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Document 62003CJ0306

    Arrêt de la Cour (deuxième chambre) du 20 janvier 2005.
    Cristalina Salgado Alonso contre Instituto Nacional de la Seguridad Social (INSS) et Tesorería General de la Seguridad Social (TGSS).
    Demande de décision préjudicielle: Juzgado de lo Social nº 3 de Orense - Espagne.
    Sécurité sociale des travailleurs migrants - Articles 12 CE, 39 CE et 42 CE - Articles 45 et 48, paragraphe 1, du règlement (CEE) nº 1408/71 - Vieillesse et décès - Chômage - Périodes d'assurance minimales - Périodes d'assurance prises en compte pour le calcul du montant des prestations mais non pas pour l'ouverture du droit à ces prestations - Périodes de chômage - Totalisation.
    Affaire C-306/03.

    Recueil de jurisprudence 2005 I-00705

    Identifiant ECLI: ECLI:EU:C:2005:44

    Arrêt de la Cour

    Affaire C-306/03


    Cristalina Salgado Alonso
    contre
    Instituto Nacional de la Seguridad Social (INSS)etTesorería General de la Seguridad Social (TGSS)



    (demande de décision préjudicielle, introduite par le Juzgado de lo Social nº 3 de Orense)

    «Sécurité sociale des travailleurs migrants – Articles 12 CE, 39 CE et 42 CE – Articles 45 et 48, paragraphe 1, du règlement (CEE) nº 1408/71 – Vieillesse et décès – Chômage – Périodes d'assurance minimales – Périodes d'assurance prises en compte pour le calcul du montant des prestations mais non pas pour l'ouverture du droit à ces prestations – Périodes de chômage – Totalisation»

    Conclusions de l'avocat général Mme J. Kokott, présentées le 28 octobre 2004
        
    Arrêt de la Cour (deuxième chambre) du 20 janvier 2005
        

    Sommaire de l'arrêt

    Sécurité sociale des travailleurs migrants – Assurance vieillesse et décès – Périodes à prendre en considération – Législation nationale ne prenant pas en considération, pour l'ouverture du droit aux prestations, des périodes d'assurance accomplies sur le territoire de l'État en qualité de chômeur – Admissibilité

    (Art. 39 CE et 42 CE; règlement du Conseil nº 1408/71, art. 45)

    Les articles 39 CE et 42 CE, ainsi que 45 du règlement nº 1408/71, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement nº 118/97, tel que modifié par le règlement nº 1606/98, doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une règle nationale qui ne permet pas aux autorités compétentes d’un État membre de prendre en considération, aux fins de l’ouverture d’un droit à pension de retraite du régime national, certaines périodes d’assurance accomplies sur le territoire de cet État par un travailleur en chômage et au cours desquelles les cotisations à l’assurance vieillesse ont été versées par l’organisme de gestion de l’assurance chômage, étant précisé que de telles périodes sont prises en considération uniquement pour le calcul du montant de ladite pension.

    (cf. point 38 et disp.)




    ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)
    20 janvier 2005(1)


    «Sécurité sociale des travailleurs migrants – Articles 12 CE, 39 CE et 42 CE – Articles 45 et 48, paragraphe 1, du règlement (CEE) nº 1408/71 – Vieillesse et décès – Chômage – Périodes d’assurance minimales – Périodes d’assurance prises en compte pour le calcul du montant des prestations mais non pas pour l’ouverture du droit à ces prestations – Périodes de chômage – Totalisation»

    Dans l'affaire C-306/03,

    ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l'article 234 CE, introduite par le Juzgado de lo Social n° 3 de Orense (Espagne), par décision du 24 juin 2003, parvenue à la Cour le 16 juillet 2003, dans la procédure

    Cristalina Salgado Alonso

    contre
    Instituto Nacional de la Seguridad Social (INSS),
    Tesorería General de la Seguridad Social (TGSS),



    LA COUR (deuxième chambre),,



    composée de M. C. W. A. Timmermans, président de chambre, M me R. Silva de Lapuerta, MM. R. Schintgen (rapporteur), P. Kūris et G. Arestis, juges,

    avocat général: M me J. Kokott,
    greffier: M me M. Múgica Arzamendi, administrateur principal,

    vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du
    15 septembre 2004,
    considérant les observations présentées:

    pour M me Salgado Alonso, par M e A. Vázquez Conde, abogado,

    pour l'Instituto Nacional de la Seguridad Social (INSS) et la Tesorería General de la Seguridad Social (TGSS), par MM. A. R. Trillo García et A. Llorente Alvarez, en qualité d'agents,

    pour le gouvernement espagnol, par M. E. Braquehais Conesa, en qualité d'agent,

    pour la Commission des Communautés européennes, par M mes H. Michard et I. Martínez del Peral ainsi que par M. D. Martin, en qualité d'agents,

    ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 28 octobre 2004,

    rend le présent



    Arrêt



    1
    La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 12 CE, 39 CE et 42 CE, ainsi que des articles 45 et 48, paragraphe 1, du règlement (CEE) nº 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CE) nº 118/97 du Conseil, du 2 décembre 1996 (JO 1997, L 28, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) nº 1606/98 du Conseil, du 29 juin 1998 (JO L 209, p. 1, ci-après le «règlement nº 1408/71»).

    2
    Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M me  Salgado Alonso à l’Instituto Nacional de la Seguridad Social (Institut national de sécurité sociale, ci-après l’«INSS») et à la Tesorería General de la Seguridad Social (Trésorerie générale de la sécurité sociale, ci-après la «TGSS») au sujet de la liquidation de ses droits à une pension de retraite au titre de la législation espagnole.


    Le cadre juridique

    La réglementation communautaire

    3
    L’article 1 er , sous r), du règlement nº 1408/71 définit l’expression «périodes d’assurance» comme suit:

    «les périodes de cotisation, d’emploi ou d’activité non salariée telles qu’elles sont définies ou admises comme périodes d’assurance par la législation sous laquelle elles ont été accomplies ou sont considérées comme accomplies, ainsi que toutes périodes assimilées dans la mesure où elles sont reconnues par cette législation comme équivalant aux périodes d’assurance».

    4
    L’article 3, paragraphe 1, du règlement nº 1408/71 dispose:

    «Les personnes qui résident sur le territoire de l’un des États membres et auxquelles les dispositions du présent règlement sont applicables sont soumises aux obligations et sont admises au bénéfice de la législation de tout État membre dans les mêmes conditions que les ressortissants de celui-ci, sous réserve de dispositions particulières contenues dans le présent règlement.»

    5
    L’article 45, paragraphe 1, du même règlement énonce le principe de la totalisation des périodes d’assurance pour l’acquisition, le maintien ou le recouvrement du droit à prestations dans les termes suivants:

    «Si la législation d’un État membre subordonne l’acquisition, le maintien ou le recouvrement du droit aux prestations en vertu d’un régime qui n’est pas un régime spécial au sens des paragraphes 2 ou 3, à l’accomplissement de périodes d’assurance ou de résidence, l’institution compétente de cet État membre tient compte, dans la mesure nécessaire, des périodes d’assurance ou de résidence accomplies sous la législation de tout autre État membre, que ce soit dans le cadre d’un régime général ou spécial, applicable à des travailleurs salariés ou non salariés. Dans ce but, elle tient compte de ces périodes, comme s’il s’agissait de périodes accomplies sous la législation qu’elle applique.»

    6
    L’article 46, paragraphe 2, du règlement nº 1408/71 dispose:

    «Lorsque les conditions requises par la législation d’un État membre pour avoir droit aux prestations ne sont satisfaites qu’après l’application de l’article 45 et/ou de l’article 40 paragraphe 3, les règles suivantes sont applicables:

    a)
    l’institution compétente calcule le montant théorique de la prestation à laquelle l’intéressé pourrait prétendre si toutes les périodes d’assurance et/ou de résidence accomplies sous les législations des États membres auxquelles a été soumis le travailleur salarié ou non salarié avaient été accomplies dans l’État membre en cause et sous la législation qu’elle applique à la date de la liquidation de la prestation. Si, selon cette législation, le montant de la prestation est indépendant de la durée des périodes accomplies, ce montant est considéré comme le montant théorique visé au présent point a);

    b)
    l’institution compétente établit ensuite le montant effectif de la prestation sur la base du montant théorique visé au point a), au prorata de la durée des périodes d’assurance ou de résidence accomplies avant la réalisation du risque sous la législation qu’elle applique, par rapport à la durée totale des périodes d’assurance et de résidence accomplies avant la réalisation du risque sous les législations de tous les États membres en question.»

    7
    L’article 48, paragraphe 1, du même règlement prévoit une exception, en matière de liquidation des droits à pension, pour les périodes d’assurance d’une durée inférieure à une année qui est libellée comme suit:

    «Nonobstant l’article 46 paragraphe 2, l’institution d’un État membre n’est pas tenue d’accorder des prestations au titre de périodes accomplies sous la législation qu’elle applique et qui sont à prendre en considération au moment de la réalisation du risque si:

    la durée totale desdites périodes n’atteint pas une année

    et

    compte tenu de ces seules périodes, aucun droit aux prestations n’est acquis en vertu des dispositions de cette législation.»

    La législation nationale

    8
    L’article 161, paragraphe 1, sous b), de la loi générale sur la sécurité sociale, dans sa version codifiée par le décret royal législatif 1/94, du 20 juin 1994 (BOE nº 154, du 29 juin 1994), tel que modifié par la loi 50/98, du 30 décembre 1998, relative aux mesures fiscales, administratives et sociales (BOE du 31 décembre 1998, ci-après la «loi générale sur la sécurité sociale»), subordonne l’octroi d’une pension de retraite, de type contributif, à l’accomplissement d’une période minimale de cotisation de quinze années, dont deux au moins accomplies au cours des quinze années immédiatement antérieures à la survenance du fait générateur du droit à la prestation.

    9
    L’article 218 de la loi générale sur la sécurité sociale prévoit que, lorsque l’affilié bénéficie d’une allocation de chômage, l’Instituto Nacional de Empleo (organisme de gestion de l’assurance chômage, ci-après l'«INEM») verse à la sécurité sociale des cotisations à divers titres, selon la nature de la prestation accordée. Ainsi, aux termes du paragraphe 2 de cette disposition:

    «Dans le cas d’une allocation de chômage destinée à des travailleurs âgés de plus de cinquante-deux ans, l’organisme de gestion devra en outre cotiser à l’assurance vieillesse.»

    10
    Selon l’article 215, paragraphe 1, point 3, de la loi générale sur la sécurité sociale, cette allocation de chômage bénéficie au travailleur sans emploi qui a cotisé six années à l’assurance chômage et qui remplit toutes les conditions, excepté celle de l’âge, pour obtenir une pension de retraite de type contributif dans le régime de la sécurité sociale espagnole.

    11
    Enfin, la vingt-huitième disposition additionnelle de la loi générale sur la sécurité sociale, entrée en vigueur le 1 er janvier 1999, à la suite de la promulgation de la loi 50/98, est libellée comme suit:

    «Conformément aux dispositions du paragraphe 2 de l’article 218 de la présente loi, les cotisations versées par l’organisme de gestion au titre de l’assurance retraite seront prises en compte pour le calcul du montant de base de la pension de retraite et du pourcentage applicable à celui-ci. La validité et les effets juridiques de ces cotisations ne pourront en aucun cas être invoqués pour justifier de la période minimale de cotisation requise par l’article 161, paragraphe 1, sous b), de la présente loi, période minimale dont, conformément à l’article 215, paragraphe 1, point 3, l’assuré doit justifier lorsqu’il sollicite le bénéfice de l’allocation [de chômage] prévue pour les [chômeurs] âgés de plus de 52 ans.»


    Le litige au principal et les questions préjudicielles

    12
    M me Salgado Alonso, qui est née le 30 mai 1936, a introduit, le 7 août 1992, auprès de l’INEM, une demande en vue d’obtenir l’allocation spéciale de chômage prévue au bénéfice des chômeurs âgés de plus de 52 ans. À l’époque, elle était en mesure de justifier de périodes d'assurance effectives de 74 mois – plus de 6 années – au titre de la législation allemande, entre le 29 juin 1964 et le 30 juillet 1970, de 26 mois au titre de la législation suisse, entre le 1 er  décembre 1971 et le 31 mars 1975, et de 182 jours au titre de la législation espagnole, entre le 8 janvier et le 7 juillet 1992.

    13
    Dans un premier temps, l’INEM lui a refusé le bénéfice de l’allocation spéciale de chômage au motif qu’elle n’avait pas accompli en Espagne la période de carence requise de quinze ans au minimum.

    14
    M me Salgado Alonso a alors engagé un recours contre cette décision devant le Juzgado de lo Social nº 2 de Orense (Espagne) qui, par jugement du 22 juin 1993, lui a reconnu le droit à cette allocation. L'INSS et la TGSS ainsi que le gouvernement espagnol expliquent ce jugement, en substance, par le fait que, conformément à la jurisprudence espagnole de l’époque, même les périodes de carence de moindre durée accomplies à l’étranger ont été reconnues comme équivalentes à la période de carence de quinze années exigée par l'article 161, paragraphe 1, sous b), de la loi générale sur la sécurité sociale. Cette jurisprudence nationale aurait cependant été modifiée entre-temps pour tenir compte des arrêts de la Cour du 20 février 1997, Martínez Losada e.a. (C-88/95, C‑102/95 et C‑103/95, Rec. p. I‑869), et du 25 février 1999, Ferreiro Alvite (C-320/95, Rec. p. I‑951).

    15
    M me Salgado Alonso a ainsi perçu l’allocation de chômage prévue pour les chômeurs de plus de 52 ans du 7 août 1992 au 30 mai 2001, c’est‑à‑dire au cours d’une période de 3 219 jours durant laquelle les cotisations à l’assurance vieillesse ont été versées en son nom par l’INEM .

    16
    En mai 2001, à l’âge de 65 ans révolus, M me Salgado Alonso a demandé la liquidation de ses droits à pension au titre des régimes de sécurité sociale allemand, suisse et espagnol. Alors qu’une pension lui a été octroyée en Allemagne et en Suisse, l’INSS a rejeté sa demande par décision du 21 mars 2002, au motif qu’elle n’avait pas accompli, en Espagne, la période minimale de cotisation requise pour l’ouverture du droit à pension et que l’article 46, paragraphe 2, du règlement nº 1408/71, relatif à la totalisation des périodes d’assurance, n’était pas applicable, conformément à l’article 48, paragraphe 1, dudit règlement, la période d’assurance accomplie en Espagne étant inférieure à un an. L’INSS a également justifié son refus en invoquant la vingt-huitième disposition additionnelle de la loi générale sur la sécurité sociale.

    17
    Le 13 février 2002, M me Salgado Alonso a exercé un recours à l’encontre de l’INSS et de la TGSS devant le Juzgado de lo Social n° 3 de Orense, en demandant à ce dernier de déclarer qu’elle avait le droit de percevoir, à compter du 31 mai 2001, une pension de retraite au titre la législation espagnole.

    18
    À l’appui de son recours, elle a fait valoir en substance qu’il convient de prendre en considération non seulement la période initiale de 182 jours de cotisation qu’elle avait accomplie en Espagne, mais également toute la période durant laquelle l’INEM avait versé en son nom des cotisations au régime légal d’assurance vieillesse, lorsqu’elle percevait l’allocation spéciale de chômage, de sorte qu’elle peut désormais se prévaloir en Espagne d’un total de 3 401 jours de cotisations, soit plus de 9 années et 3 mois de contribution.

    19
    Selon la juridiction de renvoi, est posée la question de savoir, en premier lieu, si la vingt-huitième disposition additionnelle de la loi générale sur la sécurité sociale peut valablement exclure la prise en compte desdits 3 219 jours de cotisations aux fins de vérifier si la période d’assurance en cause dépasse une durée d'une année, de telle sorte que, dans l’affirmative, conformément à l’article 48, paragraphe 1, du règlement nº 1408/71, l’INSS ne serait pas tenu d’accorder des prestations afférentes à cette seule période.

    20
    En second lieu, la question se poserait de savoir si ladite disposition additionnelle, en ce qu’elle exclut la prise en compte de certaines cotisations, telles que celles versées au seul titre de l’assurance vieillesse, pour le calcul des périodes de carence prévues à l’article 161, paragraphe 1, sous b), de la même loi, comporte ou non une discrimination à l’encontre des travailleurs migrants, étant rappelé que celles-ci devaient avoir été accomplies à la date de l’introduction de la demande d’allocations de chômage pour un chômeur âgé de plus de 52 ans.

    21
    La juridiction de renvoi vise, à cet égard, le cas des travailleurs qui ont perçu lesdites allocations de chômage en justifiant de la période de carence grâce à la prise en considération des périodes d’assurance accomplies sous la législation d’un ou de plusieurs autres États membres, conformément à la jurisprudence de la Cour (voir arrêts précités Martínez Losada e.a. et ainsi que Ferreiro Alvite).

    22
    Or, ces mêmes travailleurs ne pourraient pas prétendre à la prise en considération des cotisations sociales versées par l’INEM, au titre de l’assurance vieillesse, pendant la période au cours de laquelle ils ont perçu l’allocation de chômage, et ce pour satisfaire à la condition de la période d’assurance minimale prévue à l’article 161, paragraphe 1, sous b), de la loi générale sur la sécurité sociale.

    23
    C’est dans ces conditions que le Juzgado de lo Social nº 3 de Orense a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

    «1)
    L’article 12 CE et les articles 39 CE à 42 CE [...] ainsi que l’article 45 du règlement [...] nº 1408/71 [...] font-ils obstacle à une disposition de droit national en vertu de laquelle les cotisations que l’organisme de gestion de l’assurance chômage a versées au titre de l’assurance retraite au nom d’un travailleur pour la période durant laquelle celui-ci percevait certaines allocations de chômage ne peuvent pas être prises en compte pour le calcul des différentes périodes de carence instituées par la législation nationale et l’ouverture du droit à la prestation de vieillesse lorsque, du fait de la situation de chômage prolongé que ces allocations ont pour objet de compenser, il est matériellement impossible à ce travailleur de justifier d’autres cotisations au régime de l’assurance vieillesse que celles qui ont été invalidées par la loi, de sorte que les seuls travailleurs affectés par cette réglementation nationale seront ceux qui ont fait usage du droit à la libre circulation qui ne pourront pas obtenir le bénéfice de la pension nationale de retraite bien que, conformément à l’article 45 du règlement précité, ces périodes de carence doivent être considérées comme ayant été accomplies?

    2)
    L’article 12 CE et les articles 39 CE à 42 CE [...] ainsi que l’article 48, paragraphe 1, du règlement [...] nº 1408/71 [...] font-ils obstacle à des dispositions de droit interne en vertu desquelles les cotisations que l’organisme de gestion de l’assurance chômage a versées au titre de l’assurance retraite au nom d’un travailleur pour la période durant laquelle celui-ci percevait certaines allocations de chômage ne peuvent pas être prises en compte de manière à pouvoir considérer que ‘la durée totale des périodes d’assurance ou de résidence accomplies sous la législation de cet État membre atteint une année’ lorsque, en raison de la situation de chômage prolongé que ces allocations ont pour objet de compenser, il est matériellement impossible à ce travailleur de justifier d’autres cotisations au régime de l’assurance retraite que celles qui ont été versées et payées au cours de la période de chômage, de sorte que les seuls travailleurs affectés par cette réglementation nationale seront ceux qui ont fait usage du droit à la libre circulation, qui ne pourront pas obtenir le bénéfice de la pension nationale de retraite bien que, conformément à l’article 48, paragraphe 1, du règlement précité, l’organisme de gestion national ne puisse pas être libéré de l’obligation d’octroyer des prestations nationales?»

    24
    Par lettre du 29 septembre 2003, l’INSS a informé la Cour que, le 10 septembre 2003, une nouvelle décision défavorable a été prise à l'égard de M me Salgado Alonso. Cette décision remplace celle du 21 mars 2002 et fonde le refus de la pension de vieillesse sur le fait que cette dernière «n’a pas accompli la période minimale de cotisation de quinze ans ni, à l’intérieur de celle-ci, la période de deux ans précédant immédiatement la date d’introduction de la demande, périodes à l’accomplissement desquelles l’article 161, paragraphe 1, sous b), de la loi générale sur la sécurité sociale […] subordonne le droit à une pension de retraite.

    En ce qui concerne les fait causals postérieurs au 1 er janvier 1999, il résulte de la vingt-huitième disposition additionnelle [de la loi générale sur la sécurité sociale] que les cotisations versées par l’organisme de gestion au titre de l’assurance retraite durant la période pendant laquelle l’assurée percevait l’allocation de chômage prévue au bénéfice des chômeurs âgés de plus de 52 ans seront prises en compte pour déterminer la base de calcul et le pourcentage applicable à celle-ci. En aucun cas, ces cotisations n’auront validité et efficacité juridiques pour accréditer la période minimale de cotisations.»

    25
    Il ressort de cette nouvelle décision de l’INSS que le rejet de la demande de pension présentée par M me Salgado Alonso n’est plus fondé sur l’article 48 du règlement nº 1408/71.


    Sur la première question

    26
    Par sa première question, la juridiction de renvoi demande en substance si les articles 12 CE, 39 CE et 42 CE ainsi que 45 du règlement nº 1408/71 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une règle nationale, telle que celle énoncée par la vingt-huitième disposition additionnelle de la loi générale sur la sécurité sociale, qui ne permet pas aux autorités compétentes d'un État membre de prendre en considération, aux fins de l’ouverture d’un droit à pension de retraite du régime national, certaines périodes d’assurance accomplies sur le territoire de cet État par un travailleur en chômage et au cours desquelles les cotisations à l’assurance vieillesse ont été versées par l’organisme de gestion de l’assurance chômage, étant précisé que de telles périodes sont prises en considération uniquement pour le calcul du montant de ladite pension.

    27
    Il convient, tout d’abord, de rappeler qu’il est de jurisprudence constante que les États membres restent compétents pour définir les conditions requises pour l’octroi des prestations de sécurité sociale, même s’ils les rendent plus rigoureuses, pourvu que les conditions adoptées n’entraînent aucune discrimination ostensible ou dissimulée entre les travailleurs communautaires (voir, en ce sens, arrêts du 20 septembre 1994, Drake, C-12/93, Rec. p. I-4337, point 27; Martínez Losada e.a., précité, point 43, et Ferreiro Alvite, précité, point 23).

    28
    Un État membre est donc en droit de prévoir une période de carence, telle que celle visée à l’article 161, paragraphe 1, sous b), de la loi générale sur la sécurité sociale pour l’ouverture d’un droit à pension de retraite.

    29
    À cet égard, l’article 42, sous a), CE énonce le principe de la totalisation des périodes d’assurance, de résidence ou d’emploi, lequel est mis en œuvre, notamment, par l’article 45 du règlement nº 1408/71 dans le domaine de l’assurance vieillesse. Il s’agit de l’un des principes de base de la coordination communautaire des régimes de sécurité sociale des États membres, tendant à garantir que l’exercice du droit à la libre circulation que confère le traité n’ait pas pour effet de priver un travailleur d’avantages de sécurité sociale auxquels il aurait pu prétendre s’il avait accompli toute sa carrière dans un seul État membre. Une telle conséquence pourrait, en effet, dissuader le travailleur communautaire d’exercer son droit à la libre circulation et constituerait, dès lors, une entrave à cette liberté (voir, notamment, arrêt du 26 octobre 1995, Moscato, C-481/93, Rec. p. I-3525, point 28).

    30
    Toutefois, le règlement nº 1408/71 ne détermine pas les conditions auxquelles est soumise la constitution des périodes d’emploi ou d’assurance. Ces conditions, ainsi qu’il ressort de l’article 1 er , sous r), dudit règlement, sont définies exclusivement par la législation de l’État membre sous laquelle les périodes en cause ont été accomplies.

    31
    Par conséquent, un État membre est en droit non seulement d’imposer une période de carence en vue de l’ouverture d’un droit à une pension prévue par la législation nationale, mais également de déterminer la nature des périodes d’assurance susceptibles d’être prises en compte à cet effet, pour autant que, conformément à l’article 45 du règlement nº 1408/71, les périodes accomplies sous la législation de tout autre État membre sont également prises en considération dans les mêmes conditions, comme si elles avaient été accomplies sous la législation nationale.

    32
    Dans l'affaire au principal, le litige qui oppose M me Salgado Alonso à l'INSS et à la TGSS ne porte pas sur des périodes qui auraient été accomplies sous la législation d'un État membre autre que celui dans lequel le bénéfice de la pension a été demandé, mais sur certaines périodes effectuées dans ce dernier État membre, à savoir le royaume d'Espagne, à une époque où l'intéressée percevait l'allocation spéciale de chômage pour les chômeurs âgés de plus de 52 ans. Un tel litige ne relève pas de l’article 45 du règlement nº 1408/71.

    33
    La demanderesse au principal fait cependant valoir que seuls les travailleurs qui ont fait usage de leur droit à la libre circulation sont affectés par la vingt-huitième disposition additionnelle de la loi générale sur la sécurité sociale excluant la prise en compte, pour l’ouverture du droit à pension, des périodes durant lesquelles l’assuré a perçu l’allocation spéciale de chômage, alors même que les cotisations à l’assurance vieillesse ont été versées, au nom de l’assuré, par l’INEM. Pour ce motif, ladite disposition serait contraire à l’article 39 CE.

    34
    À cet égard, force est de constater, ainsi que l’a relevé M me l’avocat général aux points 39 et 40 de ses conclusions, qu’une règle nationale, telle que celle énoncée par la vingt-huitième disposition additionnelle de la loi générale de la sécurité sociale, s’applique sans distinction aux travailleurs ayant accompli toute leur carrière professionnelle sur le territoire national et à ceux ayant également travaillé dans d’autres États membres.

    35
    Il n’a pas été établi devant la Cour que les travailleurs ayant exercé leur droit à la libre circulation, dès lors qu'ils sont rentrés en Espagne, seraient plus souvent exposés au risque de chômage de longue durée que les travailleurs ayant exercé leur activité professionnelle uniquement dans cet État membre, avec pour conséquence qu’ils seraient davantage affectés par la restriction contenue dans ladite disposition additionnelle.

    36
    Dans ces conditions, les débats portés devant la Cour n’ont pas permis d’établir le caractère indirectement discriminatoire, au sens de l’article 39 CE, d’une règle nationale telle que celle énoncée par la vingt‑huitième disposition additionnelle de la loi générale sur la sécurité sociale.

    37
    Enfin, dès lors que l’article 39 CE, qui est la disposition spécifique, trouve à s’appliquer à une situation telle que celle de l’affaire au principal, il n’y a pas lieu pour la Cour d’interpréter la disposition plus générale contenue à l’article 12 CE.

    38
    Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de répondre à la première question que les articles 39 CE et 42 CE, ainsi que 45 du règlement nº 1408/71 doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une règle nationale, telle que celle énoncée par la vingt-huitième disposition additionnelle de la loi générale sur la sécurité sociale, qui ne permet pas aux autorités compétentes d'un État membre de prendre en considération, aux fins de l’ouverture d’un droit à pension de retraite du régime national, certaines périodes d’assurance accomplies sur le territoire de cet État par un travailleur en chômage et au cours desquelles les cotisations à l’assurance vieillesse ont été versées par l’organisme de gestion de l’assurance chômage, étant précisé que de telles périodes sont prises en considération uniquement pour le calcul du montant de ladite pension.


    Sur la seconde question

    39
    Par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande en substance si, pour déterminer, aux fins de l’application de l’article 48, paragraphe 1, du règlement nº 1408/71, si la durée totale des périodes d’assurance accomplies sous la législation que l'institution d'un État membre applique atteint ou non une année, cette dernière doit prendre en compte non seulement les périodes d’assurance nécessaires à l’ouverture du droit à pension, mais également celles qui n’interviennent que pour le calcul du montant des prestations.

    40
    Il importe de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante, la procédure prévue à l’article 234 CE est un instrument de coopération entre la Cour et les juridictions nationales, grâce auquel la première fournit aux secondes les éléments d’interprétation du droit communautaire qui leur sont nécessaires pour la solution des litiges qu’elles sont appelées à trancher (voir, notamment, arrêts du 8 novembre 1990, Gmurzynska-Bscher, C-231/89, Rec. p. I-4003, point 18; du 12 mars 1998, Djabali, C‑314/96, Rec. p. I-1149, point 17, ainsi que du 21 janvier 2003, Bacardi-Martini et Cellier des Dauphins, C‑318/00, Rec. p. I-905, point 41).

    41
    Il ressort ainsi à la fois des termes et de l’économie de l’article 234 CE que la procédure préjudicielle présuppose qu’un litige soit effectivement pendant devant les juridictions nationales, dans le cadre duquel elles sont appelées à rendre une décision susceptible de prendre en considération l’arrêt par lequel la Cour se prononce sur la demande de décision préjudicielle (voir, en ce sens, arrêts du 15 juin 1995, Zabala Erasun e.a., C-422/93 à C-424/93, Rec. p. I-1567, point 28, et Djabali, précité, point 18).

    42
    En effet, la justification du renvoi préjudiciel n’est pas la formulation d’opinions consultatives sur des questions générales ou hypothétiques, mais le besoin inhérent à la solution effective d’un contentieux (arrêts Djabali, précité, point 19; Bacardi-Martini et Cellier des Dauphins, précité, point 42, et ainsi que du 25 mars 2004, Azienda Agricola Ettore Ribaldi e.a., C-480/00 à C-482/00, C-484/00, C‑489/00 à C-491/00 et C-497/00 à C-499/00, non encore publié au Recueil, point 72).

    43
    Or, dans l'affaire au principal, après que le Juzgado de lo Social nº 3 de Orense eut adressé sa demande de décision préjudicielle à la Cour, il est constant qu'une nouvelle décision de rejet de la demande de pension introduite par M me Salgado Alonso a été prise par l’INSS, laquelle n’est plus fondée sur l’article 48 du règlement nº 1408/71.

    44
    Force est dès lors de constater qu’une réponse de la Cour à la seconde question posée par le Juzgado de lo Social nº 3 de Orense ne serait désormais d'aucune utilité à ce dernier.

    45
    En conséquence, il n’y a pas lieu de répondre à la seconde question.


    Sur les dépens

    46
    La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement.

    Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit:

    Les articles 39 CE et 42 CE, ainsi que 45 du règlement (CEE) nº 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CE) nº 118/97 du Conseil, du 2 décembre 1996, tel que modifié par le règlement (CE) nº 1606/98 du Conseil, du 29 juin 1998, doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une règle nationale, telle que celle énoncée par la vingt‑huitième disposition additionnelle de la loi générale sur la sécurité sociale, qui ne permet pas aux autorités compétentes d'un État membre de prendre en considération, aux fins de l’ouverture d’un droit à pension de retraite du régime national, certaines périodes d’assurance accomplies sur le territoire de cet État par un travailleur en chômage et au cours desquelles les cotisations à l’assurance vieillesse ont été versées par l’organisme de gestion de l’assurance chômage, étant précisé que de telles périodes sont prises en considération uniquement pour le calcul du montant de ladite pension.

    Signatures


    1
    Langue de procédure: l'espagnol.

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