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Document 62007CO0456

Ordonnance de la Cour (septième chambre) du 21 mai 2008.
Karol Mihal contre Daňový úrad Košice V.
Demande de décision préjudicielle: Najvyšší súd Slovenskej republiky - Slovaquie.
Article 104, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement de procédure - Sixième directive TVA - Assujettis - Article 4, paragraphe 5, premier alinéa - Organismes de droit public - Huissiers de justice - Personnes physiques et morales.
Affaire C-456/07.

Recueil de jurisprudence 2008 I-00079*

Identifiant ECLI: ECLI:EU:C:2008:293

ORDONNANCE DE LA COUR (septième chambre)

21 mai 2008 (*)

«Article 104, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement de procédure – Sixième directive TVA – Assujettis – Article 4, paragraphe 5, premier alinéa – Organismes de droit public – Huissiers de justice – Personnes physiques et morales»

Dans l’affaire C‑456/07,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Najvyšší súd Slovenskej republiky (Slovaquie), par décision du 24 mai 2007, parvenue à la Cour le 9 octobre 2007, dans la procédure

Karol Mihal

contre

Daňový úrad Košice V,

LA COUR (septième chambre),

composée de M. U. Lõhmus, président de chambre, MM. J. Klučka et A. Arabadjiev (rapporteur), juges,

avocat général: M. D. Ruiz-Jarabo Colomer,

greffier: M. R. Grass,

la Cour se proposant de statuer par voie d’ordonnance motivée conformément à l’article 104, paragraphe 3, premier alinéa, de son règlement de procédure,

l’avocat général entendu,

rend la présente

Ordonnance

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 4, paragraphe 5, premier alinéa, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1, ci-après la «sixième directive»).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Mihal, huissier de justice, au Daňový úrad Košice V (administration fiscale de Košice) à propos du refus opposé par ce dernier à sa demande visant à obtenir l’annulation de son inscription en tant qu’assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA»).

 Le cadre juridique

 La réglementation communautaire

3        L’article 4, paragraphe 5, premier alinéa, de la sixième directive dispose:

«Les États, les régions, les départements, les communes et les autres organismes de droit public ne sont pas considérés comme des assujettis pour les activités ou opérations qu’ils accomplissent en tant qu’autorités publiques, même lorsque, à l’occasion de ces activités ou opérations, ils perçoivent des droits, redevances, cotisations ou rétributions.»

 La réglementation nationale

4        À compter du 1er mai 2004, date de l’adhésion de la République slovaque à l’Union européenne, est entrée en vigueur la loi n° 222/2004, du 6 avril 2004, relative à la taxe sur la valeur ajoutée (Zbierka zákonov Slovenskej republiky 2004, volume 97, p. 2318). L’article 3, paragraphe 4, de cette loi prévoit que l’État et ses organes budgétaires, les fonds de l’État, les collectivités territoriales et leurs organes budgétaires ainsi que les autres personnes morales qui sont des autorités publiques ne sont pas considérés comme des assujettis à la TVA quand ils agissent dans le cadre de leur activité principale, et ce même s’ils perçoivent une rétribution en rapport avec cette activité, sauf si l’exercice de cette dernière fausse considérablement, ou peut fausser considérablement, la concurrence.

5        La loi n° 233/1995, du 14 septembre 1995, relative aux huissiers de justice et à l’exécution (Zbierka zákonov Slovenskej republiky 1995, volume 80, p. 1849, ci-après le «code d’exécution»), définit l’huissier de justice comme la personne désignée et mandatée par l’État pour procéder à l’exécution forcée des décisions de justice et des autres décisions. Il exerce cette activité d’exécution de façon impartiale et indépendante.

6        L’article 4 du code d’exécution énonce que l’activité d’huissier de justice est incompatible avec une relation de travail ou une relation similaire, avec une activité d’entrepreneur, avec la qualité de membre d’un organe statutaire d’une société commerciale ou d’une association, de membre d’un organe de contrôle d’une société commerciale ou d’une association, ou avec l’exercice d’une autre activité professionnelle, à l’exception des activités scientifiques, pédagogiques, littéraires, artistiques et journalistiques.

7        L’article 5 du code d’exécution dispose que, «dans le cadre de l’exercice d’une activité d’exécution, l’huissier a la qualité d’agent public» et que «l’exercice d’une activité d’exécution est l’exercice de la puissance publique».

8        L’article 6, paragraphes 1 et 2, du code d’exécution prévoit:

«1.      L’huissier dirige l’activité de l’étude, qui assume en son nom les tâches de nature professionnelle, organisationnelle et technique requises pour mener à bien l’activité d’exécution.

2.      L’huissier peut employer du personnel salarié […]»

9        En vertu de l’article 8, paragraphe 1, du code d’exécution, le ministère de la Justice slovaque exerce le contrôle étatique sur l’activité de la chambre des huissiers de justice et sur l’activité de ces derniers.

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

10      M. Mihal exerce, en Slovaquie, la profession d’huissier de justice. Le 7 juillet 2004, il a demandé au Daňový úrad Košice V de prononcer l’annulation de son inscription en tant qu’assujetti à la TVA à compter du 1er mai 2004. Cette demande a été rejetée par décision du 20 juillet 2004, au motif que l’intéressé était un assujetti au sens de la loi n° 222/2004.

11      Le 6 octobre 2004, M. Mihal a saisi le Krajský súd Košice (cour régionale de Košice) d’un recours tendant à l’annulation de ladite décision, lequel a été rejeté le 9 mars 2005. Il s’est alors pourvu devant le Najvyšší súd Slovenskej republiky (Cour suprême de la République slovaque), en invoquant l’effet direct de la sixième directive et, en particulier, de l’article 4, paragraphe 5, de celle-ci.

12      C’est dans ces conditions que le Najvyšší súd Slovenskej republiky a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      Peut-on interpréter l’article 4, paragraphe 5, premier alinéa, de la sixième directive […] en ce sens qu’il ne vise que les organismes de droit public – personnes morales – et ne vise pas les organismes de droit public – personnes physiques –, c’est-à-dire en ce sens que sont considérés comme des assujettis pour les activités ou opérations qu’ils accomplissent en tant qu’autorités publiques non pas les organismes de droit public – personnes morales –, mais bien les organismes de droit public – personnes physiques?

2)      Dans la mesure où une disposition de droit interne limite le cercle de personnes qui ne sont pas considérées comme des assujettis (non soumis à la [TVA]) au regard de l’article 4, paragraphe 5, premier alinéa, de la sixième directive, peut-on considérer la disposition de l’article 4, paragraphe 5, premier alinéa, de la sixième directive comme étant directement applicable?

3)      Peut-on considérer les activités d’une personne physique telles que celles d’un huissier de justice en l’espèce, qui exerce la puissance publique et est qualifié par l’ordre juridique interne d’agent public, comme des activités d’un organisme de droit public, c’est-à-dire ne pas le considérer comme un assujetti pour les activités ou opérations qu’il accomplit en tant qu’autorité publique au sens de l’article 4, paragraphe 5, premier alinéa, de la sixième directive?»

13      Dans sa décision de renvoi, le Najvyšší súd Slovenskej republiky avait également demandé à la Cour de statuer selon la procédure accélérée, en application de l’article 104 bis, premier alinéa, du règlement de procédure. Par ordonnance du 8 novembre 2007, le président de la Cour a rejeté cette demande.

 Sur les questions préjudicielles

14      En vertu de l’article 104, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement de procédure, lorsque la réponse à une question posée à titre préjudiciel peut être clairement déduite de la jurisprudence de la Cour, celle-ci peut, après avoir entendu l’avocat général, statuer par voie d’ordonnance motivée.

15      Il convient de répondre aux première et troisième questions en premier lieu.

16      Ainsi qu’il résulte d’une jurisprudence constante, l’analyse de l’article 4, paragraphe 5, de la sixième directive, à la lumière des objectifs de cette dernière, met en évidence le fait que deux conditions doivent être remplies cumulativement pour que la règle du non-assujettissement joue, à savoir l’exercice d’activités par un organisme public et l’exercice d’activités accomplies en tant qu’autorité publique (arrêts du 11 juillet 1985, Commission/Allemagne, 107/84, Rec. p. 2655, points 11 à 15; du 26 mars 1987, Commission/Pays-Bas, 235/85, Rec. p. 1471, point 21; du 25 juillet 1991, Ayuntamiento de Sevilla, C‑202/90, Rec. p. I‑4247, point 18, et du 13 décembre 2007, Götz, C‑408/06, non encore publié au Recueil, point 41).

17      En ce qui concerne la première de ces deux conditions, à savoir la qualité d’organisme public, la Cour a déjà précisé qu’une activité exercée par un particulier n’est pas exonérée de la TVA du seul fait qu’elle consiste dans l’accomplissement d’actes relevant de prérogatives de l’autorité publique (arrêts précités Commission/Pays-Bas, point 21, et Ayuntamiento de Sevilla, point 19).

18      Ainsi, lorsqu’une personne physique accomplit de tels actes de façon indépendante, en n’étant pas intégrée dans l’organisation de l’administration publique, sous la forme d’une activité économique exercée dans le cadre d’une profession libérale, elle ne peut être qualifiée d’organisme de droit public et, partant, bénéficier de l’exonération prévue à l’article 4, paragraphe 5, de la sixième directive (voir, en ce sens, arrêts précités Commission/Pays-Bas, point 22, et Ayuntamiento de Sevilla, point 20).

19      Lors de l’examen de la législation du Royaume des Pays-Bas, la Cour a relevé que, lorsque les huissiers de justice ne se trouvent sous aucun lien de subordination hiérarchique à l’égard de l’autorité publique, n’étant pas intégrés dans l’administration publique, exercent leurs activités en leur nom propre et sous leur propre responsabilité, organisent, dans certaines limites imposées par la loi, librement les modalités d’exécution de leur travail et perçoivent eux-mêmes les émoluments constituant leur revenu, ils doivent être regardés comme exerçant leur activité de façon indépendante (voir, en ce sens, arrêt Commission/Pays-Bas, précité, point 14).

20      Le fait que les huissiers de justice sont soumis à un contrôle disciplinaire sous la surveillance de l’autorité publique, situation qui peut se retrouver dans d’autres professions réglementées, de même que le fait que leurs rémunérations sont déterminées par la loi ne suffisent pas à remettre en cause ce constat (arrêt Commission/Pays-Bas, précité, point 14).

21      Or, dans l’affaire au principal, il résulte des éléments fournis par la juridiction de renvoi et, notamment, du code d’exécution qu’une législation telle que celle en cause au principal présente des caractéristiques très semblables à celles mentionnées aux deux points précédents. Ainsi, les huissiers de justice, comme il ressort de l’article 4 du même code, exercent une activité incompatible avec une relation de travail ou une relation similaire, avec une activité d’entrepreneur, avec la qualité de membre d’un organe statutaire d’une société commerciale ou d’une association, de membre d’un organe de contrôle d’une société commerciale ou d’une association et, selon l’article 6, paragraphe 1, dudit code, assument en leur nom les tâches de nature professionnelle, organisationnelle et technique requises pour mener à bien l’activité d’exécution. En outre, comme le souligne à bon droit le gouvernement slovaque dans ses observations écrites, les honoraires des huissiers de justice, qui font partie des frais de l’exécution, constituent les revenus propres de ces derniers. Dès lors, dans une telle législation, il y a lieu de considérer que les huissiers de justice exercent leur activité en leur nom propre, sous leur propre responsabilité, c’est-à-dire de façon indépendante.

22      Partant, indépendamment du fait que, pour définir l’engagement de la responsabilité des huissiers de justice, l’article 5 du code d’exécution les qualifie d’agents publics, ces derniers, dans une législation telle que celle en cause au principal, exercent leur activité non pas sous la forme d’un organisme de droit public, n’étant pas intégrés dans l’organisation de l’administration publique, mais sous la forme d’une activité économique indépendante, accomplie dans le cadre d’une profession libérale. En conséquence, à supposer même que, pour l’exercice de leurs fonctions, ils soient investis de prérogatives de puissance publique, ils ne sauraient bénéficier de l’exonération prévue à l’article 4, paragraphe 5, premier alinéa, de la sixième directive.

23      Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de répondre aux première et troisième questions qu’une activité exercée par un particulier, telle que celle d’huissier de justice, n’est pas exonérée de la TVA du seul fait qu’elle consiste dans l’accomplissement d’actes relevant de prérogatives de l’autorité publique. À supposer même que, dans l’exercice de ses fonctions, il effectue de tels actes, l’huissier de justice, aux termes d’une législation telle que celle en cause au principal, exerce son activité non pas sous la forme d’un organisme de droit public, n’étant pas intégré dans l’organisation de l’administration publique, mais sous la forme d’une activité économique indépendante, accomplie dans le cadre d’une profession libérale, et, partant, il ne peut bénéficier de l’exonération prévue à l’article 4, paragraphe 5, premier alinéa, de la sixième directive.

24      Au vu de la réponse apportée aux première et troisième questions, il n’y a pas lieu de répondre à la deuxième question posée par la juridiction de renvoi.

 Sur les dépens

25      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (septième chambre) dit pour droit:

Une activité exercée par un particulier, telle que celle d’huissier de justice, n’est pas exonérée de la taxe sur la valeur ajoutée du seul fait qu’elle consiste dans l’accomplissement d’actes relevant de prérogatives de l’autorité publique. À supposer même que, dans l’exercice de ses fonctions, il effectue de tels actes, l’huissier de justice, aux termes d’une législation telle que celle en cause au principal, exerce son activité non pas sous la forme d’un organisme de droit public, n’étant pas intégré dans l’organisation de l’administration publique, mais sous la forme d’une activité économique indépendante, accomplie dans le cadre d’une profession libérale, et, partant, il ne peut bénéficier de l’exonération prévue à l’article 4, paragraphe 5, premier alinéa, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme.

Signatures


* Langue de procédure: le slovaque.

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