Affaire C-210/03
Swedish Match AB et Swedish Match UK Ltd
contre
Secretary of State for Health
(demande de décision préjudicielle, formée par la High Court of Justice(England & Wales), Queen's Bench Division (Administrative
Court))
«Directive 2001/37/CE – Fabrication, présentation et vente des produits du tabac – Article 8 – Interdiction de mise sur le marché des produits du tabac à usage oral – Validité – Interprétation des articles 28 CE à 30 CE – Compatibilité de la réglementation nationale comportant la même interdiction»
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Conclusions de l'avocat général M. L. A. Geelhoed, présentées le 7 septembre 2004 |
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Arrêt de la Cour (grande chambre) du 14 décembre 2004 |
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Sommaire de l'arrêt
- 1.
- Rapprochement des législations – Fabrication, présentation et vente des produits du tabac – Directive 2001/37 – Base juridique – Article 95 CE – Amélioration des conditions de fonctionnement du marché intérieur – Interdiction de commercialiser des produits du tabac à usage oral – Inclusion
(Art. 95 CE; directive du Parlement européen et du Conseil 2001/37, art. 8)
- 2.
- Actes des institutions – Directive 2001/37 visant la fabrication, la présentation et la vente des produits du tabac – Base juridique – Référence erronée à l'article 133 CE comme seconde base juridique – Absence d'incidence sur la validité de la directive
(Art. 95 CE et 133 CE;directive du Parlement européen et du Conseil 2001/37)
- 3.
- Rapprochement des législations – Fabrication, présentation et vente des produits du tabac – Directive 2001/37 – Mesures d'harmonisation – Interdiction de commercialiser des produits du tabac à usage oral – Violation du principe de proportionnalité – Absence
(Directive du Parlement européen et du Conseil 2001/37, art. 8)
- 4.
- Libre circulation des marchandises – Restrictions quantitatives – Mesures d'effet équivalent – Directive 2001/37 visant la fabrication, la présentation et la vente des produits du tabac – Interdiction de commercialiser des produits du tabac à usage oral – Justification – Protection de la santé publique
(Art. 28 CE, 29 CE et 30 CE; directive du Parlement européen et du Conseil 2001/37, art. 8)
- 5.
- Actes des institutions – Motivation – Obligation – Portée – Directive 2001/37 visant la fabrication, la présentation et la vente des produits du tabac – Disposition interdisant la commercialisation des produits du tabac à usage oral
(Art. 253 CE)
- 6.
- Rapprochement des législations – Fabrication, présentation et vente des produits du tabac – Directive 2001/37 – Mesures d'harmonisation – Interdiction de commercialiser des produits du tabac à usage oral – Violation du principe de non-discrimination – Absence
(Directive du Parlement européen et du Conseil 2001/37, art. 8)
- 7.
- Droit communautaire – Principes – Droits fondamentaux – Libre exercice des activités professionnelles – Restriction apportée dans le cadre de la protection de la santé publique – Directive 2001/37 visant la fabrication, la présentation et la vente des produits du tabac – Interdiction de commercialiser des produits du tabac à usage oral – Admissibilité
(Directive du Parlement européen et du Conseil 2001/37, art. 8)
- 8.
- Rapprochement des législations – Fabrication, présentation et vente des produits du tabac – Directive 2001/37 – Base juridique – Article 95 CE – Détournement de pouvoir – Absence
(Art. 95 CE; directive du Parlement européen et du Conseil 2001/37)
- 9.
- Rapprochement des législations – Fabrication, présentation et vente des produits du tabac – Directive 2001/37 – Réglementation nationale interdisant la commercialisation des produits du tabac à usage oral – Harmonisation exhaustive – Obligation de vérifier la conformité de cette réglementation aux articles 28 CE et 29 CE – Absence
(Art. 28 CE et 29 CE; directive du Parlement européen et du Conseil 2001/37, art. 8)
- 1.
- L’interdiction de commercialisation des produits du tabac à usage oral contenue à l’article 8 de la directive 2001/37, relative
au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de fabrication,
de présentation et de vente des produits du tabac, pouvait être adoptée sur le fondement de l’article 95 CE. En effet, cette
disposition habilite le législateur communautaire à intervenir en arrêtant les mesures appropriées dans le respect, d’une
part, du paragraphe 3 dudit article et, d’autre part, des principes juridiques mentionnés dans le traité ou dégagés par la
jurisprudence, notamment du principe de proportionnalité. À cet égard, compte tenu de la prise de conscience croissante par
le public du caractère nocif pour la santé de la consommation des produits du tabac, il est vraisemblable que des obstacles
à la libre circulation de ces produits allaient surgir en raison de l’adoption par les États membres de nouvelles règles,
reflétant cette évolution, destinées à décourager plus efficacement la consommation de ces produits.
(cf. points 33, 39, 42)
- 2.
- L’article 95 CE constitue la seule base juridique appropriée de la directive 2001/37, relative au rapprochement des dispositions
législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de fabrication, de présentation et de vente des
produits du tabac, et c’est à tort que celle-ci mentionne également l’article 133 CE comme base juridique.
- Toutefois, cette référence erronée à l’article 133 CE comme seconde base juridique de ladite directive n’entraîne pas par
elle-même l’invalidité de celle-ci. Une telle erreur dans les visas d’un acte communautaire ne constitue en effet qu’un vice
purement formel, sauf si elle a entaché d’irrégularité la procédure applicable pour l’adoption de cet acte.
(cf. points 43-44)
- 3.
- Pour satisfaire à l’obligation qui lui incombait de prendre pour base un niveau de protection élevé en matière de santé, conformément
à l’article 95, paragraphe 3, CE, le législateur communautaire a pu considérer, sans excéder les limites du pouvoir d’appréciation
qui lui appartient en la matière, qu’une mesure d’interdiction de commercialisation des produits du tabac à usage oral, telle
que celle prévue à l’article 8 de la directive 2001/37, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires
et administratives des États membres en matière de fabrication, de présentation et de vente des produits du tabac, était nécessaire.
En effet, toutes les autres mesures visant à soumettre les fabricants à des normes techniques pour réduire la nocivité du
produit, ou à réglementer l’étiquetage des emballages de ce produit et les conditions de sa vente, notamment aux mineurs,
n’auraient pas le même effet préventif en termes de protection de la santé en ce sens qu’elles laisseraient s’installer sur
le marché un produit demeurant en tout état de cause nocif.
(cf. points 56-57)
- 4.
- Même si l’interdiction de commercialisation des produits du tabac à usage oral prévue à l’article 8 de la directive 2001/37,
relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de
fabrication, de présentation et de vente des produits du tabac, constitue une restriction au sens des articles 28 CE et 29
CE, elle est justifiée par des raisons de protection de la santé des personnes et ne saurait, dès lors, être regardée comme
étant intervenue en violation des dispositions desdits articles.
(cf. point 61)
- 5.
- Dès lors que la directive 2001/37, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives
des États membres en matière de fabrication, de présentation et de vente des produits du tabac, précise, à son vingt-huitième
considérant, que la directive 89/622, concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives
des États membres en matière d’étiquetage des produits du tabac, a interdit la vente dans les États membres de certains types
de tabac à usage oral et que l’article 151 de l’acte relatif aux conditions d’adhésion de la république d’Autriche, de la
république de Finlande et du royaume de Suède et aux adaptations des traités sur lesquels est fondée l’Union européenne a
accordé au royaume de Suède une dérogation aux dispositions de cette dernière directive, il n’apparaît pas que la confirmation
de ladite interdiction à l’article 8 de la directive 2001/37 aurait exigé que celle-ci spécifie d’autres éléments de droit
et de fait pertinents pour satisfaire à l’obligation de motivation résultant de l’article 253 CE.
(cf. point 68)
- 6.
- Les produits du tabac à usage oral tels que définis à l’article 2 de la directive 2001/37, relative au rapprochement des dispositions
législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de fabrication, de présentation et de vente des
produits du tabac, alors même qu’ils ne seraient pas fondamentalement différents, dans leur composition ou même leur destination,
des produits du tabac destinés à être mâchés, ne se trouvaient pas dans la même situation que ces derniers produits au moment
de l’adoption de cette directive. En effet, les produits du tabac à usage oral étaient nouveaux sur le marché des États membres
visés par l’interdiction de commercialisation prévue à l’article 8 de ladite directive. Cette situation particulière autorisait
dès lors un traitement différent de ces produits sans que puisse être utilement invoquée une violation du principe de non-discrimination.
(cf. point 71)
- 7.
- Le libre exercice d’une activité professionnelle fait partie, tout comme le droit de propriété, des principes généraux du
droit communautaire. Ces principes n’apparaissent toutefois pas comme des prérogatives absolues, mais doivent être pris en
considération par rapport à leur fonction dans la société. Par conséquent, des restrictions peuvent être apportées au droit
d’exercer librement une activité professionnelle, tout comme à l’usage du droit de la propriété, à condition que ces restrictions
répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général poursuivis par la Communauté et ne constituent pas, au regard du
but poursuivi, une intervention démesurée et intolérable qui porterait atteinte à la substance même des droits ainsi garantis.
- À cet égard, dès lors que la directive 2001/37, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et
administratives des États membres en matière de fabrication, de présentation et de vente des produits du tabac, poursuit un
objectif d’intérêt général en garantissant un niveau élevé de protection de la santé dans le cadre de l’harmonisation des
dispositions applicables à la mise sur le marché des produits du tabac et que l’interdiction de commercialisation des produits
du tabac à usage oral prévue à l’article 8 de ladite directive ne présente pas un caractère inapproprié à cet objectif, l’obstacle
au libre exercice d’une activité économique que constitue une mesure de cette nature ne peut être analysé au regard du but
poursuivi comme portant une atteinte démesurée au droit à l’exercice de cette liberté ou au droit de propriété.
(cf. points 72, 74)
- 8.
- Un acte n’est entaché de détournement de pouvoir que s’il apparaît, sur la base d’indices objectifs, pertinents et concordants,
avoir été pris dans le but exclusif, ou à tout le moins déterminant, d’atteindre des fins autres que celles excipées ou d’éluder
une procédure spécialement prévue par le traité pour parer aux circonstances de l’espèce.
- Tel n’est pas le cas de la directive 2001/37, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives
des États membres en matière de fabrication, de présentation et de vente des produits du tabac, et notamment de son article
8 portant l’interdiction de commercialisation des produits du tabac à usage oral. En effet, d’une part, les conditions du
recours à l’article 95 CE, comme base juridique de la directive, se trouvent remplies car celle-ci vise à éliminer les entraves
aux échanges liées à l’évolution hétérogène des législations nationales en ce qui concerne les produits du tabac à usage oral
et, d’autre part, il n’a nullement été établi que cette disposition aurait été adoptée dans le but exclusif, ou à tout le
moins déterminant, d’atteindre un autre objectif.
(cf. points 75, 77-78)
- 9.
- La commercialisation des produits du tabac à usage oral étant une question réglementée de manière harmonisée au niveau communautaire,
lorsqu’une mesure nationale interdit la commercialisation desdits produits conformément aux dispositions de l’article 8 de
la directive 2001/37, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États
membres en matière de fabrication, de présentation et de vente des produits du tabac, il n’est pas nécessaire de vérifier,
de manière distincte, si cette mesure nationale est conforme aux articles 28 CE et 29 CE.
(cf. points 82-83, disp. 2)