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Document 62009CC0256

    Conclusions de l'avocat général Sharpston présentées le 20 mai 2010.
    Bianca Purrucker contre Guillermo Vallés Pérez.
    Demande de décision préjudicielle: Bundesgerichtshof - Allemagne.
    Coopération judiciaire en matière civile - Compétence, reconnaissance et exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale - Règlement (CE) nº 2201/2003 - Mesures provisoires ou conservatoires - Reconnaissance et exécution.
    Affaire C-256/09.

    Recueil de jurisprudence 2010 I-07353

    Identifiant ECLI: ECLI:EU:C:2010:296

    CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

    MME ELEANOR Sharpston

    présentées le 20 mai 2010 (1)

    Affaire C‑256/09

    Bianca Purrucker

    contre

    Guillermo Vallés Pérez

    [demande de décision préjudicielle formée par le Bundesgerichtshof (Allemagne)]

    «Reconnaissance et exécution des décisions en matière de responsabilité parentale – Mesures provisoires – Droit de garde»





    1.        Des jumeaux, dont l’un se trouve actuellement en Allemagne avec sa mère, tandis que l’autre se trouve en Espagne avec son père, font l’objet d’un litige en matière de garde entre les parents, qui, sans avoir jamais été mariés, ont mis un terme à leur cohabitation. Une juridiction espagnole a adopté une ordonnance provisoire accordant la garde des deux enfants à leur père, qui cherche à obtenir la reconnaissance et l’exécution de cette ordonnance en Allemagne. Le Bundesgerichtshof (Cour suprême fédérale, Allemagne) demande si une telle ordonnance provisoire doit être reconnue et exécutée dans un autre État membre de la même manière qu’une décision de la juridiction compétente accordant définitivement la garde.

     Cadre législatif

    2.        La juridiction de renvoi demande qu’il soit statué sur l’interprétation des articles 2, point 4, 20, 21 et suivants du règlement «Bruxelles II bis» (2). D’autres parties de ce règlement sont, toutefois, également pertinentes.

     Préambule

    3.        Le préambule du règlement contient, entre autres, les considérants suivants:

    «(2)      Le Conseil européen de Tampere a approuvé le principe de la reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires comme pierre angulaire de la création d’un véritable espace judiciaire, et a identifié le droit de visite comme une priorité.

    […]

    (5)      En vue de garantir l’égalité de tous enfants, le présent règlement couvre toutes les décisions en matière de responsabilité parentale, y compris les mesures de protection de l’enfant, indépendamment de tout lien avec une procédure matrimoniale.

    […]

    (12)      Les règles de compétence établies par le présent règlement en matière de responsabilité parentale sont conçues en fonction de l’intérêt supérieur de l’enfant et en particulier du critère de proximité. Ce sont donc en premier lieu les juridictions de l’État membre dans lequel l’enfant a sa résidence habituelle qui devraient être compétentes, sauf dans certains cas de changement de résidence de l’enfant ou suite à un accord conclu entre les titulaires de la responsabilité parentale.

    […]

    (16)      Le présent règlement ne fait pas obstacle à ce que les juridictions d’un État membre adoptent, en cas d’urgence, des mesures provisoires ou conservatoires relatives aux personnes ou aux biens présents dans cet État.

    (17)      En cas de déplacement ou de non-retour illicite d’un enfant, son retour devrait être obtenu sans délai et à ces fins la convention de La Haye du 25 octobre 1980 [(3)] devrait continuer à s’appliquer telle que complétée par les dispositions de ce règlement et en particulier de l’article 11. […]

    […]

    (21)      La reconnaissance et l’exécution des décisions rendues dans un État membre devraient reposer sur le principe de la confiance mutuelle et les motifs de non-reconnaissance devraient être réduits au minimum nécessaire.

    (22)      Les actes authentiques et les accords entre parties qui sont exécutoires dans un État membre devraient être assimilés à des ‘décisions’ aux fins de l’application des règles de reconnaissance et d’exécution.

    […]

    (23)      Le Conseil européen de Tampere a estimé en ses conclusions (point 34) que les décisions rendues dans les litiges relevant du droit familial devaient être ‘automatiquement reconnues dans l’ensemble de l’Union sans procédure intermédiaire ni motifs de refus d’exécution’. C’est pourquoi les décisions concernant le droit de visite et celles concernant le retour de l’enfant, qui ont été certifiées dans l’État membre d’origine conformément aux dispositions du présent règlement, devraient être reconnues et jouissent de la force exécutoire dans tous les autres États membres sans qu’aucune autre procédure ne soit requise. Les modalités relatives à l’exécution de ces décisions restent régies par le droit national.

    (24)      Le certificat délivré aux fins de faciliter l’exécution de la décision ne devrait être susceptible d’aucun recours. Il ne devrait donner lieu à une action en rectification qu’en cas d’erreur matérielle, c’est-à-dire si le certificat ne reflète pas correctement le contenu de la décision.

    […]»

     La structure du règlement

    4.        Le règlement couvre tant le domaine matrimonial que celui de la responsabilité parentale. Certaines de ses dispositions ne sont pertinentes qu’à l’égard de l’un de ces deux domaines, tandis que d’autres sont communes aux deux. J’exposerai ci-après uniquement les dispositions pertinentes au regard des questions de responsabilité parentale soulevées en l’espèce. Il pourrait toutefois être utile de garder à l’esprit la structure globale du règlement.

    5.        Le chapitre I concerne le champ d’application et les définitions, et contient les articles 1er et 2. Le chapitre II est relatif à la compétence et est divisé en trois sections: la section 1 («Divorce, séparation de corps et annulation du mariage») contient les articles 3 à 7; la section 2 («Responsabilité parentale») contient les articles 8 à 15; la section 3 («Dispositions communes») contient les articles 16 à 20. Le chapitre III, sur la reconnaissance et l’exécution, contient six sections: la section 1 («Reconnaissance») contient les articles 21 à 27; la section 2 («Requête en déclaration de la force exécutoire») contient les articles 28 à 36; la section 3 («Dispositions communes aux sections 1 et 2») contient les articles 37 à 39; la section 4 («Force exécutoire de certaines décisions relatives au droit de visite et de certaines décisions ordonnant le retour de l’enfant») contient les articles 40 à 45; la section 5 («Actes authentiques et accords») contient l’article 46; la section 6 («Autres dispositions») contient les articles 47 à 52. Le chapitre IV, sur la coopération entre les autorités centrales en matière de responsabilité parentale, contient les articles 53 à 58. Le chapitre V, sur les relations avec d’autres instruments, contient les articles 59 à 63, tandis que les chapitres VI et VII, qui contiennent respectivement les dispositions transitoires et finales, constituent le reste du texte.

     Champ d’application et définitions

    6.        Conformément à l’article 1er, paragraphes 1, sous b), et 2, sous a), le règlement s’applique, quelle que soit la nature de la juridiction, aux matières civiles relatives à l’attribution, à l’exercice, à la délégation, au retrait total ou partiel de la responsabilité parentale, y compris, notamment, au droit de garde et au droit de visite.

    7.        L’article 2 contient un certain nombre de définitions. On entend notamment par:

    «1)      ‘juridiction’ toutes les autorités compétentes des États membres dans les matières relevant du champ d’application du présent règlement en vertu de l’article 1er;

    […]

    4)      ‘décision’ [notamment] toute décision concernant la responsabilité parentale rendue par une juridiction d’un État membre, quelle que soit la dénomination de la décision, y compris les termes ‘arrêt’, ‘jugement’ ou ‘ordonnance’;

    5)      ‘État membre d’origine’ l’État membre dans lequel a été rendue la décision à exécuter;

    6)      ‘État membre d’exécution’ l’État membre dans lequel est demandée l’exécution de la décision;

    7)      ‘responsabilité parentale’ l’ensemble des droits et obligations conférés à une personne physique ou une personne morale sur la base d’une décision judiciaire, d’une attribution de plein droit ou d’un accord en vigueur, à l’égard de la personne ou des biens d’un enfant. Il comprend notamment le droit de garde et le droit de visite;

    8)      ‘titulaire de la responsabilité parentale’ toute personne exerçant la responsabilité parentale à l’égard d’un enfant;

    9)      ‘droit de garde’ les droits et obligations portant sur les soins de la personne d’un enfant, et en particulier le droit de décider de son lieu de résidence;

    10)      ‘droit de visite’ notamment le droit d’emmener l’enfant pour une période limitée dans un lieu autre que celui de sa résidence habituelle;

    11)      ‘déplacement ou non-retour illicites d’un enfant’ le déplacement ou le non-retour d’un enfant lorsque:

    a)      il a eu lieu en violation d’un droit de garde résultant d’une décision judiciaire, d’une attribution de plein droit ou d’un accord en vigueur en vertu du droit de l’État membre dans lequel l’enfant avait sa résidence habituelle immédiatement avant son déplacement ou son non-retour;

    et

    b)      sous réserve que le droit de garde était exercé effectivement, seul ou conjointement, au moment du déplacement ou du non-retour, ou l’eût été si de tels événements n’étaient survenus. La garde est considérée comme étant exercée conjointement lorsque l’un des titulaires de la responsabilité parentale ne peut, conformément à une décision ou par attribution de plein droit, décider du lieu de résidence de l’enfant sans le consentement d’un autre titulaire de la responsabilité parentale.

    […]»

     Compétence

    8.        L’article 8 du règlement, qui traite de la compétence générale en matière de responsabilité parentale, dispose:

    «1. Les juridictions d’un État membre sont compétentes en matière de responsabilité parentale à l’égard d’un enfant qui réside habituellement dans cet État membre au moment où la juridiction est saisie.

    2. Le paragraphe 1 s’applique sous réserve des dispositions des articles 9, 10 et 12.»

    9.        L’article 9 dispose:

    «1. Lorsqu’un enfant déménage légalement d’un État membre dans un autre et y acquiert une nouvelle résidence habituelle, les juridictions de l’État membre de l’ancienne résidence habituelle de l’enfant gardent leur compétence, par dérogation à l’article 8, durant une période de trois mois suivant le déménagement, pour modifier une décision concernant le droit de visite rendue dans cet État membre avant que l’enfant ait déménagé, lorsque le titulaire du droit de visite en vertu de la décision concernant le droit de visite continue à résider habituellement dans l’État membre de l’ancienne résidence habituelle de l’enfant.

    2. Le paragraphe 1 ne s’applique pas si le titulaire du droit de visite visé au paragraphe 1 a accepté la compétence des juridictions de l’État membre de la nouvelle résidence habituelle de l’enfant en participant à une procédure devant ces juridictions sans en contester la compétence.»

    10.      L’article 10 est relatif à la compétence en cas d’enlèvement d’enfant. En bref, il établit que, si un enfant est illégalement déplacé ou retenu dans un État membre autre que son État membre de résidence habituelle immédiatement avant cet événement, l’acquisition d’une nouvelle résidence habituelle, donnant la compétence aux juridictions du nouvel État membre, n’est pas automatique, de sorte que les juridictions de l’État membre de résidence habituelle d’origine conservent leur compétence. (L’article 11 régit le retour de l’enfant dans de telles circonstances.)

    11.      L’article 12 concerne la prorogation de compétence. En particulier, selon l’article 12, paragraphe 3, dans des procédures autres que celles relatives à une demande en divorce, en séparation de corps ou en annulation de mariage des époux, les juridictions d’un État membre sont compétentes en matière de responsabilité parentale lorsque a) l’enfant a un lien étroit avec cet État membre du fait, en particulier, que l’un des titulaires de la responsabilité parentale y a sa résidence habituelle ou que l’enfant est ressortissant de cet État membre et b) leur compétence a été acceptée expressément ou de toute autre manière non équivoque par toutes les parties à la procédure à la date à laquelle la juridiction est saisie et la compétence est dans l’intérêt supérieur de l’enfant (4).

    12.      Selon l’article 13, paragraphe 1, lorsque la résidence habituelle de l’enfant ne peut être établie et que la compétence ne peut être déterminée sur la base de l’article 12, les juridictions de l’État membre dans lequel l’enfant est présent sont compétentes.

    13.      L’article 15 permet à une juridiction compétente pour connaître du fond de l’affaire de la renvoyer, à titre exceptionnel, à une juridiction d’un autre État membre avec lequel l’enfant a un lien particulier (notamment lorsqu’il s’agit du nouvel ou de l’ancien État membre de résidence habituelle de l’enfant, de l’État membre dont est ressortissant l’enfant ou de l’État de résidence habituelle de l’un des titulaires de la responsabilité parentale), si cette juridiction est mieux placée pour connaître de l’affaire et que cela sert l’intérêt supérieur de l’enfant.

    14.      L’article 17 prévoit que la juridiction d’un État membre saisie d’une affaire pour laquelle sa compétence n’est pas fondée aux termes du règlement et pour laquelle une juridiction d’un autre État membre est compétente en vertu du règlement se déclare d’office incompétente.

    15.      L’article 19 est relatif à la litispendance et aux actions dépendantes. Il dispose notamment:

    «[…]

    2. Lorsque des actions relatives à la responsabilité parentale à l’égard d’un enfant, ayant le même objet et la même cause, sont introduites auprès de juridictions d’États membres différents, la juridiction saisie en second lieu sursoit d’office à statuer jusqu’à ce que la compétence de la juridiction première saisie soit établie.

    3. Lorsque la compétence de la juridiction première saisie est établie, la juridiction saisie en second lieu se dessaisit en faveur de celle-ci.

    […]»

    16.      L’article 20, intitulé «Mesures provisoires et conservatoires», dispose:

    «1. En cas d’urgence, les dispositions du présent règlement n’empêchent pas les juridictions d’un État membre de prendre des mesures provisoires ou conservatoires relatives aux personnes ou aux biens présents dans cet État, prévues par la loi de cet État membre même si, en vertu du présent règlement, une juridiction d’un autre État membre est compétente pour connaître du fond.

    2. Les mesures prises en exécution du paragraphe 1 cessent d’avoir effet lorsque la juridiction de l’État membre compétente en vertu du présent règlement pour connaître du fond a pris les mesures qu’elle estime appropriées.»

     Reconnaissance

    17.      L’article 21 du règlement dispose, pour autant que cela soit pertinent:

    «1. Les décisions rendues dans un État membre sont reconnues dans les autres États membres sans qu’il soit nécessaire de recourir à aucune procédure.

    […]

    3. Sans préjudice de la section 4, toute partie intéressée peut demander, selon les procédures prévues à la section 2, que soit prise une décision de reconnaissance ou de non-reconnaissance de la décision.

    […]

    4. Si la reconnaissance d’une décision est invoquée de façon incidente devant une juridiction d’un État membre, celle-ci peut statuer en la matière.»

    18.      L’article 23 dresse une liste de motifs de non-reconnaissance des décisions en matière de responsabilité parentale. Brièvement, ces motifs sont relatifs à l’ordre public, à l’impossibilité pour l’enfant ou pour une partie d’être entendu, au caractère inconciliable avec une décision rendue ultérieurement ou à l’irrespect des procédures de placement de l’enfant. Aucun de ces motifs n’apparaît avoir été invoqué dans le cas d’espèce.

    19.      Les articles 24 et 26 interdisent (dans l’État membre d’exécution), respectivement, tout contrôle sur la compétence de la juridiction de l’État membre d’origine et toute révision de la décision au fond.

     Exécution

    20.      L’article 28, paragraphe 1, du règlement, dispose:

    «Les décisions rendues dans un État membre sur l’exercice de la responsabilité parentale à l’égard d’un enfant, qui y sont exécutoires et qui ont été signifiées ou notifiées, sont mises en exécution dans un autre État membre après y avoir été déclarées exécutoires sur requête de toute partie intéressée.»

    21.      Conformément à l’article 30, paragraphe 1, les modalités de dépôt de la requête sont déterminées par la loi de l’État membre d’exécution. D’après l’article 30, paragraphe 3, lu en combinaison avec les articles 37 et 39, doivent être joints à la requête a) une expédition de la décision réunissant les conditions nécessaires à son authenticité et b) un certificat délivré par la juridiction ou l’autorité compétente de l’État membre d’origine sur le modèle figurant à l’annexe II. Ledit certificat prend la forme, en substance, d’une liste d’informations relatives à la juridiction qui a adopté la décision, aux parties et aux enfants concernés, ainsi qu’à la décision, à son caractère exécutoire dans l’État membre d’origine et à l’essentiel de son contenu.

    22.      Selon l’article 31, paragraphes 1 et 3, la juridiction saisie de la requête en déclaration de constatation de la force exécutoire statue à bref délai, sans révision de la décision au fond. À ce stade de la procédure, ni la personne contre laquelle l’exécution est demandée ni l’enfant ne peuvent présenter d’observations concernant la requête. Toutefois, la décision relative à la requête peut faire l’objet d’un recours, conformément aux dispositions des articles 33 à 35, formé par l’une ou l’autre partie. D’après l’article 31, paragraphe 2, la requête ne peut être rejetée que pour l’un des motifs prévus à l’article 23 (même si l’on peut présumer qu’elle pourrait également être rejetée si l’une des conditions prévues à l’article 28, paragraphe 1 – force exécutoire dans l’État membre d’origine et notification à la partie défenderesse – n’était pas remplie).

     Actes authentiques et accords

    23.      L’article 46 du règlement dispose:

    «Les actes authentiques reçus et exécutoires dans un État membre ainsi que les accords entre parties exécutoires dans l’État membre d’origine sont reconnus et rendus exécutoires dans les mêmes conditions que des décisions.»

     Coopération transfrontalière

    24.      L’article 53 prévoit que les États membres désignent des autorités centrales chargées de les assister dans l’application du règlement. Aux termes de l’article 55, la mission desdites autorités comprend, s’agissant des affaires en matière de responsabilité parentale, la facilitation des communications entre les juridictions, notamment pour l’application de l’article 15 (qui permet le renvoi à une juridiction mieux placée pour connaître de l’affaire).

     Décisions préjudicielles

    25.      Il convient d’ajouter que le règlement a été adopté sur le fondement des articles 61, sous c), CE et 67, paragraphe 1, CE, qui font partie du titre IV de la troisième partie du traité CE, intitulé «Visas, asile, immigration et autres politiques liées à la libre circulation des personnes».

    26.      Par conséquent, tant que ce traité était en vigueur (jusqu’au 30 novembre 2009), conformément à l’article 68, paragraphe 1, CE, seules les juridictions dont les décisions n’étaient pas susceptibles d’un recours juridictionnel de droit interne pouvaient demander à la Cour de rendre une décision sur son interprétation.

    27.      Lors de l’entrée en vigueur du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, le 1er décembre 2009, toutefois, l’article 68, paragraphe 1, CE a été abrogé, et la compétence pour solliciter une décision préjudicielle sur des questions relevant du domaine en question n’est plus réservée aux juridictions dont les décisions ne sont pas susceptibles d’un recours juridictionnel.

    28.      En outre (que ce soit avant ou après le 30 novembre 2009), une juridiction dont les décisions ne sont pas susceptibles d’un recours juridictionnel n’est pas seulement compétente, mais tenue de saisir la Cour si elle estime qu’une décision sur le point est nécessaire pour rendre son jugement (5).

    29.      Enfin, lorsque cela est approprié, la Cour peut, à la demande de la juridiction de renvoi ou d’office (compte tenu de l’objectif principal qui est d’apporter, dès que possible, une stabilité à long terme dans la vie de jeunes enfants), traiter une demande de décision préjudicielle dans ce domaine au moyen d’une procédure spéciale d’urgence, conformément à l’article 23 bis de son statut et à l’article 104 ter de son règlement de procédure.

    Instruments précurseurs du règlement dans le droit de l’Union européenne

    30.      Le règlement s’inscrit dans un processus de développement organique du droit communautaire (et à présent de l’Union européenne), qui a débuté avec la convention de Bruxelles de 1968 (6), aujourd’hui presque entièrement remplacée par le règlement (CE) n° 44/2001 (7). Ces instruments, toutefois, ne couvrent pas le domaine de la responsabilité parentale, qui a été traité en premier lieu (bien qu’uniquement en ce qui concerne les enfants de couples mariés) par le règlement (CE) n° 1347/2000 (8), aujourd’hui abrogé et remplacé par le présent règlement (9). Il n’en reste pas moins que bon nombre de leurs dispositions en matière de reconnaissance et d’exécution, notamment en ce qui concerne les mesures provisoires, sont analogues à celles du règlement. Dans ce cas, la jurisprudence et les autres textes de référence (10) relatifs à ces dispositions peuvent également être pertinents dans le contexte du présent règlement.

    31.      Aucune des règles de compétence dans les instruments précurseurs ne couvre les aspects relatifs à la responsabilité parentale en l’absence de procédure matrimoniale.

    32.      S’agissant de la litispendance, l’article 21 de la convention de Bruxelles, l’article 11 du règlement n° 1347/2000 et l’article 27 du règlement n° 44/2001 contiennent des dispositions ayant le même effet, mutatis mutandis, que l’article 19, paragraphes 2 et 3, du présent règlement (11).

    33.      S’agissant des mesures provisoires, le règlement n° 1347/2000 contenait, à l’article 12, une disposition libellée dans les mêmes termes que l’article 20, paragraphe 1, du présent règlement (12), et l’article 24 de la convention de Bruxelles, comme l’article 31 du règlement n° 44/2001, contient une disposition qui est, en substance, similaire.

    34.      S’agissant de la reconnaissance, des dispositions analogues (bien que non identiques) à celles qui ont été citées précédemment (13) figurent aux articles 26 à 29 de la convention de Bruxelles, aux articles 14, 15, 17 et 19 du règlement n° 1347/2000 et aux articles 33 à 36 du règlement n° 44/2001. Cependant, les motifs de non-reconnaissance sont, ce qui est compréhensible, spécifiques au type de mesure concernée, et ni la convention de Bruxelles ni le règlement n° 44/2001 n’interdisent totalement le contrôle de la compétence de la juridiction d’origine, à la différence de l’article 24 du présent règlement.

    35.      S’agissant de l’exécution, les dispositions des articles 31 et suivants de la convention de Bruxelles, des articles 21 et suivants du règlement n° 1347/2000 et des articles 38 et suivants du règlement n° 44/2001 présentent un certain parallélisme avec celles des articles 28 et suivants du règlement (14).

    36.      Enfin, s’agissant des actes authentiques et des accords, les articles 50 et 51 de la convention de Bruxelles et les articles 57 et 58 du règlement n° 44/2001 prévoient l’exécution dans des conditions analogues à celles qui sont visées à l’article 46 du règlement(15); par contre, aucune disposition de ce type ne figurait dans le règlement n° 1347/2000.

    37.      Je me référerai plus en détail à ces instruments précurseurs dans mon analyse ci-après, pour autant qu’ils pourraient être utiles aux fins de l’interprétation du règlement.

    Instruments internationaux précurseurs du règlement

    38.      Toutefois – comme cela sied sans doute à une mesure en matière de droit de la famille – le règlement a plus d’une lignée d’ancêtres.

    39.      Une première convention de La Haye (16) pour régler la tutelle des mineurs a été conclue en 1902 (17). Cette première convention a été largement remplacée par la convention de 1961 sur la protection des mineurs (18). La convention de 1961 a, à son tour, été remplacée (pas aussi largement toutefois, étant donné que le processus de ratification n’est pas terminé) par la convention de La Haye la plus récente, de 1996, sur la protection des enfants (19). Il existe également, dans un domaine connexe, une convention de La Haye de 1980 sur l’enlèvement d’enfants (20).

    40.      De surcroît, une convention du Conseil de l’Europe sur la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière de garde des enfants et le rétablissement de la garde des enfants (21) a été adoptée en 1980.

    41.      Conformément aux articles 60 à 62 du règlement, en substance, dans les relations entre les États membres qui y sont parties, les conventions de 1961, de 1980 et de 1996 continuent à produire leurs effets dans les matières qui ne sont pas réglées par le règlement, tandis que ce dernier prévaut dans les matières qu’il régit.

    42.      S’agissant de la compétence en matière de tutelle, la convention de 1902 conférait pour l’essentiel la compétence aux autorités de l’État dont le mineur avait la nationalité. L’article 7 disposait toutefois que, en attendant l’organisation de la tutelle, ainsi que dans tous les cas d’urgence, les mesures nécessaires pour la protection de la personne et des intérêts d’un mineur étranger pouvaient être prises par les autorités locales. Cette convention ne prévoyait rien en matière de reconnaissance ou d’exécution de telles mesures dans un autre État.

    43.      La convention de 1961 accorde la priorité à la loi interne de l’État dont le mineur a la nationalité pour ce qui est du «rapport d’autorité» auquel est soumis l’enfant, mais confère, à d’autres égards, la compétence aux autorités de l’État de résidence habituelle, afin qu’elles prennent les mesures tendant à la protection de la personne ou des biens du mineur. Selon l’article 7, de telles mesures sont reconnues dans tous les États contractants. Si toutefois ces mesures comportent des actes d’exécution dans un État autre que celui où elles ont été prises, leur reconnaissance et leur exécution sont réglées soit par le droit interne de l’État où l’exécution est demandée, soit par les conventions internationales. L’article 9 – auquel les règles sur la reconnaissance mutuelle et l’exécution de l’article 7 ne s’appliquent cependant pas – dispose que, dans tous les cas d’urgence, les autorités de chaque État contractant sur le territoire duquel se trouve le mineur ou des biens lui appartenant prennent les mesures de protection nécessaires.

    44.      La convention de 1996 a abandonné toute référence à la nationalité et confère la compétence, dans tous les domaines relatifs à la responsabilité parentale (définis largement à l’article 3), aux autorités judiciaires ou administratives de l’État contractant de résidence habituelle de l’enfant. Toutefois, d’après l’article 11, dans tous les cas d’urgence, les autorités de chaque État contractant sur le territoire duquel se trouvent l’enfant ou des biens lui appartenant sont compétentes pour prendre les mesures de protection nécessaires, qui cessent d’avoir effet dès que les autorités de l’État de résidence habituelle ont pris les mesures exigées par la situation. Conformément à l’article 12, les autorités d’un État contractant sur le territoire duquel se trouve l’enfant (en dehors des cas de déplacement ou de non-retour illicite) ou des biens lui appartenant sont compétentes pour prendre des mesures de protection ayant un caractère provisoire et une efficacité territoriale restreinte à l’État en question. Les articles 23 à 28 prévoient la reconnaissance mutuelle et l’exécution selon des modalités comparables aux dispositions du règlement, bien que dans des termes plus généraux. Il est à noter que l’article 23, paragraphe 2, sous a), permet le contrôle de la compétence de la juridiction d’origine.

    45.      La convention de La Haye de 1980 a pour objet a) d’assurer le retour immédiat des enfants déplacés ou retenus illicitement dans tout État contractant et b) de faire respecter effectivement dans les autres États contractants les droits de garde et de visite existant dans un État contractant (article 1). Elle établit, notamment, que le déplacement ou le non-retour d’un enfant est considéré comme illicite a) lorsqu’il a lieu en violation d’un droit de garde, attribué par le droit de l’État dans lequel l’enfant avait sa résidence habituelle immédiatement avant son déplacement et b) que ce droit était exercé de façon effective seul ou conjointement, au moment du déplacement, ou l’eût été si un tel événement n’était survenu, étant entendu que le droit de garde en question peut notamment résulter d’une attribution de plein droit, d’une décision judiciaire ou administrative, ou d’un accord en vigueur selon le droit de cet État (article 3). D’après l’article 16, les autorités informées du déplacement illicite d’un enfant ou de son non-retour ne pourront statuer sur le droit de garde jusqu’à ce qu’il soit établi que le retour de l’enfant n’aura pas lieu, ou jusqu’à ce qu’une période raisonnable se soit écoulée sans qu’une demande de retour ait été faite.

    46.      La convention européenne de 1980 ne contient aucune disposition en matière de compétence, mais contient une règle générale de reconnaissance mutuelle et d’exécution des décisions relatives à la garde, adoptées dans tout État contractant, sous réserve de certaines exceptions, comparables, mais plus étendues, que celles contenues à l’article 23 du règlement (22). La compétence de l’autorité adoptant la décision peut notamment être mise en cause sur le fondement de certains motifs [articles 9, paragraphe 1, sous b), et 10, paragraphe 1]. Cependant, aucune distinction n’est établie selon que la mesure est, ou non, provisoire ou urgente. La convention définit également un cadre général de procédure aux fins de la reconnaissance et de l’exécution, mais dans des termes moins détaillés que ceux du règlement (articles 13 à 16).

    47.      À nouveau, je me référerai aux dispositions de ces conventions pour autant que cela est utile aux fins de l’interprétation du règlement.

     Convention bilatérale entre la République fédérale d’Allemagne et le Royaume d’Espagne

    48.      Une convention bilatérale entre la République fédérale d’Allemagne et le Royaume d’Espagne, sur la reconnaissance et l’exécution des décisions et des règlements des litiges judiciaires et des documents publics ayant force exécutoire en matière civile et commerciale (23), a été signée à Bonn le 14 novembre 1983. Elle prévoit la reconnaissance mutuelle et l’exécution des décisions (y compris dans les affaires matrimoniales et familiales) adoptées par une juridiction de l’un ou l’autre État, compétente conformément aux règles de la convention. Ladite convention est mentionnée dans l’ordonnance provisoire en cause dans la présente affaire. Toutefois, l’article 59, paragraphe 1, du règlement précise que (sans préjudice de certaines autres dispositions qui ne sont pas ici pertinentes), pour les États membres, le règlement remplace les «conventions existant au moment de l’entrée en vigueur du présent règlement, qui ont été conclues entre deux ou plusieurs États membres et qui portent sur des matières réglées par le présent règlement».

     Faits, procédure et question déférée

    49.      La mère des jumeaux dont la garde fait l’objet du litige est de nationalité allemande. Le père est de nationalité espagnole. Ils n’ont jamais été mariés, mais ont vécu ensemble en Espagne de mi-2005 au début de l’année 2007. Les enfants – M, un garçon, et S, une fille – sont nés prématurément le 31 mai 2006. Leur état de santé a nécessité une hospitalisation de plusieurs mois après la naissance. M a pu quitter l’hôpital en septembre 2006, tandis que le S y est restée jusqu’en mars 2007.

    50.      À ce moment, cependant, les parents ne souhaitaient plus vivre ensemble. Le 25 janvier 2007, ils ont conclu un accord régissant la fin de leur relation. S’agissant des enfants, même si les deux parents devaient conserver leur autorité parentale et la garde, il était prévu que la mère retourne avec les jumeaux en Allemagne, où le père aurait un droit de visite.

    51.      Cet accord a par la suite été formalisé devant notaire, en présence et avec le consentement des deux parties, le 30 janvier 2007, sous la forme d’un convenio regulador (accord régissant la fin d’un mariage ou d’une relation équivalente, devant être approuvé par une juridiction pour être exécutoire (24)). L’acte notarié spécifiait que, pour produire pleinement ses effets, l’accord devait être approuvé par une juridiction (25), et que les parties s’engageaient expressément à se soumettre à toute décision de justice postérieure relative aux matières couvertes.

    52.      Cependant, étant donné que S ne pouvait sortir de l’hôpital avant la date de voyage prévue du 2 février 2007, la mère a pris l’avion pour l’Allemagne à cette date, en emmenant seulement M des deux jumeaux ainsi que son autre fils plus âgé, né d’une précédente union.

     Procédure engagée par le père en Espagne

    53.      Le 28 juin 2007, le père a saisi la juridiction de première instance dont il relève (le Juzgado de Primera Instancia n° 4 de San Lorenzo de El Escorial, ci-après la «juridiction espagnole»), afin d’obtenir des «mesures préalables urgentes et immédiates» (26), lui attribuant la garde des deux enfants, ordonnant le retour en Espagne de M et condamnant la mère à payer 300 euros par mois pour chaque enfant à titre alimentaire.

    54.      La juridiction espagnole a expressément examiné sa compétence pour ordonner de telles mesures, et a conclu par l’affirmative.

    55.      L’ordonnance prise par cette juridiction relève que la demande de mesures provisoires du père était fondée sur les articles 1 et 2 de la convention de La Haye de 1980, sur le règlement et sur l’article 8 de la convention bilatérale de 1983 concernant la compétence des juridictions espagnoles.

    56.      L’ordonnance indique également que la mère n’était pas présente en personne à l’audience du 26 septembre 2007 (27), mais qu’elle a présenté ses propres observations écrites en allemand (qui ont été traduites en espagnol et prises en considération par la juridiction), mettant en cause la compétence des juridictions espagnoles et demandant la poursuite de la procédure en Allemagne, où elle avait, alors, commencé (28). La mère était, en outre, représentée en justice par une avouée, qui a fait valoir que M avait légalement été emmené en Allemagne, sur la base de l’accord notarié, et que c’est là-bas que ses intérêts devaient être examinés.

    57.      En concluant à sa propre compétence, la juridiction espagnole s’est référée en termes généraux à «la législation européenne invoquée et aux conventions ratifiées par l’Espagne et l’Allemagne». Elle a, plus spécifiquement, cité l’article 769, paragraphe 3, de la LEC, qui confère la compétence dans les procédures relatives uniquement à la garde d’enfants ou aux demandes formulées entre parents en matière d’entretien d’un enfant, à la juridiction de première instance du dernier lieu de résidence commune des parents. Elle s’est également référée à l’article 1 de la convention de La Haye de 1980, qui confère la compétence à la juridiction du lieu de résidence de l’enfant, M ayant résidé habituellement en Espagne jusqu’au 2 février 2007.

    58.      Elle s’est, en outre, référée explicitement à l’article 19 du règlement, relatif à la litispendance, en considérant que, si la procédure engagée par la mère en Allemagne (29) avait la même cause que la requête antérieure du père en Espagne, la juridiction allemande devait surseoir à statuer.

    59.      La juridiction espagnole ne s’est toutefois pas référée à l’article 20 du règlement, relatif aux mesures provisoires et conservatoires prises en cas d’urgence. Cela pourrait indiquer qu’elle s’est considérée comme détenant la compétence au fond, et non uniquement la compétence plus limitée (exceptionnelle et à laquelle le règlement ne s’oppose pas) pour prendre des mesures provisoires ou conservatoires urgentes à l’égard des personnes relevant de sa compétence territoriale.

    60.      La juridiction espagnole a également indiqué que le ministère public, qui avait plaidé en faveur de sa compétence, a émis des doutes quant à la légalité du départ d’Espagne de M, faisant valoir que l’accord notarié n’avait pas reçu l’approbation d’une juridiction (30). La juridiction espagnole a rapporté, de surcroît (bien qu’elle ne l’ait pas expressément invoqué en tant que fondement de sa compétence), que le père avait prétendu avoir signé l’accord sous l’effet de pressions ou de tromperie, et qu’il s’était, le jour de la signature de l’acte notarié, présenté au bureau de police pour tenter d’empêcher la mère de partir pour l’Allemagne avec les enfants.

    61.      Pris ensemble, ces éléments pourraient suggérer que la juridiction espagnole a estimé que M avait été déplacé illicitement au sens du règlement et de la convention de La Haye de 1980, de sorte qu’elle conservait la compétence, conformément à l’article 10 du règlement. Toutefois, l’ordonnance ne contient aucune référence explicite ni à cette disposition ni à l’article 8, sur la base duquel elle aurait également pu se considérer comme compétente, en raison de sa position à l’égard du lieu de résidence habituelle de M (31).

    62.      Ayant conclu à sa propre compétence pour prendre les mesures sollicitées, la juridiction espagnole a adopté une ordonnance le 8 novembre 2007, rectifiée, en ce qui concerne la garde, le 28 novembre 2007 (ci-après l’«ordonnance attaquée»). À titre de mesures conservatoires urgentes et immédiates, elle a provisoirement:

    –        attribué au père la garde des jumeaux (32), tandis que la patria potestad (autorité, droits et devoirs parentaux) était laissée aux deux parents; à cet égard, il a été ordonné à la mère de ramener M à son père en Espagne, tout en conservant un droit de visite illimité aux deux enfants;

    –        interdit le départ des enfants du territoire espagnol sans autorisation préalable du juge;

    –        ordonné la remise des passeports au père;

    –        subordonné tout changement de domicile des enfants à une autorisation préalable du juge; et

    –        décidé qu’aucune obligation alimentaire n’était fixée à la charge de la mère.

    63.      Il ressort d’un document de la juridiction espagnole daté du 11 janvier 2008, joint à l’ordonnance attaquée, ainsi que des articles 451 et 452 de la LEC auxquels se réfère ledit document, qu’une demande en annulation ou en révision de l’ordonnance («recurso de reposición») aurait pu être introduite auprès de la même juridiction, dans un délai de cinq jours. Dans ses observations à la Cour, le gouvernement espagnol relève qu’une mesure avant dire droit telle que l’ordonnance attaquée ne peut faire l’objet d’un recours, mais que celle-ci peut être révisée au cours de la procédure au fond qui s’ensuit. Le gouvernement espagnol explique que les mesures avant dire droit ne deviennent effectives que si elles sont suivies par une demande de décision au fond et, en l’espèce, il y a eu une procédure consécutive en janvier 2008.

    64.      De plus, le 11 janvier 2008, la juridiction espagnole a délivré un certificat sur le modèle figurant à l’annexe II du règlement (33). Ledit certificat précisait notamment que la décision n’était pas intervenue contre un défendeur défaillant, qu’elle était exécutoire conformément à la loi de l’État membre d’origine, qu’elle avait été notifiée à la mère, à l’encontre de qui l’exécution était recherchée, et qu’elle ordonnait le retour de l’enfant au père.

    65.      Le dossier national de l’affaire transmis par le Bundesgerichtshof contient des documents déposés par l’avocate de la mère en Allemagne, indiquant que l’ordonnance du 8 novembre 2007 a été notifiée à son avocat en Espagne le 16 novembre 2007 et qu’elle suppose que l’avocat du père en a également reçu notification le même jour. Elle déclare, par ailleurs, que la demande du père tendant à l’adoption d’une décision au fond a été introduite auprès de la juridiction espagnole le 21 janvier 2008, alors que, pour valider la mesure avant dire droit, elle aurait dû être introduite dans les 30 jours travaillés suivant la notification (34).

    66.      En outre, en réponse aux questions posées par la Cour, l’avocate allemande de la mère a indiqué que, le 28 octobre 2008, la juridiction espagnole avait confirmé sa compétence internationale et réitéré sa qualité de «juridiction première saisie», au sens de l’article 19, paragraphe 2, du règlement. La mère a alors interjeté appel auprès de l’Audiencia Provincial (juridiction provinciale) de Madrid, contestant ladite compétence pour ce qui est de la procédure au fond. Peu avant l’audience tenue dans la présente procédure préjudicielle, la juridiction saisie en appel a rejeté cette demande, confirmant la compétence de la juridiction de première instance pour les deux jumeaux, et citant l’article 20 du règlement dans sa décision. Toutefois, aucune décision au fond n’avait encore été prononcée par cette juridiction de première instance.

     Procédure engagée par la mère en Allemagne

    67.      Le 20 septembre 2007, alors que la procédure précitée était déjà pendante en Espagne, mais avant l’adoption de l’ordonnance attaquée, la mère a engagé une procédure devant l’Amtsgericht (juridiction locale) Albstadt, tendant à l’obtention de la garde des deux enfants.

    68.      L’ordonnance de renvoi indique que cette procédure en matière de garde a été suspendue conformément à l’article 16 de la convention de La Haye de 1980 (35). L’Amtsgericht Stuttgart, à qui l’affaire avait alors été renvoyée pour des raisons de procédure, a émis des doutes concernant sa compétence et, eu égard à la procédure au fond pendante en Espagne, envisageait de surseoir à statuer conformément à l’article 19, paragraphe 2, du règlement.

    69.      D’après les décisions de justice pertinentes produites par l’avocate de la mère à la demande de la Cour, l’Amtsgericht a effectivement sursis à statuer sur ce fondement le 8 décembre 2008. Toutefois, à la suite d’un appel interjeté par la mère auprès de l’Oberlandesgericht (juridiction régionale) Stuttgart, cette décision a été cassée, le 14 mai 2009. La juridiction d’appel a fait valoir que la procédure espagnole était une procédure de référé, tandis que la procédure allemande avait pour objet une attribution définitive de la garde; la juridiction d’appel a donc considéré que les deux actions n’avaient ni le même objet ni la même cause, au sens de l’article 19, paragraphe 2, et que la juridiction de degré inférieur devrait en conséquence reconsidérer sa compétence.

    70.      Cependant, dans une décision du 8 juin 2009, l’Amtsgericht a indiqué n’être toujours pas convaincu, essentiellement parce qu’il n’était pas certain que le déplacement de M en Allemagne soit légal, auquel cas la compétence reviendrait aux juridictions allemandes en vertu de l’article 9 du règlement, ou illicite, auquel cas les juridictions espagnoles conserveraient la compétence conformément à l’article 10. L’Amtsgericht a également estimé que la question de la compétence ne pouvait être résolue que par le biais d’un renvoi préjudiciel à la Cour, afin d’obtenir des éclaircissements (36).

     Procédure engagée par le père en Allemagne

    71.      Dans la procédure qui a donné lieu à la présente demande de décision préjudicielle, le père réclame que l’ordonnance attaquée soit déclarée exécutoire en Allemagne.

    72.      D’après l’ordonnance de renvoi, il a en premier lieu demandé, à titre principal, une mesure ordonnant le retour de M, et c’est uniquement à titre de précaution qu’il a demandé que l’ordonnance attaquée soit déclarée exécutoire. Toutefois, il a par la suite soutenu que sa priorité était la déclaration de la force exécutoire de l’ordonnance.

    73.      Le dossier national de l’affaire transmis à la Cour contient des copies certifiées conformes (et les traductions en langue allemande certifiées exactes) de l’ordonnance originale et de l’ordonnance rectificative émanant de la juridiction espagnole, ainsi que le certificat de ladite juridiction du 11 janvier 2008, établi sur le modèle figurant à l’annexe II du règlement.

    74.      Les juridictions compétentes en première instance et en appel (de nouveau l’Amtsgericht et l’Oberlandesgericht Stuttgart) ont donc accordé l’exequatur à la décision de la juridiction espagnole, et ont prévenu la mère qu’une amende pourrait être prononcée à son encontre si elle ne s’y conformait pas. C’est contre ces décisions qu’elle a formé un pourvoi en cassation devant le Bundesgerichtshof, qui résume comme suit l’arrêt rendu en appel.

    75.      Aucun motif évident ne s’oppose à la force exécutoire de la décision du tribunal espagnol. Il s’agit d’une ordonnance provisoire, mais l’article 2, point 4, du règlement n’établit aucune distinction entre les différentes formes de décisions, aux fins de la reconnaissance et de l’exécution. Les enfants n’ont pas été entendus par le tribunal espagnol, mais cela ne viole aucune règle fondamentale de procédure de droit allemand, d’autant que les enfants n’étaient alors âgés que d’un an et demi. La mère soutient que la décision espagnole n’est pas exécutoire du fait de l’introduction tardive de l’action au fond, mais la juridiction espagnole a délivré un certificat en vertu de l’article 39 du règlement. Il n’existe pas non plus de motif de refus de l’exécution au sens de l’article 23 du règlement. Aucune violation manifeste de l’ordre public allemand n’a été relevée; les droits de la défense de la défenderesse ont été respectés au travers de sa convocation à l’audience. Le fait qu’elle n’a pas assisté personnellement à l’audience, mais qu’elle s’est contentée de se faire représenter par son avouée, relève de sa décision. Dans la procédure en reconnaissance et en exécution, le tribunal ne peut pas procéder à un examen au fond de l’affaire relative au droit de garde, tranchée en Espagne.

    76.      La mère soutient devant le Bundesgerichtshof que les dispositions du règlement en matière de reconnaissance et d’exécution ne s’appliquent pas aux mesures provisoires régies par l’article 20, qui ne peuvent être qualifiées de «décision concernant la responsabilité parentale» au sens de l’article 2, point 4.

    77.      Le Bundesgerichtshof considère différentes thèses doctrinales.

    78.      Un premier groupe d’auteurs exclut du champ des dispositions en matière de reconnaissance et d’exécution les mesures prises dans les circonstances visées à l’article 20, paragraphe 1, du règlement. Ils qualifient cette disposition de règle de compétence pure, interprétation qui pourrait être confortée par l’arrêt A (37), en ce qu’il énonce que les mesures provisoires au sens de l’article 20 du règlement doivent être de nature temporaire et que l’exécution et le caractère contraignant de celles-ci doivent découler de la législation nationale. Pourvu que les deux parties soient entendues, les mesures provisoires (autres que les mesures relatives aux domaines matrimonial et de la responsabilité parentale) sont reconnues et exécutées conformément à la convention de Bruxelles et au règlement n° 44/2001, sous réserve uniquement des limites posées par la Cour. Même si la situation semble comparable aux termes du présent règlement, l’article 20, paragraphe 1, concerne les mesures prises en vertu de la loi de l’État membre en ce qui concerne «des personnes ou des biens présents dans cet État», et établit donc un lien entre l’objet des mesures et la compétence territoriale. Il ressort des articles 1er, paragraphe 1, 2, point 4, et 20, paragraphe 1, que le champ des dispositions en matière de reconnaissance et d’exécution, dans le règlement, est limité aux décisions prises dans la procédure au fond.

    79.      Un deuxième groupe d’auteurs étendrait le champ d’application de l’article 2, point 4, du règlement aux mesures provisoires prises par un tribunal compétent dans le cadre de la procédure au fond, pour autant que le droit d’être entendu soit sauvegardé, tout au moins a posteriori. À l’inverse de la convention de Bruxelles et du règlement n° 44/2001, le présent règlement régit une relation triangulaire dans laquelle une troisième personne, l’enfant, présente un besoin particulier de protection. Le droit d’être entendu doit donc être garanti à une étape de la procédure, même si c’est seulement après l’adoption de l’ordonnance provisoire (38).

    80.      Un troisième groupe d’auteurs limiterait l’application du règlement aux mesures provisoires prises après que les parties ont été entendues. Pour ces auteurs, la satisfaction a posteriori du droit à un procès équitable n’est pas suffisante. Le fait que le règlement prévoit, pour les affaires en matière de garde, des instruments conçus pour la procédure contradictoire constituerait un défaut. Cela ne devrait pas être étendu au détriment du système équilibré de la convention de La Haye de 1980.

    81.      Enfin, un quatrième groupe d’auteurs estime que toutes les mesures provisoires devraient être incluses dans le système du règlement aux fins de la reconnaissance et de l’exécution. Certains auteurs de ce groupe considèrent les mesures prises dans les circonstances visées à l’article 20 comme des «décisions» au sens de l’article 2, point 4, tandis que d’autres ne partagent pas cette opinion, mais tous s’accordent à dire que les dispositions des articles 21 et suivants leur sont applicables.

    82.      L’issue du pourvoi formé par la mère et de la demande en reconnaissance de l’ordonnance attaquée introduite par le père varierait donc en fonction de l’approche suivie. Toutefois, comme la juridiction d’appel, le Bundesgerichtshof admet que l’ordonnance n’est pas contraire à l’ordre public allemand, que la mère a pu faire valoir sa position devant la juridiction espagnole de manière appropriée et que le fait qu’un enfant de 18 mois n’a pas été entendu n’est pas un motif de refus de la reconnaissance et de l’exécution de l’ordonnance.

    83.      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, le Bundesgerichtshof a posé la question préjudicielle suivante:

    «Les dispositions des articles 21 et suivants [du règlement], relatives à la reconnaissance et l’exécution de décisions d’autres États membres au titre de l’article 2, point 4, [de ce règlement], s’appliquent-elles également à des mesures provisoires exécutoires, en matière de droit de garde, au sens de l’article 20 du[dit] règlement?»

    84.      En réponse à une question de la Cour, le Bundesgerichtshof a confirmé qu’il ne considérait pas que le recours à la procédure d’urgence prévue à l’article 104 ter du règlement de procédure était nécessaire. La Cour n’a pas non plus engagé cette procédure d’office, mais le président a décidé que cette affaire bénéficierait d’un traitement prioritaire, conformément à la première phrase de l’article 55, paragraphe 2, dudit règlement de procédure.

    85.      Des observations écrites ont été présentées par la mère, par les gouvernements tchèque, allemand, hongrois, italien, portugais, espagnol et du Royaume-Uni, ainsi que par la Commission européenne. À l’audience du 17 mars 2010, ces mêmes parties, à l’exception des gouvernements italien, hongrois et portugais, étaient représentées et ont été entendues en leurs plaidoiries. Le père ne s’est pas fait représenter devant la Cour.

     Appréciation

     Considérations d’ordre général

    86.      Les litiges concernant la garde d’enfants à la suite de la rupture de la relation qui unissait leurs parents comptent parmi les affaires les plus amères et chargées d’émotions que les tribunaux soient appelés à trancher. La recherche de la conciliation des passions viscérales que déchaînent de telles affaires met à l’épreuve les compétences des avocats, tout comme celles des conseillers et des travailleurs sociaux. Lorsqu’une décision de justice est requise, elle est souvent perçue comme injuste par au moins l’un des deux parents concernés.

    87.      Lorsqu’un tel litige implique plus d’un pays et plus d’un système juridique, ce qui est de plus en plus fréquent aujourd’hui au sein de l’Union européenne, les difficultés peuvent fort bien être exacerbées par l’incertitude quant aux autorités compétentes, et par la probabilité que l’un des parents devra affronter un système juridique encore moins familier que le sien, souvent dans une langue étrangère.

    88.      Pour compliquer davantage les choses, l’imaginaire collectif véhicule l’idée reçue, plus ou moins définie – souvent encouragée par les médias populaires, qui tendent à s’emparer de ce type d’affaires, humainement captivantes –, selon laquelle les juridictions étrangères seraient moins équitables qu’une juridiction nationale, et plus susceptibles de favoriser injustement les nationaux de leur État.

    89.      On ne saurait éliminer de telles difficultés par voie législative. Lesdites difficultés mettent toutefois en évidence l’absolue nécessité d’un ensemble clair de règles à l’échelle de l’Union européenne en matière de compétence et de reconnaissance ainsi que d’exécution des décisions dans ce domaine, dans lequel les retards et l’incertitude peuvent avoir des conséquences particulièrement néfastes pour l’intérêt supérieur des personnes concernées au premier chef, les enfants. C’est précisément un tel ensemble de règles que le règlement a pour objectif de fournir. En cas de doute (qui semble subsister, du moins parmi les auteurs allemands dont les thèses ont été résumées par le Bundesgerichtshof), leur interprétation doit être donnée par la Cour (39).

    90.      Ces règles doivent être appliquées avec impartialité, indépendamment de l’impact qu’elles pourraient sembler susceptibles d’avoir sur la décision au fond. Elles sont purement procédurales par nature. Leur objectif est d’assurer, en premier lieu, que les questions de fond sont tranchées rapidement – non à la hâte, mais sans les retards qui pourraient facilement découler de longs désaccords concernant la compétence – par une juridiction dont la compétence, déterminée à la lumière de l’intérêt supérieur de l’enfant, eu égard notamment au critère de la proximité, peut être clairement établie; et, en second lieu, que les décisions de ladite juridiction produisent pleinement leurs effets, à nouveau sans retard, à l’échelle de l’Union européenne.

    91.      S’agissant de la compétence, le règlement a été élaboré afin de fournir un cadre clair, permettant de déterminer la juridiction compétente. Toutefois, des situations dans lesquelles un certain degré d’incertitude perdurera se présenteront inévitablement. Pour cette raison, et eu égard au risque qu’un parent déçu considère la déclaration d’une juridiction établissant sa propre compétence comme forcément liée à une décision au fond défavorable, elle-même susceptible d’être considérée comme injuste, il apparaît essentiel que l’établissement de la compétence puisse dans chaque cas être motivé aussi explicitement, clairement et complètement que possible. Il est regrettable que l’ordonnance attaquée n’atteigne pas cet objectif essentiel.

    92.      S’agissant de la reconnaissance et de l’exécution, le règlement est basé sur un degré particulièrement élevé de confiance mutuelle, en prévoyant la reconnaissance sans recours à une procédure spécifique, en limitant au maximum les motifs de non-reconnaissance et en interdisant tant le contrôle de la compétence de la juridiction d’origine que la révision de sa décision au fond. Un tel degré de confiance mutuelle – qui est essentiel afin d’éviter les retards et les conflits qui empoisonneraient autrement les procédures en question – impose à son tour un degré élevé de responsabilité pour la juridiction qui accepte la compétence, et rend nécessaire des garanties procédurales appropriées dans l’État membre d’origine, étant donné qu’en général l’ordonnance consécutive ne peut être attaquée dans l’État membre de reconnaissance ou d’exécution.

    93.      À cet égard, je ne peux faire mieux que citer une initiative en vue de l’adoption d’une directive relative au droit à l’interprétation et à la traduction dans le cadre des procédures pénales, publiée le lendemain de l’audience tenue dans la présente affaire (40). Le quatrième considérant du préambule du projet de directive relève:

    «La reconnaissance mutuelle ne peut être efficace que dans un climat de confiance, qui ne saurait être établi que si non seulement les autorités judiciaires, mais aussi tous les acteurs de la procédure pénale, considèrent les décisions des autorités judiciaires des autres États membres comme équivalentes aux leurs, ce qui implique une confiance mutuelle en ce qui concerne non seulement le caractère approprié des règles des partenaires, mais aussi l’application correcte de ces règles.»

    94.      Cette déclaration peut, selon moi, être transposée intégralement du domaine des procédures pénales à celui des procédures en matière de responsabilité parentale, de garde et de placement concernant des enfants.

     Les jumeaux et le règlement

    95.      L’un des aspects notables du litige au principal est qu’il concerne la garde de jumeaux, qui se trouvent actuellement – et qui sont peut-être maintenant habituellement résidents, aux fins du règlement – dans des États membres différents. Selon un principe très fort régissant toute décision en matière de responsabilité parentale, de garde ou de placement, les membres d’une fratrie – et par-dessus tout des jumeaux – doivent rester unis, sauf raisons tout à fait exceptionnelles appelant la situation contraire. Il semble essentiel, à tout le moins, que la question de leur garde soit examinée par une seule et même juridiction, ce que préconise, en effet, l’ordonnance attaquée.

    96.      Le règlement ne contient aucune disposition spécifique à une telle situation (41). Une telle omission semble regrettable, même si j’admets que la formulation précise d’une telle disposition pourrait s’avérer délicate. En l’absence d’une telle règle, cependant, le règlement prévoit (à l’article 15) qu’une juridiction compétente peut renvoyer l’affaire à la juridiction d’un autre État membre avec lequel l’enfant a un lien particulier, si cette dernière est mieux placée pour connaître de l’affaire et que cela sert l’intérêt supérieur de l’enfant, et invite les juridictions à coopérer à cette fin. Il invite également (à l’article 55) les autorités centrales à faciliter la communication entre les juridictions en vue de l’application de cette disposition. Dans l’arrêt A (42), la Cour a insisté sur l’obligation pesant sur les juridictions nationales de communiquer directement entre elles ou par le biais des autorités centrales.

    97.      Il est extrêmement souhaitable que, dans un cas tel que le cas d’espèce – qui porte sur un litige unique concernant la garde des deux jumeaux et appelle donc, à tout le moins, une appréciation unique et cohérente de la situation dans son ensemble –, les juridictions et les autorités centrales concernées envisagent activement de recourir à ces dispositions pour s’accorder sur le fait que le sujet devrait être examiné par une seule et même juridiction, à savoir celle des deux qui semble la mieux placée, eu égard à toutes les circonstances de l’espèce, notamment à l’intérêt supérieur des jumeaux.

    98.      Un tel accord, trouvé à un stade précoce, pourrait bien éviter de longues procédures en appel, des conflits de compétence et un renvoi à la Cour – tout cela dans l’intérêt supérieur des enfants. Il se peut que pour une juridiction, sur la base des éléments de preuve présentés par un seul des deux parents, le renvoi de l’affaire à une autre juridiction apparaisse empreint de danger. Mais la communication et la coopération pourraient bien dissiper une telle impression initiale, et une tentative de communication et de coopération semble essentielle, dans l’intérêt des enfants.

    99.      Il est regrettable, toutefois, que la Cour n’ait reçu aucune information indiquant qu’une telle initiative a été prise en l’espèce.

    100. Il serait encore plus regrettable – cela révélerait même une lacune de la part de la législation de l’Union – qu’une application mécanique du règlement aboutisse à ce qu’une seule et unique question de responsabilité parentale relative à des jumeaux soit sommairement scindée entre les juridictions de deux États membres, lesquelles pourraient bien parvenir à des décisions différentes donnant lieu à des situations discordantes, au détriment évident des enfants.

     La portée de la question et le champ d’application de l’article 20 du règlement

    101. Les juridictions allemandes doivent décider si l’ordonnance attaquée doit être reconnue et exécutée en Allemagne conformément au règlement.

    102. La question préjudicielle présentée à la Cour par le Bundesgerichtshof consiste, en substance, à savoir si les mesures provisoires au sens de l’article 20 du règlement, qui sont exécutoires dans l’État membre dans lequel elles sont adoptées, doivent être reconnues et appliquées dans d’autres États membres de la même manière que d’autres décisions exécutoires.

    103. Il est, par conséquent, présumé que l’ordonnance attaquée relève de l’article 20. Le fondement de cette présomption n’est pas tout à fait clair. Il se peut qu’elle soit imposée au Bundesgerichtshof par la formulation du pourvoi de la mère en cassation ou par les conclusions de la juridiction inférieure, ainsi que le gouvernement allemand l’a expliqué à l’audience. En tout état de cause, il semble plausible qu’elle soit en définitive fondée sur la conviction soit que la juridiction espagnole a estimé que les conditions fixées à l’article 20, paragraphe 1, étaient réunies, soit que toutes les mesures provisoires relèvent de l’article 20, indépendamment de la juridiction qui les a adoptées. Cependant, si tel était le cas, aucune de ces convictions ne me semble justifiée.

    104. En ce qui concerne la première, il a été indiqué, dans un certain nombre d’observations adressées à la Cour, que l’ordonnance attaquée ne renvoie absolument pas à l’article 20 et que M n’était plus en Espagne à la date de l’adoption de l’ordonnance. La base exacte sur laquelle la juridiction espagnole a fondé sa compétence n’est pas indiquée. Cependant, toutes les indications de l’ordonnance semblent explicables par l’hypothèse selon laquelle cette juridiction a estimé elle-même avoir une compétence sur le fond pour réglementer la responsabilité personnelle vis-à-vis des deux enfants (43) et que son ordonnance provisoire était, en termes de procédure, une mesure avant dire droit précédant une décision plus définitive à cet égard à la suite du dépôt de mémoires plus complets des deux parents dans la procédure sur le fond, plutôt qu’une mesure urgente adoptée dans les circonstances prévues à l’article 20.

    105. En ce qui concerne la deuxième, il me semble que l’interprétation ne résiste pas à une étude approfondie.

    106. En premier lieu, dans les articles 8 à 15, le règlement énumère une liste exhaustive de règles sur la compétence relative aux questions de responsabilité parentale. Il est dans la nature de ces questions que beaucoup de décisions aient un caractère provisoire. Ensuite, l’article 20 indique clairement que ces règles n’empêchent pas les juridictions des États membres de prendre des mesures provisoires urgentes prévues par la loi nationale relatives aux personnes présentes dans cet État, même si une juridiction d’un autre État membre est compétente pour connaître du fond de l’affaire, et que ces mesures cessent de s’appliquer lorsque cette dernière juridiction adopte les mesures appropriées. Une telle disposition ne vise pas à réglementer toutes les mesures provisoires, ni à attribuer une compétence sur le fond. Elle permet simplement, dans des circonstances déterminées, à une autre juridiction, qui est temporairement mieux placée à cette fin que la juridiction compétente pour connaître du fond, de prendre les mesures provisoires urgentes nécessaires, lesquelles restent subordonnées aux mesures décidées par la juridiction compétente sur le fond (44).

    107. Cela étant, une réponse qui se limiterait au statut des mesures adoptées dans les circonstances prévues à l’article 20 n’aiderait pas à résoudre la question de fond sous-jacente relative à la reconnaissance et à l’exécution de l’ordonnance attaquée – même si elle pourrait peut-être aider le Bundesgerichtshof à parvenir à une décision dans le pourvoi qui lui est présenté si (en raison des contraintes imposées par la procédure nationale) cette décision doit se baser sur la prémisse que l’ordonnance attaquée a bien été adoptée dans les circonstances prévues à l’article 20. Il serait encore moins utile de refuser de répondre à la question, ainsi que le gouvernement tchèque l’a suggéré, au motif que, à la lumière des faits, elle est hypothétique.

    108. Au contraire, la Cour a toujours considéré qu’une procédure préjudicielle, dans la mesure où elle implique une coopération entre la Cour et les juridictions nationales, exige qu’elle fournisse une réponse utile à la juridiction nationale qui lui permette de se prononcer par la suite sur l’affaire dont elle est saisie. Ce faisant, la Cour a pour mission d’interpréter toutes les dispositions du droit de l’Union nécessaires à cette fin, y compris les dispositions qui ne sont pas expressément citées dans les questions qui lui sont adressées, et elle peut être amenée à reformuler ces questions (45).

    109. Cette approche semble d’autant plus nécessaire dans un litige portant sur la responsabilité parentale qui a déjà été excessivement prolongé. Cela fait maintenant plus de deux ans, et plus de la moitié de la durée de la vie des jumeaux, que l’ordonnance attaquée a été adoptée et certifiée par la juridiction espagnole. Une telle situation va totalement à l’encontre de l’objectif principal du règlement, qui est de protéger l’intérêt supérieur de l’enfant en garantissant la rapidité d’adoption et de mise en œuvre des décisions, sans que cela entraîne des retards de procédure dus à la nature internationale de la situation.

    110. Partant, je ne suis pas d’accord avec l’approche restrictive du gouvernement allemand (selon laquelle seule la juridiction de renvoi, ayant une pleine connaissance de la procédure et des questions posées, est en principe qualifiée pour définir et délimiter la question à laquelle la Cour doit répondre). Je tâcherai plutôt d’examiner toutes les questions et dispositions qui paraissent pertinentes, afin d’apporter la réponse la plus utile possible pour parvenir à une solution d’ensemble rapide dans l’intérêt supérieur des jumeaux.

    111. Il y a lieu d’observer, lorsqu’on identifie les questions pertinentes, que la demande du père, sur laquelle porte l’affaire pendante devant le Bundesgerichtshof, vise de fait à obtenir la reconnaissance et l’exécution de l’ordonnance attaquée uniquement en ce qui concerne M, qui réside en Allemagne. En ce qui concerne S, qui réside en Espagne, il n’est pas nécessaire de reconnaître l’ordonnance, et il n’y a aucune possibilité de la faire exécuter en Allemagne. Une question distincte dans la procédure pendante devant l’Amtsgericht Stuttgart (question qui, apparemment, a également été examinée au cours de la procédure d’appel auprès de l’Audiencia Provincial de Madrid) est de savoir si ce sont les juridictions allemandes ou espagnoles qui ont compétence pour se prononcer sur la responsabilité parentale en ce qui concerne l’un ou les deux jumeaux, mais aucune question sur ce point n’a été adressée à la Cour. Néanmoins, étant donné que les deux questions sont liées, quelques considérations peuvent également concerner cette deuxième question, au moins de manière indirecte.

    112. Comme précédemment indiqué, le règlement prévoit la reconnaissance et l’exécution quasi automatiques des décisions, en s’appuyant sur un degré élevé de confiance mutuelle, ce qui à son tour exige un degré élevé de responsabilité et de coopération. Bien qu’il existe quelques exceptions à l’obligation de reconnaissance et d’exécution on aurait pu supposer que l’ordonnance attaquée de la juridiction espagnole serait, en principe, reconnue et exécutée en Allemagne.

    113. Un certain nombre d’objections à cette solution ont cependant été formulées, principalement par la mère, même si plusieurs États membres ont présenté des arguments qui vont en partie dans le même sens. Il existe en substance cinq arguments: i) la juridiction espagnole n’était pas compétente sur le fond en vertu du règlement pour se prononcer sur la responsabilité parentale en ce qui concerne M; ii) l’ordonnance attaquée était une mesure provisoire, et les articles 21 et suivants du règlement n’exigent pas la reconnaissance ou l’exécution des mesures provisoires de quelque type que ce soit; iii) l’ordonnance attaquée était une mesure provisoire au sens de l’article 20 du règlement, et les articles 21 et suivants n’exigent pas la reconnaissance ou l’exécution des mesures provisoires de cette nature particulière; iv) la juridiction espagnole n’était pas autorisée par l’article 20 du règlement à se prononcer sur la responsabilité parentale concernant M; et v) malgré le certificat délivré par la juridiction espagnole conformément à l’article 39 du règlement, l’ordonnance attaquée a cessé d’être exécutoire en Espagne lorsque le père n’a pas entamé de procédure sur le fond dans le délai des 30 jours ouvrables à compter de la date de son adoption.

    114. Je m’efforcerai d’examiner tous ces points dans un cadre systématique, dans lequel je considérerai également la nature de l’ordonnance attaquée, élément qui semble essentiel pour la décision finale relative à la question de savoir s’il convient ou non de la reconnaître ou de l’exécuter.

    115. En premier lieu, j’examinerai l’hypothèse selon laquelle la juridiction espagnole a estimé qu’elle était compétente sur le fond pour les deux jumeaux en vertu des articles 8 et suivants du règlement. J’examinerai comment le règlement peut permettre à la mère, si elle conteste cette compétence, de s’assurer que l’ordonnance ne soit ni reconnue ni exécutée en Allemagne. Dans ce contexte, j’examinerai la question de savoir si le fait que l’ordonnance attaquée soit une mesure provisoire fait une différence.

    116. En second lieu, je supposerai que la juridiction espagnole a estimé (en ce qui concerne M) qu’elle n’était pas compétente sur le fond, mais qu’elle pouvait adopter une ordonnance provisoire en vertu de l’article 20 du règlement, et je me demanderai si les mesures visées par cet article doivent normalement être reconnues et exécutées dans d’autres États membres. Si tel était le cas, j’aborderais à nouveau les procédures à suivre en cas de contestation relative à la compétence.

    117. Cependant, avant d’aborder ces hypothèses, il me semble utile de clarifier brièvement ce que l’on entend par mesure «provisoire».

     Mesures «provisoires»

    118. À première vue, le besoin de clarification peut sembler douteux: une mesure provisoire est, évidemment, une mesure destinée à ne produire d’effets que pour une durée limitée – jusqu’à ce qu’un certain événement se produise ou qu’une certaine période s’écoule.

    119. Cependant, il est dans la nature et dans l’essence du droit de la famille que, au fur et à mesure que les enfants grandissent et les circonstances changent, les décisions de fond sur la responsabilité parentale peuvent nécessiter une modification (ou même une inversion). En conséquence, aucune décision de ce genre n’est définitive ou finale au sens où une décision de divorce est définitive ou finale. En outre, toutes les décisions sur la responsabilité parentale ne produisent leurs effets que sur une période limitée, dans la mesure où elles viennent nécessairement à terme lorsque les enfants atteignent leur majorité.

    120. Dans le cadre de l’article 20 du règlement, la situation est claire: une mesure provisoire est une mesure adoptée dans des circonstances d’urgence, dont l’application cesse lorsque la juridiction compétente sur le fond adopte les mesures qu’elle estime appropriées.

    121. Par analogie, on pourrait dire qu’une décision provisoire portant sur la responsabilité parentale qui est prise par une juridiction compétente sur le fond est une mesure habituellement adoptée pour faire face à des circonstances pressantes qui ne permettent pas un examen complet de la question. En principe, elle est adoptée avec l’idée spécifique qu’elle sera supplantée par une décision ultérieure qui sera prise après un examen plus approfondi, celle-ci n’étant pas spécifiquement destinée à être remplacée ou modifiée, à moins d’un changement de circonstances. Dans un souci de concision, je renverrai à ces dernières décisions comme à des décisions «fermes», car elles ne sont pas vraiment finales ou définitives.

    122. Par conséquent, dans ce contexte, l’existence d’un degré d’urgence est l’une des caractéristiques habituelles d’une mesure provisoire (c’est une caractéristique nécessaire lorsqu’il s’agit de l’article 20). Il semble important de garder à l’esprit que les mesures urgentes sont souvent adoptées au moyen d’une procédure sommaire qui peut plus ou moins manquer des garanties habituelles. Il n’est peut-être pas possible d’entendre toutes les parties intéressées ou d’examiner toutes les preuves pertinentes. Certaines décisions peuvent même être adoptées par téléphone et ne donner lieu qu’à une note manuscrite dans un dossier (46).

    123. En gardant à l’esprit ces considérations, j’aborderai maintenant les deux hypothèses précédemment énoncées.

     Première hypothèse, la compétence sur le fond

     Décision ferme

    124. Les termes et le système du règlement sont tout à fait clairs: une décision rendue dans un État membre doit être reconnue dans les autres États membres sans qu’aucune procédure spéciale ne soit nécessaire, et une décision rendue dans un État membre, qui y est exécutoire et qui a été communiquée, doit être exécutée dans un autre État membre lorsqu’elle y a été déclarée exécutoire conformément à la procédure établie dans le règlement. L’article 23, lu en combinaison avec l’article 31, paragraphe 2, prévoit des motifs spécifiques et limités de non-reconnaissance d’une décision ou de refus d’une demande de déclaration de caractère exécutoire, auxquels il faut probablement ajouter un défaut de caractère exécutoire dans l’État membre d’origine ainsi que l’absence de communication de la décision à la partie défenderesse, ainsi qu’il semble ressortir clairement de l’article 28, paragraphe 1. Lorsque aucun de ces motifs ne s’applique, il n’est tout simplement pas possible de refuser la reconnaissance ou l’exécution. Dans le présent cas d’espèce, le seul moyen qui a été avancé (par la mère, devant l’Amtsgericht Stuttgart) est que l’acte contesté n’avait plus d’effets en Espagne lorsque le père a entamé la procédure visant à déclarer le caractère exécutoire de la décision en Allemagne – point que j’examinerai ci-après, aux points 148 et suivants.

    125. En outre, il apparaît clairement que les juridictions de l’État membre de reconnaissance ou d’exécution ne peuvent ni contrôler la compétence de la juridiction d’origine ni revoir sa décision sur le fond.

    126. L’interdiction du contrôle de la compétence est également inhérente à l’article 19 du règlement relatif à la litispendance. Lorsque des actions relatives à la responsabilité parentale à l’égard d’un enfant, ayant le même objet et la même cause, sont introduites auprès de juridictions d’États membres différents, la juridiction saisie en second lieu sursoit d’office à statuer jusqu’à ce que la compétence de la juridiction première saisie soit établie, puis elle est tenue de se dessaisir en faveur de cette juridiction. En outre, conformément à la jurisprudence portant sur la disposition substantiellement similaire de l’article 21 de la convention de Bruxelles, il appartient à la juridiction saisie en premier lieu de se prononcer sur sa propre compétence (47). (Je reconnais que la jurisprudence sur la convention de Bruxelles ou l’acte qui lui a succédé, le règlement n° 44/2001, ne saurait être appliquée de manière automatique et indiscriminée au présent règlement (48), mais, sur ce point particulier, il n’y a apparemment aucune raison de ne pas la transposer.)

    127. Que peut-on donc faire lorsque, comme dans le cas d’espèce, une partie conteste la compétence de la juridiction qui a adopté la décision dont la reconnaissance ou l’exécution est demandée? La réponse évidente est de porter cette action devant cette même juridiction. Si l’ordonnance attaquée avait été une décision ferme sur la responsabilité parentale, il est clair que le règlement n’aurait pas permis à la mère d’obtenir le refus de sa reconnaissance ou de son exécution en Allemagne ou d’introduire une procédure ultérieure dans cet État membre pour obtenir une nouvelle décision ferme, au motif que les juridictions compétentes étaient les juridictions allemandes et non pas les juridictions espagnoles. Partant, son seul recours aurait été de former un appel, dans le cadre du système juridique espagnol, contre la décision de la juridiction espagnole de se reconnaître compétente (49), avec la perspective d’un renvoi préjudiciel à la Cour – au plus tard lorsque l’affaire serait devant la juridiction de dernier recours.

    128. Une telle procédure pourrait se révéler longue (50) (bien que l’on puisse espérer une procédure accélérée dans la mesure du possible et, bien entendu, qu’en cas de doute même la juridiction de première instance puisse maintenant adresser une question à la Cour et demander son traitement par une procédure d’urgence), mais c’est la seule voie autorisée par le règlement. Cela souligne à nouveau le degré élevé de responsabilité qui repose sur les juridictions nationales lorsqu’elles assument la compétence, ainsi que la nécessité pour elles de motiver explicitement, intégralement et clairement leur décision. Seul un tel traitement consciencieux peut générer un véritable climat de confiance mutuelle tel qu’exigé par le règlement, et seule une telle motivation peut permettre à la juridiction d’appel, à la juridiction d’exécution d’un autre État membre ou à la Cour, selon le cas, de se prononcer sur tout aspect litigieux aussi rapidement que possible.

     Décision provisoire

    129. En quoi cette appréciation peut-elle être différente si une décision (adoptée par une juridiction s’estimant compétente sur le fond) est manifestement une décision provisoire? Il est possible que cela soit une analyse plausible de la situation du présent cas d’espèce.

    130. Avant toute chose, ainsi qu’un certain nombre d’observations écrites l’ont signalé, le règlement n’établit pas de distinction explicite entre les décisions finales ou fermes, d’une part, et les décisions provisoires, d’autre part. L’article 2, point 4, définit le terme «décision» de manière large, indépendamment de la terminologie formelle utilisée, et rien n’indique qu’il y ait lieu d’en exclure une catégorie de décisions; les dispositions du chapitre II sur la compétence (51) ne distinguent pas entre les procédures en fonction du fait que la décision, ainsi qu’elle est largement définie, soit provisoire ou non; les dispositions du chapitre III sur la reconnaissance et l’exécution renvoient à la reconnaissance et à l’exécution des décisions, sans faire non plus de différence; de surcroît, au sein de ce chapitre, l’article 23, sous b), prévoit qu’une décision peut être rendue en cas d’urgence, ce qui implique qu’elle peut être provisoire.

    131. Je ne vois non plus aucune raison impérieuse, liée à la nature des mesures provisoires, d’établir de distinction. Une juridiction compétente sur le fond est une juridiction de l’État membre avec lequel l’enfant a, en principe, le lien le plus étroit (ou au moins un lien substantiel). C’est également la juridiction qui adoptera la décision sur le fond concernant la responsabilité parentale, décision qui doit, en vertu du règlement, être reconnue et exécutée dans tous les autres États membres. Elle doit nécessairement être compétente afin d’adopter toutes les mesures provisoires nécessaires jusqu’au prononcé d’une décision ferme (52). Ces mesures provisoires seront, en outre, étroitement liées à la décision ferme ultérieure. La juridiction se prononcera sur ces mesures à la lumière, entre autres, de sa propre obligation de parvenir à cette décision ferme aussi rapidement que possible, compte tenu de la nécessité d’un examen approfondi du fond de l’affaire, et elle cherchera à garantir dans la mesure du possible que les mesures provisoires ne compromettent pas ou ne prédéterminent pas cette décision.

    132. Appréhendées sous cet angle, il me semble que les mesures provisoires adoptées par une juridiction compétente sur le fond en vertu du règlement doivent être reconnues et exécutées dans les autres États membres en respectant les mêmes conditions que celles qui s’appliquent à la décision ultérieure que la même juridiction sera appelée à prononcer. Toute autre approche entraînerait le risque de porter atteinte à la décision ultérieure en compromettant les efforts réalisés afin de garantir une continuité – et cela priverait le règlement d’une grande partie de son efficacité vis-à-vis d’un grand nombre de décisions adoptées quotidiennement par les juridictions familiales dans toute l’Union européenne.

    133. On pourrait soutenir, néanmoins, que la nature souvent sommaire de la procédure conduisant à l’adoption d’une mesure provisoire, qui manque peut-être de quelques-unes des garanties procédurales qui habituellement assurent les droits de la défense, milite contre une reconnaissance et une exécution automatiques.

    134. On peut cependant répondre à cet argument que l’article 23 du règlement précise les circonstances dans lesquelles la reconnaissance et l’exécution peuvent être refusées, et que le législateur avait clairement en tête cette procédure sommaire: ces demandes peuvent être refusées, entre autres, si l’enfant n’a pas eu la possibilité d’être entendu (sauf dans les cas d’urgence); ou si la décision a été adoptée par défaut, alors que la personne défaillante n’a pas été informée en temps utile et de telle manière qu’elle puisse pourvoir à sa défense; ou si la décision fait obstacle à l’exercice de la responsabilité parentale d’une personne qui n’a pas eu la possibilité d’être entendue (53).

    135. Par conséquent, il apparaît que le règlement ne prévoit pas d’exclusion générale du régime normal de reconnaissance et d’exécution du simple fait que la procédure peut, de par sa nature, ne pas comporter une ou plusieurs des garanties habituelles. L’exclusion n’est prévue que lorsque certaines garanties précises sont réellement refusées. Il n’a pas été suggéré, dans le présent cas d’espèce, qu’une garantie de cette nature ait été refusée. En effet, les enfants étaient trop jeunes pour être entendus et la mère a largement eu la possibilité, dont elle a fait usage, de défendre sa position.

    136. Un autre argument possible en faveur d’une approche plus prudente à l’égard des mesures provisoires est qu’une décision provisoire ne sera peut-être pas soumise à la possibilité d’un appel, de sorte que la partie souhaitant contester la compétence pourrait ne pas avoir l’occasion de le faire, que ce soit dans l’État membre d’origine ou dans l’État membre d’exécution.

    137. La réponse à la question de savoir si telle est la situation dans le présent cas d’espèce ne ressort pas clairement des documents de l’affaire (54). Selon moi, elle ne ressort pas non plus clairement des réponses du gouvernement espagnol aux questions de la Cour, qu’elles soient écrites ou orales. En tout état de cause, il est au moins suggéré qu’il aurait été possible de former un certain type de recours contre la décision de la juridiction espagnole de se reconnaître compétente pour adopter l’ordonnance attaquée, et il semble que la mère a au moins eu la possibilité de contester cette compétence dans le cadre de la procédure principale ultérieure. Cependant, quelle que soit la situation réelle dans le présent cas d’espèce, si, dans un cas particulier, il n’y a pas de recours possible contre la décision d’une juridiction de se reconnaître compétente, alors, au cas où une contestation serait soulevée devant cette juridiction, celle-ci fait partie des tribunaux tenus, en vertu de l’article 267, troisième alinéa, TFUE (article 234 CE), d’adresser à la Cour une question préjudicielle – et sa demande serait, on peut l’espérer, traitée dans le cadre d’une procédure d’urgence.

    138. Dans ses observations écrites à la Cour, la mère a proposé une autre raison de ne pas reconnaître ou exécuter les décisions provisoires (d’une juridiction se reconnaissant compétente sur le fond) de la même manière que les décisions fermes. Ayant soutenu, en premier lieu, que des mesures adoptées dans les circonstances prévues à l’article 20 ne devraient pas être reconnues ou exécutées dans d’autres États membres (question que j’aborderai plus loin (55)), elle soutient qu’il convient d’adopter la même approche lorsque la juridiction n’agit pas dans ces circonstances, mais qu’elle s’attribue la compétence sur le fond de l’affaire et qu’elle adopte des mesures provisoires qui relèvent de cette compétence. Retenir une approche différente obligerait la juridiction de l’État membre d’exécution à se prononcer sur la question de savoir si la juridiction d’origine a fondé sa compétence sur les articles 8 ou 14 ou sur l’article 20 – alors que l’article 24 du règlement interdit expressément de contrôler la compétence de la juridiction d’origine.

    139. Je pense que cette analyse est erronée, indépendamment de la question de savoir s’il convient d’établir une distinction entre les deux catégories de mesures provisoires. Afin de savoir si une mesure provisoire a été adoptée sur la base d’une compétence sur le fond résultant des dispositions du règlement ou des circonstances établies à l’article 20, il n’est pas nécessaire de contrôler la compétence de la juridiction d’origine, mais seulement d’identifier la base sur laquelle elle fonde sa compétence.

    140. Il convient d’admettre que ce fondement ne sera peut-être pas toujours facile à identifier. Dans le cas d’espèce, l’ordonnance attaquée n’est pas aussi complètement ou aussi clairement motivée qu’il serait souhaitable – même s’il semble que la juridiction espagnole a effectivement examiné la question sous plusieurs angles et s’est effectivement estimée compétente en renvoyant à plusieurs motifs de compétence sur le fond, mais sans citer l’article 20. Dans d’autres cas, la motivation peut être beaucoup plus laconique et même complètement absente, ce qui constitue un manquement complet aux obligations qui incombent aux juridictions nationales en tant que corollaire du principe de confiance mutuelle qui imprègne le règlement.

    141. La Commission et le gouvernement allemand indiquent notamment que, si le fondement sur lequel la compétence est assumée ne peut être clairement identifié à partir du libellé ou du contenu de la décision dont on demande la reconnaissance ou l’exécution, alors, par analogie avec l’arrêt Mietz (56), il convient de la présumer fondée sur l’article 20. À l’audience, le gouvernement tchèque semble avoir soutenu exactement l’inverse.

    142. Dans son arrêt Mietz, la Cour a souligné (dans le cadre de la convention de Bruxelles) que, lorsqu’elle a ordonné un paiement par provision, la juridiction d’origine n’avait pas expressément invoqué sa compétence en vertu de la convention pour connaître du fond de l’affaire, et qu’une telle compétence ne ressortait pas, de toute évidence, des termes de sa décision (comme cela aurait été le cas si, par exemple, celle-ci avait clairement fait ressortir que le défendeur était domicilié sur le territoire de l’État contractant de la juridiction d’origine et qu’aucune des compétences exclusives prévues dans la convention n’était applicable). Partant, la Cour a estimé que, s’agissant du silence de la juridiction d’origine en ce qui concerne le fondement de sa compétence, le souci de ne pas voir contournées les règles de la convention imposait que sa décision devait être comprise en ce sens qu’elle avait fondé sa compétence pour ordonner des mesures provisoires sur son droit national relatif aux référés, et non pas sur une quelconque compétence de fond dérivée de la convention.

    143. Comme précédemment indiqué, les aspects de la jurisprudence sur la convention de Bruxelles et le règlement n° 44/2001 ne sont pas tous transposables sans nuances au contexte du présent règlement. Il me semble que cet aspect-ci doit être nuancé, même si je ne vois pas de raison d’adopter le revirement total proposé par le gouvernement tchèque.

    144. Le présent règlement – contrairement à la convention de Bruxelles et au règlement n° 44/2001 – prévoit spécifiquement la communication entre juridictions, facilitée en cas de nécessité, par les autorités centrales des États membres concernés. Il est conforme à l’esprit de coopération mutuelle qui sous-tend le règlement que cette communication s’étende à tout ce qui peut faciliter ou accélérer les procédures ayant pour objet la reconnaissance ou l’exécution des décisions. Étant donné qu’en l’espèce il s’agit seulement d’identifier le fondement sur lequel la juridiction d’origine s’est estimée compétente, la communication ne devrait pas être trop ardue.

    145. Par conséquent, je nuancerais l’approche retenue par la Cour dans le cadre de la convention de Bruxelles. La coopération accrue et les dispositions spécifiques du règlement relatives à la communication entre juridictions – l’obligation d’en faire usage ressortant de la jurisprudence (57) – exigent qu’une juridiction d’exécution qui doute du fondement de la compétence assumée par la juridiction d’origine cherche à s’informer de ce fondement auprès de la juridiction concernée. Ce n’est que si cette démarche n’aboutit pas au résultat recherché dans un délai raisonnablement court qu’il convient de présumer que cette compétence a été assumée dans les circonstances prévues à l’article 20, paragraphe 1.

    146. Dans le présent cas d’espèce, il me semble que, même si l’ordonnance attaquée n’est pas aussi explicite que l’on aurait pu le souhaiter, on peut très naturellement en conclure que la juridiction espagnole a estimé être compétente sur le fond et qu’elle ne s’est pas fondée sur l’article 20 (58).

    147. Il y a lieu d’ajouter qu’il n’aurait pas été possible de se fonder correctement sur l’article 20 dans les circonstances de l’espèce, car M n’a jamais été présent en Espagne au cours de la procédure devant la juridiction espagnole. (On pourrait déduire des points 50 à 52 de l’arrêt Detiček (59) que, pour adopter une mesure provisoire relative à la responsabilité parentale dans les circonstances prévues à l’article 20, non seulement l’enfant, mais également les personnes qui exerçaient au préalable et/ou postérieurement cette responsabilité doivent être présents dans l’État membre concerné. Cependant, je partage l’opinion exprimée à l’audience par un certain nombre des intervenants selon laquelle une telle approche serait incorrecte, et que c’est seulement la présence de l’enfant qui conditionne la question de savoir si des mesures provisoires urgentes peuvent être adoptées à son égard.) En ce qui concerne S, le fait qu’elle n’ait jamais quitté le sol espagnol depuis sa naissance signifie que la compétence sur le fond des juridictions espagnoles en vertu de l’article 8 est incontestable, et qu’il n’y a (pour l’instant) aucun problème de reconnaissance ou d’exécution dans un autre État membre.

    148. Enfin, la mère a soutenu devant l’Amtsgericht Stuttgart que, en dépit du certificat émis par la juridiction espagnole conformément à l’article 39 du règlement, l’ordonnance attaquée n’est pas exécutoire en Espagne, parce que les mesures provisoires de cette nature n’ont plus d’effets si la procédure sur le fond n’est pas engagée dans les 30 jours ouvrables; or, dans le cas d’espèce, le père n’aurait pas entamé la procédure dans ce délai (60).

    149. La question de savoir si cette allégation est bien fondée ou non en fait et en droit procédural espagnol ne relève pas de la Cour. Cependant, une question relative au règlement peut se présenter si une partie demande une déclaration de force exécutoire dans un autre État membre pour une mesure qui a cessé d’être exécutoire dans l’État membre d’origine, mais au sujet de laquelle un certificat a été émis.

    150. Conformément à l’article 28, paragraphe 1, du règlement, pour qu’une décision sur l’exercice de la responsabilité parentale soit exécutée dans un autre État membre, elle doit être exécutoire dans l’État membre d’origine. Conformément aux articles 37, paragraphe 1, sous b), et 39, une demande de déclaration constatant la force exécutoire doit être accompagnée par un certificat dans la forme prévue à l’annexe II, émis par la juridiction compétente de l’État membre d’origine. Au point 9.1 de ce certificat, la juridiction en cause est tenue d’indiquer si la décision est exécutoire selon la loi de cet État. Partant, la question se pose de savoir si la juridiction de l’État membre d’exécution peut aller au-delà de ce certificat, une fois qu’il est émis, afin de vérifier si la décision est (toujours) exécutoire.

    151. Il me semble que cette possibilité est ouverte à la juridiction qui reçoit la demande de déclaration de force exécutoire. Bien que l’article 31, paragraphe 2, indique que la requête ne peut être rejetée que pour l’un des motifs prévus à l’article 23, il semble logiquement nécessaire que le rejet soit également possible si la décision n’est pas exécutoire dans l’État membre d’origine, étant donné que le caractère exécutoire est une condition explicitement prévue à l’article 28, paragraphe 1. Néanmoins, la présentation du certificat de l’annexe II n’est pas une condition absolue pour satisfaire à cette exigence, car l’article 38, paragraphe 1, autorise la juridiction de l’État membre d’exécution à accepter des documents équivalents ou d’autres informations. En outre, aucune des dispositions des sections 2 et 3 du chapitre III du règlement, lesquelles régissent la procédure pour la déclaration de la force exécutoire des décisions relatives à la responsabilité parentale, n’indique que le certificat de l’annexe II est contraignant ou inattaquable.

    152. En cela, ces dispositions se différencient nettement de celles de la section 4, qui régissent le caractère exécutoire de certaines décisions relatives au droit de visite ou ordonnant le retour de l’enfant. Cette section prévoit des certificats revêtant les formes spécifiées aux annexes III et IV respectivement, pour la reconnaissance et l’exécution d’une décision «sans qu’aucune déclaration lui reconnaissant force exécutoire ne soit requise et sans qu’il soit possible de s’opposer à sa reconnaissance si la décision a été certifiée dans l’État membre d’origine» (61). Le règlement prévoit également que la délivrance d’un certificat n’est susceptible d’aucun recours (62), mais, comme il n’autorise pas l’acceptation d’autres documents ou informations équivalents, il fait de la production d’un certificat une condition absolue à l’exécution d’une décision.

    153. Partant, il me semble que l’intention du législateur était de faire la différence entre, d’une part, les décisions portant sur l’exercice de la responsabilité parentale et, d’autre part, les décisions relatives au droit de visite ou ordonnant le retour de l’enfant (63). Pour ces dernières, le certificat attestant, entre autres, le caractère exécutoire dans l’État membre d’origine est crucial: il est à la fois nécessaire et contraignant. Pour les premières, le certificat est important, mais il ne constitue pas une nécessité absolue et il n’est pas incontestable.

    154. Lorsqu’une mesure ne garde pas indéfiniment son caractère exécutoire dans l’État membre d’origine, mais que ces effets cessent ou peuvent cesser après une certaine période, ou du fait de la survenance ou non d’un événement particulier, il est évidemment non seulement souhaitable, mais également inhérent au système de confiance mutuelle sous-jacent au règlement que la juridiction d’origine précise cette limitation sur le certificat. Lorsque cette indication n’apparaît pas, toute partie intéressée peut apporter la preuve que la mesure n’est plus exécutoire. Dans cette hypothèse, les moyens de communication disponibles entre les juridictions et les autorités centrales sont les mêmes que lorsqu’il est nécessaire d’identifier le fondement de la compétence. Lorsque ces moyens fournissent une réponse satisfaisante, la juridiction d’exécution n’a manifestement pas à chercher plus loin; cependant, en l’absence d’une telle réponse, elle ne devrait pas empêcher les parties d’apporter des preuves par d’autres moyens dans un délai convenable.

    155. J’en arrive ainsi à la conclusion que des mesures provisoires adoptées par une juridiction d’un État membre sur le fondement de la compétence tirée par cette juridiction des règles relatives à la compétence sur le fond du règlement doivent être reconnues et exécutées dans les autres États membres de la même manière que toute autre décision adoptée sur le même fondement, conformément aux articles 21 et suivants du règlement. Une juridiction saisie d’une demande de reconnaissance ou de non-reconnaissance d’une telle mesure, ou d’une demande de déclaration constatant la force exécutoire est en droit de s’informer sur le fondement de la compétence invoquée par la juridiction d’origine, que ce soit à partir du libellé ou du contenu de la décision ou, en cas de nécessité, en s’adressant directement à la juridiction d’origine ou par l’intermédiaire des autorités centrales appropriées. Si, et seulement si, cette communication n’aboutit pas à un résultat dans des délais raisonnablement courts, il convient de présumer que la juridiction s’est reconnue compétente dans les circonstances prévues à l’article 20, paragraphe 1. En ce qui concerne les décisions (provisoires) en matière de responsabilité parentale, les mêmes moyens de communication peuvent être utilisés pour vérifier que la décision est (toujours) exécutoire dans l’État membre d’origine dans l’hypothèse où l’exactitude du certificat émis conformément à l’article 39 est contestée.

     Deuxième hypothèse: une mesure autorisée par l’article 20

    156. Parvient-on à la même conclusion pour la reconnaissance et l’exécution d’une décision, lorsque les mesures provisoires en cause ne sont pas adoptées sur la base de la compétence sur le fond conformément au règlement, mais en s’appuyant sur le droit national dans les circonstances limitées autorisées par l’article 20?

    157. Une observation initiale évidente est que le libellé même de l’article 20 limite la nature des mesures couvertes («relatives aux personnes ou aux biens présents dans cet État»), de telle sorte que les problèmes de reconnaissance ou d’exécution dans un autre État ne seront peut-être pas fréquents. En outre, le fait que ces mesures cessent de s’appliquer dès que la juridiction compétente sur le fond adopte des mesures signifie que toute reconnaissance ou exécution pourrait bien ne revêtir qu’une valeur éphémère pour la partie qui la demande (64). Cependant, le fait que ces situations sont peut-être bien moins susceptibles de se produire dans les circonstances prévues à l’article 20 que dans l’hypothèse de mesures provisoires adoptées par une juridiction compétente sur le fond ne signifie pas qu’elles ne peuvent pas se produire, particulièrement lorsqu’un incident survient au cours du séjour temporaire légal d’un enfant dans un troisième État membre.

    158. De tous ceux qui ont présenté des observations écrites, seuls les gouvernements espagnol et italien estiment que les mesures adoptées dans les circonstances prévues à l’article 20 doivent être reconnues et exécutées dans d’autres États membres. Ces deux gouvernements soulignent la définition extrêmement large dans l’article 2, point 4, du règlement (65) du terme «décision», qui est celui utilisé dans toutes les dispositions portant sur la reconnaissance et l’exécution et qu’ils considèrent devoir couvrir toutes les décisions exécutoires de n’importe quelle juridiction, indépendamment du fondement sur lequel elles sont adoptées. Le gouvernement italien souligne l’importance du droit à être entendu, qu’il considère comme le seul critère essentiel pour qu’une décision soit exécutoire dans un autre État membre. Le gouvernement espagnol estime que l’effet utile du règlement serait compromis si des mesures adoptées dans les circonstances prévues à l’article 20 étaient soustraites aux dispositions sur la reconnaissance et l’exécution (66).

    159. La Commission, bien qu’elle ait estimé dans ses observations écrites que l’article 20 n’était pas pertinent dans le cadre de la procédure principale, a développé une approche plutôt originale lors de l’audience. Elle a suggéré que les dispositions des articles 21 et suivants du règlement étaient en effet applicables aux mesures adoptées dans les circonstances prévues à l’article 20, paragraphe 1, mais seulement si chacune de ces circonstances – présence de la personne ou du bien en question, urgence et nature provisoire de la mesure – pouvait être rigoureusement vérifiée, et que le droit à être entendu était garanti. Notamment, elle a soutenu que la nature provisoire de la mesure devait explicitement apparaître dans la décision adoptée et que le terme de validité devait être indiqué.

    160. Bien que cela puisse être une approche souhaitable, il me semble qu’elle n’a pas de fondement dans le règlement lui-même. Notamment, elle semblerait impliquer l’application des articles 21 et suivants, tout en modifiant l’application de l’article 24, qui interdit tout contrôle de compétence. Partant, je n’estime pas que cette approche soit justifiée par la réglementation dans sa version actuelle.

    161. Les autres parties ayant présenté des observations écrites ont avancé un certain nombre d’arguments se recoupant souvent, qui tendent tous vers la thèse selon laquelle les règles sur la reconnaissance et l’exécution des articles 21 et suivants ne s’appliquent pas aux mesures provisoires adoptées sur le seul fondement de l’article 20.

    162. En premier lieu, les gouvernements portugais et du Royaume-Uni suggèrent que, parce que l’article 20 renvoie à des «mesures» plutôt qu’à des «décisions» provisoires, le législateur avait spécifiquement l’intention d’exclure ces mesures des «décisions» citées dans le reste du règlement, notamment dans les dispositions relatives à la reconnaissance et à l’exécution. Je n’estime pas cet argument convainquant, particulièrement au regard des termes «quelle que soit la dénomination de la décision, y compris les termes ‘arrêt’, ‘jugement’ ou ‘ordonnance’» qui figurent à l’article 2, point 4, lus en combinaison avec la très large définition d’une «juridiction» apparaissant à l’article 2, point 1. Dans ce contexte, si le législateur avait souhaité distinguer dans l’article 20 entre une «mesure» et une «décision», je pense qu’il aurait été plus explicite. Il me semble plutôt que le choix des termes découle très probablement de l’historique de la disposition, dont les précurseurs (67) se référent presque exclusivement à des «mesures».

    163. Ensuite, les gouvernements tchèque, portugais et du Royaume-Uni soulignent tous que l’article 20 constitue une exception au schéma général du règlement et que, en tant que tel, il doit être interprété strictement. Je reconnais que l’article 20 est une exception – cependant, c’est une exception aux règles générales sur la compétence (y compris sur la litispendance (68)) du chapitre II, parmi lesquelles il se situe, et non à celles portant sur la reconnaissance et l’exécution contenues au chapitre III. Partant, je suis d’accord avec l’idée que l’article 20 doit être interprété strictement lorsqu’on doit décider si une situation relève de son champ d’application, notamment en ce qui concerne les conditions d’urgence et de présence sur le territoire. Cependant, je ne suis pas convaincue que cela devrait donner lieu, comme corollaire automatique, à une application restreinte des dispositions sur la reconnaissance et l’exécution, notamment eu égard de la liste apparemment exhaustive des motifs de non-reconnaissance prévus à l’article 23 du règlement (69).

    164. Un autre argument, avancé par la mère et les gouvernements hongrois et du Royaume-Uni, est fondé sur les points 50 à 52 de l’arrêt A (70), dans lequel la Cour a déclaré en substance que, étant donné que les mesures visées par l’article 20 sont celles «prévues par la loi de cet État membre», il appartient au législateur national de les énoncer et que, l’adoption de telles mesures ayant lieu sur la base des dispositions du droit national, le caractère contraignant de celles-ci doit découler de la législation nationale en cause. Partant, ces parties soutiennent que les mesures provisoires adoptées uniquement sur la base de l’article 20 ne tirent aucune force contraignante du règlement lui-même et que, comme une telle force, si elle existe, résulte du droit national, elle doit se limiter au territoire sur lequel ce droit est applicable.

    165. Cependant, il me semble que toute décision visée par le règlement, qu’elle soit provisoire ou non, qu’elle soit adoptée sur le fondement d’une compétence sur le fond en vertu du règlement ou simplement sur le fondement de l’article 20, tire d’abord son effet contraignant du droit national de la juridiction qui l’adopte, et seulement ensuite du règlement (71). En effet, en vertu de l’article 28, paragraphe 1, le fait qu’une décision portant sur l’exercice de la responsabilité parentale soit exécutoire dans l’État membre d’origine constitue une condition explicite à la déclaration du caractère exécutoire de cette décision dans un autre État membre. Partant, il semblerait qu’il n’y a pas de raison de traiter les questions relatives à l’exécution de mesures provisoires adoptées dans les circonstances prévues à l’article 20 de manière différente des autres mesures au seul motif de l’origine de leur force contraignante (72).

    166. Un autre argument avancé par le Royaume-Uni dans ses observations écrites consiste à dire que la reconnaissance et l’exécution des «mesures de l’article 20» en dehors du territoire de l’État d’origine pourraient porter atteinte au système du règlement dans son ensemble et à la règle générale selon laquelle la compétence devrait appartenir à l’État membre de résidence habituelle de l’enfant. L’article 20 garantit l’absence de lacune en ce qui concerne la compétence, mais il entraîne un risque de retard avant que la juridiction compétente sur le fond ne puisse agir. Ce risque pourrait s’accroître si les mesures de l’article 20 devaient être exécutées dans d’autres États membres. Par exemple, un des parents pourrait demander une ordonnance de garde provisoire auprès d’une juridiction ne disposant pas de compétence sur le fond en vertu du règlement, dans les circonstances prévues à l’article 20. Si l’autre parent tentait de saisir la juridiction compétente sur le fond dans l’État membre de résidence habituelle de l’enfant, cette juridiction ne pourrait se déclarer compétente que lorsque la juridiction saisie en premier lieu se serait dessaisie. En termes pratiques, cela pourrait prendre un certain temps, pendant lequel le premier parent pourrait avoir obtenu une ordonnance reconnue et exécutable dans toute l’Union.

    167. Cette approche semble ainsi supposer que, lorsqu’une demande est introduite auprès de la juridiction d’un État membre au seul motif que les circonstances prévues à l’article 20 du règlement sont réunies, cette juridiction est la «juridiction première saisie» aux fins des règles sur la litispendance de l’article 19, de sorte que la «juridiction saisie en second lieu» ne saurait agir avant que la première ne se soit dessaisie (73).

    168. Néanmoins, lors de l’audience, le Royaume-Uni a adopté une approche différente en considérant l’article 20 comme «découpant», dans les règles de compétence du reste du règlement, un domaine spécifique dans lequel ces règles ne s’appliquent pas, mais où les règles de compétence nationales sont préservées. Le gouvernement allemand a ajouté que, sur un plan purement formel, l’article 20 suivait l’article 19, lequel ne s’appliquait qu’aux règles de compétence le précédant, et que l’article 20 serait privé d’une grande partie de son effet utile si les règles sur la litispendance lui étaient applicables. La Commission a estimé que les règles sur la litispendance s’appliquaient, mais que le critère de l’article 19 d’actions «ayant le même objet et la même cause» devrait être appliqué rigoureusement avec pour conséquence, selon elle, que l’objet et la cause ne seraient en pratique jamais les mêmes dans une procédure sur le fond et dans une procédure relevant des circonstances prévues à l’article 20, paragraphe 1.

    169. Je pense qu’une juridiction agissant en vertu du seul article 20 ne jouit d’aucune compétence conférée par le règlement. Simplement, elle n’est «pas empêchée» de prendre des mesures urgentes, dans la mesure où elles sont nécessaires et prévues par la loi nationale, relatives aux personnes ou aux biens situés dans son champ de compétence territoriale, et qui s’appliquent uniquement jusqu’à ce que la juridiction compétente sur le fond adopte une mesure appropriée. Le fait même qu’une juridiction agisse uniquement sur le fondement de l’article 20 signifie que sa compétence ne saurait être établie aux fins de l’article 19, de sorte que la procédure devant elle ne déclenche pas les règles sur la litispendance. Il semble ressortir clairement de la structure de l’article 20, et notamment dans son paragraphe 2, que cet article ne créé pas d’obstacle à la saisine de la juridiction compétente sur le fond en vertu du règlement, dont les décisions supplanteront immédiatement celles adoptées sur le fondement de l’article 20. En revanche, la théorie de la Commission, alors qu’elle conduit peut-être en pratique au même résultat, apparaît comme inutilement compliquée et incertaine.

    170. Partant, je ne vois aucun risque d’atteinte au système du règlement dans son ensemble ou à la règle générale attribuant la compétence aux juridictions de l’État membre de résidence habituelle de l’enfant si les mesures provisoires adoptées dans les circonstances prévues à l’article 20 sont reconnues et exécutées dans d’autres États membres que celui dans lequel elles ont été adoptées. Tel que je comprends le système d’ensemble, une fois saisie, la juridiction compétente sur le fond reste compétente à tout moment pour adopter toute mesure appropriée. Toute compétence d’une autre juridiction pour adopter des mesures provisoires dans les circonstances prévues à l’article 20 reste subordonnée à cette compétence sur le fond. S’il existe un risque quelconque de retard, il résulte non des règles sur la litispendance ou du caractère exécutoire des mesures adoptées dans les circonstances prévues à l’article 20, mais seulement d’un éventuel défaut de diligence pour saisir la juridiction compétente sur le fond. En revanche, l’efficacité des mesures adoptées dans ces circonstances – qui sont par définition nécessairement urgentes – serait potentiellement facile à éviter, tant que cette saisine n’a pas eu lieu, si leur caractère exécutoire devait disparaître dès qu’un déplacement de l’enfant lui fait traverser une frontière.

    171. Par conséquent, aucun des arguments que j’ai examinés jusqu’à présent ne m’a convaincue que les mesures provisoires adoptées dans les circonstances prévues à l’article 20 du règlement doivent être traitées différemment, en ce qui concerne leur reconnaissance et leur exécution dans d’autres États membres, des mesures, provisoires ou autres, adoptées par une juridiction compétente sur le fond en vertu du règlement. Cependant, un autre argument, avancé par la mère et par les gouvernements allemand et hongrois, semble être plus convainquant.

    172. Le libellé de l’article 20, paragraphe 1, du présent règlement est identique à celui de l’article 12 du règlement n° 1347/2000 et (en dehors de la référence à la «convention» plutôt qu’au «règlement») à celui de l’article 12 de la convention de Bruxelles II. L’exposé des motifs de la proposition de la Commission de 1999 conduisant à l’adoption du règlement n° 1347/2000 (74) et le rapport Borrás sur la convention de Bruxelles II (75) indiquent tous les deux (en des termes identiques) en ce qui concerne ces articles: «la règle contenue dans cet article limite les effets territoriaux des mesures à l’État dans lequel elles sont prises». De son côté, l’exposé des motifs de la proposition de la Commission de 2002 pour le présent règlement (76) déclare, en ce qui concerne l’article 20: «cet article suit de près l’article 12 du règlement du Conseil (CE) n° 1347/2000. […]», même s’il ne mentionne pas explicitement l’effet territorial.

    173. Le contexte indique donc l’existence d’une intention délibérée de la part des rédacteurs de ces trois instruments d’exclure, du champ d’application des dispositions sur la reconnaissance et l’exécution des décisions dans les autres États membres, les mesures provisoires adoptées uniquement sur le fondement de l’urgence et de la présence, par une juridiction incompétente sur le fond. Il convient de présumer que le Conseil était conscient de cette intention lorsqu’il a adopté le règlement n° 1347/2000 et qu’il l’a faite sienne en n’adoptant aucune modification à l’article 12. Je pense que nous pouvons également présumer qu’une modification explicite aurait été nécessaire pour changer d’approche dans le cadre du présent règlement.

    174. Il convient de reconnaître que d’autres éléments présents dans des précurseurs plus lointains du règlement pourraient militer en faveur de la reconnaissance et de l’exécution. Le rapport Schlosser sur les adhésions de 1978 à la convention de Bruxelles (77), par exemple, déclarait en ce qui concerne la disposition équivalente de la convention que le large éventail des mesures provisoires disponibles en droit irlandais et du Royaume-Uni impliquerait certaines difficultés «lorsque des décisions provisoires édictées dans ces États membres devraient être appliquées par les procédures d’exécution des États membres originaux de la Communauté» – indiquant ainsi clairement que l’exécution dans d’autres États membres était envisagée. De même, le rapport Lagarde sur la convention de La Haye de 1996 (78) indique que les mesures de protection adoptées sur le fondement de l’urgence en vertu de l’article 11 de cette convention doivent être reconnues dans tous les États membres contractants, alors que les mesures provisoires non urgentes adoptées en vertu de l’article 12 ont uniquement un effet territorial.

    175. Néanmoins, en dépit de ces indications, pour aussi persuasives qu’elles puissent paraître, et malgré les avantages que je peux voir (79) à la possibilité de reconnaître et d’exécuter dans d’autres États membres, en vertu du règlement, des mesures adoptées dans les circonstances prévues à l’article 20, paragraphe 1, jusqu’à ce que la juridiction compétente sur le fond adopte d’autres mesures, il me semble qu’il ressort clairement de l’historique législatif direct de cet article qu’il était voulu que l’effet principal de ces mesures soit limité à l’État membre dans lequel elles ont été adoptées. En conséquence, les dispositions des articles 21 et suivants du règlement, qui prévoient une reconnaissance et une exécution quasi automatiques dans les autres États membres ne s’appliquent pas à elles.

    176. Cependant, je soulignerais que la conclusion à laquelle je suis ainsi parvenue ne signifie pas que le règlement empêche toute reconnaissance ou exécution de mesures adoptées dans les circonstances prévues à l’article 20, paragraphe 1, dans les autres États membres. Elle signifie plutôt que la reconnaissance et l’exécution de ces mesures ne relèvent pas du règlement. Et, pour les questions qui ne sont pas régies par le règlement, les conventions préexistantes restent applicables aux relations entre États membres (80). Une convention pertinente pourrait être la convention européenne de 1980 (81), qui n’établit pas de distinction entre les mesures provisoires et les autres, mais dont l’article 14 oblige les États contractants à appliquer «à la reconnaissance et à l’exécution d’une décision relative à la garde une procédure simple et rapide». Dans le présent cas d’espèce, la convention bilatérale de 1983 (82) pourrait également s’avérer pertinente.

    177. En conséquence, si une mesure provisoire adoptée dans les circonstances prévues à l’article 20, paragraphe 1 – et donc sur le fondement de compétences et de voies de recours prévues par le droit national – ne peut pas bénéficier des procédures de reconnaissance et d’exécution quasi automatiques prévues par le règlement, elle peut néanmoins bénéficier d’autres procédures, quoique peut-être plus complexes, tirées du droit national, et notamment des procédures exigées par les conventions multilatérales ou bilatérales auxquelles les États membres concernés sont parties.

    178. Ayant atteint cette conclusion, je ne pense pas nécessaire d’aborder la question [objection iv) mentionnée au point 113, ci-dessus] de savoir si la juridiction de l’État membre d’exécution peut mettre en doute la compétence assumée sur le fondement de l’article 20. Le fait que M n’était pas en Espagne au moment de l’adoption de l’ordonnance attaquée, et que, par conséquent, l’une des conditions de l’article 20, paragraphe 1, n’était pas remplie, est sans incidence pour les juridictions allemandes si, en tout état de cause, les dispositions sur la reconnaissance et l’exécution du règlement ne s’appliquent pas lorsque la compétence est assumée sur ce fondement. Dans ce cas, il y a lieu d’appliquer les mêmes considérations à l’argument selon lequel l’ordonnance attaquée n’était plus valable au moment où son exécution était demandée.

    179. En tout état de cause, si la reconnaissance et l’exécution d’une mesure adoptée dans les circonstances prévues à l’article 20, paragraphe 1, ne relèvent pas du règlement, alors l’interdiction du contrôle de compétence de l’article 24 ne s’applique pas à la demande de reconnaissance ou d’exécution de cette mesure.

     Remarques finales

    180. J’ai estimé nécessaire, lors de l’analyse des questions soulevées dans cette question préjudicielle, d’adopter une approche large et d’examiner des questions qui pourraient bien, en fin de compte, ne pas s’avérer totalement pertinentes pour la solution des questions du litige.

    181. Cela est largement dû à la disparité apparente entre le fondement (quel qu’il soit) sur lequel la juridiction espagnole s’est estimée compétente et la présomption sur ce qu’était ce fondement dans la procédure devant la juridiction de renvoi.

    182. Cette disparité – prise avec, il faut le dire, l’absence de toute observation de la part du père – aura compliqué non seulement le travail de la Cour dans sa tâche de fournir une réponse utile à la question fondamentale, mais également celui des États membres et de la Commission dans leurs tentatives pour assister la Cour à cet égard. Dans l’ensemble, cela a probablement contribué à l’allongement d’une procédure qui, au contraire, aurait dû être accélérée dans la mesure du possible, eu égard à l’intérêt supérieur des enfants concernés.

    183. Il semble que la disparité découle en partie du manque de clarté de l’ordonnance attaquée lorsqu’elle indique le fondement de la compétence sur laquelle elle a été adoptée ainsi que, peut-être, en partie des limites procédurales imposées par, ou à la forme du pourvoi de la mère auprès du Bundesgerichtshof.

    184. Cependant, quelles que soient ces causes, l’existence et les effets de cette disparité me conduisent à souligner, encore une fois, les obligations qui incombent aux juridictions nationales en tant que corollaire du système de confiance mutuelle mis en place par le règlement, dont l’un des objectifs principaux est de garantir une résolution rapide des litiges relatifs à la responsabilité parentale par la juridiction la mieux placée pour adopter une décision dans l’intérêt supérieur de l’enfant – et, dans le cas d’espèce, l’intérêt supérieur de jumeaux en très bas âge.

    185. Cet objectif n’a pas été atteint en l’espèce.

     Conclusion

    186. Eu égard aux considérations qui précèdent, j’estime que la Cour devrait répondre à la question qui lui a été adressée par le Bundesgerichtshof de la manière suivante:

    «–     Des mesures provisoires adoptées par une juridiction d’un État membre sur le fondement d’une compétence tirée par cette juridiction des règles sur la compétence sur le fond du règlement (CE) n° 2201/2003 du Conseil, du 27 novembre 2003, relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale abrogeant le règlement (CE) n° 1347/2000, doivent être reconnues et exécutées dans les autres États membres de la même manière que toute autre décision adoptée sur le même fondement, conformément aux articles 21 et suivants de ce règlement.

    –        Des mesures provisoires adoptées par une juridiction d’un État membre sur le fondement du droit national dans les circonstances prévues à l’article 20 du règlement n° 2201/2003 ne doivent pas être reconnues ou exécutées dans les autres États membres en vertu des articles 21 et suivants du règlement. Cependant, ledit règlement n’empêche pas de les reconnaître ou de les exécuter conformément aux procédures de droit interne, notamment les procédures exigées par les conventions multilatérales ou bilatérales auxquelles les États membres concernés sont parties.

    –        Une juridiction saisie d’une demande de reconnaissance ou de non-reconnaissance d’une mesure provisoire, ou d’une déclaration constatant sa force exécutoire, est en droit de s’informer sur le fondement de la compétence invoquée par la juridiction d’origine, que ce soit à partir du libellé ou du contenu de sa décision ou, en cas de nécessité, en s’adressant directement à la juridiction d’origine ou par l’intermédiaire des autorités centrales appropriées. Si, et seulement si, aucun de ces moyens n’aboutit à un résultat clair et satisfaisant, il convient de présumer que la juridiction s’est reconnue compétente dans les circonstances prévues à l’article 20, paragraphe 1. En ce qui concerne les décisions provisoires en matière de responsabilité parentale, les mêmes moyens de communication peuvent être utilisés pour vérifier si la décision est (toujours) exécutable dans l’État membre d’origine, si l’exactitude d’un certificat délivré conformément à l’article 39 du règlement n° 2201/2003 est contestée, et, si cette communication est infructueuse, d’autres moyens de preuve pourraient être utilisés, à condition d’être produits dans un délai convenable.»


    1 – Langue originale: l’anglais.


    2 – Règlement (CE) n° 2201/2003 du Conseil, du 27 novembre 2003, relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale abrogeant le règlement (CE) n° 1347/2000 (JO L 338, p. 1, ci-après le «règlement» ou, lorsqu’il convient de le distinguer d’autres règlements, le «présent règlement»).


    3 –      Convention sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants, du 25 octobre 1980 (ci-après la «convention de La Haye de 1980»).


    4 – Bien que cela ne soit peut-être pas directement pertinent en l’espèce, aux termes de l’article 12, paragraphe 1, une juridiction compétente en vertu de l’article 3 pour statuer sur une demande en divorce, en séparation de corps ou en annulation du mariage des époux est compétente pour toute question relative à la responsabilité parentale liée à cette demande lorsque: a) au moins l’un des époux exerce la responsabilité parentale à l’égard de l’enfant et b) la compétence de ces juridictions a été acceptée expressément ou de toute autre manière non équivoque par les époux et par les titulaires de la responsabilité parentale, à la date à laquelle la juridiction est saisie, et qu’elle est dans l’intérêt supérieur de l’enfant.


    5 – Troisième alinéa, respectivement, de l’article 234 CE et de l’article 267 TFUE.


    6 – Convention sur la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale du 27 septembre 1968. Une version consolidée de la convention, telle que modifiée par les quatre conventions d’adhésion postérieures, est publiée au JO 1998, C 27, p. 1. Elle est toujours en vigueur entre le Royaume de Danemark et les autres États membres, ainsi qu’en ce qui concerne certains territoires d’outre-mer.


    7 – Règlement du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 2001, L 12, p. 1), tel que modifié, également connu sous le nom de «règlement de Bruxelles».


    8 – Règlement du Conseil, du 29 mai 2000, relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale des enfants communs ( JO L 160, p. 19), également connu sous le nom de «règlement de Bruxelles II». Ce règlement a été précédé par, et a largement reproduit les termes, de la «convention de Bruxelles II» concernant la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale (JO 1998, C 221, p. 2), qui n’a en réalité jamais été ratifiée, mais dont l’élaboration a fait l’objet d’un rapport explicatif (le rapport Borrás, ibidem, p. 27).


    9 – Il y a également eu une proposition intermédiaire émanant de la Commission et tendant à l’adoption d’un règlement du Conseil concernant la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière de responsabilité parentale [COM(2001) 505 final, JO 2001, C 332 E, p. 269], qui n’a jamais été adoptée en tant que tel.


    10 – La Cour s’est, par exemple, à de nombreuses reprises, référée pour s’orienter au rapport Jenard sur la convention de Bruxelles (JO 1979, C 59, p. 1), et au rapport Schlosser sur la convention d’adhésion du Royaume de Danemark, de l’Irlande et du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, qui y est joint (ibidem, p. 71). Le rapport Borrás, cité note 8, pourrait, de la même manière, revêtir une fonction d’orientation aux fins de l’interprétation du règlement n° 1347/2000 ainsi que de son successeur, le présent règlement, tout comme le pourraient les exposés des motifs des différentes propositions de règlement de la Commission.


    11 – Voir point 15 ci-dessus.


    12 – Voir point 16 ci-dessus; elle est également identique (à l’exception de l’emploi du terme «règlement» au lieu de «convention») à l’article 12 de la convention de Bruxelles II, citée note 8.


    13 – Voir points 17 à 19 ci-dessus.


    14 – Voir points 20 à 22 ci-dessus.


    15 – Voir point 23 ci-dessus.


    16 – Les différentes conventions de La Haye auxquelles il est fait référence peuvent être consultées sur le site internet http://www.hcch.net et dans les publications de la Conférence de La Haye de droit international privé, à laquelle tous les États membres ainsi que l’Union européenne elle-même (voir décision 2006/719/CE du Conseil, du 5 octobre 2006, relative à l’adhésion de la Communauté européenne à la Conférence de La Haye de droit international privé, JO L 297, p. 1, lue en combinaison avec la dernière phrase de l’article 1er TUE) sont parties. Le site internet contient également le rapport Steiger sur la convention de 1961, le rapport Pérez-Vera sur la convention de 1980 et le rapport Lagarde sur la convention de 1996, auxquels il peut être fait référence.


    17 – Convention du 12 juin 1902 pour régler la tutelle des mineurs (ci-après la «convention de 1902»).


    18 – Convention du 5 octobre 1961 concernant la compétence des autorités et la loi applicable en matière de protection des mineurs (ci-après la «convention de 1961»). Pour les États parties tant à la convention de 1902 qu’à la convention de 1961, la dernière s’applique. La convention de 1902 est, en ce qui concerne les États membres, toujours en vigueur dans le cadre des relations entre le Grand-Duché de Luxembourg, le Royaume de Belgique et la Roumanie (voir Comparative study on enforcement procedures of family rights, TMC Asser Instituut, La Haye, 2007, p. 84). La convention de 1961 a été ratifiée par onze des États membres actuels, y compris la République fédérale d’Allemagne et le Royaume d’Espagne.


    19 – Convention du 19 octobre 1996 concernant la compétence, la loi applicable, la reconnaissance, l’exécution et la coopération en matière de responsabilité parentale et de mesures de protection des enfants (JO 2008, L 151, p. 39). Cette convention a été signée par tous les États membres de l’Union, mais elle n’a été ratifiée à ce jour que par huit d’entre eux, à l’exclusion de la République fédérale d’Allemagne et du Royaume d’Espagne. Les autres États membres, à l’exception du Royaume de Danemark, ont été autorisés à la ratifier ou à y adhérer simultanément, dans l’intérêt de l’Union (voir décision 2008/431/CE du Conseil, du 5 juin 2008, ibidem, p. 36).


    20 – Citée à la note 3 ci-dessus. La convention de La Haye de 1980 a été ratifiée par tous les États membres.


    21 – Conclue à Luxembourg le 20 mai 1980, Série des Traités Européens n° 105 (ci-après la «convention européenne de 1980»). Elle est, à ce jour, ratifiée par tous les États membres, à l’exception de la République de Slovénie.


    22 – Voir point 18 ci-dessus.


    23 – Vertrag zwischen der Bundesrepublik Deutschland und Spanien über die Anerkennung und Vollstreckung von gerichtlichen Entscheidungen und Vergleichen sowie vollstreckbaren öffentlichen Urkunden in Zivil- und Handelssachen; Convenio entre España y la República Federal de Alemania sobre reconocimiento y ejecución de resoluciones y transacciones judiciales y documentos públicos con fuerza ejecutiva en materia civil y mercantil (ci-après la «convention bilatérale de 1983»).


    24 – Articles 81, 86 et 90 du code civil espagnol; article 777 de la loi sur la procédure civile (Ley de enjuiciamento civil, ci-après la «LEC»).


    25 – Voir article 46 du règlement, cité au point 23 ci-dessus. Il apparaît, cependant, qu’une telle approbation n’a pas été obtenue par la suite.


    26 – Il apparaît que des mesures provisoires «préalables» peuvent être sollicitées avant l’introduction d’une demande en divorce, séparation ou nullité de mariage, au titre de l’article 771 de la LEC, à condition que la requête principale soit introduite dans un certain délai, sans quoi lesdites mesures expirent. Cette procédure semble avoir été demandée et appliquée par analogie en l’espèce, alors que les parents n’étaient pas mariés. Voir, pour plus de détails, note 34 ci après.


    27 – Dans ses observations à la Cour, elle explique avoir dû s’occuper de M, qui était alors malade.


    28 – Le 20 septembre 2007; voir points 67 et suiv. ci-après.


    29 – Voir points 67 et suiv. ci-après.


    30 – Voir point 51 ci-dessus, et article 46 du règlement, cité point 23.


    31 – À l’inverse, dans l’hypothèse où le déplacement de M vers l’Allemagne aurait été licite, les articles 8 et 9, lus en combinaison, auraient impliqué l’acquisition d’une nouvelle résidence habituelle là-bas, ainsi que la compétence des juridictions allemandes.


    32 – Avant la rectification, l’ordonnance accordait la garde conjointe au père; cette formule a été qualifiée d’«erreur matérielle» dans l’ordonnance rectificative.


    33 – Voir point 21 ci-dessus. Ce modèle de certificat concerne les décisions en matière de responsabilité parentale. Bien que l’une des mesures adoptées exigeait de la mère qu’elle retourne M auprès du père, la juridiction espagnole n’a pas utilisé le modèle de certificat figurant à l’annexe IV, prévu pour les décisions concernant le retour de l’enfant dans les situations consécutives à un enlèvement, à une première décision ordonnant le retour de l’enfant et à une décision de non-retour, conformément à la convention de La Haye de 1980 (voir articles 11, paragraphe 8, 40, paragraphe 1, sous b), et 42 du règlement, ainsi que article 13 de la convention de La Haye de 1980).


    34 – Une telle règle semble ressortir de l’article 771, paragraphe 5, de la LEC («Los efectos y medidas acordados de conformidad con lo dispuesto en este artículo sólo subsistirán si, dentro de los treinta días siguientes a su adopción se presenta la demanda de nulidad, separación o divorcio» – c’est moi qui souligne). L’article 771, auquel se réfère la juridiction espagnole dans son ordonnance, concerne les mesures provisoires préalables à une demande en nullité, séparation ou divorce. Conformément à l’article 772, paragraphe 1, de la LEC, si la demande est déclarée recevable, les mesures provisoires antérieures sont alors subsumées sous la nouvelle procédure. Bien que les parents n’aient jamais été mariés, ces dispositions paraissent s’appliquer par analogie, à la lumière, comme l’a déclaré le gouvernement espagnol, de l’article 748, paragraphe 4, de la LEC, selon lequel les dispositions du titre auxquelles elles appartiennent s’appliquent à des procédures qui concernent exclusivement la garde de mineurs.


    35 – Voir point 45 ci-dessus.


    36 – À ce jour, la Cour n’a pas reçu de question préjudicielle émanant de l’Amtsgericht, qui, bien entendu, n’avait pas la compétence pour déférer une question dans ce domaine avant l’entrée en vigueur du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, le 1er décembre 2009.


    37 – Arrêt du 2 avril 2009 (C-523/07, Rec. p. I-2805).


    38 – Voir arrêt du 16 juin 1981, Klomps (166/80, Rec. p. 1593)


    39 – Voir, également, points 70 à 74 de la prise de position de l’avocat général Bot dans l’affaire Detiček (arrêt du 23 décembre 2009, C-403/09 PPU, non encore publié au Recueil).


    40 – Initiative du Royaume de Belgique, de la République fédérale d’Allemagne, de la République d’Estonie, du Royaume d’Espagne, de la République française, de la République italienne, du Grand-Duché de Luxembourg, de la République de Hongrie, de la République d’Autriche, de la République portugaise, de la Roumanie, de la République de Finlande et du Royaume de Suède, en vue de l’adoption d’une directive du Parlement européen et du Conseil relative aux droits à l’interprétation et à la traduction dans le cadre des procédures pénales (JO 2010, C 69, p. 1).


    41 – Il est plausible – bien que je n’aie discerné aucune déclaration explicite à cet effet dans leur argumentation – que la juridiction espagnole, dans l’ordonnance attaquée, et le gouvernement espagnol, en ses plaidoiries lors de l’audience, aient considéré que, aux fins du règlement, des jumeaux étaient réputés avoir la même résidence habituelle, et n’en acquerraient pas de nouvelles tant qu’ils n’auraient pas tous les deux déménagé vers un nouvel État membre. Quel que soit le point de vue adopté, aucune disposition de cette nature n’est contenue dans le règlement, pas plus, il me semble, qu’elle ne peut raisonnablement en être déduite.


    42 – Précité note 37, points 61 et suiv., points 4 et 5 du dispositif.


    43 – Voir points 54 à 61 ci-dessus. Dans certaines circonstances, la dernière résidence des parents et la résidence continue du père en Espagne auraient pu fonder la compétence en vertu de l’article 12, paragraphe 1 (voir note 4 ci-dessus), alors que la résidence antérieure habituelle de M dans ce pays, jointe aux objections du père (bien qu’elles soient un peu incertaines) à son départ du pays, aurait pu fonder la compétence sur la base de l’article 10 (voir point 10 ci-dessus); et la référence à la priorité de saisine au sens de l’article 19 semble pertinente uniquement en ce qui concerne les conflits de compétence sur le fond (voir point 169, ci-après).


    44 – Voir point 169 ci-après.


    45 – Voir, par exemple, arrêt du 26 juin 2008, Wiedemann et Funk (C-329/06 et C‑343/06, Rec. p. I‑4635, point 45 et jurisprudence citée).


    46 – Exemple donné dans le rapport Lagarde sur la convention de La Haye de 1996, cité note 16 ci-dessus, point 120.


    47 – Dans son arrêt du 27 juin 1991, Overseas Union Insurance e.a. (C-351/89, Rec. p. I‑3317, points 22 et suiv.), la Cour a observé que l’objectif qui consiste à éviter des conflits négatifs de juridiction peut être atteint sans que le juge saisi en second lieu exerce un contrôle sur la compétence du juge saisi en premier lieu, et qu’en aucun cas il n’est mieux placé pour se prononcer sur la compétence de ce dernier. Les règles de la convention sont communes aux deux juridictions et peuvent être interprétées et appliquées avec la même autorité par chacun d’eux. Lorsque la compétence de la première juridiction saisie est contestée, le deuxième juge saisi peut seulement, s’il ne se dessaisit pas, suspendre la procédure et il ne saurait vérifier lui-même la compétence de la première juridiction saisie. Dans son arrêt du 9 décembre 2003, Gasser (C-116/02, Rec. p. I-14693, points 46 et suiv.), la Cour a confirmé ces déclarations en soulignant que l’article 21 était une règle procédurale qui se fondait clairement et uniquement sur l’ordre chronologique dans lequel les juridictions en cause ont été saisies.


    48 – Voir, par exemple, points 63 et 64 des conclusions de l’avocat général Kokott dans l’affaire A, précitée note 37.


    49 – Ainsi qu’elle semble effectivement l’avoir fait dans la procédure principale ultérieure en Espagne, avant même l’adoption d’une décision ferme.


    50 – J’observe, à partir des déclarations écrites de la mère et de ses déclarations à l’audience, qu’il n’a pas été statué avant les mois de février ou de mars 2010 sur son recours contre la décision de la juridiction espagnole du 28 octobre 2008, qui confirmait sa compétence internationale concernant chacun des jumeaux dans le cadre de la procédure principale.


    51 – Autres que l’article 20, lequel, dans la présente hypothèse, n’est pas concerné.


    52 – Ainsi que la Cour l’a récemment reconnu, au moins implicitement, dans l’arrêt Detiček (précité note 39) en jugeant qu’une mesure provisoire attribuant la garde émise par une juridiction compétente sur le fond prévalait sur une attribution provisoire ultérieure, prétendument fondée sur l’article 20, adoptée par la juridiction d’un autre État membre vers lequel l’enfant avait été déplacé, illégalement selon les termes de la première mesure.


    53 – Voir article 23, respectivement sous b), c), et d).


    54 – Voir point 63 ci-dessus. Voir, également, arrêt du 25 juin 2009, Roda Golf & Beach Resort (C‑14/08, Rec. p. I-5439, points 24 à 30).


    55 – Voir points 156 et suiv. ci-après.


    56 – Arrêt du 27 avril 1999 (C-99/96, Rec. p. I-2277, notamment points 50 et 55).


    57 – Voir point 96 et note 42 ci-dessus.


    58 – Voir points 54 à 61, et 104 ainsi que note 43 ci-dessus.


    59 – Précité note 39.


    60 – Voir point 65 ci-dessus.


    61 – Voir articles 41, paragraphe 1, et 42, paragraphe 1.


    62 – Voir article 43, paragraphe 2.


    63 – Cette analyse semble confortée par les vingt-troisième et vingt-quatrième considérants du préambule, qui semblent renvoyer uniquement aux «décisions concernant le droit de visite et celles concernant le retour de l’enfant» lorsqu’il s’agit de la reconnaissance automatique sans motifs pour refuser l’exécution et de l’impossibilité d’introduire un recours contre un certificat.


    64 – Bien entendu, certaines mesures, telles que l’autorisation judiciaire de vendre des biens périssables appartenant à l’enfant (ou au couple, puisque l’article 20 couvre également le divorce, la séparation légale ou l’annulation du mariage), ou l’autorisation relative à une opération chirurgicale de l’enfant (ces deux exemples étant cités dans le rapport Lagarde sur la convention de La Haye de 1996, cité note 16 ci-dessus, point 68, en ce qui concerne l’article 11, paragraphe 1, de cette convention), auront de facto des effets qui ne peuvent qu’être reconnus dans d’autres États membres.


    65– «[…] toute décision concernant la responsabilité parentale rendue par une juridiction d’un État membre, quelle que soit la dénomination de la décision, y compris les termes ‘arrêt’, ‘jugement’ ou ‘ordonnance’».


    66 – En citant l’arrêt du 11 juillet 2008, Rinau (C-195/08 PPU, Rec. p. I‑5271, points 80 et suiv.).


    67 – Voir points 30 à 47 ci-dessus.


    68 – Voir point 169 ci-après.


    69 – Voir point 18 ci-dessus: une liste correspondante de motifs pour ne pas reconnaître des décisions portant sur le divorce, la séparation légale ou l’annulation du mariage est prévue à l’article 22. J’observe, de surcroît, qu’au point 56 de ses conclusions dans l’affaire A (précitée note 37), sur lesquelles le gouvernement du Royaume-Uni s’appuie, l’avocat général Kokott abordait seulement la question de la compétence, qui concernait cette affaire, et non pas la question de la reconnaissance et de l’exécution.


    70 – Précité note 37.


    71 – En outre, étant donné que le règlement ne contient pas de disposition de droit substantif dans les domaines auxquels il renvoie, même lorsque la compétence est clairement fondée sur l’une des dispositions des articles 8 à 15, toutes les mesures adoptées devront toujours, en pratique, être «prévues par le droit national».


    72 – Je soulignerais, à nouveau (voir note 69 ci-dessus, concernant les conclusions de l’avocat général Kokott), que, dans l’arrêt A, la Cour n’abordait pas une question sur l’exécution d’une décision dans un autre État membre; il lui était simplement demandé si les dispositions du droit national concernant une mesure provisoire adoptée dans les circonstances prévues à l’article 20 étaient contraignantes – et elle a répondu que cette question relevait du droit national.


    73 – Cette présomption pourrait être partagée par l’Amtsgericht et par l’Oberlandesgericht Stuttgart (voir points 69 et 70 ci-dessus).


    74 – COM(1999) 220 final.


    75 – Cité note 8 ci-dessus.


    76 – COM(2002) 222 final.


    77 – Cité note 10 ci-dessus, point 183.


    78 – Cité note 16 ci-dessus, points 72 et 75.


    79 – Voir point 170 ci-dessus, in fine.


    80 – Voir articles 59 à 62 du règlement.


    81 – Voir points 40 et 46 ci-dessus.


    82 – Voir point 48 ci-dessus.

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