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Document 62006CJ0439

Arrêt de la Cour (troisième chambre) du 22 mai 2008.
Procédure de gestion de l’énergie citiworks AG.
Demande de décision préjudicielle: Oberlandesgericht Dresden - Allemagne.
Marché intérieur de l’électricité - Directive 2003/54/CE - Article 20, paragraphe 1 - Libre accès des tiers aux réseaux de transport et de distribution d’électricité.
Affaire C-439/06.

Recueil de jurisprudence 2008 I-03913

Identifiant ECLI: ECLI:EU:C:2008:298

Procédure de gestion de l’énergie citiworks AG.

(demande de décision préjudicielle, formée par Oberlandesgericht Dresden (Allemagne))

«Marché intérieur de l’électricité — Directive 2003/54/CE — Article 20, paragraphe 1 — Libre accès des tiers aux réseaux de transport et de distribution d’électricité.»

Conclusions de l'avocat général M.Mazák, présentées le 13 Décembre 2007

Arrêt de la Cour (troisième chambre) du 22 mai 2008

Sommaire de l'arrêt

Questions préjudicielles — Compétence de la Cour — Limites

(Art. 234 CE)

Rapprochement des législations — Mesures destinées à l’établissement et au fonctionnement du marché intérieur de l’électricité

(Directive du Parlement européen et du Conseil 2003/54, art. 2, point 5, et 20, § 1)

Rapprochement des législations — Mesures destinées à l'établissement et au fonctionnement du marché intérieur de l'électricité

(Directive du Parlement européen et du Conseil 2003/54, art. 20, § 1)

N’est pas hypothétique, est pertinente et, partant, est recevable la question préjudicielle par laquelle le juge de renvoi se demande, dans le cadre d’un litige portant sur la contestation d’un fournisseur d’électricité contre la dispense accordée, en vertu d’une disposition de droit national, à certains gestionnaires de réseaux d’approvisionnement énergétique de laisser libre accès à leurs réseaux, si les dispositions d’une directive s’opposent à ce régime dérogatoire qui accorde cette dispense sans que soient prises en compte les capacités techniques de ces réseaux.

(cf. points 33, 35-36)

Le principe du libre accès, qui constitue l’une des mesures essentielles que les États membres sont tenus de mettre en œuvre pour parvenir à l’achèvement du marché intérieur de l’électricité, s’applique, selon l’article 20, paragraphe 1, de la directive 2003/54, concernant les règles communes pour le marché intérieur de l'électricité, aux réseaux de transport et aux réseaux de distribution d’électricité.
Relève du champ d'application de cette disposition et s'analyse donc en un réseau de distribution d'électricité au sens de l'article 2, point 5, de la directive 2003/54 un réseau, installé dans une zone d'exploitation présentant une unité fonctionnelle et principalement affecté au transport d'énergie à l'intérieur d'une entreprise et vers des entreprises liées, qui transporte, aux fins de fourniture à des clients, de l'électricité qui n'est pas à très haute ou à haute tension, indépendamment de la quantité d'énergie transportée sur ledit réseau et indépendamment du fait que l’exploitation dudit réseau n'est qu’une activité accessoire à l’activité principale d’exploitation de l’entreprise.

(cf. points 44-48, 54)

L’article 20, paragraphe 1, de la directive 2003/54, concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale dispensant certains gestionnaires de réseaux d’approvisionnement énergétique de l’obligation de laisser aux tiers le libre accès à ces réseaux, au motif que ces derniers sont installés dans une zone d’exploitation présentant une unité fonctionnelle et qu’ils sont principalement affectés au transport d’énergie à l’intérieur de l’entreprise et vers des entreprises liées.
En effet, si cette disposition laisse aux États membres le soin de prendre les mesures nécessaires afin que soit mis en place un système d’accès des tiers aux réseaux de transport ou de distribution et si, par conséquent, les États membres sont compétents, conformément à l’article 249 CE, quant à la forme et aux moyens à mettre en œuvre pour parvenir à cette mise en place, il n'en reste pas moins que, compte tenu de l’importance du principe du libre accès aux réseaux de transport ou de distribution, cette marge de manœuvre ne les autorise pas à écarter ledit principe hormis les cas dans lesquels la directive prévoit des exceptions ou des dérogations.
Tel n’est pas le cas d'une réglementation nationale qui n’entre dans le champ d’application d’aucune des exceptions ou dérogations audit principe prévues par la directive, qu’il s’agisse
- en premier lieu, de celle établie par son article 20, paragraphe 2, lequel, pour permettre à un gestionnaire de réseau de refuser l’accès à son réseau s’il ne dispose pas de la capacité nécessaire, exige une motivation et une justification appréciables au cas par cas et n’autorise pas les États membres à prévoir des dérogations générales sans appréciation concrète de cette incapacité ou,
- en deuxième lieu, de la dérogation prévue par l’article 3, paragraphe 8, de la directive dès lors que, d’une part, la dérogation prévue par la réglementation en cause n'est pas justifiée par le risque que les gestionnaires de réseaux se verraient empêchés d'accomplir leurs obligations de service public du fait du libre accès et que, d'autre part, ladite dérogation n'est justifiée que par la configuration géographique ou juridique de la zone dans laquelle lesdits réseaux sont exploités ou,
- en dernier lieu, par l'application de l’article 26, paragraphe 1, de la directive qui prévoit des dérogations à l’article 20 de celle-ci, justifiées par des problèmes importants posés pour l’exploitation de petits réseaux isolés dans la mesure où l’accord nécessaire de la Commission, concrétisé en une décision publiée au Journal officiel de l’Union européenne, n’a été ni sollicité ni obtenu par l'État membre dont la réglementation est en cause.

(cf. points 55, 57-58, 60-65 et disp.)







ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

22 mai 2008 (*)

«Marché intérieur de l’électricité – Directive 2003/54/CE – Article 20, paragraphe 1 – Libre accès des tiers aux réseaux de transport et de distribution d’électricité»

Dans l’affaire C‑439/06,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par l’Oberlandesgericht Dresden (Allemagne), par décision du 17 octobre 2006, parvenue à la Cour le 24 octobre 2006, dans la procédure de gestion de l’énergie

citiworks AG

en présence de:

Sächsisches Staatsministerium für Wirtschaft und Arbeit als Landesregulierungsbehörde,

Flughafen Leipzig/Halle GmbH,

Bundesnetzagentur,

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. A. Rosas, président de chambre, MM. J. N. Cunha Rodrigues, J. Klučka, Mme P. Lindh (rapporteur) et M. A. Arabadjiev, juges,

avocat général: M. J. Mazák,

greffier: M. J. Swedenborg, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 20 septembre 2007,

considérant les observations présentées:

–        pour citiworks AG, par Me C. Haellmigk, Rechtsanwalt,

–        pour Sächsisches Staatsministerium für Wirtschaft und Arbeit als Landesregulierungsbehörde, par M. R. Huber, en qualité d’agent,

–        pour Flughafen Leipzig/Halle GmbH, par Mes R. Wagner et J. Kloos, Rechtsanwälte,

–        pour le gouvernement allemand, par MM. M. Lumma et J. Möller, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement polonais, par Mme E. Ośniecka-Tamecka, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement du Royaume-Uni, par Mme V. Jackson, en qualité d’agent, assistée de M. A. Henshaw, barrister,

–        pour la Commission des Communautés européennes, par M. B. Schima, en qualité d’agent,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 13 décembre 2007,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 20, paragraphe 1, de la directive 2003/54/CE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2003, concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité et abrogeant la directive 96/92/CE (JO L 176, p. 37).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’une procédure ayant pour objet le recours intenté par citiworks AG (ci‑après «citiworks») contre la décision par laquelle le Sächsisches Staatsministerium für Wirtschaft und Arbeit als Landesregulierungsbehörde (ministère d’État du Land de Saxe chargé de l’économie et du travail, en sa qualité d’autorité de régulation compétente au niveau du Land, ci-après l’«autorité de régulation») a qualifié de «réseau d’approvisionnement privé» au sens de l’article 110, paragraphe 1, point 1, de la loi relative à l’approvisionnement en électricité et en gaz, dite «loi sur la gestion rationnelle de l’énergie» [Gesetz über die Elektrizitäts- und Gasversorgung (Energiewirtschaftsgesetz)], du 7 juillet 2005 (BGBl. 2005 I, p. 1970, ci‑après l’«EnWG»), le réseau d’approvisionnement énergétique géré par Flughafen Leipzig/Halle GmbH (ci‑après «FLH»).

 Le cadre juridique

 La réglementation communautaire

3        Aux termes de l’article 1er de la directive 2003/54:

«La présente directive établit des règles communes concernant la production, le transport, la distribution et la fourniture d’électricité. Elle définit les modalités d’organisation et de fonctionnement du secteur de l’électricité, l’accès au marché, les critères et les procédures applicables en ce qui concerne les appels d’offres et l’octroi des autorisations ainsi que l’exploitation des réseaux.»

4        Les quatrième à septième et vingt-sixième considérants de la directive 2003/54 sont ainsi libellés:

«(4)      Les libertés que le traité garantit aux citoyens européens – libre circulation des marchandises, libre prestation de services et liberté d’établissement – ne peuvent être effectives que dans un marché entièrement ouvert qui permet à tous les consommateurs de choisir librement leur fournisseur et à tous les fournisseurs de délivrer librement leurs produits à leurs clients.

(5)      Les principaux obstacles à l’achèvement d’un marché intérieur tout à fait opérationnel et compétitif sont liés, entre autres, à des questions d’accès au réseau, de tarification et de diversité des degrés d’ouverture des marchés entre les États membres.

(6)      Pour le bon fonctionnement de la concurrence, l’accès au réseau doit être non discriminatoire, transparent et disponible au juste prix.

(7)      Afin d’achever le marché intérieur de l’électricité, l’accès non discriminatoire au réseau du gestionnaire de réseau de transport ou de distribution revêt une importance primordiale. Un gestionnaire de réseau de transport ou de distribution peut comprendre une ou plusieurs entreprises.

[...]

(26)      Le respect des obligations de service public est un élément essentiel de la présente directive, et il est important que des normes minimales communes, respectées par tous les États membres, soient fixées dans la présente directive, en prenant en compte les objectifs de la protection des consommateurs, de la sécurité d’approvisionnement, de la protection de l’environnement et de l’égalité des niveaux de concurrence dans tous les États membres. Il est important que les exigences relatives au service public puissent être interprétées sur une base nationale, compte tenu des conditions nationales et dans le respect du droit communautaire.»

5        L’article 2 de la directive 2003/54, intitulé «Définitions», énonce:

«Aux fins de la présente directive, on entend par:

[…]

3)      ‘transport’, le transport d’électricité sur le réseau à très haute tension et à haute tension interconnecté aux fins de fourniture à des clients finals ou à des distributeurs, mais ne comprenant pas la fourniture;

4)      ‘gestionnaire de réseau de transport’, toute personne physique ou morale responsable de l’exploitation, de l’entretien et, si nécessaire, du développement du réseau de transport dans une zone donnée et, le cas échéant, de ses interconnexions avec d’autres réseaux, ainsi que de garantir la capacité à long terme du réseau à satisfaire une demande raisonnable de transport d’électricité;

5)      ‘distribution’, le transport d’électricité sur des réseaux de distribution à haute, à moyenne et à basse tension aux fins de fourniture à des clients, mais ne comprenant pas la fourniture;

6)      ‘gestionnaire de réseau de distribution’, toute personne physique ou morale responsable de l’exploitation, de l’entretien et, si nécessaire, du développement du réseau de distribution dans une zone donnée et, le cas échéant, de ses interconnexions avec d’autres réseaux, ainsi que de garantir la capacité à long terme du réseau à satisfaire une demande raisonnable de distribution d’électricité;

7)      ‘clients’, les clients grossistes et finals d’électricité;

8)      ‘clients grossistes’, les personnes physiques ou morales qui achètent de l’électricité pour la revendre à l’intérieur ou à l’extérieur du réseau où elles sont installées;

9)      ‘clients finals’, les clients achetant de l’électricité pour leur consommation propre;

[...]

19)      ‘fourniture’, la vente, y compris la revente, d’électricité à des clients;

[...]

26)      ‘petit réseau isolé’, tout réseau qui a eu une consommation inférieure à 3 000 GWh en 1996, et qui peut être interconnecté avec d’autres réseaux pour une quantité inférieure à 5 % de sa consommation annuelle;

27)      ‘micro réseau isolé’, tout réseau qui a eu une consommation inférieure à 500 GWh en 1996, et qui n’est pas connecté à d’autres réseaux;

[…]»

6        L’article 3, paragraphe 8, de la directive 2003/54, intitulé «Obligations de service public et protection des consommateurs», énonce:

«Les États membres peuvent décider de ne pas appliquer les dispositions des articles 6, 7, 20 et 22 si leur application risque d’entraver l’accomplissement, en droit ou en fait, des obligations imposées aux entreprises d’électricité dans l’intérêt économique général et pour autant que le développement des échanges n’en soit pas affecté dans une mesure qui serait contraire à l’intérêt de la Communauté. Les intérêts de la Communauté comprennent, entre autres, la concurrence en ce qui concerne les clients éligibles conformément à la présente directive et à l’article 86 du traité.»

7        L’article 20 de ladite directive, intitulé «Accès des tiers», est libellé ainsi:

«1.      Les États membres veillent à ce que soit mis en place, pour tous les clients éligibles, un système d’accès des tiers aux réseaux de transport et de distribution. Ce système, fondé sur des tarifs publiés, doit être appliqué objectivement et sans discrimination entre les utilisateurs du réseau. Les États membres veillent à ce que ces tarifs, ou les méthodes de calcul de ceux‑ci, soient approuvés avant leur entrée en vigueur conformément à l’article 23, et que ces tarifs et les méthodes de calcul, lorsque seules les méthodes de calcul sont approuvées, soient publiés avant leur entrée en vigueur.

2.      Le gestionnaire d’un réseau de transport ou de distribution peut refuser l’accès s’il ne dispose pas de la capacité nécessaire. Le refus doit être dûment motivé et justifié, eu égard, en particulier, à l’article 3. Les États membres veillent à ce que, s’il y a lieu et en cas de refus d’accès, le gestionnaire de réseau de transport ou de distribution fournisse des informations pertinentes sur les mesures nécessaires pour renforcer le réseau. Il peut être demandé à la partie qui sollicite ces informations de payer une redevance raisonnable reflétant le coût de la fourniture desdites informations.»

8        L’article 26 de la même directive, intitulé «Dérogations», prévoit:

«1.      Les États membres qui, après l’entrée en vigueur de la présente directive, peuvent prouver que des problèmes importants se posent pour l’exploitation de leurs petits réseaux isolés peuvent demander à bénéficier de dérogations aux dispositions pertinentes des chapitres IV, V, VI et VII, [...], en ce qui concerne la rénovation, la modernisation et l’expansion de la capacité existante, qui pourront leur être accordées par la Commission. Celle-ci informe les États membres de ces demandes avant de prendre une décision dans le respect de la confidentialité. Cette décision est publiée au Journal officiel de l’Union européenne. [...]

[…]»

 La réglementation nationale

9        L’EnWG a été adopté pour transposer la directive 2003/54.

10      L’article 3, points 16 et 17, de cette loi définit les réseaux d’approvisionnement énergétique comme étant les «réseaux d’approvisionnement en électricité et en gaz passant par un ou plusieurs paliers de tension ou niveaux de pression» et les réseaux d’approvisionnement énergétique affectés à l’approvisionnement général comme étant les «réseaux d’approvisionnement énergétique affectés à la distribution d’énergie à des tiers et qui, de par leurs dimensions, ne sont pas d’emblée aménagés exclusivement en vue de l’approvisionnement de certains consommateurs finals déterminés ou déterminables dès le moment de la constitution du réseau, mais sont en principe susceptibles d’approvisionner n’importe quel consommateur final».

11      L’article 3, point 18, de la même loi définit l’entreprise gestionnaire de réseaux d’approvisionnement énergétique comme toute personne physique ou morale exploitant un réseau d’approvisionnement énergétique.

12      La partie 3 de l’EnWG comprend, notamment, les articles 20 et 21. Ledit article 20, paragraphe 1, première phrase, prévoit que les gestionnaires de réseaux d’approvisionnement énergétique «doivent permettre à tout un chacun d’accéder au réseau, sur la base de critères objectifs et sans discrimination; ils doivent également publier sur l’internet les conditions d’accès au réseau, y compris les contrats types et les tarifs».

13      L’article 21, paragraphe 1, de l’EnWG dispose:

«Les conditions et les prix d’accès au réseau doivent être raisonnables, non discriminatoires, transparents et pas moins favorables que ceux que les gestionnaires de réseaux d’approvisionnement énergétique appliquent, facturent ou imputent dans des cas comparables pour des prestations effectuées à l’intérieur de leur entreprise ou fournies à des entreprises liées ou associées.»

14      L’article 110, paragraphe l, de l’EnWG fixe les conditions d’obtention du statut de réseau d’approvisionnement privé et énonce les conséquences juridiques de ce statut dans les termes suivants:

«Les parties 2 et 3 ainsi que les articles 4, 52 et 92 de la présente loi ne s’appliquent pas à l’exploitation de réseaux d’approvisionnement énergétique

1.      qui sont installés dans une zone d’exploitation présentant, sur le plan spatial, une unité fonctionnelle et qui sont principalement affectés au transport d’énergie à l’intérieur de l’entreprise ou vers des entreprises liées au sens de l’article 3, point 38;

2.      qui sont installés dans une zone privée présentant, sur le plan spatial, une unité fonctionnelle et qui sont utilisés par le gestionnaire du réseau ou par un mandataire pour approvisionner en énergie des consommateurs finals définissables par un objet commercial commun et prééminent

a)      qui va au-delà d’un simple rapport de location ou de bail commercial et

b)      dont l’application des dispositions citées dans l’introduction du présent paragraphe compliquerait la poursuite dans une mesure excessive

ou

3.      qui sont installés dans une zone présentant, sur le plan spatial, une étroite unité fonctionnelle et qui servent principalement à l’auto-approvisionnement,

à condition que le réseau d’approvisionnement énergétique ne soit pas affecté à l’approvisionnement général au sens de l’article 3, point 17, et que le gestionnaire du réseau d’approvisionnement privé ou son mandataire dispose des capacités techniques, économiques et en personnel pour garantir durablement que le réseau sera exploité de façon conforme aux dispositions de la présente loi.»

 Le litige au principal et la question préjudicielle

15      Citiworks est une société de droit allemand ayant une activité d’approvisionnement en énergie. Depuis le début de l’année 2004, elle fournit de l’électricité à l’antenne de DFS Deutsche Flugsicherung GmbH se trouvant sur le site de l’aéroport de Leipzig/Halle. Cette dernière société appartient à 100 % à l’État fédéral et est chargée du contrôle du trafic aérien en Allemagne.

16      FLH est la société exploitant l’aéroport de Leipzig/Halle. À ce titre, elle entretient un réseau d’approvisionnement énergétique par lequel elle pourvoit à ses propres besoins en électricité ainsi qu’à ceux de 93 autres entreprises implantées sur le site aéroportuaire (ci‑après le «réseau en cause au principal»). Durant l’année 2004, ce réseau a livré au total environ 22 200 MWh, dont 85,4 % ont été consommés par FLH elle‑même.

17      FLH a demandé que le réseau en cause au principal soit reconnu comme un réseau d’approvisionnement privé au sens de l’article 110 de l’EnWG. Dans le cadre de l’instruction de cette demande, l’autorité de régulation a, le 20 janvier 2006, invité citiworks à intervenir.

18      Par décision du 12 juillet 2006, l’autorité de régulation a accueilli la demande de FLH. Citiworks a intenté un recours contre cette décision devant l’Oberlandesgericht Dresden.

19      Devant cette juridiction, citiworks a fait valoir que l’article 110 de l’EnWG est incompatible avec l’article 20 de la directive 2003/54.

20      Dans ces conditions, l’Oberlandesgericht Dresden a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«L’article 110, paragraphe 1, point 1, de [l’EnWG] est-il compatible avec l’article 20, paragraphe 1, de la directive 2003/54 […], dans la mesure où, lorsque les conditions de cet article 110, paragraphe 1, point 1, sont remplies, les dispositions générales relatives à l’accès au réseau (articles 20 à 28a de l’EnWG) ne sont pas applicables à ce qu’il est convenu d’appeler un réseau d’exploitation, même lorsque le libre accès au réseau ne peut entraîner aucune complication excessive?»

 Sur la question préjudicielle

21      À titre liminaire, il convient de rappeler que, dans le cadre d’un renvoi préjudiciel, si la Cour n’est pas compétente pour statuer sur la compatibilité d’une mesure nationale avec le droit communautaire, elle est toutefois compétente pour fournir à la juridiction nationale tous les éléments d’interprétation relevant du droit communautaire qui peuvent lui permettre d’apprécier cette compatibilité en vue du jugement de l’affaire dont elle est saisie (voir, notamment, arrêts du 21 septembre 2000, Borawitz, C‑124/99, Rec. p. I‑7293, point 17; du 8 juin 2006, WWF Italia e.a., C‑60/05, Rec. p. I‑5083, point 18, et du 24 janvier 2008, Roby Profumi, C‑257/06, non encore publié au Recueil, point 11).

22      Par sa question, la juridiction de renvoi cherche à savoir, en substance, si l’article 20, paragraphe 1, de la directive 2003/54 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une disposition telle que l’article 110, paragraphe 1, point 1, de l’EnWG qui dispense certains gestionnaires de réseaux d’approvisionnement énergétique de l’obligation de laisser aux tiers le libre accès à ces réseaux, au motif qu’ils sont installés dans une zone d’exploitation présentant une unité fonctionnelle et qu’ils sont principalement affectés au transport d’énergie à l’intérieur de l’entreprise et vers des entreprises liées, sans qu’il soit établi que le libre accès des tiers auxdits réseaux entraînerait des complications excessives.

 Observations soumises à la Cour

23      Citiworks considère que l’article 20, paragraphe 1, de la directive 2003/54 s’oppose à l’article 110, paragraphe 1, point 1, de l’EnWG. En effet, l’un des principaux objectifs de cette directive serait de permettre aux fournisseurs d’énergie d’accéder librement aux réseaux d’approvisionnement énergétique afin que les clients puissent choisir librement leur fournisseur.

24      La disposition nationale qui déroge au principe du libre accès des tiers aux réseaux d’approvisionnement énergétique serait contraire à cet objectif. Aucune disposition de la directive 2003/54 n’autoriserait les États membres à déterminer librement les situations dans lesquelles ils peuvent déroger à ce principe.

25      Citiworks fait valoir, en outre, que l’article 110, paragraphe 1, point 1, de l’EnWG s’applique automatiquement dès lors que sont remplies les conditions qu’il prévoit.

26      FLH soutient, de manière préliminaire, que la question posée est irrecevable, car hypothétique. En effet, cette question évoquerait une rédaction de l’article 110, paragraphe 1, point 1, de l’EnWG qui n’existe pas, cette disposition ne se référant pas à la notion de «complication excessive». En outre, cette question ne serait pas pertinente pour la solution du litige au principal.

27      Sur le fond, FLH, l’autorité de régulation ainsi que les gouvernements allemand et du Royaume-Uni estiment que le réseau en cause au principal n’est ni un réseau de transport ni un réseau de distribution et, partant, n’entre pas dans le champ d’application de la directive 2003/54. Un tel réseau serait un réseau interne créé par des entreprises pour leur propre approvisionnement en énergie, qui aurait une faible consommation et qui n’affecterait pas la concurrence. L’article 110, paragraphe 1, point 1, de l’EnWG ne serait que l’expression du pouvoir discrétionnaire dont aurait disposé le législateur national lors de la transposition de la directive 2003/54. De plus, la fourniture d’électricité serait accessoire à l’activité principale de FLH qui est d’exploiter un aéroport.

28      Selon le gouvernement allemand, le réseau en cause au principal est une «installation cliente» qui distribue de l’énergie au sein d’une installation close. L’entreprise qui l’exploite ne serait pas soumise aux obligations imposées par la directive 2003/54 aux gestionnaires de réseaux de distribution.

29      Le gouvernement polonais estime que l’article 110, paragraphe 1, point 1, de l’EnWG est incompatible avec la directive 2003/54. Il existerait dans cette dernière un système de dérogations liées à des circonstances particulières, lequel exclut les dérogations à caractère général.

30      La Commission considère que l’article 20, paragraphe 1, de la directive 2003/54 s’oppose à l’article 110, paragraphe 1, point 1, de l’EnWG. En effet, le réseau en cause au principal serait un réseau de distribution au sens de cette directive et le libre accès à ce réseau devrait donc être assuré. La Commission rappelle que le principe du libre accès des tiers aux réseaux d’approvisionnement énergétique est essentiel et que les dérogations à ce principe ne doivent être admises que dans des circonstances clairement définies. À ce titre, la taille du réseau n’est prise en compte que pour les questions concernant la séparation juridique des gestionnaires de réseaux de distribution, ainsi que cela résulte de l’article 15, paragraphe 2, in fine, de la directive 2003/54.

 Réponse de la Cour

 Sur la recevabilité

31      Selon une jurisprudence constante, il appartient au seul juge national, qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour (voir, notamment, arrêts du 15 décembre 1995, Bosman, C‑415/93, Rec. p. I‑4921, point 59, et du 15 juin 2006, Acereda Herrera, C‑466/04, Rec. p. I‑5341, point 47).

32      La Cour ne peut refuser la demande d’une juridiction nationale que lorsqu’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation ou l’appréciation de la validité d’une règle communautaire, demandées par la juridiction nationale, n’ont aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal ou lorsque le problème est de nature hypothétique (voir arrêts précités Bosman, point 61, et Acereda Herrera, point 48).

33      Dans l’affaire en cause au principal, le juge national est saisi d’une contestation d’un fournisseur d’électricité qui fait valoir que l’article 20, paragraphe 1, de la directive 2003/54 s’oppose à une disposition de droit national qui dispense certains gestionnaires de réseaux d’approvisionnement énergétique de laisser le libre accès à leur réseau.

34      Selon ce juge, la disposition de droit national en cause prévoit que ladite dispense s’applique à des réseaux d’approvisionnement énergétique sans être subordonnée à l’existence de complications excessives, alors que cette condition existe pour les réseaux de service visés à l’article 110, paragraphe 1, point 2, de l’EnWG.

35      Le juge de renvoi se demande, par conséquent, si l’article 20, paragraphe 1, de la directive 2003/54 s’oppose à ce régime dérogatoire, qui dispense de l’obligation de laisser les tiers accéder librement à certains réseaux d’approvisionnement énergétique sans que soient prises en considération les capacités techniques de ces réseaux.

36      Il en résulte que la question posée est pertinente, n’est pas hypothétique et, partant, est recevable.

 Sur le fond

37      En vue de répondre à la question posée, il convient d’interpréter l’article 20 de la directive 2003/54 à la lumière des objectifs de cette directive et des dispositions de celle-ci, afin de vérifier si le réseau en cause au principal relève du champ d’application de cette directive et si ledit article 20 s’oppose à une disposition telle que l’article 110, paragraphe 1, point 1, de l’EnWG qui dispense de l’obligation de laisser aux tiers le libre accès à certains réseaux d’approvisionnement énergétique.

38      Il convient de rappeler que la directive 2003/54 a abrogé et remplacé la directive 96/92/CE du Parlement européen et du Conseil, du 19 décembre 1996, concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité (JO 1997, L 27, p. 20). Il résulte des premier et deuxième considérants de la directive 2003/54 que celle-ci a été adoptée en raison des lacunes subsistant pour parvenir à la création d’un marché intérieur de l’électricité après la mise en œuvre de la directive 96/92. L’objectif de la directive 2003/54 est donc d’améliorer le fonctionnement de ce marché.

39      Selon le cinquième considérant de la directive 2003/54, l’un des principaux obstacles à l’achèvement d’un marché intérieur opérationnel et compétitif est lié à des questions d’accès au réseau, de tarification et de diversité des degrés d’ouverture des marchés entre les États membres.

40      Les sixième et septième considérants de ladite directive précisent que l’accès au réseau non discriminatoire, transparent et disponible au juste prix est nécessaire au bon fonctionnement de la concurrence et revêt une importance primordiale pour achever le marché intérieur de l’électricité.

41      La directive 96/92 prévoyait, à ses articles 16 à 20, un système d’accès négocié aux réseaux de transport et de distribution d’électricité. Le législateur communautaire a décidé de mettre fin à ce système afin d’ajouter davantage d’ouverture dans le marché intérieur de l’électricité, ainsi que cela ressort de la proposition de directive présentée par la Commission le 13 mars 2001 [COM(2001) 125 final, JO C 240 E, p. 60].

42      Il convient, à ce titre, de rappeler que la Cour a, dans le cadre de l’interprétation des articles 7, paragraphe 5, et 16 de la directive 96/92, souligné le caractère général du principe de non-discrimination entre les utilisateurs des réseaux (voir, en ce sens, arrêt du 7 juin 2005, VEMW e.a., C‑17/03, Rec. p. I‑4983, points 42 à 46).

43      Le quatrième considérant de la directive 2003/54 rappelle qu’un marché entièrement ouvert doit permettre au consommateur de choisir librement son fournisseur et à ce fournisseur de délivrer librement ses produits à ses clients. Ainsi que le souligne à juste titre M. l’avocat général au point 72 de ses conclusions, ces deux droits sont nécessairement liés. En effet, pour que les clients puissent choisir librement leurs fournisseurs, ceux-ci doivent pouvoir avoir accès aux différents réseaux de transport et de distribution qui acheminent l’électricité jusqu’aux clients.

44      Il résulte de ces considérations que le libre accès des tiers aux réseaux de transport et de distribution constitue l’une des mesures essentielles que les États membres sont tenus de mettre en œuvre pour parvenir à l’achèvement du marché intérieur de l’électricité.

45      Le principe du libre accès s’applique, selon l’article 20, paragraphe 1, de la directive 2003/54, aux réseaux de transport et aux réseaux de distribution d’électricité. L’article 2, points 3 et 5, de la même directive donne les définitions des notions de «transport» et de «distribution». Le transport est défini comme étant le transport d’électricité sur le réseau à très haute tension ou à haute tension interconnecté aux fins de fourniture à des clients finals ou à des distributeurs. La distribution est le transport d’électricité sur des réseaux de distribution à haute, à moyenne et à basse tension aux fins de fourniture à des clients. Le transport et la distribution ne comprennent pas la fourniture. La notion de «fourniture» est définie à l’article 2, point 19, de la directive 2003/54 comme étant la vente d’électricité à des clients.

46      Il résulte de ces définitions, d’une part, qu’un réseau de transport est un réseau interconnecté servant à acheminer de l’électricité à très haute et à haute tension, laquelle est destinée à être vendue à des clients finals ou à des distributeurs, et, d’autre part, qu’un réseau de distribution est un réseau servant à acheminer de l’électricité à haute, à moyenne ou à basse tension, laquelle est destinée à être vendue à des clients grossistes ou à des clients finals.

47      Selon certaines des observations soumises à la Cour, le réseau en cause au principal ne serait ni un réseau de transport ni un réseau de distribution et n’entrerait donc pas dans le champ d’application de la directive 2003/54. En effet, d’une part, il constituerait un réseau interne privé et n’affecterait pas la concurrence en raison de sa faible consommation et, d’autre part, l’exploitation de ce réseau ne serait qu’une activité accessoire à l’activité principale d’exploitation de l’aéroport.

48      En ce qui concerne, en premier lieu, la nature des réseaux de transport et de distribution au sens de la directive 2003/54 et la quantité d’électricité transportée sur lesdits réseaux, il convient de relever que seule la tension de cette électricité constitue le critère de distinction entre le transport et la distribution.

49      En effet, au sens de l’article 2, points 3 et 5, de cette directive, un réseau de transport concerne de l’électricité à très haute tension et à haute tension et un réseau de distribution assure le transport de l’électricité à haute, à moyenne ou à basse tension. La directive 2003/54 ne se réfère à la consommation d’électricité que pour définir les notions de «petit réseau isolé» et de «micro réseau isolé», lesquels justifient l’octroi de dérogations à certaines obligations prévues par cette directive. Le législateur communautaire n’a donc pas entendu exclure certains réseaux de transport ou de distribution du champ d’application de la directive 2003/54 en raison de leur taille ou de leur consommation d’électricité.

50      Il y a lieu de remarquer que l’article 110, paragraphe 1, point 1, de l’EnWG ne définit pas les réseaux qui entrent dans son champ d’application en fonction de leur consommation d’électricité. En effet, cette disposition vise des réseaux «installés dans une zone d’exploitation permettant, sur le plan spatial, une unité fonctionnelle et qui sont principalement affectés au transport d’énergie à l’intérieur de l’entreprise ou vers des entreprises liées».

51      En ce qui concerne, en second lieu, la gestion et la finalité des réseaux de transport et de distribution, la directive 2003/54 précise, pour les deux types de réseaux, que l’électricité est transportée aux fins de fourniture, sans comprendre la fourniture elle-même, et que le gestionnaire est responsable de l’exploitation, de l’entretien et du développement du réseau dans une zone donnée, afin de garantir la capacité à long terme du réseau.

52      Par ailleurs, l’article 13 de la directive 2003/54 exige que les propriétaires ou les responsables de réseaux de distribution désignent des gestionnaires pour ces réseaux. Il ne ressort ni de cette disposition ni d’aucune autre disposition de la même directive que seules les entreprises exerçant l’activité de gestionnaire de réseau de distribution à titre principal sont tenues à l’obligation de laisser le libre accès aux réseaux.

53      Il convient de remarquer, sur ce point, que l’article 110, paragraphe 1, point 1, de l’EnWG n’apporte aucune précision quant au caractère principal ou accessoire, pour le gestionnaire, de l’activité de gestion du réseau d’approvisionnement énergétique pour définir les réseaux qui relèvent de son champ d’application.

54      Il ressort de la décision de renvoi et des observations soumises à la Cour que le réseau en cause au principal approvisionne en électricité FLH elle-même et 93 autres entreprises, toutes situées sur le site de l’aéroport de Leipzig/Halle. La consommation de ce réseau a été de 22 200 MWh pour l’année 2004, dont 3 800 MWh ont été consommés par des entreprises autres que FLH. Selon la décision de renvoi, il était prévu que la part de la consommation de ces entreprises passerait à 8 000 MWh pour l’année 2007. Il en résulte que FLH n’exploite pas un réseau de transport, car l’électricité transportée n’est pas à très haute ou à haute tension, mais exploite un réseau qui transporte de l’électricité aux fins de fourniture à des clients et qui s’analyse en un réseau de distribution d’électricité au sens de l’article 2, point 5, de la directive 2003/54.

55      L’article 20, paragraphe 1, de cette directive laisse aux États membres le soin de prendre les mesures nécessaires afin que soit mis en place un système d’accès des tiers aux réseaux de transport ou de distribution. Il en résulte que, conformément à l’article 249 CE, les États membres sont compétents quant à la forme et aux moyens à mettre en œuvre pour parvenir à cette mise en place. Compte tenu de l’importance du principe du libre accès aux réseaux de transport ou de distribution, cette marge de manœuvre ne les autorise cependant pas à écarter ledit principe hormis les cas dans lesquels la directive 2003/54 prévoit des exceptions ou des dérogations.

56      Ce n’est donc que dans l’hypothèse où une disposition telle que l’article 110, paragraphe 1, point 1, de l’EnWG entrerait dans le champ d’application de ces exceptions ou dérogations qu’elle serait compatible avec la directive 2003/54.

57      En premier lieu, l’article 20, paragraphe 2, de la directive 2003/54 prévoit qu’un gestionnaire de réseau de distribution peut refuser l’accès à son réseau s’il ne dispose pas de la capacité nécessaire, sous réserve qu’il motive et justifie ce refus. Cette possibilité de refuser l’accès au réseau s’apprécie cependant au cas par cas et n’autorise pas les États membres à prévoir ces dérogations de manière générale sans appréciation concrète, pour chaque gestionnaire, de l’incapacité technique du réseau à satisfaire à la demande d’accès émanant de tiers.

58      En deuxième lieu, l’article 3, paragraphe 8, de la directive 2003/54 permet aux États membres de ne pas appliquer les dispositions de l’article 20 de cette dernière si cette application risque d’entraver l’accomplissement des obligations imposées aux entreprises d’électricité dans l’intérêt économique général et pour autant que le développement des échanges n’en soit pas affecté dans une mesure qui serait contraire à l’intérêt de la Communauté.

59      Il convient de préciser que l’article 3, paragraphes 2 et 3, de la directive 2003/54 vise, en effet, les obligations de service public que les États membres peuvent imposer aux entreprises d’électricité dans l’intérêt économique général. Il ressort du vingt-sixième considérant de cette directive que les exigences relatives au service public s’interprètent au niveau national.

60      Il résulte de l’article 3, paragraphe 8, de la directive 2003/54 que les États membres peuvent décider de restreindre le droit d’accès des tiers aux réseaux de transport et de distribution afin de garantir la fourniture d’un service public d’électricité. Cependant, pour ce faire, les États membres doivent, d’une part, vérifier si le droit d’accès illimité aux réseaux risque d’entraver l’accomplissement, par les gestionnaires de réseaux, de leurs obligations de service public et, d’autre part, rechercher si cet accomplissement ne peut pas être réalisé par d’autres moyens qui ne porteraient pas atteinte au droit d’accès aux réseaux, lequel constitue l’un des droits consacrés par la directive 2003/54.

61      Il convient de remarquer que la dérogation au principe du libre accès aux réseaux d’approvisionnement énergétique contenue à l’article 110, paragraphe 1, point 1, de l’EnWG n’est pas justifiée par le risque que les gestionnaires des réseaux relevant du champ d’application de cette disposition se verraient empêchés d’accomplir leurs obligations de service public du fait de ce libre accès. En effet, cette dérogation n’est justifiée que par la configuration géographique ou juridique de la zone dans laquelle lesdits réseaux sont exploités. Il n’est pas non plus allégué par le gouvernement allemand que la République fédérale d’Allemagne a adopté l’article 110, paragraphe 1, point 1, de l’EnWG pour mettre en œuvre l’article 3, paragraphe 8, de la directive 2003/54.

62      En troisième lieu, l’article 26, paragraphe 1, de ladite directive prévoit que les États membres qui peuvent prouver que des problèmes importants se posent pour l’exploitation de petits réseaux isolés peuvent demander des dérogations à certaines dispositions de la directive 2003/54, notamment à l’article 20 de celle-ci.

63      Toutefois, ces dérogations nécessitent l’accord de la Commission, lequel prend la forme d’une décision publiée au Journal officiel de l’Union européenne. De telles dérogations ont été accordées à la République de Chypre par décision du 25 septembre 2006 (JO L 270, p. 72) et à la République de Malte par décision du 28 novembre 2006 (JO L 332, p. 32). Force est de constater que la République fédérale d’Allemagne n’a sollicité ni obtenu de la Commission aucune décision de dérogation au titre de l’article 26, paragraphe 1, de la directive 2003/54.

64      Il s’ensuit qu’une disposition telle que l’article 110, paragraphe 1, point 1, de l’EnWG n’entre dans le champ d’application d’aucune des exceptions ou dérogations au principe du libre accès aux réseaux de transport ou de distribution d’électricité prévues par la directive 2003/54.

65      Il résulte de l’ensemble de ces considérations que l’article 20, paragraphe 1, de la directive 2003/54 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une disposition telle que l’article 110, paragraphe 1, point 1, de l’EnWG qui dispense certains gestionnaires de réseaux d’approvisionnement énergétique de l’obligation de laisser aux tiers le libre accès à ces réseaux, au motif que ces derniers sont installés dans une zone d’exploitation présentant une unité fonctionnelle et qu’ils sont principalement affectés au transport d’énergie à l’intérieur de l’entreprise et vers des entreprises liées.

 Sur les dépens

66      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit:

L’article 20, paragraphe 1, de la directive 2003/54/CE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2003, concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité et abrogeant la directive 96/92/CE, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une disposition telle que l’article 110, paragraphe 1, point 1, de la loi relative à l’approvisionnement en électricité et en gaz, dite «loi sur la gestion rationnelle de l’énergie» [Gesetz über die Elektrizitäts- und Gasversorgung (Energiewirtschaftsgesetz)], du 7 juillet 2005, qui dispense certains gestionnaires de réseaux d’approvisionnement énergétique de l’obligation de laisser aux tiers le libre accès à ces réseaux, au motif que ces derniers sont installés dans une zone d’exploitation présentant une unité fonctionnelle et qu’ils sont principalement affectés au transport d’énergie à l’intérieur de l’entreprise et vers des entreprises liées.

Signatures


* Langue de procédure: l’allemand.

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