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Document 62004CJ0496

Arrêt de la Cour (première chambre) du 14 septembre 2006.
J. Slob contre Productschap Zuivel.
Demande de décision préjudicielle: College van Beroep voor het bedrijfsleven - Pays-Bas.
Lait et produits laitiers - Vente directe - Quantité de référence - Dépassement - Prélèvement supplémentaire sur le lait - Obligation du producteur de tenir une comptabilité 'matière' - Article 7, paragraphes 1 et 3, du règlement (CEE) nº 536/93 - Mesures nationales supplémentaires - Compétence des États membres.
Affaire C-496/04.

Recueil de jurisprudence 2006 I-08257

Identifiant ECLI: ECLI:EU:C:2006:570

Affaire C-496/04

J. Slob

contre

Productschap Zuivel

(demande de décision préjudicielle, introduite par

le College van Beroep voor het bedrijfsleven)

«Lait et produits laitiers — Vente directe — Quantité de référence — Dépassement — Prélèvement supplémentaire sur le lait — Obligation du producteur de tenir une comptabilité 'matière' — Article 7, paragraphes 1 et 3, du règlement (CEE) nº 536/93 — Mesures nationales supplémentaires — Compétence des États membres»

Conclusions de l'avocat général Mme E. Sharpston, présentées le 22 juin 2006 

Arrêt de la Cour (première chambre) du 14 septembre 2006 

Sommaire de l'arrêt

1.     Agriculture — Organisation commune des marchés — Lait et produits laitiers — Prélèvement supplémentaire sur le lait

(Règlement de la Commission nº 536/93, art. 7)

2.     Agriculture — Organisation commune des marchés — Lait et produits laitiers — Prélèvement supplémentaire sur le lait

(Règlement de la Commission nº 536/93, art. 7)

1.     L'article 7, paragraphe l, première phrase, du règlement nº 536/93, fixant les modalités d'application du prélèvement supplémentaire dans le secteur du lait et des produits laitiers, doit être interprété en ce sens que cette disposition donne le pouvoir à un État membre d'adopter, dans la mesure du nécessaire, une réglementation imposant aux producteurs de lait établis sur son territoire des obligations comptables supplémentaires allant au-delà de celles qui découlent de l'article 7, paragraphe l, sous f), de ce même règlement. Dans l'exercice de ce pouvoir, l'État membre doit respecter les principes généraux du droit communautaire.

(cf. point 42, disp. 1)

2.     Dans le cadre du régime de prélèvement supplémentaire sur le lait prévu par les règlements nºs 3950/92 et 536/93, le droit communautaire ne s'oppose pas à une réglementation imposant aux producteurs de lait de consigner dans un registre les quantités de beurre produites et l'usage qui a été fait de celles-ci, même si le beurre a été détruit ou transformé en aliment pour bétail, lorsque, dans l'État membre concerné, un contrôle effectif, sur le seul fondement des prescriptions communautaires, de l'exactitude des décomptes de vente directe établis par les producteurs s'avère difficile.

(cf. point 49, disp. 2)




ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

14 septembre 2006 (*)

«Lait et produits laitiers – Vente directe – Quantité de référence – Dépassement – Prélèvement supplémentaire sur le lait – Obligation du producteur de tenir une comptabilité ‘matière’ – Article 7, paragraphes 1 et 3, du règlement (CEE) n° 536/93 – Mesures nationales supplémentaires – Compétence des États membres»

Dans l’affaire C-496/04,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le College van Beroep voor het bedrijfsleven (Pays-Bas), par décision du 26 novembre 2004, parvenue à la Cour le 1er décembre 2004, dans la procédure

J. Slob

contre

Productschap Zuivel,

LA COUR (première chambre),

composée de M. P. Jann, président de chambre, Mme N. Colneric (rapporteur), MM. J. N. Cunha Rodrigues, M. Ilešič et E. Levits, juges,

avocat général: Mme E. Sharpston,

greffier: Mme L. Hewlett,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 12 janvier 2006,

considérant les observations présentées:

–       pour M. Slob, par Mes G. van der Wal et H. S. J. Albers, advocaten,

–       pour le gouvernement néerlandais, par Mmes H. G. Sevenster et C. A. H. M. ten Dam, en qualité d’agents,

–       pour la Commission des Communautés européennes, par M. T. van Rijn, en qualité d’agent,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 22 juin 2006,

rend le présent

Arrêt

1       La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 7, paragraphes l, première phrase, et 3, du règlement (CEE) n° 536/93 de la Commission, du 9 mars 1993, fixant les modalités d’application du prélèvement supplémentaire dans le secteur du lait et des produits laitiers (JO L 57, p. 12).

2       Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Slob, producteur de lait, au Productschap Zuivel (ci-après le «Productschap») au sujet du prélèvement supplémentaire dont l’intéressé a été rendu redevable.

 Le cadre juridique

 La réglementation communautaire

3       Le règlement (CEE) n° 3950/92 du Conseil, du 28 décembre 1992, établissant un prélèvement supplémentaire dans le secteur du lait et des produits laitiers (JO L 405, p. 1), a prolongé de sept nouvelles périodes consécutives de douze mois débutant le 1er avril 1993 le régime de prélèvement supplémentaire sur le lait institué par le règlement (CEE) n° 856/84 du Conseil, du 31 mars 1984, modifiant le règlement (CEE) n° 804/68 portant organisation commune des marchés dans le secteur du lait et des produits laitiers (JO L 90, p. 10).

4       Selon le sixième considérant du règlement n° 3950/92, le dépassement des quantités globales garanties pour l’État membre «entraîne le paiement du prélèvement par les producteurs qui ont contribué au dépassement».

5        L’article 2, paragraphe 1, du règlement n° 3950/92 prévoit:

«Le prélèvement est dû sur toutes les quantités de lait ou d’équivalent-lait commercialisées pendant la période de douze mois en question et qui dépassent l’une ou l’autre des quantités visées à l’article 3. Il est réparti entre les producteurs qui ont contribué au dépassement.

[...]»

6       Aux termes de l’article 9, sous c) et h), dudit règlement, on entend par:

«c)      ‘producteur’: l’exploitant agricole, personne physique ou morale ou groupement de personnes physiques ou morales dont l’exploitation est située sur le territoire géographique de la Communauté:

–       qui vend du lait ou d’autres produits laitiers directement au consommateur

et/ou

–       qui livre à l’acheteur;

[...]

h)      ‘lait ou équivalent-lait vendus directement à la consommation’: le lait ou les produits laitiers convertis en équivalent-lait, vendus ou cédés gratuitement sans l’intermédiaire d’une entreprise traitant ou transformant du lait ou d’autres produits laitiers.»

7       Selon le deuxième considérant du règlement n° 536/93, les dispositions de ce règlement concernent notamment «les règles de contrôle permettant la vérification de la régularité de la perception du prélèvement».

8       Aux termes du huitième considérant de ce règlement:

«[…] les États membres doivent pouvoir disposer a posteriori des moyens de contrôle appropriés pour vérifier si, et dans quelle mesure, le prélèvement a fait l’objet d’une perception conforme aux dispositions en vigueur; […] ces vérifications doivent comporter au minimum un certain nombre d’opérations qu’il convient de préciser».

9       L’article 1er du règlement n° 536/93 est libellé comme suit:

«Pour le calcul du prélèvement supplémentaire établi par le règlement (CEE) n° 3950/92:

1)      on entend par ‘quantités de lait ou d’équivalent-lait commercialisées’, au sens de l’article 2 paragraphe 1 dudit règlement, dans un État membre, toute quantité de lait ou d’équivalent-lait qui quitte une exploitation située sur le territoire de cet État membre.

[...]

2)      les équivalences à utiliser sont:

[...]

–       1 kilogramme de beurre = 22,5 kilogrammes de lait.

[...]»

10     L’article 4, paragraphe 1, du règlement n° 536/93 prévoit:

«En ce qui concerne les ventes directes, à la fin de chacune des périodes visées à l’article 1er du règlement (CEE) n° 3950/92, le producteur récapitule dans une déclaration le volume de lait et/ou d’autres produits laitiers, par produit, vendus directement à la consommation et/ou à des grossistes, à des affineurs ou à des commerçants pratiquant la vente au détail.

[...]»

11     L’article 7, paragraphes 1 et 3, du règlement n° 536/93 énonce:

«1.      Les États membres prennent toutes les mesures de contrôle nécessaires pour assurer la perception du prélèvement sur les quantités de lait et d’équivalent-lait commercialisées en dépassement de l’une ou l’autre des quantités visées à l’article 3 du règlement (CEE) n° 3950/92. À cette fin:

[...]

f)      les producteurs qui disposent d’une quantité de référence ventes directes tiennent à la disposition de l’autorité compétente de l’État membre, pendant au moins trois ans, d’une part, une comptabilité ‘matière’, par période de douze mois, indiquant le volume, par mois et par produit, de lait et/ou des produits laitiers vendus directement à la consommation et/ou à des grossistes, à des affineurs ou à des commerçants pratiquant la vente au détail et, d’autre part, le registre des animaux utilisés pour la production laitière sur l’exploitation, conformément à l’article 4 paragraphe 1 de la directive 92/102/CEE du Conseil [...] et les pièces justificatives permettant de contrôler cette comptabilité ‘matière’.

[…]

3.      L’État membre vérifie dans les faits l’exactitude de la comptabilisation des quantités de lait et d’équivalent-lait commercialisées et, à cette fin, procède à des contrôles des transports de lait au cours du ramassage dans les exploitations et effectue, sur place, notamment le contrôle:

[...]

b)      auprès des producteurs disposant d’une quantité de référence ventes directes, de la vraisemblance de la déclaration visée à l’article 4 paragraphe 1 et de la comptabilité ‘matière’ visée au paragraphe 1 point f).

[...]»

12     Le règlement (CE) n° 1392/2001 de la Commission, du 9 juillet 2001, portant modalités d’application du règlement n° 3950/92 (JO L 187, p. 19), a remplacé le règlement n° 536/93 avec effet au 31 mars 2002. Son article 6, paragraphe 1, premier alinéa, est identique à l’article 4, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement n° 536/93.

13     L’article 6, paragraphe 2, second alinéa, du règlement n° 1392/2001 dispose:

«L’État membre peut prévoir qu’un producteur disposant d’une quantité de référence pour la vente directe est tenu à déclarer, le cas échéant, ne pas avoir vendu de lait pendant la période en cause.»

 La réglementation nationale

14     L’arrêté de 1993 sur le prélèvement supplémentaire (Regeling superheffing 1993, Nederlandse Staatscourant 1993, n° 60, p. 18, ci-après la «Regeling superheffing») a mis en œuvre aux Pays-Bas le régime du prélèvement supplémentaire sur le lait.

15     L’article 4 de la Regeling superheffing prévoit:

«1.      Le producteur est redevable d’un prélèvement pour la quantité de lait ou d’équivalent-lait directement vendue à la consommation qui dépasse sa quantité de référence ventes directes.

[…]»

16     L’article 29 de cette Regeling dispose:

«1.      Le producteur visé à l’article 4 déclare au Productschap, conformément à l’article 4 du règlement (CEE) n° 536/93 et conformément aux règles établies à cette fin par le Productschap, la quantité de lait ou d’autres produits laitiers qu’il a directement livrée au consommateur [...] au cours de la période de prélèvement écoulée en la spécifiant par produit.

[...]»

17     L’article 31 de ladite Regeling énonce:

«1.      Le producteur [...] redevable d’un prélèvement au titre des articles [...] 4 ou susceptible de l’être est tenu de tenir une comptabilité conformément à l’article 7 du règlement (CEE) n° 536/93 et aux règles définies par le Productschap.

2.      Le Productschap peut fixer d’office la quantité livrée si les obligations imposées par le paragraphe 1 ainsi que par l’article 27, paragraphe 2, et l’article 29, paragraphe 1, ne sont pas respectées ou le sont insuffisamment de l’avis du Productschap.»

18     L’article 11, paragraphe 1, de l’arrêté d’application de 1994 du règlement sur le prélèvement supplémentaire (Zuivelverordening 1994, Uitvoering regeling superheffing, PBO-blad 1994, p. 26, ci-après la «Zuivelverordening») est libellé comme suit:

«Le producteur est tenu de consigner tout ce qui concerne son entreprise ou son exploitation dans un registre permettant de connaître à tout moment la production, le stock et les quantités de lait traitées ou transformées qu’il a reçues et qu’il a livrées ainsi que les données financières s’y rapportant et de conserver ce registre et ces données pendant au moins trois ans.»

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

19     M. Slob est producteur de lait. Lors d’un contrôle de son exploitation, en décembre 1997, il a été constaté, pour la période de prélèvement 1996/1997, une différence d’environ 250 000 kilogrammes de lait entre, d’une part, le potentiel de production, établi sur la base du nombre de vaches laitières que M. Slob détenait, et, d’autre part, la production vendue directement, telle que déclarée par M. Slob au Productschap.

20     M. Slob a affirmé avoir transformé en beurre les 250 000 kilogrammes de lait en cause, lors du processus de fabrication du babeurre utilisé pour la production du fromage, et avoir détruit le beurre ainsi produit immédiatement après la production. Il n’a tenu aucune comptabilité «matière» de cette production et de cette destruction, une telle comptabilité ayant été uniquement tenue pour le fromage obtenu en fin de processus.

21     Après la fixation d’office, au titre de l’article 31, paragraphe 2, de la Regeling superheffing, des quantités de lait et d’autres produits laitiers que M. Slob a directement livrées à la consommation au cours de la période de prélèvement 1996/1997, le Productschap a déclaré l’intéressé redevable d’une somme de 180 976,77 NLG au titre du prélèvement supplémentaire, par application de l’article 4, paragraphe 2, du règlement n° 536/93.

22     À la suite de la présentation d’une réclamation par M. Slob, le Productschap a, par décision du 4 avril 2000, réduit le montant du prélèvement supplémentaire mis à la charge de l’intéressé. Toutefois, il a déclaré les griefs de M. Slob non fondés pour autant que la différence susmentionnée était concernée. Dans cette décision, il a établi qu’aucune comptabilité n’avait été tenue pour environ 250 000 kilogrammes de lait. Le Productschap en a conclu que M. Slob n’avait pas tenu, au cours de la période de prélèvement 1996/1997, de comptabilité correcte et complète de la production, des stocks ainsi que des livraisons de lait et de produits laitiers.

23     M. Slob a interjeté appel de cette décision du 4 avril 2000 devant la juridiction de renvoi.

24     Saisie à titre préjudiciel par cette juridiction, la Cour, dans son arrêt du 12 février 2004, Slob (C-236/02, Rec. p. I‑1861) a dit pour droit que l’article 7, paragraphe 1, première phrase et sous f), du règlement n° 536/93 doit être interprété en ce sens que la comptabilité «matière» que le producteur a l’obligation de tenir ne doit indiquer que le volume, par mois et par produit, de lait et/ou de produits laitiers vendus.

25     La Cour ne s’est pas prononcée sur une éventuelle compétence des États membres pour adopter une législation qui impose aux producteurs laitiers établis sur leur territoire des obligations comptables allant au-delà de celles découlant de la disposition à interpréter, dès lors que ce point ne faisait pas l’objet de la question préjudicielle posée (voir arrêt Slob, précité, point 30).

26     Le College van Beroep voor het bedrijfsleven a de nouveau saisi la Cour. Il relève que, dans l’arrêt Slob, précité, la Cour n’a pas répondu à la question de savoir si, sur la base de l’article 7, paragraphes 1, première phrase, et 3 du règlement n° 536/93, un État membre dispose du pouvoir d’imposer au producteur, en plus de l’obligation de conserver une comptabilité «matière» conformément à l’article 7, paragraphe l, première phrase et sous f), dudit règlement, une obligation telle que celle prévue à l’article 11, paragraphe l, de la Zuivelverordening, dans la mesure où cette question, apparue au cours de la procédure, n’avait pas été posée par la juridiction de renvoi.

27     En conséquence, le College van Beroep voor het bedrijfsleven a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      L’article 7, paragraphe l, [première phrase], et paragraphe 3, du règlement (CEE) n° 536/93 doit-il être interprété en ce sens que cette disposition donne le pouvoir à un État membre d’adopter une réglementation imposant aux producteurs de lait établis sur son territoire des obligations comptables allant au-delà de celles qui découlent de l’article 7, paragraphe l, sous f), de ce même règlement?

2)      En cas de réponse affirmative à la première question, y a-t-il lieu de juger, à propos d’une règle selon laquelle le producteur est obligé de justifier à son administration les quantités de beurre produites et leur usage, même si le beurre a été détruit ou a été transformé en aliment pour bétail, qu’une telle règle reste dans le pouvoir d’appréciation laissé à l’État membre?»

 Sur les demandes introduites par M. Slob après la clôture de la procédure orale

28     Par demande du 14 juillet 2006, parvenue au greffe de la Cour le 20 juillet suivant, M. Slob a demandé à la Cour, à titre principal, de lui permettre de déposer des observations écrites à la suite des conclusions de Mme l’avocat général présentées à l’audience du 22 juin 2006, à titre subsidiaire, d’ordonner la réouverture de la procédure orale en vertu de l’article 61 du règlement de procédure et, à titre plus subsidiaire, de lui répondre d’une autre manière afin de lui permettre de répondre aux conclusions de Mme l’avocat général pour garantir son droit fondamental à une procédure contradictoire.

29     M. Slob soutient que ces conclusions contiennent des arguments erronés tant sur le plan des faits qu’en droit, qu’il n’expose toutefois pas à ce stade de la procédure dans l’intérêt d’une bonne tenue du procès. Il fait valoir que, même si le règlement de procédure ne prévoit pas la possibilité pour les parties de formuler des observations écrites à la suite du prononcé des conclusions, ce règlement n’exclut pas expressément cette possibilité.

30     Pour les motifs exposés aux points 3 à 16 de l’ordonnance du 4 février 2000, Emesa Sugar (C-17/98, Rec. p. I‑665), le fait que le statut de la Cour de justice et le règlement de procédure de celle-ci ne prévoient pas la possibilité pour les parties de déposer des observations en réponse aux conclusions présentées par l’avocat général n’est pas de nature à porter atteinte au droit du justiciable à une procédure contradictoire, tel que découlant de l’article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome, le 4 novembre 1950, selon l’interprétation qu’en donne la Cour européenne des droits de l’homme.

31     Dès lors, il convient de rejeter la demande tendant à permettre à M. Slob de déposer des observations écrites en réponse aux conclusions de Mme l’avocat général.

32     Compte tenu de la finalité même du contradictoire, qui est d’éviter que la Cour puisse être influencée par des arguments qui n’auraient pas pu être discutés par les parties, la Cour peut d’office ou sur proposition de l’avocat général, ou encore à la demande des parties, ordonner la réouverture de la procédure orale, conformément à l’article 61 de son règlement de procédure, si elle considère qu’elle est insuffisamment éclairée ou que l’affaire doit être tranchée sur la base d’un argument qui n’a pas été débattu entre les parties (voir ordonnance du 28 avril 2004, Waddenvereniging et Vogelbeschermingsvereniging, C-127/02, non publiée au Recueil, point 8; arrêts du 29 avril 2004, Parlement/Ripa di Meana e.a., C‑470/00 P, Rec. p. I-4167, point 33, et du 11 juillet 2006, Commission/Cresson, C‑432/04, non encore publié au Recueil, point 50).

33     En l’espèce, ces conditions ne sont pas réunies.

34     Il convient de rappeler, en outre, que l’article 234 CE institue une coopération directe entre la Cour et les juridictions nationales par une procédure non contentieuse, étrangère à toute initiative des parties et au cours de laquelle celles-ci sont seulement invitées à se faire entendre (voir, en ce sens, arrêt du 19 janvier 1994, SAT Fluggesellschaft, C‑364/92, Rec. p. I-43, point 9).

35     Par conséquent, il convient, l’avocat général entendu, de rejeter la demande de réouverture de la procédure orale.

36     Il résulte de tout ce qui précède que la demande introduite à titre plus subsidiaire doit également être rejetée.

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la première question

37     L’objectif du règlement n° 536/93 est de fixer les modalités d’application du prélèvement supplémentaire dans le secteur du lait et des produits laitiers visant à garantir l’efficacité de ce prélèvement et à prévenir la fraude.

38     Selon le huitième considérant de ce règlement, les États membres doivent pouvoir disposer a posteriori des moyens de contrôle appropriés pour vérifier si, et dans quelle mesure, le prélèvement a fait l’objet d’une perception conforme aux dispositions en vigueur. De tels contrôles sont prévus à l’article 7 dudit règlement pour assurer l’exactitude des décomptes de collecte et de vente directe établis par les acheteurs et les producteurs (arrêt du 25 mars 2004, Cooperativa Lattepiù e.a., C-231/00, C-303/00 et C-451/00, Rec. p. I‑2869, point 70).

39     Rien ne s’oppose à ce qu’un État membre prenne d’autres mesures que celles énoncées à l’article 7, paragraphes 1, deuxième phrase, et 3, du règlement n° 536/93 dès lors qu’il peut les considérer comme nécessaires. En effet, il découle du libellé de l’article 7, paragraphe 1, première phrase, dudit règlement, que les États membres sont même tenus de prendre toutes les mesures de contrôle nécessaires pour assurer la perception du prélèvement. Si cet article 7, paragraphes 1 et 3, précise ensuite certaines des mesures devant être prises, il n’exclut nullement que celles-ci soient complétées par d’autres mesures qui se révèlent nécessaires dans cet État membre. Ainsi qu’il ressort du huitième considérant du même règlement, les mesures énoncées ne constituent que des règles minimales.

40     Contrairement à ce que soutient M. Slob, une telle latitude n’exige pas que les mesures éventuelles que les États membres peuvent adopter soient précisées par le règlement même.

41     Toutefois, lorsqu’elles adoptent des mesures d’application d’une réglementation communautaire, les autorités nationales sont tenues d’exercer leur pouvoir discrétionnaire dans le respect des principes généraux du droit communautaire, parmi lesquels figurent les principes de proportionnalité, de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime (arrêt Cooperativa Lattepiù e.a., précité, point 57).

42     Il convient donc de répondre à la première question que l’article 7, paragraphe l, première phrase, du règlement n° 536/93 doit être interprété en ce sens que cette disposition donne le pouvoir à un État membre d’adopter, dans la mesure du nécessaire, une réglementation imposant aux producteurs de lait établis sur son territoire des obligations comptables supplémentaires allant au-delà de celles qui découlent de l’article 7, paragraphe l, sous f), de ce même règlement. Dans l’exercice de ce pouvoir, l’État membre doit respecter les principes généraux du droit communautaire.

 Sur la seconde question

43     Par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si le droit communautaire s’oppose à une réglementation nationale imposant aux producteurs de lait de consigner dans un registre les quantités de beurre produites et l’usage qui a été fait de celles-ci, même si le beurre a été détruit ou transformé en aliment pour bétail.

44     À cet égard, il y a lieu de rappeler que l’adoption de mesures sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, première phrase, du règlement n° 536/93 est soumise à la condition que ces mesures soient nécessaires.

45     Le gouvernement néerlandais a, de façon convaincante, justifié la nécessité de la mesure en cause au principal par la structure du secteur du lait et notamment par l’existence d’un certain nombre de grands élevages de vaches laitières pratiquant la vente directe de leur production, lesquels sont difficilement contrôlables sur le seul fondement des prescriptions communautaires.

46     Le principe de proportionnalité ne saurait s’opposer à un contrôle, aux Pays-Bas, des quantités produites mais non commercialisées. En effet, cette mesure ne va pas non plus au-delà de ce qui est nécessaire, eu égard à la structure du secteur néerlandais du lait, pour assurer un contrôle efficace destiné à éviter que des quantités produites mais commercialisées en dehors du régime du prélèvement supplémentaire sur le lait entrent dans le circuit économique.

47     Les principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime ne s’opposent pas non plus à des mesures de contrôle telles que celles en cause dans l’affaire au principal. Une lecture combinée de l’article 7, paragraphe 1, première phrase, du règlement n° 536/93 et du huitième considérant de ce règlement fait apparaître, de façon claire et précise, que la liste des mesures énoncées audit article 7 n’est pas exhaustive et que les États membres sont même tenus, le cas échéant, de prendre des mesures supplémentaires (voir, à propos des critères du principe de sécurité juridique, arrêt du 16 mars 2006, Emsland-Stärke, C‑94/05, non encore publié au Recueil, point 43). En outre, la Cour a jugé que le principe de protection de la confiance légitime ne peut être invoqué à l’encontre d’une disposition précise d’un texte de droit communautaire et du comportement d’une autorité nationale correspondant à ce texte (voir, en ce sens, arrêt Emsland-Stärke, précité, point 31). Un opérateur économique ne saurait dès lors légitimement s’attendre à ne pas être soumis à des contrôles supplémentaires.

48     Contrairement à ce que fait valoir M. Slob, une réglementation telle que celle édictée à l’article 11 de la Zuivelverordening ne change pas la base du prélèvement supplémentaire. Elle n’est qu’un moyen de contrôle additionnel et doit être appliquée en tenant compte de l’objectif visé à l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 536/93, consistant à assurer une perception du prélèvement supplémentaire conforme aux dispositions communautaires en vigueur.

49     Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la seconde question que le droit communautaire ne s’oppose pas à une réglementation imposant aux producteurs de lait de consigner dans un registre les quantités de beurre produites et l’usage qui a été fait de celles-ci, même si le beurre a été détruit ou transformé en aliment pour bétail, lorsque, dans l’État membre concerné, un contrôle effectif, sur le seul fondement des prescriptions communautaires, de l’exactitude des décomptes de vente directe établis par les producteurs s’avère difficile.

 Sur les dépens

50     La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit:

1)      L’article 7, paragraphe 1, première phrase, du règlement (CEE) n° 536/93 de la Commission, du 9 mars 1993, fixant les modalités d’application du prélèvement supplémentaire dans le secteur du lait et des produits laitiers, doit être interprété en ce sens que cette disposition donne le pouvoir à un État membre d’adopter, dans la mesure du nécessaire, une réglementation imposant aux producteurs de lait établis sur son territoire des obligations comptables supplémentaires allant au-delà de celles qui découlent de l’article 7, paragraphe 1, sous f), de ce même règlement. Dans l’exercice de ce pouvoir, l’État membre doit respecter les principes généraux du droit communautaire.

2)      Le droit communautaire ne s’oppose pas à une réglementation imposant aux producteurs de lait de consigner dans un registre les quantités de beurre produites et l’usage qui a été fait de celles-ci, même si le beurre a été détruit ou transformé en aliment pour bétail, lorsque, dans l’État membre concerné, un contrôle effectif, sur le seul fondement des prescriptions communautaires, de l’exactitude des décomptes de vente directe établis par les producteurs s’avère difficile.

Signatures


* Langue de procédure: le néerlandais.

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