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Document 62006CC0221

    Conclusions de l'avocat général Sharpston présentées le 21 juin 2007.
    Stadtgemeinde Frohnleiten et Gemeindebetriebe Frohnleiten GmbH contre Bundesminister für Land- und Forstwirtschaft, Umwelt und Wasserwirtschaft.
    Demande de décision préjudicielle: Verwaltungsgerichtshof - Autriche.
    Renvoi préjudiciel - Taxe sur le dépôt durable de déchets dans une décharge - Taxe due par l'exploitant de la décharge et calculée en fonction du poids des déchets déposés et de l'état de la décharge - Exonération de taxe pour le dépôt de déchets provenant de sites contaminés autrichiens - Absence d'exonération pour le dépôt de déchets provenant de sites contaminés situés dans d'autres États membres - Article 90 CE - Impositions intérieures - Discrimination.
    Affaire C-221/06.

    Recueil de jurisprudence 2007 I-09643

    Identifiant ECLI: ECLI:EU:C:2007:372

    CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

    Mme EleAnor Sharpston

    présentées le 21 juin 2007 (1)

    Affaire C‑221/06

    Stadtgemeinde Frohnleiten

    Gemeindebetriebe Frohnleiten GmbH

    contre

    Bundesminister für Land- und Forstwirtschaft, Umwelt und Wasserwirtschaft

    «Taxe sur le dépôt de déchets – Exonération – Exclusion de l’exonération lorsque les déchets proviennent d'un autre État membre – Article 90 CE»





    1.        Une loi nationale soumet à une taxe le dépôt de déchets en décharge, mais l’en exonère lorsque les déchets proviennent de la sécurisation ou de la réhabilitation de sites contaminés répertoriés dans l’atlas officiel, atlas dans lequel ne peuvent cependant pas être inscrits des sites situés dans d’autres États membres. La Cour a été invitée à statuer sur la compatibilité d’une telle mesure avec le droit communautaire.

     Le cadre juridique communautaire

    2.        Le premier alinéa de l’article 90 CE (2) dispose ce qui suit:

    «Aucun État membre ne frappe directement ou indirectement les produits des autres États membres d’impositions intérieures, de quelque nature qu’elles soient, supérieures à celles qui frappent directement ou indirectement les produits nationaux similaires» (3).

    3.        Le règlement (CE) n° 259/93 du Conseil, du 1er février 1993, concernant la surveillance et le contrôle des transferts de déchets à l’entrée et à la sortie de la Communauté européenne (4), s’applique notamment aux transferts de déchets à l’intérieur de la Communauté.

    4.        L’article 3, paragraphe 1, impose à quiconque a l’intention de transférer d’un État membre dans un autre des déchets destinés à être éliminés d’en informer l’autorité compétente de destination, laquelle, conformément à l’article 4, paragraphe 2, sous a), doit prendre la décision d’autoriser le transfert, avec ou sans conditions, ou de le refuser. Elle peut également demander un complément d’information. L’article 4, paragraphe 2, sous c), lui impose de fonder les objections et les conditions visées au point a) sur l’article 4, paragraphe 3, qui dresse la liste des motifs possibles. Au nombre de ceux-ci figure le motif que le transfert envisagé «n’est pas conforme aux dispositions législatives et réglementaires nationales en matière de protection de l’environnement, d’ordre public, de sécurité publique ou de protection de la santé». L’article 5, paragraphe 1, dispose que le transfert ne peut avoir lieu qu’après que le notifiant en a reçu l’autorisation.

     Le cadre juridique national

    5.        Aux termes de son article 1er, la loi autrichienne sur la réhabilitation des sites contaminés (Altlastensanierungsgesetz, ci-après l’«ALSAG») (5) vise au financement de la sécurisation et de la réhabilitation des sites contaminés.

    6.        L’article 2 définit les sites contaminés. Il est rédigé comme suit:

    «Définitions

    (1)      Les sites contaminés sont des dépôts existants et des sites désaffectés, ainsi que les sols et les nappes phréatiques contaminés par ceux-ci, d’où résultent, selon les résultats d’une évaluation des dangers, des risques importants pour la santé des personnes ou pour l’environnement.

    [...]

    (2)      Les dépôts existants sont des décharges mises en place avec ou sans autorisation.

    (3)      Les sites désaffectés sont des sites d’installations dans lesquelles des substances dangereuses pour l’environnement ont été manipulées.»

    7.        La partie II de l’ALSAG institue une taxe sur les sites contaminés (ci‑après la «taxe») visant à financer la sécurisation et la réhabilitation de ces sites.

    8.        L’article 3 de la partie II dispose ce qui suit:

    «1.      Sont soumis à l’Altlastenbeitrag (contribution au titre des sites contaminés):

    (1)      le dépôt durable de déchets, y compris l’incorporation du déchet dans la structure de la décharge, même s’il est lié à des objectifs techniques de construction de décharge ou à d’autres objectifs;

    (2)      le remblayage ou l’égalisation des terrains avec des déchets, y compris leur incorporation dans les structures géologiques, à l’exception des remblayages ou égalisations qui remplissent une fonction concrète dans la technique de construction dans le cadre d’une opération de construction supérieure (par exemple, des digues ou des soubassements ou des couches de fondations pour les routes, des voies ferrées, des fondations, le remblayage d’excavations ou de contre-fossés);

    […]

    2.      Sont exonérés de l’obligation fiscale:

    (1)      le dépôt, le stockage ou le transport de déchets qui résultent de manière avérée de la sécurisation ou de la réhabilitation:

    [a]      de sites potentiellement contaminés répertoriés au Verdachtsflächenkataster (inventaire des sites potentiellement contaminés) ou

    [b]      de sites contaminés répertoriés dans l’Altlastenatlas (atlas des sites contaminés),

    […]»

    9.        L’article 4 dresse la liste des assujettis à la taxe, liste au premier rang de laquelle (paragraphe 1) figure l’exploitant d’une décharge ou d’un dépôt (6).

    10.      L’article 5 dispose que la taxe est calculée sur la base du poids des déchets.

    11.      L’article 6 fixe les taux de la taxe. L’article 6, paragraphe 4, prévoit une réduction du taux de la taxe lorsque les déchets sont déposés sur un site conforme aux normes techniques fixées par la loi nationale.

    12.      Les règles régissant le Verdachtsflächenkataster et l’Altlastenatlas visés à l’article 3, paragraphe 2, point 1, de l’ALSAG sont énoncées à l’article 13 de celui‑ci. Cette disposition charge en substance le ministre fédéral de l’Environnement, de la Jeunesse et de la Famille de coordonner au niveau fédéral le recensement, l’évaluation et le classement des sites potentiellement contaminés en collaboration avec le ministre fédéral de l’Économie et le ministre fédéral de l’Agriculture et de la Sylviculture. Les données et les informations obtenues grâce au recensement doivent être transmises à l’office fédéral de l’environnement, qui procède à leur évaluation et les intègre dans un Verdachtsflächenkataster. Le ministre fédéral de l’Environnement, de la Jeunesse et de la Famille doit en outre coordonner, en vue du recensement des sites contaminés, toutes les mesures d’évaluation de la dangerosité des sites potentiellement contaminés recensés. Les sites potentiellement contaminés nécessitant une sécurisation ou un assainissement sur la base de l’appréciation effectuée doivent figurer dans un Altlastenatlas en tant que sites contaminés.

    13.      Seuls des sites situés en Autriche peuvent être intégrés dans le Verdachtsflächenkataster et dans l’Altlastenatlas. C’est pourquoi seuls les déchets qui proviennent de la sécurisation et de la réhabilitation d’un site contaminé ou potentiellement contaminé situé en Autriche peuvent bénéficier de l’exonération de la taxe.

    14.      Le gouvernement autrichien a fourni des détails complémentaires sur l’ALSAG au cours de l’audience. Lorsqu’il est entré en vigueur le 1er juillet 1989 (7), on estimait qu’il existait 3 000 sites contaminés en Autriche, dont certains devaient être sécurisés et assainis. C’est la raison pour laquelle un système de reconnaissance et de décontamination des sites contaminés a été mis en place. En principe, c’est le pollueur qui supporte les frais de la décontamination. Néanmoins, lorsqu’il n’est pas possible de déterminer l’identité du pollueur ou de recouvrer les sommes dont il est redevable, c’est l’État qui prend ces frais en charge. Le financement est assuré grâce au produit de la taxe. Le taux de celle-ci est fixé de manière à garantir qu’à long terme, les sites concernés puissent être assainis. Les déchets qui proviennent de pareils sites et sont destinés au recyclage ne sont pas soumis à la taxe. L’ALSAG garantit que les recettes provenant de la taxe sont utilisées exclusivement pour la décontamination des sites contaminés. Afin de ne pas obérer la sécurisation ou l’assainissement des sites contaminés, l’article 3, paragraphe 2, de l’ALSAG exonère de la taxe les mesures d’élimination des déchets y afférentes.

     La procédure au principal et la question préjudicielle

    15.      La société Gemeindebetriebe Frohnleiten GmbH (entreprise communale Frohnleiten GmbH), dont la Stadtgemeinde Frohnleiten (commune autrichienne de Frohnleiten) est l’actionnaire unique, exploite la décharge communale de Frohnleiten. En 2001 et en 2002, plusieurs tonnes de résidus de broyage en provenance d’Italie ont été déposées dans cette décharge. Ces déchets provenaient d’un terrain situé sur la commune italienne de Rovigo, dont la réhabilitation avait été déclarée nécessaire dans le plan italien de réhabilitation des sites contaminés (8). Ce terrain n’est pas identifié comme étant un site contaminé dans l’Altlastenatlas. Le transport des déchets vers l’Autriche avait été autorisé par le ministre compétent (ci‑après l’«autorité défenderesse») conformément aux articles 3 à 5 du règlement n° 259/93 et à l’article 36 de la loi autrichienne sur la gestion des déchets (Abfallwirtschaftsgesetz) (9).

    16.      Saisie d’une demande par la Stadtgemeinde Frohnleiten et par la Gemeindebetriebe Frohnleiten GmbH (ci‑après les «requérantes»), la Bezirkshauptmannschaft Graz-Umgebung (administration du canton de Graz et environs) a résolu que les déchets n’étaient pas soumis à la taxe, parce que les exclure de l’exonération constituerait une discrimination incompatible avec l’article 90 CE. Le centre des impôts a introduit un recours contre cette décision devant le Landeshauptmann (gouverneur du Land de Styrie), qui a confirmé la décision entreprise, estimant lui aussi qu’il n’y avait pas lieu de payer la taxe parce que les déchets avaient été produits au cours de l’exécution de mesures légales de sécurisation et d’assainissement de terrains dangereusement contaminés en Italie et qu’il serait incompatible avec l’article 90 CE de faire une distinction entre des déchets de cette nature en provenance d’Autriche et ceux qui proviennent d’Italie.

    17.      Saisie en appel de la décision du Landeshauptmann, l’autorité défenderesse l’a annulée au motif que la taxe ne grevait pas des produits, mais était une taxe liée à une activité, de sorte que l’article 90 CE n’était pas d’application. Les requérantes se sont pourvues en appel de cette nouvelle décision devant le Verwaltungsgerichtshof (cour administrative).

    18.      Cette juridiction considère que, même dans l’hypothèse où la taxe serait une «taxe sur des produits» et relèverait ainsi du champ d’application de l’article 90 CE, le fait que seuls les déchets en provenance d’Autriche puissent bénéficier de l’exonération de celle-ci n’enfreint pas l’article 90 CE ou (comme les requérantes l’avaient fait valoir à titre subsidiaire) les articles 10 CE, 12 CE, 23 CE, 25 CE ou 49 CE.

    19.      Le Verwaltungsgerichtshof constate que l’ALSAG a pour objectif la sécurisation et la réhabilitation de sites contaminés. Il s’agit donc d’objectifs de politique environnementale. Pour atteindre ces objectifs, on a recours, d’une part, à des mesures administratives (telles que la décision administrative de supprimer un site contaminé) et, d’autre part, à des mesures fiscales (telles que l’exonération en cause dans la présente affaire). La mise en œuvre de ces mesures suppose que l’on a identifié les sites nécessitant une sécurisation ou une réhabilitation. Pour les identifier, l’ALSAG prévoit des enquêtes en vue de leur recensement et de leur inscription dans le Verdachtsflächenkataster et dans l’Altlastenatlas, qui serviront eux-mêmes de base à d’autres mesures. Il est dès lors inévitable que seuls les sites situés sur le territoire autrichien puissent être répertoriés dans ces registres. On ne saurait cependant pas en déduire une obligation pour la République d’Autriche de renoncer à avantager la mise en décharge des déchets provenant de ces sites ou à subordonner l’octroi de l’exonération à l’enregistrement dans l’Altlastenatlas ou dans le Verdachtsflächenkataster.

    20.      Le Verwaltungsgerichtshof considère que la jurisprudence de la Cour invoquée par les requérantes ne confirme pas leur point de vue. Néanmoins, comme cette jurisprudence ne permet pas de résoudre la question litigieuse sans équivoque, il a adressé la question préjudicielle suivante à la Cour:

    «Les articles 10 CE, 12 CE, 23 CE, 25 CE, 49 CE ou 90 CE font-ils obstacle à une disposition fiscale nationale qui soumet à une taxe (contribution au titre des sites contaminés) la mise en décharge de déchets mais dispense de cette taxe le dépôt de déchets qui proviennent de manière avérée de la réhabilitation ou de la sécurisation de sites contaminés lorsque ces sites (sites contaminés ou susceptibles de l’être) sont répertoriés dans les registres administratifs prévus par la loi (l’inventaire des sites potentiellement contaminés ou l’atlas des sites contaminés) dans lesquels seuls les sites situés sur le territoire national peuvent figurer, avec pour conséquence que l’exonération n’est possible que pour la mise en décharge de déchets qui proviennent de sites contaminés ou susceptibles de l’être et situés sur le territoire national?»

    21.      Ont présenté des observations écrites les requérantes, le gouvernement autrichien et la Commission, qui ont également assisté à l’audience.

     Les articles 23 CE et 25 CE

    22.      Ces articles interdisent les droits de douane à l’importation et à l’exportation ainsi que les taxes d’effet équivalent. La juridiction nationale demande si l’exonération de la taxe litigieuse est une taxe d’effet équivalant à un droit d’importation et si elle est donc incompatible avec cette interdiction.

    23.      Toutes les parties qui ont soumis des observations s’accordent à dire que la taxe n’est pas une taxe d’effet équivalent.

    24.      Je partage leur avis. Il est de jurisprudence constante que toute charge pécuniaire, quelles que soient son appellation et sa technique, et frappant les marchandises en raison du fait qu’elles franchissent la frontière, lorsqu’elle n’est pas un droit de douane proprement dit, est une taxe d’effet équivalent au sens de l’article 25 CE (10). Dans la présente espèce, cependant, la taxe n’est pas imposée en raison du fait que les déchets franchissent une frontière.

     L’article 90 CE

    25.      Les requérantes et la Commission considèrent que les conditions d’exonération de la taxe relèvent du champ d’application de l’article 90 CE et sont incompatibles avec cette disposition. Le gouvernement autrichien fait valoir, en premier lieu, que l’article 90 CE n’est pas d’application et, à titre subsidiaire, qu’il n’a pas été enfreint.

    26.      L’article 90 CE interdit aux États membres de frapper directement ou indirectement les produits des autres États membres d’impositions intérieures, de quelque nature qu’elles soient, supérieures à celles qui frappent directement ou indirectement les produits nationaux similaires. Il a pour objet d’écarter les restrictions déguisées à la libre circulation de produits qui peuvent résulter des dispositions fiscales d’un État membre (11). L’article 90 CE doit donc garantir la parfaite neutralité des impositions intérieures au regard de la concurrence entre produits nationaux et produits importés (12).

     La taxe frappe-t-elle des «produits»?

    27.      L’article 90 CE s’applique uniquement aux taxes qui frappent les produits. Les requérantes et la Commission estiment que la taxe litigieuse frappe des produits, mais le gouvernement autrichien n’est pas du même avis.

    28.      Les parties s’entendent à reconnaître que, comme la Commission le soutient, les déchets, recyclables ou non, doivent être considérés comme des «marchandises», dont l’article 28 CE interdit, en principe, que l’on entrave la libre circulation (13). Ainsi donc, les déchets eux-mêmes sont un «produit» au sens de l’article 90 CE.

    29.      Ce qui divise les parties, c’est tout d’abord la question de savoir s’il est correct de considérer que la taxe frappe les déchets en tant que produit, comme le prétendent les requérantes et la Commission, ou bien si elle frappe l’approvisionnement des décharges, comme le soutient le gouvernement autrichien.

    30.      Le gouvernement autrichien fait valoir que la taxe est une taxe sur une fourniture de services, à savoir le dépôt de déchets à long terme et le remblayage ou l’égalisation des terrains au moyen de ceux-ci. Bien qu’il admette qu’une taxe ne doit pas être imposée directement sur des produits pour pouvoir relever du champ d’application de l’article 90 CE, il considère que tel n’est le cas que lorsque la taxe a un effet immédiat sur le coût du produit. La taxe n’a pas un tel effet. Au contraire, celui qui dépose les déchets paie à l’exploitant du site une rémunération permettant à celui-ci de contrôler les déchets, d’accepter ce qui est compatible avec le permis d’exploitation et de l’enfouir définitivement. La taxe ne frappe pas un produit commercialisable qu’une imposition discriminatoire aurait pour effet de rendre plus cher et qui serait désavantagé s’il était vendu sur le marché national. Il s’agit bien plutôt d’un instrument de politique taxant toute mesure qui met définitivement fin au cycle de vie du produit.

    31.      Conformément à l’ALSAG, le «dépôt durable de déchets» et le «remblayage ou l’égalisation des terrains avec des déchets» sont en principe soumis à la taxe (14). L’exploitant d’une décharge est le principal assujetti à la taxe (15). Le montant de celle-ci est calculé sur la base du poids des déchets (16). L’agent du gouvernement autrichien a déclaré à l’audience que le taux de la taxe peut influencer le montant que l’exploitant d’une décharge facture pour le dépôt des déchets. Étant donné que ce taux est réduit lorsque la décharge en question répond à certaines normes techniques (17), le propriétaire d’une telle décharge pourra facturer un montant moindre lorsqu’il accepte des dépôts de déchets. A fortiori, le fait de la taxe – et la possibilité de bénéficier d’une exonération – affectera le prix facturé par l’exploitant.

    32.      Comme l’exposent les requérantes, la notion d’imposition frappant un produit doit être interprétée dans un sens large en tenant compte de son objectif, à savoir éliminer les restrictions déguisées à la libre circulation des marchandises pouvant résulter des dispositions fiscales d’un État membre (18). L’article 90 CE s’applique aux impositions qui frappent «directement ou indirectement» les produits. Ces termes doivent eux aussi être entendus au sens large (19). La Cour a donc interprété cette disposition en ce sens qu’elle va au-delà des taxes classiques frappant directement les produits et elle a dit pour droit qu’elle vise également les charges pécuniaires imposées pour des raisons de contrôle sanitaire de la viande (20), les redevances d’enregistrement des produits pharmaceutiques (21) ainsi que les redevances de contrôle technique des voitures (22).

    33.      La Cour a en outre étendu la notion d’imposition frappant des produits de manière à y inclure les taxes sur l’utilisation ou le transport de produits ou sur l’utilisation d’installations. Dans l’affaire Bergandi (23), par exemple, la Cour a dit pour droit que l’article 90 CE s’applique également aux impositions intérieures qui frappent l’utilisation des produits importés, lorsque ces derniers sont essentiellement destinés à cette utilisation et ne sont importés qu’en vue de celle-ci. Dans l’affaire Schöttle (24), la Cour a déclaré qu’une taxe perçue sur les transports internationaux de marchandises par route en fonction de la distance parcourue sur le territoire national et du poids des marchandises en cause était une imposition qui frappe indirectement les produits au sens de l’article 90 CE. Dans l’affaire Haahr Petroleum (25), la Cour a estimé qu’une taxe perçue sur le transport des marchandises ou sur l’utilisation de ports commerciaux et initialement payée par le navire ou par son agent local était une imposition frappant des produits et supportée par le destinataire ou par l’expéditeur des marchandises.

    34.      Ainsi donc, le simple fait qu’une taxe soit imposée sur un service associé à des produits ne suffit pas à la soustraire du champ d’application de l’article 90 CE, pas davantage que le fait que la taxe doive, dans un premier temps, être acquittée par une personne distincte de celle qui traite les marchandises. Ce qui importe, c’est de savoir si la taxe a un effet immédiat sur le coût des produits nationaux et des produits importés (26).

    35.      Comme je l’ai expliqué plus haut, il apparaît que, dans la présente affaire, la taxe a un impact sur le prix que l’exploitant du site facture à un client donné au détriment des produits importés. Je n’accepte pas l’idée qu’un tel effet (que nul n’a, semble-t-il, contesté) concerne un produit non commercialisable. La Cour a traité les déchets non recyclables et non réutilisables comme des «marchandises» au sens de l’article 23 CE (et donc de l’article 25 CE) ainsi que de l’article 28 CE: voir arrêts Commission/Allemagne (27) et Commission/Belgique (28) respectivement (29). Le même principe doit s’appliquer par analogie à l’article 90 CE, qui complète ces articles (30). Comme l’indiquent les requérantes, le seul commerce dont puissent faire l’objet des déchets qui ne peuvent pas être recyclés ou réutilisés est leur élimination. Les mesures nationales visant la fin du cycle de vie des déchets doivent, par conséquent, être conformes aux dispositions du traité CE relatives à la libre circulation des marchandises. Dans l’affaire Commission/Belgique, précitée, la Cour a, de surcroît, assimilé l’élimination des déchets à une transaction commerciale (31).

    36.      Le principe suivant lequel une taxe frappant des activités impliquant des produits relève de l’article 90 CE uniquement lorsqu’elle a un effet immédiat sur leur coût a été défini dans les arrêts Schöttle et Haahr Petroleum. Ces deux affaires concernaient des produits commerciaux. C’était donc un critère approprié pour déterminer si une taxe frappant les activités en cause dans ces affaires (à savoir, respectivement, le transport de marchandises par route et l’utilisation d’installations portuaires pour le chargement ou le déchargement de marchandises) relevait du champ d’application de cette disposition. Le fait que ce principe n’englobe pas naturellement des transactions impliquant des déchets destinés à être éliminés ni, donc, par définition, des produits en fin de vie commerciale ne possédant plus aucune valeur économique – et, effectivement, représentant en général (et dans la présente affaire) une valeur négative, en ce qu’il faut payer pour leur élimination – ne suffit cependant pas, selon moi, à écarter une taxe frappant cette élimination du champ d’application de l’article 90 CE.

    37.      Il faut rappeler que l’objectif de cette disposition, sur lequel la Cour s’est explicitement fondée dans l’arrêt Schöttle pour exiger que la taxe produise un effet immédiat sur le coût du produit, est d’éliminer les restrictions déguisées à la libre circulation des marchandises pouvant résulter de mesures fiscales. Si de telles mesures constituent une restriction déguisée à la libre circulation des marchandises, même sans avoir un impact immédiat sur le coût d’un produit qui ne rentre pas dans les schémas commerciaux conventionnels, il me semble que de telles mesures fiscales devraient néanmoins relever, en principe, du champ d’application de l’article 90 CE. Il ne faut pas non plus oublier qu’à ce stade de l’analyse, la question est uniquement de savoir si, dans le contexte de la taxe, les déchets sont un «produit» au sens de cette disposition. Même dans l’hypothèse où tel serait le cas, il n’y aura pas violation de l’article 90 CE, à moins qu’il soit établi que la taxe produit un effet discriminatoire.

    38.      Il me paraît en outre que la taxe a bel et bien un effet immédiat sur les conséquences financières des transactions qui portent sur les déchets à éliminer, même si cet effet n’est pas une augmentation de leur prix de vente. Le possesseur des déchets doit payer à l’exploitant du site un prix pour la prise en charge des déchets à éliminer. Ce prix est fixé en fonction, du moins partiellement, de la charge que la taxe représente pour l’exploitant. Si le bénéfice de l’exonération est étendu, il est clair que le montant de la taxe que l’exploitant doit payer sera réduit et que le prix qu’il réclamera pour la prise en charge des déchets à éliminer sera vraisemblablement réduit dans la même proportion. Le fait que des déchets en provenance d’autres États membres ne peuvent pas bénéficier de l’exonération a donc pour résultat indirect que ceux entre les mains desquels ils se trouvent devront payer davantage pour leur mise en décharge.

    39.      Enfin, comme la Commission le fait observer, il existe une autre raison de considérer que la taxe frappe des «produits». La présente affaire concerne des déchets industriels provenant de la fabrication de certains produits finis pouvant être vendus sur le marché. Le coût de ces produits et, donc, leur prix incluent le coût de l’élimination des déchets de fabrication. C’est pourquoi il n’est pas inconcevable, du moins en principe, que l’exonération avantage, à tout le moins dans certains cas, des produits qui sont à l’origine de déchets en Autriche par rapport aux produits originaires d’un autre État membre qui, généralement, sont à l’origine de déchets dans ce dernier.

    40.      Pour les raisons que je viens d’exposer, je considère que la taxe est une imposition frappant indirectement des produits au sens de l’article 90 CE.

     La taxe est-elle discriminatoire?

    41.      L’article 90 CE interdit à un État membre de frapper les produits des autres États membres d’impositions supérieures à celles qui frappent les produits nationaux similaires.

    42.      Les parties sont d’accord sur le fait que la taxe s’applique, en principe, aux déchets originaires d’Autriche et aux déchets originaires d’autres États membres, et que ces deux catégories de déchets sont des produits «similaires» aux fins de cette disposition.

    43.      Le gouvernement autrichien fait valoir, à titre subsidiaire, que la taxe n’est pas incompatible avec l’article 90 CE, parce qu’elle n’est pas discriminatoire. La taxe est imposée en vue de financer la sécurisation et l’assainissement de sites contaminés, que les déchets déposés, transportés ou utilisés pour le remblayage proviennent d’Autriche ou qu’ils proviennent d’autres États membres. L’objectif de l’ALSAG est d’améliorer la qualité de l’environnement en Autriche par un meilleur recensement des sites contaminés et par leur sécurisation ou leur assainissement. Exonérer le traitement des déchets produits au cours des opérations de sécurisation ou d’assainissement des sites contaminés ou potentiellement contaminés est compatible avec cet objectif. Pour pouvoir le réaliser, il faut tout d’abord recenser les sites qui doivent être sécurisés ou assainis. Pour cela, il faut rassembler et évaluer des informations ou effectuer des enquêtes afin d’enregistrer les sites concernés dans l’Altlastenatlas. C’est pour cette raison que seuls les sites autrichiens peuvent être inscrits dans ce registre. Il existe une différence objective entre la situation dans laquelle des déchets sont acheminés en provenance d’un autre État membre et la situation dans laquelle la décontamination et l’élimination sont effectuées dans le même État membre. C’est pourquoi il ne s’agit pas d’un cas d’inégalité de traitement entre des situations fondamentalement similaires. Il n’y a donc pas de discrimination.

    44.      Il est exact, en effet, que le droit communautaire ne restreint pas la liberté de chaque État membre d’établir un système de taxation différenciée pour certains produits, même similaires au sens de l’article 90 CE, en fonction de critères objectifs, tels que la nature des matières premières utilisées ou les procédés de production appliqués. De telles différenciations ne sont toutefois compatibles avec le droit communautaire que si elles poursuivent des objectifs compatibles, eux aussi, avec les exigences du traité et du droit dérivé et si leurs modalités sont de nature à éviter toute forme de discrimination, directe ou indirecte, à l’égard des importations en provenance des autres États membres (32).

    45.      Dans la présente affaire, le traitement fiscal différencié des produits concernés (c’est-à-dire la possibilité de bénéficier ou non de l’exonération de la taxe) est certainement fondé sur un critère objectif, qui est celui de savoir si les déchets ont été produits au cours des opérations de sécurisation ou d’assainissement de sites potentiellement contaminés inscrits dans le Verdachtsflähenkataster ou de sites contaminés inscrits dans l’Altlastenatlas. L’objectif de ce traitement différencié – qui est d’encourager la sécurisation ou l’assainissement de pareils sites en vue de renforcer la protection de l’environnement et de la santé publique – est à première vue compatible avec les objectifs d’environnement et de santé qui sont énumérés dans le traité (33). Néanmoins, cette vision des choses est peut-être simpliste. Les objectifs énoncés dans le traité sont manifestement fixés au niveau communautaire. Il est tout aussi manifeste que les objectifs de l’ALSAG sont, quant à eux, établis à l’échelon national. La structure de la taxe et de l’exonération a pour effet de décourager la sécurisation ou l’assainissement de sites situés dans d’autres États membres par rapport aux sites autrichiens. Pour cette seule raison, je ne suis pas convaincue que le traitement fiscal différencié que comporte l’ALSAG soit compatible avec l’article 90 CE. Quoi qu’il en soit, la troisième condition de compatibilité n’est, en tout cas, pas remplie: les modalités ne sont manifestement pas de nature à éviter toute forme de discrimination, directe ou indirecte, à l’encontre des importations en provenance d’autres États membres.

    46.      Le bénéfice de l’exonération est expressément subordonné à la condition que les déchets déposés en décharge proviennent d’un site qui, par définition, ne peut être situé qu’en Autriche. Il est de jurisprudence constante qu’un critère d’imposition majorée qui, par définition, ne saurait, en aucun cas, être applicable aux produits nationaux similaires ne peut pas être considéré comme compatible avec l’article 90 CE (34).

    47.      Le gouvernement autrichien fait valoir qu’il existe une différence objective entre la situation dans laquelle des déchets sont acheminés en provenance d’un autre État membre, situation qui ne présente aucun lien entre l’assainissement et l’élimination des déchets, et la situation dans laquelle la décontamination et l’élimination sont effectuées dans le même État membre. Cette affirmation est, évidemment, manifestement exacte, mais elle ne résout cependant pas le problème. Au contraire, elle renforce ma conviction que les objectifs d’écologie et de santé publique de l’ALSAG se limitent à l’espace national. Elle suggère plutôt que la taxe ne devrait pas être imposée lorsque les déchets sont importés d’un autre État membre.

    48.      J’ajouterai que le fait qu’une imposition ou une redevance est une taxe spéciale ou affectée à une destination particulière ne saurait la faire échapper au champ d’application de l’article 90 CE (35).

    49.      Le gouvernement autrichien évoque la difficulté qu’il y a à vérifier si l’origine de déchets provenant d’autres États membres est comparable à l’origine définie à l’article 3, paragraphe 2, de l’ALSAG.

    50.      De telles difficultés pratiques ne sauraient, cependant, être de nature à justifier l’application d’impositions intérieures discriminatoires à l’égard des produits originaires d’autres États membres en violation de l’article 90 CE (36). Cela ne signifie pas que l’État membre d’importation ne peut pas exiger une vérification sur la base de principes généraux concernant le partage de la charge de la preuve, principes conformément auxquels les entreprises souhaitant bénéficier d’une exonération doivent démontrer que les conditions en sont remplies (37). L’État membre d’importation est donc en droit d’exiger que la preuve soit fournie dans des conditions éliminant les risques de fraude, notamment par la production de certificats émanant des autorités de l’État membre exportateur (38). Il doit néanmoins donner aux entreprises concernées l’occasion de fournir une telle preuve (39).

    51.      L’ALSAG subordonne déjà le bénéfice de l’exonération à la condition qu’il soit démontré que les déchets ont été produits au cours d’opérations de sécurisation ou d’assainissement d’un site contaminé. Dans la présente affaire, le gouvernement autrichien doit dès lors accorder aux requérantes l’occasion d’apporter cette preuve aux mêmes conditions mutatis mutandis et suivant les mêmes exigences que celles auxquelles sont soumis les détenteurs de déchets provenant de sites autrichiens. S’il leur a donné l’occasion de le faire et si les requérantes n’ont pas été en mesure d’apporter une preuve répondant aux mêmes exigences que celles qui sont imposées aux détenteurs de déchets originaires d’Autriche, le gouvernement autrichien n’est pas tenu de leur accorder l’exonération.

    52.      Enfin, l’autorité défenderesse a fait valoir devant la juridiction de renvoi qu’il n’appartenait pas au législateur national de permettre à des sites situés en dehors de son territoire de bénéficier de l’avantage fiscal. La Commission a rétorqué, et je suis d’accord avec elle, que cette objection est fondée sur une mauvaise compréhension de la fonction de l’article 90 CE dans le système général du traité et sur une confusion entre cet article et ceux qui régissent les aides d’État (à savoir les articles 87 CE et suivants). Les règles sur les aides d’État concernent la promotion d’activités économiques sur le territoire national et ont un spectre large. Dans ce contexte, le gouvernement autrichien affirme dans ses observations écrites qu’il a, effectivement, notifié deux régimes d’aides en faveur de la sécurisation et de l’assainissement des sites contaminés applicables lorsqu’il n’est pas possible de déterminer l’identité du pollueur, et que ces deux régimes ont été approuvés par la Commission (40). L’article 90 CE, en revanche, a un spectre plus limité. Il n’interdit pas l’aide en soi, mais exclut certaines mesures impliquant des «impositions» frappant des «produits». Si les traitements différenciés relèvent du champ d’application de l’article 90 CE, ils ne peuvent pas, contrairement aux aides d’État, être justifiés par l’intérêt qu’a un État membre à décontaminer les sites (41).

    53.      Je considère, en conséquence, que la taxe est incompatible avec l’article 90 CE.

     L’article 49 CE

    54.      L’article 49 CE fait aux États membres l’obligation d’interdire les restrictions à la libre prestation des services à l’intérieur de la Communauté à l’égard des ressortissants des États membres établis dans un pays de la Communauté autre que celui du destinataire de la prestation.

    55.      Les requérantes font valoir, à titre subsidiaire, que la discrimination que comporte l’article 3, paragraphe 2, point 1, de l’ALSAG empêche les exploitants de décharges autrichiennes de fournir leurs services d’élimination des déchets aux mêmes conditions aux producteurs nationaux de déchets et à leurs homologues étrangers. La législation est donc de nature à dissuader les exploitants de sites autrichiens d’offrir leurs services aux importateurs de déchets en provenance d’autres États membres et comporte dès lors une restriction de la libre prestation des services au sens de l’article 49 CE.

    56.      La Cour a dit pour droit que la libre prestation des services peut être invoquée non seulement par les ressortissants des États membres établis dans un État membre autre que celui du destinataire des services, mais également par une entreprise à l’égard de l’État où elle est établie, dès lors que les services sont fournis à des destinataires établis dans un autre État membre et, d’une façon plus générale, dans tous les cas où un fournisseur de services offre des services sur le territoire d’un État membre autre que celui dans lequel il est établi (42). Dès l’instant où il est prouvé que les prestations de services en cause relèvent de l’article 49 CE interprété de cette manière, cette disposition s’oppose à l’application de toute réglementation nationale qui, sans justification objective, entrave la possibilité pour un fournisseur de services d’exercer effectivement cette liberté ou qui a pour effet de rendre la prestation de services entre États membres plus difficile que la prestation de services purement interne à un État membre. Par conséquent, les prestations de services entre États membres ne sauraient être soumises à des conditions plus rigoureuses que celles auxquelles sont assujetties les prestations de services analogues sur le plan interne (43).

    57.      Il est clair que le jeu combiné de la taxe et de l’exonération a pour effet, comme je l’ai expliqué plus haut (44), que les détenteurs de déchets résultant de la sécurisation ou de l’assainissement de sites contaminés ou potentiellement contaminés situés dans des États membres autres que l’Autriche doivent payer davantage pour la mise en décharge de ces déchets en Autriche que les détenteurs de déchets comparables d’origine nationale. La fourniture de pareils services d’élimination des déchets entre États membres est, par conséquent, soumise à des conditions plus strictes que celles qui s’appliquent à la fourniture de semblables services au niveau national.

    58.      Sur cette base, je conviens que, si la Cour devait dire pour droit que la taxe frappe la fourniture d’un service plutôt que des produits, le fait que l’exonération ne puisse pas être accordée pour des déchets provenant de sites contaminés situés dans des États membres autres que l’Autriche produit un effet incompatible avec l’article 49 CE.

    59.      Le gouvernement autrichien fait valoir que l’article 3, paragraphe 2, point 1, de l’ALSAG est justifié par l’objectif qui consiste à combattre les effets néfastes que les sites contaminés ont sur l’environnement et sur la santé humaine, et que l’obligation d’utiliser les recettes résultant de l’application de la taxe pour financer la décontamination de ces sites permet de réaliser cet objectif.

    60.      L’ALSAG ne contient pas une discrimination explicite qui soit fondée soit sur la nationalité du fournisseur du service d’élimination des déchets ou de son destinataire, soit sur l’origine du service. Les mesures nationales non discriminatoires qui limitent la libre prestation des services peuvent être justifiées par des raisons impérieuses d’intérêt général. Elles doivent néanmoins être propres à garantir la réalisation de l’objectif qu’elles poursuivent et ne doivent pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre (45).

    61.      Indépendamment de la question de savoir si des objectifs écologiques strictement nationaux peuvent à bon droit être considérés comme des raisons impérieuses d’intérêt général à cet effet (46), exclure de manière générale du bénéfice de l’exonération les déchets résultant de la sécurisation ou de l’assainissement de sites contaminés ou potentiellement contaminés situés dans des États membres autres que l’Autriche va manifestement au-delà de ce qui est nécessaire pour réaliser cet objectif.

    62.      En conséquence, je considère, à titre subsidiaire, que la taxe est une restriction injustifiée de la libre prestation des services.

     Les articles 10 CE et 12 CE

    63.      Les requérantes prétendent que l’article 3, paragraphe 2, point 1, de l’ALSAG enfreint les articles 10 CE et 12 CE, mais elles n’en ont pas exposé les raisons.

    64.      Je suis d’accord avec la Commission pour dire qu’en ce qui concerne l’article 12 CE, il n’est pas évident qu’une discrimination fondée sur la nationalité couvre une discrimination entre produits d’origines différentes relevant de l’article 90 CE. Même si tel était le cas, l’article 90 CE (ou, en fait, l’article 49 CE) serait une «disposition particulière» au sens de l’article 12 CE, ce qui signifierait que ce serait l’article 90 CE qui serait applicable. L’article 10 CE n’est pas davantage pertinent en l’espèce, dès l’instant où l’article 90 CE (ou l’article 49 CE) s’applique.

     Conclusion

    65.      Pour les raisons que j’ai exposées plus haut, je suis d’avis qu’il faut répondre comme suit à la question du Verwaltungsgerichtshof:

    «L’article 90 CE fait obstacle à une disposition fiscale nationale qui soumet à une taxe la mise en décharge de déchets, mais dispense de cette taxe le dépôt de déchets qui proviennent de manière avérée de la réhabilitation ou de la sécurisation de sites contaminés, lorsque ces sites sont répertoriés dans les registres administratifs prévus par la loi, dans lesquels seuls les sites situés sur le territoire national peuvent figurer, avec pour conséquence que l’exonération n’est possible que pour la mise en décharge de déchets qui proviennent de sites contaminés situés sur le territoire national.»


    1 – Langue originale: anglais.


    2 – La question adressée à la Cour ainsi que les observations écrites (mais pas les observations orales) qui lui ont été présentées se réfèrent en outre aux articles 10 CE, 12 CE, 23 CE, 25 CE et 49 CE. J’exposerai le contenu de ces articles ultérieurement lorsque j’examinerai leur application.


    3 –      L’article 90, second alinéa, CE interdit aux États membres de frapper les produits des autres États membres d’impositions intérieures de nature à protéger indirectement d’autres productions. Bien que la question soumise à la Cour mentionne l’article 90 CE d’une manière générale, il est manifeste que seul le premier alinéa est en cause, ce que confirment les observations présentées à la Cour. C’est pourquoi j’ai limité mon analyse au premier alinéa et toutes les références qui seront faites à l’«article 90 CE» dans les présentes conclusions devront être entendues sous cette même restriction.


    4 – JO L 30, p. 1.


    5 – BGBl. 299/1989. Les extraits reproduits plus bas proviennent de la version de l’ALSAG qui était en vigueur au moment des faits. Une version différente est entrée en vigueur le 1er janvier 2006.


    6 – Sont également assujettis: en cas d’exportation des déchets, le titulaire de la licence d’exportation (article 4, paragraphe 2); la personne qui remblaie ou égalise un sol irrégulier au moyen des déchets ou les incorpore dans des structures géologiques (article 4, paragraphe 1) ou, dans tous les autres cas, la personne qui organise ou couvre l’activité sur laquelle la taxe est perçue (article 4, paragraphe 4).


    7 – L’ALSAG ne s’applique qu’aux sites contaminés qui existaient à cette date.


    8 – La juridiction de renvoi mentionne l’article 22 du décret-loi nº 22/97 ainsi qu’un décret du ministre de l’Environnement du 16 mai 1989. La Commission des Communautés européennes fournit de plus amples détails. Quoi qu’il en soit, toutes les parties admettent que le site de Rovigo est identifié comme cela a été décrit, bien que l’on ne sache pas clairement s’il était un site contaminé à la date du 1er juillet 1989.


    9 – Loi du 6 juin 1990, BGBl. 350/1990, telle que modifiée.


    10 – Voir, par exemple, arrêt du 8 juin 2006, Koornstra (C‑517/04, Rec. p. I‑5015, point 15, ainsi que les arrêts cités à cet endroit).


    11 – Arrêt du 16 février 1977, Schöttle (20/76, Rec. p. 247, point 12).


    12 – Arrêt du 17 juin 2003, De Danske Bilimportører (C‑383/01, Rec. p. I‑6065, point 37).


    13 – Arrêt du 9 juillet 1992, Commission/Belgique (C‑2/90, Rec. p. I‑4431).


    14 – Article 3.


    15 – Article 4, paragraphe 1.


    16 – Article 5.


    17 – Article 14.


    18 – Arrêt Schöttle, déjà cité à la note 11, point 12.


    19 – Arrêt du 3 avril 1968, Molkerei Zentrale Westfalen (28/67, Rec. pp. 155, 211).


    20 – Arrêt du 15 décembre 1976, Simmenthal (35/76, Rec. p. 1871).


    21 – Arrêt du 28 janvier 1981, Kortmann (32/80, Rec. p. 251).


    22 – Arrêt du 12 juin 1986, Schloh (50/85, Rec. p. 1855).


    23 – Arrêt du 3 mars 1988 (252/86, Rec. p. 1343, point 27).


    24 – Déjà citée à la note 18.


    25 – Arrêt du 17 juillet 1997 (C‑90/94, Rec. p. I-4085, point 38).


    26 – Arrêt Haahr Petroleum, précité, point 40, reprenant l’arrêt Schöttle.


    27 – Arrêt du 27 février 2003 (C‑389/00, Rec. p. I‑2001).


    28 – Déjà cité à la note 13.


    29 – Voir, également, arrêt du 13 décembre 2001, DaimlerChrysler (C‑324/99, Rec. p. I‑9897), dans lequel la Cour a implicitement admis que les articles 28 CE à 30 CE s’appliquaient en principe aux déchets destinés à être éliminés.


    30 – Voir, en ce qui concerne l’article 25 CE, arrêt Bergandi, déjà cité à la note 23, point 24.


    31 – Point 26.


    32 – Arrêt du 2 avril 1998, Outokumpu (C‑213/96, Rec. p. I‑1777, point 30).


    33 – Voir articles 2 CE et 3, sous p), CE.


    34 – Arrêt du 29 avril 2004, Weigel (C‑387/01, Rec. p. I‑4981, point 86).


    35 – Arrêt du 22 mars 1977, Iannelli et Volpi (74/76, Rec. p. 557, point 19).


    36 – Arrêt du 23 octobre 1997, Commission/Grèce (C‑375/95, Rec. p. I‑5981, point 47 et jurisprudence citée).


    37 – Ibidem, point 21.


    38 – Arrêt du 8 janvier 1980, Commission/Italie (21/79, Rec. p. 1, point 21).


    39 – Arrêt Outukumpu, déjà cité à la note 32, points 38 et 39.


    40 – Le gouvernement autrichien renvoie à ces deux séries de lignes directrices pour l’aide à la sécurisation et à l’assainissement des sites contaminés; ces deux ensembles ont été approuvés par la Commission le 21 janvier 1997 et le 31 mai 2002.


    41 – Arrêt Commission/Italie, déjà cité à la note 38, point 26.


    42 – Arrêt du 5 octobre 1994, Commission/France (C‑381/93, Rec. p. I‑5145, point 14).


    43 – Ibidem, points 16 à 18.


    44 – Voir point 38.


    45 – Voir, par exemple, arrêt du 5 juin 1997, SETTG (C‑398/05, p. I-3091, point 21 et jurisprudence citée).


    46 – Voir point 45 ci‑dessus.

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