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Document 62008CC0378

Conclusions jointes de l'avocat général Kokott présentées le 22 octobre 2009.
Raffinerie Mediterranee (ERG) SpA, Polimeri Europa SpA et Syndial SpA contre Ministero dello Sviluppo economico et autres.
Demande de décision préjudicielle: Tribunale amministrativo regionale della Sicilia - Italie.
Principe du pollueur-payeur - Directive 2004/35/CE - Responsabilité environnementale - Applicabilité ratione temporis - Pollution antérieure à la date prévue pour la transposition de ladite directive et continuant après cette date - Réglementation nationale imputant les coûts de réparation des dommages liés à cette pollution à une pluralité d’entreprises - Exigence d’une faute ou d’une négligence - Exigence d’un lien de causalité - Marchés publics de travaux.
Affaire C-378/08.
Raffinerie Mediterranee (ERG) SpA, Polimeri Europa SpA et Syndial SpA contre Ministero dello Sviluppo economico et autres (C-379/08) et ENI SpA contre Ministero Ambiente e Tutela del Territorio e del Mare et autres (C-380/08).
Demandes de décision préjudicielle: Tribunale amministrativo regionale della Sicilia - Italie.
Principe du pollueur-payeur - Directive 2004/35/CE - Responsabilité environnementale - Applicabilité ratione temporis - Pollution antérieure à la date prévue pour la transposition de ladite directive et continuant après cette date - Mesures de réparation - Obligation de consultation des entreprises concernées - Annexe II.
Affaires jointes C-379/08 et C-380/08.

Recueil de jurisprudence 2010 I-01919

Identifiant ECLI: ECLI:EU:C:2009:650

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME JULIANE KOKOTT

présentées le 22 octobre 2009 ( 1 )

Affaire C-378/08

Raffinerie Mediterranee (ERG) SpA e.a.

contre

Ministero dello Sviluppo economico e.a.

«Principe du pollueur-payeur — Directive 2004/35/CE — Responsabilité environnementale — Applicabilité ratione temporis — Pollution antérieure à la date prévue pour la transposition de ladite directive et continuant après cette date — Réglementation nationale imputant les coûts de réparation des dommages liés à cette pollution à une pluralité d’entreprises — Exigence d’une faute ou d’une négligence — Exigence d’un lien de causalité — Marchés publics de travaux»

I — Introduction

«δός μοί (φησι) πού στώ καί κινώ τήν γήν» ( 2 )

1.

Cette phrase est attribuée au savant grec Archimède. Elle illustre l’effet de ses lois du levier.

2.

Archimède vivait dans la ville de Syracuse en Sicile. Non loin de cette ville se trouve une baie, la rade d’Augusta, qui est un site fortement pollué depuis de nombreuses années par des substances nocives. Les tentatives de réparer ces dommages environnementaux ont donné lieu aux présentes demandes de décision préjudicielle ( 3 ).

3.

Il ne nous est certes pas demandé de trouver un point d’appui permettant de faire bouger la terre de son pivot. La question du fondement de la responsabilité en matière de dommages environnementaux est toutefois posée. Seule la responsabilité de ceux qui ont causé le dommage peut-elle être engagée ou est-il également possible de rechercher la responsabilité d’autres acteurs, qui possèdent des terrains sur le site en question ou qui y exercent une activité industrielle?

4.

En effet, dans la procédure au principal dans l’affaire C-378/08, il est soutenu que les autorités compétentes ont contraint les entreprises opérant sur le site en question à réparer des dommages environnementaux, sans avoir vérifié et démontré l’existence d’un lien de causalité entre le comportement des entreprises et les dommages environnementaux ou l’existence d’une faute des entreprises.

5.

La juridiction de renvoi pose cette question en se plaçant en particulier dans le cadre de la directive 2004/35/CE du Parlement européen et du Conseil, du 21 avril 2004, sur la responsabilité environnementale en ce qui concerne la prévention et la réparation des dommages environnementaux ( 4 ) (ci-après la «directive sur la responsabilité environnementale» ou la «directive 2004/35»). Il y a cependant lieu de s’interroger tout d’abord sur le point de savoir dans quelle mesure cette directive peut jouer un rôle pour des dommages qui ont été causés en grande partie avant l’entrée en vigueur de la directive.

6.

Les mesures ordonnées pour réparer les dommages soulèvent d’autres questions. Les autorités compétentes auraient fortement modifié a posteriori le plan de dépollution déjà adopté, sans consulter les entreprises concernées, s’interroger sur les répercussions de ces modifications ou motiver cette façon d’agir. Il est par conséquent demandé si cela est conforme à la directive sur la responsabilité environnementale.

7.

Enfin, du point de vue de la réglementation des marchés publics, il est demandé dans quelles conditions l’administration publique peut passer des marchés relatifs à la planification et à l’exécution de mesures de réparation sans appliquer la procédure prescrite en matière de marchés publics.

II — Le cadre juridique

8.

Les principes communautaires en matière de politique de l’environnement, et en particulier le principe du pollueur-payeur, sont énoncés à l’article 174, paragraphe 2, CE:

«La politique de la Communauté dans le domaine de l’environnement vise un niveau de protection élevé, en tenant compte de la diversité des situations dans les différentes régions de la Communauté.

Elle est fondée sur les principes de précaution et d’action préventive, sur le principe de la correction, par priorité à la source, des atteintes à l’environnement et sur le principe du pollueur-payeur.

[…]»

9.

Il ressort de la finalité de la directive sur la responsabilité environnementale, énoncée à l’article 1er de celle-ci, que la directive est fondée sur le principe du pollueur-payeur:

«La présente directive a pour objet d’établir un cadre de responsabilité environnementale fondé sur le principe du ‘pollueur-payeur’, en vue de prévenir et de réparer les dommages environnementaux.»

10.

Aux termes de l’article 3, paragraphe 1, cette directive s’applique aux:

«a)

dommages causés à l’environnement par l’une des activités professionnelles énumérées à l’annexe III, et à la menace imminente de tels dommages découlant de l’une de ces activités;

b)

dommages causés aux espèces et habitats naturels protégés par l’une des activités professionnelles autres que celles énumérées à l’annexe III, et à la menace imminente de tels dommages découlant de l’une de ces activités, lorsque l’exploitant a commis une faute ou une négligence».

11.

Les exclusions du champ d’application de la directive sont énumérées à l’article 4. Il est indiqué à l’article 4, paragraphe 5, que:

«La présente directive s’applique uniquement aux dommages environnementaux ou à la menace imminente de tels dommages causés par une pollution à caractère diffus, lorsqu’il est possible d’établir un lien de causalité entre les dommages et les activités des différents exploitants.»

12.

En ce qui concerne le coût des mesures de réparation, l’article 8, paragraphe 1, dispose:

«L’exploitant supporte les coûts des actions de prévention et de réparation entreprises en application de la présente directive.»

13.

La notion d’exploitant est définie comme suit à l’article 2, point 6:

«toute personne physique ou morale, privée ou publique, qui exerce ou contrôle une activité professionnelle ou, lorsque la législation nationale le prévoit, qui a reçu par délégation un pouvoir économique important sur le fonctionnement technique, y compris le titulaire d’un permis ou d’une autorisation pour une telle activité, ou la personne faisant enregistrer ou notifiant une telle activité».

14.

L’article 16, paragraphe 1, régit l’adoption de dispositions plus strictes par les États membres:

«La présente directive ne fait pas obstacle au maintien ou à l’adoption par les États membres de dispositions plus strictes concernant la prévention et la réparation des dommages environnementaux, notamment l’identification d’autres activités en vue de leur assujettissement aux exigences de la présente directive en matière de prévention et de réparation, ainsi que l’identification d’autres parties responsables.»

15.

L’application dans le temps de la directive est limitée à l’article 17:

«La présente directive ne s’applique pas:

aux dommages causés par une émission, un événement ou un incident survenus avant la date prévue à l’article 19, paragraphe 1;

aux dommages causés par une émission, un événement ou un incident survenus après la date prévue à l’article 19, paragraphe 1, lorsqu’ils résultent d’une activité spécifique qui a été exercée et menée à son terme avant ladite date;

[…]»

16.

L’article 19, paragraphe 1, fixe le délai de transposition:

«Les États membres mettent en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive au plus tard le 30 avril 2007.»

17.

La demande de décision préjudicielle présentée dans l’affaire C-378/08 se réfère en outre, pour ce qui est des marchés publics, à la directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services ( 5 ), à la directive 93/37/CEE ( 6 ) du Conseil, du 14 juin 1993, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux ( 7 ) et à la directive 89/665/CEE du Conseil, du 21 décembre 1989, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives à l’application des procédures de recours en matière de passation des marchés publics de fournitures et de travaux ( 8 ). Il n’est toutefois pas nécessaire de reproduire les dispositions de ces directives.

III — Les faits et les questions préjudicielles

A — L’affaire C-378/08

18.

Dans l’affaire C-378/08, l’ordonnance de renvoi expose les faits suivants.

19.

Le site de la rade d’Augusta est concerné par des phénomènes causés par une pollution environnementale qui a vraisemblablement commencé il y a longtemps, apparemment au plus tard après la deuxième guerre mondiale. En particulier, les fonds marins de ce secteur sont fortement contaminés par des substances polluantes.

20.

Une pluralité d’entreprises opérant dans le secteur de l’industrie et des hydrocarbures se sont succédées ou ont coexisté dans la rade d’Augusta au cours de la période pendant laquelle la pollution aurait eu lieu. Cela peut avoir pour conséquence, selon la juridiction de renvoi, qu’il sera impossible de déterminer concrètement la responsabilité individuelle des différentes entreprises pour ce qui est de la pollution.

21.

Par différentes mesures successives, l’administration italienne a ordonné aux entreprises qui opèrent actuellement sur le site de la rade d’Augusta de procéder à la bonification des fonds marins contaminés. À défaut pour les entreprises de s’exécuter, l’administration les a menacées d’effectuer d’office les travaux de bonification, à la charge des entreprises.

22.

Les entreprises sommées de procéder à la bonification opèrent dans des domaines d’activité qui impliquent l’utilisation ou le traitement de substances polluantes.

23.

Il ressort des constatations de la juridiction de renvoi que l’administration a ordonné aux entreprises qui opèrent dans la rade d’Augusta d’éliminer la pollution environnementale existante, sans distinction entre la pollution antérieure et la pollution actuelle et sans examen de la part de responsabilité de chacune des entreprises en cause pour le dommage occasionné.

24.

Ces décisions ont été attaquées par certaines des entreprises concernées. Avant d’introduire les présentes demandes devant la Cour, le Tribunale Amministrativo Regionale della Sicilia avait déjà annulé plusieurs décisions contestées, dans différents jugements, au motif, notamment, qu’elles étaient contraires au principe communautaire du pollueur-payeur. En revanche, la juridiction d’appel, le Consiglio di Giustizia Amministrativa per la Regione Siciliana, a considéré qu’il était légal de faire appel aux entreprises implantées dans la rade d’Augusta et a par conséquent ordonné, dans l’une des affaires, le sursis à l’exécution d’un jugement du Tribunale Amministrativo Regionale della Sicilia.

25.

Dans la procédure à l’origine de l’affaire C-378/08, plusieurs entreprises opérant sur le site de la rade d’Augusta contestent une décision du 20 décembre 2007, qui leur ordonne de procéder à la bonification des fonds marins.

26.

Il doit être procédé à la bonification des fonds marins conformément à un plan élaboré par la société Sviluppo Italia Aree Produttive S.p.A. (ci-après «Sviluppo Italia»). Selon ce plan, les sédiments contaminés doivent être dragués et utilisés, après traitement, pour construire une île artificielle dans la mer. L’île artificielle est destinée à devenir une «plaque tournante portuaire» pour des navires porte-conteneurs de différentes dimensions.

27.

Sviluppo Italia est une entreprise créée par l’État, opérant sur le marché. L’administration italienne a chargé Sviluppo Italia d’effectuer la conception et — en cas de carence des entreprises — la réalisation ultérieure des mesures de réparation litigieuses, en dehors de toute procédure de passation de marchés publics. De l’avis de la juridiction nationale, le coût des travaux qui lui ont été confiés est «très élevé».

28.

Outre leur recours en annulation de la décision attaquée, les entreprises requérantes ont demandé en référé le sursis à l’exécution de la décision.

29.

Dans le cadre de la procédure en référé, le Tribunale Amministrativo Regionale della Sicilia a posé à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)

Le principe du pollueur-payeur (article 174 CE, ex article 130 R, deuxième alinéa, du traité instituant la Communauté européenne) et les dispositions de la directive 2004/35/CE du Parlement européen et du Conseil, du 21 avril 2004, sur la responsabilité environnementale en ce qui concerne la prévention et la réparation des dommages environnementaux, visée dans l’exposé des faits, doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale qui confère à l’administration le pouvoir d’ordonner à des entrepreneurs privés, du seul fait que ceux-ci se trouvent être installés dans une zone polluée depuis longtemps ou dans une zone limitrophe à la première et qu’ils y exercent leur activité, de mettre en œuvre des mesures de réparation, indépendamment de la conduite de quelque enquête que ce soit, propre à déterminer le responsable de la pollution en cause?

2)

Le principe du pollueur-payeur (article 174 CE, ex article 130 R, deuxième alinéa, du traité instituant la Communauté européenne) et les dispositions de la directive 2004/35/CE du Parlement européen et du Conseil, du 21 avril 2004, sur la responsabilité environnementale en ce qui concerne la prévention et la réparation des dommages environnementaux, visée dans l’exposé des faits, doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale qui confère à l’administration le pouvoir de faire porter la responsabilité de la réparation du préjudice environnemental spécifique par le sujet, titulaire de droits réels et/ou exerçant une activité entrepreneuriale sur le site contaminé, en vertu du seul rapport de ‘présence’ dans lequel le sujet lui-même se trouve (celui-ci étant un opérateur dont l’activité est conduite à l’intérieur du site), c’est à dire sans avoir à établir au préalable l’existence du lien de causalité entre la conduite du sujet en question et l’événement qui est à l’origine de la pollution?

3)

La réglementation communautaire prévue dans les dispositions de l’article 174 CE, ex article 130 R, deuxième alinéa, du traité instituant la Communauté européenne et les dispositions de la directive 2004/35/CE du Parlement européen et du Conseil, du 21 avril 2004, sur la responsabilité environnementale en ce qui concerne la prévention et la réparation des dommages environnementaux, visée dans l’exposé des faits, doit-elle être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une réglementation nationale qui, au-delà du principe du pollueur-payeur, confère à l’administration le pouvoir de faire porter la responsabilité de la réparation du préjudice environnemental spécifique par le sujet, titulaire de droits réels et/ou d’entreprise sur le site contaminé, sans avoir à établir au préalable, outre le lien de causalité entre la conduite du sujet en question et l’événement qui à l’origine de la pollution, l’existence de la condition subjective de l’intention dolosive ou de la faute?

4)

Les principes communautaires en matière de protection de la concurrence prévus par le traité instituant la Communauté européenne et les directives citées no 2004/18/CE, no 93/97/CEE et no 89/665/CEE, s’opposent-ils à une réglementation nationale qui confère à l’administration le pouvoir de confier directement à des sujets de droit privé (société Sviluppo S.p.A. et Sviluppo Italia Aree Produttive S.p.A.) des activités de caractérisation, de conception et de réalisation de travaux de bonification — de réalisation d’ouvrages publics — dans les aires domaniales, sans observer préalablement les procédures prescrites en matière de marchés publics?»

B — Les affaires jointes C-379/08 et C-380/08

30.

Ces affaires concernent deux mesures de réparation des dommages environnementaux qui ont été ordonnées par une décision du 16 avril 2008.

31.

Il ressort en premier lieu de l’ordonnance de renvoi qu’il a été ordonné aux entreprises requérantes d’endiguer les terrains leur appartenant, adjacents à la rade d’Augusta, au moyen d’une barrière physique érigée dans le sol. En deuxième lieu, l’autorisation d’utiliser des terrains dans la zone à dépolluer aurait été subordonnée à la réparation des dommages environnementaux et à la construction de la barrière en question. Ces conditions auraient également été appliquées à des surfaces nettoyées et à des surfaces non polluées.

32.

Les entreprises requérantes soutiennent que ces injonctions modifient des décisions antérieures et qu’elles ont été adoptées sans consultation, motivation ou étude appropriée de leurs répercussions.

33.

Le Tribunale Amministrativo Regionale della Sicilia a par conséquent posé à la Cour, dans le cadre de la procédure en référé, les questions préjudicielles suivantes:

«1)

La directive communautaire sur la responsabilité environnementale en ce qui concerne la prévention et la réparation des dommages environnementaux (Directive 2004/35/CE du Parlement européen et du Conseil, du 21 avril 2004, et, en l’espèce, l’article 7 et l’annexe II y visée) doit-elle être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une réglementation nationale qui confère à l’administration le pouvoir d’ordonner que, à des interventions qui ont été décidées en premier ressort à l’issue d’une enquête contradictoire adaptée, et dont l’approbation, puis la mise en œuvre ont déjà eu lieu, et qui sont en cours d’exécution, viennent s’ajouter, à titre ‘d’options raisonnables de réparation du dommage environnemental’, des interventions supplémentaires (consistant, en l’espèce, dans ‘l’endiguement physique’ de la nappe tout le long du front de mer) sur les matrices environnementales, différentes des premières?

2)

La directive communautaire sur la responsabilité environnementale en ce qui concerne la prévention et la réparation des dommages environnementaux (Directive 2004/35/CE du Parlement européen et du Conseil, du 21 avril 2004, et, en l’espèce, l’article 7 et l’annexe II y visée) doit-elle être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une réglementation nationale qui confère à l’administration le pouvoir d’ordonner d’office de telles prescriptions, c’est à dire sans avoir évalué les conditions spécifiques au site, les coûts d’exécution des mesures prescrites par rapport aux bénéfices raisonnablement prévisibles, les dommages collatéraux éventuels ou probables et les effets contraires sur la santé et la sécurité publique, ainsi que les délais nécessaires à la réalisation envisagée?

3)

Eu égard à la situation spécifique du site d’intérêt national de Priolo, la directive communautaire sur la responsabilité environnementale en ce qui concerne la prévention et la réparation des dommages environnementaux (Directive 2004/35/CE du Parlement européen et du Conseil, du 21 avril 2004, et, en l’espèce, l’article 7 et l’annexe II y visée) doit-elle être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une réglementation nationale qui confère à l’administration le pouvoir d’ordonner d’office pareilles prescriptions, à titre de conditions d’autorisation pour l’utilisation légitime de terrains non directement concernés par la bonification, pour autant que ceux-ci ont déjà fait l’objet d’une bonification ou qu’ils ne sont, en tout état de cause, pas pollués, et compris dans le périmètre du site d’intérêt national de Priolo?»

IV — La procédure devant la Cour

34.

Polimeri Europa S.p.A., Syndial S.p.A., ENI S.p.A et ERG Raffinerie Mediterranee S.p.A. (ci-après «ERG»), en leur qualité de requérantes au principal, ainsi que la République italienne et la Commission des Communautés européennes, ont pris part à la procédure écrite; Polimeri Europa S.p.A. et Syndial S.p.A. (ci-après, conjointement, «Polimeri e. a.») ont déposé un mémoire commun dans l’affaire C-378/08, ENI S.p.A., Polimeri Europa S.p.A. et Syndial S.p.A. (ci-après, conjointement, «ENI e. a.») ont déposé un mémoire commun dans les affaires C-379/08 et C-380/08. Le Royaume des Pays-Bas et la République hellénique ont déposé des observations dans l’affaire C-378/08.

35.

Polimeri e.a., ENI e.a., ERG et Sviluppo Italia, en leur qualité de parties aux procédures au principal, ainsi que l’Italie, la Grèce, les Pays-Bas et la Commission, ont pris part à l’audience commune aux trois affaires qui s’est tenue le 15 septembre 2009.

V — Analyse juridique

A — Sur la recevabilité des demandes de décision préjudicielle

36.

Nous évoquerons tout d’abord brièvement les objections soulevées par l’Italie à l’encontre de la recevabilité des demandes de décision préjudicielle. Dans la mesure où il existe des doutes spécifiques quant à la recevabilité de certaines questions, nous les examinerons dans le cadre de ces questions.

1. Sur la finalité et l’objet des demandes de décision préjudicielle

37.

Le gouvernement italien soutient que la demande de décision préjudicielle vise essentiellement à faire confirmer l’interprétation du droit national par le juge de renvoi, interprétation qui diffère de celle de la juridiction d’appel, et qu’elle poursuit par conséquent un objectif qui n’est pas prévu à l’article 234 CE.

38.

Il est exact que la procédure prévue à l’article 234 CE ne peut porter que sur l’interprétation du droit communautaire ou la validité d’actes communautaires de droit dérivé ( 9 ). Toutefois, les présentes demandes concernent expressément l’interprétation de normes de droit communautaire primaire ou dérivé. L’argument est par conséquent dépourvu de tout fondement.

39.

La divergence par rapport à l’opinion de la juridiction d’appel ne fait pas non plus obstacle à la demande. En effet, la demande de décision préjudicielle a pour objet de lever les doutes concernant l’interprétation du droit communautaire ( 10 ). Des divergences d’opinion entre les juridictions sur les questions de droit communautaire démontrent que la demande de décision préjudicielle est fondée sur de véritables doutes.

2. Sur la teneur des demandes de décision préjudicielle

40.

Le gouvernement italien considère en outre que les questions sont trop détaillées et critique également la présentation des faits comme étant inexacte et tendancieuse.

41.

Le point de savoir si des questions sont trop détaillées ne peut être pertinent pour la recevabilité de demandes de décision préjudicielle que dans la mesure où, dans le cadre d’une procédure introduite en vertu de l’article 234 CE, la Cour n’a pas compétence pour appliquer les règles du droit communautaire à une espèce déterminée ( 11 ). Toutefois, dans les présentes affaires, les dispositions du droit communautaire doivent uniquement être interprétées eu égard aux circonstances de la cause. L’application du droit à l’espèce reste de la compétence du juge national.

42.

Le point de savoir si la juridiction de renvoi a correctement exposé les faits ne saurait être éclairci par la Cour dans le cadre de la procédure préjudicielle ( 12 ). C’est aux juridictions nationales compétentes qu’il appartient de constater les faits.

43.

Les objections élevées par l’Italie à l’encontre de la recevabilité des demandes de décision préjudicielle ne sauraient par conséquent être accueillies.

B — Sur les trois premières questions préjudicielles dans l’affaire C-378/08

44.

Les trois premières questions posées dans l’affaire C-378/08 visent à résoudre le point de savoir s’il est conforme au principe du pollueur-payeur énoncé à l’article 174 CE et dans la directive 2004/35 de faire porter la responsabilité de la réparation de dommages environnementaux par certaines personnes du fait de leur activité entrepreneuriale ou de leur position en tant que propriétaire de terrains et ce, indépendamment de toute contribution au fait causal et de toute faute.

45.

L’ordonnance de renvoi mentionne certes l’article 174 CE, mais cette disposition ne requiert pas d’examen séparé. Elle se borne à définir les objectifs généraux de la Communauté en matière d’environnement, auxquels le législateur communautaire doit donner corps avant qu’ils ne lient les États membres ( 13 ). L’applicabilité de dispositions nationales en matière de responsabilité ne saurait par conséquent être mesurée à l’aune de l’article 174 CE.

46.

En revanche, il n’est pas possible d’exclure que la directive 2004/35 s’oppose à des règles nationales en matière de responsabilité. Dans le cadre de l’interprétation de cette directive, l’article 174 CE et le principe du pollueur-payeur qu’il consacre revêtent une importance particulière dans la mesure où ils concrétisent les principes directeurs de la Communauté en matière de politique de l’environnement.

47.

Le régime de responsabilité prévu par le droit italien, exposé dans l’ordonnance de renvoi, n’est ni imposé ni expressément interdit par la directive sur la responsabilité environnementale. Au contraire, l’article 16 ne fait pas obstacle au maintien ou à l’adoption par les États membres de dispositions plus strictes concernant la prévention et la réparation des dommages environnementaux, notamment l’identification d’autres parties responsables.

48.

L’article 16 de la directive sur la responsabilité environnementale s’inspire de l’article 176 CE. Aux termes de ce dernier, les mesures arrêtées en vertu de l’article 175 CE, c’est-à-dire les dispositions qui relèvent uniquement du droit de l’environnement de la Communauté ( 14 ), telle la directive sur la responsabilité environnementale, ne font pas obstacle au maintien et à l’établissement, par chaque État membre, de mesures de protection renforcées.

49.

Selon la Cour, une mesure nationale de protection renforcée au sens de l’article 176 CE doit poursuivre la même orientation de protection environnementale que la directive en cause ( 15 ) ou être compatible avec celle-ci ( 16 ). Les mesures qui ne satisfont pas à ces conditions soit sont contraires à la directive, soit concernent des questions qui ne sont pas régies par la directive.

50.

Il serait contraire à l’effet juridique obligatoire du droit communautaire que les États membres puissent adopter des mesures incompatibles avec la directive. La directive fait obstacle à de telles mesures.

51.

En revanche, l’article 176 CE ne saurait être invoqué lorsque la mesure étatique concerne une question qui n’est pas régie par la directive. La notion de mesure de protection renforcée suppose, en toute logique, une comparaison. Pour qu’il y ait «mesure de protection renforcée», il faut qu’il existe en droit communautaire une mesure qui soit potentiellement moins protectrice. En l’absence d’une telle mesure, il ne saurait y avoir de mesure de protection renforcée. Étant donné que, faute de dispositions de droit communautaire pertinentes, l’État membre se borne à exercer ses propres compétences, les dispositions communautaires qui relèvent du seul droit de l’environnement ne sauraient faire obstacle, dans ce cas, à l’effet des dispositions de droit interne. L’article 176 CE ne règle pas le point de savoir dans quelle mesure d’autres dispositions de droit communautaire peuvent faire obstacle aux mesures étatiques.

52.

Ces considérations s’appliquent non seulement aux mesures de protection renforcées au sens de l’article 176 CE, mais également aux mesures plus strictes au sens de l’article 16 de la directive sur la responsabilité environnementale.

1. Sur l’applicabilité de la directive sur la responsabilité environnementale

53.

La directive sur la responsabilité environnementale ne peut donc servir d’élément de comparaison pour des mesures plus strictes que dans la mesure où elle est applicable. Or, son applicabilité tant ratione temporis que ratione materiae dans les affaires au principal est mise en doute.

a) Sur le champ d’application temporel de la directive sur la responsabilité environnementale

54.

En vertu des articles 17 et 19, paragraphe 1, de la directive sur la responsabilité environnementale, la directive ne s’applique pas aux dommages causés par une émission, un événement ou un incident survenus avant le 30 avril 2007. De même, elle ne s’applique pas aux dommages causés par une émission, un événement ou un incident survenus après cette date, lorsqu’ils résultent d’une activité spécifique qui a été exercée et menée à son terme avant ladite date.

55.

Les gouvernements italien et néerlandais, ainsi que la Commission, émettent par conséquent des doutes, dans leurs observations, quant à l’applicabilité ratione temporis de la directive sur la responsabilité environnementale. Ils partent de l’idée que les dommages environnementaux à réparer sont tous survenus avant le 30 avril 2007. Si cette hypothèse est exacte, il y a lieu de leur donner raison.

56.

Le gouvernement néerlandais relève à juste titre que la décision attaquée au principal est notamment fondée sur une étude qui a été présentée dès le mois d’avril 2007, soit avant la date pertinente. Il ressort d’ailleurs de la brève description des dommages environnementaux dans l’ordonnance de renvoi que le site de la rade d’Augusta est concerné par des phénomènes causés par une pollution environnementale qui a vraisemblablement commencé il y a longtemps ( 17 ).

57.

Toutefois, les activités qui sont réputées avoir causé les dommages continuent apparemment à être exercées. Nous en concluons que les dommages environnementaux à réparer sont, selon les constatations actuelles de la juridiction de renvoi, des dommages cumulatifs qui sont certes survenus pour une large part avant le 30 avril 2007, mais cela n’exclut pas que de nouvelles pollutions s’y soient ajoutées depuis. Le point de savoir s’il en est effectivement ainsi ne saurait être éclairci par la Cour dans le cadre de la procédure préjudicielle ( 18 ). C’est aux juridictions nationales compétentes qu’il appartient de constater les faits.

58.

Il ressort du libellé de l’article 17, premier et deuxième tirets, de la directive sur la responsabilité environnementale, ainsi que du contexte dans lequel elle s’inscrit, qu’en cas de dommages cumulatifs, elle s’applique à la part des dommages qui sont survenus ou qui risquent de survenir après le 30 avril 2007.

59.

L’article 17, premier tiret, de la directive sur la responsabilité environnementale exclut du champ d’application de la directive les dommages causés avant la date pertinente (les dommages anciens).

60.

En outre, l’article 17, deuxième tiret, exclut les dommages causés par une émission, un événement ou un incident survenus après la date pertinente, lorsqu’ils résultent d’une activité spécifique qui a été exercée et menée à son terme avant ladite date.

61.

Les hypothèses d’application typiques de cette deuxième règle sont vraisemblablement constituées surtout par des pollutions anciennes qui provoquent de nouveaux dommages, comme lorsque des substances nocives s’échappent d’une décharge et polluent les eaux avoisinantes. Cette forme de diffusion de substances polluantes peut également être considérée comme une émission ( 19 ). En droit allemand de la garantie, le terme parlant de «Weiterfressen» a été adopté pour décrire ce type de dommages (dommages qui s’étendent) ( 20 ).

62.

L’article 17, premier et deuxième tirets, de la directive sur la responsabilité environnementale, vise à exclure toute application rétroactive de la directive. La Commission a poursuivi cet objectif dès les travaux préparatoires de la directive ( 21 ). Le trentième considérant de la directive reprend cette idée lorsqu’il constate que les dispositions de celle-ci ne devraient pas s’appliquer aux dommages causés avant l’expiration du délai de transposition.

63.

La raison pour laquelle la rétroactivité est exclue réside dans le principe de la sécurité des situations juridiques qui s’oppose, en règle générale, à ce que la portée dans le temps d’un acte communautaire voie son point de départ fixé à une date antérieure à sa publication. Il peut en être autrement, à titre exceptionnel, lorsque le but à atteindre l’exige et lorsque la confiance légitime des intéressés est dûment respectée ( 22 ). Le législateur a toutefois indiqué expressément qu’il n’entendait pas conférer un tel effet rétroactif à la directive.

64.

D’un autre côté, une nouvelle règle peut s’appliquer immédiatement aux effets futurs d’une situation née sous l’empire d’une règle ancienne ( 23 ). En effet, le champ d’application du principe de la protection de la confiance légitime ne saurait être étendu jusqu’à empêcher, de façon générale, une réglementation nouvelle de s’appliquer aux effets futurs de situations nées antérieurement ( 24 ).

65.

Lu à la lumière de ces considérations, l’article 17, premier tiret, de la directive sur la responsabilité environnementale définit les dommages survenus avant le 30 avril 2007 comme des situations acquises qui ne relèvent plus de la directive.

66.

Il en est ainsi même si, contrairement à l’opinion exprimée par le gouvernement grec au cours de la procédure écrite, l’activité à l’origine du dommage a certes commencé avant la date pertinente, mais s’est poursuivie ensuite. Il est vrai que ces cas ne sont pas visés par l’article 17, deuxième tiret, de la directive sur la responsabilité environnementale, qui exige que l’activité ait été menée à terme avant le 30 avril 2007. Le premier tiret peut cependant exclure de telles activités du champ d’application de la directive, dès lors qu’elles sont survenues avant la date pertinente.

67.

Comme la Commission l’expose à juste titre, la directive sur la responsabilité environnementale doit en revanche s’appliquer lorsqu’une activité continuée cause de nouveaux dommages. Cela s’impose notamment pour s’acquitter de l’obligation de prévenir les dommages environnementaux qui résulte de l’article 5. Outre le principe du pollueur-payeur, cette disposition concrétise deux autres principes du droit environnemental de la Communauté conformément à l’article 174, paragraphe 2, CE: l’action préventive et la correction à la source des atteintes à l’environnement.

68.

Le fait qu’une activité ait démarré dès avant l’entrée en vigueur de la directive sur la responsabilité environnementale ne saurait réduire à néant l’obligation de prévention. Si, par exemple, une installation cause depuis longtemps des dommages environnementaux dans le cadre de son fonctionnement normal, il faut en principe, en vertu de la directive, prévenir ces dommages depuis le 30 avril 2007.

69.

En l’espèce, on ne saurait exclure, en particulier, que l’injonction litigieuse dans les affaires C-379/08 et C-380/08, relative à la construction d’une barrière physique, contribue également à prévenir des dommages environnementaux futurs résultant de la poursuite de l’exploitation des installations. Il appartient le cas échéant aux juridictions nationales compétentes de vérifier si cette mesure serait appropriée pour réaliser l’objectif visé.

70.

L’application de l’obligation de prévention implique en outre que les dommages qui auraient dû être prévenus, mais qui sont néanmoins apparus, doivent être réparés. En conséquence, les dommages causés depuis la date pertinente par des activités continuées doivent être réparés en vertu de la directive sur la responsabilité environnementale. Si ces activités sont conformes au droit applicable et/ou à l’état de l’art, l’article 8, paragraphe 4, permet toutefois d’exonérer les exploitants des coûts.

71.

En cas de dommages cumulatifs, il peut certes être difficile en pratique de faire la part entre les nouveaux dommages et les dommages anciens; toutefois, le problème de la génération de dommages cumulatifs est connu dans d’autres domaines du droit de la responsabilité et n’est absolument pas insoluble. L’article 9 de la directive sur la responsabilité environnementale confère à cet égard une marge de manoeuvre importante aux États membres lorsqu’il précise que la directive s’applique sans préjudice des dispositions nationales relatives à l’affectation des coûts en cas de causalité multiple. Cela vise également les pollueurs qui ne relèvent pas de la directive en leur qualité d’auteurs des dommages anciens, mais qui sont visés par celle-ci en tant qu’auteurs de nouveaux dommages.

72.

Il reste encore à vérifier si la part récemment survenue des dommages anciens qui s’étendent relève de la directive sur la responsabilité environnementale lorsque l’activité à l’origine de la pollution est poursuivie.

73.

Une telle interprétation pourrait être fondée sur le libellé de l’article 17, deuxième tiret, de la directive sur la responsabilité environnementale, étant donné que l’activité ayant occasionné la pollution n’a pas été menée à terme, mais est poursuivie. Le fait qu’elle continue à être exercée et l’expansion de dommages anciens indiqueraient qu’il s’agit d’une situation qui n’est pas encore acquise et qui est soumise à de nouvelles règles pour l’avenir. Cela garantirait également, pour l’avenir, que de tels dommages continus soient endigués, conformément à la directive.

74.

Cependant, cela reviendrait à étendre indirectement l’application de la directive à des activités qui ont été exercées avant son entrée en vigueur. C’est précisément ce que les dispositions relatives à l’application dans le temps de la directive visent à empêcher.

75.

L’obligation de prévention des dommages environnementaux ne conduit pas à un résultat différent. La prévention des dommages environnementaux dans le cadre de l’exercice d’une activité a une nature tout à fait différente de celle de la prévention des effets continus de dommages anciens. Les mesures visant à prévenir l’extension des dommages peuvent difficilement être considérées comme relevant toujours de la prévention ou de la correction à la source des atteintes à l’environnement. Il s’agira souvent davantage de réparation des dommages anciens. Or, la directive sur la responsabilité environnementale ne met précisément pas une telle obligation à la charge de l’exploitant. En revanche, la prévention de nouveaux dommages futurs résultant de l’exercice d’une activité se rattache précisément à l’activité. La directive a pour objectif exprès d’empêcher que cette activité cause encore des dommages à l’avenir.

76.

La directive sur la responsabilité environnementale ne s’applique par conséquent pas aux dommages environnementaux qui ont été causés par des activités exercées avant le 30 avril 2007. Elle ne s’oppose donc pas à une réglementation nationale relative à la réparation de tels dommages.

b) Sur l’applicabilité ratione materiae de la directive sur la responsabilité environnementale

77.

La Commission émet par ailleurs des doutes quant à l’applicabilité ratione materiae de la directive 2004/35 aux faits du litige au principal. Ces doutes résultent du fait que la juridiction nationale a estimé que, en raison de la pluralité des entreprises qui se sont succédées dans la rade d’Augusta, il se pourrait qu’il soit impossible de déterminer quelles sont les responsabilités individuelles.

78.

Aux termes de l’article 4, paragraphe 5, la directive sur la responsabilité environnementale s’applique uniquement aux dommages environnementaux causés par une pollution à caractère diffus lorsqu’il est possible d’établir un lien de causalité entre les dommages et les activités des différents exploitants.

79.

Certes, cette disposition relève des exclusions de la directive sur la responsabilité environnementale. Toutefois, il s’agit en réalité plutôt d’une précision quant à la portée des dispositions générales relatives à l’application de la directive qui figurent à l’article 3, paragraphe 1: en vertu de celui-ci, la directive s’applique aux dommages causés à l’environnement par une activité professionnelle. L’article 4, paragraphe 5, précise qu’elle vise également les dommages qui résultent d’une pollution à caractère diffus. De telles pollutions ne constituent donc en principe pas un obstacle à l’application de la directive, dès lors que le lien de causalité nécessaire peut être constaté.

80.

L’article 4, paragraphe 5, de la directive sur la responsabilité environnementale repose sur la considération selon laquelle il peut être particulièrement difficile en pratique d’apporter la preuve d’un lien de causalité concret lorsque la pollution a un caractère diffus. Cela est démontré par les exemples que la Commission avait à l’esprit lorsqu’elle a rédigé ces dispositions: le changement climatique induit par des émissions de dioxyde de carbone et d’autres émissions, le dépérissement des forêts provoqué par les pluies acides et la pollution atmosphérique liée à la circulation ( 25 ). Toutefois, cela ne modifie pas le champ d’application matériel de la directive.

81.

Il y a cependant lieu d’interpréter de manière restrictive la condition selon laquelle le dommage environnemental en question doit avoir été causé par une activité professionnelle, condition à laquelle l’article 3, paragraphe 1, de la directive sur la responsabilité environnementale subordonne l’application de celle-ci. En effet, la directive prévoit également la recherche des causes du dommage. Aux termes de l’article 11, paragraphe 2, l’obligation d’établir quel exploitant a causé les dommages ou la menace imminente de dommages incombe à l’autorité compétente. En outre, les articles 5, paragraphe 4, 6, paragraphe 3, et 8, paragraphe 2, deuxième alinéa, permettent d’adopter des mesures lorsque l’auteur du dommage ne peut pas être identifié. Ces dispositions, sur lesquelles nous reviendrons ( 26 ), seraient vidées de leur sens si la directive n’était pas applicable tant que la cause d’un dommage n’est pas établie.

82.

Il convient donc de retenir que le fait que le dommage trouve son origine dans une activité professionnelle est la condition principale d’une responsabilité au titre de dommages environnementaux au sens de la directive. En revanche, d’autres dispositions de la directive sur la responsabilité environnementale peuvent être applicables bien qu’il n’ait pas (encore) été établi que les dommages environnementaux en question ont été causés par une telle activité.

c) Sur la responsabilité en vertu de la directive sur la responsabilité environnementale

83.

Dans la mesure où la directive sur la responsabilité environnementale est applicable au cas d’espèce, d’éventuels effets limitatifs sur le droit interne résultent de ses dispositions relatives à la responsabilité pour ce qui est de la réparation des dommages environnementaux à la lumière du principe du pollueur-payeur.

84.

Le principe du pollueur-payeur est, conformément à l’article 174, paragraphe 2, CE, un des principes fondamentaux de la politique communautaire de l’environnement. L’article 1er et le deuxième considérant de la directive sur la responsabilité environnementale constatent à cet égard qu’il convient de mettre en œuvre la prévention et la réparation des dommages environnementaux en appliquant ce principe. Le principe du pollueur-payeur est par conséquent le principe directeur de la directive sur la responsabilité environnementale.

85.

Le terme allemand de «Verursacherprinzip» (principe du pollueur-payeur) vise à faire porter la responsabilité de l’élimination d’une pollution à celui qui l’a causée. D’autres versions linguistiques, qui indiquent expressément que le pollueur paye («polluter-pays principle»), soulignent qu’il s’agit d’une règle qui préside à l’imputation des coûts ( 27 ). Ce ne sont pas la société ou des tiers qui doivent supporter le coût de l’élimination d’une pollution, mais le pollueur. Cela conduit à une internalisation des coûts environnementaux, c’est-à-dire que les coûts environnementaux sont inclus dans les coûts de production de l’entreprise polluante ( 28 ).

86.

Cela incite les pollueurs potentiels à éviter toute pollution ( 29 ). Outre la fonction consistant à répartir de manière équitable les frais, le principe du pollueur-payeur a donc également une fonction d’incitation et il obéit au principe d’action préventive ( 30 ).

87.

La directive sur la responsabilité environnementale concrétise notamment le principe du pollueur-payeur en mettant la réparation à la charge de l’exploitant responsable, conformément à l’article 6, et en prévoyant, à l’article 8, paragraphe 1, que l’exploitant supporte les coûts des actions de prévention et de réparation entreprises en application de la directive. En vertu de l’article 2, point 6, l’exploitant est celui qui assume la responsabilité de l’activité ayant causé le dommage. Il est en principe celui qui est le mieux placé pour prévenir les dommages environnementaux résultant de son activité.

88.

En pratique, il est possible que des règles supplémentaires soient nécessaires en ce qui concerne les dommages survenus sur des terrains appartenant à autrui. La directive ne vise les propriétaires de ceux-ci que par le biais de la consultation prévue à l’article 7, paragraphe 4. Il n’est cependant pas possible d’en déduire que celui qui est tenu de procéder à la réparation peut prendre de plein droit des mesures sur le domaine d’autrui.

89.

Il découle d’ailleurs de l’article 3, paragraphe 1, de la directive sur la responsabilité environnementale que cette dernière ne prévoit pas une responsabilité pour tous les dommages environnementaux; en ce qui concerne cette responsabilité, elle distingue en outre entre différents dommages.

90.

Elle vise d’une part les dommages causés à l’environnement par l’une des activités professionnelles énumérées à l’annexe III [article 3, paragraphe 1, sous a), de la directive sur la responsabilité environnementale]. L’annexe III mentionne différentes activités qui sont associées à des risques particuliers pour l’environnement en vertu d’autres dispositions du droit communautaire de l’environnement. Dans le cas d’espèce, le point 1 ou le point 7 de cette annexe pourraient par exemple être applicables, à savoir l’exploitation d’installations soumises à un permis, en vertu de la directive 96/61 ( 31 ), ou la fabrication, l’utilisation, le stockage, le traitement, le conditionnement, le rejet dans l’environnement et le transport sur le site de certaines substances dangereuses.

91.

D’autre part, l’article 3, paragraphe 1, sous b), de la directive 2004/35 prévoit une responsabilité pour faute ou négligence dans le cadre d’autres activités en cas de dommages à des espèces et habitats naturels protégés par les articles 6, paragraphes 3 et 4, ou 16 de la directive «habitats» ( 32 ) ou l’article 9 de la directive «oiseaux» ( 33 ). Aucun élément n’a cependant été fourni ou allégué en ce qui concerne de tels dommages.

92.

La responsabilité en cas de dommages causés aux espèces et habitats naturels protégés étant expressément rattachée à un comportement fautif, la responsabilité en cas de dommages résultant d’activités visées à l’annexe III peut, a contrario, être en principe mise en jeu indépendamment de tout comportement fautif. Cela est confirmé par la faculté ouverte aux États membres, à l’article 8, paragraphe 4, de prévoir une exonération des coûts de réparation lorsque l’exploitant n’a pas commis de faute et que l’activité à l’origine du dommage était autorisée ou a été exécutée conformément à l’état de l’art. Le régime de responsabilité plus sévère de la responsabilité sans faute est lié aux risques particuliers pour l’environnement qui sont acceptés dans le cadre de l’exercice des activités en cause, lesquelles sont par nature des activités à risque.

93.

Dans les deux cas, la responsabilité au titre de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2004/35 suppose en tout cas que les dommages aient été causés par les activités visées. Aux termes de l’article 11, paragraphe 2, l’obligation d’établir quel exploitant a causé les dommages incombe à l’autorité nationale compétente. Indépendamment d’une telle constatation, l’exploitant est tenu, en vertu des articles 5 à 7, d’engager des actions préventives, de réparer le cas échéant les dommages et d’informer les autorités compétentes. Cette responsabilité est limitée par l’article 8, paragraphe 3, lorsque l’exploitant prouve que les dommages sont le fait de tiers ou qu’ils résultent du respect d’injonctions des autorités publiques.

94.

La directive sur la responsabilité environnementale vise par conséquent à concrétiser le principe du pollueur-payeur sous une certaine forme. Fondamentalement, les exploitants doivent supporter les coûts des dommages environnementaux qu’ils causent. Cette imputation des coûts crée pour les exploitants une incitation à la prévention des dommages environnementaux. Elle est justifiée dans la mesure où les exploitants exercent, en particulier dans le cas de la responsabilité sans faute, une activité à risque et recueillent généralement aussi le produit économique de cette activité.

95.

En revanche, tant que les auteurs des dommages ne sont pas connus, la directive ne prévoit pas d’obligation de réparation. Étant donné que tel est le cas, selon l’ordonnance de renvoi, dans les affaires au principal, il y a lieu de supposer que les injonctions de réparation litigieuses ne sont pas à considérer comme une application de la directive sur la responsabilité environnementale.

d) Sur la responsabilité sans lien de causalité avec les dommages

96.

Par la deuxième question posée dans l’affaire C-378/08, la juridiction de renvoi souhaite savoir s’il est licite de faire porter la responsabilité de la réparation du préjudice environnemental par le sujet, titulaire de droits réels et/ou exerçant une activité entrepreneuriale sur le site contaminé. La juridiction précise cette question en demandant si la responsabilité peut découler du seul rapport de «présence» dans lequel le sujet lui-même se trouve (celui-ci étant un opérateur dont l’activité est exercée à l’intérieur du site). Dans ce cas, il ne serait pas nécessaire d’établir l’existence d’un lien de causalité entre la conduite du sujet en question et la pollution.

97.

La Commission considère qu’une telle responsabilité est licite au titre des mesures plus strictes autorisées par l’article 176 CE et l’article 16 de la directive sur la responsabilité environnementale.

98.

Nous ne saurions toutefois adhérer sans réserve à un tel point de vue: une responsabilité en dehors de toute contribution au dommage s’écarterait des orientations de la directive 2004/35 et ne serait pas conforme à celle-ci si elle réduisait la responsabilité de celui qui est responsable de la pollution en vertu de la directive. En effet, c’est précisément pour l’exploitant responsable que la directive crée une incitation à la prévention des dommages environnementaux et prévoit que celui-ci doit supporter les coûts de la réparation des dommages qui sont néanmoins apparus.

99.

Les conditions dans lesquelles l’exploitant pollueur n’est pas tenu de supporter les coûts sont notamment régies par l’article 8 de la directive 2004/35. Des exonérations plus larges des coûts dénatureraient selon toute vraisemblance la concrétisation du principe du pollueur-payeur par la directive. Elles réduiraient l’effet incitatif de la responsabilité prévue et modifieraient la répartition des coûts jugée équitable par le législateur communautaire.

100.

Certes, l’article 16, paragraphe 1, de la directive sur la responsabilité environnementale démontre que l’exploitant pollueur peut ne pas être la seule partie responsable possible. Cette disposition autorise expressément les États membres à identifier d’autres parties responsables.

101.

La licéité de règles complémentaires de responsabilité est illustrée en outre par les articles 5, paragraphe 4, 6, paragraphe 3, et 8, paragraphe 2, deuxième alinéa, de la directive sur la responsabilité environnementale. Aux termes de ces dispositions, si l’exploitant pollueur ne peut être identifié, l’autorité compétente peut prendre elle-même des mesures de réparation ou de prévention et, le cas échéant, en supporter les coûts. Ces dispositions, qui ne figuraient pas dans la proposition de la Commission, ont été insérées par le Conseil à la demande de plusieurs États membres ( 34 ).

102.

Si l’on ne veut pas vider de sa substance la responsabilité première de l’exploitant responsable, l’article 16, paragraphe 1, de la directive 2004/35 ne doit pas être interprété en ce sens que les États membres peuvent identifier d’autres parties responsables ( 35 ) qui se substituent à lui. Il y a également lieu d’écarter la possibilité d’identifier des personnes responsables supplémentaires ( 36 ) qui sont tenues au même titre que lui et qui réduisent sa responsabilité.

103.

En outre, il serait problématique de mettre en jeu dans un premier temps et sans raison la responsabilité d’une autre partie qui devrait ensuite se retourner contre l’exploitant responsable. Certes, l’article 8, paragraphe 3, de la directive sur la responsabilité environnementale semble faire allusion à cette possibilité lorsqu’il impose aux États membres de permettre à l’exploitant de recouvrer les coûts de dépollution lorsqu’il prouve que les dommages ont été causés par des tiers ou à la suite d’injonctions des pouvoirs publics. Cela s’explique toutefois par le fait que l’exploitant est généralement le mieux placé pour procéder à la réparation parce qu’il a le contrôle de la source des dommages et, en tout cas, des terrains contaminés en premier lieu. En revanche, d’autres pollueurs peuvent uniquement être contraints, la plupart du temps, à supporter les coûts.

104.

La responsabilité d’autres parties doit plutôt être de nature complémentaire. Elle ne peut être recherchée que si aucun exploitant pollueur ne peut être mis en cause.

105.

Sous cette réserve, les États membres peuvent concrétiser le principe du pollueur-payeur d’une autre façon que cela a été fait dans la directive sur la responsabilité environnementale [voir sous i)], ainsi que développer des règles de responsabilité qui s’appliquent indépendamment de toute contribution au dommage [voir sous ii)].

i) Régimes de responsabilité complémentaires sur la base du principe du pollueur-payeur

106.

Il est logique d’identifier des personnes responsables à titre complémentaire en respectant également, dans un premier temps, le principe du pollueur-payeur. Eu égard à la complexité possible des causes des dommages environnementaux, tant les États membres que la Communauté disposent à cet égard d’un large pouvoir d’aménagement ( 37 ). La directive sur la responsabilité environnementale n’épuise pas la marge de manoeuvre du droit communautaire. Elle met uniquement en cause l’exploitant responsable en tant que pollueur, mais laisse aux États membres la possibilité d’étendre la responsabilité à d’autres pollueurs. L’article 16, paragraphe 1, mentionne l’extension à d’autres activités à titre d’exemple.

107.

En l’espèce, on pourrait envisager en outre, par exemple, de considérer comme pollueur le propriétaire ou l’utilisateur d’un terrain dont l’état cause des dommages environnementaux — sous la forme de dommages qui s’étendent par exemple — indépendamment de toute activité professionnelle. En effet, la cause du dommage se trouve dans une zone dont il a le contrôle et sa collaboration est nécessaire à la réparation du préjudice. Il ne serait donc pas contraire au principe du pollueur-payeur de mettre en cause, pour ce dommage, le propriétaire ou l’utilisateur du terrain.

108.

Il ne serait pas non plus contraire au principe du pollueur-payeur de considérer également comme pollueur l’ayant droit de l’auteur d’un dommage, en tout cas lorsque le pollueur initial ne peut plus être mis en cause.

109.

En outre, une responsabilité financière est en principe également conforme au principe du pollueur-payeur lorsqu’une contribution au dommage peut être déterminée, mais pas son importance. En effet, il est souvent difficile en pratique, voire impossible, de chiffrer exactement la contribution de différentes personnes à certains dommages environnementaux. Si elles étaient exonérées globalement de leur responsabilité, le principe du pollueur-payeur serait affaibli. Dans de tels cas, les États membres pourraient mettre les coûts à la charge conjointe des pollueurs identifiables. Le droit national devrait alors adopter les règles nécessaires en ce qui concerne la répartition des charges entre les différents pollueurs et il pourrait s’inspirer des dispositions correspondantes qui sont applicables dans d’autres domaines du droit de la responsabilité. Cette compétence des États membres est conforme à l’esprit de l’article 9 de la directive sur la responsabilité environnementale.

110.

Au cours du processus législatif, la Commission supposait manifestement encore qu’il était compatible avec le principe du pollueur-payeur d’imposer à un pollueur possible la charge de prouver qu’il n’avait pas causé de dommage ( 38 ). Elle a finalement proposé d’alléger la charge de la preuve, tout au moins en ce qui concerne le point de savoir si les dommages relevaient du champ d’application temporel de la directive ( 39 ). Même si cette disposition n’a pas été reprise dans la version finale de la directive, des règles nationales prévoyant des présomptions réfragables relatives à la contribution aux dommages seraient envisageables à cet égard — sous réserve des dispositions de la directive 2004/35 relatives à la détermination des causes du dommage qu’il nous reste à analyser ( 40 ).

ii) Régimes de responsabilité complémentaires indépendamment de toute contribution au dommage

111.

En revanche, une responsabilité qui ne serait pas subordonnée à un lien de causalité entre l’activité du responsable et le dommage serait, de l’avis de Polimeri e. a., contraire au principe du pollueur-payeur consacré dans la directive sur la responsabilité environnementale. Il y a lieu de souscrire à ce point de vue dans la mesure où la fonction de répartition équitable des coûts attribuée à ce principe serait affaiblie si des coûts de dépollution étaient imputés à quelqu’un qui n’a pas causé le dommage ( 41 ).

112.

On ne saurait toutefois déduire du principe du pollueur-payeur l’interdiction absolue d’imputer les coûts de la réparation de dommages environnementaux à des personnes autres que les pollueurs. Une telle interdiction aboutirait à devoir accepter des dommages environnementaux lorsque le pollueur ne peut pas être mis en cause. En effet, même en cas de réparation aux frais de la collectivité, les coûts devraient être supportés par quelqu’un qui n’est pas responsable du dommage. Or, l’acceptation de dommages environnementaux ne serait pas compatible avec l’objectif consistant à promouvoir un niveau élevé de protection et d’amélioration de la qualité de l’environnement. Le principe du pollueur-payeur a pour fonction de servir cet objectif — qui est énoncé non seulement à l’article 174, paragraphe 2, CE, mais également au paragraphe 1 de cette disposition et surtout à l’article 2 CE. Le principe du pollueur-payeur ne saurait être interprété en ce sens qu’il va en définitive à l’encontre de la protection de l’environnement, en empêchant par exemple la réparation de dommages environnementaux lorsque le responsable ne peut pas être mis en cause.

113.

En conséquence, la directive sur la responsabilité environnementale admet également que les frais de dépollution soient supportés par des personnes autres que l’exploitant responsable. En effet, elle permet à l’État membre de prendre des mesures à ses propres frais lorsque le pollueur ne peut pas être identifié ou n’est pas suffisamment efficace ( 42 ).

114.

Si un pollueur ne peut pas être identifié, la répartition équitable des coûts justifierait d’ailleurs de faire supporter les coûts de la dépollution au propriétaire des terrains assainis dans la mesure où cela augmente la valeur de ces terrains. Dans le cas contraire, il bénéficierait d’un enrichissement sans cause aux frais d’autrui.

115.

Eu égard aux indications figurant dans l’ordonnance de renvoi, il importe peu en l’espèce de savoir s’il est possible d’envisager des régimes complémentaires de responsabilité indépendamment de toute contribution au fait causal, lesquels devraient être remis en cause du point de vue du droit communautaire. Une limite pourrait être trouvée dans le principe de proportionnalité, qui s’oppose à des résultats manifestement disproportionnés ( 43 ). Il est toutefois douteux que ce principe de droit communautaire puisse être appliqué à des mesures de protection renforcées au sens de l’article 176 CE ( 44 ). Si la primauté de la responsabilité de l’exploitant responsable est respectée, on ne saurait conclure à l’existence dans le cas d’espèce de régimes de responsabilité manifestement disproportionnés.

iii) Réponse à la deuxième question posée dans l’affaire C-378/08

116.

Pour en revenir à la phrase d’Archimède citée en introduction, la responsabilité du fait de dommages environnementaux ne suppose pas nécessairement un point d’appui sous la forme d’une causalité, telle qu’elle est prévue dans la directive sur la responsabilité environnementale. Les États membres disposent au contraire d’une large marge d’appréciation pour instaurer des régimes de responsabilité complémentaires.

117.

En ce sens, il y a lieu de répondre à la deuxième question que la directive sur la responsabilité environnementale ne s’oppose à une responsabilité au titre de dommages environnementaux indépendamment de toute contribution au fait causal que si une telle responsabilité portait atteinte à la responsabilité de principe de l’exploitant responsable.

e) Sur la renonciation à la détermination des causes

118.

La première question posée dans l’affaire C-378/08 vise à savoir si des mesures de réparation peuvent être mises à la charge d’entreprises opérant actuellement dans une zone polluée depuis longtemps ou dans une zone limitrophe à la première indépendamment de la conduite de quelque enquête que ce soit, propre à déterminer le responsable de la pollution en cause.

119.

Aux termes de l’article 11, paragraphe 2, de la directive sur la responsabilité environnementale, l’obligation d’établir quel exploitant a causé les dommages ou la menace imminente de dommages incombe à l’autorité compétente. Cette obligation revêt une importance fondamentale pour l’application du principe du pollueur-payeur, tel qu’il est concrétisé dans la directive. Si des pollueurs potentiels ne craignent pas d’être découverts, ils ne sont pas incités à prévenir la survenance de dommages. De plus, une répartition équitable des coûts n’est pas possible si le pollueur reste inconnu.

120.

Qui plus est, la procédure de recours prévue à l’article 12 de la directive 2004/35 au titre de dommages environnementaux possibles («demande d’action») serait largement vidée de son sens si les autorités compétentes n’étaient pas tenues de mener une enquête sur les dommages environnementaux. La juridiction de renvoi devra par conséquent prendre en considération le fait que ERG, ENI e. a. et Polimeri e. a. ont relevé qu’une autre entreprise avait été identifiée en tant que pollueur dans d’autres procédures.

121.

L’ordonnance de renvoi illustre cependant le fait que la détermination du pollueur peut être liée à des difficultés importantes. La directive sur la responsabilité environnementale reconnaît d’ailleurs expressément qu’il est possible que l’exploitant responsable ne puisse pas être identifié. Aux termes de l’article 4, paragraphe 5, elle n’est pas applicable à une pollution à caractère diffus, lorsqu’il n’est pas possible d’établir un lien de causalité entre les dommages et les activités des différents exploitants. Dans le cas d’autres pollutions, les articles 5, paragraphe 4, 6, paragraphe 3, et 8, paragraphe 2, deuxième alinéa, permettent à l’autorité compétente, en dernier ressort, de prendre elle-même, c’est-à-dire à ses propres frais, des mesures de réparation ou de prévention si l’exploitant ne peut être identifié.

122.

Il en découle que la directive sur la responsabilité environnementale permet de s’abstenir de déterminer les causes d’un dommage si la poursuite de l’enquête est vouée à l’échec.

123.

Il est également envisageable de prendre des mesures d’urgence avant la fin de l’enquête ou même avant son début. Il appartient aux autorités compétentes de décider comment il y a lieu de procéder en tenant compte de toutes les circonstances de chaque cas d’espèce.

124.

Ces décisions requérant des estimations prévisionnelles complexes, les autorités compétentes disposent d’une large marge d’appréciation. Elles doivent toutefois se fonder sur les meilleures données scientifiques et techniques disponibles, comme l’article 174, paragraphe 3, CE l’exige de manière générale dans le cadre de l’application du droit européen de l’environnement ( 45 ).

125.

Il y a par conséquent lieu de répondre à la première question que la directive sur la responsabilité environnementale permet

de s’abstenir de déterminer les causes d’un dommage si la poursuite de l’enquête est vouée à l’échec et

de prendre des mesures d’urgence avant la fin de l’enquête.

f) Sur la responsabilité sans faute

126.

Par la troisième question, la juridiction de renvoi souhaite savoir en substance si la directive 2004/35 s’oppose à des réglementations nationales qui prévoient une responsabilité sans faute en matière de dommages environnementaux.

127.

La directive 2004/35 elle-même connaît deux types de responsabilités en matière de dommages environnementaux: une responsabilité objective, sans faute, s’applique conformément à l’article 3, paragraphe 1, sous a), à certaines activités liées à des risques particuliers. Parallèlement, toutes les activités professionnelles sont soumises à une responsabilité pour faute conformément à l’article 3, paragraphe 1, sous b), en ce qui concerne certains dommages causés aux espèces et habitats naturels protégés.

128.

Une responsabilité sans faute du pollueur qui irait au-delà des activités visées à l’article 3, paragraphe 1, sous a), de la directive 2004/35 poursuivrait la même orientation de protection environnementale que la directive et serait compatible avec celle-ci. En effet, dans la mesure où la directive sur la responsabilité environnementale exige une faute, elle restreint le principe du pollueur-payeur. Les États membres doivent être autorisés à renoncer à cette restriction dans le cadre des mesures de protection renforcées. En effet, une responsabilité sans faute a essentiellement pour conséquence pratique d’imposer aux parties concernées des obligations plus strictes de diligence par rapport à l’environnement. Cela vaut non seulement pour les régimes de responsabilité prévus dans la directive 2004/35, mais également pour d’éventuels régimes de responsabilité complémentaires des États membres.

129.

Il en découle, en ce qui concerne la troisième question posée dans l’affaire C-378/08, que la directive 2004/35 ne s’oppose pas à des régimes de responsabilité sans faute en matière de dommages environnementaux.

2. Sur la pertinence du principe du pollueur-payeur dans le cadre de la directive-cadre relative aux déchets

130.

Indépendamment de la directive sur la responsabilité environnementale, les questions relatives au principe du pollueur-payeur revêtent également de l’importance pour les affaires au principal parce qu’il est possible que la directive-cadre relative aux déchets ( 46 ) leur soit applicable.

131.

Il est vrai que la directive-cadre relative aux déchets n’est applicable que depuis 1977 ( 47 ) et il est donc vraisemblable qu’elle ne couvre pas non plus toutes les pollutions qui ont abouti aux dommages environnementaux en cause. Il est toutefois possible qu’une part bien plus considérable des dommages environnementaux ait été causée au cours des 30 années qui ont précédé l’entrée en vigueur de la directive sur la responsabilité environnementale que cela n’a été le cas au cours des deux années pendant lesquelles cette directive était applicable. La question de savoir dans quelle mesure la directive-cadre relative aux déchets continue à s’appliquer depuis l’entrée en vigueur de la directive sur la responsabilité environnementale et quels sont les effets futurs de sa nouvelle mouture ( 48 ) n’a pas été posée en l’espèce et il n’est pas nécessaire d’y répondre.

132.

La Cour a déjà constaté que des hydrocarbures accidentellement déversés dans le sol, dans les eaux souterraines ou en mer, qui ne peuvent plus être utilisés conformément à leur vocation, doivent être considérés comme des déchets ( 49 ). La même qualification de «déchet» s’impose pour le sol contaminé par suite d’un déversement accidentel d’hydrocarbures ( 50 ). Les mêmes considérations devraient s’appliquer à d’autres polluants.

133.

Les déchets doivent, conformément à l’article 4 de la directive-cadre relative aux déchets, être valorisés ou éliminés sans mettre en danger la santé de l’homme et sans que soient utilisés des procédés ou méthodes susceptibles de porter préjudice à l’environnement. L’élimination ou la valorisation des polluants qui ont causé les dommages environnementaux en cause, ainsi que du sol contaminé, engloberont déjà, dans de nombreux cas, une partie de la réparation des dommages.

134.

En vertu de l’article 15 de la directive-cadre relative aux déchets, le coût de l’élimination des déchets doit être supporté, conformément au principe du «pollueur-payeur», par le détenteur qui remet des déchets à un ramasseur ou à une entreprise d’élimination et/ou les détenteurs antérieurs ou le producteur du produit générateur de déchets. La directive-cadre relative aux déchets ne subordonne pas la responsabilité à l’existence d’une faute.

135.

Contrairement à la directive sur la responsabilité environnementale, cette disposition ne précise pas laquelle de ces personnes supporte les coûts de l’élimination des déchets. La Cour est néanmoins partie de l’idée, en ce qui concerne une fuite d’hydrocarbures dans le cadre de l’exploitation d’une station-service, que c’était en principe l’exploitant de la station-service qui était responsable en sa qualité de détenteur et de producteur de ces déchets ( 51 ). Dans le cas d’hydrocarbures accidentellement déversés en mer à la suite de l’avarie d’un pétrolier, le propriétaire du navire transportant lesdits hydrocarbures est, en fait, en possession de ceux-ci immédiatement avant qu’ils ne deviennent des déchets. Par conséquent, il supporte en principe les coûts afférents à leur élimination ( 52 ).

136.

La responsabilité d’autres parties peut toutefois être engagée lorsqu’elles sont responsables de la génération des déchets du fait de circonstances particulières ( 53 ).

137.

De nombreux éléments incitent par conséquent à considérer que, dans les procédures au principal, les entreprises sont responsables, conformément à la directive-cadre relative aux déchets, de l’élimination des polluants qu’elles ont rejetés dans l’environnement à partir de leurs installations de production dans le cadre de leur activité.

138.

En principe, la directive-cadre relative aux déchets s’oppose à des régimes dérogatoires de la même façon que la directive sur la responsabilité environnementale. Cela signifie que la responsabilité première de celui qui est responsable au premier chef conformément au principe du pollueur-payeur peut certes être complétée, mais qu’elle ne peut pas être remplacée ou atténuée. En conséquence, on ne saurait purement et simplement renoncer à déterminer le responsable.

C — Sur les questions dans les affaires C-379/08 et C-380/08

139.

Les questions posées dans les affaires C-379/08 et C-380/08 ne portent pas sur la responsabilité de principe du fait de dommages environnementaux, mais sur la définition de mesures de réparation au titre de la directive sur la responsabilité environnementale. Étant donné qu’on ne saurait exclure, en ce qui concerne une partie tout au moins des dommages environnementaux en question, que la directive soit applicable ( 54 ), il convient également que la Cour réponde à ces questions.

1. Sur la première question posée dans les affaires C-379/08 et C-380/08 — Modification de mesures de réparation

140.

Par la première question, la juridiction de renvoi souhaite savoir si la directive sur la responsabilité environnementale s’oppose à une réglementation nationale qui confère à l’administration le pouvoir d’ordonner, au lieu des mesures de réparation qui ont été décidées en premier ressort à l’issue d’une enquête contradictoire adaptée, et dont l’approbation, puis la mise en œuvre ont déjà eu lieu, ou qui sont en cours d’exécution, d’autres mesures de réparation.

141.

La directive sur la responsabilité environnementale ne comporte pas de dispositions expresses relatives à la modification d’injonctions de réparation. Les articles 7, paragraphe 2, et 11, paragraphe 2, indiquent uniquement que l’autorité compétente décide des mesures de réparation à prendre. Cette formulation doit à l’évidence être interprétée en ce sens qu’elle englobe des mesures de réparation modifiées ou supplémentaires ( 55 ).

142.

Cette interprétation s’impose en particulier parce que l’appréciation de l’efficacité de mesures de réparation peut varier pendant ou après leur exécution. Il serait par conséquent incompatible avec l’objectif d’un niveau de protection élevé et il serait d’ailleurs potentiellement disproportionné de devoir toujours s’en tenir, sans modification, aux actions de réparation qui ont été ordonnées, même si leur efficacité est de plus en plus douteuse.

143.

En l’absence de dispositions pertinentes de la directive au sujet de la modification des injonctions de réparation, il appartient aux États membres de régler cette question. Ils ne peuvent toutefois sortir du cadre tracé par les principes applicables du droit communautaire, tels que les principes de protection de la confiance légitime ( 56 ) et de proportionnalité ( 57 ), qu’ils doivent respecter lorsqu’ils transposent et appliquent le droit communautaire ( 58 ).

144.

La confiance légitime dans le maintien d’injonctions de réparation peut, en vertu de ces principes, être protégée lorsque les actes des autorités administratives ont créé, dans l’esprit d’un opérateur économique prudent et avisé, une confiance raisonnable dans la permanence de celles-ci ( 59 ). Eu égard à l’absence de certitudes scientifiques en matière de réparation de dommages environnementaux, les hypothèses dans lesquelles la protection de la confiance légitime s’imposerait devraient toutefois être rares.

145.

En vertu du principe de proportionnalité, les mesures de réparation des dommages environnementaux ne doivent pas dépasser les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la remise en état de l’environnement, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés ( 60 ).

146.

La juridiction de renvoi souligne en particulier dans sa question que les mesures modifiées ont déjà été exécutées. Il faut assurément tenir compte de cette circonstance dans le cadre de la décision sur la modification des mesures, mais elle n’exclut pas nécessairement toute modification. Certes, il peut être disproportionné que les autorités compétentes dévalorisent certaines mesures de réparation a posteriori en ordonnant d’autres mesures, sans que ces dernières promettent d’apporter une valeur ajoutée suffisante. Toutefois, s’il apparaît, au cours de l’exécution des mesures de réparation, que celles-ci ne sont pas suffisantes, il doit être possible d’ordonner des mesures modifiées ou supplémentaires pour garantir le succès de la réparation.

147.

Il y a donc lieu de conclure, en ce qui concerne la première question, que la directive sur la responsabilité environnementale ne s’oppose pas à la modification d’injonctions de réparation si les principes généraux du droit communautaire sont respectés.

2. Sur la deuxième question posée dans les affaires C-379/08 et C-380/08 — Renonciation à une analyse des effets

148.

Les autorités compétentes peuvent donc en principe modifier des injonctions de réparation, mais il reste à déterminer sous quelles conditions elles peuvent le faire. Une partie de ces conditions est visée par la deuxième question, qui porte sur le point de savoir si les autorités compétentes peuvent modifier des injonctions de réparation d’office et renoncer à évaluer les conditions spécifiques au site, les coûts d’exécution des mesures prescrites par rapport aux bénéfices raisonnablement prévisibles, les dommages collatéraux éventuels ou probables et les effets contraires sur la santé et la sécurité publique, ainsi que les délais nécessaires à la réalisation envisagée.

a) Sur les injonctions d’office

149.

Comme le soulignent ENI e. a. et ERG, il ressort de l’article 7, paragraphe 1, de la directive sur la responsabilité environnementale que c’est en principe l’exploitant responsable qui propose des mesures de réparation. Il est mentionné, à titre de dérogation expresse, que l’autorité compétente peut prendre elle-même les mesures de réparation nécessaires [article 6, paragraphe 2, sous e)], en particulier lorsque l’exploitant ne peut pas être mis en cause (article 6, paragraphe 3).

150.

Cela ne signifie toutefois pas que, dans les autres cas, les autorités doivent toujours attendre des propositions de l’exploitant. Les exploitants pourraient sinon bloquer ou tout au moins entraver la réparation de dommages environnementaux en s’abstenant d’agir.

151.

Par conséquent, l’article 6, paragraphe 2, sous b) à d), de la directive sur la responsabilité environnementale autorise les autorités à transférer à tout moment à l’exploitant les mesures de réparation. L’article 11, paragraphe 2, souligne également que l’autorité compétente détermine les mesures de réparation qu’il convient de prendre. Il ressort expressément du vingt-quatrième considérant que cette décision relève de son pouvoir discrétionnaire.

152.

Certes, l’article 11, paragraphe 2, de la directive sur la responsabilité environnementale habilite l’autorité compétente à demander à l’exploitant concerné d’effectuer sa propre évaluation et de lui communiquer toutes les informations et données nécessaires. L’autorité n’est toutefois pas tenue de faire appel à l’exploitant à cet égard.

153.

La directive sur la responsabilité environnementale ne semble donc pas comporter de dispositions empêchant l’autorité compétente de modifier d’office des mesures de réparation.

b) Sur l’évaluation des effets

154.

L’évaluation des effets est prévue au point 1.3.1. de l’annexe II. Les éléments énumérés par la juridiction de renvoi dans sa question y sont visés parallèlement à d’autres critères.

155.

L’annexe II a en principe un caractère obligatoire pour ce qui est de la définition des mesures de réparation, conformément à l’article 7, paragraphe 2, et à l’introduction de l’annexe. Le point 1.3.1. se borne toutefois à indiquer que les options de réparation raisonnables «devraient» être évaluées. Dans la proposition de la Commission, il était encore prévu que cette évaluation ait lieu à chaque fois ( 61 ), mais le Conseil a fortement retravaillé cette disposition et a manifestement évité sciemment de retenir une formulation contraignante ( 62 ).

156.

Cette technique législative ne saurait toutefois être interprétée en ce sens que les autorités compétentes ne sont pas tenues de procéder à une évaluation lors du choix des mesures de réparation. Au contraire, toute décision sur ce point suppose une évaluation des différentes variantes. Cela est illustré en particulier par l’article 7, paragraphe 3, de la directive sur la responsabilité environnementale qui prévoit que certains critères doivent obligatoirement être pris en compte lorsqu’il faut choisir entre la réparation de différents dommages. Le choix entre différentes mesures de réparation possibles pour un dommage est en principe du même ordre.

157.

Le principe de proportionnalité ( 63 ), mentionné par ENI e. a., doit notamment être pris en considération dans le cadre de l’évaluation. Le législateur communautaire a considéré que les critères énumérés à l’annexe II, point 1.3.1., de la directive sur la responsabilité environnementale étaient particulièrement adaptés en vue d’une décision proportionnelle sur les mesures de réparation. Cette disposition laisse toutefois subsister une marge d’appréciation pour ce qui est du choix des critères d’évaluation. Celle-ci doit certes généralement être utilisée en ce sens que les critères expressément mentionnés sont appliqués, mais les autorités compétentes peuvent estimer qu’il y a des raisons de s’en écarter, en totalité ou en partie.

158.

Il est par exemple envisageable que des mesures particulièrement urgentes doivent être décidées sans qu’il soit procédé au préalable à une évaluation complète conforme au point 1.3.1. de l’annexe II de la directive sur la responsabilité environnementale. On ne saurait exclure par ailleurs que le choix soit guidé par des critères d’évaluation supplémentaires — compte tenu des circonstances particulières du cas d’espèce ou de l’expérience acquise par exemple.

159.

En tout état de cause, les critères d’évaluation utilisés, le résultat de l’évaluation et les raisons de la renonciation à certains critères visés au point 1.3.1. de l’annexe II de la directive sur la responsabilité environnementale doivent être précisés dans la motivation de la décision relative aux mesures de réparation. En effet, l’article 11, paragraphe 4, exige, à la lumière du principe de protection juridictionnelle effective, que les «raisons précises» motivant les décisions relatives aux mesures de réparation soient indiquées. Cette motivation est nécessaire pour que les juridictions nationales compétentes puissent contrôler la décision ( 64 ).

160.

Étant donné qu’il ressort de l’ordonnance de renvoi que les demandeurs au principal soutiennent qu’ils n’ont pas été consultés sur les mesures attaquées, il y a lieu de se référer en outre à l’article 7, paragraphe 4, de la directive sur la responsabilité environnementale. Aux termes de cette disposition, l’autorité compétente invite, en tout état de cause, les personnes sur le terrain desquelles des mesures de réparation devraient être appliquées à présenter leurs observations, dont elle tiendra compte.

161.

Même si, exceptionnellement, les responsables de la réparation ne sont pas les propriétaires des terrains au sens de cette disposition, ils doivent néanmoins être entendus. En effet, la directive sur la responsabilité environnementale repose sur l’hypothèse selon laquelle ils participent généralement encore plus étroitement à la définition des mesures de réparation. En vertu de l’article 7, paragraphe 1, ils doivent déterminer et proposer les mesures de réparation. Si, en s’écartant de ces propositions, l’autorité compétente détermine elle-même des mesures, elle doit tout au moins donner aux responsables de la réparation l’occasion de présenter des observations avant de prendre sa décision.

162.

ENI e.a. soulignent à juste titre que les exigences procédurales mentionnées ci-dessus s’appliquent a fortiori en cas de modification d’injonctions de réparation. Si des mesures de réparation ont été ordonnées dans un premier temps à la suite d’une évaluation approfondie, leur modification doit reposer sur des raisons qui l’emportent sur l’évaluation réalisée initialement. Cela suppose en particulier que les nouveaux motifs reposent sur un fondement scientifique comparable.

163.

La charge représentée par l’évaluation d’une modification de mesures de réparation peut néanmoins être réduite, ne serait-ce que parce que des informations importantes ont été collectées dans le cadre de l’évaluation des mesures de réparation initiales. On ne saurait exclure que des informations nouvelles relativement limitées en volume, qui découlent par exemple de l’observation des mesures de réparation, remettent en question les résultats antérieurs et imposent, en combinaison avec les informations connues, une réorientation de la réparation.

164.

Enfin, il faut préciser que des limites à l’évaluation de mesures de réparation, à la motivation d’une décision relative à des mesures de réparation et à la consultation de l’exploitant responsable ne peuvent constituer ni des «mesures de protection renforcées» au sens de l’article 176 CE, ni des «dispositions plus strictes» au sens de l’article 16 de la directive sur la responsabilité environnementale. La renonciation à ces étapes procédurales ne serait pas de nature à renforcer la protection de l’environnement, mais mettrait plutôt en péril celle-ci. L’évaluation et la consultation visent à compléter les informations sur lesquelles la décision relative aux mesures de réparation se fonde. L’exposé des motifs d’une décision contient en revanche un élément d’autocontrôle ( 65 ). S’il n’est pas possible de formuler des motifs convaincants, il y a lieu de revoir la décision.

c) Réponse à la deuxième question posée dans les affaires C-379/08 et C-380/08

165.

La directive sur la responsabilité environnementale ne s’oppose donc pas à une réglementation nationale qui confère à l’autorité compétente le pouvoir de modifier d’office des injonctions de réparation. Cette décision doit normalement être précédée d’une évaluation des conditions spécifiques au site, des coûts d’exécution des mesures prescrites par rapport aux bénéfices raisonnablement prévisibles, des dommages collatéraux éventuels ou probables et des effets contraires sur la santé et la sécurité publique, ainsi que des délais nécessaires à la réalisation envisagée. Toutefois, dans des cas particuliers, l’autorité compétente peut décider de s’abstenir, en totalité ou en partie, de procéder à cette évaluation, la situation ayant été dûment appréciée, si cette décision est prise après consultation des parties intéressées et si elle est dûment motivée.

3. Sur la troisième question posée dans les affaires C-379/08 et C-380/08 — lien entre les mesures de réparation et l’utilisation des terrains

166.

La troisième question posée dans les affaires C-379/08 et C-380/08 a trait au lien entre les mesures de réparation et l’utilisation des terrains. La juridiction de renvoi souhaite savoir s’il est compatible avec la directive sur la responsabilité environnementale d’adopter des injonctions de réparation modifiées à titre de conditions d’autorisation pour l’utilisation légitime de terrains non directement concernés par la bonification, pour autant que ceux-ci ont déjà fait l’objet d’une bonification ou qu’ils ne sont, en tout état de cause, pas pollués.

167.

La directive sur la responsabilité environnementale ne concerne directement l’utilisation des terrains que dans la mesure où celle-ci a un rapport avec des mesures de prévention ou de réparation. Les mesures de prévention en particulier peuvent affecter directement l’activité exercée sur le terrain, par exemple lorsque des valeurs limites doivent être respectées. Il n’est pas non plus interdit de fixer, dans le cadre de mesures de réparation, les conditions qui doivent être remplies pour que des terrains à réhabiliter puissent être utilisés. Comme l’expose l’Italie, il faut éviter d’éventuels conflits entre l’utilisation et la bonification. En outre, l’annexe II, point 2, de la directive sur la responsabilité environnementale illustre par exemple la nécessité de prendre des mesures pour prévenir les risques pour l’utilisation qui pourraient découler de la pollution d’un terrain.

168.

De telles injonctions doivent être conformes aux exigences de la directive 2004/35 et en particulier à ses dispositions procédurales déjà rappelées.

169.

Si, en revanche — comme le laissent entendre les questions préjudicielles —, les terrains en question ne présentent ou ne causent pas/plus de dommages environnementaux, la directive 2004/35 ne comporte pas de règles applicables. Contrairement au point de vue de ERG, on ne peut en particulier en tirer d’interdiction de restreindre l’usage de terrains totalement bonifiés. Au contraire, si des restrictions d’usage de tels terrains constituent un moyen effectif et proportionné de mettre en oeuvre les obligations qui découlent de la directive sur la responsabilité environnementale, le droit communautaire peut même imposer de les adopter ( 66 ).

170.

En conséquence, il n’est pas contraire à la directive sur la responsabilité environnementale d’adopter des injonctions de réparation modifiées à titre de conditions d’autorisation pour l’utilisation légitime de terrains non directement concernés par la bonification, pour autant que ceux-ci ont déjà fait l’objet d’une bonification ou qu’ils ne sont, en tout état de cause, pas pollués.

D — Sur la quatrième question dans l’affaire C-378/08 — nécessité d’un marché public

1. Sur la recevabilité

171.

La Commission émet des doutes sérieux quant à la recevabilité de la quatrième question posée dans l’affaire C-378/08, au motif que la juridiction nationale n’aurait pas présenté de manière suffisamment détaillée le cadre factuel et juridique dans lequel s’inscrit la quatrième question.

172.

Il est vrai que, selon une jurisprudence constante de la Cour, la nécessité de parvenir à une interprétation du droit communautaire qui soit utile pour le juge national exige que celui-ci définisse le cadre factuel et réglementaire dans lequel s’insèrent les questions qu’il pose ou que, à tout le moins, il explique les hypothèses factuelles sur lesquelles ces questions sont fondées ( 67 ).

173.

L’ordonnance de renvoi ne satisfait pas à ces exigences. En effet, la juridiction de renvoi expose uniquement que Sviluppo Italia a été chargée de la planification et — en cas de carence des entreprises — de la réalisation ultérieure des mesures de réparation, en dehors de toute procédure de passation de marchés publics et que Sviluppo Italia est une entreprise créée par l’État, opérant sur le marché.

174.

Il n’y a pas d’indications plus précises sur la passation du marché. La date et la forme de la passation du marché n’apparaissent pas, pas plus que son contenu exact ou sa valeur. Au contraire, la juridiction de renvoi se borne à décrire les travaux adjugés de manière très générale comme des travaux «dont l’impact environnemental est fort et les coûts très élevés». Il n’y a pas non plus d’indications sur le point de savoir dans quelle mesure Sviluppo Italia est contrôlée par l’État. Enfin, la juridiction de renvoi omet de mentionner les dispositions du droit italien qui sont pertinentes pour la passation du marché.

175.

Eu égard à ces affirmations imprécises, la Cour ne peut même pas déterminer précisément à quelles dispositions du droit communautaire il faut se référer pour l’appréciation juridique de la passation du marché et, a fortiori, ne peut pas procéder à une interprétation à la lumière des faits du litige au principal. En conséquence, les indications figurant dans l’ordonnance de renvoi ne permettent pas à la Cour de fournir à la juridiction nationale une interprétation du droit communautaire qui lui sera utile.

176.

Il y a par conséquent lieu, selon nous, de rejeter la quatrième question comme irrecevable.

2. Observations complémentaires en réponse à la question

177.

Pour le cas où la Cour déciderait de statuer sur la quatrième question préjudicielle, nous incluons néanmoins dans nos conclusions certaines précisions en ce qui concerne le cadre juridique, en droit communautaire, de la passation des marchés publics, lesquelles peuvent faciliter à la juridiction nationale l’appréciation des faits du litige au principal du point de vue du droit communautaire.

178.

La juridiction de renvoi pose la question de la compatibilité avec les directives 2004/18, 93/97 et 89/665 d’une réglementation nationale qui autorise l’attribution de l’exécution de mesures de réparation sans procédure de marchés publics.

179.

Comme la Commission l’indique à juste titre, la directive 89/665 n’est pas pertinente pour répondre à la question de savoir si l’adjudication des mesures de réparation a été effectuée de manière conforme au droit communautaire dans la procédure au principal. En effet, la directive 89/665 comporte uniquement des dispositions procédurales relatives aux voies de recours en cas de violation des dispositions relatives à la passation des marchés. En revanche, la directive 89/665 ne comporte pas de règles de fond relatives à la procédure de passation elle-même.

180.

La Commission a également raison de faire valoir que la directive 93/37 ne semble pas être applicable ratione temporis. En effet, en vertu des dispositions combinées des articles 82 et 80, paragraphe 1, de la directive 2004/18, la directive 93/37 a été abrogée avec effet au 31 janvier 2006. La directive 93/37 a été remplacée par la directive 2004/18 ( 68 ). Bien que la juridiction de renvoi n’indique pas la date de l’attribution du marché à Sviluppo Italia, il y a lieu de supposer, à la lumière des considérations figurant dans l’ordonnance de renvoi, que l’attribution a eu lieu après le 31 janvier 2006. En effet, le plan élaboré par Sviluppo Italia, qui comporte notamment la construction d’une île artificielle, semble être un projet plus récent, sur lequel une décision a été prise pour la première fois le 20 décembre 2007.

181.

La juridiction nationale devra par conséquent vérifier dans un premier temps si l’on se trouve dans le domaine d’application de la directive 2004/18. Il faudrait pour cela qu’il y ait un «marché public» au sens de l’article 1er, paragraphe 2, sous a), de la directive 2004/18 et que la directive soit applicable conformément aux dispositions du titre II, chapitre II. Les indications figurant dans l’ordonnance de renvoi ne sont pas suffisantes pour le vérifier. Le contexte général du cas d’espèce tend toutefois à indiquer qu’il s’agit de marchés de travaux et de services dont la valeur est supérieure aux seuils. S’il en est ainsi, la procédure de passation prévue par la directive 2004/18 aurait en principe dû être appliquée. Le caractère impératif d’une telle procédure ne disparaît pas non plus nécessairement lorsque le marché en question a été attribué parce qu’une partie tenue au premier chef à l’exécution des travaux ne s’acquitte pas de cette obligation («réparation à titre substitutif»).

182.

Le gouvernement italien soutient cependant que, s’agissant d’un marché dit «in house», la passation du marché ne relève pas du champ d’application de la directive 2004/18. Polimeri e.a. contestent cette analyse.

183.

Il ressort de la jurisprudence de la Cour que les dispositions du droit communautaire relatives aux marchés publics ne sont pas applicables aux marchés dits «in house» parce que, dans le cas de telles opérations internes, il n’y a pas de contrat conclu entre deux personnes distinctes. On se trouve en présence d’un marché «in house» lorsque les deux critères suivants sont réunis: premièrement, le pouvoir adjudicateur doit exercer sur l’entité distincte en question, à laquelle le marché est attribué, un contrôle analogue à celui qu’il exerce sur ses propres services. La participation d’une entreprise privée dans le capital de l’entité distincte en question exclut que le pouvoir adjudicateur puisse exercer sur cette entité un contrôle analogue à celui qu’il exerce sur ses propres services. Deuxièmement, l’entité en question doit réaliser l’essentiel de son activité avec le pouvoir adjudicateur qui la détient ( 69 ).

184.

Polimeri e. a. affirment que le capital de Sviluppo Italia n’est pas entièrement détenu par l’administration publique et que Sviluppo Italia ne réalise pas non plus l’essentiel de son activité avec l’administration publique. A défaut d’indications dans l’ordonnance de renvoi, la Cour ne peut cependant pas vérifier cette affirmation. C’est à la juridiction nationale qu’il appartient de statuer sur cette question.

185.

En l’absence de marché «in house» et, de surcroît, en dehors des hypothèses d’application de la directive 2004/18, un marché ne peut être passé sans publication d’un avis de marché que dans les cas énumérés à l’article 31.

186.

La seule disposition pertinente en l’espèce pourrait être l’article 31, premier alinéa, point 1, sous c), de la directive 2004/18. En vertu de celui-ci, un marché peut être passé en recourant à une procédure négociée sans publication préalable d’un avis de marché dans la mesure strictement nécessaire, lorsque l’urgence impérieuse, résultant d’événements imprévisibles pour les pouvoirs adjudicateurs en question, n’est pas compatible avec les délais exigés. Il semble toutefois peu vraisemblable que la conception et l’exécution de mesures de réparation soient devenues urgentes, sans que l’administration ait pu le prévoir. En effet, la pollution existe depuis longtemps et a même déjà fait l’objet d’autres mesures de réparation. Toutefois, il s’agit là également d’une question qui relève en définitive de l’appréciation de la seule juridiction nationale.

VI — Conclusion

187.

À la lumière de l’ensemble des considérations qui précèdent, nous proposons à la Cour de répondre comme suit à la demande de décision préjudicielle dans l’affaire C-378/08:

1)

La directive 2004/35/CE du Parlement européen et du Conseil, du 21 avril 2004, sur la responsabilité environnementale en ce qui concerne la prévention et la réparation des dommages environnementaux, ne s’applique pas aux dommages environnementaux qui ont été causés par des activités exercées avant le 30 avril 2007. Elle ne s’oppose donc pas à une réglementation nationale relative à la réparation de tels dommages.

2)

La directive 2004/35 ne s’oppose à une responsabilité au titre de dommages environnementaux indépendamment de toute contribution au fait causal que si une telle responsabilité portait atteinte à la responsabilité de principe de l’exploitant responsable.

3)

La directive 2004/35 permet

de s’abstenir de déterminer les causes d’un dommage si la poursuite de l’enquête est vouée à l’échec et

de prendre des mesures d’urgence avant la fin de l’enquête.

4)

La directive 2004/35 ne s’oppose pas à des régimes de responsabilité sans faute en matière de dommages environnementaux.

5)

La quatrième question est irrecevable.

188.

La Cour devrait répondre comme suit aux questions posées dans les affaires C-379/08 et C-380/08:

1)

La directive 2004/35 ne s’oppose pas à la modification d’injonctions de réparation si les principes généraux du droit communautaire sont respectés.

2)

La directive 2004/35 ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui confère à l’autorité compétente le pouvoir de modifier d’office des injonctions de réparation. Cette décision doit normalement être précédée d’une évaluation des conditions spécifiques au site, des coûts d’exécution des mesures prescrites par rapport aux bénéfices raisonnablement prévisibles, des dommages collatéraux éventuels ou probables et des effets contraires sur la santé et la sécurité publique, ainsi que les délais nécessaires à la réalisation envisagée. Toutefois, dans des cas particuliers, l’autorité compétente peut décider de s’abstenir, en totalité ou en partie, de procéder à cette évaluation, la situation ayant été dûment appréciée, si cette décision est prise après consultation des parties intéressées et si elle est dûment motivée.

3)

Il n’est pas contraire à la directive 2004/35 d’adopter des injonctions de réparation modifiées à titre de conditions d’autorisation pour l’utilisation légitime de terrains non directement concernés par la bonification, pour autant que ceux-ci ont déjà fait l’objet d’une bonification ou qu’ils ne sont, en tout état de cause, pas pollués.


( 1 ) Langue originale: l’allemand.

( 2 ) «Donnez-moi un point d’appui et je soulèverai le monde», cité d’après Pappus Alexandrinus, Collectionis quae supersunt, Voluminis 3, Tomus 1, publié par Friedrich Hultsch, 1878, p. 1060 (http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k99429t.image.f62.pagination, consulté en dernier lieu le 2 septembre 2009).

( 3 ) Outre les trois affaires examinées ici, deux autres affaires jointes concernant ce site pollué sont pendantes devant la Cour: Buzzi Unicem e. a. (C-478/08 et C-479/08, JO 2009, C 19, p. 14-15).

( 4 ) JO L 143, p. 56.

( 5 ) JO L 134, p. 114.

( 6 ) Il est vrai que, dans l’ordonnance de renvoi, la juridiction nationale pose la question de la compatibilité avec la directive 93/97/CEE. Toutefois, la directive 93/97/CEE complétant la directive 91/263/CEE en ce qui concerne les équipements de stations terrestres de communications par satellite n’est manifestement pas pertinente pour la procédure au principal, si bien qu’il y a lieu de supposer qu’il s’agit d’une erreur de frappe et que la juridiction nationale voulait en réalité poser la question de la compatibilité avec la directive 93/37/CEE.

( 7 ) JO L 199, p. 54.

( 8 ) JO L 395, p. 33.

( 9 ) Arrêt du 19 septembre 2006, Wilson (C-506/04, Rec. p. I-8613, point 34).

( 10 ) Voir arrêt du 15 septembre 2005, Intermodal Transports (C-495/03, Rec. p. I-8151, point 33).

( 11 ) Arrêts du 24 septembre 1987, Coenen (37/86, Rec. p. 3589, point 8), et du 5 mars 2009, Kattner Stahlbau (C-350/07, Rec. p. I-1513, point 24).

( 12 ) Arrêts du 13 novembre 2003, Neri (C-153/02, Rec. p. I-13555, points 34 et suiv.); du 29 avril 2004, Orfanopoulos et Oliveri (C-482/01 et C-493/01, Rec. p. I-5257, point 42), et du 12 janvier 2006, Turn- und Sportunion Waldburg (C-246/04, Rec. p. I-589, point 21).

( 13 ) Arrêt du 14 juillet 1994, Peralta (C-379/92, Rec. p. I-3453, points 57 et suiv.).

( 14 ) En ce qui concerne la dérogation à des mesures de protection de l’environnement qui peuvent également être fondées, notamment, sur l’article 95 CE, les paragraphes 4 à 6 de cet article prévoient des règles particulières.

( 15 ) Arrêt du 14 avril 2005, Deponiezweckverband Eiterköpfe (C-6/03, Rec. p. I-2753, point 41).

( 16 ) Arrêt Deponiezweckverband Eiterköpfe (précité note 15, point 52).

( 17 ) Polimeri e.a. ont même soutenu à l’audience que les dommages résultent de pollutions survenues entre 1958 et 1979.

( 18 ) Voir jurisprudence citée note 12.

( 19 ) Voir la définition figurant à l’article 2, point 8, de la directive sur la responsabilité environnementale: «le rejet dans l’environnement, à la suite d’activités humaines, de substances, préparations, organismes ou micro-organismes».

( 20 ) Voir arrêt du Bundesgerichtshof du 24 novembre 1976 (VIII ZR 137/75, Neue Juristische Wochenschrift 1977, p. 379, 381).

( 21 ) Le livre blanc de la Commission sur la responsabilité environnementale [COM(2000) 66 final du 9 février 2000, p. 14 et suiv.] et la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur la responsabilité environnementale en vue de la prévention et de la réparation des dommages environnementaux [COM(2002) 17 final, du 23 janvier 2002, p. 17 et 24] écartent expressément l’application rétroactive.

( 22 ) Arrêts du 25 janvier 1979, Racke (98/78, Rec. p. 69, point 20); du 22 novembre 2001, Pays-Bas/Conseil (C-110/97, Rec. p. I-8763, point 151), et du 29 avril 2004, Sudholz (C-17/01, Rec. p. I-4243, point 33).

( 23 ) Arrêts du 5 décembre 1973, SOPAD (143/73, Rec. p. 1433, point 8); du 10 juillet 1986, Licata/CES (270/84, Rec. p. 2305, point 31); du 2 octobre 1997, Saldanha et MTS (C-122/96, Rec. p. I-5325, point 14); du 29 janvier 2002, Pokrzeptowicz-Meyer (C-162/00, Rec. p. I-1049, point 50), et du 11 décembre 2008, Commission/Freistaat Sachsen (C-334/07 P, Rec. p. I-9465, point 43).

( 24 ) Arrêts du 16 mai 1979, Tomadini (84/78, Rec. p. 1801, point 21); du 14 janvier 1987, Allemagne/Commission (278/84, Rec. p. 1, point 36); du 29 juin 1999, Butterfly Music (C-60/98, Rec. p. I-3939, point 25), et Pokrzeptowicz-Meyer (précité note 23, point 55).

( 25 ) Livre blanc (précité note 21, p. 11).

( 26 ) Voir points 118 et suiv. ci-dessous.

( 27 ) Voir, à cet égard, point 120 de nos conclusions dans l’affaire Commune de Mesquer (arrêt du 24 juin 2008, C-188/07, Rec. p. I-4501).

( 28 ) Voir point 66 des conclusions de l’avocat général Jacobs dans l’affaire GEMO (arrêt du 20 novembre 2003, C-126/01, Rec. p. I-13769).

( 29 ) Voir point 1 de l’annexe de la recommandation 75/436/Euratom, CECA, CEE du Conseil, du 3 mars 1975, relative à l’imputation des coûts et à l’intervention des pouvoirs publics en matière d’environnement, JO L 194, p. 94.

( 30 ) Voir les développements consacrés aux fonctions du principe du pollueur-payeur qui figurent aux points 30 et suiv. de nos conclusions dans l’affaire Futura Immobiliare e.a (arrêt du 16 juillet 2009, C-254/08, Rec. p. I-6995).

( 31 ) Directive du Conseil, du 24 septembre 1996, relative à la prévention et à la réduction intégrées de la pollution (JO L 257, p. 26), codifiée par la directive 2008/1/CE du Parlement européen et du Conseil, du 15 janvier 2008, relative à la prévention et à la réduction intégrées de la pollution (JO L 24, p. 8).

( 32 ) Directive 92/43/CEE du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages (JO L 206, p. 7).

( 33 ) Directive 79/409/CEE du Conseil, du 2 avril 1979, concernant la conservation des oiseaux sauvages (JO L 103, p. 1).

( 34 ) Voir articles 4, paragraphe 4, 5, paragraphe 3, et 6 bis, paragraphe 4, du projet du 16 avril 2002, document du Conseil no 7771/02, et article 8, paragraphe 4, du projet du 7 mai 2002, document du Conseil no 8647/02.

( 35 ) Selon les termes des versions française, italienne, espagnole, portugaise et roumaine, notamment, de la directive 2004/35.

( 36 ) Selon les termes des versions allemande et anglaise, notamment.

( 37 ) Voir points 52 et suiv., et en particulier point 58, de nos conclusions dans l’affaire Futura Immobiliare e.a (arrêt précité note 30).

( 38 ) Livre blanc (précité note 21, p. 19).

( 39 ) Article 19, paragraphe 2, de la proposition (précitée note 21, p. 46).

( 40 ) Voir points 118 et suivants ci-dessous.

( 41 ) Voir points 141 et suivants de nos conclusions dans l’affaire Commune de Mesquer (arrêt précité note 27) et point 32 de nos conclusions dans l’affaire Futura Immobiliare e.a (arrêt précité note 30).

( 42 ) Voir point 100 ci-dessus.

( 43 ) Voir arrêt Futura Immobiliare e.a (précité note 30, point 56) et le point 32 de nos conclusions dans cette affaire.

( 44 ) Voir arrêt Deponiezweckverband Eiterköpfe (précité note 15, point 63).

( 45 ) Voir arrêts du 28 juin 2007, Commission/Espagne (C-235/04, Rec. p. I-5415, point 25, relatif à des zones de protection spéciale pour les oiseaux); du 9 décembre 2004, Commission/Espagne (C-79/03, Rec. p. I-11619, point 41, relatif à des volumes de chasse), et du 6 novembre 2008, Pays-Bas/Commission (C-405/07 P, Rec. p. I-8301, point 61, relatif à des mesures prises par la Commission au titre de l’article 95, paragraphes 5 et 6, CE).

( 46 ) Directive 2006/12/CE du Parlement européen et du Conseil, du 5 avril 2006, relative aux déchets (JO L 114, p. 9). Cette directive codifie la directive 75/442/CEE du Conseil, du 15 juillet 1975, relative aux déchets (JO L 194, p. 39) et ses modifications ultérieures.

( 47 ) Dans la rédaction résultant de la directive 75/442, qui comportait déjà, à l’article 11, une disposition relative à la prise en charge des coûts conformément au principe du pollueur-payeur.

( 48 ) Directive 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil, du 19 novembre 2008, relative aux déchets et abrogeant certaines directives (JO L 312, p. 3). Aux termes de l’article 2, paragraphe 1, sous b), les sols (in situ), y compris les sols pollués non excavés et les bâtiments reliés au sol de manière permanente, sont exclus du champ d’application de la directive-cadre relative aux déchets dans sa nouvelle rédaction. En vertu de l’article 41, la directive-cadre antérieure est abrogée avec effet au 12 décembre 2010.

( 49 ) Arrêts du 7 septembre 2004, Van de Walle e.a. (C-1/03, Rec. p. I-7613, points 47 à 50), et du 24 juin 2008, Commune de Mesquer (Rec. p. I-4501, points 57 à 59).

( 50 ) Arrêt Van de Walle e.a (précité note 49, point 52).

( 51 ) Arrêt Van de Walle (précité note 49, point 59).

( 52 ) Arrêt Commune de Mesquer (précité note 49, point 74).

( 53 ) Voir arrêts Van de Walle (point 60) et Commune de Mesquer (points 76 et suiv.), précités note 49.

( 54 ) Voir points 54 et suiv. ci-dessus (en particulier, point 57).

( 55 ) À ne pas confondre avec les «mesures de réparation complémentaire» qui compensent, conformément à l’annexe II, point 1, sous b), la perte de ressources naturelles ou de services qui ne peuvent pas être restaurés.

( 56 ) Arrêts du 3 décembre 1998, Belgocodex (C-381/97, Rec. p. I-8153, point 26); du 26 avril 2005, «Goed Wonen» (C-376/02, Rec. p. I-3445, point 32), et du 14 septembre 2006, Elmeka (C-181/04 à C-183/04, Rec. p. I-8167, point 31).

( 57 ) Arrêts du 17 décembre 1970, Köster, Berodt & Co. (25/70, Rec. p. 1161, points 21 et suiv.); du 18 novembre 1987, Maizena e.a. (137/85, Rec. p. 4587, point 15); du 13 novembre 1990, Fedesa e.a. (C-331/88, Rec. p. I-4023, point 13); du 7 septembre 2006, Espagne/Conseil (C-310/04, Rec. p. I-7285, point 97), et du 17 janvier 2008, Viamex Agrar Handel (C-37/06 et C-58/06, Rec. p. I-69, point 33).

( 58 ) Arrêts du 24 mars 1994, Bostock (C-2/92, Rec. p. I-955, point 16); du 18 mai 2000, Rombi et Arkopharma (C-107/97, Rec. p. I-3367, point 65); du 6 novembre 2003, Lindqvist (C-101/01, Rec. p. I-12971, point 87); du 27 juin 2006, Parlement/Conseil (C-540/03, Rec. p. I-5769, point 105), et du 26 juin 2007, Ordre des barreaux francophones et germanophone e.a. (C-305/05, Rec. p. I-5305, point 28).

( 59 ) Arrêt Elmeka (précité note 56, point 32).

( 60 ) Voir, en ce sens, arrêts Köster, Berodt & Co. (points 28 et 32), Fedesa e.a. (point 13) et Viamex Agrar Handel (point 35), tous précités note 57, ainsi que arrêts du 11 juillet 1989, Schräder HS Kraftfutter (265/87, Rec. p. 2237, point 21), et du 12 juillet 2001, Jippes e.a. (C-189/01, Rec. p. I-5689, point 81).

( 61 ) Voir annexe II, point 3.2.1., de la proposition de la Commission (précitée note 21).

( 62 ) Il semble que cela ait eu lieu pour la première fois dans la rédaction du point 1.3.1. de l’annexe II résultant du document du Conseil 6191/03 du 13 février 2003.

( 63 ) Voir point 145 ci-dessus.

( 64 ) Voir arrêts du 15 octobre 1987, Heylens e.a. (222/86, Rec. p. 4097, point 15); du 15 février 2007, BVBA Management, Training en Consultancy (C-239/05, Rec. p. I-1455, point 36), et du 30 avril 2009, Mellor (C-75/08, Rec. p. I-3799, point 59 et jurisprudence citée).

( 65 ) Voir point 97 de mes conclusions dans l’affaire Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala (arrêt du 10 juillet 2008, C-413/06 P, Rec. p. I-4951) et point 32 de mes conclusions dans l’affaire Mellor (arrêt précité note 64).

( 66 ) Voir, par exemple, arrêt du 3 mai 2005, Berlusconi e.a. (C-387/02, C-391/02 et C-403/02, Rec. p. I-3565, point 65 et jurisprudence citée).

( 67 ) Arrêt du 26 janvier 1993, Telemarsicabruzzo e.a. (C-320/90 à C-322/90, Rec. p. I-393, point 6); ordonnances du 19 mars 1993, Banchero (C-157/92, Rec. p. I-1085, point 4); du 30 avril 1998, Testa et Modesti (C-128/97 et C-137/97, Rec. p. I-2181, point 5); du 28 juin 2000, Laguillaumie (C-116/00, Rec. p. I-4979, point 15), et du 8 octobre 2002, Viacom (C-190/02, Rec. p. I-8287, point 15); arrêts du 9 septembre 2004, Carbonati Apuani (C-72/03, Rec. p. I-8027, point 10); du 17 février 2005, Viacom Outdoor (C-134/03, Rec. p. I-1167, point 22); du 6 décembre 2005, ABNA e.a. (C-453/03, C-11/04, C-12/04 et C-194/04, Rec. p. I-10423, point 45); du 14 décembre 2006, Confederación Española de Empresarios de Estaciones de Servicio (C-217/05, Rec. p. I-11987, point 26), et du 2 avril 2009, Pedro IV Servicios (C-260/07, Rec. p. I-2437, point 29).

( 68 ) Voir premier considérant de la directive 2004/18.

( 69 ) Voir, sur les deux conditions, arrêts du 18 novembre 1999, Teckal (C-107/98, Rec. p. I-8121, point 50); du 11 janvier 2005, Stadt Halle et RPL Lochau (C-26/03, Rec. p. I-1, point 49); du 13 janvier 2005, Commission/Espagne (C-84/03, Rec. p. I-139, point 38); du 11 mai 2006, Carbotermo et Consorzio Alisei (C-340/04, Rec. p. I-4137, point 33), et du 9 juin 2009, Commission/Allemagne (C-480/06, Rec. p. I-4747, point 34).

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