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Document 62010CC0110

    Conclusions de l'avocat général Kokott présentées le 14 avril 2011.
    Solvay SA contre Commission européenne.
    Pourvoi - Concurrence - Marché de la soude dans la Communauté - Entente - Violation des droits de la défense - Accès au dossier - Audition de l’entreprise.
    Affaire C-110/10 P.

    Recueil de jurisprudence 2011 I-10439

    Identifiant ECLI: ECLI:EU:C:2011:257

    CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

    Mme Juliane Kokott

    présentées le 14 avril 2011 (1)

    Affaire C‑110/10 P

    Solvay SA

    contre

    Commission européenne

    «Pourvoi – Concurrence – Entente (article 81 CE) – Droits de la défense – Droit d’accès au dossier – Perte d’éléments du dossier – Droit d’être entendu – Principe du délai raisonnable – Durée excessive de la procédure – Marché européen de la soude»





    Table des matières

    I –   Introduction

    II – Antécédents du litige

    III – Procédure devant la Cour

    IV – Sur les conclusions tendant à l’annulation de l’arrêt attaqué

    A –   Sur les droits de la défense (deuxième et troisième moyens)

    1.     Sur le droit d’accès au dossier (deuxième moyen)

    a)     Recevabilité du deuxième moyen

    b)     Bien-fondé du deuxième moyen

    2.     Sur le droit d’être entendu (troisième moyen)

    a)     Première branche du troisième moyen

    b)     Seconde branche du troisième moyen

    c)     Conclusion intermédiaire

    B –   Sur le principe du délai raisonnable (premier moyen)

    1.     Exigences relatives à l’appréciation de la durée de la procédure (première et deuxième branches du premier moyen)

    a)     Sur la question liminaire du caractère prétendument inopérant des griefs invoqués par Solvay

    b)     Sur la nécessité d’une appréciation globale de la durée de la procédure (première branche du premier moyen)

    c)     Sur le défaut de motivation invoqué (deuxième branche du premier moyen)

    2.     Sanctions attachées à une durée excessive de la procédure (troisième, quatrième et cinquième branches du premier moyen)

    a)     Nécessité d’une affectation de la capacité à se défendre effectivement (troisième branche du premier moyen)

    b)     Affectation de la capacité de Solvay de se défendre par la durée de la procédure en l’espèce (quatrième branche du premier moyen)

    i)     Sur le défaut de motivation allégué

    ii)   Sur le vice de fond allégué

    iii) Sur quelques autres griefs

    iv)   Résultat intermédiaire

    c)     Sur la prétendue renonciation de Solvay à une réduction de l’amende (cinquième branche du premier moyen)

    3.     Résultat intermédiaire

    C –   Annulation de l’arrêt attaqué

    D –   Examen du recours introduit en première instance

    1.     Sur le droit d’accès au dossier

    2.     Sur le droit d’être entendu

    3.     Sur le principe du délai raisonnable

    4.     Résultat intermédiaire

    V –   Sur les conclusions tendant à la réduction de l’amende

    A –   Observation liminaire

    B –   Réduction de l’amende

    1.     Sur la durée excessive des procédures administratives et contentieuses

    2.     Sur l’importance de la réduction de l’amende à effectuer

    VI – Dépens

    VII – Conclusion

    I –    Introduction

    1.        La Cour est appelée à se prononcer sur pourvoi pour la seconde fois déjà dans l’affaire Solvay/CFK (2).

    2.        La présente affaire est étroitement liée à l’affaire parallèle C-109/10 P (Solvay/Commission), actuellement pendante. Ces deux affaires ont pour origine des faits survenus dans les années 1980 sur le marché européen de la soude qui ont conduit à l’ouverture d’une procédure en matière de concurrence par la Commission européenne en 1989/1990 (3).

    3.        Ce n’est toutefois pas l’abus d’une position dominante, mais une entente qui sous-tend le présent litige. Cette dernière aurait, selon les constatations de la Commission, conduit à une répartition des marchés entre l’entreprise belge Solvay (4) et la société allemande CFK (5). C’est pourquoi la Commission a infligé à Solvay à deux reprises, en 1990 et en 2000, une amende que cette entreprise continue aujourd’hui encore à contester en justice.

    4.        Au stade actuel, les parties à la procédure s’opposent encore essentiellement sur deux questions juridiques d’une importance fondamentale, dont l’une concerne le droit à l’accès au dossier, et notamment les conséquences attachées à la disparition d’une partie des éléments du dossier, et l’autre le principe du délai raisonnable.

    5.        Le grief d’une durée excessive de la procédure est invoqué, au reste, par Solvay, parallèlement à la présente procédure de pourvoi, dans un recours devant la Cour européenne des droits de l’homme, qui est dirigé contre la totalité des 27 États membres et tiré d’une prétendue violation de l’article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (6) (ci-après la «CEDH») (7).

    II – Antécédents du litige

    6.        Ainsi que le Tribunal l’a constaté (8), la Commission a procédé au mois d’avril 1989, en vertu de l’article 14 du règlement n° 17 (9), à des vérifications sur place dans les locaux de plusieurs entreprises opérant sur le marché de la soude (10), au nombre desquelles figurait l’entreprise belge Solvay (11). La Commission a ultérieurement adressé des demandes de renseignements aux entreprises concernées.

    7.        À l’issue de ses vérifications, la Commission a fait grief à Solvay, d’une part, d’avoir participé à des ententes et, d’autre part, d’avoir abusé de la position dominante qu’elle détiendrait sur le marché du carbonate de soude.

    8.        La présente affaire ne porte que sur l’une des ententes mises à jour par la Commission (12). Selon les constatations de la Commission, Solvay et CFK auraient conclu un accord qui aurait été à l’origine, «à partir de 1987 environ et jusqu’à fin 1990 au moins», d’un partage des marchés sur le marché de la soude. Solvay garantissait à CFK un tonnage annuel minimal de ventes de soude en Allemagne calculé par référence aux ventes réalisées par CFK en 1986, et accordait à CFK une compensation de tout déficit en lui rachetant les tonnages nécessaires pour porter ses ventes au minimum garanti (13).

    9.        À ce titre, la Commission a infligé aux deux entreprises, en 1990, dans une première décision au titre des dispositions combinées de l’article 85 du traité CEE et du règlement n° 17 (décision 91/298/CEE (14)), des amendes d’un montant de 3 millions d’euros pour Solvay et de 1 million d’euros pour CFK (15). Cette première décision était toutefois entachée d’un vice de forme tenant à son absence d’authentification, de sorte qu’elle a été annulée par le Tribunal (16). La Commission a alors adopté, sans rouvrir la procédure administrative (17) et, en particulier, sans entendre à nouveau Solvay, une deuxième décision, cette fois-ci sur le fondement des dispositions combinées de l’article 81 CE et du règlement n° 17, en infligeant à nouveau à Solvay (18) une amende d’un montant inchangé (décision 2003/5/CE (19)). Cette dernière décision est à l’origine de la présente affaire.

    10.      En première instance, le recours en annulation introduit par Solvay à l’encontre de la décision 2003/5 n’a été accueilli que partiellement: par arrêt du 17 décembre 2009, le Tribunal a certes réduit le montant de l’amende de 25 %, en la ramenant à 2,25 millions d’euros, mais a rejeté le recours de Solvay comme non fondé pour le surplus (20). Le présent pourvoi de Solvay (21) est dirigé contre cet arrêt que le Tribunal a mis pas moins de huit années et neuf mois à rendre.

    11.      La chronologie des principales phases successives de cette affaire peut se résumer comme suit:

    –        Procédure administrative jusqu’à l’adoption de la première décision infligeant des amendes

    Avril 1989: Vérifications sur place conduites par la Commission

    Mars 1990:          Communication des griefs

    Décembre 1990:  Décision 91/298 de la Commission infligeant une amende

    –        Procédure contentieuse ayant conduit à l’annulation de la première décision infligeant des amendes

    Mai 1991: Saisine du Tribunal d’un recours en annulation de Solvay (T-31/91)

    Juin 1995:          Annulation de la décision 91/298

    Août 1995:          Pourvoi de la Commission (C-287/95 P)

    Avril 2000:          Rejet du pourvoi

    –        Procédure administrative jusqu’à l’adoption de la deuxième décision infligeant une amende

    Décembre 2000: Décision 2003/5 de la Commission infligeant une amende

    –        Procédure contentieuse depuis l’adoption de la deuxième décision infligeant une amende

    Mars 2001: Saisine du Tribunal d’un recours en annulation de Solvay (T-58/01)

    Décembre 2009: Arrêt attaqué du Tribunal (T-58/01)

    Mars 2010: Introduction du présent pourvoi par Solvay (C-110/10 P)

    III – Procédure devant la Cour

    12.      Dans la présente procédure de pourvoi, Solvay conclut à ce qu’il plaise à la Cour:

    –        annuler l’arrêt entrepris du 17 décembre 2009;

    –        dès lors, reprendre l’examen du recours sur les points annulés et annuler la décision litigieuse, en tout ou en partie, selon l’étendue des moyens visés;

    –        annuler l’amende de 2,25 millions d’euros, ou à défaut, réduire très substantiellement celle-ci à titre de réparation du grave préjudice subi par la requérante du fait de la durée extraordinaire de la procédure;

    –        condamner la Commission aux coûts de la procédure sur pourvoi ainsi qu’aux coûts de la procédure devant le Tribunal.

    13.      La Commission conclut pour sa part à ce qu’il plaise à la Cour:

    –        rejeter le pourvoi et

    –        condamner la requérante aux dépens.

    14.      La procédure écrite devant la Cour a été suivie d’une audience de plaidoiries, qui s’est déroulée le 18 janvier 2011. Il s’agissait d’une audience commune aux affaires C-109/10 P et C-110/10 P.

    IV – Sur les conclusions tendant à l’annulation de l’arrêt attaqué

    15.      Solvay conclut à titre principal à l’annulation de l’arrêt attaqué en se fondant sur trois moyens au total. Je n’examinerai pas ces moyens dans l’ordre suivi par le pourvoi: les questions d’ordre procédural liées à l’accès au dossier seront examinées en premier (voir ci-après, sous A), tandis que celles en relation avec le droit à être jugé dans un délai raisonnable achèveront l’appréciation juridique (voir ci-après, sous B).

    16.      Bien que les modalités de la procédure étaient en l’espèce encore régies par les anciennes dispositions du règlement n° 17, les questions juridiques soulevées ont conservé toute leur pertinence même après la modernisation des règles de procédure en matière d’ententes opérée par le règlement (CE) n° 1/2003 (22).

    17.      À la différence de l’affaire C-109/10 P (23), aucune question de fond liée à l’application des articles 81 CE ou 82 CE (devenus respectivement articles 101 TFUE et 102 TFUE) n’a été soulevée en l’espèce.

    A –    Sur les droits de la défense (deuxième et troisième moyens)

    18.      Les deuxième et troisième moyens de Solvay sont en substance tirés d’une violation de ses droits de la défense.

    19.      Le respect des droits de la défense dans toute procédure susceptible d’aboutir à des sanctions, notamment à des amendes ou à des astreintes, constitue un principe fondamental du droit de l’Union qui a été souligné à maintes reprises par la jurisprudence de la Cour (24). Il est désormais également consacré aux articles 41, paragraphe 2, sous a), et 48, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (25).

    20.      Les griefs soulevés par Solvay dans le cadre de ses deuxième et troisième moyens revêtent une importance fondamentale et fournissent à la Cour l’occasion de préciser sa jurisprudence relative aux droits de la défense dans le cadre de la procédure administrative en matière de concurrence.

    21.      La procédure à laquelle ces trois moyens se rapportent s’est déroulée comme suit:

    –        Avant l’adoption de la première décision de la Commission infligeant une amende dans cette affaire, en 1990, Solvay a été invitée à présenter ses observations sur la base d’une communication des griefs (26). Solvay n’a toutefois pas bénéficié d’un véritable accès au dossier; l’entreprise n’a reçu que des copies des documents à charge sur lesquels la Commission s’était appuyée pour établir ses différents griefs (27). Cette pratique avait pour objectif de «simplifier la procédure» (28).

    –        En 2000, soit préalablement à l’adoption de la deuxième décision infligeant une amende, qui constitue la décision litigieuse en l’espèce, il n’a pas été procédé à une nouvelle audition de Solvay (29) et l’entreprise n’a pas davantage bénéficié d’un accès au dossier (30).

    –        Ce n’est qu’au cours de la deuxième procédure devant le Tribunal (affaire T-58/01) que la Commission a produit une partie du dossier d’instruction, en réponse à des demandes réitérées du Tribunal par voie de mesures d’organisation de la procédure (31). Solvay a pu consulter au greffe du Tribunal un grand nombre de documents auxquels elle n’avait pas eu précédemment accès. L’entreprise a également pu présenter au Tribunal ses observations quant à l’utilité pour sa défense des documents consultés (32).

    –        Devant le Tribunal, la Commission a dû reconnaître qu’elle avait perdu le reste du dossier, en l’occurrence cinq classeurs (33). La Commission n’a pas non plus été en mesure de fournir au Tribunal une liste exhaustive des documents disparus (34).

    22.      Dans ces circonstances, Solvay invoque, d’une part, une violation de son droit d’accès au dossier (deuxième moyen, voir ci-après, sous 1) et, d’autre part, une violation de son droit d’être entendue (troisième moyen, voir ci-après, sous 2).

    1.      Sur le droit d’accès au dossier (deuxième moyen)

    23.      Corollaire du principe du respect des droits de la défense, le droit d’accès au dossier implique que la Commission doit donner à l’entreprise concernée la possibilité de procéder à un examen de la totalité des documents figurant au dossier d’instruction qui sont susceptibles d’être pertinents pour sa défense. Ceux‑ci comprennent tant les pièces à conviction que celles à décharge, sous réserve des secrets d’affaires d’autres entreprises, des documents internes de la Commission et d’autres informations confidentielles (35).

    24.      Il est constant que, lors de la procédure administrative, la Commission a communiqué à Solvay uniquement les documents figurant dans le dossier sur lesquels elle s’est fondée dans la décision litigieuse à son encontre. De nombreux autres documents auxquels Solvay avait le droit d’accéder en vertu du principe du respect des droits de la défense ne lui ont pas été communiqués. La Commission a ainsi enfreint une garantie procédurale essentielle (36) qui découle du droit à une bonne administration (37). La violation survenue ne peut pas être régularisée du simple fait que l’accès au dossier a été rendu possible au cours de la procédure contentieuse concernant un éventuel recours visant à l’annulation de la décision contestée (38).

    25.      Les parties à la procédure s’opposent désormais quant au point de savoir si le Tribunal aurait dû annuler la décision litigieuse compte tenu de l’irrégularité de la procédure en question. Selon une jurisprudence constante, la violation du droit d’accès au dossier de la Commission au cours de la procédure préalable à l’adoption de la décision n’est, en principe, susceptible d’entraîner l’annulation de cette décision que lorsqu’il a été porté atteinte aux droits de la défense de l’entreprise concernée (39).

    26.      À la différence de l’affaire C-109/10 P, seule une éventuelle violation des droits de la défense à l’égard des éléments égarés du dossier est en cause en l’espèce (40).

    27.      À la différence de la Commission et du Tribunal, Solvay considère qu’il a été porté atteinte à ses droits de la défense et invoque de nombreux arguments au soutien de son analyse. À cet égard, la demanderesse au pourvoi se fonde principalement sur les principes généraux du droit de l’Union relatifs au respect des droits de la défense, à la présomption d’innocence et à la répartition de la charge de la preuve. Solvay dénonce en outre une violation de l’obligation de motivation au titre des dispositions combinées des articles 36 et 53, premier alinéa, du statut de la Cour de justice, et des infractions aux articles 47, paragraphe 2, 48 et 52, paragraphe 3, de la charte des droits fondamentaux, ainsi qu’à l’article 6 de la CEDH et à l’article 6, paragraphe 1, TUE.

    28.      Solvay ne développe toutefois son argumentation qu’au sujet du respect des droits de la défense, ainsi que, plus marginalement, au sujet de la présomption d’innocence. Ses références ponctuelles à la charte des droits fondamentaux, à l’article 6 de la CEDH et à l’article 6, paragraphe 1, TUE n’ont pas de contenu autonome, de sorte qu’il n’y a pas lieu de les analyser en profondeur. S’agissant de l’article 6, paragraphe 1, TUE, il suffit d’observer que cette disposition ne comporte pas, en tant que telle, de droit fondamental. L’article 6 de la CEDH n’est pas directement applicable aux institutions de l’Union tant que cette dernière n’aura pas adhéré à la CEDH (41), mais il en est tenu compte dans l’interprétation et l’application des principes généraux du droit et des droits fondamentaux reconnus par le droit de l’Union qui sont visés par le pourvoi (42).

    a)      Recevabilité du deuxième moyen

    29.      La Commission conteste la recevabilité de la majeure partie du deuxième moyen. Elle fait valoir que l’appréciation de l’utilité de certains documents à la défense de l’entreprise en question ressortirait à l’appréciation des faits et des éléments de preuve qui relève de l’appréciation souveraine du Tribunal et n’est pas soumise, en principe, au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi.

    30.      Cette thèse ne me convainc pas. En l’espèce, il n’est pas demandé à la Cour de substituer sa propre appréciation à celle du Tribunal quant à l’utilité de différents documents du dossier (43). Elle est plutôt appelée à vérifier si l’appréciation des faits et des éléments de preuve par le Tribunal a été réalisée selon les critères et principes requis. Il s’agit d’une question de droit qui est soumise au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi (44).

    b)      Bien-fondé du deuxième moyen

    31.      Le deuxième moyen est dirigé sur le fond contre les points 257 à 264 de l’arrêt attaqué, dans lesquels le Tribunal examine le point de savoir si l’absence de cinq classeurs entraînait une violation des droits de la défense de Solvay (45) et répond par la négative à cette question (46).

    32.      La demanderesse au pourvoi adresse de nombreux griefs aux points de l’arrêt en question qui font l’objet des cinq branches de ce deuxième moyen. Toutefois, ces branches se recoupent dans une large mesure, dès lors qu’elles posent en substance toujours la même question: le Tribunal pouvait-il exclure, sans encourir de critique, que les documents perdus puissent présenter une utilité à la défense de Solvay (47)?

    33.      Aux fins de l’analyse, il convient de partir de l’idée selon laquelle une entreprise à qui l’accès à certains documents figurant au dossier a été refusé à tort lors de la procédure administrative doit seulement établir, dans le cadre de son recours contentieux, qu’elle aurait pu utiliser lesdits documents pour sa défense (48). Il suffit que l’entreprise établisse une chance, même réduite, que les documents auxquels elle n’a pas eu accès lors de la procédure administrative aient pu être utiles à sa défense (49).

    34.      En l’espèce, la perte des documents en question n’a certes pas facilité l’appréciation par le Tribunal de l’utilité des éléments du dossier auxquels Solvay n’a pas eu accès.

    35.      Il ne serait certainement pas approprié d’admettre à titre de principe que des éléments manquants du dossier sont toujours susceptibles d’être utiles à la défense de l’entreprise concernée. Ainsi, lorsqu’une table des matières suffisamment détaillée permet de conclure que les éléments en question comportaient exclusivement des documents insusceptibles, en tout état de cause, de faire l’objet d’une divulgation, à l’instar notamment de projets de décision et de notes internes de la Commission, voire, le cas échéant, de documents à caractère confidentiel (50), une violation des droits de la défense peut être exclue d’emblée.

    36.      En l’espèce toutefois, il s’est avéré impossible de déterminer, ne serait-ce qu’approximativement, le contenu des éléments disparus du dossier (51). Pour autant que nous puissions en juger, la jurisprudence ne s’est jamais encore prononcée sur le point de savoir qui doit en supporter les conséquences. En effet, les arrêts rendus jusqu’à présent concernaient des documents relatifs à la procédure administrative dont le contenu était déterminé et susceptible d’être vérifié par le Tribunal (52).

    37.      Il appartient en principe à l’entreprise concernée d’établir que les éléments du dossier auxquels l’accès lui a été refusé à tort auraient pu être utiles à sa défense (53). Cela ne peut toutefois valoir que dans la mesure où l’entreprise dispose d’indices probants quant aux auteurs ainsi qu’à la nature et au contenu des documents qui ne lui ont pas été divulgués.

    38.      Au contraire, la perte d’éléments du dossier relève de la responsabilité de la Commission. En effet, celle-ci est tenue en vertu du principe de bonne administration d’assurer une bonne gestion du dossier et de veiller à sa conservation en lieu sûr. Une bonne gestion du dossier comprend notamment la réalisation d’une table des matières détaillée en vue de permettre ultérieurement un accès au dossier.

    39.      Lorsqu’il n’est plus possible de déterminer le contenu des éléments égarés du dossier, en l’absence d’une telle table des matières, comme en l’espèce, une seule conclusion s’impose du point de vue des droits de la défense: il ne saurait être exclu que les documents perdus auraient pu être utiles à la défense de l’entreprise concernée.

    40.      L’arrêt attaqué retient néanmoins une solution diamétralement opposée: le Tribunal considère qu’il n’existe aucun indice permettant de présumer que Solvay aurait pu découvrir, dans les sous-dossiers manquants, des documents lui permettant de remettre en cause les constatations de la Commission (54).

    41.      Le Tribunal s’appuie, à cet égard, notamment sur le fait que Solvay n’aurait soulevé dans sa requête en première instance aucun argument tendant à contester l’existence de l’accord conclu avec CFK (55). L’appréciation de l’utilité à la défense de Solvay des éléments disparus du dossier est donc rendue tributaire de l’argumentation invoquée en défense à l’encontre des constatations de la Commission relatives à l’existence d’un accord anticoncurrentiel (56). En d’autres termes, le Tribunal paraît supposer de celui qui n’avait jusqu’alors pas de bonnes cartes dans son jeu qu’il n’aurait trouvé aucun atout dans les éléments restants du dossier.

    42.      Cette approche est erronée en droit. Il convient bien évidemment d’examiner l’existence d’une violation des droits de la défense en fonction des circonstances spécifiques de chaque cas d’espèce. Cet examen doit toutefois être réalisé en fonction de ce que reproche la Commission à l’entreprise concernée, c’est-à-dire en fonction des griefs adressés à l’entreprise (57). C’est, en effet, contre ces «griefs» de la Commission que l’entreprise doit se défendre. En revanche, il importe peu de savoir quels «griefs de fond» l’entreprise a fait valoir en son temps à l’encontre de la décision litigieuse et si ces griefs sont ou non fondés.

    43.      C’est à tort que le Tribunal subordonne l’utilité des documents disparus à la défense de Solvay au point de savoir si celle-ci a contesté certaines constatations opérées par la Commission, à savoir celles relatives à l’existence d’un accord anticoncurrentiel conclu avec CFK, et si elle aurait pu faire valoir certains arguments, même en l’absence d’accès complet au dossier (58).

    44.      Le Tribunal aurait dû se contenter de rechercher si les éléments manquants du dossier étaient susceptibles de comporter des informations qui auraient pu permettre à Solvay de mieux étayer les arguments qu’elle avait jusqu’alors invoqués à l’encontre de la décision litigieuse, voire de faire valoir de nouveaux arguments (59), que ce soit quant à l’existence, au sens et à la finalité ou aux effets de l’accord prétendument conclu avec CFK .

    45.      À cet égard, il convient de rappeler que Solvay avait tenté, en vain, en l’absence de preuves suffisantes, de justifier l’accord litigieux conclu avec CFK par des projets de fusion des deux entreprises (60). Au cours de la procédure administrative, Solvay avait ainsi fait valoir que sa filiale allemande, DSW (61), avait voulu maintenir l’activité de CFK dans le cadre de négociations portant sur le rachat des activités de cette dernière; à cet effet, CFK devait bénéficier de conditions lui permettant de réaliser temporairement un chiffre d’affaires minimal sur le marché allemand afin de garantir sa survie et d’assurer sa pérennité en tant que cible intéressante d’une opération de fusion (62).

    46.      Des indications utiles quant à la justification des contacts entre Solvay et CFK auraient également pu résulter d’observations de CFK. Il ne saurait être exclu que les éléments manquants du dossier comportassent de telles observations (63). De tels documents auraient donc pu avoir une incidence sur l’appréciation de la gravité et de la durée de l’infraction ainsi que sur la détermination du niveau de l’amende infligée par la Commission (64).

    47.      Contrairement à ce que semble considérer le Tribunal, il n’appartenait pas à Solvay d’exposer dans quelle mesure précise les éléments égarés du dossier étaient susceptibles de livrer des indices en sa faveur. Il n’a pas été possible de déterminer le contenu des documents en question au cours de la procédure; or, à l’impossible nul ne peut être tenu. Solvay ne pouvait être contrainte à supporter les conséquences de cette impossibilité, dès lors que la perte des documents en question relevait de la responsabilité de la Commission (65).

    48.      Lorsque le Tribunal a examiné le point de savoir si les documents manquants du dossier pouvaient être utiles à la défense de Solvay, il a appliqué en somme des critères erronés. Il a méconnu les exigences qui découlent à cet égard du respect des droits de la défense. En conséquence, le troisième moyen est fondé.

    49.      La violation de la présomption d’innocence également invoquée par Solvay dans ce contexte n’a pas de contenu autonome qui irait au-delà des questions traitées au sujet de la charge de la preuve dans le cadre du respect des droits de la défense. Il n’y a donc pas lieu d’examiner ce grief séparément.

    2.      Sur le droit d’être entendu (troisième moyen)

    50.      Le troisième moyen invoqué par Solvay est dirigé contre les points 165 à 174 de l’arrêt attaqué, dans lesquels le Tribunal parvient à la conclusion que la Commission n’était pas tenue d’entendre à nouveau l’entreprise avant d’adopter la décision litigieuse (66). Solvay fait valoir qu’une audition aurait dû avoir lieu au cours de la procédure administrative en 2000 au motif que la première décision infligeant des amendes, qui a été annulée par le Tribunal, n’était pas uniquement entachée d’un vice affectant son authentification, mais avait été adoptée sans lui avoir donné accès au dossier.

    a)      Première branche du troisième moyen

    51.      Par la première branche dudit moyen, Solvay fait valoir une violation de l’obligation de motivation au titre des dispositions combinées des articles 36 et 53, premier alinéa, du statut de la Cour de justice. L’arrêt attaqué n’aurait pas abordé le point de savoir si les vices de procédure entachant la première procédure administrative, liés à l’accès au dossier, n’impliquaient pas d’entendre à nouveau l’entreprise concernée. Le Tribunal aurait donc omis de répondre à un moyen soulevé par Solvay dans la procédure de première instance.

    52.      Ce grief doit être rejeté. Le Tribunal a bien abordé, quoiqu’en une seule phrase, la nécessité d’une nouvelle audition en raison des vices antérieurs de procédure liés à l’accès au dossier: le Tribunal a répondu à cette question en renvoyant à son analyse relative à l’accès au dossier (67). Cela était logique et conséquent, du point de vue du Tribunal, à partir du moment où celui-ci considérait que la Commission n’avait pas violé les droits de la défense en ne permettant pas l’accès au dossier (68). Compte tenu de l’approche retenue par l’arrêt attaqué, il n’y avait pas non plus lieu d’entendre à nouveau Solvay.

    53.      En conséquence, l’arrêt est suffisamment motivé en ce qui concerne le droit d’être entendu. Le point de savoir si cette motivation est, sur le fond, exempte d’erreur de droit fait l’objet de la seconde branche du troisième moyen qu’il me faut désormais examiner.

    b)      Seconde branche du troisième moyen

    54.      Dans la seconde branche du troisième moyen, Solvay aborde, sur le fond, le point de savoir si les vices de procédure survenus en 1990 en relation avec l’accès au dossier impliquaient ultérieurement, en l’occurrence préalablement à l’adoption en 2000 de la deuxième décision infligeant une amende, qui est à l’origine de la présente affaire, la nécessité d’entendre à nouveau l’entreprise.

    55.      Solvay invoque en substance une violation de son droit d’être entendue ainsi que, plus généralement, de ses droits de la défense. La demanderesse au pourvoi fait, par ailleurs, valoir une violation des articles 47, paragraphe 2, 48 et 52, paragraphe 3, de la charte des droits fondamentaux, ainsi que de l’article 6 de la CEDH et de l’article 6, paragraphe 1, TFUE, une violation du principe de bonne administration et de l’article 266 TFUE (ex-article 233 CE). Ces griefs ont tous pour objet de reprocher à la Commission d’avoir méconnu la nécessité d’entendre à nouveau Solvay.

    56.      Le droit d’être entendu se rattache aux droits de la défense qu’il convient de respecter dans le cadre de la procédure administrative en matière de concurrence. Le respect des droits de la défense exige que l’entreprise concernée ait été mise en mesure, au cours de la procédure administrative, de faire connaître utilement son point de vue sur la réalité et la pertinence des faits et des circonstances allégués ainsi que sur les documents retenus par la Commission à l’appui de son allégation de l’existence d’une infraction (69). Au niveau législatif, ce principe était consacré, à la date de l’adoption de la décision litigieuse, par l’article 19, paragraphe 1, du règlement n° 17 (70).

    57.      Il est constant qu’en l’espèce Solvay a été entendue préalablement à l’adoption de la première décision infligeant des amendes sur la base de sa communication des griefs. Le litige ne porte que sur le point de savoir si les mesures à adopter par la Commission en vertu de l’article 233 CE (devenu article 266 TFUE) à la suite de l’annulation de cette première décision infligeant des amendes comprenaient une nouvelle audition.

    58.      Dans une procédure administrative en matière de concurrence régie par le règlement n° 17, l’article 233 CE n’implique pas nécessairement pour la Commission l’obligation de reprendre l’affaire dans son intégralité. Il est loisible à la Commission de reprendre la procédure à l’étape entachée d’un vice de procédure, selon les constatations opérées par les juridictions de l’Union. Si les actes de procédure intervenus antérieurement à l’erreur de procédure étaient conformes au droit, il n’est pas nécessaire de les répéter.

    59.      Dans l’affaire PVC, dans laquelle une première décision de la Commission avait été annulée en raison d’un vice de forme intervenu lors de son adoption définitive par le collège des membres de la Commission, la Cour a admis que la Commission adopte une seconde décision d’une teneur en substance identique sans entendre à nouveau les entreprises concernées (71). Le Tribunal s’est fondé sur cette jurisprudence dans l’arrêt attaqué afin de justifier qu’une nouvelle audition de Solvay n’était pas non plus nécessaire en l’espèce (72).

    60.      L’affaire PVC et la présente affaire semblent effectivement similaires à première vue. En effet, dans la présente affaire également, la première décision de la Commission infligeant des amendes a été annulée en raison d’un vice de forme intervenu à l’issue de la procédure administrative, plus précisément lors de l’authentification de la décision.

    61.      Une analyse plus détaillée fait cependant apparaître une différence décisive: à la différence de l’affaire PVC, la procédure administrative était entachée, en l’espèce, d’un autre vice sérieux, bien antérieur à la phase d’adoption définitive et d’authentification de la décision infligeant une amende, puisque l’entreprise concernée n’avait pas bénéficié d’un accès au dossier satisfaisant aux exigences légales (73).

    62.      Il est vrai que les juridictions de l’Union n’ont pas examiné le droit d’accès au dossier et le respect des droits de la défense dans leurs arrêts relatifs à la première décision infligeant des amendes (74) et qu’elles se sont limitées à traiter la question de l’authentification. On ne saurait toutefois en conclure que les juridictions de l’Union auraient ainsi confirmé la régularité du déroulement de la procédure administrative, sous l’angle de l’accès au dossier et du respect des droits de la défense.

    63.      Au contraire, le Tribunal a constaté, à propos de la décision 91/297, qui a été adoptée à l’issue de la même procédure administrative en matière de concurrence que la décision 91/298, une violation des droits de la défense en raison d’un accès incomplet au dossier (75). En outre, il existait déjà depuis 1982 une pratique claire de la Commission au sujet de l’accès au dossier (76).

    64.      On peut certainement concéder à la Commission que les différents arrêts du Tribunal du 29 juin 1995 ne comportaient pas d’indications uniformes quant aux objectifs et à l’importance de l’accès au dossier à octroyer (77). Toutefois, au plus tard lors de l’adoption de la deuxième décision infligeant une amende en 2000, litigieuse en l’espèce, toutes les éventuelles incertitudes à cet égard avaient été, en tout état de cause, clarifiées depuis longtemps (78).

    65.      Dans ces circonstances, la Commission aurait dû, en l’espèce, reprendre la procédure administrative au stade directement consécutif à la notification de la communication des griefs, à la suite de l’annulation de la première décision infligeant une amende. Conformément aux exigences légales, elle aurait dû octroyer à Solvay un accès exhaustif au dossier et entendre à nouveau sur cette base ladite entreprise.

    66.      Le fait que la deuxième décision infligeant une amende ne se fondait sur aucun nouveau grief (79) est sans incidence sur l’obligation incombant à la Commission d’entendre à nouveau l’entreprise après lui avoir permis d’accéder au dossier. Solvay a certes déjà pu, en 1990, présenter une fois ses observations sur l’ensemble des griefs qui sous-tendent tant la première que la deuxième décision de la Commission infligeant des amendes. Elle a toutefois dû le faire sur la base d’une connaissance particulièrement lacunaire du dossier, puisque seuls les documents à charge lui avaient été communiqués (80).

    67.      Le droit d’être entendu ne se limite pas au droit de présenter des observations sur l’intégralité des griefs soulevés par la Commission. L’entreprise doit plutôt avoir la possibilité de faire valoir son analyse en connaissance de tous les éléments du dossier auxquels elle a légalement accès, sous peine de priver les droits de la défense d’une bonne partie de leur efficacité dans les procédures en matière de concurrence.

    68.      La possibilité de présenter des observations a une tout autre qualité lorsque l’entreprise concernée a bénéficié auparavant d’un accès au dossier conforme aux exigences légales. Il est notamment évident qu’une entreprise qui a pu accéder à des documents non seulement à charge, mais également à décharge est davantage en mesure de se défendre contre les griefs soulevés par la Commission qu’une entreprise qui n’a obtenu communication que de documents à charge.

    69.      Le Tribunal a donc commis une erreur de droit à propos du droit d’être entendu, dans la mesure où il n’a pas jugé nécessaire que Solvay soit entendue à nouveau par la Commission. Il s’agit, au fond, d’une continuation des erreurs de droit qui entachent l’arrêt attaqué en relation avec le droit d’accès au dossier (81).

    70.      Il n’y a pas lieu d’aborder à cet endroit plus en détail le principe de bonne administration que Solvay invoque également, dès lors que l’argumentation développée à cet égard n’a pas de contenu autonome par rapport à celle relative au respect des droits de la défense ainsi qu’au droit d’être entendu. Ainsi que je l’ai déjà indiqué (82), il n’y a pas non plus lieu d’examiner l’article 6 de la CEDH ni l’article 6, paragraphe 1, TFUE.

    c)      Conclusion intermédiaire

    71.      La seconde branche du troisième moyen apparaît donc globalement fondée.

    B –    Sur le principe du délai raisonnable (premier moyen)

    72.      Par son premier moyen, qui est dirigé contre les points 100 à 123 de l’arrêt attaqué, Solvay invoque une violation du principe du délai raisonnable. Selon la jurisprudence de la Cour, ce droit fondamental s’impose, en tant que principe général du droit de l’Union, tant à la procédure administrative devant la Commission qu’à la procédure contentieuse devant les juridictions de l’Union (83). Ce principe est désormais également consacré par les articles 41, paragraphe 1, et 47, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l’Union.

    73.      Bien que les juridictions de l’Union aient déjà eu l’occasion de se prononcer à plusieurs reprises sur la question du caractère raisonnable de la durée de la procédure dans des affaires de concurrence, les questions juridiques soulevées par Solvay me semblent revêtir une importance particulière. D’une part, elles se posent dans une affaire dans laquelle la durée totale de la procédure, compte tenu de toutes les phases des procédures administratives et contentieuses, apparaît assurément particulièrement longue. D’autre part, ces griefs sont soulevés dans le contexte de l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne le 1er décembre 2009, qui reconnaît à la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne une valeur juridique contraignante (article 6, paragraphe 1, premier alinéa, TUE).

    74.      Le premier moyen s’articule autour de cinq branches au total, qui portent pour partie sur l’appréciation de la durée de la procédure (voir ci-après, sous 1), et pour partie sur les conséquences juridiques attachées à une durée excessive de la procédure (voir ci-après, sous 2).

    1.      Exigences relatives à l’appréciation de la durée de la procédure (première et deuxième branches du premier moyen)

    75.      Les exigences juridiques s’appliquant à l’appréciation de la durée de la procédure font l’objet des deux premières branches du premier moyen.

    a)      Sur la question liminaire du caractère prétendument inopérant des griefs invoqués par Solvay

    76.      Contrairement à ce que soutient la Commission, les griefs invoqués par Solvay au sujet de la durée de la procédure ne sont nullement «en grande partie inopérants». Il est vrai qu’une éventuelle annulation de l’arrêt attaqué supposerait encore un élément supplémentaire, à savoir une analyse des sanctions attachées à une durée excessive. Pour autant, l’examen de la durée de la procédure, en tant que telle, apparaît indispensable (84), dès lors qu’une violation du principe du délai raisonnable suppose nécessairement la constatation préalable d’une durée excessive de la procédure. Les critères dont le Tribunal a fait usage aux fins de l’appréciation de la durée de la procédure ne sauraient être soustraits à tout contrôle de la Cour, dans le cadre d’un pourvoi.

    77.      Les griefs de Solvay au sujet de la durée de la procédure seraient tout au plus inopérants si la demanderesse au pourvoi les avaient soulevés indépendamment de griefs portant sur les sanctions attachées à une durée excessive de la procédure. Or, tel n’est pas le cas en l’espèce. L’arrêt attaqué fait l’objet de critiques sous ces deux angles, les troisième, quatrième et cinquième branches du premier moyen étant spécifiquement consacrées aux sanctions.

    78.      Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de rejeter l’objection soulevée par la Commission tenant au caractère prétendument inopérant des griefs.

    b)      Sur la nécessité d’une appréciation globale de la durée de la procédure (première branche du premier moyen)

    79.      Par la première branche du premier moyen, Solvay reproche au Tribunal d’avoir exclusivement fondé son appréciation du caractère raisonnable du délai en examinant isolément chacune des phases des procédures administratives et contentieuses, sans apprécier la durée globale de la procédure depuis les vérifications réalisées en avril 1989.

    80.      Le caractère raisonnable de la durée d’une procédure doit être apprécié en fonction des circonstances propres à chaque affaire et, notamment, de l’enjeu du litige pour l’intéressé, de la complexité de l’affaire ainsi que du comportement du requérant et de celui des autorités compétentes (85). À cet égard, la Cour a précisé que la liste des critères pertinents n’était pas exhaustive (86).

    81.      Un examen approprié de la durée d’une procédure implique sans aucun doute une appréciation spécifique de la durée de chaque phase de ladite procédure (87). Si la durée d’une des phases de la procédure apparaît excessive, cette circonstance justifie à elle seule la constatation d’un manquement au principe du délai raisonnable (88).

    82.      Un examen approprié de la durée de la procédure n’implique toutefois pas uniquement une appréciation «tranche par tranche», mais également une appréciation globale de la durée de la procédure administrative ainsi que de celle d’éventuelles procédures juridictionnelles (89).

    83.      La nécessité d’une appréciation globale ne saurait être contestée au motif que les procédures administrative et juridictionnelle seraient de nature distincte et que la charte des droits fondamentaux de l’Union énoncerait les exigences auxquelles l’administration et les juridictions doivent satisfaire à différents endroits. Le seul élément qui intéresse l’entreprise concernée est de savoir à quel moment son «affaire» aura été tranchée de manière définitive par une instance indépendante. Les articles 41, paragraphe 1, et 47, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l’Union comportent deux énoncés d’un seul et même principe à caractère procédural, à savoir celui en vertu duquel les justiciables peuvent escompter l’adoption d’une décision dans un délai raisonnable.

    84.      Si, en général, il n’y a pas lieu d’admettre une violation du principe du délai raisonnable lorsque la durée de chaque phase de la procédure administrative et juridictionnelle, prise isolément, n’était jamais excessive, plus la procédure comporte globalement de phases dans sa globalité, soit une ou plusieurs procédures administratives et/ou juridictionnelles, plus une appréciation de la durée globale apparaît importante.

    85.      En l’espèce, une première partie de la procédure administrative (de 1989 à 1990) et une première procédure contentieuse (de 1991 à 2000) ont été suivies par une deuxième partie, certes rudimentaire, de la procédure administrative (en 2000) ainsi que par une deuxième procédure contentieuse (depuis mars 2001) (90). La durée totale de l’ensemble de ces phases de la procédure dépassait déjà les vingt années à la date du prononcé de l’arrêt attaqué; à la date des présentes conclusions, vingt-deux années se sont désormais écoulées. Aucune autre procédure en matière de concurrence n’a sans doute duré aussi longtemps (91).

    86.      Dans ces circonstances, une appréciation appropriée de la durée de la procédure ne pouvait s’abstenir de prendre en compte la durée globale des procédures administrative et contentieuse jusqu’à la date du prononcé de l’arrêt attaqué. Puisque le Tribunal a omis de procéder à une telle appréciation globale, l’arrêt attaqué est entaché d’une erreur de droit. La première branche du premier moyen est donc fondée.

    c)      Sur le défaut de motivation invoqué (deuxième branche du premier moyen)

    87.      Solvay invoque, en outre, un défaut de motivation (dispositions combinées des articles 36 et 53, premier alinéa, du statut de la Cour de justice) au motif que le Tribunal n’aurait pas tenu compte de la durée de sa propre procédure dans son analyse de la durée de la procédure.

    88.      Le Tribunal n’évoque effectivement aucunement la durée de la procédure pendante devant lui (procédure dans l’affaire T-58/01). Il convient toutefois de tenir compte du fait que la motivation d’un arrêt de première instance peut être implicite à condition qu’elle permette aux intéressés de connaître les raisons pour lesquelles le Tribunal n’a pas fait droit à leur arguments et à la Cour de disposer d’éléments suffisants pour exercer son contrôle (92).

    89.      En l’espèce, le Tribunal s’est fondé sur la prémisse selon laquelle l’annulation de la décision litigieuse ne pourrait pas se baser sur la seule durée de la procédure, mais serait subordonnée à une violation des droits de la défense résultant de la durée de la procédure. Puisque, selon le Tribunal, aucune violation des droits de la défense ne pouvait être retenue, il lui était loisible, dans l’arrêt attaqué, de s’abstenir d’examiner explicitement les arguments invoqués par Solvay au sujet de la durée de la procédure devant le Tribunal. Aucun défaut de motivation ne peut être retenu à cet égard.

    90.      Dans ces circonstances, la deuxième branche du premier moyen doit être rejetée.

    2.      Sanctions attachées à une durée excessive de la procédure (troisième, quatrième et cinquième branches du premier moyen)

    91.      Solvay consacre les troisième, quatrième et cinquième branches du premier moyen aux sanctions attachées à un éventuel dépassement de la durée raisonnable des procédures administratives et contentieuses.

    a)      Nécessité d’une affectation de la capacité à se défendre effectivement (troisième branche du premier moyen)

    92.      La troisième branche du premier moyen soulève une question de droit fondamentale. Les parties s’opposent sur le point de savoir si un éventuel manquement au principe du délai raisonnable justifie à lui seul l’annulation de la décision attaquée ou s’il est nécessaire d’établir, en sus, l’affectation de la capacité de l’entreprise concernée à se défendre effectivement (93).

    93.      Le Tribunal a admis dans l’arrêt attaqué (94) que la durée excessive de la procédure ne pouvait conduire à l’annulation d’une décision de la Commission que s’il était établi que la durée de la procédure avait affecté la capacité de l’entreprise concernée de se défendre effectivement. Cette approche est conforme à une jurisprudence désormais bien établie de la Cour qui recherche de manière générale si la durée d’une procédure a pu avoir une incidence sur son issue (95) .

    94.      Solvay considère toutefois que cette jurisprudence est dépassée et invite la Cour à s’en départir, compte tenu du caractère normatif de la charte des droits fondamentaux depuis l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne.

    95.      Les exigences résultant de l’article 52, paragraphe 3, de la charte des droits fondamentaux revêtent une importance particulière à cet égard. Cette disposition énonce, dans sa première phrase, un principe d’homogénéité en vertu duquel les droits fondamentaux garantis par ladite charte qui correspondent à des droits garantis par la CEDH ont un sens et une portée identiques à ceux que leur confère la CEDH.

    96.      Il est exact que le principe du délai raisonnable, en tant que droit fondamental de l’Union, visé aux articles 41, paragraphe 1, et 47, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux correspond à l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH (96). Contrairement à ce que soutient Solvay, l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH n’exige toutefois pas, en l’état de son interprétation par la Cour européenne des droits de l’homme, d’annuler une décision infligeant une amende en matière de concurrence et de clore la procédure administrative uniquement en raison d’un dépassement du délai raisonnable.

    97.      Ainsi que la Commission l’a indiqué à juste titre, force est de constater de manière générale que la CEDH laisse aux États contractants une certaine marge quant aux possibilités et aux moyens destinés à remédier à d’éventuelles atteintes aux droits fondamentaux (97).

    98.      Il peut en outre être déduit de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme relative à l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH que la renonciation totale à toute sanction pénale et l’arrêt des poursuites ne constituent qu’une des modalités possibles de l’effacement des conséquences de la violation du principe du délai raisonnable au sens de l’article 41 de la CEDH (98). Cette jurisprudence n’évoque nullement une obligation des autorités nationales de renoncer à toute sanction et d’arrêter les poursuites. La Cour européenne des droits de l’homme admet même expressément qu’une réduction de la peine prononcée puisse constituer une modalité appropriée d’effacement de la violation du délai raisonnable (99). Le constat de la durée excessive de la procédure et une remise de peine ont été jugés suffisants par la Cour européenne des droits de l’homme tout particulièrement dans une affaire de délinquance économique qui avait pour objet des actes graves d’escroquerie et qui se caractérisait par une durée de la procédure de dix-sept années (100). Une telle solution peut, selon moi, être transposée aux procédures en matière de concurrence qui présentent certaines similitudes avec les procédures pénales en matière économique.

    99.      À cela s’ajoute, s’agissant du droit de la concurrence, que la Cour européenne des droits de l’homme elle-même ne semble pas considérer cette branche du droit comme relevant du droit pénal classique; hors du «cœur» du droit pénal, ladite Cour considère que les garanties offertes par le volet pénal de l’article 6 de la CEDH ne doivent pas nécessairement s’appliquer dans toute leur rigueur (101).

    100. Il s’ensuit que, en l’état actuel du droit de l’Union, il convient d’admettre que le principe d’homogénéité énoncé à l’article 52, paragraphe 3, première phrase, de la charte des droits fondamentaux n’impose pas aux juridictions de l’Union de sanctionner une violation du principe du délai raisonnable intervenue dans le cadre du droit européen de la concurrence par une annulation de la décision attaquée.

    101. Certes, l’article 52, paragraphe 3, seconde phrase, de la charte des droits fondamentaux permet au droit de l’Union d’accorder une protection plus étendue que celle garantie par les dispositions de la CEDH. Cela n’apparaît toutefois pas indiqué dans le contexte précis du droit de la concurrence.

    102. La sanction prononcée à raison de la violation du principe du délai raisonnable doit tenir dûment compte à la fois des intérêts de l’entreprise concernée et de l’intérêt général.

    103. L’intérêt de l’entreprise concernée consiste à obtenir une réparation aussi complète que possible des conséquences de la violation du droit fondamental (102). L’intérêt général consiste à assurer l’efficacité du respect des règles de concurrence du marché intérieur européen (103), qui font partie des dispositions fondamentales des traités (104).

    104. Si une décision de la Commission infligeant une amende en matière de concurrence était annulée uniquement à raison du dépassement du délai raisonnable dans la procédure administrative ou contentieuse, cela ferait disparaître non seulement l’amende infligée, mais également le constat d’infraction aux règles de la concurrence en tant que tel. Une telle approche irait à l’encontre de l’intérêt général à assurer l’efficacité du respect des règles de concurrence et irait au-delà de l’intérêt légitime de l’entreprise concernée à obtenir une réparation aussi complète que possible de la violation subie d’un droit fondamental.

    105. On ne saurait permettre à une entreprise de remettre en question l’existence d’une infraction au seul motif qu’un délai de jugement raisonnable a été méconnu (105). La sanction de la violation du délai raisonnable de la procédure ne saurait, en aucun cas, aboutir à permettre à une entreprise de poursuivre ou de rétablir un comportement qui a été jugé comme contraire aux règles du droit de l’Union (106).

    106. Dans ces conditions, je ne vois pas de raison de proposer à la Cour de revenir sur sa jurisprudence actuelle en la matière. En conséquence, il y a lieu de rejeter la troisième branche du premier moyen.

    b)      Affectation de la capacité de Solvay de se défendre par la durée de la procédure en l’espèce (quatrième branche du premier moyen)

    107. La quatrième branche du premier moyen est consacrée aux points 132 à 136 de l’arrêt attaqué dans lesquels le Tribunal constate que la capacité de Solvay à se défendre n’aurait pas été affectée par une éventuelle violation du principe du délai raisonnable, de sorte que ses droits de la défense n’auraient pas été violés. Solvay fait valoir, à cet égard, un défaut de motivation et une méconnaissance des principes du respect des droits de la défense et du délai raisonnable. Le Tribunal n’aurait pas suffisamment tenu compte des difficultés que rencontrerait Solvay pour assurer sa défense après un délai aussi long.

    i)      Sur le défaut de motivation allégué

    108. Le défaut de motivation allégué au regard des dispositions combinées des articles 36 et 53, premier alinéa, du statut de la Cour de justice est censé tenir à ce que le Tribunal n’aurait pas répondu à des nombreux arguments invoqués par Solvay en première instance au sujet des difficultés rencontrées pour assurer sa défense.

    109. Cette argumentation ne saurait prospérer. Ainsi que cela a déjà été indiqué, l’obligation de motivation n’impose pas au Tribunal de fournir un exposé qui suivrait, de manière exhaustive et un par un, tous les raisonnements articulés par les parties au litige; la motivation peut donc être implicite à condition qu’elle permette aux intéressés de connaître les raisons pour lesquelles le Tribunal n’a pas fait droit à leurs arguments et à la Cour de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle (107).

    110. Le Tribunal répond même expressément, quoique de manière lapidaire, à l’argumentation de Solvay quant aux difficultés qu’elle rencontrerait pour se défendre contre les accusations de la Commission après un délai aussi long. Il indique en substance que la Commission n’aurait effectué aucun acte d’instruction depuis la première procédure contentieuse dans la présente affaire et n’aurait pris en compte, dans la décision litigieuse, aucun élément nouveau nécessitant l’exercice d’un droit de la défense (108).

    111. Il se peut que Solvay ne partage pas l’analyse de fond des circonstances du cas d’espèce, sans que cela entraîne toutefois de défaut de motivation (109).

    ii)    Sur le vice de fond allégué

    112. L’analyse du Tribunal selon laquelle l’écoulement du temps n’aurait pas affecté la capacité de Solvay à se défendre effectivement est également contestée au fond par la demanderesse au pourvoi. Solvay considère qu’une telle analyse est constitutive d’une violation du principe de respect des droits de la défense ainsi que du principe du délai raisonnable.

    113. Il pourrait sembler, à première vue, que Solvay demande ici à la Cour de substituer sa propre appréciation à l’appréciation des faits opérée par le Tribunal, ce qui constituerait une demande irrecevable dans le cadre d’un pourvoi (110).

    114. Une analyse plus poussée fait toutefois apparaître que Solvay ne reproche au Tribunal pas tant une appréciation erronée des faits que la méconnaissance d’une circonstance importante à ses yeux: le Tribunal n’aurait pas tenu compte du fait que le délai écoulé depuis le début de la procédure a affecté la capacité de défense de Solvay au cours de la procédure contentieuse. Ce serait à tort que le Tribunal se serait borné à examiner l’incidence de l’écoulement du temps sur la capacité de défense de Solvay devant la seule Commission (c’est-à-dire au cours de la procédure administrative).

    115. Cette argumentation apparaît fondée.

    116. Lorsque le Tribunal examine si une durée prétendument excessive de la procédure a une incidence négative sur la capacité de l’entreprise concernée à se défendre, il ne saurait circonscrire son analyse à une phase déterminée de la procédure. Il lui appartient, au contraire, de rechercher de manière très générale si la durée de la procédure était susceptible d’affecter la capacité de l’entreprise à se défendre contre les accusations de la Commission (111).

    117. Certes, ladite défense est exercée avant tout lors de la procédure administrative où l’entreprise est entendue sur le fondement d’une communication des griefs. La défense ne se limite toutefois pas à la procédure administrative. L’entreprise concernée peut en effet saisir les juridictions de l’Union d’un recours contre une décision de la Commission lui infligeant des amendes (article 263, quatrième alinéa, TFUE; ex-article 230, quatrième alinéa, CE). Dans le cadre d’une telle procédure contentieuse également, l’entreprise doit pouvoir se défendre efficacement contre les accusations de la Commission, reprises à ce stade dans une décision officielle.

    118. C’est donc à tort que le Tribunal s’est borné à rechercher si Solvay avait pu assurer sa défense de manière effective lors de la procédure administrative (112) et si la durée d’une procédure contentieuse close [la procédure juridictionnelle dans l’affaire Solvay/Commission (T-31/91), relative à la première décision infligeant des amendes] avait eu une incidence négative (113). Le Tribunal a omis de tenir compte dans son analyse des capacités actuelles de défense de l’entreprise, dans la deuxième procédure contentieuse [la procédure dans l’affaire Solvay/Commission (T-58/01), relative à la décision litigieuse en l’espèce, à savoir la décision 2003/5].

    119. Une prise en compte des capacités de défense devant le Tribunal dans l’affaire T-58/01 aurait dû s’imposer en l’espèce pour deux séries de raisons: d’une part, en raison de la demande expresse de Solvay tendant à la prise en compte de la durée de la procédure contentieuse alors en cours, et, d’autre part, en raison du fait que ce n’est qu’au cours de ladite procédure contentieuse, plus précisément en 2005, que Solvay a obtenu accès au dossier. Il était donc déterminant de savoir si Solvay pouvait encore, en 2005, se défendre efficacement contre les accusations ou constatations de la Commission.

    120. Le droit fondamental à être jugé dans un délai raisonnable implique que la Commission adopte sa décision finale dans une procédure administrative en matière de concurrence suffisamment tôt pour que l’entreprise concernée puisse encore se défendre efficacement devant les juridictions de l’Union.

    121. Dès lors que le Tribunal n’a d’aucune façon abordé cette circonstance juridiquement pertinente, l’arrêt attaqué est entaché d’une erreur de droit.

    iii) Sur quelques autres griefs

    122. Solvay invoque enfin, dans le cadre de cette quatrième branche du premier moyen, une dénaturation des faits ainsi qu’une violation de l’article 6 de la CEDH et de l’article 6, paragraphe 1, TUE.

    123. Il n’y a pas lieu d’examiner de manière détaillée ces griefs supplémentaires. Le grief tiré d’une dénaturation des faits n’est pas exposé de manière suffisante (114) et je ne discerne aucun indice d’une telle dénaturation non plus. En ce qui concerne l’article 6 de la CEDH et l’article 6, paragraphe 1, TUE, force est de constater que la première disposition n’est pas d’application directe et que la seconde ne comporte pas, en tant que telle, de droit fondamental (115).

    iv)    Résultat intermédiaire

    124. La quatrième branche du premier moyen est pour partie fondée.

    c)      Sur la prétendue renonciation de Solvay à une réduction de l’amende (cinquième branche du premier moyen)

    125. Par la cinquième et dernière branche du premier moyen, Solvay conteste spécifiquement le point 122 de l’arrêt attaqué. Le Tribunal énonce dans ce point que, dans la requête, Solvay aurait «expressément renoncé à la possibilité d’une réduction de l’amende à titre de réparation pour la prétendue violation de son droit à être jugé[e] dans un délai raisonnable». Solvay considère que cela constitue une dénaturation des termes de sa requête en première instance.

    126. Selon une jurisprudence constante, une dénaturation existe lorsque, sans avoir recours à de nouveaux éléments de preuve, l’appréciation des éléments de preuve existants apparaît manifestement erronée (116). Transposé à l’argumentation des parties en première instance, cela signifie qu’une dénaturation de celle-ci ne peut être retenue que lorsqu’elle a été manifestement mal comprise par le Tribunal ou qu’elle a été exposée en altérant sa teneur.

    127. Dans le passage en cause de l’arrêt attaqué, le Tribunal n’indique malheureusement pas à quel élément de la requête de Solvay il entend se référer. Dans le cadre du pourvoi, les parties à la procédure se sont accordées pour considérer que le Tribunal s’était sans doute appuyé, aux fins de sa déclaration contestée par Solvay, sur les points 88 et 89 de la requête. Au point 88 de la requête, Solvay souligne en substance que seule une annulation de la décision litigieuse était susceptible, selon elle, d’effacer la violation invoquée du principe du procès équitable; une simple réduction de l’amende ne serait pas susceptible de faire disparaître la violation alléguée de l’article 6 de la CEDH. Au point 89 de la requête, Solvay en déduit alors que le dépassement manifeste du délai raisonnable qu’elle dénonce en l’espèce ne pourrait qu’entraîner l’annulation pure et simple de la décision attaquée (117).

    128. Je ne puis discerner, dans le passage cité de la requête, aucune renonciation à une éventuelle réduction de l’amende en raison de la durée de la procédure. Il ressort encore moins des écritures de Solvay une quelconque «renonciation expresse» à une réduction de l’amende en raison de la durée excessive de la procédure, telle qu’elle a été admise par le Tribunal.

    129. Aux points 88 et 89 de la requête déposée en première instance par Solvay, celle-ci se borne à exposer avec force son analyse juridique. L’entreprise expose quelle sanction devrait, selon elle, être attachée à la violation alléguée du principe du délai raisonnable: non pas une réduction de l’amende, mais l’annulation de la décision litigieuse.

    130. Il existe une différence fondamentale entre le fait d’exposer une analyse juridique et celui de renoncer expressément à la possibilité d’une réduction de l’amende à titre de réparation d’une violation alléguée. Le Tribunal a méconnu cette différence au point 122 de l’arrêt attaqué.

    131. Le point 122 de l’arrêt attaqué révèle que le Tribunal a manifestement mal compris l’argumentation de Solvay en première instance et qu’il l’a de surcroît exposée en altérant sa teneur. Cela constitue une dénaturation de l’argumentation de ladite partie.

    132. Cette dénaturation apparaît particulièrement clairement lorsqu’on considère que Solvay a bien conclu, dans sa requête déposée en première instance, dans un autre contexte, à une réduction du montant de l’amende en se référant expressément à l’«ensemble des considérations […] au titre des moyens d’annulation», et donc également à son argumentation relative à la durée excessive de la procédure (118).

    133. La cinquième branche du premier moyen est donc fondée.

    3.      Résultat intermédiaire

    134. Le premier moyen est partiellement fondé.

    C –    Annulation de l’arrêt attaqué

    135. Ainsi que cela ressort des considérations qui précèdent, les trois moyens invoqués par Solvay sont fondés dans une large mesure. Le bien-fondé de chacun desdits moyens suffit, à lui seul, à justifier l’annulation de l’intégralité de l’arrêt attaqué.

    D –    Examen du recours introduit en première instance

    136. Selon l’article 61, premier alinéa, du statut de la Cour de justice, la Cour peut statuer elle-même définitivement sur le litige, lorsque celui-ci est en état d’être jugé.

    137. Tel est le cas en l’espèce. Toutes les questions de fait et de droit nécessaires à la solution du recours de Solvay ont déjà été abordées par le Tribunal en première instance et les parties ont eu l’occasion d’échanger leurs arguments à ce propos. Il n’est, dès lors, pas nécessaire que la Cour renvoie l’affaire devant le Tribunal, mais il lui appartient de statuer elle-même sur le recours en annulation de la décision litigieuse formé par Solvay. Eu égard à la durée particulièrement longue de la procédure, à savoir vingt-deux ans depuis les vérifications opérées par la Commission en avril 1989 jusqu’à ce jour, il apparaît opportun que la Cour fasse usage de cette possibilité.

    138. Dans le cadre des considérations qui suivent, je me limiterai à examiner la validité de la décision litigieuse sous trois angles précis: l’accès au dossier (sous 1), le droit d’être entendu (sous 2) et la durée de la procédure (sous 3).

    1.      Sur le droit d’accès au dossier

    139. Il a été établi que l’accès au dossier octroyé à Solvay avant l’adoption de la décision litigieuse ne satisfaisait pas aux exigences légales (119).

    140. Comme cela a été indiqué, on ne saurait exclure que Solvay aurait pu trouver dans les éléments perdus du dossier, dont le contenu est inconnu, des informations susceptibles d’être utiles à sa défense. Cela vaut d’autant plus que la Commission elle-même part de l’hypothèse que certains des classeurs manquants contenaient de la «correspondance au titre de l’article 11 du règlement n° 17», c’est-à-dire des demandes de renseignements adressées à différentes entreprises par la Commission et les réponses de celles-ci (120). De telles observations de tiers étaient susceptibles de comporter des indications utiles aux fins de l’appréciation de l’accord conclu entre Solvay et CFK, ne serait-ce qu’en ce qui concerne la gravité et de la durée de l’infraction ainsi que la détermination du niveau de l’amende infligée par la Commission. En particulier, les indications données par la Commission dans la décision attaquée au sujet de la durée de l’infraction étaient lacunaires et contradictoires (121).

    141. En conséquence, il existait à tout le moins une chance de faire aboutir la procédure administrative à un résultat différent si un accès suffisant au dossier avait été octroyé, ne serait-ce qu’en ce qui concerne le montant de l’amende infligée.

    142. En conséquence, il convient d’annuler dans son intégralité la décision litigieuse, ne serait-ce qu’en raison déjà des vices de procédure en relation avec l’accès au dossier et les éléments perdus.

    2.      Sur le droit d’être entendu

    143. Il est en outre constant que Solvay n’a pas été à nouveau entendue par la Commission préalablement à l’adoption de la décision attaquée, alors qu’elle aurait dû l’être en droit (122). Ce vice de procédure est étroitement lié à l’accès insuffisant au dossier.

    144. Il ne saurait être exclu que l’issue de la procédure administrative eût été différente si la Commission avait permis à l’entreprise, en 2000, de présenter ses observations, après lui avoir dûment accordé l’accès au dossier, sur les griefs à nouveau soulevés par ses services (123).

    145. Pour ce motif également, il convient d’annuler la décision attaquée dans son intégralité.

    3.      Sur le principe du délai raisonnable

    146. S’agissant, en dernier lieu, de la durée de la procédure, il convient de l’apprécier en tenant compte de toutes les circonstances du cas d’espèce (124).

    147. On observera, en l’espèce, que la Commission est demeurée totalement inactive durant la période s’étendant de l’annulation de sa première décision infligeant des amendes au prononcé du premier arrêt de la Cour sur pourvoi (125). De ce fait, une période de quatre années et sept mois s’est écoulée en vain (126).

    148. Cette inaction de la Commission ne saurait être justifiée par le pourvoi formé par cette dernière à l’encontre de l’arrêt ayant prononcé l’annulation de la première décision infligeant une amende. Il est certes loisible à la Commission de faire pleinement usage des voies de droit dont elle dispose et, dans l’hypothèse où elle aurait succombé en ses conclusions en première instance, de saisir la Cour d’un pourvoi. Pour autant, cela ne signifie nullement qu’il lui est permis de laisser la procédure administrative en l’état pour la durée d’un tel pourvoi (127).

    149. Le pourvoi n’a pas d’effet suspensif (article 60, premier alinéa, du statut de la Cour de justice). En conséquence, la Commission était tenue, en vertu de l’article 233, premier alinéa, CE (devenu article 266, premier alinéa, TFUE) de prendre toute mesure que comportait l’exécution de l’arrêt d’annulation dès le 29 juin 1995, date du prononcé de l’arrêt rendu en première instance dans l’affaire T-31/91. Le principe de bonne administration aurait également exigé de veiller à l’adoption rapide d’une nouvelle décision au fond ou de clore la procédure administrative.

    150. La Commission aurait aisément pu poursuivre la procédure administrative dès le mois de juin 1995, plutôt que d’attendre le mois d’avril 2000 à cet effet (128). Dans sa nouvelle décision infligeant une amende, il lui aurait uniquement fallu préciser que ladite décision deviendrait caduque dans l’hypothèse où ses conclusions seraient accueillies dans le cadre du pourvoi.

    151. Dans ces circonstances, je parviens à la conclusion que la durée de la procédure administrative était, en l’espèce, excessive du seul fait de l’inaction de la Commission durant près de cinq ans, du mois de juillet 1995 au mois d’avril 2000. Ainsi que je l’ai déjà indiqué (129), il n’y a en conséquence plus lieu d’examiner la durée des différentes autres phases de la procédure ou, globalement, de l’ensemble de la procédure (130).

    152. Pour autant, la violation du principe du délai raisonnable qui vient d’être constatée ne justifie une annulation de la décision litigieuse que pour autant que la capacité de défense de l’entreprise concernée ait été affectée par la durée de la procédure (131). La charge de la preuve incombe à l’entreprise à cet égard.

    153. Les exigences posées par la Cour en la matière sont généralement élevées (132): l’argumentation de l’entreprise concernée doit se fonder sur des éléments de preuve convaincants et ne pas revêtir un caractère abstrait et imprécis (133). Ainsi, s’il est affirmé, comme en l’espèce, que la capacité de défense aurait été restreinte par le départ d’anciens employés, il convient en principe de donner les noms desdites personnes, d’indiquer leurs fonctions ainsi que la date de leur départ; il convient également de préciser la nature et la portée des renseignements ou des précisions susceptibles d’être apportées par lesdites personnes ainsi que les circonstances qui ont rendu impossible le témoignage de ces personnes (134).

    154. Il ne fait aucun doute que Solvay n’a pas apporté d’éléments aussi détaillés au cours de la présente procédure contentieuse devant les juridictions de l’Union.

    155. Il convient toutefois de ne pas perdre de vue, en l’espèce, que, au moment de l’adoption de la deuxième décision infligeant une amende, fin 2000, dix à treize années s’étaient déjà écoulées depuis la période 1987-1990 durant laquelle il est reproché à Solvay d’avoir participé à une entente. Lorsque Solvay a finalement obtenu de pouvoir consulter le dossier en 2005 au greffe du Tribunal, quinze à dix-huit années s’étaient même déjà écoulées depuis la période durant laquelle se serait poursuivie l’infraction constatée par la Commission.

    156. Il est évident que la mémoire des employés et, à plus forte raison encore, des anciens employés se détériore après un tel délai.

    157. En première instance, Solvay a néanmoins proposé au Tribunal de lui indiquer précisément les cadres qu’elle employait dans sa division «bicarbonate» au cours de la période litigieuse ainsi que la date de leur départ ou, le cas échéant, de leur décès.

    158. Compte tenu des circonstances propres au cas d’espèce, aucun élément supplémentaire ne pouvait être raisonnablement exigé de Solvay.

    159. Le fait que la demanderesse au pourvoi n’a pas donné de détails quant aux événements et aux éléments de preuve sur lesquels ses anciens employés auraient pu apporter des précisions ne saurait être retenu à son encontre. En effet, l’entreprise ne connaît toujours pas tous les éléments du dossier qui auraient dû lui être divulgués (135). Il ne saurait être exigé de Solvay qu’elle établisse si, et, le cas échéant, dans quelle mesure, ses anciens employés auraient pu apporter des précisions sur des éléments perdus du dossier dont le contenu est inconnu et auxquels elle n’a eu accès à aucun moment de la procédure.

    160. D’une manière très générale, les exigences requises en vue d’établir une altération des capacités de défense en raison de l’écoulement du temps ne doivent pas être telles qu’elles rendent toute preuve en pratique impossible ou excessivement difficile.

    161. Eu égard à la perte irrémédiable d’une partie du dossier qui comprenait peut-être de la correspondance échangée par la Commission avec des entreprises tierces (136), il ne peut être exclu que les anciens employés de Solvay pussent être utiles à la défense de l’entreprise, sous réserve de leur disponibilité. Il ne peut notamment pas être exclu que lesdits employés pussent livrer des informations relatives au contexte que l’exploitation de simples documents écrits ne permettait pas de dégager.

    162. Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il existe un nombre suffisant d’indices susceptibles de corroborer le fait que la durée excessive de la procédure a altéré les capacités de Solvay à se défendre face à la Commission. Cette circonstance impose, à elle seule, l’annulation de la décision litigieuse.

    4.      Résultat intermédiaire

    163. Il ressort d’ores et déjà de l’examen d’un certain nombre de points de droit soulevés en première instance par la demanderesse au pourvoi au sujet de l’accès au dossier, du droit d’être entendu et de la durée de la procédure que la décision litigieuse doit être annulée dans son intégralité. Il n’est donc pas nécessaire d’examiner les autres moyens invoqués par Solvay en première instance.

    V –    Sur les conclusions tendant à la réduction de l’amende

    164. Outre l’annulation de l’arrêt attaqué et de la décision litigieuse (137), Solvay a également conclu à l’annulation ou à la réduction très substantielle de l’amende, dont le montant a été modifié par le Tribunal, à titre de réparation du grave préjudice qu’elle aurait subi du fait de la durée extraordinaire de la procédure.

    165. Suivant la solution que je propose, qui implique l’annulation de l’arrêt attaqué (138) et de la décision litigieuse (139), il n’y a pas lieu de statuer sur ce chef spécifique des conclusions de Solvay. C’est donc à titre subsidiaire et par souci d’exhaustivité que je l’examine néanmoins ci-dessous.

    A –    Observation liminaire

    166. S’agissant de la problématique de la durée excessive de la procédure, deux approches différentes peuvent être tirées de la jurisprudence de la Cour. Dans l’affaire Baustahlgewebe/Commission, dans laquelle une amende avait été infligée à l’entreprise concernée, la Cour a octroyé à cette dernière une réduction de l’amende (140). En revanche, dans l’affaire Der Grüne Punkt, dans laquelle aucune amende de cette nature n’avait été infligée, la Cour n’a pu proposer à l’entreprise concernée qu’un recours en indemnité au titre des articles 268 TFUE et 340, deuxième alinéa, TFUE (ex-articles 235 CE et 288, deuxième alinéa, CE) (141).

    167. Lors de l’audience, la Commission a fait état de sa préférence pour la seconde approche, telle qu’elle a été évoquée dans l’affaire Der Grüne Punkt. Elle a justifié sa préférence en faisant valoir la nécessité d’assurer l’efficacité du respect du droit de la concurrence. Une réduction de l’amende entraverait, selon elle, l’efficacité de la mise en œuvre des règles européennes de la concurrence.

    168. Cette objection n’emporte pas la conviction.

    169. D’un côté, il ne fait certes aucun doute que le respect des règles européennes de concurrence, qui sont indispensables pour le fonctionnement du marché intérieur (142), constitue un objectif fondamental des traités (143). Des sanctions efficaces et dissuasives sont indispensables pour atteindre cet objectif.

    170. D’un autre côté, dans une procédure telle la procédure administrative en matière de concurrence, qui revêt une nature quasi pénale (144), il est impératif de prendre particulièrement en compte les garanties procédurales élémentaires. Seuls des moyens conformes aux exigences de l’État de droit peuvent être employés afin d’assurer le respect du droit de la concurrence. En conséquence, en cas de violation d’un droit fondamental tel celui d’être jugé dans un délai raisonnable, au cours d’une procédure en matière de concurrence, l’entreprise concernée peut exiger de bénéficier d’un recours effectif.

    171. La détermination de la sanction appropriée en cas de dépassement de la durée raisonnable de la procédure doit donc nécessairement répondre aux exigences contradictoires tenant au respect du droit de la concurrence, d’une part, et à l’existence d’un recours effectif en cas de violation d’un droit fondamental, d’autre part.

    172. Pour des raisons d’économie de procédure et afin de garantir à l’entreprise concernée un remède immédiat et effectif contre une telle irrégularité, la Cour devrait continuer à suivre, là où cela apparaît possible, à savoir dans les affaires ayant donné lieu à l’infliction d’amendes, l’approche qu’elle a esquissée dans l’arrêt Baustahlgewebe/Commission (145).

    173. L’exigence d’une mise en œuvre effective du droit de la concurrence est satisfaite, dans la mesure où la constatation de l’infraction et l’obligation pour l’entreprise concernée d’y mettre fin demeurent dans un tel cas (146). L’effet dissuasif de l’amende fixée par la Commission, à l’origine, ou par le Tribunal est préservé à l’égard des autres opérateurs économiques. La Cour ne remet pas en cause l’adéquation de son montant par rapport aux faits constitutifs de l’infraction. L’«approche Baustahlgewebe» entraîne simplement une espèce de compensation entre le montant initial de l’amende et le montant considéré comme représentant la juste compensation de la durée excessive de la procédure (147).

    B –    Réduction de l’amende

    174. La jurisprudence Baustahlgewebe/Commission (148) se fonde en dernière analyse sur la compétence de pleine juridiction reconnue à la Cour par l’article 261 TFUE en ce qui concerne les sanctions infligées en matière de concurrence au titre de l’article 17 du règlement n° 17 (149). La Cour peut donc librement supprimer, réduire ou majorer l’amende ou l’astreinte infligée.

    175. En application de la jurisprudence Baustahlgewebe/Commission, il convient tout d’abord d’apprécier la durée de la procédure (voir, à cet égard, sous 1), avant de déterminer l’importance d’une éventuelle réduction de l’amende (voir, à cet égard, sous 2).

    1.      Sur la durée excessive des procédures administratives et contentieuses

    176. Ainsi que je l’ai déjà indiqué (150), le caractère raisonnable de la durée d’une procédure doit être apprécié en fonction des circonstances propres à chaque affaire et, notamment, de l’enjeu du litige pour les intéressés, de la complexité de l’affaire ainsi que du comportement du requérant et de celui des autorités compétentes.

    177. À cet égard, il convient d’examiner isolément les différentes phases de la procédure; en outre, une appréciation globale de la durée des procédures administratives et contentieuses est nécessaire (151).

    178. Parmi les différentes phases de la procédure, deux sont particulièrement susceptibles de susciter des interrogations au regard du principe du délai raisonnable: la période d’inaction complète de la Commission durant la première procédure de pourvoi (procédure dans les affaires jointes C‑287/95 P et C‑288/95 P), ainsi que la deuxième procédure devant le Tribunal (procédure dans l’affaire T‑58/01) (152).

    179. Il a déjà été établi (153) que l’inaction de la Commission de juin 1995 à avril 2000, soit sur une période de quatre années et sept mois, c’est-à-dire durant la première procédure de pourvoi, était constitutive d’une violation du principe du délai raisonnable à l’égard de Solvay. En conséquence, il importe peu de savoir, aux fins de la présente procédure, si, au cours de la même période, une durée excessive de la procédure doit également être imputée à la Cour en raison de la durée de quatre années et sept mois atteinte par la procédure de pourvoi.

    180. En ce qui concerne la deuxième procédure devant le Tribunal (affaire T‑58/01), sa durée, qui atteint huit années et neuf mois, paraît d’emblée d’une longueur insupportable.

    181. Ainsi que la demanderesse au pourvoi le souligne à juste titre, un délai aussi long de traitement ne saurait être justifié en l’espèce par une prétendue complexité de quelque sorte que ce soit de l’affaire. Le Tribunal ne faisait face qu’à deux parties; les besoins de traduction étaient négligeables (154), et les questions factuelles et juridiques soulevées par les parties à la procédure n’étaient pas d’une complexité particulière. Il existait bien un rapport de connexité avec la procédure pendante dans le même temps dans l’affaire parallèle T‑57/01; l’identité de nombreux moyens invoqués dans les deux affaires a toutefois dû dégager des effets de synergie dans leur traitement, de sorte que la procédure a dû s’en trouver plus accélérée que ralentie.

    182. Une bonne partie du retard pris dans la procédure s’explique assurément par la nécessité de permettre à Solvay d’accéder au dossier de la procédure administrative au cours de la procédure contentieuse (155). Qu’il ait fallu y consacrer un an et demi, voire même deux ans, en incluant dans le décompte les observations déposées par les parties (156), est cependant totalement inacceptable. Cette perte de temps ne saurait aller au détriment de Solvay. Le Tribunal aurait dû, le cas échéant, fixer des délais clairs à la Commission et, dans l’hypothèse où celle-ci ne s’y serait pas tenue, en tirer toutes les conséquences qui s’imposent à son égard.

    183. Par ailleurs, diverses périodes durant lesquelles le Tribunal est demeuré quasiment inactif au cours de la procédure de première instance peuvent être identifiées. À titre d’exemple, il y a lieu de relever que vingt-neuf mois se sont écoulés entre la date de dépôt des observations de la Commission quant à l’utilité de certains documents à la défense de Solvay et l’ouverture de la procédure orale (157). Il convient également de mentionner les dix-huit mois qui se sont écoulés entre la date de l’audience, qui s’est tenue le 26 juin 2008, et celle du prononcé de l’arrêt attaqué, le 17 décembre 2009 (158).

    184. Les problèmes d’organisation interne du Tribunal, notamment ceux liés au renouvellement des juges ou à l’empêchement de certains d’entre eux, ne sauraient évidemment aller au détriment des justiciables (159).

    185. Dans ces circonstances, tant la procédure administrative que la procédure contentieuse étaient d’une durée excessive en l’espèce.

    186. Cette impression est confirmée par l’examen de la durée globale de l’ensemble des phases des procédures administratives et contentieuses:

    –        Conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme relative à l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH, le décompte de la durée de la procédure doit débuter à partir du moment où Solvay s’est trouvée exposée à des actes qui ont été effectués en raison des soupçons qui pesaient contre elle et avaient des répercussions importantes sur sa situation (160). En l’espèce, cette date est bien antérieure à la communication des griefs (qui correspondrait à une «mise en accusation» officielle): il s’agit du jour où la Commission a effectué des vérifications dans les locaux de Solvay en avril 1989 (161);

    –        depuis lors, la procédure n’a à aucun moment été interrompue;

    –        on peut escompter que le décompte prenne fin le jour du prononcé de l’arrêt de la Cour dans la présente affaire (162).

    187. Jusqu’à aujourd’hui, la durée totale de la procédure a d’ores et déjà atteint vingt-deux ans. Il n’y a pas lieu de s’interroger sur le point de savoir si une durée de la procédure aussi longue est susceptible d’être un jour justifiée. En tout état de cause, une telle justification exigerait des circonstances exceptionnelles, telles qu’une complexité particulière des questions de fait ou de droit à traiter ou un comportement de l’entreprise concernée qui expliquerait, dans une large mesure, le retard pris au niveau de certaines phases de la procédure. De telles circonstances font manifestement défaut en l’espèce.

    188. J’observe, à titre purement incident, que le fait que la prescription en matière de poursuites n’est pas encore acquise ne suffit pas, à lui seul, à justifier la durée globale de la procédure (163). Le délai de prescription détermine en effet le délai maximal durant lequel des mesures peuvent être prises en vue d’infliger une amende destinée à sanctionner des infractions aux règles européennes de la concurrence. Le principe du délai raisonnable impose, avant même l’expiration du délai de prescription, de mener l’enquête et d’adopter une décision avec diligence, ainsi que d’éviter toute période injustifiée d’inactivité. En effet, dans le cadre d’une telle procédure, les entreprises concernées se trouvent soumises à une pression accrue et confrontées en permanence à l’incertitude quant au point de savoir quand la procédure engagée contre elles cessera et quelle en sera l’issue. Dans une telle situation, le principe du délai raisonnable leur offre une protection accrue allant au-delà de celle offerte par la prescription des poursuites (164).

    189. Au final, je parviens donc à la conclusion que le droit fondamental de Solvay à être jugée dans un délai raisonnable a été violé.

    190. En application de la jurisprudence Baustahlgewebe/Commission (165), il conviendrait donc d’annuler l’arrêt attaqué en raison de la durée excessive de la procédure, à tout le moins pour autant qu’il a fixé le montant de l’amende à 2,25 millions d’euros.

    2.      Sur l’importance de la réduction de l’amende à effectuer

    191. Il ressort des réponses apportées à une question posée lors de l’audience que les parties sont en profond désaccord quant à l’importance de la réduction de l’amende qu’il conviendrait, le cas échéant, d’effectuer en l’espèce. Tandis que Solvay cherche à obtenir, compte tenu de la durée de la procédure, une réduction de l’amende telle que la sanction n’aurait plus qu’un caractère symbolique, la Commission défend la thèse diamétralement opposée: selon elle, ce n’est pas le montant de l’amende, mais celui de la réduction qui devrait revêtir un caractère symbolique.

    192. Dans l’affaire Baustahlgewebe/Commission, seul exemple disponible jusqu’à présent, la réduction de l’amende effectuée par la Cour n’a été que marginale: une amende fixée par le Tribunal à 3 millions d’écus a été réduite de 50 000 écus (166), ce qui représente une réduction d’à peine 1,67 %.

    193. Je doute qu’une réduction à ce point limitée de l’amende puisse encore être considérée comme appropriée au regard des exigences de la CEDH. Selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme relative à l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH, dont il convient également de tenir compte en droit de l’Union selon l’article 52, paragraphe 3, premier alinéa, de la charte des droits fondamentaux, la réparation à accorder doit essentiellement dépendre de la mesure dans laquelle le délai raisonnable a été dépassé (167).

    194. En l’espèce, tant différentes phases des procédures administratives et contentieuses, prises isolément, que l’ensemble desdites procédures, considéré globalement, ont considérablement dépassé la durée raisonnable: une inaction de plus de quatre ans et sept mois au cours de la procédure administrative (168), une procédure contentieuse en première instance de huit années et neuf mois (169), et une durée globale de la procédure de vingt-deux ans à ce jour (170) vont, en l’absence de circonstances exceptionnelles, bien au-delà de ce qui est encore susceptible d’être considéré comme un délai raisonnable.

    195. Dans ces circonstances, une réduction relativement limitée du montant de l’amende, telle que la Cour l’a effectuée dans son arrêt Baustahlgewebe/Commission et que la Commission semble l’envisager en l’espèce, ne saurait être considérée comme appropriée.

    196. La violation d’un droit fondamental qu’implique une durée excessive de la procédure exige une sanction effective. À cet égard, il convient de mettre en balance, d’une part, la gravité de l’infraction commise par l’entreprise concernée et, d’autre part, la gravité de ladite violation d’un droit fondamental qu’implique la durée excessive de la procédure (171).

    197. Il y a lieu de retenir, en l’espèce, l’existence d’une violation grave du droit fondamental à être jugé dans un délai raisonnable. Cela justifie une réduction sensible du montant de l’amende. Dans le même temps, il convient de ne pas perdre de vue que, d’après les constatations de la Commission, l’accord conclu entre Solvay et CFK était constitutif d’une violation «grave» de l’une des dispositions fondamentales du marché intérieur (article 81 CE) (172). Eu égard à l’ensemble des circonstances du cas d’espèce, une réduction de 50 % du montant de l’amende me paraîtrait appropriée. À cet égard, il convient d’utiliser comme référence pour les calculs le montant de l’amende tel qu’il a été déterminé par le Tribunal.

    198. Par conséquent, dans l’hypothèse où la Cour n’annulerait pas l’intégralité de l’arrêt attaqué ainsi que la décision litigieuse (173), je propose de réduire à tout le moins le montant de l’amende infligée, qui s’établit à 2,25 millions d’euros, de 50 %.

    VI – Dépens

    199. Conformément à l’article 122, paragraphe 1, du règlement de procédure, la Cour statue sur les dépens lorsque le pourvoi est fondé et qu’elle juge elle-même définitivement le litige.

    200. D’après les dispositions combinées des articles 69, paragraphe 2, et 118 du règlement de procédure, c’est en principe à la partie qui succombe de supporter les dépens, s’il a été conclu en ce sens. Étant donné que Solvay a demandé que la Commission soit condamnée aux dépens afférents tant à la procédure de première instance qu’à celle du pourvoi et que la Commission a succombé en ses moyens dans les deux instances, elle doit être condamnée aux dépens afférents à la procédure de première instance et au pourvoi.

    VII – Conclusion

    201. Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de statuer comme suit:

    «1)      L’arrêt du Tribunal du 17 décembre 2009 dans l’affaire Solvay/Commission (T‑58/01) est annulé.

    3)      La décision 2003/5/CE de la Commission, du 13 décembre 2000, relative à une procédure d’application de l’article 81 du traité CE (COMP/33.133 - B: Carbonate de soude – Solvay, CFK) est annulée.

    4)      La Commission européenne est condamnée aux dépens des deux instances.»


    1 – Langue originale: l’allemand.


    2 – Voir, à propos de la première procédure de pourvoi, arrêt du 6 avril 2000, Commission/Solvay (C-287/95 P et C-288/95 P, Rec. p. I-2391).


    3 – Voir, à titre complémentaire, introduction de mes conclusions dans l’affaire Solvay/Commission (C-109/10 P, points 1 à 6), lues ce jour également.


    4 – La société Solvay SA (venant aux droits de la société Solvay et Cie SA) est une société anonyme de droit belge, active dans les secteurs de la pharmacie, de la chimie, du plastique et de la transformation.


    5 – Chemische Fabrik Kalk GmbH.


    6 – Signée à Rome le 4 novembre 1950.


    7 – La requête déposée par Solvay devant la Cour européenne des droits de l’homme est datée du 26 février 2010 et jointe en annexe au pourvoi de ladite entreprise dans la présente affaire.


    8 – Voir à cet égard, et sur les éléments qui suivent, points 5 à 42 de l’arrêt du Tribunal du 17 décembre 2009, Solvay/Commission (T-58/01, Rec. p. II-4781, ci-après également dénommé l’«arrêt attaqué»), ainsi que, à titre complémentaire, point 22 de l’arrêt rendu par le Tribunal dans l’affaire parallèle le 17 décembre 2009, Solvay/Commission (T-57/01, Rec. p. II-4621).


    9 – Règlement du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles [81] et [82] du traité (JO 1962, 13, p. 204).


    10 – La soude est utilisée dans la fabrication du verre (soude dense) ainsi que dans l’industrie chimique et en métallurgie (soude légère). Il convient de distinguer la soude naturelle (soude dense) et la soude synthétique (soude dense ou légère). La soude naturelle est obtenue à partir du broyage, de la purification et de la calcination du minerai de trona. La soude synthétique est issue de la réaction du sel ordinaire et du calcaire par le procédé «ammoniaque-soude», mis au point par les frères Solvay en 1863.


    11 – Outre Solvay, les vérifications ont également concerné les sociétés AKZO, CFK, Imperial Chemical Industries (ICI), Matthes & Weber et Rhône Poulenc. Ces vérifications se sont déroulées sur le fondement d’une décision de la Commission du 5 avril 1989 relative à une vérification à effectuer, dont des extraits sont reproduits au point 19 de l’arrêt Solvay/Commission (T-57/01, précité note 8).


    12 – En ce qui concerne l’abus de position dominante constaté par la Commission dans le chef de Solvay, je renvoie à mes conclusions lues ce jour dans l’affaire parallèle Solvay/Commission (C-109/10 P), actuellement pendante devant la Cour.


    13 – Voir, à cet égard, notamment points 23, 27 et 31 de l’arrêt attaqué.


    14 – Décision de la Commission, du 19 décembre 1990, relative à une procédure d’application de l’article 85 du traité CEE (IV/33.133-B: Carbonate de soude – Solvay, CFK) (JO 1991, L 152, p. 16, ci-après la «première décision infligeant des amendes»). Cette décision n’est que l’une des quatre décisions adressées le même jour par la Commission aux entreprises opérant sur le marché de la soude. Parmi les autres décisions, l’une est dirigée à l’encontre de Solvay et d’ICI [décision 91/297/CEE de la Commission, du 19 décembre 1990, relative à une procédure d’application de l’article 85 du traité CEE (IV/33.133-A: Carbonate de soude – Solvay, ICI, JO 1991, L 152, p. 1)], une autre à l’encontre de Solvay uniquement [décision 91/299/CEE de la Commission, du 19 décembre 1990, relative à une procédure d’application de l’article 86 du traité CEE (IV/33.133-C: Carbonate de soude – Solvay, JO 1991, L 152, p. 21)], et une dernière à l’encontre d’ICI [décision 91/300/CEE de la Commission, du 19 décembre 1990, relative à une procédure d’application de l’article 86 du traité CEE (IV/33.133-D: Carbonate de soude – ICI, JO 1991, L 152, p. 40)].


    15 – Respectivement 3 millions et 1 million d’écus à l’époque.


    16 – Arrêt du 29 juin 1995, Solvay/Commission (T-31/91, Rec. p. II-1821), confirmé par arrêt de la Cour du 6 avril 2000, Commission/Solvay (précité note 2).


    17 – Point 247 de l’arrêt attaqué.


    18 – En 2000, la Commission n’a plus adopté de décision à l’encontre de CFK, sans doute parce que l’entreprise avait depuis lors abandonné sa production de carbonate de soude.


    19 – Décision de la Commission, du 13 décembre 2000, relative à une procédure d’application de l’article 81 du traité CE (COMP/33.133 - B: Carbonate de soude – Solvay, CFK) (JO 2003, L 10, p. 1, ci-après également dénommée la «décision litigieuse» ou la «deuxième décision infligeant une amende»). Le même jour, la Commission a également adopté la décision 2003/6/CE, relative à une procédure d’application de l’article 82 du traité CE (COMP/33.133 - C: Carbonate de soude – Solvay) (JO 2003, L 10, p. 10), qui est à l’origine de l’affaire parallèle Solvay/Commission ayant donné lieu à l’autre pourvoi pendant devant la Cour (C-109/10 P).


    20 – Arrêt Solvay/Commission (T-58/01, précité note 8). Le même jour, le Tribunal a également rendu son arrêt dans l’affaire parallèle Solvay/Commission (T-57/01, précitée note 8); ce dernier fait l’objet du pourvoi dans l’affaire Solvay/Commission, également pendante devant la Cour (C-109/10 P).


    21 – Ci-après également dénommée la «demanderesse au pourvoi».


    22 – Règlement du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité (JO 2003, L 1, p. 1). Ce règlement est applicable à partir du 1er mai 2004, ainsi que cela ressort de son article 45, deuxième alinéa.


    23 – Voir points 17 à 22 de mes conclusions dans l’affaire C-109/10 P lues ce jour.


    24 – Arrêt du 14 septembre 2010, Akzo Nobel Chemicals et Akcros Chemicals/Commission (C‑550/07 P, non encore publié au Recueil, point 92); voir, également, arrêts du 2 octobre 2003, Thyssen Stahl/Commission (C-194/99 P, Rec. p. I-10821, point 30), et du 3 septembre 2009, Papierfabrik August Koehler e.a./Commission (C-322/07 P, C-327/07 P et C-338/07 P, Rec. p. I-7191, point 34).


    25 – La charte a été solennellement proclamée une première fois à Nice le 7 décembre 2000 (JO C 364, p. 1), puis, une seconde fois, à Strasbourg le 12 décembre 2007 (JO C 303, p. 1, et JO 2010, C 83, p. 389).


    26 – Points 7 et 10 de l’arrêt attaqué.


    27 – Points 7, 242 et 243 de l’arrêt attaqué.


    28 – Point 243 de l’arrêt attaqué.


    29 – Point 25 de l’arrêt attaqué et point 70 des motifs de la décision litigieuse.


    30 – Points 247 et 248 de l’arrêt attaqué.


    31 – Points 40 à 48 de l’arrêt attaqué.


    32 – Points 50 et 51 de l’arrêt attaqué.


    33 – Points 48, 49 et 254 de l’arrêt attaqué.


    34 – Points 49, 246 et 256 de l’arrêt attaqué.


    35 – Arrêts du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission (C-204/00 P, C-205/00 P, C‑211/00 P, C-213/00 P, C-217/00 P et C-219/00 P, Rec. p. I-123, point 68), et du 1er juillet 2010, Knauf Gips/Commission (C-407/08 P, non encore publié au Recueil, point 22).


    36 – Le Tribunal admet également l’existence de cette irrégularité procédurale aux points 245 à 248 de l’arrêt attaqué.


    37 – Voir, à cet égard, article 41, paragraphe 2, sous b), de la charte des droits fondamentaux.


    38 – Arrêts du 8 juillet 1999, Hercules Chemicals/Commission (C-51/92 P, Rec. p. I-4235, point 78); du 2 octobre 2003, Corus UK/Commission (C-199/99 P, Rec. p. I-11177, point 128); du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, dit «PVC II» (C-238/99 P, C-244/99 P, C-245/99 P, C-247/99 P, C-250/99 P à C-252/99 P et C-254/99 P, Rec. p. I-8375, point 315), et Aalborg Portland e.a./Commission (précité note 35, point 104); voir, également, arrêts du Tribunal du 29 juin 1995, Solvay/Commission (T-30/91, Rec. p. II-1775, point 98) et ICI/Commission (T-36/91, Rec. p. II-1847, point 108).


    39 – Arrêts précités Hercules Chemicals/Commission (point 77), Corus UK/Commission (point 127) et PVC II (points 317, 322 et 323).


    40 – Dans l’affaire C-109/10 P, le troisième moyen est consacré aux éléments égarés du dossier, tandis que le quatrième moyen porte sur les éléments du dossier de la Commission qui ont pu être consultés au greffe du Tribunal (voir, à cet égard, points 156 à 206 de mes conclusions dans ladite affaire lues ce jour).


    41 – Article 6, paragraphe 2, TUE dans sa rédaction issue du traité de Lisbonne.


    42 – Voir, ex multis, arrêt Aalborg Portland e.a./Commission (précité note 35, point 64); dans le même sens, arrêts du 28 mars 2000, Krombach (C-7/98, Rec. p. I-1935, points 25 et 26); du 14 février 2008, Varec (C-450/06, Rec. p. I-581, points 44 et 46), et du 23 décembre 2009, Spector Photo Group et Van Raemdonck (C-45/08, Rec. p. I-12073, point 43).


    43 – Cela échapperait effectivement à sa compétence: voir arrêts PVC II (précité note 38, points 330 et 331), et Aalborg Portland e.a./Commission (précité note 35, point 77 lu en combinaison avec le point 76).


    44 – Arrêt Aalborg Portland e.a./Commission (précité note 35, point 125); voir, en ce sens également, arrêt du 14 octobre 2010, Deutsche Telekom/Commission (C-280/08 P, non encore publié au Recueil, points 77, 155 et 195), dans lequel la Cour a jugé différents griefs recevables par lesquels il était reproché au Tribunal d’avoir retenu des critères juridiques erronés; voir, en outre, arrêts du 25 janvier 2007, Sumitomo Metal Industries et Nippon Steel/Commission (C‑403/04 P et C-405/04 P, Rec. p. I-729, point 40, ci-après l’«arrêt Sumitomo»); du 10 juillet 2008, Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala (C-413/06 P, Rec. p. I‑4951, point 117, ci-après l’«arrêt Impala»), et du 16 décembre 2008, Masdar (UK)/Commission (C-47/07 P, Rec. p. I-9761, point 77).


    45 – Point 257 de l’arrêt attaqué.


    46 – Points 263 et 264 de l’arrêt attaqué.


    47 – Voir notamment point 262, première phrase, de l’arrêt attaqué.


    48 – Arrêts PVC II (précité note 38, point 318 et 324); Aalborg Portland e.a./Commission (précité note 35, point 75) et Knauf Gips/Commission (précité note 35, point 23).


    49 – Arrêt Aalborg Portland e.a./Commission (précité note 35, point 131).


    50 – Arrêts précités Aalborg Portland e.a./Commission (point 68) et Knauf Gips/Commission (point 22).


    51 – Point 256 de l’arrêt attaqué.


    52 – Voir, notamment, arrêts précités PVC II, Aalborg Portland e.a./Commission, Corus UK/Commission et Knauf Gips/Commission.


    53 – Arrêts précités PVC II (points 318 et 324); Aalborg Portland e.a./Commission (points 74, 75 et 131) et Knauf Gips/Commission (points 23 et 24).


    54 – Point 262, première phrase, de l’arrêt attaqué.


    55 – Point 262 de l’arrêt attaqué.


    56 – Points 260 à 262 de l’arrêt attaqué.


    57 – Arrêt Aalborg Portland e.a./Commission (précité note 35, points 127, 128 et 131).


    58 – Points 262 et 263 de l’arrêt attaqué.


    59 – Voir également, à titre complémentaire, points 170 à 175 et 177 de mes conclusions dans l’affaire C-109/10 P lues ce jour.


    60 – Solvay s’est référée à cet élément tant dans son pourvoi qu’au cours de l’audience devant la Cour.


    61 – Deutsche Solvay Werke.


    62 – Voir, à cet égard, point 49 des motifs de la décision litigieuse.


    63 – Il est intéressant d’observer que la Commission elle-même paraît supposer que à tout le moins certains des «sous-dossiers» disparus «contenaient de la correspondance au titre de l’article 11 du règlement n° 17», c’est-à-dire des demandes de renseignements adressées par la Commission à différentes entreprises et les réponses aux demandes en question (voir point 49 de l’arrêt attaqué).


    64 – Voir, à cet égard, arrêts Aalborg Portland e.a./Commission (précité note 35, point 75) et Knauf Gips/Commission (précité note 35, point 23), selon lesquels il suffit que les documents aient été susceptibles d’«influencer, de quelque manière que ce soit, les appréciations portées par [la Commission] dans la décision éventuelle, au moins en ce qui concerne la gravité et la durée du comportement qui lui était reproché, et, partant, le niveau de l’amende».


    65 – Voir ci-dessus, point 38 des présentes conclusions.


    66 – Voir, notamment, point 172 de l’arrêt attaqué.


    67 – Point 173 de l’arrêt attaqué.


    68 – Voir, sur ce point, ci-dessus points 23 à 49 des présentes conclusions.


    69 – Arrêts du 25 janvier 2007, Dalmine/Commission (C-407/04 P, Rec. p. I-829, point 44), et du 10 mai 2007, SGL Carbon/Commission (C-328/05 P, Rec. p. I-3921 , point 71); voir, en outre, arrêts du 7 juin 1983, Musique Diffusion française e.a./Commission (100/80 à 103/80, Rec. p. 1825, point 10); du 9 novembre 1983, Michelin/Commission (322/81, Rec. p. 3461, point 7, ci-après l’«arrêt Michelin I»); PVC II (précité note 38, point 85) et Impala (précité note 44, point 61); dans le même sens, dans des domaines différents, arrêts du 24 octobre 1996, Commission/Lisrestal e.a. (C-32/95 P, Rec. p. I-5373, point 21); du 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission (C-402/05 P et C-415/05 P, Rec. p. I-6351, notamment point 348), et du 1er octobre 2009, Foshan Shunde Yongjian Housewares & Hardware/Conseil (C-141/08 P, Rec. p. I-9147, point 83).


    70 – L’article 27, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 1/2003 est désormais applicable.


    71 – Arrêt PVC II (précité note 38, point 88).


    72 – Voir, notamment, points 165 et 166 de l’arrêt attaqué.


    73 – Voir, à cet égard, points 245 à 248 de l’arrêt attaqué et points 21 et 24 des présentes conclusions.


    74 – Arrêts du Tribunal Solvay/Commission (T-31/91, précité note 16) et de la Cour Commission/Solvay (précité note 2).


    75 – Arrêts du Tribunal Solvay/Commission (T-30/91, précité note 38, notamment points 99, 103 et 104) et ICI/Commission (T-36/91, précité note 38, notamment points 103, 113 et 118). Ces arrêts ont été prononcés le même jour que l’arrêt dans l’affaire T-31/91 (précité note 16), qui a annulé la décision 91/298 en raison d’un vice d’authentification.


    76 – Voir, à cet égard, la publication figurant dans le douzième rapport sur la politique de concurrence de la Commission (1982), p. 40 et 41 (dont des extraits sont cités au point 244 de l’arrêt attaqué).


    77 – Voir, notamment, arrêt du Tribunal du 29 juin 1995, ICI/Commission (T-37/91, Rec. p. II-1901, points 61 à 66 et 73), qui écarte une violation des droits de la défense.


    78 – Voir, d’une part, arrêt Hercules Chemicals/Commission, rendu en 1999 (précité note 38, points 75 et 76), ainsi que, d’autre part, l’engagement unilatéral souscrit par la Commission en ce qui concerne l’accès au dossier [communication de la Commission relative aux règles de procédure interne pour le traitement des demandes d’accès au dossier dans les cas d’application des articles 85 et 86 du traité CE, des articles 65 et 66 du traité CECA et du règlement (CEE) n° 4064/89 du Conseil, JO 1997, C 23, p. 3).


    79 – Points 24, 167 et 171 de l’arrêt attaqué.


    80 – Points 7, 242 et 243 de l’arrêt attaqué.


    81 – Voir, à cet égard, ci-dessus points 23 à 48 des présentes conclusions.


    82 – Voir, à ce sujet, point 28 des présentes conclusions.


    83 – Arrêt PVC II (précité note 38, point 179). S’agissant de l’application de ce principe spécifiquement aux procédures juridictionnelles, voir, en outre, arrêts du 17 décembre 1998, Baustahlgewebe/Commission (C-185/95 P, Rec. p. I-8417, point 21); Thyssen Stahl/Commission (précité note 24, point 154); Sumitomo (précité note 44, point 115), et du 16 juillet 2009, Der Grüne Punkt – Duales System Deutschland/Commission (C-385/07 P, Rec. p. I-6155, points 177 à 179, ci-après l’«arrêt Der Grüne Punkt»); en ce qui concerne l’application de ce même principe à la procédure administrative, voir arrêts du 21 septembre 2006, Nederlandse Federatieve Vereniging voor de Groothandel op Elektrotechnisch Gebied/Commission (C-105/04 P, Rec. p. I-8725, points 35 à 52, ci-après l’«arrêt FEG»), et du 21 septembre 2006, Technische Unie/Commission (C-113/04 P, Rec. p. I‑8831, points 40 à 57).


    84 – Voir, en ce sens également, arrêt PVC II (précité note 38, points 176 à 178); dans l’arrêt Der Grüne Punkt (précité note 83, points 176 à 196), la Cour a également vérifié le caractère raisonnable de la durée de la procédure, alors qu’aucune incidence sur l’issue du litige n’a pu être constatée.


    85 – Arrêts Baustahlgewebe/Commission (précité note 83, point 29); PVC II (précité note 38, point 187); Thyssen Stahl/Commission (précité note 24, point 155); Sumitomo (précité note 44, point 116) et Der Grüne Punkt, précité note 83, point 181).


    86 – Arrêts Thyssen Stahl/Commission (précité note 24, point 156); Sumitomo (précité note 44, point 117) et Der Grüne Punkt (précité note 83, point 182). Voir, également, arrêt PVC II (précité note 38, point 188).


    87 – Voir, en ce sens, arrêt PVC II (précité note 38, point 184), ainsi qu’arrêts précités note 83 FEG (notamment points 37, 38 et 40) et Technische Unie/Commission (notamment points 42, 43 et 45).


    88 – Sans préjudice de la question de savoir quelles sont les conséquences qu’il convient de tirer d’un tel vice de procédure; voir, à ce sujet, ci-dessous points 91 à 124 et 164 à 197 des présentes conclusions.


    89 – La Cour de céans ne s’est pas prononcée de manière définitive sur ce point dans l’arrêt PVC II (précité note 38, points 229 et 230), mais la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme ne laisse place à aucune hésitation sur la pertinence d’une appréciation globale de la durée de la procédure. Voir, à cet égard, notamment arrêt Eckle du 15 juillet 1982, série A n° 51: la Cour européenne des droits de l’homme s’est référée à la durée totale des procédures litigieuses (§ 79 et 80) et a précisé que le délai «couvre l’ensemble de la procédure en cause, y compris les instances de recours» (§ 76). L’arrêt Gorou (n° 2) du 20 mars 2009 [GC] retient une violation de l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH «à raison de la durée de la procédure dans son ensemble» (§ 46). Voir, dans le même sens, arrêt Kakamoukas e.a. du 15 février 2008 [GC] visant le «calcul de la durée totale des procédures litigieuses» (§ 32). 


    90 – Voir, sur ce point, le récapitulatif chronologique figurant au point 11 des présentes conclusions.


    91 – La durée totale de la procédure dite «PVC» était toutefois très comparable à celle du cas d’espèce, dès lors que les premières vérifications de la Commission s’étaient déroulées en octobre 1983 (voir arrêt du Tribunal du 20 avril 1999, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, T-305/94 à T-307/94, T-313/94 à T-316/94, T-318/94, T-325/94, T-328/94, T‑329/94 et T-335/94, Rec. p. II-931) et que le dernier arrêt rendu au cours de ladite procédure (arrêt PVC II, précité note 38) l’a été en octobre 2002.


    92 – Arrêts du 9 septembre 2008, FIAMM e.a./Conseil et Commission (C-120/06 P et C-121/06 P, Rec. p. I-6513, point 96); du 16 juillet 2009, Commission/Schneider Electric (C-440/07 P, Rec. p. I-6413, point 135); du 20 mai 2010, Gogos/Commission (C-583/08 P, Rec. p. I-4469, point 30), et du 16 décembre 2010, AceaElectrabel Produzione/Commission (C-480/09 P, non encore publié au Recueil, point 77).


    93 – Bien que ce débat ait été également mené dans d’autres branches du premier moyen, j’examinerai les arguments échangés sur ce point exclusivement dans le cadre de cette troisième branche du premier moyen.


    94 – Point 113 de l’arrêt attaqué; voir aussi points 120 à 122 dudit arrêt.


    95 – Arrêts Baustahlgewebe/Commission (précité note 83, point 49) et Der Grüne Punkt (précité note 83, point 193); voir en particulier sur le lien avec les droits de la défense arrêts FEG (précité note 83, notamment points 42, 43 et 60 à 62), et Technische Unie/Commission (précité note 83, notamment points 47, 48 et 69 à 71).


    96 – Explications relatives à la charte des droits fondamentaux (JO 2007, C 303, p. 17), voir notamment explication ad article 47, paragraphe 2 (en p. 30).


    97 – Dans l’arrêt Kudla du 26 octobre 2000, Recueil des arrêts et décisions 2000-XI, § 154, la Cour européenne des droits de l’homme [GC] a admis que «pour l’heure il n’existe pas, dans les ordres juridiques des États contractants, un système prédominant en matière de recours permettant de dénoncer les durées excessives de procédure»; voir également Cour eur. D. H., arrêt Simaldone du 31 mars 2009, requête n° 22644/03, § 78. Une étude comparative a été menée en 2006 dans le cadre du Conseil de l’Europe par la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) (étude n° 316/2004, accessible sur le site Internet de ladite Commission à l’adresse: http://www.venice.coe.int/docs/2006/CDL-AD(2006)036rev-f.pdf, consultée en dernier lieu le 26 janvier 2011). Sur les différentes approches au sein de l’Union européenne, voir, également, points 52 et 53 des conclusions de l’avocat général Léger du 3 février 1998 dans l’affaire Baustahlgewebe/Commission (précitée note 83).


    98 – Cour eur. D. H., arrêts Eckle (précité note 89, § 94) et Ommer (n° 1) du 13 novembre 2008, requête n° 10597/03, § 68; voir, en outre, Cour eur. D. H., ordonnance Sprotte du 17 novembre 2005, requête n° 72438/01.


    99 – Cour eur. D. H., arrêts Dželili du 10 novembre 2005, requête n° 65745/01, § 103; Ohlen du 24 février 2005, requête n° 63214/00, § 29 et 30, et Ommer (n° 1) (précité note 98, § 68); ordonnance Menelaou du 12 juin 2008, requête n° 32071/04; voir, dans le même sens, antérieurement déjà, arrêt Eckle (précité note 89, § 67), qui admet, en principe en tout cas, une remise de peine à titre d’effacement. Voir, en outre, points 119 à 123 de l’étude n° 316/2004 de la Commission de Venise (précitée note 97).


    100 – Cour eur. D. H., arrêt Eckle (article 50) du 21 juin 1983, série A n° 65, § 24.


    101 – Cour eur. D. H., arrêt Jussila du 23 novembre 2006 [GC], requête n° 73053/01, § 43.


    102 – Voir, en ce sens également, article 41 de la CEDH (qui évoque l’«effacement» desdites conséquences).


    103 – L’importance de l’efficacité de la mise en œuvre des articles 101 TFUE et 102 TFUE (ex‑articles 81 CE et 82 CE) a été soulignée récemment encore, par exemple, dans les arrêts du 11 juin 2009, X (C-429/07, Rec. p. I-4833, points 33 à 35), et du 7 décembre 2010, VEBIC (C‑439/08, non encore publié au Recueil, notamment points 59 et 61).


    104 – Arrêt Der Grüne Punkt (précité note 83, point 194). Voir, en ce sens également, en ce qui concerne la procédure pénale en général, points 228 à 232 de l’étude de la Commission de Venise (précitée note 97); au point 241, la Commission de Venise souligne que l’acquittement et l’abandon des poursuites devraient rester des mesures exceptionnelles.


    105 – Arrêt Der Grüne Punkt (précité note 83, point 194).


    106 – Conclusions de l’avocat général Bot du 31 mars 2009 dans l’affaire Der Grüne Punkt (précitée note 83, points 305 et 306); la Cour se réfère expressément à cette analyse au point 194 de l’arrêt qu’elle a rendu dans cette affaire.


    107 – Voir ci-dessus, point 88 et jurisprudence citée note 92 des présentes conclusions.


    108 – Points 114 à 116 de l’arrêt attaqué.


    109 – Arrêts du 7 juin 2007, Wunenburger/Commission (C-362/05 P, Rec. p. I-4333, point 80), et Gogos/Commission (précité note 92, point 35).


    110 – Arrêts Aalborg Portland e.a./Commission (précité note 35, points 47 à 49); Wunenburger/Commission (précité note 109, point 66); Sumitomo (précité note 44, point 38) et Commission/Schneider Electric (précité note 92, point 103).


    111 – C’est une approche analogue qui sous-tend déjà les arrêts FEG (précité note 83, points 45 à 49) et Technische Unie/Commission (précité note 83, points 50 à 54), dont il ressort que le Tribunal doit tenir compte de l’incidence sur la capacité de l’entreprise concernée à se défendre de toutes les phases de la procédure administrative.


    112 – Points 115 et 116 de l’arrêt attaqué.


    113 – Points 118 à 121 de l’arrêt attaqué (le fait qu’il est question de la procédure juridictionnelle antérieure, relative à la décision 91/298, ressort particulièrement clairement du point introductif, le point 118).


    114 – Voir, à cet égard, article 256 TFUE; article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice et article 112, paragraphe 1, premier alinéa, sous c), du règlement de procédure de la Cour, ainsi qu’arrêts Aalborg Portland e.a./Commission (précité note 35, point 50); du 25 octobre 2007, Komninou e.a./Commission (C-167/06 P, non publié au Recueil, point 41), et du 17 juin 2010, Lafarge/Commission (C-413/08 P, non encore publié au Recueil, point 16).


    115 – En ce qui concerne l’article 6 de la CEDH et l’article 6, paragraphe 1, TUE, voir également ci-dessus, point 28 des présentes conclusions.


    116 – Arrêts du 18 janvier 2007, PKK et KNK/Conseil (C-229/05 P, Rec. p. I-439, point 37); du 22 novembre 2007, Sniace/Commission (C-260/05 P, Rec. p. I-10005, point 37), et Lafarge/Commission (précité note 114, point 17).


    117 – Voir, dans l’original: «La requérante estime dès lors que le dépassement manifeste du délai raisonnable dans la présente procédure […] ne peut qu’entraîner l’annulation pure et simple de la décision attaquée […]» (point 89 de la requête en première instance, citée au point 47 du pourvoi de Solvay).


    118 – Le point 209 de la requête déposée en première instance (dont un extrait est cité par Solvay au point 49 du pourvoi) se lit comme suit: «Si, par impossible, le Tribunal devait rejeter l’ensemble des moyens d’annulation développés par la requérante, la requérante invite le Tribunal à prendre en compte […] l’ensemble des considérations présentées dans la présente requête au titre des moyens d’annulation dans son appréciation de la nécessité d’infliger une amende à la requérante et du montant de celle-ci […]».


    119 – Voir ci-dessus, points 21 à 24 des présentes conclusions.


    120 – Point 49 de l’arrêt attaqué.


    121 – Points 296 à 303 de l’arrêt attaqué.


    122 – Voir ci-dessus, points 21 et 65 des présentes conclusions.


    123 – Voir ci-dessus, points 54 à 70 des présentes conclusions.


    124 – Voir ci-dessus, point 80 et note 85 des présentes conclusions.


    125 – Arrêt Commission/Solvay du 6 avril 2000 (précité note 2).


    126 – Voir, à cet égard, le récapitulatif chronologique figurant au point 11 des présentes conclusions.


    127 – Ainsi que Solvay l’a fait valoir à juste titre en première instance (voir point 93 de l’arrêt attaqué). Dans l’arrêt PVC II (précité note 38, notamment points 204 et 205), la Cour ne s’est pas prononcée sur cette question, parce que les demandeurs au pourvoi n’avaient pas invoqué de grief en ce sens.


    128 – En avril 2000, la Cour a rendu son arrêt dans l’affaire Commission/Solvay (précité note 2).


    129 – Voir ci-dessus, point 81 des présentes conclusions.


    130 – Voir, à propos de la durée de la procédure en première instance devant le Tribunal dans l’affaire T-58/01 et de l’appréciation globale de la durée de la procédure, ci-après, points 176 à 189 des présentes conclusions.


    131 – Voir ci-dessus, points 92 à 106 des présentes conclusions.


    132 – Arrêts FEG (précité note 83, points 56 à 60), et Technische Unie/Commission (précité note 83, points 64, 67 et 69).


    133 – Arrêts précités Technische Unie/Commission (points 69) et FEG (point 56).


    134 – Arrêts précités FEG (points 57 et 58) et Technische Unie/Commission (points 64 à 69).


    135 – Voir ci-dessus, points 21 et 31 à 49 des présentes conclusions.


    136 – Point 49 de l’arrêt attaqué.


    137 – Voir, sur ce point, ci-dessus, section IV (points 15 à 163 des présentes conclusions).


    138 – Voir, à cet égard, ci-dessus point 135 des présentes conclusions.


    139 – Voir, à cet égard, ci-dessus points 139 à 163 des présentes conclusions.


    140 – Arrêt précité note 83, points 48, 141 et 142.


    141 – Arrêt précité note 83, point 195.


    142 – Arrêts du 1er juin 1999, Eco Swiss (C-126/97, Rec. p. I-3055, point 36), et du 20 septembre 2001, Courage et Crehan (C-453/99, Rec. p. I-6297, point 20).


    143 – Voir jurisprudence précitée note 103.


    144 – Voir, à cet égard, conclusions de l’avocat général Sharpston du 10 février 2011 dans l’affaire pendante KME Germany e.a./Commission (C-272/09 P), notamment point 64; conclusions de l’avocat général Bot du 26 octobre 2010 dans les affaires ArcelorMittal Luxembourg/Commission et Commission/ArcelorMittal Luxembourg e.a. (arrêt du 23 mars 2011, C-201/09 P et C-216/09 P, non encore publié au Recueil), notamment au point 41, et ThyssenKrupp Nirosta/Commission (arrêt du 23 mars 2011, C-352/09 P, non encore publié au Recueil), notamment au point 49, ainsi que mes propres conclusions du 3 juillet 2007 dans l’affaire ETI e.a. (arrêt du 11 décembre 2007, C-280/06, Rec. p. I-10893), point 71, et du 23 avril 2009 dans l’affaire Akzo Nobel e.a./Commission (arrêt du 10 septembre 2009, C‑97/08 P, Rec. p. I-8237), point 39; voir antérieurement déjà, dans le même sens, mes conclusions du 8 septembre 2005 dans les affaires FEG (précitée note 83), point 108, et Technische Unie/Commission (précitée note 83), point 100.


    145 – Arrêt précité note 83, notamment point 48. J’observe, à titre incident, que la Commission elle-même semble parfois admettre la possibilité d’une réduction de l’amende lorsqu’elle parvient à la conclusion que la durée d’une procédure administrative menée par ses services était excessive (voir, à cet égard, arrêts précités FEG et Technische Unie/Commission, points 9 respectifs).


    146 – Voir, à cet égard, ci-dessus points 104 et 105 des présentes conclusions.


    147 – Voir, en ce sens, arrêt Baustahlgewebe/Commission (précité note 83, notamment point 141).


    148 – Ibidem, points 48 et 142.


    149 – À l’avenir, article 31 du règlement n° 1/2003.


    150 – Voir ci-dessus, point 80 des présentes conclusions.


    151 – Voir ci-dessus, en particulier points 81 à 84 des présentes conclusions.


    152 – Voir, à cet égard, le récapitulatif chronologique au point 11 des présentes conclusions.


    153 – Voir ci-dessus, points 147 à 151 des présentes conclusions.


    154 – Puisque le français était langue de procédure, les mémoires de toutes les parties à la procédure ont été rédigés dans la langue dans laquelle l’arrêt attaqué a été délibéré. Un besoin négligeable de traduction n’a existé qu’au moment de l’introduction du recours, aux fins de sa publication au Journal officiel des Communautés européennes (voir article 24, paragraphe 6, du règlement de procédure du Tribunal). Le besoin de traduction à la fin de la procédure de première instance aux fins de la publication de l’arrêt attaqué n’a pas empêché le Tribunal de rendre l’arrêt dans la langue de procédure et de le notifier dès la fin du délibéré.


    155 – Points 40 à 50 de l’arrêt attaqué.


    156 – Le 19 décembre 2003, le Tribunal a invité la Commission à produire une liste énumérative détaillée de l’ensemble des documents composant le dossier; le 14 avril 2005, Solvay a consulté au greffe du Tribunal les documents du dossier communiqués au Tribunal par la Commission (points 40 et 50 de l’arrêt attaqué). Si l’on tient compte du temps qui s’est écoulé jusqu’au dépôt des observations de la Commission, le 17 novembre 2005, quant à l’utilité des documents concernés à la défense de Solvay, le délai atteint près de deux ans.


    157 – La Commission a déposé ses observations le 17 novembre 2005, tandis que la procédure orale a été ouverte en mai 2008 (points 51 et 55 de l’arrêt attaqué).


    158 – À titre de comparaison: dans les affaires Baustahlgewebe, où onze affaires connexes avaient été jointes par le Tribunal aux fins de la procédure orale, la Cour a retenu une violation du principe de la durée raisonnable parce que, dans la procédure en première instance, un délai de 32 mois s’était écoulé entre la fin de la procédure écrite et la décision d’ouvrir la procédure orale, ainsi qu’un délai de 22 mois entre la clôture de la procédure orale et le prononcé de l’arrêt (arrêt Baustahlgewebe/Commission, précité note 83, points 45 et 46).


    159 – Voir, en ce sens, point 88 de mes conclusions du 4 mars 2010 dans l’affaire Gogos/Commission (précitée note 92).


    160 – Cour eur. D. H., arrêt Pedersen et Baadsgaard du 17 décembre 2004, [GC] Recueil des arrêts et décisions 2004-XI, § 44; dans le même sens, voir antérieurement déjà, arrêts Ringeisen du 16 juillet 1971, série A n° 13, § 110, et Hozee du 22 mai 1998, Recueil des arrêts et décisions 1998-III, § 43.


    161 – Arrêt PVC II (précité note 38, point 182); voir, plus généralement, mes conclusions du 8 décembre 2005 dans les affaires FEG (précitée note 83), points 108 à 112, et Technische Unie/Commission (précitée note 83), points 100 à 104.


    162 – Cour eur. D. H., arrêts König du 28 juin 1978, requête n° 6232/73, série A n° 27, § 98, et Eckle du 15 juillet 1982, précité note 89, § 76.


    163 – Le délai de prescription est de cinq ans et court à compter du jour où l’infraction a pris fin. Il est interrompu par tout acte visant à l’instruction ou à la poursuite de l’infraction. La prescription est acquise au plus tard le jour où un délai égal au double du délai de prescription arrive à expiration, sans que la Commission ait prononcé une amende ou sanction. La prescription en matière de poursuites est toutefois suspendue aussi longtemps que la décision de la Commission fait l’objet d’une procédure pendante devant la Cour de justice de l’Union européenne. Voir, pour davantage de détails, articles 1er à 3 du règlement (CEE) nº 2988/74 du Conseil, du 26 novembre 1974, relatif à la prescription en matière de poursuites et d’exécution dans les domaines du droit des transports et de la concurrence de la Communauté économique européenne (JO L 319, p. 1), et à l’avenir article 25 du règlement nº 1/2003. L’avocat général Bot a abordé différentes questions liées à la prescription et à son éventuelle suspension durant une procédure juridictionnelle dans ses conclusions dans les affaires ArcelorMittal Luxembourg/Commission et Commission/ArcelorMittal Luxembourg e.a. (précitée note 144), notamment points 66 à 81 et 245 à 251, et ThyssenKrupp Nirosta/Commission (précitée note 144), notamment points 177 à 212.


    164 – Voir mes conclusions du 8 décembre 2005 dans les affaires FEG (précitée note 83), point 111, et Technische Unie/Commission (précitée note 83), point 103.


    165 – Arrêt précité note 83, points 48 et 142.


    166 – Ibidem, points 141 et 142.


    167 – Cour eur. D. H., arrêts Dželili (précité note 99, § 103) et Ommer (précité note 98, § 50).


    168 – Voir ci-dessus, points 147 à 151 et point 179 des présentes conclusions.


    169 – Voir ci-dessus, points 180 à 184 des présentes conclusions.


    170 – Voir ci-dessus, points 186 et 187 des présentes conclusions.


    171 – Voir, en ce sens, Cour eur. D. H., arrêt Eckle du 21 juin 1983 (article 50) (précité note 100, § 24).


    172 – Point 62 des motifs de la décision litigieuse. Le Tribunal a confirmé la qualification de «grave» retenue par la Commission à l’égard de la participation de Solvay à l’entente (points 276 et 286 de l’arrêt attaqué). Solvay n’a pas contesté cette partie de l’arrêt attaqué dans son pourvoi.


    173 – Voir, à cet égard, ci-dessus, notamment points 135 et 163 des présentes conclusions.

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