaissent pas comme des prérogatives absolues, mais peuvent comporter des restrictions. Néanmoins, celles-ci doivent répondre effectivement à des objectifs d’intérêt général poursuivis par la mesure en cause et ne pas constituer, au regard du but poursuivi, une atteinte manifeste et démesurée aux droits ainsi garantis (arrêt du 2 avril 2009, Gambazzi, C‑394/07, Rec. p. I‑2563, point 29).

40      S’agissant de l’aide juridictionnelle, la Cour a précisé qu’il incombe à cet égard au juge national de vérifier si les conditions d’octroi d’une telle aide constituent une limitation du droit d’accès aux tribunaux qui porte atteinte à ce droit dans sa substance même, si elles tendent à un but légitime et s’il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé (arrêt DEB, précité, point 60).

41      Dans le cadre de cette appréciation, le juge national peut prendre en considération l’objet du litige, les chances raisonnables de succès du demandeur, la gravité de l’enjeu pour celui-ci, la complexité du droit et de la procédure applicables ainsi que la capacité de ce demandeur à défendre effectivement sa cause. Pour apprécier la proportionnalité, le juge national peut en outre tenir compte de l’importance des frais de procédure devant être avancés et du caractère insurmontable ou non de l’obstacle qu’ils constituent éventuellement pour l’accès à la justice (arrêt DEB, précité, point 61).

42      S’agissant plus spécialement des personnes morales, le juge national peut tenir compte de la situation de celles-ci. Ainsi, il peut prendre en considération, notamment, la forme et le but lucratif ou non de la personne morale en cause ainsi que la capacité financière de ses associés ou actionnaires et la possibilité, pour ceux-ci, de se procurer les sommes nécessaires à l’introduction de l’action en justice (arrêt DEB, précité, point 62).

43      Eu égard à l’ensemble de ces éléments, il y a lieu de répondre aux deux premières questions que le recours, exercé en application de l’article 43 du règlement n° 44/2001, afin de contester une décision constatant la force exécutoire d’une ordonnance de saisie conformément aux articles 38 à 42 dudit règlement et ordonnant des saisies conservatoires, constitue une mise en œuvre du droit de l’Union au sens de l’article 51 de la charte.

44      Le principe de protection juridictionnelle effective, tel que consacré à l’article 47 de la charte, peut comprendre le droit d’être dispensé du paiement des frais de procédure et/ou des honoraires dus pour obtenir l’assistance d’un avocat dans le cadre d’un tel recours.

45      Il incombe cependant au juge national de vérifier si les conditions d’octroi d’une telle aide constituent une limitation du droit d’accès aux tribunaux qui porte atteinte à ce droit dans sa substance même, si elles tendent à un but légitime et s’il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.

46      Dans le cadre de cette appréciation, le juge national peut prendre en considération l’objet du litige, les chances raisonnables de succès du demandeur, la gravité de l’enjeu pour celui-ci, la complexité du droit et de la procédure applicables ainsi que la capacité de ce demandeur à défendre effectivement sa cause. Pour apprécier la proportionnalité, le juge national peut en outre tenir compte de l’importance des frais de procédure devant être avancés et du caractère insurmontable ou non de l’obstacle qu’ils constituent éventuellement pour l’accès à la justice.

47      S’agissant plus spécialement des personnes morales, le juge national peut tenir compte de la situation de celles-ci. Ainsi, il peut prendre en considération, notamment, la forme et le but lucratif ou non de la personne morale en cause ainsi que la capacité financière de ses associés ou actionnaires et la possibilité, pour ceux-ci, de se procurer les sommes nécessaires à l’introduction de l’action en justice.

48      La troisième question ayant été posée à titre subsidiaire, il n’y a pas lieu d’y répondre.

 Sur les dépens

49      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) dit pour droit:

Le recours, exercé en application de l’article 43 du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, afin de contester une décision constatant la force exécutoire d’une ordonnance de saisie conformément aux articles 38 à 42 dudit règlement et ordonnant des saisies conservatoires, constitue une mise en œuvre du droit de l’Union au sens de l’article 51 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

Le principe de protection juridictionnelle effective, tel que consacré à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, peut comprendre le droit d’être dispensé du paiement des frais de procédure et/ou des honoraires dus pour obtenir l’assistance d’un avocat dans le cadre d’un tel recours.

Il incombe cependant au juge national de vérifier si les conditions d’octroi d’une telle aide constituent une limitation du droit d’accès aux tribunaux qui porte atteinte à ce droit dans sa substance même, si elles tendent à un but légitime et s’il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.

Dans le cadre de cette appréciation, le juge national peut prendre en considération l’objet du litige, les chances raisonnables de succès du demandeur, la gravité de l’enjeu pour celui-ci, la complexité du droit et de la procédure applicables ainsi que la capacité de ce demandeur à défendre effectivement sa cause. Pour apprécier la proportionnalité, le juge national peut en outre tenir compte de l’importance des frais de procédure devant être avancés et du caractère insurmontable ou non de l’obstacle qu’ils constituent éventuellement pour l’accès à la justice.

S’agissant plus spécialement des personnes morales, le juge national peut tenir compte de la situation de celles-ci. Ainsi, il peut prendre en considération, notamment, la forme et le but lucratif ou non de la personne morale en cause ainsi que la capacité financière de ses associés ou actionnaires et la possibilité, pour ceux-ci, de se procurer les sommes nécessaires à l’introduction de l’action en justice.

Signatures


* Langue de procédure: l’allemand.

Haut