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Document 62010CJ0177

    Arrêt de la Cour (deuxième chambre) du 8 septembre 2011.
    Francisco Javier Rosado Santana contre Consejería de Justicia y Administración Pública de la Junta de Andalucía.
    Demande de décision préjudicielle: Juzgado de lo Contencioso-Administrativo nº 12 de Sevilla - Espagne.
    Politique sociale - Directive 1999/70/CE - Accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée - Clause 4 - Application de l’accord-cadre dans le domaine de la fonction publique - Principe de non-discrimination.
    Affaire C-177/10.

    Recueil de jurisprudence 2011 I-07907

    Identifiant ECLI: ECLI:EU:C:2011:557

    Affaire C-177/10

    Francisco Javier Rosado Santana

    contre

    Consejería de Justicia y Administración Pública de la Junta de Andalucía

    (demande de décision préjudicielle, introduite par

    le Juzgado de lo Contencioso-Administrativo nº 12 de Sevilla)

    «Politique sociale — Directive 1999/70/CE — Accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée — Clause 4 — Application de l’accord-cadre dans le domaine de la fonction publique — Principe de non-discrimination»

    Sommaire de l'arrêt

    1.        Politique sociale — Accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée — Directive 1999/70 — Conditions d'emploi — Notion

    (Directive du Conseil 1999/70, annexe, clause 4, point 1)

    2.        Politique sociale — Accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée — Directive 1999/70 — Champ d'application

    (Directive du Conseil 1999/70, annexe, clause 4, point 1)

    3.        Politique sociale — Accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée — Directive 1999/70 — Raisons objectives justifiant une différence de traitement — Notion

    (Directive du Conseil 1999/70, annexe, clause 4, point 1)

    4.        Politique sociale — Accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée — Directive 1999/70 — Procédures visant à faire respecter les obligations découlant de ladite directive — Délai pour agir

    (Directive du Conseil 1999/70, annexe)

    1.        La notion de conditions d’emploi visée à la clause 4, point 1, de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée, qui figure en annexe de la directive 1999/70 concernant l'accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée, englobe une condition relative à la prise en compte, dans le cadre d’une procédure de sélection pour une promotion par la voie interne, visant la nomination en qualité de fonctionnaire statutaire, des périodes de service accomplies antérieurement en qualité de fonctionnaire intérimaire.

    (cf. point 47)

    2.        La directive 1999/70, concernant l’accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée, et l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée figurant en annexe de celle-ci doivent être interprétés en ce sens que, d’une part, ils s’appliquent aux contrats et aux relations de travail à durée déterminée conclus avec les administrations et les autres entités du secteur public et, d’autre part, ils exigent que soit exclue toute différence de traitement entre les fonctionnaires statutaires et les fonctionnaires intérimaires comparables d’un État membre au seul motif que ces derniers travaillent à durée déterminée, à moins qu’un traitement différent ne soit justifié par des raisons objectives au sens de la clause 4, point 1, dudit accord-cadre.

    (cf. point 62, disp.1)

    3.        La clause 4 de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée, qui figure en annexe de la directive 1999/70 concernant l’accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée, doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à ce que les périodes de service accomplies par un fonctionnaire intérimaire d’une administration publique ne soient pas prises en compte pour l’accès de ce dernier, devenu entre-temps fonctionnaire statutaire, à une promotion par la voie interne à laquelle peuvent uniquement prétendre les fonctionnaires statutaires, à moins que le fonctionnaire intérimaire ne se trouve pas dans une situation comparable à celle desdits fonctionnaires statutaires et/ou que cette exclusion ne soit justifiée par des raisons objectives au sens du point 1 de cette clause.

    À cet égard, la notion de raisons objectives requiert que l’inégalité de traitement constatée soit justifiée par l’existence d’éléments précis et concrets, caractérisant la condition d’emploi dont il s’agit, dans le contexte particulier dans lequel elle s’insère et sur le fondement de critères objectifs et transparents, afin de vérifier si cette inégalité répond à un besoin véritable, est apte à atteindre l’objectif poursuivi et est nécessaire à cet effet. Lesdits éléments peuvent résulter, notamment, de la nature particulière des tâches pour l’accomplissement desquelles des contrats à durée déterminée ont été conclus et des caractéristiques inhérentes à celles-ci ou, le cas échéant, de la poursuite d’un objectif légitime de politique sociale d’un État membre.

    Le recours à la seule nature temporaire du travail du personnel de l’administration publique n’est pas susceptible de constituer, à elle seule, une raison objective au sens de la clause 4, point 1, de l'accord-cadre. En effet, admettre que la seule nature temporaire d’une relation d’emploi suffit pour justifier une différence de traitement entre travailleurs à durée déterminée et travailleurs à durée indéterminée viderait de leur substance les objectifs de la directive 1999/70 ainsi que de l’accord-cadre et reviendrait à pérenniser le maintien d’une situation défavorable aux travailleurs à durée déterminée.

    (cf. points 73-74, 84, disp. 2)

    4.        Le droit primaire de l’Union européenne, la directive 1999/70, concernant l’accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée, et l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée figurant en annexe de celle-ci doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas, en principe, à une réglementation nationale qui prévoit que le recours exercé par un fonctionnaire statutaire contre une décision rejetant sa candidature à un concours et fondé sur le fait que cette procédure était contraire à la clause 4 dudit accord-cadre doit être introduit dans un délai de forclusion de deux mois à compter de la date de publication de l’avis de concours. Toutefois, un tel délai ne pourrait pas être opposé à un fonctionnaire statutaire, candidat à ce concours, qui a été admis aux épreuves et dont le nom figurait sur la liste définitive des lauréats dudit concours s’il était de nature à rendre impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’accord-cadre. Dans de telles circonstances, le délai de deux mois ne pourrait courir qu’à partir de la notification de la décision portant annulation de son admission audit concours et de sa nomination en qualité de fonctionnaire statutaire du groupe supérieur.

    En effet, les modalités procédurales des recours destinés à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent du droit de l’Union ne doivent pas être moins favorables que celles concernant des recours similaires de droit interne (principe d’équivalence) et ne doivent pas rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique de l’Union (principe d’effectivité).

    Pour ce qui concerne le respect du principe d’équivalence, ce dernier suppose que la règle nationale en cause s’applique indifféremment aux recours fondés sur la violation du droit de l’Union et à ceux fondés sur la méconnaissance du droit interne ayant un objet et une cause semblables. Afin de vérifier si le principe d’équivalence est respecté, la juridiction nationale doit apprécier la similitude des recours concernés sous l’angle de leur objet, de leur cause et de leurs éléments essentiels. Elle doit, pour déterminer si une disposition procédurale nationale est moins favorable, tenir compte de sa place dans l’ensemble de la procédure, du déroulement de ladite procédure et des particularités de ces règles.

    En ce qui concerne le principe d’effectivité, les dispositions procédurales nationales concernées doivent, de même, être analysées en tenant compte de la place de ces dispositions dans l’ensemble de la procédure, du déroulement et des particularités de celle-ci devant les diverses instances nationales. Dans cette perspective, il convient de prendre en considération, s’il y a lieu, les principes qui sont à la base du système juridictionnel national, tels que la protection des droits de la défense, le principe de sécurité juridique et le bon déroulement de la procédure.

    (cf. points 89-90, 92, 100, disp. 3)







    ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

    8 septembre 2011 (*)

    «Politique sociale – Directive 1999/70/CE − Accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée – Clause 4 – Application de l’accord-cadre dans le domaine de la fonction publique – Principe de non-discrimination»

    Dans l’affaire C‑177/10,

    ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Juzgado de lo Contencioso-Administrativo nº 12 de Sevilla (Espagne), par décision du 24 mars 2010, parvenue à la Cour le 7 avril 2010, dans la procédure

    Francisco Javier Rosado Santana

    contre

    Consejería de Justicia y Administración Pública de la Junta de Andalucía, 

    LA COUR (deuxième chambre),

    composée de M. J. N. Cunha Rodrigues, président de chambre, MM. A. Arabadjiev, A. Rosas, A. Ó Caoimh (rapporteur) et Mme P. Lindh, juges,

    avocat général: Mme E. Sharpston,

    greffier: M. A. Calot Escobar,

    vu la procédure écrite,

    considérant les observations présentées:

    –        pour la Consejería de Justicia y Administración Pública de la Junta de Andalucía, par Me A. Cornejo Pineda, en qualité d’agent,

    –        pour le gouvernement espagnol, par M. J. Rodríguez Cárcamo, en qualité d’agent,

    –        pour la Commission européenne, par M. M. van Beek et Mme S. Pardo Quintillán, en qualité d’agents,

    ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 12 mai 2011,

    rend le présent

    Arrêt

    1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de la clause 4 de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée, conclu le 18 mars 1999 (ci-après l’«accord-cadre»), qui figure en annexe de la directive 1999/70/CE du Conseil, du 28 juin 1999, concernant l’accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée (JO L 175, p. 43).

    2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Rosado Santana, actuellement fonctionnaire statutaire de la Junta de Andalucía, à la Consejería de Justicia y Administración Pública de la Junta de Andalucía (ministère de la Justice et de l’Administration publique du gouvernement de la Communauté autonome d’Andalousie, ci-après la «Consejería») au sujet d’une décision de cette dernière portant annulation des actes relatifs à sa nomination en qualité de fonctionnaire statutaire dans la catégorie générale des assistants par la voie de la promotion interne.

     Le cadre juridique

     La réglementation de l’Union

    3        Il ressort du quatorzième considérant de la directive 1999/70, fondée sur l’article 139, paragraphe 2, CE, que les parties signataires de l’accord-cadre ont manifesté leur volonté d’améliorer la qualité du travail à durée déterminée en garantissant l’application du principe de non-discrimination et d’établir un cadre pour prévenir les abus découlant de l’utilisation de relations de travail ou de contrats à durée déterminée successifs.

    4        Aux termes de l’article 1er de ladite directive, celle-ci vise «à mettre en œuvre l’accord-cadre […] conclu […] entre les organisations interprofessionnelles à vocation générale (CES, UNICE, CEEP)».

    5        Aux termes de l’article 2, premier alinéa, de cette directive:

    «Les États membres mettent en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive au plus tard le 10 juillet 2001 ou s’assurent, au plus tard à cette date, que les partenaires sociaux ont mis en place les dispositions nécessaires par voie d’accord, les États membres devant prendre toute disposition nécessaire leur permettant d’être à tout moment en mesure de garantir les résultats imposés par la présente directive. Ils en informent immédiatement la Commission.»

    6        Aux termes de la clause 1 de l’accord-cadre, celui-ci a pour objet:

    «a)      d’améliorer la qualité du travail à durée déterminée en assurant le respect du principe de non-discrimination;

    b)      d’établir un cadre pour prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs.»

    7        La clause 2, point 1, de l’accord-cadre est libellée comme suit:

    «Le présent accord s’applique aux travailleurs à durée déterminée ayant un contrat ou une relation de travail défini par la législation, les conventions collectives ou les pratiques en vigueur dans chaque État membre.»

    8        La clause 3 de l’accord-cadre dispose:

    «Aux termes du présent accord, on entend par:

    1.      ‘travailleur à durée déterminée’, une personne ayant un contrat ou une relation de travail à durée déterminée conclu directement entre l’employeur et le travailleur où la fin du contrat ou de la relation de travail est déterminée par des conditions objectives telles que l’atteinte d’une date précise, l’achèvement d’une tâche déterminée ou la survenance d’un événement déterminé;

    2.      ‘travailleur à durée indéterminée comparable’, un travailleur ayant un contrat ou une relation de travail à durée indéterminée dans le même établissement, et ayant un travail/emploi identique ou similaire, en tenant compte des qualifications/compétences. Lorsqu’il n’existe aucun travailleur à durée indéterminée comparable dans le même établissement, la comparaison s’effectue par référence à la convention collective applicable ou, en l’absence de convention collective applicable, conformément à la législation, aux conventions collectives ou aux pratiques nationales.»

    9        La clause 4 de l’accord-cadre, intitulée «Principe de non-discrimination», stipule:

    «1.      Pour ce qui concerne les conditions d’emploi, les travailleurs à durée déterminée ne sont pas traités d’une manière moins favorable que les travailleurs à durée indéterminée comparables au seul motif qu’ils travaillent à durée déterminée, à moins qu’un traitement différent soit justifié par des raisons objectives.

    […]

    4.      Les critères de périodes d’ancienneté relatifs à des conditions particulières d’emploi sont les mêmes pour les travailleurs à durée déterminée que pour les travailleurs à durée indéterminée, sauf lorsque des critères de périodes d’ancienneté différents sont justifiés par des raisons objectives.»

    La réglementation nationale

    10      L’article 1er, paragraphe 2, de la loi 70/1978 sur la reconnaissance des périodes de service antérieures dans l’administration publique (Ley 70/1978 de reconocimiento de servicios previos en la Administración Pública), du 26 décembre 1978 (BOE n° 9, du 10 janvier 1979, p. 464, ci-après la «loi 70/1978»), dispose:

    «Sont considérées comme des périodes de service effectif toutes les périodes indistinctement accomplies dans les secteurs de l’administration publique visés au paragraphe précédent, qu’elles aient été accomplies en qualité d’agent employé (à durée déterminée ou intérimaire) ou sous le régime de contrat administratif ou de travail, que ces contrats aient ou non été conclus par écrit.»

    11      La vingt-deuxième disposition additionnelle de la loi 30/1984 portant réforme de la fonction publique espagnole (Ley 30/1984 de reforma de la Función Pública), du 2 août 1984 (BOE n° 185, du 3 août 1984, p. 22629), telle que modifiée par la loi 42/1994 portant mesures fiscales, administratives et d’ordre social (Ley 42/1994 de medidas fiscales, administrativas y de orden social), du 30 décembre 1994 (BOE n° 313, du 31 décembre 1994, p. 39457), prévoit:

    «L’accès aux catégories ou échelons du groupe C peut s’effectuer par voie de promotion interne à partir des catégories ou échelons du groupe D dans le domaine d’activité ou de fonctions correspondant, s’il y a lieu, et il est mis en œuvre selon le système du concours, avec appréciation, lors de la phase de concours, des qualifications en rapport avec la carrière et les postes occupés, du niveau de formation et de l’ancienneté.

    À ces fins sont exigés les titres visés à l’article 25 de la présente loi ou une ancienneté de dix années dans une catégorie ou un échelon du groupe D, ou de cinq années si l’intéressé a suivi un cours de formation spécifique accessible selon des critères objectifs.

    La présente disposition est une norme de base du régime statutaire des fonctionnaires publics, arrêtée en vertu de l’article 149, paragraphe 1, point 18, de la Constitution.»

    12      L’article 32 du décret 2/2002 arrêtant le règlement général pour le recrutement, la promotion interne, le pourvoi de postes et la promotion professionnelle des fonctionnaires de l’administration générale de la Junta de Andalucía (Decreto 2/2002 por el que se aprueba el Reglamento General de Ingreso, promoción interna, provisión de puestos de trabajo y promoción profesional de los funcionarios de la Administración General de la Junta de Andalucía), du 9 janvier 2002 (BOJA n° 8, du 19 janvier 2002, p. 913), est rédigé dans des termes analogues à ceux de ladite disposition additionnelle.

    13      La loi 7/2007 portant statut de base des agents publics (Ley 7/2007 del Estatuto básico del empleado público), du 12 avril 2007 (BOE n° 89, du 13 avril 2007, p. 16270, ci-après la «LEBEP»), s’applique, conformément à son article 2, paragraphe 1, au personnel statutaire et, le cas échéant, aux agents contractuels, travaillant, notamment, dans les administrations des communautés autonomes.

    14      L’article 8, paragraphe 2, de la LEBEP prévoit que les agents publics sont classés en fonctionnaires statutaires («funcionarios de carrera»), fonctionnaires intérimaires («funcionarios interinos»), agents contractuels et personnel auxiliaire.

    15      L’article 9, paragraphe 1, de la LEBEP dispose:

    «Sont fonctionnaires statutaires les personnes désignées par la loi qui relèvent d’une administration publique en vertu d’une relation statutaire régie par le droit administratif, en vue d’accomplir des services professionnels rémunérés à caractère permanent.»

    16      L’article 10, paragraphe 1, de la LEBEP prévoit:

    «Sont fonctionnaires intérimaires les personnes qui, pour des motifs de nécessité et d’urgence expressément justifiés, sont nommées en cette qualité pour exercer des fonctions propres aux fonctionnaires statutaires, en cas de survenance de l’un des cas de figure ci-dessous:

    a)      L’existence de postes vacants non susceptibles d’être occupés par des fonctionnaires statutaires.

    b)      Le remplacement temporaire des fonctionnaires statutaires.

    c)      La réalisation de programmes à caractère temporaire.

    d)      L’excès ou l’accumulation de travail, pendant un délai maximum de six mois, sur une période de douze mois.»

    17      L’article 18 de la LEBEP, intitulé «Promotion interne des fonctionnaires statutaires», est libellé comme suit:

    «1.      La promotion interne intervient dans le cadre de procédures de sélection garantissant le respect des principes constitutionnels d’égalité, de mérite et de capacité […]

    2.      Les fonctionnaires doivent satisfaire aux conditions exigées pour leur accès, disposer d’une ancienneté d’au moins deux ans de service actif au sein du sous-groupe inférieur ou du groupe de classification professionnelle, si ce dernier ne comprend pas de sous-groupe, et passer avec succès les épreuves de sélection correspondantes.»

     Le litige au principal et les questions préjudicielles

    18      Il ressort des informations soumises à la Cour que, entre 1989 et 2005, le requérant au principal a travaillé en tant que fonctionnaire intérimaire dans les services de la Junta de Andalucía. Il est devenu fonctionnaire statutaire de cette administration publique en 2005.

    19      Un avis de concours a été publié le 17 décembre 2007 au Boletín Oficial de la Junta de Andalucía par la Consejería, annonçant l’organisation d’épreuves de sélection pour l’accès des fonctionnaires, par la voie de la promotion interne, à la catégorie générale des assistants de cette administration publique.

    20      Ledit avis a établi plusieurs conditions que devaient remplir les candidats aux épreuves. Ils devaient, tout d’abord, faire partie des fonctionnaires du corps général de la Junta de Andalucía. Ensuite, ils devaient détenir ou être en mesure d’obtenir le titre de Bachiller Superior ou un diplôme équivalent ou, à défaut de titre, justifier d’une ancienneté en qualité de fonctionnaire statutaire dans les catégories appartenant au groupe D soit de dix ans, soit de cinq ans après avoir suivi un cours spécifique de l’Institut andalou d’administration publique. Enfin, les candidats aux épreuves devaient accéder à la promotion interne à partir de catégories appartenant au groupe d’un niveau immédiatement inférieur à celui de la catégorie faisant l’objet du concours et justifier d’une ancienneté d’au moins deux ans en tant que fonctionnaire statutaire dudit groupe.

    21      Dans l’avis de concours, il était également précisé que «ne seront pas pris en considération les services antérieurs reconnus accomplis en qualité de personnel intérimaire ou contractuel auprès de toute administration publique ni les autres services antérieurs similaires».

    22      Le requérant au principal, qui a participé aux épreuves de la procédure de sélection en sa qualité de fonctionnaire statutaire du groupe D des emplois de la Junta de Andalucía ayant plus de deux ans d’ancienneté, figurait initialement sur la liste définitive des lauréats du concours publiée le 12 novembre 2008.

    23      À la suite de la publication, le 2 février 2009, de la liste des postes vacants offerts et après que M. Rosado Santana eut fourni les documents sollicités, le secrétaire général de la Consejería a, par décision du 25 mars 2009 (ci-après la «décision en cause au principal»), annulé la décision portant admission et nomination de l’intéressé en tant que fonctionnaire statutaire du groupe C au motif qu’il ne possédait ni les titres requis ni, à défaut de détenir ceux-ci, l’ancienneté de dix ans comme fonctionnaire statutaire.

    24      Le requérant au principal a, le 8 juin 2009, formé un recours contre la décision en cause au principal en se fondant sur l’article 14 de la Constitution espagnole, qui consacre le principe de l’égalité devant la loi, et sur l’article 1er de la loi 70/1978. En outre, il soutenait que le secrétaire général de la Consejería ayant pris en considération uniquement l’ancienneté acquise en tant que fonctionnaire statutaire depuis 2005, et non les périodes de service accomplies antérieurement en qualité de fonctionnaire intérimaire, la décision en cause au principal viole le principe de non-discrimination énoncé à la clause 4 de l’accord-cadre.

    25      Devant la juridiction de renvoi, la Consejería a fait valoir que la loi 70/1978 ne peut s’appliquer aux fins de la détermination des qualifications requises pour un concours, le décompte des périodes de service antérieures, en ce qui concerne les fonctionnaires intérimaires, pouvant seulement être effectué à des fins économiques. Dans le cas contraire, un fonctionnaire qui aurait préalablement accompli des périodes de service en qualité d’intérimaire serait mieux traité que celui qui ne l’aurait pas fait. Une telle attitude serait discriminatoire puisque, compte tenu de la nature propre du travail accompli par un fonctionnaire intérimaire, qui ne présente pas les caractères de permanence et de stabilité propres à la fonction publique, l’ancienneté acquise en qualité de fonctionnaire statutaire devrait toujours primer tout mérite fondé sur les périodes de service accomplies comme fonctionnaire intérimaire.

    26      Dans sa décision de renvoi, le Juzgado de lo Contencioso-Administrativo nº 12 de Sevilla s’interroge sur les conséquences de décisions du Tribunal Constitucional selon lesquelles une différence de traitement entre fonctionnaires statutaires et fonctionnaires intérimaires exerçant les mêmes fonctions est permise. La juridiction de renvoi constate, toutefois, que ces décisions sont en partie contredites par d’autres arrêts émanant du même Tribunal Constitucional.

    27      La juridiction de renvoi constate également qu’une grande partie des juridictions espagnoles suit une certaine ligne doctrinale selon laquelle, dans le cas d’avis de concours publics dans lesquels sont publiées les clauses indiquant les conditions d’admission et de notation des candidats, celles-ci constituent la «loi» du concours et, si ces clauses n’ont pas été contestées par l’intéressé dans le délai imparti à cette fin, leur illégalité ne peut plus être invoquée par la suite pour contester le résultat du concours en tant qu’il affecte l’intéressé.

    28      Selon ladite juridiction, la question essentielle qui se pose dans l’affaire au principal est celle de savoir si une réglementation nationale qui, tout en prenant comme éléments de comparaison deux fonctionnaires statutaires, exclurait la prise en compte des périodes de service accomplies par l’un d’eux pour la seule raison qu’il était fonctionnaire intérimaire lorsqu’il les a accomplies serait contraire à la clause 4 de l’accord-cadre.

    29      C’est dans ces circonstances que le Juzgado de lo Contencioso-Administrativo nº 12 de Sevilla a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

    «1)      La directive [1999/70] doit-elle être interprétée en ce sens que, dans le cas où la Cour constitutionnelle d’un pays membre de l’Union [européenne] se serait prononcée en estimant qu’il pourrait ne pas être anticonstitutionnel d’établir des droits différents pour les agents employés et les fonctionnaires statutaires de ce pays, cela devrait nécessairement impliquer d’exclure que la disposition précitée du droit communautaire puisse être applicable dans le cadre de sa fonction publique?

    2)      Cette directive doit-elle être interprétée en ce sens qu’elle fait obstacle à ce qu’un organe juridictionnel national interprète les principes d’égalité de traitement et de non-discrimination d’une manière qui exclut généralement de leur champ d’application l’égalité entre agents employés et fonctionnaires statutaires?

    3)      La clause 4 de [l’accord-cadre] doit-elle être interprétée en ce sens qu’elle fait obstacle à ce que les périodes de service accomplies en régime intérimaire ne soient pas prises en compte comme ancienneté acquise lors de l’accès au statut d’agent statutaire, et concrètement aux fins de rémunération, de classement ou de progression dans la carrière du fonctionnaire?

    4)      La clause [4 de l’accord-cadre] oblige-t-elle à donner de la réglementation nationale une interprétation qui n’exclut pas du décompte des périodes de service accomplies par le personnel fonctionnaire les périodes accomplies en vertu d’un contrat temporaire?

    5)      La clause [4 de l’accord-cadre] doit-elle être interprétée en ce sens que, bien qu’un avis public de vacance d’emploi ait été publié et n’ait pas été contesté par l’intéressé, le juge national a l’obligation d’examiner s’il est contraire à la réglementation [de l’Union] et doit-il, dans ce cas, s’abstenir d’appliquer cet avis ou la disposition nationale sur lequel il s’appuie, pour autant qu’ils contredisent ladite clause?»

     Sur la recevabilité du recours

    30      La Consejería estime que la décision de renvoi en général et les première, deuxième et cinquième questions préjudicielles en particulier ne sont pas conformes aux exigences établies par la jurisprudence de la Cour relatives à la recevabilité des demandes de décision préjudicielle. En effet, il n’y serait pas fait référence aux normes nationales applicables à l’affaire au principal ou au régime juridique national dans lequel celle-ci s’inscrit. La juridiction de renvoi n’aurait pas non plus exposé les raisons l’ayant conduite au choix de la directive 1999/70 et n’aurait pas démontré le lien existant entre celle-ci et lesdites normes nationales.

    31      Elle fait par ailleurs valoir que les questions préjudicielles identifient de façon erronée le champ d’application de la clause 4 de l’accord-cadre et sont, pour cette raison également, irrecevables.

    32      À cet égard, il convient de rappeler que, dans le cadre de la coopération entre la Cour et les juridictions nationales instituée à l’article 267 TFUE, il appartient au seul juge national, qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour. En conséquence, dès lors que les questions posées portent sur l’interprétation du droit de l’Union, la Cour est, en principe, tenue de statuer (voir, notamment, arrêts du 15 décembre 1995, Bosman, C‑415/93, Rec. p. I‑4921, point 59, et du 12 octobre 2010, Rosenbladt, C‑45/09, non encore publié au Recueil, point 32).

    33      Il appartient en outre aux juridictions nationales de fournir à la Cour les éléments de fait ou de droit, nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (arrêt du 14 septembre 1999, Gruber, C‑249/97, Rec. p. I‑5295, point 19).

    34      Il convient en l’espèce de relever que la juridiction de renvoi a décrit de manière suffisamment claire tant les dispositions du droit espagnol applicables à l’affaire au principal que le cadre juridique national dans lequel celle-ci s’inscrit. En outre, les raisons ayant amené la juridiction de renvoi à poser des questions relatives à l’interprétation de la directive 1999/70 ressortent clairement de la décision de renvoi.

    35      Quant aux arguments de la Consejería relatifs à l’identification erronée par la juridiction de renvoi du champ d’application de la clause 4, point 1, de l’accord-cadre, il suffit de constater qu’une telle question relève non pas de la recevabilité de la demande de décision préjudicielle, mais du fond de celle-ci.

    36      Eu égard à ce qui précède, il convient de considérer que la demande de décision préjudicielle est recevable dans son intégralité.

     Sur les questions préjudicielles

     Observations liminaires relatives à l’applicabilité de la directive 1999/70 et de l’accord-cadre

    37      Selon le gouvernement espagnol et la Commission européenne, la directive 1999/70 et l’accord-cadre figurant en annexe de celle-ci ne sont pas applicables au litige au principal.

    38      Le gouvernement espagnol constate que, lorsqu’il a participé à la procédure de promotion interne à laquelle peuvent exclusivement accéder, conformément à la réglementation applicable, les fonctionnaires statutaires, le requérant au principal était lui-même, depuis 2005, un fonctionnaire statutaire. La différence de traitement invoquée par ce dernier interviendrait donc par rapport à d’autres fonctionnaires statutaires, lesquels participaient eux aussi à cette procédure et soit étaient en possession des titres exigés, soit pouvaient se prévaloir d’une ancienneté de dix ans en qualité de fonctionnaire statutaire. Tant le gouvernement espagnol que la Commission soutiennent que l’accord-cadre ne traite pas de l’égalité de traitement entre travailleurs à durée indéterminée dont certains d’entre eux auraient, par le passé, accompli leurs services comme travailleurs à durée déterminée.

    39      Il convient à cet égard de rappeler que, aux termes de la clause 2, point 1, de l’accord-cadre, celui-ci s’applique aux travailleurs à durée déterminée ayant un contrat ou une relation de travail défini par la législation, les conventions collectives ou les pratiques en vigueur dans chaque État membre.

    40      La Cour a déjà jugé que la directive 1999/70 et l’accord-cadre trouvent à s’appliquer à l’ensemble des travailleurs fournissant des prestations rémunérées dans le cadre d’une relation d’emploi à durée déterminée les liant à leur employeur (arrêt du 13 septembre 2007, Del Cerro Alonso, C‑307/05, Rec. p. I‑7109, point 28).

    41      Le seul fait que le requérant au principal a acquis la qualité de fonctionnaire statutaire et que son accès à une procédure de sélection par la voie interne est subordonné à la possession de cette qualité n’exclut pas la possibilité pour lui de se prévaloir, dans certaines circonstances, du principe de non-discrimination énoncé à la clause 4 de l’accord-cadre.

    42      En effet, dans l’affaire au principal, le requérant vise essentiellement, en sa qualité de fonctionnaire statutaire, à mettre en cause une différence de traitement lors de la prise en compte de l’ancienneté et de l’expérience professionnelle acquise aux fins d’une procédure de sélection interne. Tandis que les périodes de service accomplies en tant que fonctionnaire statutaire sont prises en considération, celles effectuées en qualité de fonctionnaire intérimaire ne le sont pas, sans que, selon lui, la nature des tâches effectuées et les caractéristiques inhérentes à celles-ci soient examinées. Dès lors que la discrimination contraire à la clause 4 de l’accord-cadre dont le requérant au principal allègue être la victime concerne les périodes de service accomplies en tant que fonctionnaire intérimaire, le fait que ce dernier soit entre-temps devenu fonctionnaire statutaire est dépourvu d’incidence.

    43      Il convient, en outre, de relever que la clause 4 de l’accord-cadre prévoit, à son point 4, que les critères de périodes d’ancienneté relatifs à des conditions particulières d’emploi doivent être les mêmes pour les travailleurs à durée déterminée que pour les travailleurs à durée indéterminée, sauf lorsque des critères différents sont justifiés par des raisons objectives. Il ne ressort ni du libellé de cette disposition ni du contexte dans lequel elle s’insère que celle-ci cesse d’être applicable une fois que le travailleur concerné acquiert le statut de travailleur à durée indéterminée. En effet, les objectifs poursuivis par la directive 1999/70 et l’accord-cadre, qui visent tant à interdire la discrimination qu’à prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs, plaident en sens contraire.

    44      Exclure d’emblée l’application de l’accord-cadre dans une situation telle que celle au principal, ainsi que le gouvernement espagnol et la Commission le préconisent, reviendrait à réduire, au mépris de l’objectif assigné à ladite clause 4, le champ de la protection accordée aux travailleurs concernés contre les discriminations et aboutirait à une interprétation indûment restrictive de cette clause contraire à la jurisprudence de la Cour (voir, en ce sens, arrêts Del Cerro Alonso, précité, points 37 et 38, ainsi que du 15 avril 2008, Impact, C‑268/06, Rec. I‑2483, points 114 et 115).

    45      Pour sa part, la Consejería soutient que la clause 4, point 1, de l’accord-cadre ne trouve pas à s’appliquer dans l’affaire au principal dès lors que la condition d’ancienneté en qualité de fonctionnaire statutaire constitue une condition d’accès à l’emploi requise pour participer à une procédure de sélection et non une condition d’emploi au sens de cette clause.

    46      La Cour a déjà relevé que des règles nationales relatives à des périodes de service à accomplir afin de pouvoir être classé dans une catégorie de rémunération supérieure ou au calcul des périodes de service requises pour faire l’objet d’un rapport de notation chaque année et, par voie de conséquence, de pouvoir profiter d’une promotion professionnelle telle que celle en cause au principal correspondent à des conditions de travail (voir, par analogie, dans le domaine de l’égalité de traitement entre travailleurs masculins et travailleurs féminins, arrêts du 30 avril 1998, Thibault, C‑136/95, Rec. p. I-2011, point 27, et du 18 novembre 2004, Sass, C‑284/02, Rec. p. I-11143, points 31 et 34).

    47      Il s’ensuit que la notion de conditions d’emploi visée à la clause 4, point 1, de l’accord-cadre englobe une condition, telle que celle en cause au principal, relative à la prise en compte, dans le cadre d’une procédure de sélection pour une promotion par la voie interne, des périodes de service accomplies antérieurement en qualité de fonctionnaire intérimaire.

    48      Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de relever que, contrairement à l’interprétation soutenue par la Consejería, le gouvernement espagnol et la Commission, rien ne s’oppose à l’applicabilité de la directive 1999/70 et de la clause 4 de l’accord-cadre au litige au principal.

     Sur les première et deuxième questions préjudicielles

    49      Par ses première et deuxième questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les juridictions d’un État membre, y compris la Cour constitutionnelle, peuvent interpréter la directive 1999/70 et le principe de non-discrimination consacré à la clause 4 de l’accord-cadre de manière à exclure l’application de ces actes du droit de l’Union à la fonction publique de cet État membre et à toute différence de traitement entre les fonctionnaires intérimaires et les fonctionnaires statutaires de ce dernier.

    50      Il convient, à titre liminaire, de rappeler qu’une directive impose l’obligation, pour chacun des États membres destinataires, de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer le plein effet de la directive concernée, conformément à l’objectif que celle-ci poursuit (voir arrêt du 10 avril 1984, von Colson et Kamann, 14/83, Rec. p. 1891, point 15, ainsi que Impact, précité, point 40).

    51      L’obligation des États membres, découlant d’une directive, d’atteindre le résultat prévu par celle-ci ainsi que leur devoir, en vertu de l’article 4, paragraphe 3, TUE, de prendre toutes mesures générales ou particulières propres à assurer l’exécution de cette obligation s’impose à toutes les autorités des États membres, y compris, dans le cadre de leurs compétences, aux autorités juridictionnelles (arrêt Impact, précité, point 41).

    52      C’est en effet aux juridictions nationales qu’il incombe en particulier d’assurer la protection juridique découlant pour les justiciables des dispositions du droit de l’Union et de garantir le plein effet de celles-ci (arrêt Impact, précité, point 42).

    53      Selon la jurisprudence de la Cour, à défaut de pouvoir procéder à une interprétation et à une application de la réglementation nationale conforme aux exigences du droit de l’Union, les juridictions nationales et les organes de l’administration ont l’obligation d’appliquer intégralement le droit de l’Union et de protéger les droits que celui-ci confère aux particuliers, en laissant au besoin inappliquée toute disposition contraire du droit interne (voir, en ce sens, arrêts du 22 juin 1989, Costanzo, 103/88, Rec. p. 1839, point 33; du 11 janvier 2007, ITC, C‑208/05, Rec. p. I‑181, points 68 et 69, ainsi que du 25 novembre 2010, Fuß, C‑429/09, non encore publié au Recueil, point 40).

    54      L’accord-cadre, qui est né d’un dialogue conduit, sur le fondement de l’article 139, paragraphe 1, CE, entre partenaires sociaux au niveau de l’Union, a été mis en œuvre, conformément au paragraphe 2 de ce même article, par une directive du Conseil de l’Union européenne, dont il fait partie intégrante (arrêt Impact, précité, point 58).

    55      Selon une jurisprudence bien établie, les prescriptions énoncées dans l’accord-cadre ont vocation à s’appliquer aux contrats et aux relations de travail à durée déterminée conclus avec les administrations et les autres entités du secteur public (arrêts du 4 juillet 2006, Adeneler e.a., C‑212/04, Rec. p. I‑6057, point 54, ainsi que du 22 décembre 2010, Gavieiro Gavieiro et Iglesias Torres, C‑444/09 et C‑456/09, non encore publié au Recueil, point 38).

    56      La clause 4 de l’accord-cadre, qui a un effet direct, énonce une interdiction de traiter, en ce qui concerne les conditions d’emploi et les critères de périodes d’ancienneté relatifs aux conditions d’emploi, les travailleurs à durée déterminée d’une manière moins favorable que les travailleurs à durée indéterminée comparables au seul motif qu’ils travaillent à durée déterminée (arrêt Impact, précité, points 59 et 68).

    57      Cette disposition comporte, certes, par rapport au principe de non-discrimination qu’elle énonce, une réserve relative aux justifications fondées sur des raisons objectives.

    58      Toutefois, le fait de pouvoir, dans des circonstances précises et en présence de raisons objectives, traiter différemment les travailleurs à durée déterminée et les travailleurs à durée indéterminée n’implique aucunement que pourrait être exclue l’application de la directive 1999/70 et de l’accord-cadre aux travailleurs employés dans la fonction publique d’un État membre.

    59      Pour sa part, le gouvernement espagnol soutient que la prémisse sur laquelle est fondée la première question est erronée, le Tribunal Constitucional n’ayant pas refusé d’appliquer la directive 1999/70 aux fonctionnaires intérimaires espagnols et n’ayant pas non plus admis, de manière générale, les différences de traitement non justifiées entre ces derniers et les fonctionnaires statutaires.

    60      À cet égard, il suffit de rappeler qu’il n’appartient pas à la Cour de se prononcer sur l’interprétation de dispositions nationales, celle-ci relevant de la compétence exclusive des juridictions nationales (arrêt du 8 septembre 2010, Winner Wetten, C‑409/06, non encore publié au Recueil, point 35), et que la Cour ne saurait substituer son jugement à celui du juge de renvoi quant à l’évolution de la jurisprudence devant lesdites juridictions.

    61      Dans l’hypothèse où une juridiction nationale, y compris une Cour constitutionnelle, exclurait l’application de la directive 1999/70 et de l’accord-cadre au personnel de la fonction publique d’un État et/ou permettrait des différences de traitement entre les fonctionnaires intérimaires et les fonctionnaires statutaires en l’absence de raisons objectives au sens de la clause 4, point 1, de cet accord-cadre, il conviendrait de conclure qu’une telle jurisprudence irait à l’encontre des dispositions de ces actes du droit de l’Union et méconnaîtrait les obligations incombant, dans le cadre de leurs compétences, aux autorités juridictionnelles des États membres d’assurer la protection juridique découlant pour les justiciables des dispositions dudit droit et d’en garantir le plein effet.

    62      Dans ces circonstances, il convient de répondre aux première et deuxième questions que la directive 1999/70 et l’accord-cadre figurant en annexe de celle-ci doivent être interprétés en ce sens que, d’une part, ils s’appliquent aux contrats et relations de travail à durée déterminée conclus avec les administrations et les autres entités du secteur public et, d’autre part, ils exigent que soit exclue toute différence de traitement entre les fonctionnaires statutaires et les fonctionnaires intérimaires comparables d’un État membre au seul motif que ces derniers travaillent à durée déterminée, à moins qu’un traitement différent ne soit justifié par des raisons objectives au sens de la clause 4, point 1, dudit accord-cadre.

     Sur les troisième et quatrième questions préjudicielles

    63      Par ses troisième et quatrième questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande en substance si la clause 4 de l’accord-cadre doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à ce que les périodes de service accomplies par un fonctionnaire intérimaire d’une administration publique ne soient pas prises en compte pour l’accès de ce dernier, devenu entre-temps fonctionnaire statutaire, à une promotion par la voie interne à laquelle peuvent uniquement prétendre les fonctionnaires statutaires.

    64      Ainsi qu’il ressort de la réponse aux deux premières questions, la clause 4, point 1, de l’accord-cadre énonce une interdiction de traiter, en ce qui concerne les conditions d’emploi, les travailleurs à durée déterminée d’une manière moins favorable que les travailleurs à durée indéterminée comparables au seul motif qu’ils travaillent à durée déterminée, à moins qu’un traitement différent ne soit justifié par des raisons objectives. Le point 4 de cette clause énonce la même interdiction en ce qui concerne les critères de périodes d’ancienneté relatifs à des conditions particulières d’emploi.

    65      Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le principe de non-discrimination exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir, notamment, arrêt du 11 juillet 2006, Franz Egenberger, C‑313/04, Rec. p. I‑6331, point 33 et jurisprudence citée).

    66      Pour apprécier si les personnes intéressées exercent un travail identique ou similaire au sens de l’accord-cadre, il convient, conformément aux clauses 3, point 2, et 4, point 1, de ce dernier, de rechercher si, compte tenu d’un ensemble de facteurs, tels que la nature du travail, les conditions de formation et les conditions de travail, ces personnes peuvent être considérées comme se trouvant dans une situation comparable (ordonnance du 18 mars 2011, Montoya Medina, C‑273/10, point 37).

    67      Il appartient, en principe, à la juridiction de renvoi d’établir si le requérant au principal, lorsqu’il exerçait ses fonctions en tant que fonctionnaire intérimaire, se trouvait dans une situation comparable à celle des fonctionnaires statutaires qui, dans le cadre de la procédure de sélection en cause, ont établi qu’ils avaient dix ans d’ancienneté dans les catégories de fonctionnaires appartenant au groupe D.

    68      S’il devait s’avérer que les fonctions exercées par le requérant au principal en tant que fonctionnaire intérimaire ne correspondaient pas à celles exercées par un fonctionnaire statutaire relevant des catégories appartenant au groupe D exigées dans l’avis de concours, il s’ensuivrait que l’intéressé ne se trouve pas, en tout état de cause, dans une situation comparable à celle d’un fonctionnaire statutaire candidat à la promotion interne ayant accompli les périodes de service requises dans le cadre desdites catégories.

    69      En effet, la nature des fonctions exercées par le requérant au principal pendant les années au cours desquelles il a travaillé dans les services de la Junta de Andalucía en tant que fonctionnaire intérimaire et la qualité de l’expérience qu’il a acquise à ce titre ne constituent pas seulement l’un des facteurs susceptibles de justifier objectivement une différence de traitement à l’égard des fonctionnaires statutaires. Elles figurent également au nombre des critères permettant de vérifier si l’intéressé se trouve dans une situation comparable à celle de ces derniers.

    70      Si, en revanche, le requérant au principal avait accompli, en tant que fonctionnaire intérimaire, une période de dix années de service dans les catégories de fonctionnaires appartenant audit groupe D, ou dans une autre catégorie dont les fonctions correspondaient à celles exercées par un fonctionnaire statutaire relevant des catégories appartenant audit groupe, le seul élément qui serait susceptible de différencier sa situation de celle d’un fonctionnaire statutaire candidat à la procédure de sélection en cause semble être la nature temporaire de la relation de travail qui le liait à son employeur lors de l’accomplissement des périodes de service en tant qu’intérimaire.

    71      Dans une telle hypothèse, il conviendrait alors de vérifier s’il existe une raison objective justifiant l’absence de prise en compte, dans le cadre de la procédure de sélection en cause, desdites périodes de service.

    72      Selon une jurisprudence constante de la Cour, la notion de «raisons objectives» au sens de la clause 4, point 1, de l’accord-cadre doit être comprise comme ne permettant pas de justifier une différence de traitement entre les travailleurs à durée déterminée et les travailleurs à durée indéterminée par le fait que cette différence est prévue par une norme nationale générale et abstraite, telle qu’une loi ou une convention collective (arrêts précités Del Cerro Alonso, point 57; Gavieiro Gavieiro et Iglesias Torres, point 54, ainsi que ordonnance Montoya Medina, précitée, point 40).

    73      Ladite notion requiert que l’inégalité de traitement constatée soit justifiée par l’existence d’éléments précis et concrets, caractérisant la condition d’emploi dont il s’agit, dans le contexte particulier dans lequel elle s’insère et sur le fondement de critères objectifs et transparents, afin de vérifier si cette inégalité répond à un besoin véritable, est apte à atteindre l’objectif poursuivi et est nécessaire à cet effet. Lesdits éléments peuvent résulter, notamment, de la nature particulière des tâches pour l’accomplissement desquelles des contrats à durée déterminée ont été conclus et des caractéristiques inhérentes à celles-ci ou, le cas échéant, de la poursuite d’un objectif légitime de politique sociale d’un État membre (voir, notamment, arrêts précités Del Cerro Alonso, points 53 et 58, ainsi que Gavieiro Gavieiro et Iglesias Torres, point 55).

    74      Le recours à la seule nature temporaire du travail du personnel de l’administration publique n’est pas conforme à ces exigences et n’est donc pas susceptible de constituer, à elle seule, une raison objective au sens de la clause 4, point 1, de l’accord-cadre. En effet, admettre que la seule nature temporaire d’une relation d’emploi suffit pour justifier une différence de traitement entre travailleurs à durée déterminée et travailleurs à durée indéterminée viderait de leur substance les objectifs de la directive 1999/70 ainsi que de l’accord-cadre et reviendrait à pérenniser le maintien d’une situation défavorable aux travailleurs à durée déterminée (arrêt Gavieiro Gavieiro et Iglesias Torres, précité, points 56 et 57, ainsi que ordonnance Montoya Medina, précitée, points 42 et 43).

    75      Le gouvernement espagnol invoque l’existence de plusieurs différences entre les fonctionnaires statutaires et les fonctionnaires intérimaires qui pourraient justifier la différence de traitement en cause au principal. À l’égard de ces derniers, il souligne, tout d’abord, que des exigences moindres leur sont imposées en ce qui concerne l’entrée en fonction et la justification des mérites et des capacités. Ensuite, il relève l’absence de mobilité des fonctionnaires intérimaires, dès lors qu’ils sont liés aux postes qu’ils sont appelés à occuper temporairement, ce qui rend leur activité différente et d’une valeur autre que celle d’un fonctionnaire statutaire. En outre, il rappelle que certaines fonctions sont réservées aux seuls fonctionnaires statutaires, ce qui implique qu’il existe une différence qualitative en termes d’expérience et de formation. Enfin, ce gouvernement souligne le fait que l’extinction de la relation de travail des fonctionnaires intérimaires peut intervenir lorsque la cause ayant motivé leur nomination prend fin.

    76      Compte tenu de la marge d’appréciation dont jouissent les États membres s’agissant de l’organisation de leurs propres administrations publiques, ils peuvent, en principe, sans contredire la directive 1999/70 ni l’accord-cadre, prévoir des conditions d’ancienneté pour accéder à certains emplois, restreindre l’accès à une promotion par la voie interne aux seuls fonctionnaires statutaires et exiger desdits fonctionnaires qu’ils fassent preuve d’une expérience professionnelle correspondant au grade immédiatement inférieur à celui qui fait l’objet de la procédure de sélection.

    77      Toutefois, nonobstant cette marge d’appréciation, l’application des critères que les États membres établissent doit être effectuée de manière transparente et pouvoir être contrôlée afin d’empêcher toute exclusion des travailleurs à durée déterminée sur le seul fondement de la durée des contrats ou des relations de travail justifiant leur ancienneté et leur expérience professionnelle.

    78      Ainsi que Mme l’avocat général l’a relevé aux points 62 à 65 de ses conclusions, certaines différences invoquées par le gouvernement espagnol relatives à l’engagement des fonctionnaires intérimaires et statutaires, aux qualifications requises et à la nature des tâches dont ils doivent assumer la responsabilité pourraient, en principe, justifier une différence de traitement quant à leurs conditions d’emploi.

    79      Lorsque, s’agissant d’une procédure de sélection, un tel traitement différencié résulte de la nécessité de tenir compte d’exigences objectives relatives à l’emploi que cette procédure a pour objet de pourvoir et qui sont étrangères à la durée déterminée de la relation de travail liant le fonctionnaire intérimaire à son employeur, il est susceptible d’être justifié au sens de la clause 4, points 1 et/ou 4, de l’accord-cadre.

    80      En revanche, une condition générale et abstraite selon laquelle la période de service exigée doit avoir été accomplie intégralement en tant que fonctionnaire statutaire, sans que soient prises en considération, notamment, la nature particulière des tâches à remplir ni les caractéristiques inhérentes à celles-ci, ne correspond pas aux exigences de la jurisprudence relative à la clause 4, point 1, de l’accord-cadre telle que rappelée aux points 72 à 74 du présent arrêt.

    81      Même si le requérant au principal remplit clairement la condition relative à l’accomplissement d’au moins deux années de service en tant que fonctionnaire statutaire relevant du groupe dont le niveau est immédiatement inférieur à celui de la catégorie dont relève l’emploi faisant l’objet du concours, il ne résulte du dossier dont dispose la Cour ni quelles étaient les fonctions exercées par le requérant pendant les années au cours desquelles il a travaillé en tant que fonctionnaire intérimaire, ni à quel grade il a exercé ses fonctions, ni quelle était la relation entre celles-ci et les fonctions dévolues aux catégories de fonctionnaires appartenant au groupe D.

    82      Il ne ressort donc pas du dossier soumis à la Cour si l’exclusion des périodes de service accomplies par les fonctionnaires intérimaires est justifiée par la seule durée de leurs contrats de travail ou s’il existe d’autres justifications liées aux exigences objectives des emplois faisant l’objet de la procédure de sélection susceptibles d’être qualifiées de «raisons objectives» au sens de la clause 4, point 1, de l’accord-cadre.

    83      Il appartient donc à la juridiction de renvoi de vérifier, d’une part, si la situation du requérant au principal était, à l’égard des périodes de service qu’il a accomplies en tant que fonctionnaire intérimaire, comparable à celle d’un autre employé de la Junta de Andalucía ayant accompli ses périodes de service en tant que fonctionnaire statutaire et, d’autre part, d’apprécier, au regard de la jurisprudence rappelée aux points 72 à 74 du présent arrêt, si les arguments présentés devant elle par la Consejería constituent des raisons objectives au sens de la clause 4, point 1, de l’accord-cadre.

    84      Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre aux troisième et quatrième questions que la clause 4 de l’accord-cadre doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à ce que les périodes de service accomplies par un fonctionnaire intérimaire d’une administration publique ne soient pas prises en compte pour l’accès de ce dernier, devenu entre-temps fonctionnaire statutaire, à une promotion par la voie interne à laquelle peuvent uniquement prétendre les fonctionnaires statutaires, à moins que cette exclusion ne soit justifiée par des raisons objectives au sens du point 1 de cette clause. Le seul fait que le fonctionnaire intérimaire a accompli lesdites périodes de service sur le fondement d’un contrat ou d’une relation de travail à durée déterminée ne constitue pas une telle raison objective.

     Sur la cinquième question préjudicielle

    85      Eu égard aux informations fournies par la juridiction de renvoi ainsi que par le gouvernement espagnol, il y a lieu de comprendre la cinquième question en ce sens que la juridiction de renvoi demande, en substance, si le droit primaire de l’Union, la directive 1999/70 et l’accord-cadre doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale qui prévoit que le recours exercé par un fonctionnaire statutaire contre une décision rejetant sa candidature à un concours et fondé sur le fait que la procédure de promotion était contraire à la clause 4 de l’accord-cadre doit être introduit dans un délai de forclusion de deux mois à compter de la date de publication de l’avis de concours.

    86      Le gouvernement espagnol constate que, conformément aux dispositions de l’article 46, paragraphe 1, de la loi 29/1998, portant régulation de la juridiction du contentieux administratif (Ley 29/1998 reguladora de la Jurisdicción Contencioso-administrativa), du 13 juillet 1998 (BOE n° 167, du 14 juillet 1998, p. 23516), un recours aurait pu être introduit dans un délai de deux mois à compter du jour suivant la publication de l’avis de concours, à savoir le 17 décembre 2007. Conformément au droit espagnol, le requérant au principal aurait dû soit former un recours direct à l’encontre des conditions énoncées dans l’avis de concours dans le délai prescrit, soit former un recours pour contester le résultat du concours si le vice entraînant la nullité alléguée découlait du comportement de l’autorité compétente lors de l’application des conditions requises pour être admis à concourir, lesquelles n’étaient pas elles-mêmes entachées de nullité. Il ne pourrait, en revanche, attaquer indirectement les conditions d’un concours d’accès à la fonction publique, en dehors du délai prescrit, au moyen d’un recours direct dirigé contre le résultat de celui-ci.

    87      Conformément à une jurisprudence constante de la Cour, en l’absence de réglementation de l’Union en la matière, il appartient à l’ordre juridique interne de chacun des États membres, en vertu du principe de l’autonomie procédurale de ces derniers, de désigner les juridictions compétentes et de régler les modalités procédurales des recours destinés à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent du droit de l’Union (voir, notamment, arrêts Impact, précité, point 44, et du 23 avril 2009, Angelidaki e.a., C‑378/07 à C‑380/07, Rec. p. I‑3071, point 173).

    88      Les États membres portent toutefois la responsabilité d’assurer, dans chaque cas, une protection effective de ces droits (voir, notamment, arrêt Impact, précité, point 45 et jurisprudence citée).

    89      À ce titre, ainsi qu’il résulte d’une jurisprudence bien établie, les modalités procédurales des recours destinés à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent du droit de l’Union ne doivent pas être moins favorables que celles concernant des recours similaires de droit interne (principe d’équivalence) et ne doivent pas rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique de l’Union (principe d’effectivité) (voir, notamment, arrêt Impact, précité, point 46 et jurisprudence citée).

    90      Pour ce qui concerne le respect du principe d’équivalence, ce dernier suppose que la règle nationale en cause s’applique indifféremment aux recours fondés sur la violation du droit de l’Union et à ceux fondés sur la méconnaissance du droit interne ayant un objet et une cause semblables. Afin de vérifier si le principe d’équivalence est respecté, il appartient à la juridiction nationale, qui est la seule à avoir une connaissance directe des modalités procédurales des recours dans le domaine du droit interne, de contrôler si les modalités procédurales destinées à assurer, en droit interne, la sauvegarde des droits que les justiciables tirent du droit de l’Union sont conformes à ce principe et d’examiner tant l’objet que les éléments essentiels des recours prétendument similaires de nature interne. À ce titre, ladite juridiction doit apprécier la similitude des recours concernés sous l’angle de leur objet, de leur cause et de leurs éléments essentiels. Elle doit, pour déterminer si une disposition procédurale nationale est moins favorable, tenir compte de sa place dans l’ensemble de la procédure, du déroulement de ladite procédure et des particularités de ces règles (arrêts du 8 juillet 2010, Bulicke, C‑246/09, non encore publié au Recueil, points 26 à 29, ainsi que ordonnance du 18 janvier 2011, Berkizi-Nikolakaki, C‑272/10, points 40 et 41).

    91      En l’espèce, il ne ressort pas des éléments fournis à la Cour que le délai de forclusion de deux mois en cause au principal soit contraire au principe d’équivalence. Ainsi que le gouvernement espagnol le fait valoir, ce délai constitue le délai de droit commun prévu pour l’ensemble des recours formés à l’encontre des actes administratifs ou des dispositions de ceux-ci. Il appartient, cependant, à la juridiction de renvoi de vérifier si tel est le cas dans l’affaire au principal.

    92      En ce qui concerne le principe d’effectivité, il ressort de la jurisprudence de la Cour que les cas dans lesquels se pose la question de savoir si une disposition procédurale nationale rend pratiquement impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés aux particuliers par l’ordre juridique de l’Union doivent, de même, être analysés en tenant compte de la place de cette disposition dans l’ensemble de la procédure, du déroulement et des particularités de celle-ci devant les diverses instances nationales. Dans cette perspective, il convient de prendre en considération, s’il y a lieu, les principes qui sont à la base du système juridictionnel national, tels que la protection des droits de la défense, le principe de sécurité juridique et le bon déroulement de la procédure (arrêt Bulicke, précité, point 35, et ordonnance Berkizi-Nikolakaki, précitée, point 48).

    93      La Cour a ainsi reconnu la compatibilité avec le droit de l’Union de la fixation de délais raisonnables de recours à peine de forclusion dans l’intérêt de la sécurité juridique, de tels délais n’étant pas de nature à rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique de l’Union. En ce qui concerne les délais de forclusion, la Cour a également jugé qu’il appartient aux États membres de déterminer, pour les réglementations nationales qui entrent dans le champ d’application du droit de l’Union, des délais en rapport avec, notamment, l’importance pour les intéressés des décisions à prendre, la complexité des procédures et de la législation à appliquer, le nombre de personnes susceptibles d’être concernées et les autres intérêts publics ou privés qui doivent être pris en considération (arrêt Bulicke, précité, point 36, et ordonnance Berkizi-Nikolakaki, précitée, point 49).

    94      En l’espèce, le gouvernement espagnol fait valoir que le délai de deux mois repose sur le principe de sécurité juridique et vise fondamentalement à protéger les autres candidats à des procédures de sélection, dans le cadre desquelles, d’une part, le nombre de postes à pourvoir est limité et, d’autre part, l’annulation des conditions applicables au concours obligerait à recommencer la procédure et priverait les candidats ayant réussi celui-ci des droits qu’ils pensaient avoir acquis.

    95      Il y a lieu de relever à cet égard que la Cour a déjà jugé que la fixation d’un délai de forclusion d’une durée de deux mois, dans le contexte des affaires dont elle était saisie, n’apparaissait pas susceptible de rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par le droit de l’Union (voir arrêt Bulicke, précité, point 39, et ordonnance Berkizi-Nikolakaki, précitée, point 58). Elle a notamment constaté la validité d’un tel délai s’agissant d’un recours à l’encontre d’un acte de portée générale prévoyant une procédure complexe et l’implication d’un nombre élevé de personnes (voir, en ce sens, ordonnance Berkizi-Nikolakaki, précitée, points 56 à 58).

    96      Dans ces conditions, il convient de constater qu’un délai de forclusion tel que celui en cause au principal n’apparaît pas, en principe, de nature à rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’accord-cadre.

    97      Il y a lieu cependant de relever que, ainsi qu’il ressort de la décision de renvoi, le requérant au principal a été admis et a participé avec succès aux épreuves du concours organisé par la Consejería et il figurait, jusqu’à l’adoption par le secrétaire général de cette dernière de la décision en cause au principal, sur la liste définitive des lauréats de ce concours publiée le 12 novembre 2008. Dans de telles circonstances, il ne saurait être exclu que faire courir le délai de deux mois prévu par le droit espagnol à partir de la publication de l’avis de concours, intervenue le 17 décembre 2007, pourrait rendre impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’accord-cadre.

    98      En effet, compte tenu de son admission aux épreuves du concours et, notamment, de la circonstance que le requérant au principal a figuré sur la liste définitive des lauréats de ce concours, ce n’est que lorsque le secrétaire général de la Consejería a, par la décision en cause au principal, à savoir le 25 mars 2009, annulé l’admission et la nomination de l’intéressé en qualité de fonctionnaire statutaire du groupe C qu’il s’est avéré que l’avis de concours serait appliqué d’une manière telle qu’elle pourrait porter atteinte aux droits conférés par l’accord-cadre.

    99      Dans ces conditions, et compte tenu des éléments d’incertitude dans le dossier dont dispose la Cour, il appartient à la juridiction de renvoi de procéder aux vérifications nécessaires relatives au respect du principe d’effectivité et d’établir si, dans le cas où le délai de recours de deux mois devrait, dans les circonstances de l’affaire au principal, courir uniquement à partir de la notification de ladite décision, le requérant au principal a néanmoins introduit son recours en temps utile.

    100    Eu égard à ce qui précède, il convient de répondre à la cinquième question que le droit primaire de l’Union, la directive 1999/70 et l’accord-cadre doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas, en principe, à une réglementation nationale qui prévoit que le recours exercé par un fonctionnaire statutaire contre une décision rejetant sa candidature à un concours et fondé sur le fait que cette procédure était contraire à la clause 4 dudit accord-cadre doit être introduit dans un délai de forclusion de deux mois à compter de la date de publication de l’avis de concours. Toutefois, un tel délai ne pourrait pas être opposé à un fonctionnaire statutaire, candidat à ce concours, qui a été admis aux épreuves et dont le nom figurait sur la liste définitive des lauréats dudit concours s’il était de nature à rendre impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’accord-cadre. Dans de telles circonstances, le délai de deux mois ne pourrait courir qu’à partir de la notification de la décision portant annulation de son admission audit concours et de sa nomination en qualité de fonctionnaire statutaire du groupe supérieur.

     Sur les dépens

    101    La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

    Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit:

    1)      La directive 1999/70/CE du Conseil, du 28 juin 1999, concernant l’accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée, et l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée figurant en annexe de celle-ci doivent être interprétés en ce sens que, d’une part, ils s’appliquent aux contrats et aux relations de travail à durée déterminée conclus avec les administrations et les autres entités du secteur public et, d’autre part, ils exigent que soit exclue toute différence de traitement entre les fonctionnaires statutaires et les fonctionnaires intérimaires comparables d’un État membre au seul motif que ces derniers travaillent à durée déterminée, à moins qu’un traitement différent ne soit justifié par des raisons objectives au sens de la clause 4, point 1, dudit accord-cadre.

    2)      La clause 4 dudit accord-cadre sur le travail à durée déterminée doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à ce que les périodes de service accomplies par un fonctionnaire intérimaire d’une administration publique ne soient pas prises en compte pour l’accès de ce dernier, devenu entre-temps fonctionnaire statutaire, à une promotion par la voie interne à laquelle peuvent uniquement prétendre les fonctionnaires statutaires, à moins que cette exclusion ne soit justifiée par des raisons objectives au sens du point 1 de cette clause. Le seul fait que le fonctionnaire intérimaire a accompli lesdites périodes de service sur le fondement d’un contrat ou d’une relation de travail à durée déterminée ne constitue pas une telle raison objective.

    3)      Le droit primaire de l’Union, la directive 1999/70 et ledit accord-cadre sur le travail à durée déterminée doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas, en principe, à une réglementation nationale qui prévoit que le recours exercé par un fonctionnaire statutaire contre une décision rejetant sa candidature à un concours et fondé sur le fait que cette procédure était contraire à la clause 4 dudit accord-cadre doit être introduit dans un délai de forclusion de deux mois à compter de la date de publication de l’avis de concours. Toutefois, un tel délai ne pourrait pas être opposé à un fonctionnaire statutaire, candidat à ce concours, qui a été admis aux épreuves et dont le nom figurait sur la liste définitive des lauréats dudit concours s’il était de nature à rendre impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’accord-cadre. Dans de telles circonstances, le délai de deux mois ne pourrait courir qu’à partir de la notification de la décision portant annulation de son admission audit concours et de sa nomination en qualité de fonctionnaire statutaire du groupe supérieur.

    Signatures


    * Langue de procédure: l’espagnol.

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