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Document 62003CJ0432

Arrêt de la Cour (première chambre) du 10 novembre 2005.
Commission des Communautés européennes contre République portugaise.
Manquement d'État - Articles 28 CE et 30 CE - Directive 89/106/CEE - Décision 3052/95/CE - Procédure nationale d'homologation - Non-prise en compte des certificats d'homologation établis dans d'autres États membres - Produits de construction.
Affaire C-432/03.

Recueil de jurisprudence 2005 I-09665

Identifiant ECLI: ECLI:EU:C:2005:669

Affaire C-432/03

Commission des Communautés européennes

contre

République portugaise

«Manquement d'État — Articles 28 CE et 30 CE — Directive 89/106/CEE — Décision 3052/95/CE — Procédure nationale d'homologation — Non-prise en compte des certificats d'homologation établis dans d'autres États membres — Produits de construction»

Conclusions de l'avocat général M. L. A. Geelhoed, présentées le 8 septembre 2005 

Arrêt de la Cour (première chambre) du 10 novembre 2005 

Sommaire de l'arrêt

1.     Rapprochement des législations — Produits de construction — Directive 89/106 — Procédure spéciale en l'absence de spécifications techniques harmonisées ou reconnues au niveau communautaire — Application en l'absence d'indications données par l'État membre de fabrication à l'État membre de destination quant à l'organisme d'homologation agréé — Exclusion — Procédure spéciale indépendante de l'application des articles 28 CE et 30 CE

(Art. 28 CE et 30 CE; directive du Conseil 89/106, art. 16)

2.     Libre circulation des marchandises — Restrictions quantitatives — Mesures d'effet équivalent — Réglementation nationale soumettant des tuyaux de polyéthylène importés à une procédure d'homologation sans tenir compte des certificats d'homologation délivrés par les États membres d'origine — Inadmissibilité — Justification — Absence — Violation du principe de proportionnalité — Manquement à la procédure d'information mutuelle sur les mesures nationales dérogeant au principe de libre circulation des marchandises

(Art. 28 CE et 30 CE; décision du Parlement européen et du Conseil nº 3052/95, art. 1er et 4, § 2)

1.     En vertu de la procédure spéciale prévue à l'article 16 de la directive 89/106 concernant les produits de construction, un produit de construction, originaire d'un État membre et pour lequel il n'existe pas de spécifications techniques harmonisées ou reconnues au niveau communautaire, doit être considéré par l'État membre de destination comme conforme aux dispositions en vigueur dans cet État s'il a satisfait aux essais et aux contrôles effectués dans l'État membre de fabrication par un organisme agréé selon les méthodes en vigueur dans l'État membre de destination ou reconnues comme équivalentes par celui-ci.

Toutefois, l'article 16 de la directive 89/106 ne règle pas la situation d'un opérateur économique ayant importé un produit de construction pour lequel il n'existe pas de spécifications techniques harmonisées ou reconnues au niveau communautaire lorsque l'État membre de fabrication n'a pas indiqué à l'État membre de destination l'organisme qu'il a agréé ou qu'il a l'intention d'agréer à cette fin.

En outre, la procédure spéciale prévue à l'article 16 de la directive n'exclut pas que le refus par un organisme d'homologation d'attester l'équivalence d'un certificat délivré par un organisme d'homologation d'un autre État membre soit apprécié au regard des articles 28 CE et 30 CE.

(cf. points 36, 38, 40)

2.     L'exigence d'une homologation préalable d'un produit pour attester de son caractère adéquat pour un usage donné, comme le rejet, dans ce cadre, d'une reconnaissance de l'équivalence des certificats d'homologation délivrés dans un autre État membre restreignent l'accès au marché de l'État membre d'importation et doivent donc être considérés comme une mesure ayant un effet équivalant à une restriction quantitative à l'importation au sens de l'article 28 CE.

Dès lors, manque aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 28 CE et 30 CE un État membre qui ne tient pas compte de certificats d'homologation délivrés par d'autres États membres lors d'une procédure d'homologation de tuyaux polyéthylènes importés de ces États membres.

En effet, si un État membre est libre de soumettre un produit ayant déjà fait l'objet d'une agréation dans un autre État membre à une nouvelle procédure d'examen et d'agréation, les autorités des États membres sont néanmoins tenues de contribuer à un allégement des contrôles dans le commerce intracommunautaire. Il en résulte qu'elles ne sont pas en droit d'exiger sans nécessité des analyses techniques ou chimiques ou des essais de laboratoire lorsque les mêmes analyses et essais ont déjà été effectués dans un autre État membre et que leurs résultats sont à la disposition de ces autorités ou peuvent, sur leur demande, être mis à leur disposition.

Le strict respect de cette obligation exige une attitude active tant de la part de l'organisme national saisi d'une demande d'homologation d'un produit ou de reconnaissance de l'équivalence d'un certificat que de la part de l'organisme d'homologation d'un autre État membre qui a émis un tel certificat. Il incombe aux États membres de s'assurer que les organismes d'homologation compétents coopèrent mutuellement, dans le but de faciliter les procédures à suivre pour obtenir l'accès au marché national de l'État membre d'importation.

Une mesure instituée par un État membre ne saurait ainsi être considérée comme n'allant pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l'objectif poursuivi si elle fait double emploi avec des contrôles qui ont déjà été effectués dans le cadre d'autres procédures soit dans ce même État, soit dans un autre État membre.

En outre, en ne notifiant pas à la Commission une telle mesure dans un délai de 45 jours, conformément à la décision nº 3052/95 établissant une procédure d'information mutuelle sur les mesures nationales dérogeant au principe de la libre circulation des marchandises à l'intérieur de la Communauté, l'État membre en cause manque aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 1er et 4, paragraphe 2, de ladite décision.

(cf. points 41, 45-47, 60, 62 et disp.)




ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

10 novembre 2005 (*)

«Manquement d’État – Articles 28 CE et 30 CE – Directive 89/106/CEE – Décision 3052/95/CE – Procédure nationale d’homologation – Non-prise en compte des certificats d’homologation établis dans d’autres États membres – Produits de construction»

Dans l’affaire C-432/03,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 226 CE, introduit le 10 octobre 2003,

Commission des Communautés européennes, représentée par M. A. Caeiros, en qualité d’agent, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

République portugaise, représentée par M. L. Fernandes, en qualité d’agent, assisté de Me N. Ruiz, advogado, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

LA COUR (première chambre),

composée de M. P. Jann, président de chambre, M. K. Schiemann, Mme N. Colneric, MM. K. Lenaerts (rapporteur) et E. Juhász, juges,

avocat général: M. L. A. Geelhoed,

greffier: Mme M. Ferreira, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 9 juin 2005,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 8 septembre 2005,

rend le présent

Arrêt

1       Par sa requête, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour de constater que, en ne tenant pas compte de certificats d’homologation délivrés par d’autres États membres lors d’une procédure d’homologation, en vertu de l’article 17 du règlement général sur la construction urbaine (Regulamento Geral das Edificações Urbanas), adopté par décret-loi nº 38/382 du 7 août 1951 (Diário do Governo, série I, nº 166, du 7 août 1951, p. 715, ci-après le «décret-loi»), de tuyaux polyéthylènes importés de ces autres États membres et en n’informant pas la Commission d’une telle mesure, la République portugaise a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 28 CE et 30 CE, ainsi que des articles 1er et 4, paragraphe 2, de la décision n° 3052/95/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 1995, établissant une procédure d’information mutuelle sur les mesures nationales dérogeant au principe de libre circulation des marchandises à l’intérieur de la Communauté (JO L 321, p. 1).

 Le cadre juridique

 La réglementation communautaire

2       La directive 89/106/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres concernant les produits de construction (JO 1989, L 40, p. 12), telle que modifiée par la directive 93/68/CEE du Conseil, du 22 juillet 1993 (JO L 220, p. 1, ci-après la «directive 89/106»), s’applique, en vertu de son article 1er, paragraphe 1, aux produits de construction dans la mesure où les exigences essentielles relatives aux ouvrages et visées à l’article 3, paragraphe 1, de cette même directive les concernent.

3       Aux termes de l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 89/106, est considéré comme un «produit de construction» aux fins de ladite directive «tout produit qui est fabriqué en vue d’être incorporé de façon durable dans des ouvrages de construction, qui couvrent tant les bâtiments que les ouvrages du génie civil».

4       En vertu de l’article 2, paragraphe 1, de cette directive, les États membres prennent toutes dispositions nécessaires pour assurer que les produits visés à l’article 1er et destinés à être utilisés dans des ouvrages ne peuvent être mis sur le marché que s’ils sont aptes à l’usage prévu, c’est-à-dire s’ils ont des caractéristiques telles que les ouvrages dans lesquels ils doivent être incorporés, assemblés, utilisés ou installés puissent, à condition d’avoir été convenablement conçus et construits, satisfaire aux exigences essentielles visées à l’article 3 dans les cas où ces ouvrages font l’objet d’une réglementation contenant de telles exigences.

5       L’article 3, paragraphe 1, de la même directive prévoit que ces exigences essentielles sont énoncées à l’annexe I de celle-ci sous la forme d’objectifs. Lesdites exigences concernent certaines caractéristiques des ouvrages en matière de résistance mécanique et de stabilité, de sécurité en cas d’incendie, d’hygiène, de santé et d’environnement, de sécurité d’utilisation, de protection contre le bruit, d’économie d’énergie et d’isolation thermique.

6       Aux termes de l’article 4, paragraphe 1, de la directive 89/106, on entend par «spécifications techniques» aux fins de celle-ci les normes et les agréments techniques.

7       L’article 4, paragraphe 2, de cette directive prévoit que les États membres présument aptes à l’usage les produits qui permettent aux ouvrages pour lesquels ils sont utilisés de satisfaire auxdites exigences essentielles, lorsque ces produits portent le marquage «CE», qui atteste qu’ils sont conformes aux normes nationales transposant des normes harmonisées, à un agrément technique européen ou aux spécifications techniques nationales visées au paragraphe 3 de cet article, dans la mesure où il n’existe pas de spécifications harmonisées.

8       Ledit paragraphe 3 permet aux États membres de communiquer à la Commission le texte de leurs spécifications techniques nationales qu’ils estiment conformes aux exigences essentielles afin que celle-ci notifie aux États membres celles desdites spécifications techniques nationales qui bénéficient de la présomption de conformité aux exigences essentielles.

9       L’article 6, paragraphes 1 et 2, de la directive 89/106 dispose:

«1.      Les États membres ne font pas obstacle à la libre circulation, la mise sur le marché ou l’utilisation sur leur territoire des produits qui satisfont aux dispositions de la présente directive.

Les États membres veillent à ce que l’utilisation de tels produits, conformément à leur destination, ne soit pas interdite par des règles ou conditions imposées par des organismes publics ou des organismes privés agissant en qualité d’entreprises publiques ou d’organismes publics du fait de leur position de monopole.

2.      Les États membres autorisent toutefois la mise sur le marché sur leur territoire des produits non couverts par l’article 4 paragraphe 2 s’ils satisfont à des dispositions nationales conformes au traité, et ce, jusqu’à ce que les spécifications techniques européennes visées aux chapitres II et III en disposent autrement. […]»

10     L’article 16 de la même directive énonce:

«1.      Lorsque, pour un produit déterminé, il n’existe pas de spécifications techniques telles que définies à l’article 4, l’État membre de destination, procédant sur demande, cas par cas, considère ce produit comme conforme aux dispositions nationales en vigueur s’il a satisfait aux essais et aux contrôles effectués dans l’État membre de fabrication par un organisme agréé selon les méthodes en vigueur dans l’État membre de destination ou reconnues comme équivalentes par celui-ci.

2.      L’État membre de fabrication indique à l’État membre de destination, dont la réglementation s’applique aux essais et aux contrôles à effectuer, l’organisme qu’il a l’intention d’agréer à cette fin. L’État membre de destination et l’État membre de fabrication se communiquent tous les renseignements nécessaires. À l’issue de l’échange de renseignements, l’État membre de fabrication agrée l’organisme ainsi désigné. Si un État membre a des doutes, il justifie sa position et informe la Commission.

3.      Les États membres veillent à ce que les organismes désignés s’accordent mutuellement toute l’assistance nécessaire.

4.      Lorsqu’un État membre constate qu’un organisme agréé n’effectue pas les essais et les contrôles conformément à ses dispositions nationales, il en informe l’État membre dans lequel l’organisme a été agréé. Celui-ci communique à l’autre État membre, dans un délai raisonnable, les mesures qu’il a prises. Si ce dernier ne juge pas les mesures suffisantes, il peut interdire la mise sur le marché et l’utilisation du produit en cause ou les soumettre à des conditions particulières. Il en informe l’autre État membre et la Commission.»

11     La décision n° 3052/95 dispose, à son article 1er:

«Lorsqu’un État membre fait obstacle à la libre circulation ou à la mise sur le marché d’un certain modèle ou d’un certain type de produit légalement fabriqué ou commercialisé dans un autre État membre, il notifie cette mesure à la Commission dès lors qu’elle a pour effet direct ou indirect:

–       une interdiction générale,

–       un refus d’autorisation de mise sur le marché,

–       la modification du modèle ou type de produit en cause, en vue de sa mise ou de son [maintien] sur le marché

ou

–       un retrait du marché.»

12     L’article 3, paragraphe 2, de la décision n° 3052/95 prévoit que cette obligation de notification ne s’applique pas, entre autres, aux mesures prises uniquement en application de dispositions communautaires d’harmonisation et aux mesures qui sont notifiées à la Commission en vertu de dispositions spécifiques.

13     L’article 4, paragraphes 1 et 2, de cette décision dispose que la notification visée à l’article 1er doit être faite de manière suffisamment détaillée ainsi que sous une forme claire et compréhensible et que la communication des informations pertinentes intervient dans un délai de 45 jours à compter du jour où la mesure est prise.

 La réglementation nationale

14     En vertu de l’article 17 du décret-loi, l’utilisation de nouveaux matériaux ou procédés de construction pour lesquels il n’existe pas de spécifications officielles ni de pratique d’utilisation suffisante est subordonnée à l’avis préalable du laboratoire national du génie civil du ministère des Travaux publics (Laboratório Nacional de Engenharia Civil, ci-après le «LNEC»).

15     Selon les arrêtés du ministère des Travaux publics du 2 novembre 1970 (Diário do Governo, série II, nº 261, du 10 novembre 1970, p. 7834) et du 7 avril 1971 (Diário do Governo, série II, nº 91, du 19 avril 1971, p. 2357), seuls les matériaux plastiques homologués par le LNEC peuvent être utilisés dans le réseau de distribution d’eau.

 La procédure précontentieuse

16     En avril 2000, la Commission a reçu une plainte émanant d’une entreprise portugaise qui s’était vu refuser par l’autorité de contrôle, la société Empresa Pública de Águas Livres de Lisboa SA (ci-après «EPAL»), l’autorisation nécessaire pour l’installation, dans le système de tuyauterie d’un bâtiment, de tuyaux polyéthylènes PEX importés d’Italie et d’Espagne, au motif que ces tuyaux n’avaient pas été homologués par le LNEC. L’entreprise demanderesse a, ensuite, saisi ce dernier afin d’obtenir une attestation d’équivalence des certificats étrangers dont elle disposait.

17     Par lettre du 26 mai 2000, le LNEC a informé l’entreprise demanderesse du rejet de sa demande d’une attestation d’équivalence du certificat délivré par l’Istituto Italiano dei Plastici (ci-après l’«IIP») au motif que ce dernier ne figurait pas parmi les organismes membres de l’Union européenne pour l’agrément technique dans la construction (ci-après l’«UEATC»), ni parmi d’autres organismes avec lesquels le LNEC avait conclu un accord de coopération dans le domaine en question.

18     Par lettre de mise en demeure du 12 septembre 2000, la Commission a informé la République portugaise que, en soumettant, en vertu de l’article 17 du décret-loi, des tuyaux polyéthylènes importés d’autres États membres à une procédure d’homologation sans tenir compte des certificats d’homologation délivrés par ces autres États membres et en n’informant pas la Commission d’une telle mesure, elle avait manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 28 CE et 30 CE et des articles 1er et 4, paragraphe 2, de la décision n° 3052/95.

19     Jugeant insatisfaisante la réponse fournie par les autorités portugaises, la Commission leur a adressé, le 16 mai 2001, un avis motivé les invitant à prendre les mesures nécessaires pour s’y conformer dans un délai de deux mois suivant sa notification.

20     N’étant pas satisfaite de la réponse des autorités portugaises, la Commission a introduit le présent recours.

 Sur le recours

 Sur le premier grief, tiré d’une violation des articles 28 CE et 30 CE

 Argumentation des parties

21     La Commission fait observer, tout d’abord, que, si les tuyaux en cause sont bien des «produits de construction» au sens de la directive 89/106, ils ne font pas l’objet de normes harmonisées au sens de l’article 4 de celle-ci. Quant à la procédure spéciale prévue à l’article 16 de cette directive, elle n’aurait pas été applicable en l’espèce aux motifs, d’une part, qu’il n’existerait pas de spécifications techniques portugaises relatives aux tuyaux en cause et, d’autre part, que les méthodes de certification et d’octroi d’homologation en vigueur dans les deux États membres concernés ne seraient pas les mêmes ni équivalentes. Les règles auxquelles lesdits tuyaux sont soumis au Portugal devraient donc être examinées à la lumière des articles 28 CE et 30 CE.

22     En effet, la procédure d’homologation à laquelle est subordonnée, en vertu de l’article 17 du décret-loi, l’utilisation de tuyaux polyéthylènes importés d’autres États membres constituerait une mesure d’effet équivalent à une restriction quantitative à l’importation. Les autorités portugaises n’auraient pas indiqué les raisons pour lesquelles les tuyaux en cause n’assurent pas un niveau de protection de la santé et de la vie des personnes équivalant à celui que la réglementation portugaise entend assurer.

23     Conformément à la jurisprudence en matière de libre circulation des marchandises, les autorités portugaises seraient obligées de tenir compte des certificats émis par des organismes de certification d’autres États membres qui, bien que n’étant pas membres de l’UEATC, sont reconnus par les autres États membres comme étant habilités à certifier les produits en question. Dans la mesure où les autorités portugaises ne disposaient pas d’informations suffisantes sur le contexte juridique dans lequel l’IIP avait émis son certificat, elles auraient pu obtenir ces informations auprès des autorités italiennes.

24     Par rapport à l’objectif de protection de la santé et de la vie des personnes, il serait en outre disproportionné de refuser l’homologation des tuyaux au motif que le LNEC réserve l’homologation à des systèmes de tuyauterie.

25     En tout état de cause, pour qu’un régime d’autorisation administrative préalable soit justifié alors même qu’il déroge à des libertés fondamentales, il devrait être fondé sur des critères objectifs, non discriminatoires et connus à l’avance, de manière à encadrer l’exercice du pouvoir d’appréciation des autorités nationales afin que celui-ci ne soit pas exercé de manière arbitraire.

26     Le gouvernement portugais soutient que les dispositions nationales en cause ne font que mettre en œuvre l’article 2 de la directive 89/106, qui impose aux États membres l’obligation de garantir que les produits de construction ne peuvent être mis sur le marché que si leur utilisation dans les ouvrages auxquels ils sont destinés permet à ces derniers de satisfaire aux exigences essentielles énoncées à l’annexe I de cette directive.

27     Étant donné que les tuyaux en cause ne font l’objet ni d’une norme harmonisée ou d’un agrément technique européen, ni d’une spécification technique nationale reconnue au niveau communautaire, la République portugaise serait en droit de les soumettre à une procédure d’homologation telle que celle prévue à l’article 17 du décret-loi.

28     S’agissant de produits relevant de la directive 89/106, le principe selon lequel un État membre ne pourrait pas exiger des analyses ou des essais lorsque ceux-ci ont déjà été effectués dans un autre État membre se matérialiserait d’ailleurs dans la procédure spéciale de contrôle de conformité, prévue à l’article 16 de cette directive. Or, en l’espèce, la République italienne, en tant qu’État de fabrication, n’aurait pas suivi cette procédure.

29     Dès lors que le LNEC n’était pas en mesure de coopérer avec l’IIP, il n’aurait pas pu, sous peine de violer l’article 16 de la directive 89/106, homologuer les tuyaux sur la seule base du certificat émis par l’IIP. En effet, reconnaître un certificat dans ces conditions reviendrait à accepter le principe de la reconnaissance de n’importe quel certificat, émis par n’importe quel organisme, indépendamment de toute garantie quant au caractère adéquat des produits concernés et quant à la réalité et à la suffisance des mécanismes de contrôle.

30     Enfin, un régime basé sur le contrôle de la conformité des systèmes de tuyauterie ne créerait pas nécessairement des obstacles plus importants aux échanges des tuyaux entre le Portugal et les autres États membres qu’un régime d’homologation de tuyaux isolés. En effet, la garantie de la sécurité des constructions ne pourrait être assurée par le seul contrôle des tuyaux isolés.

 Appréciation de la Cour

31     Avant d’examiner la conformité de la procédure d’homologation, applicable en vertu de l’article 17 du décret-loi, avec les articles 28 CE et 30 CE, il convient de vérifier si, ainsi que le soutient le gouvernement portugais, la République portugaise, en appliquant cette procédure, n’a fait que se conformer aux obligations qui découlent de la directive 89/106.

32     La directive 89/106 a pour objet principal d’éliminer les obstacles aux échanges en créant des conditions permettant aux produits de construction d’être librement commercialisés à l’intérieur de la Communauté. À cette fin, elle précise les exigences essentielles auxquelles doivent satisfaire les bâtiments et ouvrages dans lesquels les produits de construction doivent être utilisés et qui sont mises en œuvre par des normes harmonisées et des normes nationales de transposition, par des agréments techniques européens et par des spécifications techniques nationales reconnues au niveau communautaire. Aux termes de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 89/106, les États membres ne font pas obstacle à la libre circulation, la mise sur le marché ou l’utilisation sur leur territoire des produits qui satisfont aux dispositions de cette même directive.

33     Il est constant entre les parties que les tuyaux en cause, tout en étant des «produits de construction» au sens de la directive 89/106, ne font l’objet ni d’une norme harmonisée ou d’un agrément technique européen, ni d’une spécification technique nationale reconnue au niveau communautaire au sens de l’article 4, paragraphe 2, de cette directive.

34     Or, s’agissant de produits de construction non couverts par l’article 4, paragraphe 2, de la directive 89/106, l’article 6, paragraphe 2, de celle-ci dispose que les États membres autorisent leur mise sur le marché sur leur territoire si ces produits satisfont à des dispositions nationales conformes au traité CE, et ce jusqu’à ce que les spécifications techniques européennes en disposent autrement.

35     Ainsi, la directive 89/106 confirme qu’un État membre ne peut soumettre la mise sur le marché sur son territoire d’un produit de construction, non couvert par des spécifications techniques harmonisées ou reconnues au niveau communautaire, qu’à des dispositions nationales qui soient conformes aux obligations découlant du traité, notamment au principe de la libre circulation des marchandises énoncé aux articles 28 CE et 30 CE.

36     Il est vrai que l’article 16 de la directive 89/106 prévoit une procédure spéciale, en vertu de laquelle un produit de construction, originaire d’un État membre et pour lequel il n’existe pas de spécifications techniques harmonisées ou reconnues au niveau communautaire, doit être considéré par l’État membre de destination comme conforme aux dispositions en vigueur dans cet État s’il a satisfait aux essais et aux contrôles effectués dans l’État membre de fabrication par un organisme agréé selon les méthodes en vigueur dans l’État membre de destination ou reconnues comme équivalentes par celui-ci.

37     Conformément à cette procédure spéciale, l’État membre de destination et l’État membre de fabrication doivent se communiquer tous les renseignements nécessaires afin de permettre à ce dernier d’agréer un organisme à cette fin. Si un État membre a des doutes, il doit justifier sa position et en informer la Commission, conformément à l’article 16, paragraphe 2, de la directive 89/106.

38     Toutefois, l’article 16 de la directive 89/106 ne règle pas la situation d’un opérateur économique ayant importé un produit de construction pour lequel il n’existe pas de spécifications techniques harmonisées ou reconnues au niveau communautaire lorsque l’État membre de fabrication n’a pas indiqué à l’État membre de destination l’organisme qu’il a agréé ou qu’il a l’intention d’agréer à cette fin.

39     En outre, l’absence d’action de l’un des États membres concernés par ladite procédure ne peut, à elle seule, justifier l’existence d’une restriction à la libre circulation des marchandises à laquelle un opérateur économique se verrait confronté lors de l’utilisation du produit en cause dans un autre État membre.

40     Il s’ensuit que, contrairement à ce qui a été soutenu par le gouvernement portugais, la procédure spéciale prévue à l’article 16 de la directive n’exclut pas que le refus par un organisme d’homologation telle que le LNEC d’attester, dans le cadre d’une procédure d’homologation telle que celle résultant de l’article 17 du décret-loi et des arrêtés ministériels de 1970 et 1971, l’équivalence d’un certificat délivré par un organisme d’homologation d’un autre État membre soit apprécié au regard des articles 28 CE et 30 CE.

41     À cet égard, il convient de relever que l’exigence d’une homologation préalable d’un produit pour attester de son caractère adéquat pour un usage donné, comme le rejet, dans ce cadre, d’une reconnaissance de l’équivalence des certificats délivrés dans un autre État membre restreignent l’accès au marché de l’État membre d’importation et doivent donc être considérés comme une mesure ayant un effet équivalant à une restriction quantitative à l’importation au sens de l’article 28 CE (voir, en ce sens, arrêt du 8 mai 2003, ATRAL, C‑14/02, Rec. p. I‑4431, points 62 et 63).

42     Selon une jurisprudence constante, une telle mesure ne peut être justifiée que par l’une des raisons d’intérêt général énumérées à l’article 30 CE ou par l’une des exigences impératives consacrées par la jurisprudence de la Cour, à condition notamment que cette mesure soit propre à garantir la réalisation de l’objectif poursuivi et n’aille pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre (voir arrêts du 22 janvier 2002, Canal Satélite Digital, C‑390/99, Rec. p. I‑607, point 33; du 20 juin 2002, Radiosistemi, C‑388/00 et C‑429/00, Rec. p. I‑5845, points 40 à 42, et du 8 septembre 2005, Yonemoto, C‑40/04, non encore publié au Recueil, point 55).

43     La procédure d’homologation établie à l’article 17 du décret-loi a pour but de garantir la sécurité des matériaux utilisés dans les bâtiments et les ouvrages de construction et sert, par conséquent, également l’objectif de protection de la santé et de la vie des personnes.

44     Il résulte d’une jurisprudence constante que, en l’absence de règles d’harmonisation, il appartient aux États membres de décider du niveau auquel ils entendent assurer la protection de la santé et de la vie des personnes et de l’exigence d’une autorisation préalable à la mise sur le marché des produits concernés (voir arrêt du 27 juin 1996, Brandsma, C‑293/94, Rec. p. I‑3159, point 11).

45     Toutefois, une mesure instituée par un État membre ne saurait être considérée comme n’allant pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif poursuivi si elle fait double emploi avec des contrôles qui ont déjà été effectués dans le cadre d’autres procédures soit dans ce même État, soit dans un autre État membre (voir, en ce sens, arrêt Canal Satélite Digital, précité, point 36).

46     Ainsi que la Cour l’a déjà jugé, si un État membre est libre de soumettre un produit ayant déjà fait l’objet d’une agréation dans un autre État membre à une nouvelle procédure d’examen et d’agréation, les autorités des États membres sont néanmoins tenues de contribuer à un allégement des contrôles dans le commerce intracommunautaire. Il en résulte qu’elles ne sont pas en droit d’exiger sans nécessité des analyses techniques ou chimiques ou des essais de laboratoire lorsque les mêmes analyses et essais ont déjà été effectués dans un autre État membre et que leurs résultats sont à la disposition de ces autorités ou peuvent, sur leur demande, être mis à leur disposition (arrêts du 17 décembre 1981, Frans-Nederlandse Maatschappij voor Biologische Producten, 272/80, Rec. p. 3277, point 14; Brandsma, précité, point 12, et du 17 septembre 1998, Harpegnies, C‑400/96, Rec. p. I‑5121, point 35).

47     Le strict respect de cette obligation exige une attitude active de la part de l’organisme national saisi d’une demande d’homologation d’un produit ou de reconnaissance, dans ce cadre, de l’équivalence d’un certificat émis par un organisme d’homologation d’un autre État membre. Une telle attitude active s’impose d’ailleurs, le cas échéant, également à ce dernier organisme, et il incombe, à cet égard, aux États membres de s’assurer que les organismes d’homologation compétents coopèrent mutuellement, dans le but de faciliter les procédures à suivre pour obtenir l’accès au marché national de l’État membre d’importation.

48     En l’espèce, le LNEC a refusé de reconnaître l’équivalence du certificat délivré par l’IIP au motif que ce dernier organisme n’était pas membre de l’UEATC, à laquelle le LNEC est affilié, et n’avait conclu avec celui-ci aucun accord de coopération dans le domaine concerné. Il ressort du dossier que le LNEC n’a ni sollicité de l’entreprise demanderesse les informations se trouvant en sa possession et qui auraient permis au LNEC d’évaluer la nature du certificat émis par l’IIP, ni contacté ce dernier afin d’obtenir de telles informations.

49     Or, en soumettant, en vertu de l’article 17 du décret-loi, l’utilisation du produit en cause à une procédure d’homologation sans tenir compte, dans ce cadre, d’un certificat émis par un organisme d’homologation d’un autre État membre et sans solliciter de l’entreprise demanderesse ou dudit organisme les renseignements nécessaires, les autorités portugaises ont manqué au devoir de coopération qui découle, dans le contexte d’une demande d’homologation d’un produit importé d’un autre État membre, des articles 28 CE et 30 CE.

50     S’agissant des exigences concrètes auxquelles l’homologation des tuyaux en cause serait soumise au Portugal, et qui, selon le gouvernement portugais, vont au-delà des exigences techniques retenues par l’IIP, il convient de rappeler que, pour qu’un régime d’autorisation administrative préalable soit justifié alors même qu’il déroge aux libertés fondamentales, il doit, en tout état de cause, être fondé sur des critères objectifs, non discriminatoires et connus à l’avance, de manière à encadrer l’exercice du pouvoir d’appréciation des autorités nationales afin que celui-ci ne soit pas exercé de manière arbitraire (arrêt Canal Satélite Digital, précité, point 35).

51     Or, dans la mesure où l’article 17 du décret-loi prévoit uniquement que l’utilisation de nouveaux matériaux ou procédés de construction pour lesquels il n’existe pas de spécifications officielles ni de pratique d’utilisation suffisante est subordonnée à l’avis préalable du LNEC, cette disposition ne remplit déjà pas ces exigences.

52     En soumettant les tuyaux en cause à une procédure d’homologation telle que celle prévue à l’article 17 du décret-loi, la réglementation portugaise ne respecte donc pas le principe de proportionnalité et est, par conséquent, contraire aux articles 28 CE et 30 CE.

53     Il s’ensuit que le premier grief soulevé par la Commission est fondé.

 Sur le second grief, tiré d’une violation des articles 1er et 4, paragraphe 2, de la décision n° 3052/95

 Argumentation des parties

54     La Commission soutient que le refus d’EPAL d’homologuer les produits en cause en l’absence d’un certificat du LNEC et le refus de ce dernier de reconnaître l’équivalence du certificat délivré par l’IIP constituent, conjointement, une «mesure» au sens de la décision n° 3052/95, qui aurait donc dû lui être notifiée dans les 45 jours suivant son adoption.

55     Le gouvernement portugais rétorque qu’il résulte de l’article 3, paragraphe 2, de la décision n° 3052/95 que cette obligation de notification ne s’applique pas aux mesures prises uniquement en application de dispositions communautaires d’harmonisation. Or, en refusant de reconnaître l’équivalence à une homologation nationale du certificat émis par l’IIP, la République portugaise n’aurait fait que mettre en œuvre les obligations qui lui incombent en vertu de la directive 89/106.

 Appréciation de la Cour

56      L’article 1er de la décision n° 3052/95 vise les mesures par lesquelles un État membre fait obstacle à la libre circulation de produits légalement fabriqués ou commercialisés dans un autre État membre.

57     Par «mesure», la décision n° 3052/95 entend toute mesure prise par un État membre, à l’exception des décisions judiciaires, ayant pour effet de limiter la libre circulation de marchandises légalement fabriquées ou commercialisées dans un autre État membre, quelles que soient sa forme ou l’autorité dont elle émane (arrêt Radiosistemi, précité, point 68).

58     Dans la mesure où les décisions prises par EPAL et le LNEC, en vertu du décret-loi et des arrêtés ministériels du 2 novembre 1970 et du 7 avril 1971 ont, dans leur ensemble, effectivement pour effet d’interdire l’utilisation des tuyaux en question, elles doivent être considérées comme constituant une «mesure» au sens de l’article 1er de la décision n° 3052/95.

59     Ainsi qu’il a été relevé aux points 31 à 35 ci-dessus, il ne s’agit pas d’une mesure prescrite par la directive 89/106. Contrairement à ce que prétend la République portugaise, la mesure en cause ne bénéficie donc pas de l’exemption de notification prévue à l’article 3, paragraphe 2, de la décision n° 3052/95.

60     En ne notifiant pas à la Commission une telle mesure dans un délai de 45 jours, la République portugaise a donc violé les obligations qui lui incombent en vertu de la décision n° 3052/95.

61     En conséquence, le second grief de la Commission est également fondé.

62     Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de constater que, en ne tenant pas compte de certificats d’homologation délivrés par d’autres États membres lors d’une procédure d’homologation, en vertu de l’article 17 du décret-loi, de tuyaux polyéthylènes importés de ces autres États membres et en n’informant pas la Commission d’une telle mesure, la République portugaise a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 28 CE et 30 CE, ainsi que des articles 1er et 4, paragraphe 2, de la décision n° 3052/95.

 Sur les dépens

63     En vertu de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République portugaise et cette dernière ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) déclare et arrête:

1)      En ne tenant pas compte de certificats d’homologation délivrés par d’autres États membres lors d’une procédure d’homologation, en vertu de l’article 17 du règlement général sur la construction urbaine, adopté par décret-loi nº 38/382 du 7 août 1951, de tuyaux polyéthylènes importés de ces autres États membres et en n’informant pas la Commission des Communautés européennes d’une telle mesure, la République portugaise a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 28 CE et 30 CE, ainsi que des articles 1er et 4, paragraphe 2, de la décision 3052/95/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 1995, établissant une procédure d’information mutuelle sur les mesures nationales dérogeant au principe de la libre circulation des marchandises à l’intérieur de la Communauté.

2)      La République portugaise est condamnée aux dépens.

Signatures


* Langue de procédure: le portugais.

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