Choisissez les fonctionnalités expérimentales que vous souhaitez essayer

Ce document est extrait du site web EUR-Lex

Document 62004CJ0493

    Arrêt de la Cour (troisième chambre) du 9 mars 2006.
    L. H. Piatkowski contre Inspecteur van de Belastingdienst grote ondernemingen Eindhoven.
    Demande de décision préjudicielle: Gerechtshof te 's-Hertogenbosch - Pays-Bas.
    Libre circulation des travailleurs - Sécurité sociale - Personne exerçant simultanément une activité salariée et une activité non salariée dans deux États membres différents - Soumission à la législation de sécurité sociale de chacun de ces États - Règlement (CEE) nº 1408/71 - Article 14 quater, sous b), et annexe VII - Cotisation de sécurité sociale prélevée sur des intérêts versés par une société établie dans un État membre à une personne résidant dans un autre État membre.
    Affaire C-493/04.

    Recueil de jurisprudence 2006 I-02369

    Identifiant ECLI: ECLI:EU:C:2006:167

    Affaire C-493/04

    L. H. Piatkowski

    contre

    Inspecteur van de Belastingdienst grote ondernemingen Eindhoven

    (demande de décision préjudicielle, introduite par

    le Gerechtshof te 's-Hertogenbosch)

    «Libre circulation des travailleurs — Sécurité sociale — Personne exerçant simultanément une activité salariée et une activité non salariée dans deux États membres différents — Soumission à la législation de sécurité sociale de chacun de ces États — Règlement (CEE) nº 1408/71 — Article 14 quater, sous b), et annexe VII — Cotisation de sécurité sociale prélevée sur des intérêts versés par une société établie dans un État membre à une personne résidant dans un autre État membre»

    Conclusions de l'avocat général M. F. G. Jacobs, présentées le 17 novembre 2005 

    Arrêt de la Cour (troisième chambre) du 9 mars 2006 

    Sommaire de l'arrêt

    Sécurité sociale des travailleurs migrants — Législation applicable — Personne exerçant simultanément une activité salariée et une activité non salariée dans deux États membres différents

    (Traité CE, art. 48 et 52 (devenus, après modification, art. 39 CE et 43 CE); règlement du Conseil nº 1408/71, art. 14 quater, b), tel que modifié par le règlement nº 1606/98)

    S'agissant d'une personne exerçant simultanément une activité salariée et une activité non salariée dans deux États membres différents, les articles 48 et 52 du traité (devenus, après modification, articles 39 CE et 43 CE) et l'article 14 quater, sous b), du règlement nº 1408/71, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement nº 118/97, tel que modifié par le règlement nº 1606/98, doivent être interprétés en ce sens qu'ils ne s'opposent pas à la législation d'un État membre qui intègre dans l'assiette des cotisations sociales les intérêts tels que ceux versés par une société établie dans cet État membre à un ressortissant du premier État qui réside dans le deuxième et qui est soumis, en application dudit règlement et compte tenu de la nature de ses activités professionnelles, aux législations de sécurité sociale de ces deux États membres.

    En effet, à supposer même que la règle d'interdiction de la double imposition, ressortant dudit article 14 quater, sous b), du règlement nº 1408/71, selon lequel chacun des États membres concernés ne saurait percevoir de cotisations que sur la partie des revenus qui a été acquise sur son territoire, ne s'applique pas seulement aux revenus provenant des activités salariées et non salariées, mais s'étende à tous les revenus acquis par les personnes qui relèvent des dispositions dudit article, la circonstance que ce règlement ne comporte aucun critère de rattachement, à l'État membre où le travailleur exerce une activité, des revenus perçus sous forme d'intérêts ne saurait faire obstacle, par elle-même, à ce que la législation de cet État membre soumette à cotisation ces mêmes revenus lorsqu'ils ne sont pas soumis à cotisation sociale dans l'État membre où le travailleur réside et exerce l'autre activité.

    À cet égard, le traité ne garantit pas à un travailleur que l'extension de ses activités dans plus d'un État membre ou leur transfert dans un autre État membre soient neutres en matière de sécurité sociale. Compte tenu des disparités des législations de sécurité sociale des États membres, auxquelles il appartient, en l'absence d'une harmonisation au niveau communautaire, de déterminer les conditions du droit ou de l'obligation de s'affilier à un régime de sécurité sociale, une telle extension ou un tel transfert peuvent, selon les cas, être plus ou moins avantageux ou désavantageux pour le travailleur sur le plan de la protection sociale. Il en découle que, même dans le cas où son application est ainsi moins favorable, une telle législation demeure conforme aux dispositions des articles 48 et 52 du traité si elle ne désavantage pas le travailleur concerné par rapport à ceux qui exercent la totalité de leurs activités dans l'État membre où elle s'applique ou par rapport à ceux qui y étaient déjà précédemment assujettis et si elle ne conduit pas purement et simplement à verser des cotisations sociales à fonds perdus.

    (cf. points 29-32, 34, 40 et disp.)




    ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

    9 mars 2006 (*)

    «Libre circulation des travailleurs – Sécurité sociale – Personne exerçant simultanément une activité salariée et une activité non salariée dans deux États membres différents – Soumission à la législation de sécurité sociale de chacun de ces États – Règlement (CEE) nº 1408/71 – Article 14 quater, sous b), et annexe VII – Cotisation de sécurité sociale prélevée sur des intérêts versés par une société établie dans un État membre à une personne résidant dans un autre État membre»

    Dans l’affaire C-493/04,

    ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Gerechtshof te ’s-Hertogenbosch (Pays-Bas), par décision du 9 juin 2004, parvenue à la Cour le 1er décembre 2004, dans la procédure

    L. H. Piatkowski

    contre

    Inspecteur van de Belastingdienst grote ondernemingen Eindhoven,

    LA COUR (troisième chambre),

    composée de M. A. Rosas, président de chambre, MM. J. Malenovský (rapporteur) et J.‑P. Puissochet, juges,

    avocat général: M. F. G. Jacobs,

    greffier: M. R. Grass,

    vu la procédure écrite,

    considérant les observations présentées:

    –       pour le gouvernement néerlandais, par Mmes H. Sevenster et C. Wissels, en qualité d’agents,

    –       pour la Commission des Communautés européennes, par MM. D. Martin et P. van Nuffel, en qualité d’agents,

    ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 17 novembre 2005,

    rend le présent

    Arrêt

    1       La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 48 et 52 du traité CE (devenus, après modification, articles 39 CE et 43 CE) ainsi que de l’article 14 quater, sous b), du règlement (CEE) nº 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CE) nº 118/97 du Conseil, du 2 décembre 1996 (JO 1997, L 28, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) n° 1606/98 du Conseil, du 29 juin 1998 (JO L 209, p. 1, ci-après le «règlement nº 1408/71»).

    2       Cette demande a été présentée dans le cadre du litige opposant M. Piatkowski à l’Inspecteur van de Belastingdienst grote ondernemingen Eindhoven (chef de l’unité «Grandes entreprises» d’Eindhoven du service central des impôts, ci‑après l’«Inspecteur») au sujet de la détermination de la base des cotisations dues par l’intéressé au régime de sécurité sociale des Pays-Bas.

     Le cadre juridique

     La réglementation communautaire

    3       L’article 13, paragraphe 1, du règlement nº 1408/71 prévoit:

    «Sous réserve des articles 14 quater et 14 septies, les personnes auxquelles le présent règlement est applicable ne sont soumises qu’à la législation d’un seul État membre. [...]»

    4       L’article 14 quater dudit règlement fixe les règles particulières applicables aux personnes exerçant simultanément une activité salariée et une activité non salariée sur le territoire de différents États membres.

    5       Selon cet article 14 quater, sous b), la personne qui exerce simultanément une activité salariée et une activité non salariée sur le territoire de différents États membres est soumise, dans les cas mentionnés à l’annexe VII de ce même règlement, à la législation de l’État membre sur le territoire duquel elle exerce une activité salariée et à la législation de l’État membre sur le territoire duquel elle exerce une activité non salariée.

    6       Au nombre des cas mentionnés à l’annexe VII du règlement nº 1408/71 dans lesquels une personne est soumise simultanément à la législation de deux États membres figure, au point 1 de cette annexe, celui de l’exercice par une personne d’une activité non salariée en Belgique et d’une activité salariée dans un autre État membre.

     La réglementation nationale

    7       Selon l’article 6, paragraphe 1, sous b), de la loi néerlandaise portant régime général des pensions de retraite (Algemene Ouderdomswet), est assurée au régime prévu par la loi toute personne non-résidente soumise à l’impôt sur les revenus dans le cadre d’un travail salarié effectué aux Pays-Bas. Il en est de même selon les autres lois relatives aux assurances sociales, à savoir la loi portant régime général des allocations familiales (Algemene Kinderbijslagwet), la loi portant régime général des pensions de survivants (Algemene Nabestaandenwet) et la loi portant régime général des soins de santé particuliers (Algemene wet bijzondere ziektekosten).

    8       Aux Pays-Bas, la perception des cotisations d’assurances sociales est régie par la loi sur le financement de la sécurité sociale (Wet financiering volksverzekeringen, ci-après la «WFV»).

    9       Selon l’article 6 de la WFV:

    «L’assuré est redevable de la cotisation pour les assurances sociales.»

    10     Aux termes de l’article 7 de cette loi:

    «L’assiette du calcul de la cotisation des assurances sociales est le revenu-prime du redevable.»

    11     Selon l’article 8 de la WFV, on entend par «revenu-prime» le revenu imposable ou le revenu national imposable au sens de la loi néerlandaise relative à l’impôt sur le revenu (Wet op de inkomstenbelasting, ci‑après la «WIB»).

    12     Selon l’article 49, paragraphe 1, sous c), 4º, de la WIB, les revenus provenant de créances à la charge d’une société établie aux Pays-Bas font partie du revenu national imposable si le bénéficiaire de ces revenus détient un intérêt important dans cette société au sens de l’article 20, sous a), de cette même loi et que cet intérêt ne fait pas partie de l’actif d’une société.

     Le litige au principal et la question préjudicielle

    13     M. Piatkowski, ressortissant néerlandais, a fixé son domicile, à compter de 1996, en Belgique où il exerce des activités professionnelles de gérant de sociétés. Ces activités sont considérées par la législation belge relative à la sécurité sociale comme des activités non salariées.

    14     L’intéressé exerce également une activité de directeur de la société à responsabilité limitée Vanderheide Beheer BV (ci-après «Vanderheide»), établie aux Pays-Bas, filiale à 100 % d’une société belge dont M. Piatkowski et son épouse détiennent chacun 50 % des parts. Cette activité, pour laquelle l’intéressé a perçu en 1998 un salaire soumis à l’impôt sur le revenu aux Pays-Bas, est considérée par la législation néerlandaise relative aux assurances sociales comme une activité salariée.

    15     M. Piatkowski est titulaire d’une créance sur la société DuvedeC BV, établie aux Pays-Bas et détenue à 41 % par Vanderheide. En 1998, M. Piatkowski a perçu des intérêts sur cette créance (ci-après les «intérêts litigieux»), dont le montant a été pris en compte pour la détermination de son revenu-prime de ladite année.

    16     Contestant cette prise en compte, M. Piatkowski a présenté une réclamation auprès de l’Inspecteur. La cotisation correspondante a cependant été confirmée par décision du 17 mars 2000. M. Piatkowski a alors présenté un recours devant le Gerechtshof te ’s‑Hertogenbosch. Il a notamment soutenu devant cette juridiction que, en vertu du règlement nº 1408/71, il appartenait aux autorités compétentes du Royaume de Belgique, l’État dans lequel il a établi sa résidence, de prélever une cotisation sur les intérêts litigieux.

    17     Considérant qu’il existait un doute raisonnable sur le point de savoir si le prélèvement de la cotisation des assurances sociales néerlandaises sur les intérêts litigieux était compatible avec le droit communautaire, le Gerechtshof te ’s‑Hertogenbosch a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

    «Le droit communautaire, et plus particulièrement le droit à la libre circulation, ainsi que l’article 14 quater, sous b), du règlement nº 1408/71 […] font-ils obstacle à ce que les Pays-Bas prélèvent une prime destinée aux assurances sociales sur les revenus perçus sous forme d’intérêts payés par une société établie aux Pays-Bas à un résident belge auquel tant la législation néerlandaise que la législation belge en matière de sécurité sociale sont applicables au titre de l’article 14 quater, sous b), combiné à l’annexe VII, point 1, du règlement nº 1408/71?»

     Sur la question préjudicielle

    18     Il ressort du libellé de la question posée, lue en combinaison avec les motifs de la décision de renvoi, que le Gerechtshof te ’s‑Hertogenbosch demande en substance si l’article 48 du traité relatif à la libre circulation des travailleurs et l’article 52 du traité relatif à la liberté d’établissement, ainsi que l’article 14 quater, sous b), du règlement nº 1408/71, doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à la législation néerlandaise qui intègre dans l’assiette des cotisations sociales les intérêts tels que ceux versés dans l’affaire au principal par une société établie aux Pays-Bas à un ressortissant néerlandais résidant en Belgique et soumis, en application dudit règlement et compte tenu de la nature de ses activités professionnelles, aux législations de sécurité sociale de ces deux États membres, alors qu’il n’existe pas de critère clair de rattachement de ces intérêts à l’État membre d’établissement de ladite société.

    19     À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que l’objectif du règlement n° 1408/71 est d’assurer, ainsi que l’énoncent ses deuxième et quatrième considérants, la libre circulation des travailleurs salariés et non salariés dans la Communauté européenne, tout en respectant les caractéristiques propres aux législations nationales de sécurité sociale. À cet effet, ainsi qu’il résulte de ses cinquième, sixième et dixième considérants, ce règlement retient pour principe l’égalité de traitement des travailleurs au regard des différentes législations nationales et vise à garantir au mieux l’égalité de traitement de tous les travailleurs occupés sur le territoire d’un État membre ainsi qu’à ne pas pénaliser les travailleurs qui exercent leur droit à la libre circulation (voir arrêts du 8 mars 2001, Commission/Allemagne, C-68/99, Rec. p. I-1865, points 22 et 23, ainsi que du 26 mai 2005, Allard, C‑249/04, Rec. p. I-4535, point 31).

    20     Le système mis en place par le règlement nº 1408/71 est uniquement un système de coordination, portant notamment, à son titre II, sur la détermination de la ou des législations applicables aux travailleurs salariés et non salariés qui font usage, dans différentes circonstances, de leur droit à la libre circulation. Il est inhérent à un tel système que le niveau des cotisations sociales à acquitter au titre de l’exercice d’une activité diffère selon l’État membre où cette activité est totalement ou partiellement exercée ou selon la législation de sécurité sociale à laquelle cette activité est soumise (voir, en ce sens, arrêts Commission/Allemagne, précité, point 29, et du 19 mars 2002, Hervein e.a., C‑393/99 et C‑394/99, Rec. p. I-2829, point 52).

    21     L’article 13 du règlement no 1408/71, qui ouvre le titre II de ce règlement relatif à la détermination de la législation applicable, dispose à son paragraphe 1 que, sous réserve des articles 14 quater et 14 septies, les personnes auxquelles ledit règlement est applicable ne sont soumises qu’à la législation d’un seul État membre. Comme il ressort, notamment, des cinquième, huitième et dixième considérants de ce même règlement, ce principe de l’unicité de la législation applicable en matière de sécurité sociale vise à supprimer les inégalités de traitement qui, pour les travailleurs salariés et non salariés qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté, seraient la conséquence d’un cumul partiel ou total des législations applicables (voir, en ce sens, arrêt du 15 février 2000, Commission/France, C‑169/98, Rec. p. I‑1049, point 43). C’est ainsi que, conformément à l’article 14 bis, paragraphe 2, du règlement no 1408/71, la personne qui exerce normalement une activité non salariée sur le territoire de deux ou de plusieurs États membres est soumise à la législation de l’État membre sur le territoire duquel elle réside (voir arrêt du 30 janvier 1997, De Jaeck, C‑340/94, Rec. p. I‑461, point 11).

    22     L’article 14 quater, sous b), du règlement nº 1408/71 dispose toutefois que, dans les cas visés à l’annexe VII de ce règlement, la personne qui exerce à la fois une activité salariée dans un État membre et une activité non salariée dans un autre État membre est soumise simultanément à la législation de chacun de ces États. Cette personne est dès lors tenue d’acquitter les cotisations qui lui sont, le cas échéant, imposées par l’une et l’autre de ces législations (arrêt De Jaeck, précité, point 39).

    23     Aussi, dans une situation telle que celle exposée dans l’affaire au principal où il est constant que M. Piatkowski exerce à la fois une activité salariée aux Pays-Bas et une activité non salariée en Belgique et relève ainsi du cas visé à l’annexe VII, point 1, du règlement nº 1408/71, il ressort des dispositions mêmes dudit règlement que l’intéressé peut être tenu d’acquitter les cotisations prévues par la législation néerlandaise des assurances sociales, alors même qu’il acquitte des cotisations au titre de la législation belge des assurances sociales.

    24     Il importe alors d’examiner si l’article 14 quater, sous b), du règlement nº 1408/71 exclut qu’un travailleur puisse être soumis, pour un même revenu, aux charges sociales découlant de l’application simultanée des deux législations nationales en cause.

    25     À cet égard, il doit être relevé, comme le fait la juridiction de renvoi, que la version de l’article 14 quater, sous b), du règlement nº 1408/71, applicable aux faits de l’espèce au principal, ne précise plus, contrairement à sa version antérieure, que l’application simultanée de la législation de chacun des États membres concernés n’a lieu qu’«en ce qui concerne l’activité exercée sur leur territoire».

    26     Toutefois, pour l’interprétation d’une disposition de droit communautaire, il importe de tenir compte non seulement des termes de cette disposition, mais également du contexte de cette disposition et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie (arrêts De Jaeck, précité, point 17, et du 7 juin 2005, VEMW e.a., C‑17/03, non encore publié au Recueil, point 41).

    27     Or, interpréter les dispositions de l’article 14 quater, sous b), du règlement nº 1408/71 comme autorisant une double cotisation pour un même revenu pénaliserait les travailleurs qui exercent leur droit à la libre circulation et serait dès lors manifestement contraire à l’objectif de ce règlement. Ainsi que la Cour l’a jugé en ce qui concerne l’article 14 quinquies, paragraphe 2, dudit règlement, celui-ci fait obligation aux États membres de traiter de manière non discriminatoire les travailleurs soumis aux dispositions de l’article 14 quater, sous b), de ce même règlement par rapport aux travailleurs exerçant l’ensemble de leurs activités dans un seul État membre (voir, en ce sens, arrêt Hervein e.a., précité, point 61).

    28     Aussi ressort-il implicitement, mais nécessairement de ces dispositions que, dans les cas visés à l’annexe VII du règlement nº 1408/71, la personne assurée est soumise à la législation de l’État membre où elle exerce une activité salariée en ce qui concerne cette activité et à la législation de l’État membre où elle exerce une activité non salariée en ce qui concerne l’activité non salariée.

    29     Dès lors, en ce qui concerne les revenus provenant des activités salariées et ceux provenant des activités non salariées, qui ne peuvent en aucun cas faire l’objet d’une double cotisation, chacun des États membres concernés ne saurait percevoir de cotisations que sur la partie des revenus qui a été acquise sur son territoire (voir, en ce sens, arrêt De Jaeck, précité, point 40).

    30     Or, il est constant que les intérêts litigieux ne sont pas soumis à cotisation sociale en Belgique. En conséquence, à supposer même que la règle d’interdiction d’une double cotisation, rappelée au point précédent du présent arrêt, ne s’applique pas seulement aux revenus provenant des activités salariées et à ceux provenant des activités non salariées, mais s’étende à tous les revenus acquis par les personnes qui relèvent des dispositions de l’article 14 quater, sous b), du règlement nº 1408/71, la législation néerlandaise en cause ne porte, en tout état de cause, pas atteinte à cette règle.

    31     Dans ces conditions, la circonstance que ce règlement ne comporte aucun critère de rattachement, aux Pays-Bas, des revenus perçus sous forme d’intérêts ne saurait faire obstacle, par elle-même, à ce que la législation de cet État membre soumette ces revenus à cotisation de sécurité sociale.

    32     Par ailleurs, dès lors que le droit communautaire ne porte pas atteinte à la compétence des États membres pour aménager leurs régimes de sécurité sociale (arrêt du 13 mai 2003, Müller-Fauré et van Riet, C‑385/99, Rec. p. I‑4509, point 100), il appartient, en l’absence d’une harmonisation au niveau communautaire, à la législation de chaque État membre concerné de déterminer les conditions du droit ou de l’obligation de s’affilier à un régime de sécurité sociale, ainsi que le niveau des cotisations dues par les affiliés (voir, notamment, arrêt du 8 septembre 2005, Blanckaert, C‑512/03, non encore publié au Recueil, point 49), et les revenus à prendre en compte pour le calcul de ces cotisations (arrêt du 26 janvier 1999, Terhoeve, C‑18/95, Rec. p. I‑345, point 51).

    33     Il importe seulement que, dans l’exercice de sa compétence, l’État membre concerné respecte le droit communautaire (voir, notamment, arrêts Terhoeve, précité, point 34, et du 7 juillet 2005, Van Pommeren-Bourgondiën, C‑227/03, non encore publié au Recueil, point 39).

    34     À cet égard, la Cour a jugé que le traité CE ne garantit pas à un travailleur que l’extension de ses activités dans plus d’un État membre ou leur transfert dans un autre État membre soient neutres en matière de sécurité sociale. Compte tenu des disparités des législations de sécurité sociale des États membres, une telle extension ou un tel transfert peuvent, selon les cas, être plus ou moins avantageux ou désavantageux pour le travailleur sur le plan de la protection sociale. Il en découle que, même dans le cas où son application est ainsi moins favorable, une telle législation demeure conforme aux dispositions des articles 48 et 52 du traité si elle ne désavantage pas le travailleur concerné par rapport à ceux qui exercent la totalité de leurs activités dans l’État membre où elle s’applique ou par rapport à ceux qui y étaient déjà précédemment assujettis et si elle ne conduit pas purement et simplement à verser des cotisations sociales à fonds perdus (voir, en ce sens, arrêt Hervein e.a., précité, point 51).

    35     En l’occurrence, il doit être constaté, tout d’abord, que l’article 49, paragraphe 1, sous c), 4º, de la WIB, selon lequel les revenus provenant de créances à la charge d’une société établie aux Pays-Bas font partie du revenu soumis à cotisation de sécurité sociale, s’applique indifféremment à tout bénéficiaire de ces revenus sans désavantager les travailleurs qui comme M. Piatkowski ont fait usage de leur droit à la libre circulation, par rapport aux travailleurs qui exercent la totalité de leurs activités dans cet État membre.

    36     Ensuite, il est constant que les cotisations sociales acquittées par l’intéressé aux Pays-Bas lui ouvrent un droit à protection sociale dans cet État membre, en complément de celui dont il bénéficie en Belgique, et ne sont donc pas versées à fonds perdus.

    37     Certes, il s’avère que la prise en compte des intérêts litigieux dans le revenu-prime servant de base au calcul des cotisations sociales dues par M. Piatkowski ne lui ouvrira pas en tant que telle un droit à des prestations sociales supplémentaires aux Pays-Bas par rapport à celles dont il bénéficiait déjà dans cet État membre. Toutefois, une telle situation résulte, d’une part, comme il a été dit au point 32 du présent arrêt, de la compétence que conserve chaque État membre pour déterminer le niveau des cotisations dues par les affiliés et les revenus à prendre en compte pour le calcul de ces cotisations. La portée de la protection sociale et le mode de calcul précis des cotisations sociales ne sont pas pertinents, dès lors que l’obligation de payer lesdites cotisations est contrebalancée par la protection sociale globale offerte.

    38     D’autre part, si l’ampleur de la protection sociale est dans l’affaire au principal indépendante du montant des cotisations sociales versées, une telle situation est inhérente à un régime de sécurité sociale qui repose sur un principe de solidarité.

    39     Il n’apparaît pas, dans ces conditions, que la législation néerlandaise en cause au principal porte atteinte au principe de liberté de circulation des personnes garanti par les articles 48 et 52 du traité.

    40     Il y a donc lieu de répondre à la question posée par la juridiction de renvoi que les articles 48 et 52 du traité, relatifs respectivement à la libre circulation des travailleurs et à la liberté d’établissement, ainsi que 14 quater, sous b), du règlement nº 1408/71 doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à la législation néerlandaise qui intègre dans l’assiette des cotisations sociales les intérêts tels que ceux versés dans l’affaire au principal par une société établie aux Pays-Bas à un ressortissant néerlandais résidant en Belgique et soumis, en application dudit règlement et compte tenu de la nature de ses activités professionnelles, aux législations de sécurité sociale de ces deux États membres.

     Sur les dépens

    41     La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

    Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit:

    Les articles 48 et 52 du traité CE (devenus, après modification, articles 39 CE et 43 CE), relatifs respectivement à la libre circulation des travailleurs et à la liberté d’établissement, ainsi que 14 quater, sous b), du règlement (CEE) nº 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CE) nº 118/97 du Conseil, du 2 décembre 1996, tel que modifié par le règlement (CE) nº 1606/98 du Conseil, du 29 juin 1998, doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à la législation néerlandaise qui intègre dans l’assiette des cotisations sociales les intérêts tels que ceux versés dans l’affaire au principal par une société établie aux Pays‑Bas à un ressortissant néerlandais résidant en Belgique et soumis, en application dudit règlement et compte tenu de la nature de ses activités professionnelles, aux législations de sécurité sociale de ces deux États membres.

    Signatures


    * Langue de procédure: le néerlandais.

    Haut