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Document 62007CJ0108

Arrêt de la Cour (première chambre) du 17 avril 2008.
Ferrero Deutschland GmbH contre Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI).
Pourvoi - Marque communautaire - Règlement (CE) nº 40/94 - Article 8, paragraphe 1, sous b) - Risque de confusion - Demande de marque verbale communautaire FERRO - Opposition du titulaire de la marque verbale nationale antérieure FERRERO - Preuve du caractère distinctif élevé de la marque antérieure.
Affaire C-108/07 P.

Recueil de jurisprudence 2008 I-00061*

Identifiant ECLI: ECLI:EU:C:2008:234

ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

17 avril 2008 (*)

«Pourvoi – Marque communautaire – Règlement (CE) n° 40/94 – Article 8, paragraphe 1, sous b) – Risque de confusion – Demande de marque verbale communautaire FERRO – Opposition du titulaire de la marque verbale nationale antérieure FERRERO – Preuve du caractère distinctif élevé de la marque antérieure»

Dans l’affaire C‑108/07 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice, introduit le 23 février 2007,

Ferrero Deutschland GmbH, établie à Francfort-sur-le-Main (Allemagne), représentée par Me M. Schaeffer, Rechtsanwalt,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant:

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. A. Rassat, en qualité d’agent,

partie défenderesse en première instance,

Cornu SA Fontain, établie à Fontain (France), représentée par Me D. Waelbroeck, avocat,

partie intervenante en première instance,

LA COUR (première chambre),

composée de M. P. Jann, président de chambre, MM. A. Tizzano, A. Borg Barthet, M. Ilešič (rapporteur) et E. Levits, juges,

avocat général: M. D. Ruiz-Jarabo Colomer,

greffier: M. R. Grass,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        Par son pourvoi, Ferrero Deutschland GmbH (ci-après «Ferrero Deutschland») demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 15 décembre 2006, Ferrero Deutschland/OHMI – Cornu (FERRO) (T‑310/04, ci-après l’«arrêt attaqué»), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision de la quatrième chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) du 17 mars 2004 (affaire R 540/2002-4), rejetant l’opposition de Ferrero OHG mbH à l’enregistrement de la marque verbale FERRO demandé par Cornu SA Fontain (ci-après la «décision litigieuse»).

 Le cadre juridique

2        L’article 8 du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), intitulé «Motifs relatifs de refus», dispose, à ses paragraphes 1, sous b), et 2, sous a), ii):

«1.      Sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement:

[...]

b)      lorsqu’en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire dans lequel la marque antérieure est protégée; le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

2.      Aux fins du paragraphe 1, on entend par ‘marques antérieures’:

a)      les marques dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demande de marque communautaire, compte tenu, le cas échéant, du droit de priorité invoqué à l’appui de ces marques, et qui appartiennent aux catégories suivantes:

[...]

ii)      les marques enregistrées dans un État membre [...]»

 Les antécédents du litige

3        Le 3 mai 1999, Cornu SA Fontain (ci-après «Cornu») a présenté à l’OHMI, en vertu du règlement n° 40/94, une demande d’enregistrement en tant que marque communautaire de la marque verbale FERRO.

4        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé, compte tenu des modifications effectuées par Cornu à cet égard, sont les «biscuits salés» et relèvent de la classe 30 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié (ci-après l’«arrangement de Nice»).

5        Le 3 mars 2000, Ferrero OHG mbH (ci-après «Ferrero OHG») a formé une opposition, au titre de l’article 42, paragraphe 1, du règlement nº 40/94, à l’enregistrement de la marque demandée FERRO. Cette opposition était fondée sur la marque verbale nationale antérieure FERRERO, enregistrée en Allemagne le 6 avril 1977 pour divers produits relevant des classes 5, 29, 30, 32 et 33 au sens de l’arrangement de Nice.

6        Le motif invoqué à l’appui de ladite opposition était celui visé à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 40/94.

7        Invitée par l’OHMI à déposer, au plus tard le 26 janvier 2001, les faits, preuves ou arguments supplémentaires à l’appui de son opposition, Ferrero OHG a produit, le 24 janvier 2001, les documents suivants afin de démontrer le caractère distinctif élevé de la marque antérieure FERRERO:

–        une déclaration sur l’honneur du chef du département «Études de marché» de l’entreprise Ferrero OHG, déclarant que le produit œuf Kinder surprise Ferrero était classé en position nº 1 des 100 produits de confiserie les plus vendus sur le marché allemand de l’épicerie pour les années 1997 à 1999;

–        une étude de marché émanant de la société AC Nielsen qui publiait la liste des 100 produits de confiserie les plus vendus sur le marché allemand de l’épicerie pour les années 1997 à 1999, les chiffres de vente n’étant pas divulgués.

8        Invitée par l’OHMI à déposer, au plus tard le 11 juillet 2001, les éléments de preuve de l’usage de ladite marque antérieure, Ferrero OHG a transmis par télécopie, le 11 juillet 2001, les éléments de preuve suivants:

–        un sondage réalisé au cours du mois de mars 2001 portant sur la notoriété de la marque FERRERO;

–        deux déclarations sur l’honneur établies par les responsables de vente des produits Raffaello, Giotto et Mon Chéri certifiant que cette marque a été utilisée en Allemagne pour la commercialisation de ces produits et précisant le chiffre d’affaires moyen annuel réalisé grâce aux ventes des produits Raffaello et Giotto pour la période allant du mois de septembre 1996 au mois d’août 1999;

–        plusieurs copies des emballages utilisés dans la commercialisation des produits susmentionnés.

9        Par décision du 30 avril 2002, la division d’opposition de l’OHMI a estimé que l’usage sérieux de la marque antérieure FERRERO ne pouvait être établi que pour les «produits de confiserie enrobés de coco fourrés coco, avec amande entière» (produits Raffaello), les «gaufrettes à la noisette fourrées noisette» (produits Giotto) et les «pralines à la liqueur et à la cerise» (produits Mon Chéri), relevant de la classe 30 au sens de l’arrangement de Nice. Elle a rejeté l’opposition formée par Ferrero OHG, au motif que les similitudes entre les signes en conflit n’étaient pas suffisantes pour conclure à l’existence d’un risque de confusion entre les marques en cause, compte tenu du faible degré de similitude existant entre les produits désignés par ces marques et de l’absence de preuves suffisantes du caractère distinctif élevé de la marque antérieure FERRERO.

10      Le recours introduit par Ferrero OHG à l’encontre de cette décision a été rejeté par la décision litigieuse.

11      En substance, la quatrième chambre de recours de l’OHMI a confirmé l’analyse selon laquelle les différences entre les marques en conflit étaient suffisantes pour écarter un risque de confusion, compte tenu du faible degré de similitude existant entre les produits désignés par ces marques. Par ailleurs, elle a considéré que le prétendu caractère distinctif élevé de la marque antérieure FERRERO n’était pas étayé par des preuves suffisantes, même en tenant compte de celles produites en juillet 2001 et qui n’avaient pas été prises en considération par la division d’opposition de l’OHMI.

 La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

12      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 26 juillet 2004, Ferrero OHG a introduit un recours aux fins de l’annulation de la décision litigieuse, au motif qu’elle violait l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.

13      Par ordonnance du 19 septembre 2006, le Tribunal a admis que Ferrero Deutschland se substitue à Ferrero OHG dans le cadre de la procédure.

14      Aux points 36 à 39 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a écarté comme irrecevables diverses pièces, annexées à la requête, visant à établir la similitude qui existerait entre les produits désignés par les marques en conflit, au motif que ces pièces n’avaient été présentées ni devant la division d’opposition ni devant la quatrième chambre de recours de l’OHMI.

15      Après avoir constaté, au point 64 de l’arrêt attaqué, que le public pertinent était constitué en l’espèce du consommateur moyen allemand, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, le Tribunal a procédé à la comparaison des marques en conflit et des produits désignés.

16      Il a considéré, aux points 65 à 75 de l’arrêt attaqué, que la quatrième chambre de recours de l’OHMI avait conclu à juste titre que les marques en conflit n’étaient pas extrêmement similaires, compte tenu du fait que, d’un point de vue visuel et phonétique, elles comportaient des éléments à la fois similaires et non similaires et que, sur le plan conceptuel, il n’était pas possible d’effectuer une comparaison entre elles.

17      Aux points 76 à 86 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé que la quatrième chambre de recours de l’OHMI avait conclu à bon droit qu’il existait un faible degré de similitude entre les biscuits salés, pour lesquels la marque FERRO est demandée, et les produits sucrés pour lesquels la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure FERRERO avait été rapportée.

18      Aux points 87 à 106 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté que la preuve était rapportée que la marque antérieure FERRERO jouissait d’un certain caractère distinctif auprès d’une partie du public pertinent au jour du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque FERRO.

19      Enfin, aux points 107 à 111 du même arrêt, le Tribunal a considéré que, étant donné le faible degré de similitude entre les produits désignés par les marques en conflit, ainsi que la présence de différences comme de similitudes entre ces dernières, le caractère distinctif dont jouissait la marque antérieure FERRERO ne permettait pas de conclure à l’existence d’un risque de confusion.

20      Dès lors, le Tribunal a rejeté le recours.

 Sur le pourvoi

21      Par son pourvoi, au soutien duquel elle invoque un unique moyen, divisé en cinq branches, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, Ferrero Deutschland demande à la Cour d’annuler l’arrêt attaqué et de condamner l’OHMI et Cornu aux dépens.

22      L’OHMI demande à la Cour de déclarer le pourvoi irrecevable et de condamner Ferrero Deutschland aux dépens.

23      Cornu demande à la Cour de rejeter le pourvoi et de condamner Ferrero Deutschland aux dépens.

 Argumentation des parties

24      Par la quatrième branche de son moyen unique, qu’il convient d’examiner en premier lieu, Ferrero Deutschland fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant que la marque FERRERO ne présentait pas un caractère distinctif élevé.

25      D’une part, le Tribunal aurait jugé à tort que cette marque avait un caractère distinctif intrinsèque faible, alors que, eu égard au caractère insolite du syntagme «Ferrero», il aurait dû conclure à tout le moins à un caractère distinctif moyen.

26      D’autre part, s’agissant de l’appréciation de la notoriété acquise par ladite marque du fait de son usage, le Tribunal aurait également commis une erreur de droit en examinant séparément les preuves produites par Ferrero Deutschland, sans procéder à une vue d’ensemble de ces preuves, ainsi que l’y obligerait la jurisprudence de la Cour. Selon Ferrero Deutschland, une telle appréciation globale aurait conduit le Tribunal à constater le caractère distinctif élevé de la marque FERRERO. En particulier, dès lors qu’était produit un sondage attestant d’un degré de notoriété de cette marque de 82,9 % dans la population totale et de 85,2 % chez les acheteurs et les consommateurs de sucreries, le Tribunal aurait dû utiliser les autres pièces produites par Ferrero Deutschland à titre seulement complémentaire et les soumettre à un examen bienveillant.

27      Ferrero Deutschland ajoute que le Tribunal a méconnu la portée de certaines des preuves produites. S’agissant, d’une part, de la liste des 100 confiseries les plus vendues sur le marché allemand de l’épicerie, la première place occupée dans cette liste par les produits de Ferrero Deutschland suffirait à attester l’importance des ventes de ces produits. De plus, contrairement à ce qu’a jugé le Tribunal, il aurait été précisé que l’étude ayant abouti à l’établissement de cette liste se référait aux années 1997 à 1999. Enfin, cette liste étant le résultat d’une enquête de débouchés effectuée sur la base de données objectives, et non au moyen de questionnaires, la définition des groupes de personnes recensées aurait été inutile. S’agissant, d’autre part, des déclarations sur l’honneur des responsables de vente des produits Giotto, Raffaello et Mon Chéri, elles établiraient l’importance considérable de l’usage de la marque FERRERO entre 1996 et 1999. Ces pièces, lues conjointement avec les autres preuves produites, démontreraient que des chiffres d’affaires considérables ont été réalisés avec cette marque et que cette dernière avait acquis un haut degré de notoriété auprès du public allemand.

28      L’OHMI répond, d’une part, que le Tribunal a examiné l’ensemble des éléments de preuve et que les constatations qu’il a effectuées aux points 94 à 106 de l’arrêt attaqué constituent des appréciations de nature factuelle qui ne sauraient être remises en cause au stade du pourvoi. Il fait valoir, d’autre part, que le Tribunal a, en tout état de cause, reconnu un caractère distinctif accru à la marque FERRERO.

29      Selon Cornu, le Tribunal ayant à bon droit jugé que chacun des éléments de preuve examiné individuellement n’était pas de nature à démontrer un caractère distinctif élevé de la marque FERRERO, ces mêmes éléments, pris ensemble, ne pouvaient pas davantage rapporter cette preuve.

 Appréciation de la Cour

30      S’agissant de l’argument de l’OHMI selon lequel la quatrième branche du moyen vise à remettre en cause, au stade du pourvoi, des constatations de nature factuelle, il convient de rappeler que, si l’appréciation, par le Tribunal, des éléments de preuve produits devant lui ne constitue pas, sous réserve du cas de leur dénaturation, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi (voir, notamment, arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, Rec. p. I‑4529, point 28 et jurisprudence citée), en revanche, il incombe à la Cour de vérifier si, lors de cette appréciation, le Tribunal a commis une erreur de droit en violant les règles applicables en matière de preuve (arrêt du 8 juillet 1999, Hüls/Commission, C‑199/92 P, Rec. p. I‑4287, point 65).

31      Selon le septième considérant du règlement n° 40/94, l’appréciation du risque de confusion dépend de nombreux facteurs, dont, notamment, la connaissance de la marque antérieure sur le marché, l’association qui peut être faite avec la marque demandée, le degré de similitude entre les marques en conflit et entre les produits ou services désignés.

32      La Cour a notamment souligné que le risque de confusion est d’autant plus élevé que le caractère distinctif de la marque antérieure s’avère important [voir, à propos de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO 1989, L 40, p. 1), arrêts du 11 novembre 1997, SABEL, C‑251/95, Rec. p. I‑6191, point 24, et du 22 juin 2000, Marca Mode, C‑425/98, Rec. p. I‑4861, point 38]. Ainsi, les marques qui ont un caractère distinctif élevé, soit intrinsèquement, soit en raison de la connaissance de celles-ci sur le marché, jouissent d’une protection plus étendue que celles dont le caractère distinctif est moindre (voir, à propos de la directive 89/104, arrêts du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, Rec. p. I‑3819, point 20, et Marca Mode, précité, point 41).

33      Le caractère distinctif de la marque antérieure, et en particulier sa renommée, doit donc être pris en compte pour apprécier s’il existe un risque de confusion (voir en ce sens, à propos de la directive 89/104, arrêts du 29 septembre 1998, Canon, C-39/97, Rec. p. I-5507, point 24, et Marca Mode, précité, point 41).

34      Dans le cadre de son appréciation du caractère distinctif de la marque antérieure FERRERO, le Tribunal a, aux points 91 à 106 de l’arrêt attaqué, examiné les éléments de preuve visés aux points 7 et 8 du présent arrêt.

35      Force est toutefois de constater que le Tribunal a recherché si chacun de ces éléments de preuve suffisait, à lui seul, à démontrer qu’au 3 mai 1999, date du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque FERRO, la marque antérieure FERRERO jouissait d’un caractère distinctif élevé, ainsi que le soutient Ferrero Deutschland, mais n’a pas vérifié si ces éléments de preuve, considérés dans leur ensemble, permettaient d’établir ce caractère distinctif.

36      Or, il ne peut être exclu qu’un faisceau d’éléments de preuve permette d’établir les faits à démontrer – tel le caractère distinctif élevé dont jouirait une marque –, alors même que chacun de ces éléments, pris isolément, serait impuissant à rapporter la preuve de l’exactitude de ces faits.

37      Dès lors, en ne procédant pas à une appréciation globale de l’ensemble des éléments de preuve qui lui étaient soumis par Ferrero Deutschland aux fins de démontrer le caractère distinctif élevé de la marque FERRERO sur le marché allemand, le Tribunal a commis une erreur de droit.

38      L’argument de l’OHMI selon lequel le Tribunal a, en tout état de cause, reconnu à la marque antérieure FERRERO un caractère distinctif accru doit être écarté. En effet, alors que Ferrero Deutschland alléguait que sa marque avait un caractère distinctif élevé, le Tribunal a seulement admis qu’elle jouissait d’«un certain caractère distinctif».

39      Étant donné que, aux points 107 à 111 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a fondé son appréciation du risque de confusion sur l’évaluation du caractère distinctif de la marque antérieure FERRERO effectuée aux points 91 à 106 du même arrêt et entachée d’une erreur de droit, il convient d’annuler l’arrêt attaqué, sans qu’il y ait lieu d’examiner les autres branches du moyen unique.

 Sur le recours de première instance

40      Conformément à l’article 61, premier alinéa, du statut de la Cour de justice, la Cour, en cas d’annulation de la décision du Tribunal, peut statuer elle-même définitivement sur le litige, lorsque celui-ci est en état d’être jugé. Tel est le cas en l’espèce.

41      Au soutien de son recours présenté en première instance, tendant à l’annulation de la décision litigieuse, Ferrero Deutschland invoque un moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94. Elle considère, en substance, que les marques en conflit présentent un degré de similitude supérieur à la moyenne, qu’il existe un degré à tout le moins moyen de similitude entre les produits désignés par ces marques et que la marque antérieure FERRERO jouit d’un fort caractère distinctif. Elle en conclut que, contrairement à l’analyse de la quatrième chambre de recours de l’OHMI, il existe un risque de confusion.

42      Devant le Tribunal, l’OHMI a indiqué que, même s’il s’en remettait à la sagesse du Tribunal, il existait, selon lui, un risque de confusion entre les marques en conflit.

43      Cornu a conclu au rejet du recours introduit contre la décision litigieuse, en contestant notamment le caractère distinctif élevé de la marque FERRERO.

44      Selon une jurisprudence constante, l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du public doit être appréciée globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce (arrêt SABEL, précité, point 22; ordonnance du 28 avril 2004, Matratzen Concord/OHMI, C‑3/03 P, Rec. p. I‑3657, point 28; arrêts du 23 mars 2006, Mülhens/OHMI, C‑206/04 P, Rec. p. I‑2717, point 18, et OHMI/Shaker, précité, point 34).

45      Cette appréciation globale implique une certaine interdépendance entre les facteurs pris en compte. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou services couverts peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement. Par conséquent, il convient d’interpréter la notion de similitude en relation avec le risque de confusion dont l’appréciation, quant à elle, dépend notamment de la connaissance de la marque antérieure sur le marché et du degré de similitude entre les marques en conflit ainsi qu’entre les produits ou services désignés (voir, en ce sens, arrêts Canon, précité, point 17, Llyod Schuhfabrik Meyer, précité, point 19, et du 15 mars 2007, T.I.M.E. ART/Devinlec et OHMI, C‑171/06 P, point 35).

46      Il est constant que, en l’espèce, le public pertinent est le consommateur moyen allemand, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé.

47      La Cour fait sienne l’analyse effectuée par le Tribunal aux points 65 à 75 de l’arrêt attaqué, selon laquelle, dans le cadre d’une appréciation fondée sur l’impression d’ensemble produite par les marques en conflit, la marque antérieure FERRERO et la marque demandée FERRO présentent un certain degré de similitude d’un point de vue visuel et phonétique, aucune comparaison n’étant possible sur le plan conceptuel.

48      En particulier, il ne saurait être soutenu que les marques en conflit ne se distinguent qu’à peine sur les plans phonétique et visuel, car la marque FERRERO est constituée de trois syllabes, tandis que la marque FERRO n’en a que deux.

49      De même, la Cour fait sienne l’analyse effectuée par le Tribunal, aux points 76 à 86 de l’arrêt attaqué, selon laquelle, dans le cadre d’une appréciation fondée sur tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre les produits désignés par les marques en conflit, notamment leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire, il existe un faible degré de similitude entre les produits «biscuits salés», pour lesquels la marque FERRO est demandée, et les «produits de confiserie enrobés de coco fourrés coco, avec amande entière», les «gaufrettes à la noisette fourrées noisette» et les «pralines à la liqueur et à la cerise» pour lesquels la preuve de l’usage de la marque antérieure FERRERO a été rapportée.

50      Il existe en effet une différence de nature entre les produits salés et les produits sucrés, se traduisant notamment par des modes de consommation différents, quand bien même ces produits seraient par ailleurs composés des mêmes ingrédients.

51      À cet égard, Ferrero Deutschland ne rapporte pas la preuve que les produits à grignoter salés et sucrés sont fabriqués et commercialisés dans une mesure pertinente par les mêmes entreprises, que les consommateurs allemands sont habitués à ce que des produits de goût différent, salés et sucrés, soient offerts sous la même marque, ou que ces consommateurs sont habitués à consommer des produits mêlant les saveurs salée et sucrée. Or, de telles affirmations ne constituent pas des faits notoires qu’il ne serait pas nécessaire d’établir. En outre, contrairement à ce qu’a affirmé Ferrero Deutschland dans son pourvoi, Cornu a contesté en première instance que les produits désignés par les marques en conflit soient similaires.

52      S’agissant de l’appréciation du caractère distinctif de la marque antérieure FERRERO, la Cour considère à titre liminaire que, à supposer même que les éléments de preuve transmis par télécopie le 11 juillet 2001 aient été produits tardivement devant la division d’opposition de l’OHMI, la quatrième chambre de recours de l’OHMI, en prenant ces éléments en compte, n’a pas outrepassé le large pouvoir d’appréciation dont elle dispose en vertu de l’article 74, paragraphe 2, du règlement n° 40/94 (voir, à cet égard, arrêt du 13 mars 2007, OHMI/Kaul, C‑29/05 P, Rec. p. I‑2213, points 42 à 44).

53      Ferrero Deutschland a produit un sondage d’opinion, réalisé au cours du mois de mars 2001, attestant un degré de notoriété de la marque FERRERO de plus de 80 % en Allemagne. Dans la mesure où la renommée d’une marque s’acquiert, en général, progressivement, la Cour considère que la connaissance qu’avait le public pertinent de ladite marque sur le marché allemand était sensiblement la même en 1999 et en 2001.

54      Ferrero Deutschland a également produit une étude de marché de laquelle il ressort que, pour les années 1997 à 1999, les produits qu’elle commercialise occupaient treize des quinze premières places dans la liste des 100 produits de confiserie les plus vendus sur le marché allemand de l’épicerie, seules les septième et onzième places étant occupées par les produits de concurrents. Il convient d’ajouter que les produits pour lesquels l’usage de la marque antérieure FERRERO a été établi occupaient, sous divers conditionnements, les cinquième, huitième, trente-neuvième et quarante-huitième places (produits Mon Chéri), la vingt-quatrième place (produits Giotto) ainsi que les trente-huitième et cinquante-huitième places de ce classement (produits Raffaello). Même si elle apparaît lacunaire, faute, notamment, d’indiquer les chiffres de vente, cette étude de marché, appréciée conjointement avec le sondage d’opinion susmentionné, confirme et renforce le constat que la marque FERRERO jouissait déjà d’une grande notoriété en Allemagne en 1999.

55      Ferrero Deutschland a produit, en outre, une déclaration sur l’honneur du responsable de vente des produits Raffaello et Giotto, aux termes de laquelle la vente des produits Raffaello a généré un chiffre d’affaires annuel de plus de 75 millions de DEM entre le mois de septembre 1996 et le mois d’août 1999 et celle des produits Giotto un chiffre d’affaires annuel de plus de 60 millions de DEM au cours de la même période. Cette déclaration, considérée séparément, apparaît également lacunaire, faute notamment de préciser si les chiffres d’affaires mentionnés concernent uniquement le marché allemand. Toutefois, eu égard au caractère très élevé de ces chiffres, à mettre en relation avec la valeur relativement faible des produits vendus, ainsi qu’à la grande notoriété de la marque FERRERO en Allemagne, soulignée au point précédent, de tels chiffres, quand bien même ils concerneraient le marché mondial, fournissent un indice de l’importance du volume des ventes réalisées pour ces produits en Allemagne. Cet élément de preuve, apprécié conjointement avec les autres éléments déjà examinés, contribue à démontrer l’implantation de la marque antérieure FERRERO en Allemagne.

56      Enfin, la déclaration sur l’honneur susmentionnée ainsi que celle du responsable de vente des produits Mon Chéri indiquent que la marque FERRERO a été utilisée en Allemagne pour la commercialisation des produits Giotto, Raffaello et Mon Chéri, ce que confirment les copies d’emballages également produites.

57      Il s’ensuit que les éléments de preuve communiqués par Ferrero Deutschland établissent à suffisance de droit la renommée et, partant, le caractère distinctif élevé de la marque FERRERO en Allemagne en 1999.

58      S’agissant, enfin, de l’appréciation globale du risque de confusion, la Cour considère que la faible similitude des produits désignés est compensée par la similitude des marques en conflit et par le caractère distinctif élevé dont jouit la marque FERRERO auprès du consommateur moyen allemand, de sorte qu’il existe un risque que le public pertinent puisse croire que les produits Giotto, Raffaello et Mon Chéri, commercialisés sous la marque antérieure FERRERO, et les biscuits salés, commercialisés sous la marque demandée FERRO, proviennent de la même entreprise ou d’entreprises économiquement liées.

59      Dès lors, en considérant, dans la décision litigieuse, qu’il n’existait pas de risque de confusion entre les marques en conflit, la quatrième chambre de recours de l’OHMI a violé l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.

60      Il y a donc lieu d’annuler la décision litigieuse.

 Sur les dépens

61      Selon l’article 122, premier alinéa, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi est fondé et que la Cour juge elle-même définitivement le litige, elle statue sur les dépens. Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 118 du même règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

62      S’agissant de la procédure de pourvoi, l’OHMI et Cornu ayant tous deux succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens relatifs au pourvoi, conformément aux conclusions de Ferrero Deutschland.

63      S’agissant de la procédure de première instance, Ferrero Deutschland n’ayant pas conclu à la condamnation de l’OHMI aux dépens, chacun supportera ses propres dépens, à l’exclusion de ceux ayant trait à l’intervention de Cornu. Par ailleurs, Cornu ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux ayant trait à son intervention qui ont été exposés par Ferrero Deutschland et par l’OHMI, conformément à leurs conclusions.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) déclare et arrête:

1)      L’arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 15 décembre 2006, Ferrero Deutschland/OHMI – Cornu (FERRO) (T‑310/04), est annulé.

2)      La décision de la quatrième chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) du 17 mars 2004 (affaire R 540/2002-4) est annulée.

3)      L’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) et Cornu SA Fontain sont condamnés aux dépens relatifs au pourvoi.

4)      Ferrero Deutschland GmbH supporte ses propres dépens relatifs à la procédure de première instance, à l’exclusion de ceux ayant trait à l’intervention de Cornu SA Fontain.

5)      L’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) supporte ses propres dépens relatifs à la procédure de première instance, à l’exclusion de ceux ayant trait à l’intervention de Cornu SA Fontain.

6)      Cornu SA Fontain supporte ses propres dépens et ceux ayant trait à son intervention exposés par Ferrero Deutschland GmbH et par l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI).

Signatures


* Langue de procédure: le français.

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