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Document 62009CJ0053

    Arrêt de la Cour (deuxième chambre) du 7 octobre 2010.
    Commissioners for Her Majesty’s Revenue and Customs contre Loyalty Management UK Ltd (C-53/09) et Baxi Group Ltd (C-55/09).
    Demande de décision préjudicielle: House of Lords - Royaume-Uni.
    Sixième directive TVA - Base d’imposition - Système de promotion de ventes - Programme de fidélisation permettant aux clients de recevoir des points auprès de commerçants et de les échanger contre des cadeaux de fidélité - Paiements effectués par le gestionnaire du programme aux fournisseurs livrant les cadeaux de fidélité - Paiements effectués par le commerçant au gestionnaire du programme livrant les cadeaux de fidélité.
    Affaires jointes C-53/09 et C-55/09.

    Recueil de jurisprudence 2010 I-09187

    Identifiant ECLI: ECLI:EU:C:2010:590

    Affaires jointes C-53/09 et C-55/09

    Commissioners for Her Majesty’s Revenue and Customs

    contre

    Loyalty Management UK Ltd
    et
    Baxi Group Ltd

    (demandes de décision préjudicielle, introduites par la House of Lords)

    «Sixième directive TVA — Base d’imposition — Système de promotion de ventes — Programme de fidélisation permettant aux clients de recevoir des points auprès de commerçants et de les échanger contre des cadeaux de fidélité — Paiements effectués par le gestionnaire du programme aux fournisseurs livrant les cadeaux de fidélité — Paiements effectués par le commerçant au gestionnaire du programme livrant les cadeaux de fidélité»

    Sommaire de l'arrêt

    1.        Dispositions fiscales — Harmonisation des législations — Taxes sur le chiffre d'affaires — Système commun de taxe sur la valeur ajoutée — Base d'imposition — Déduction de la taxe payée en amont — Taxe due ou acquittée pour les biens livrés et pour les services rendus à l'assujetti

    (Directive du Conseil 77/388, art. 5, 6, 11, A, § 1, a), et 17, § 2)

    2.        Dispositions fiscales — Harmonisation des législations — Taxes sur le chiffre d'affaires — Système commun de taxe sur la valeur ajoutée — Base d'imposition — Déduction de la taxe payée en amont — Taxe due ou acquittée pour les biens livrés et pour les services rendus à l'assujetti

    (Directive du Conseil 77/388, art. 5, 6, 11, A, § 1, a), et 17, § 2)

    1.        Dans le cadre d’un programme de fidélisation des clients, dans lequel le gestionnaire du programme conclut des contrats avec des fournisseurs de cadeaux de fidélité, en vertu desquels, lorsque ces fournisseurs livrent des cadeaux de fidélité aux clients de commerçants, en échange de points, le gestionnaire leur paie une valeur convenue pour ces points, les articles 5, 6, 11, A, paragraphe 1, sous a), ainsi que 17, paragraphe 2, dans sa rédaction résultant de l’article 28 septies, point 1, de la sixième directive 77/388, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires, telle que modifiée par la directive 95/7, doivent être interprétés en ce sens que des paiements effectués par le gestionnaire du programme en cause aux fournisseurs qui livrent des cadeaux de fidélité aux clients doivent être considérés comme la contrepartie, versée par un tiers, d’une livraison de biens à ces clients ou, le cas échéant, d’une prestation de services fournie à ceux-ci. Il appartient cependant au juge national de vérifier si ces paiements englobent également la contrepartie d’une prestation de services correspondant à une prestation distincte.

    En effet, si ce programme de fidélisation est conçu pour inciter les clients à effectuer leurs achats auprès de certains commerçants et si, à cette fin, le gestionnaire fournit un certain nombre de services liés à la gestion dudit programme, la réalité économique consiste néanmoins en ce que, dans le cadre de ce programme, des cadeaux de fidélité, qui peuvent être constitués tant par des biens que par des prestations de services, sont livrés par le fournisseur aux clients. Par ailleurs, une telle transaction, consistant dans la livraison de cadeaux de fidélité, est soumise à la taxe sur la valeur ajoutée dès lors qu'elle est effectuée à titre onéreux à l'intérieur du pays par un assujetti agissant en tant que tel. Certes, la vente de biens et les prestations de services donnant lieu à l'attribution des points aux clients, d'une part, et la transmission des cadeaux de fidélité en échange de ces points, d'autre part, constituent deux transactions distinctes. Cependant, la sixième directive n'exige pas, pour qu'une livraison de biens ou une prestation de services ait été effectuée à titre onéreux, au sens de l'article 2, point 1, de celle-ci, que la contrepartie de cette livraison ou de cette prestation soit obtenue directement de la part du destinataire de celle-ci. En effet, l'article 11, A, paragraphe 1, sous a) de cette directive prévoit que la contrepartie puisse être obtenue d'un tiers. À cet égard, dès lors que l'échange de points par les clients auprès des fournisseurs donne lieu au versement d'un paiement par le gestionnaire du programme de fidélité à ces derniers, et que ce paiement se calcule en additionnant les commissions dues par le gestionnaire, qui représentent un montant fixe pour chaque point échangé contre une partie, ou la totalité, du prix du cadeau de fidélité, ce paiement correspond à la contrepartie de la livraison des cadeaux de fidélité.

    (cf. points 41-43, 47, 55-57, 65 et disp.)

    2.        Dans le cadre d’un programme de fidélisation des clients, dans lequel le gestionnaire du programme, qui s'approvisionne en cadeaux de fidélité et en est ainsi propriétaire, commercialise ledit programme et distribue ces cadeaux aux clients de commerçants sponsors en échange de points de fidélité, les articles 5, 6, 11, A, paragraphe 1, sous a), ainsi que 17, paragraphe 2, dans sa rédaction résultant de l’article 28 septies, point 1, de la sixième directive 77/388, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires, telle que modifiée par la directive 95/7, doivent être interprétés en ce sens que des paiements effectués par un sponsor au gestionnaire dudit programme qui livre des cadeaux de fidélité aux clients doivent être considérés comme étant, en partie, la contrepartie, versée par un tiers, d’une livraison de biens à ces clients et, en partie, la contrepartie d’une prestation de services effectuée par le gestionnaire de ce programme au profit de ce sponsor.

    En effet, si ce programme de fidélisation est conçu pour inciter les clients à effectuer leurs achats auprès de certains commerçants et si, à cette fin, le gestionnaire fournit un certain nombre de services liés à la gestion dudit programme, la réalité économique consiste néanmoins en ce que, dans le cadre de ce programme, des cadeaux de fidélité, qui sont constitués par des biens, sont livrés par le gestionnaire aux clients. Par ailleurs, une telle transaction, consistant dans la livraison de cadeaux de fidélité, est soumise à la taxe sur la valeur ajoutée, dès lors qu'elle est effectuée à titre onéreux à l'intérieur du pays par un assujetti agissant en tant que tel. Certes, la vente de biens et les prestations de services donnant lieu à l'attribution des points aux clients, d'une part, et la transmission des cadeaux de fidélité en échange de ces points, d'autre part, constituent deux transactions distinctes. Cependant, la sixième directive n'exige pas, pour qu'une livraison de biens ou une prestation de services ait été effectuée à titre onéreux, au sens de l'article 2, point 1, de celle-ci, que la contrepartie de cette livraison ou de cette prestation soit obtenue directement de la part du destinataire de celle-ci. En effet, l'article 11, A, paragraphe 1, sous a), de cette directive prévoit que la contrepartie puisse être obtenue d'un tiers. À cet égard, dès lors que les cadeaux de fidélité sont facturés par le gestionnaire du programme au sponsor au prix de vente au détail majoré des frais d'expédition applicables au lieu de la commande où la propriété est transférée et l'échange de points effectué, déduction faite de la marge du gestionnaire consistant en la différence entre le prix de vente au détail des cadeaux de fidélité et le prix d'acquisition auquel le gestionnaire se procure ces cadeaux, le paiement par le sponsor au gestionnaire constitue la contrepartie de la livraison desdits cadeaux.

    Cependant, dès lors que les paiements effectués par le sponsor au gestionnaire correspondent au montant du prix de vente au détail des cadeaux de fidélité majoré des frais d’emballage et d’expédition et que, ainsi, le gestionnaire obtient une marge constituée par la différence entre le montant du prix de vente au détail des cadeaux de fidélité et le montant du prix d’acquisition auquel le gestionnaire se procure ces cadeaux le paiement peut être divisé en deux parties, chacune correspondant à une prestation distincte. Par suite, le montant du prix d’acquisition constitue la contrepartie de la livraison de cadeaux de fidélité aux clients, tandis que la différence entre le montant du prix de vente au détail, payé par le sponsor, et le montant du prix d’acquisition versé par le gestionnaire pour se procurer des cadeaux de fidélité, à savoir la marge, constitue la contrepartie des services que le gestionnaire du programme fournit au sponsor.

    (cf. points 22, 41-43, 48, 55-56, 58, 61-63, 65 et disp.)







    ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

    7 octobre 2010 (*)

    «Sixième directive TVA – Base d’imposition – Système de promotion de ventes – Programme de fidélisation permettant aux clients de recevoir des points auprès de commerçants et de les échanger contre des cadeaux de fidélité – Paiements effectués par le gestionnaire du programme aux fournisseurs livrant les cadeaux de fidélité – Paiements effectués par le commerçant au gestionnaire du programme livrant les cadeaux de fidélité»

    Dans les affaires jointes C‑53/09 et C‑55/09,

    ayant pour objet des demandes de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduites par la House of Lords (Royaume-Uni), par décisions du 15 décembre 2008, parvenues à la Cour respectivement les 6 et 9 février 2009, dans les procédures

    Commissioners for Her Majesty’s Revenue and Customs

    contre

    Loyalty Management UK Ltd (C-53/09),

    Baxi Group Ltd (C-55/09),

    LA COUR (deuxième chambre),

    composée de M. J. N. Cunha Rodrigues, président de chambre, MM. A. Arabadjiev, A. Rosas (rapporteur), U. Lõhmus et Mme P. Lindh, juges,

    avocat général: M. P. Mengozzi,

    greffier: Mme L. Hewlett, administrateur principal,

    vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 21 janvier 2010,

    considérant les observations présentées:

    –        pour Loyalty Management UK Ltd, par M. G. Sinfield, solicitor, et M. D. Milne, QC,

    –        pour Baxi Group Ltd, par M. B. Cooper, solicitor, et M. D. Scorey, barrister,

    –        pour le gouvernement du Royaume-Uni, par MM. L. Seeboruth et S. Hathaway, en qualité d’agents, assistés de M. R. Hill, barrister,

    –        pour le gouvernement hellénique, par MM. K. Georgiadis et I. Bakopoulos ainsi que par Mme M. Tassopoulou, en qualité d’agents,

    –        pour la Commission européenne, par Mme M. Afonso et M. R. Lyal, en qualité d’agents,

    vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

    rend le présent

    Arrêt

    1        Les demandes de décision préjudicielle portent sur l’interprétation des articles 5, 6, 11, A, paragraphe 1, sous a), ainsi que 17, paragraphe 2, dans sa rédaction résultant de l’article 28 septies, point 1, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1), telle que modifiée par la directive 95/7/CE du Conseil, du 10 avril 1995 (JO L 102, p. 18, ci-après la «sixième directive»).

    2        Ces demandes ont été présentées dans le cadre de deux litiges opposant les Commissioners for Her Majesty’s Revenue and Customs (ci-après les «Commissioners») à Loyalty Management UK Ltd (ci-après «LMUK») (affaire C-53/09) et à Baxi Group Ltd (ci-après «Baxi») (affaire C-55/09) au sujet de la qualification, en matière de taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA»), de la contrepartie des paiements, respectivement, par le gestionnaire du programme de fidélisation aux fournisseurs qui livrent les cadeaux de fidélité aux clients et par le commerçant au gestionnaire du programme de fidélisation livrant de tels cadeaux.

     Le cadre juridique

     Le droit de l’Union

    3        En vertu de l’article 2, point 1, de la sixième directive, les livraisons de biens et les prestations de services, effectuées à titre onéreux à l’intérieur du pays par un assujetti agissant en tant que tel sont soumises à la TVA.

    4        Aux termes de l’article 5 de cette directive:

    «1.      Est considéré comme ‘livraison d’un bien’ le transfert du pouvoir de disposer d’un bien corporel comme un propriétaire.

    […]

    6.      Est assimilé à une livraison effectuée à titre onéreux le prélèvement par un assujetti d’un bien de son entreprise pour ses besoins privés ou ceux de son personnel ou qu’il transmet à titre gratuit ou, plus généralement, qu’il affecte à des fins étrangères à son entreprise, lorsque ce bien ou les éléments le composant ont ouvert droit à une déduction complète ou partielle de la [TVA]. Toutefois, ne sont pas visés les prélèvements effectués pour les besoins de l’entreprise pour donner des cadeaux de faible valeur et des échantillons.»

    5        L’article 6 de ladite directive dispose:

    «1.      Est considérée comme ‘prestation de services’ toute opération qui ne constitue pas une livraison d’un bien au sens de l’article 5.

    […]

    2.      Sont assimilées à des prestations de services effectuées à titre onéreux:

    […]

    b)      les prestations de services à titre gratuit effectuées par l’assujetti pour ses besoins privés ou pour ceux de son personnel ou, plus généralement, à des fins étrangères à son entreprise.

    […]»

    6        L’article 11, A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive prévoit:

    «A. À l’intérieur du pays

    1.      La base d’imposition est constituée:

    a)      pour les livraisons de biens et les prestations de services autres que celles visées sous b), c) et d), par tout ce qui constitue la contrepartie obtenue ou à obtenir par le fournisseur ou le prestataire pour ces opérations de la part de l’acheteur, du preneur ou d’un tiers, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations».

    7        Aux termes de l’article 17, paragraphe 2, dans sa rédaction résultant de l’article 28 septies, point 1, de cette directive:

    «Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, l’assujetti est autorisé à déduire de la taxe dont il est redevable:

    a)      la [TVA] due ou acquittée à l’intérieur du pays pour les biens qui lui sont ou lui seront livrés et pour les services qui lui sont ou lui seront rendus par un autre assujetti;

    b)      la [TVA] due ou acquittée pour les biens importés à l’intérieur du pays;

    c)      la [TVA] due conformément à l’article 5 paragraphe 7 point a), à l’article 6 paragraphe 3 et à l’article 28 bis paragraphe 6.»

    8        Les articles 14, 16, 24, 26, 73, 74 et 168 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO L 347, p. 1), reprennent en substance les libellés des articles 5, 6, 11, A, paragraphe 1, sous a), ainsi que 17, paragraphe 2, dans sa rédaction résultant de l’article 28 septies, point 1, de la sixième directive.

     Le droit national

    9        Il ressort du dossier transmis à la Cour que les dispositions pertinentes du droit national sont les articles 2, 5, 19, 24, 25 et 26 de la loi de 1994 sur la TVA (Value Added Tax Act 1994), ainsi que les annexes 4, paragraphes 1 à 5, et 6, paragraphe 6, de celle-ci. Ces dispositions reprennent les articles analogues figurant dans la sixième directive.

     Les litiges au principal et les questions préjudicielles

     Affaire C-53/09

    10      LMUK gère un programme de fidélisation des clients. Dans le cadre de ce programme, les clients reçoivent des points qu’ils peuvent échanger contre des cadeaux de fidélité constitués par des biens ou des services, lorsqu’ils achètent des quantités importantes de biens ou de services auprès des détaillants participant audit programme. Il existe quatre acteurs dans ce même programme, à savoir les sponsors, en l’occurrence les détaillants cherchant à inciter les clients à acheter davantage chez eux, les clients, le gestionnaire du programme concerné, en l’occurrence LMUK, et les fournisseurs, en l’occurrence les sociétés fournissant des cadeaux de fidélité aux clients en échange des points.

    11      Les sponsors attribuent des points aux clients pour chaque achat en fonction de la somme dépensée. Lorsque le client accumule un nombre suffisant de points, il peut recevoir un cadeau de fidélité en échange de ses points, soit à titre gratuit, soit à prix réduit. Les cadeaux de fidélité sont procurés par les fournisseurs.

    12      Dans le cadre de ce système, les sponsors versent à LMUK une somme déterminée pour chaque point émis. Ils paient également une redevance annuelle pour la commercialisation, le développement et la promotion du programme en cause. Les fournisseurs reçoivent une somme fixe de la part de LMUK pour chaque point échangé, nommée «commission de service».

    13      Les fournisseurs établissent à l’intention de LMUK une facture incluant la TVA sur ladite commission. Lorsque LMUK a cherché à déduire cette TVA en amont, les Commissioners ont décidé que la taxe acquittée constituait une taxe sur une commission qui représente un paiement en contrepartie d’opérations effectuées par les fournisseurs, non au profit de LMUK, mais au profit des clients, bien que ces opérations soient payées, en tout ou en partie, par LMUK. Les Commissioners ont ainsi considéré que la commission en cause était la contrepartie versée par un tiers en échange de la fourniture de cadeaux de fidélité aux clients et que, par conséquent, LMUK n’avait pas le droit de déduire la taxe payée en amont sur cette commission.

    14      LMUK a formé un recours contre cette décision devant le VAT and Duties Tribunal. Ladite juridiction a considéré que les livraisons de biens aux clients effectuées par les fournisseurs en échange de points devaient être considérées comme des prestations de services fournies à LMUK.

    15      Les Commissioners ont introduit un recours contre ce jugement devant la High Court of Justice (England & Wales). Cette juridiction, en réformant le jugement du VAT and Duties Tribunal, a conclu que les fournisseurs livraient les cadeaux de fidélité aux clients et que la commission en cause était la contrepartie versée par un tiers, en l’occurrence par LMUK, en échange de ladite livraison. Les Commissioners ont également soulevé un «argument subsidiaire» devant la High Court of Justice (England & Wales), portant sur le cas dans lequel les récompenses consistaient en des biens et selon lequel, si les fournisseurs livraient de tels biens à LMUK, il en découlait que LMUK était redevable de la taxe en aval sur la livraison ultérieure présumée de ces mêmes biens aux clients en application de l’article 5, paragraphe 6, de la sixième directive. La High Court of Justice (England & Wales) a tranché en faveur des Commissioners sur l’argument subsidiaire.

    16      LMUK a saisi la Court of Appeal (England & Wales) qui a réformé le jugement de la High Court of Justice (England & Wales). La Court of Appeal (England & Wales) a considéré que LMUK payait la commission aux fournisseurs à titre de contrepartie de la prestation de service fournie par ceux-ci à LMUK. En conséquence, LMUK était autorisée à déduire la TVA ayant grevé cette commission.

    17      Saisie d’un pourvoi des Commissioners, la House of Lords a conclu qu’une décision de la Cour sur l’interprétation de la directive 2006/112, anciennement la sixième directive, était nécessaire en vue de statuer sur le litige dont elle est saisie.

    18      Dans ces conditions, la House of Lords a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

    «Dans le cas dans lequel un assujetti (ci-après le ‘promoteur’) exerce une activité commerciale consistant à gérer un programme multienseignes de fidélisation des clients [...] en vertu duquel le promoteur conclut les divers contrats suivants:

    a)      des contrats avec diverses sociétés appelées ‘sponsors’ prévoyant que les sponsors attribuent des ‘points’ aux clients [...] qui leur achètent des biens ou des services et que les sponsors effectuent des paiements au promoteur;

    b)      des contrats avec les [clients] qui prévoient que, lorsque ceux-ci achètent des biens et/ou des services aux sponsors, ils reçoivent des points qu’ils peuvent échanger contre des biens et/ou des services, et

    c)      des contrats avec diverses sociétés (dénommées ‘fournisseurs’) selon lesquels les fournisseurs acceptent, notamment, de fournir des biens et/ou des services aux [clients] à un prix inférieur à celui qui serait normalement dû ou à titre gratuit, lorsque le [client] échange ses points et, en retour, le promoteur paie une ‘commission de service’ qui est calculée en fonction du nombre de points échangés auprès de ce fournisseur pendant la période considérée.

    1)      Comment faut-il interpréter les articles 14, 24 et 73 de la directive 2006/112 […] (anciennement articles 5, 6 et 11, A, paragraphe 1, sous a), de la [sixième directive]) lorsque des paiements sont effectués par le promoteur aux fournisseurs?

    2)      En particulier, ces dispositions doivent-elles s’interpréter de sorte que les paiements du type de ceux qui sont effectués par le promoteur aux fournisseurs doivent être considérés comme:

    a)      la contrepartie seulement de la prestation de services effectuée par les fournisseurs au profit du promoteur, ou

    b)      la contrepartie seulement de la livraison de biens et/ou de la prestation de services effectuée par les fournisseurs au profit [des clients], ou

    c)      la contrepartie, pour partie, de la prestation de services effectuée par les fournisseurs au profit du promoteur et, pour partie, de la livraison de biens par les fournisseurs aux [clients] et/ou de la prestation de services effectuée par les fournisseurs au profit [de ceux-ci]?

    3)      Si la réponse à la deuxième question est c), de sorte que la commission de service est la contrepartie de deux opérations effectuées par les fournisseurs, l’une au profit du promoteur et l’autre au profit des [clients], quels sont les critères fixés par le droit communautaire afin de déterminer comment une commission telle que la commission de service doit être ventilée entre ces deux opérations?»

     Affaire C-55/09

    19      Baxi fait partie d’un groupe de sociétés qui fabriquent des chaudières et d’autres produits de chauffage similaires. Ce groupe de sociétés a mis en place un programme de fidélisation des clients, en l’occurrence les installateurs de chaudières, destiné à inciter ceux-ci à acheter ses produits. Au sens des termes figurant au point 10 du présent arrêt, Baxi agit en tant que sponsor dans le cadre de ce programme.

    20      Les clients prenant part audit programme reçoivent des points qu’ils peuvent échanger contre des cadeaux de fidélité, constitués par des biens ou des services, lorsqu’ils achètent des produits de Baxi. Il convient cependant de signaler qu’il ressort de la décision de renvoi que le litige au principal ne concerne que des cadeaux de fidélité sous forme de biens.

    21      Baxi a sous-traité la gestion du programme de fidélisation en cause à @1 Ltd (ci-après «@1»). Selon les conditions générales de ce programme, les clients sont en relation contractuelle avec Baxi.

    22      La gestion du programme de fidélisation en cause par @1 comprend notamment la commercialisation de celui-ci auprès des clients par l’intermédiaire de catalogues et d’Internet, le traitement des demandes d’inscription, la gestion des comptes des clients, le choix, l’achat et la livraison des cadeaux de fidélité ainsi que l’assistance téléphonique des clients.

    23      Une différence importante entre ce programme et celui en cause dans l’affaire C‑53/09 réside ainsi dans le fait que @1 choisit et achète les cadeaux de fidélité et les fournit aux clients. Cette société agit, par conséquent, à la fois en tant que gestionnaire du programme de fidélisation des clients et en tant que fournisseur. Les cadeaux de fidélité sont fournis uniquement en échange de points. Il n’est pas possible de recevoir un cadeau de fidélité sous forme d’achat à prix réduit. Baxi paie à @1 le prix de vente au détail des cadeaux de fidélité ainsi que certains frais pour des services spécifiques.

    24      Baxi a demandé de déduire la TVA sur les montants qu’elle a payés à @1. Les Commissioners ont considéré que le montant du prix de vente au détail des articles payés par Baxi à @1 se composait de deux parties. Une partie dudit montant constituait la contrepartie des prestations de services fournies par @1 à Baxi, pour lesquelles elle avait le droit de déduire la TVA facturée par @1. L’autre partie constituait la contrepartie des livraisons de biens par @1 aux clients, obtenue de la part d’un tiers, pour laquelle Baxi ne pouvait pas déduire cette taxe.

    25      Baxi a formé un recours contre cette décision devant le VAT and Duties Tribunal. Cette juridiction a rejeté la demande de Baxi en jugeant que @1 livrait les cadeaux de fidélité à Baxi, qui les livrait ensuite aux clients sans contrepartie. Baxi pouvait par conséquent déduire la TVA acquittée en amont sur la livraison des biens dont elle bénéficiait, mais elle était obligée de déclarer la TVA perçue en aval sur la transmission ultérieure des biens aux clients.

    26      Baxi a introduit un recours contre ce jugement devant la High Court of Justice (England & Wales), qui a jugé que @1 avait livré les cadeaux de fidélité aux clients et non pas à Baxi, mais que @1 avait également fourni une prestation de services à Baxi comprenant notamment la livraison des biens aux clients. Le prix payé par Baxi constituait la contrepartie de la prestation de ce service et elle était donc en droit de traiter toute la TVA facturée par @1 comme une taxe acquittée en amont.

    27      Les Commissioners ont saisi la Court of Appeal (England & Wales) qui a jugé que Baxi était en droit de récupérer la TVA sur l’intégralité de son paiement à @1. Selon elle, Baxi devait être considérée comme ayant effectué l’intégralité du paiement en échange du service qui lui était fourni par @1 et qui consistait, en partie, en la livraison des articles aux clients, faisant ainsi la promotion de Baxi, fidélisant les clients et déchargeant celle-ci de ses obligations vis-à-vis des clients au titre du programme de fidélisation.

    28      Saisie d’un pourvoi des Commissioners, la House of Lords a conclu qu’une décision de la Cour sur l’interprétation de la directive 2006/112, anciennement la sixième directive, était nécessaire en vue de statuer sur le litige dont elle est saisie.

    29      Dans ces conditions, la House of Lords a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions suivantes:

    «Dans le cas dans lequel

    a)      un assujetti dirige un programme de promotion de ses activités qui est géré par une société de publicité et de marketing et en vertu duquel des ‘points’ sont attribués aux clients de l’assujetti, en fonction de l’achat de biens par ces clients à ce dernier;

    b)      les clients échangent les points contre des cadeaux de fidélité reçus de la société de publicité et de marketing sans paiement en argent;

    c)      l’assujetti a convenu avec ladite société de lui payer le prix de vente au détail des cadeaux de fidélité.

    1)      Comment faut-il interpréter les articles 14, 24, 73 et 168 de la directive 2006/112[…] (anciennement les articles 5, 6, 11, A, paragraphe 1, sous a), et 17, paragraphe 2, [dans sa rédaction résultant de l’article 28 septies, point 1,] de la [sixième directive]) quant aux paiements de l’assujetti à l’autre société?

    2)      En particulier, ces dispositions doivent-elles s’interpréter de sorte que les paiements de l’assujetti à l’autre société soient considérés:

    a)      seulement comme la contrepartie de la prestation de services fournie par l’autre société à l’assujetti;

    b)      seulement comme la contrepartie obtenue de la part d’un tiers pour la livraison de biens par l’autre société aux clients;

    c)      comme la contrepartie, pour partie, de la prestation de services fournie par l’autre société à l’assujetti et, pour partie, de la livraison de biens par l’autre société aux clients, ou

    d)      comme la contrepartie à la fois de la prestation de services de publicité et de marketing fournie par l’autre société à l’assujetti et de la livraison de cadeaux de fidélité par cette autre société à cet assujetti?

    3)      Si la réponse à la deuxième question est telle que ces paiements doivent être considérés, pour partie, comme la contrepartie de la prestation de services fournie par l’autre société à l’assujetti et, pour partie, comme la contrepartie obtenue par l’autre société de la part d’un tiers, à savoir l’assujetti, pour la livraison de biens par l’autre société aux clients, quels sont les critères fixés par le droit communautaire afin de déterminer comment le paiement doit être ventilé entre ces deux opérations?»

    30      Par ordonnance du président de la Cour du 11 mars 2009, les affaires C‑53/09 et C‑55/09 ont été jointes aux fins des procédures écrite et orale ainsi que de l’arrêt.

     Observations liminaires

    31      La juridiction nationale se référant dans les décisions de renvoi tant à la sixième directive qu’à la directive 2006/112, il y a lieu de relever que cette dernière a été adoptée le 28 novembre 2006 et que sa date d’entrée en vigueur, à savoir le 1er janvier 2007, est postérieure aux faits au principal. Ainsi, il convient de répondre aux questions posées uniquement sur le fondement de la sixième directive.

    32      Il convient également de constater, concernant l’affaire C-53/09, que ni les questions posées par le juge de renvoi ni le débat devant la Cour n’ont porté sur les relations entre les sponsors et le gestionnaire du programme de fidélité, à savoir LMUK. Par conséquent, l’appréciation de la Cour se limite aux questions telles que posées par le juge de renvoi.

     Sur les questions préjudicielles

    33      Par ses questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande en substance si, dans le cadre d’un programme de fidélisation des clients tel que celui en cause dans les affaires au principal:

    –        des paiements effectués par le gestionnaire du programme en cause aux fournisseurs qui livrent des cadeaux de fidélité aux clients doivent être considérés, dans l’affaire C-53/09, comme la contrepartie, versée par un tiers, d’une livraison de biens à ces clients, et/ou, le cas échéant, d’une prestation de services effectuée par ces fournisseurs au profit desdits clients, et/ou comme la contrepartie d’une prestation de services effectuée par lesdits fournisseurs au profit du gestionnaire de ce programme, et

    –        des paiements effectués par le sponsor au gestionnaire du programme en cause qui livre des cadeaux de fidélité aux clients doivent être considérés, dans l’affaire C-55/09, comme la contrepartie, versée par un tiers, d’une livraison de biens effectuée par le gestionnaire de ce programme à ces clients et/ou comme la contrepartie d’une prestation de services effectuée par ce gestionnaire au profit de ce sponsor.

     Observations soumises à la Cour

    34      Dans le cadre de l’affaire C-53/09, LMUK fait valoir que les paiements qu’elle a effectués aux fournisseurs constituent la contrepartie des services que les fournisseurs lui ont rendus. Lesdits services consisteraient en diverses prestations contractuelles, incluant l’acceptation, par les fournisseurs, de livrer des biens ou des services aux clients à prix réduit ou à titre gratuit.

    35      Dans le cadre de l’affaire C-55/09, Baxi soutient que les paiements qu’elle a effectués à @1 sont la contrepartie des services qui lui ont été rendus par cette dernière. Il s’agirait de différents services de publicité, parmi lesquels figurent la livraison de cadeaux de fidélité aux clients ainsi que la fourniture des informations relatives à la clientèle de Baxi.

    36      Selon les gouvernements du Royaume-Uni et hellénique ainsi que la Commission européenne, les paiements effectués, dans l’affaire C‑53/09, par LMUK aux fournisseurs doivent être considérés comme la contrepartie, versée par un tiers, à savoir LMUK, d’une livraison de biens effectuée par les fournisseurs aux clients et/ou, en fonction de la nature du cadeau de fidélité, d’une prestation de services effectuée par ces fournisseurs au profit de ces clients.

    37      Dans l’affaire C-55/09, lesdits gouvernements et la Commission considèrent que les paiements effectués par Baxi à @1 doivent être considérés comme la contrepartie, versée par un tiers, à savoir Baxi, d’une livraison de biens effectuée par @1 aux clients. Néanmoins, le gouvernement du Royaume-Uni et la Commission s’accordent à reconnaître qu’une partie des paiements que Baxi a versés à @1, à savoir la différence entre le prix de vente au détail des cadeaux de fidélité, versé par Baxi à @1, et le prix d’acquisition auquel @1 se procure les cadeaux de fidélité, constitue la contrepartie des services que cette société fournit à Baxi.

     Réponse de la Cour

    38      Il convient de rappeler que le principe du système commun de TVA consiste à appliquer aux biens et aux services, jusqu’au stade du commerce de détail, un impôt général sur la consommation exactement proportionnel au prix des biens et des services, quel que soit le nombre de transactions intervenues dans le processus de production et de distribution antérieur au stade d’imposition (voir, notamment, arrêt du 3 octobre 2006, Banca popolare di Cremona, C-475/03, Rec. p. I-9373, point 21).

    39      Il convient également de rappeler que la prise en compte de la réalité économique constitue un critère fondamental pour l’application du système commun de TVA (voir, d’une part, en ce qui concerne la notion de siège de l’activité économique en matière de TVA, arrêts du 20 février 1997, DFDS, C-260/95, Rec. p. I-1005, point 23, et du 28 juin 2007, Planzer Luxembourg, C-73/06, Rec. p. I-5655, point 43, ainsi que, d’autre part, en ce qui concerne la détermination du destinataire d’une livraison de biens, par analogie, arrêt du 6 février 2003, Auto Lease Holland, C‑185/01, Rec. p. I-1317, points 35 et 36).

    40      À la lumière de ces considérations, il convient, afin de répondre aux questions posées, de déterminer, en premier lieu, la nature des transactions effectuées dans le cadre des programmes de fidélisation en cause dans les affaires au principal.

    41      Il ressort des décisions de renvoi que les programmes de fidélisation en cause ont été conçus pour inciter des clients à effectuer leurs achats auprès de certains commerçants. À cette fin, LMUK, dans l’affaire C‑53/09, et @1, dans l’affaire C‑55/09, fournissent un certain nombre de services liés à la gestion de ces programmes.

    42      La réalité économique consiste néanmoins en ce que, dans le cadre desdits programmes, des cadeaux de fidélité, qui peuvent être constitués tant par des biens que, dans l’affaire C-53/09, par des prestations de services, sont livrés par les fournisseurs aux clients.

    43      Afin de déterminer si cette transaction, consistant dans la livraison de cadeaux de fidélité, est soumise à la TVA, il convient de vérifier si, en vertu de l’article 2, point 1, de la sixième directive, elle constitue une livraison de biens ou une prestation de services effectuée à titre onéreux à l’intérieur du pays par un assujetti agissant en tant que tel.

    44      L’article 5, paragraphe 1, de la sixième directive dispose qu’est considéré comme une livraison d’un bien le transfert du pouvoir de disposer d’un bien corporel comme un propriétaire.

    45      Il résulte du libellé de cette disposition que la notion de livraison d’un bien ne se réfère pas au transfert de propriété dans les formes prévues par le droit national applicable, mais qu’elle inclut toute opération de transfert d’un bien corporel par une partie qui habilite l’autre partie à en disposer en fait comme si elle était le propriétaire de ce bien (voir arrêts du 8 février 1990, Shipping and Forwarding Enterprise Safe, C-320/88, Rec. p. I-285, point 7, et Auto Lease Holland, précité, point 32).

    46      L’article 6, paragraphe 1, de la sixième directive définit la notion de prestation de services comme étant toute opération qui ne constitue pas une livraison d’un bien.

    47      Il ressort de la décision de renvoi dans l’affaire C-53/09 que LMUK conclut des contrats avec les fournisseurs en vertu desquels, lorsque ceux-ci livrent des cadeaux de fidélité aux clients, en échange de points, LMUK leur paie une valeur convenue pour ces points. Ainsi, en vertu du contrat conclu entre LMUK et chaque fournisseur, la condition même pour que les fournisseurs reçoivent le paiement de la part de LMUK est que ceux-ci livrent les cadeaux de fidélité aux clients, cadeaux qui peuvent prendre la forme non seulement de biens corporels mais également de services. En effet, c’est uniquement de cette manière qu’ils peuvent recevoir des points pouvant par la suite donner lieu au paiement effectué par LMUK.

    48      Il ressort également de la décision de renvoi dans l’affaire C-55/09 que @1 s’approvisionne en cadeaux de fidélité et que le stock de ces cadeaux est la propriété de celle-ci. Par conséquent, @1 a non seulement le droit de transférer les cadeaux de fidélité aux clients comme si elle en est propriétaire mais, en réalité, elle en est propriétaire. Il découle également de la décision de renvoi que @1 distribue les cadeaux de fidélité aux clients.

    49      Il convient ainsi de constater que, dans les affaires au principal, les fournisseurs ont livré aux clients des biens, au sens de l’article 5, paragraphe 1, de la sixième directive, et, dans l’affaire C-53/09, leur ont également fourni des services, au sens de l’article 6, paragraphe 1, de ladite directive.

    50      En second lieu, il convient de vérifier si ces opérations ont été effectuées à titre onéreux.

    51      À cet égard, il ressort de la jurisprudence qu’une livraison de biens ou une prestation de services «à titre onéreux», au sens de l’article 2, point 1, de la sixième directive, suppose l’existence d’un lien direct entre le bien livré ou le service rendu et la contre-valeur reçue (voir, notamment, en matière de prestations de services, arrêt du 8 mars 1988, Apple and Pear Development Council, 102/86, Rec. p. 1443, point 12).

    52      Afin de rechercher s’il y a une contrepartie et, dans un tel cas, s’il existe un lien entre cette contrepartie et le bien livré ou le service rendu, il convient de relever que le montant du prix que les clients payent aux sponsors pour des biens ou des services dans l’affaire C-53/09 et à Baxi pour des biens dans l’affaire C-55/09 est le même, que ces clients participent aux programmes de fidélisation ou non.

    53      Dans ce contexte, il convient de rappeler que, dans le cadre d’un programme de fidélisation en vertu duquel une société pétrolière transmettait des biens aux acheteurs d’essence en échange de points que ces acheteurs avaient, en fonction de la quantité d’essence achetée, obtenus en payant le prix au détail à la pompe, la Cour a considéré que la société pétrolière ne pouvait valablement soutenir que le prix payé par les acheteurs d’essence contenait en réalité une partie représentant la valeur des points ou des biens échangés contre ces points car l’acheteur d’essence, qu’il prenne ou non les points, devait payer le même prix au détail (voir, en ce sens, arrêt du 27 avril 1999, Kuwait Petroleum C‑48/97, Rec. p. I-2323, point 31).

    54      En effet, la Cour a constaté que la vente de l’essence donnant lieu à l’attribution de points aux clients, d’une part, et la transmission de biens en échange desdits points, d’autre part, constituaient deux transactions distinctes (voir, en ce sens, arrêt Kuwait Petroleum, précité, point 28).

    55      Il en découle ainsi que, dans les affaires au principal, la vente de biens et les prestations de services donnant lieu à l’attribution de points aux clients, d’une part, et la transmission des cadeaux de fidélité en échange de ces points, d’autre part, constituent deux transactions distinctes.

    56      Cependant, ainsi que le relève le gouvernement du Royaume-Uni, la sixième directive n’exige pas, pour qu’une livraison de biens ou une prestation de services ait été effectuée «à titre onéreux», au sens de l’article 2, point 1, de celle-ci, que la contrepartie de cette livraison ou de cette prestation soit obtenue directement de la part du destinataire de celle-ci. En effet, l’article 11, A, paragraphe 1, sous a), de cette directive prévoit que la contrepartie puisse être obtenue d’un tiers.

    57      À cet égard, il ressort de la décision de renvoi dans l’affaire C-53/09 que l’échange de points par les clients auprès des fournisseurs donne lieu au versement d’un paiement par LMUK à ces derniers. Ce paiement se calcule en additionnant les commissions, qui représentent un montant fixe pour chaque point échangé contre une partie, ou la totalité, du prix du cadeau de fidélité. Dans ce contexte, il convient, ainsi que le soutient le gouvernement du Royaume-Uni, de constater que ce paiement correspond à la contrepartie de la livraison des cadeaux de fidélité.

    58      Dans l’affaire C-55/09, il ressort également de la décision de renvoi que les cadeaux de fidélité sont facturés par @1 à Baxi au prix de vente au détail majoré des frais d’expédition applicables au lieu de la commande où la propriété est transférée et l’échange des points effectué. Ainsi, déduction faite de la marge de @1 consistant en la différence entre le prix de vente au détail des cadeaux de fidélité et le prix d’acquisition auquel @1 se procure ces cadeaux, le paiement par Baxi à @1 constitue la contrepartie de la livraison desdits cadeaux.

    59      Dans l’affaire C-55/09, Baxi fait cependant valoir que la contrepartie du paiement correspond non pas à une livraison de biens, mais à un service de publicité complexe dans le cadre duquel la livraison des cadeaux de fidélité aux clients figure parmi d’autres services.

    60      À cet égard, il ressort de la jurisprudence de la Cour que, lorsqu’une opération est constituée par un faisceau d’éléments et d’actes, il y a lieu de prendre en considération toutes les circonstances dans lesquelles se déroule l’opération en question, aux fins de déterminer, d’une part, si l’on se trouve en présence de deux ou de plusieurs prestations distinctes ou d’une prestation unique et, d’autre part, si, dans ce dernier cas, cette prestation unique doit être qualifiée de livraison de biens ou de prestation de services (voir, en ce sens, arrêt du 29 mars 2007, Aktiebolaget NN, C-111/05, Rec. p. I-2697, point 21 et jurisprudence citée).

    61      Il ressort de la décision de renvoi dans l’affaire C-55/09 que les paiements effectués par Baxi à @1 correspondent au montant du prix de vente au détail des cadeaux de fidélité majoré des frais d’emballage et d’expédition et que, ainsi, @1 obtient une marge constituée par la différence entre le montant du prix de vente au détail des cadeaux de fidélité et le montant du prix d’acquisition auquel celle-ci se procure ces cadeaux.

    62      Ainsi, comme l’admettent d’ailleurs à la fois le gouvernement du Royaume-Uni et la Commission, un paiement tel que celui en cause au principal dans l’affaire C‑55/09 peut être divisé en deux parties et chacune de ces parties correspond à une prestation distincte.

    63      Par suite, le montant du prix d’acquisition constitue la contrepartie de la livraison de cadeaux de fidélité aux clients, tandis que la différence entre le montant du prix de vente au détail, payé par Baxi, et le montant du prix d’acquisition versé par @1 pour se procurer des cadeaux de fidélité, à savoir la marge, constitue la contrepartie des services que @1 fournit à Baxi.

    64      En revanche, dans le cadre de l’affaire C-53/09, LMUK a, dans ses observations écrites et orales, affirmé que les paiements qu’elle verse aux fournisseurs ne sont pas la contrepartie de deux ou de plusieurs prestations distinctes. Il appartient cependant à la juridiction de renvoi de vérifier si tel est le cas.

    65      À la lumière des considérations qui précèdent, il convient de répondre aux questions posées que, dans le cadre d’un programme de fidélisation des clients tel que celui en cause dans les affaires au principal, les articles 5, 6, 11, A, paragraphe 1, sous a), et 17, paragraphe 2, dans sa rédaction résultant de l’article 28 septies, point 1, de la sixième directive doivent être interprétés en ce sens que:

    –        des paiements effectués par le gestionnaire du programme en cause aux fournisseurs qui livrent des cadeaux de fidélité aux clients doivent être considérés, dans l’affaire C-53/09, comme la contrepartie, versée par un tiers, d’une livraison de biens à ces clients ou, le cas échéant, d’une prestation de services fournie à ceux-ci. Il appartient cependant au juge de renvoi de vérifier si ces paiements englobent également la contrepartie d’une prestation de services correspondant à une prestation distincte, et

    –        des paiements effectués par le sponsor au gestionnaire du programme en cause qui livre des cadeaux de fidélité aux clients doivent être considérés, dans l’affaire C-55/09, comme étant, en partie, la contrepartie, versée par un tiers, d’une livraison de biens à ces clients et, en partie, la contrepartie d’une prestation de services effectuée par le gestionnaire de ce programme au profit de ce sponsor.

     Sur les dépens

    66      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

    Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit:

    Dans le cadre d’un programme de fidélisation des clients tel que celui en cause dans les affaires au principal, les articles 5, 6, 11, A, paragraphe 1, sous a), ainsi que 17, paragraphe 2, dans sa rédaction résultant de l’article 28 septies, point 1, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme, telle que modifiée par la directive 95/7/CE du Conseil, du 10 avril 1995, doivent être interprétés en ce sens que:

    –        des paiements effectués par le gestionnaire du programme en cause aux fournisseurs qui livrent des cadeaux de fidélité aux clients doivent être considérés, dans l’affaire C-53/09, comme la contrepartie, versée par un tiers, d’une livraison de biens à ces clients ou, le cas échéant, d’une prestation de services fournie à ceux-ci. Il appartient cependant au juge de renvoi de vérifier si ces paiements englobent également la contrepartie d’une prestation de services correspondant à une prestation distincte, et

    –        des paiements effectués par le sponsor au gestionnaire du programme en cause qui livre des cadeaux de fidélité aux clients doivent être considérés, dans l’affaire C-55/09, comme étant, en partie, la contrepartie, versée par un tiers, d’une livraison de biens à ces clients et, en partie, la contrepartie d’une prestation de services effectuée par le gestionnaire de ce programme au profit de ce sponsor.

    Signatures


    * Langue de procédure: l’anglais.

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