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Document 62002CJ0019

Arrêt de la Cour (première chambre) du 9 décembre 2004.
Viktor Hlozek contre Roche Austria Gesellschaft mbH.
Demande de décision préjudicielle: Oberster Gerichtshof - Autriche.
Politique sociale - Travailleurs masculins et travailleurs féminins - Égalité de rémunération - Rémunération - Notion - Pension de transition ('Überbrückungsgeld') prévue par un accord d'entreprise - Plan social élaboré à l'occasion d'une opération de restructuration de l'entreprise - Prestation octroyée aux travailleurs ayant atteint un certain âge au moment de leur licenciement - Octroi de la prestation à partir d'un âge différent selon le sexe des travailleurs licenciés - Prise en compte de l'âge légal de la retraite fixé par le droit national, différent selon les sexes.
Affaire C-19/02.

Recueil de jurisprudence 2004 I-11491

Identifiant ECLI: ECLI:EU:C:2004:779

Arrêt de la Cour

Affaire C-19/02


Viktor Hlozek
contre
Roche Austria Gesellschaft mbH



(demande de décision préjudicielle, formée par l'Oberster Gerichtshof (Autriche))

«Politique sociale – Travailleurs masculins et travailleurs féminins – Égalité de rémunération – Rémunération – Notion – Pension de transition ('Überbrückungsgeld') prévue par un accord d'entreprise – Plan social élaboré à l'occasion d'une opération de restructuration de l'entreprise – Prestation octroyée aux travailleurs ayant atteint un certain âge au moment de leur licenciement – Octroi de la prestation à partir d'un âge différent selon le sexe des travailleurs licenciés – Prise en compte de l'âge légal de la retraite fixé par le droit national, différent selon les sexes»

Conclusions de l'avocat général Mme J. Kokott, présentées le 1er avril 2004
    
Arrêt de la Cour (première chambre) du 9 décembre 2004
    

Sommaire de l'arrêt

Politique sociale – Travailleurs masculins et travailleurs féminins – Égalité de rémunération – Rémunération – Notion – Pension de transition prévue par un plan social et versée aux travailleurs licenciés – Inclusion – Âge ouvrant droit à ladite pension – Âge différent selon le sexe – Admissibilité

(Art. 141 CE; directive du Conseil 75/117, art. 1er)

Une pension de transition, qui trouve son origine dans un plan social élaboré lors d’une concertation entre partenaires sociaux à l’occasion d’une opération de restructuration d’une entreprise et qui est due par cette entreprise aux travailleurs ayant atteint un certain âge au moment de leur licenciement, constitue un avantage octroyé en relation avec l’emploi et relève donc de la notion de rémunération au sens de l’article 141 CE et de l’article 1er de la directive 75/117, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à l’application du principe de l’égalité des rémunérations entre les travailleurs masculins et les travailleurs féminins.

Ces dispositions ne s’opposent pas à l’application d’un plan social prévoyant une différence de traitement entre travailleurs masculins et travailleurs féminins en ce qui concerne l’âge ouvrant droit à une pension de transition, dès lors que ces travailleurs masculins et féminins se trouvent, en vertu du régime légal national sur les pensions de retraite anticipée, dans des situations différentes au regard des éléments pertinents pour l’octroi de ladite pension.

(cf. points 38-39, 48, 51 et disp.)




ARRÊT DE LA COUR (première chambre)
9 décembre 2004(1)


«Politique sociale – Travailleurs masculins et travailleurs féminins – Égalité de rémunération – Rémunération – Notion – Pension de transition (‘Überbrückungsgeld’) prévue par un accord d'entreprise – Plan social élaboré à l'occasion d'une opération de restructuration de l'entreprise – Prestation octroyée aux travailleurs ayant atteint un certain âge au moment de leur licenciement – Octroi de la prestation à partir d'un âge différent selon le sexe des travailleurs licenciés – Prise en compte de l'âge légal de la retraite fixé par le droit national, différent selon les sexes»

Dans l'affaire C-19/02,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l'article 234 CE, introduite par l'Oberster Gerichtshof (Autriche), par décision du 20 décembre 2001, parvenue à la Cour le 29 janvier 2002, dans la procédure

Viktor Hlozek

contre

Roche Austria Gesellschaft mbH,



LA COUR (première chambre),,



composée de M. P. Jann, président de chambre, M. A. Rosas (rapporteur), Mme R. Silva de Lapuerta, MM. K. Lenaerts et S. von Bahr, juges,

avocat général: Mme J. Kokott,
greffier: Mme M.-F. Contet, administrateur principal

vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 12 février 2004,considérant les observations présentées:

pour M. Hlozek, par MMes G. Teicht et G. Jöchl, Rechtsanwälte,

pour Roche Austria Gesellschaft mbH, par Me R. Schuster, Rechtsanwalt,

pour la république d'Autriche, par Mme C. Pesendorfer et M. G. Hesse, en qualité d'agents,

pour la Commission des Communautés européennes, par M. J. Sack et Mme N. Yerrel, en qualité d'agents,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 1er avril 2004,

rend le présent



Arrêt



1
La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 141 CE et de la directive 75/117/CEE du Conseil, du 10 février 1975, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à l’application du principe de l’égalité des rémunérations entre les travailleurs masculins et les travailleurs féminins (JO L 45, p. 19), ainsi que sur l’interprétation de la directive 76/207/CEE du Conseil, du 9 février 1976, relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l’accès à l’emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail (JO L 39, p. 40), et de la directive 86/378/CEE du Conseil, du 24 juillet 1986, relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes dans les régimes professionnels de sécurité sociale (JO L 225, p. 40), telle que modifiée par la directive 96/97/CE du Conseil, du 20 décembre 1996 (JO 1997, L 46, p. 20).

2
Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Hlozek à Roche Austria Gesellschaft mbH (ci-après «Roche»), au sujet du refus de cette dernière de lui octroyer le droit à une pension de transition qui, selon l’accord conclu à l’occasion d’une opération de restructuration de l’entreprise, devait être versée aux travailleurs ayant atteint un certain âge au moment de leur licenciement.


Le cadre juridique

La réglementation communautaire

3
L'article 141 CE consacre le principe de l'égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins pour un même travail ou un travail de même valeur.

4
Les articles 136 CE à 143 CE ont remplacé depuis le 1er mai 1999, date de l'entrée en vigueur du traité d'Amsterdam, les articles 117 à 120 du traité CE. L'article 141, paragraphes 1 et 2, premier alinéa, CE est, en substance, identique à l'article 119, premier et deuxième alinéas, du traité.

5
L’article 1er de la directive 75/117 est libellé comme suit:

«Le principe de l'égalité des rémunérations entre les travailleurs masculins et les travailleurs féminins, qui figure à l'article 119 du traité et qui est ci-après dénommé ‘principe de l'égalité des rémunérations’, implique, pour un même travail ou pour un travail auquel est attribuée une valeur égale, l'élimination, dans l'ensemble des éléments et conditions de rémunération, de toute discrimination fondée sur le sexe.

[…]»

6
La directive 76/207 vise la mise en œuvre, dans les États membres, du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l'accès à l'emploi, y compris la promotion, et à la formation professionnelle ainsi que les conditions de travail, y compris les conditions de licenciement, et, dans les conditions prévues à son article 1er, paragraphe 2, la sécurité sociale.

7
La directive 79/7/CEE du Conseil, du 19 décembre 1978, relative à la mise en œuvre progressive du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale (JO L 6, p. 24), a été adoptée en application de l'article 1er, paragraphe 2, de la directive 76/207. Conformément à son article 3, paragraphe 1, sous a), la directive 79/7 s'applique aux régimes légaux qui assurent une protection contre, notamment, les risques de vieillesse et de chômage.

8
La directive 86/378 vise la mise en œuvre du principe de l'égalité de traitement dans les régimes professionnels de sécurité sociale qui assurent une protection contre les risques prévus à l'article 3, paragraphe 1, de la directive 79/7, ainsi que dans ceux qui prévoient, pour les salariés, tous autres avantages en espèces ou en nature au sens du traité.

9
Aux termes de l'article 2 de la directive 86/378, telle que modifiée par la directive 96/97, sont considérés comme régimes professionnels de sécurité sociale les régimes non régis par la directive 79/7 qui ont pour objet de fournir aux travailleurs, salariés ou indépendants, groupés dans le cadre d'une entreprise ou d'un groupement d'entreprises, d'une branche économique ou d'un secteur professionnel ou interprofessionnel, des prestations destinées à compléter les prestations des régimes légaux de sécurité sociale ou à s'y substituer, que l'affiliation à ces régimes soit obligatoire ou facultative.

La réglementation nationale

10
D’après l’exposé simplifié contenu dans la décision de renvoi, il y a lieu de tenir compte, entre autres, des dispositions nationales suivantes.

11
L’article 253 de l’Allgemeines Sozialversicherungsgesetz (loi générale sur la sécurité sociale, BGBl. nº 189/1955, dans sa version publiée au BGBl. nº 33/2001, ci-après l’«ASVG») octroie un droit à une pension de retraite aux hommes ayant atteint l’âge de 65 ans et aux femmes ayant atteint l’âge de 60 ans. À l’époque des faits au principal, les articles 253a, 253b et 253c de l’ASVG accordaient, en outre, un droit à une pension de retraite anticipée, notamment en cas de chômage, aux hommes âgés de plus de 60 ans et aux femmes âgées de plus de 55 ans. Ces limites inférieures d’âge ont entre-temps été relevées et étaient, à la date de la décision de renvoi, fixées à 61,5 ans pour les hommes et à 56,5 ans pour les femmes.

12
L’article 2, paragraphe 1, du Bundesgesetz über die Gleichbehandlung von Frau und Mann im Arbeitsleben (loi sur l’égalité de traitement, BGBl. nº 108/1979, dans sa version publiée au BGBl. nº 833/1992, ci-après le «Gleichbehandlungsgesetz») interdit toute discrimination directe ou indirecte en raison du sexe. Cette interdiction s’applique, entre autres, aux discriminations dans la conclusion de la relation de travail (point 1), dans la fixation de la rémunération (point 2), dans l’octroi de prestations sociales autres que la rémunération (point 3), dans l’évolution de la carrière, en particulier dans les promotions (point 5) et dans la cessation de la relation de travail (point 7).

13
En vertu de l’article 97, paragraphe 1, point 4, de l’Arbeitsverfassungsgesetz (loi constitutionnelle du travail, BGBl. nº 22/1974, dans sa version publiée au BGBl. nº 833/1992 et au BGBl. nº 502/1993, ci-après l’«ArbVG»), l'organe élu du personnel dans l'entreprise peut contraindre le propriétaire de celle-ci à conclure une convention d'entreprise sur des mesures visant à empêcher, écarter ou atténuer les conséquences d'un changement dans l'entreprise au sens de l'article 109, paragraphe 1, points 1 à 6, de l'ArbVG, si celui-ci affecte sérieusement tous les travailleurs ou une partie importante du personnel. Cette convention d'entreprise, appelée «plan social» («Sozialplan»), peut comporter toutes les règles visant à compenser les conséquences négatives du changement dans l'entreprise comme par exemple des indemnités plus élevées en cas de licenciement à la suite de la réduction des activités ou des mesures d'accompagnement pour les travailleurs licenciés, ainsi que des «pensions de transition» («Überbrückungsgelder»). Selon la juridiction de renvoi, la loi ne fixe pas les contours précis d'un tel plan social.

14
Aux termes de l’article 31 de l'ArbVG, une convention d'entreprise est directement obligatoire dans son champ d'application; elle a ainsi une valeur normative pour les travailleurs.

Le plan social du 26 février 1998

15
Selon la décision de renvoi, le plan social du 26 février 1998, dont il est question dans l'affaire au principal, a la nature d’une convention d’entreprise au sens des dispositions pertinentes de l'ArbVG.

16
Le point 7 de ce plan social concerne l’indemnité conventionnelle de licenciement prévue pour les travailleurs qui, au moment où leur relation de travail avec l’entreprise prenait fin, étaient âgés de moins de 55 ans, dans le cas des hommes, et de moins de 50 ans, dans le cas des femmes. Le montant de cette indemnité est calculé en fonction de l’ancienneté du travailleur dans l’entreprise.

17
Le point 8 dudit plan social est libellé comme suit:

«8.     Pension de transition [‘Überbrückungszahlung’]

8.1.   Champ d'application

Ont droit à une pension de transition les travailleurs qui ont 55 ans (homme) ou 50 ans (femme) au moment où la relation de travail prend fin et qui n'ont pas encore droit à une pension ASVG.

8.2     La pension de transition commence le mois qui suit la fin de la relation de travail et expire au moment où le bénéficiaire peut prétendre à une pension ASVG. Au plus tard [elle expire] toutefois 5 ans après la fin de la relation de travail.

8.3     Le montant de la pension de transition s'élève à 75% (brut) du dernier traitement mensuel brut et est versé 14 fois par an. Pendant la période de transition, le travailleur est dispensé du service.

            En outre, [est accordée] une indemnité conventionnelle de licenciement.

            Celle-ci est accordée en fonction de la durée de la période de transition:

            jusqu’à deux ans: 1 mois de traitement

            de deux à quatre ans: 2 mois de traitement

           à partir de quatre ans: 3 mois de traitement.

Cette indemnité conventionnelle de licenciement est versée avec l'indemnité légale de licenciement.»

18
En ce qui concerne les droits relatifs à la pension de retraite du régime professionnel octroyée par l’entreprise, une distinction est également établie selon que les travailleurs relèvent du point 7 ou bien du point 8 du plan social. Selon le point 12 de ce dernier, les travailleurs qui, au moment de leur départ de l’entreprise, ne remplissent pas les conditions pour bénéficier de la pension de transition visée au point 8 du plan social, se voient garantir le rachat de leurs droits à pension à leur valeur actuarielle. En revanche, les travailleurs relevant du point 8 du plan social se voient garantir leur droit de recevoir la pension de retraite du régime professionnel, les prestations respectives leur étant versées à partir du moment où ils bénéficieront d’une pension ASVG. Le point 12.2 du plan social précise que la période de transition visée au point 8 est intégralement comptée comme période d’activité.

19
Dans la décision de renvoi, l’Oberster Gerichtshof fournit des indications concernant la mise en œuvre pratique du point 8 du plan social. Lorsqu’un travailleur devait être licencié et remplissait les conditions prévues audit point 8, un contrat était conclu entre l’entreprise et ce travailleur, à la suite de la résiliation du contrat de travail. Le nouveau contrat était conclu pour une durée déterminée non supérieure à cinq ans ou jusqu’à l’ouverture du droit pour le travailleur en question à recevoir une pension légale ASVG. Pendant cette période, le travailleur concerné percevait la pension de transition, était irrévocablement dispensé de service et pouvait exercer une autre activité rémunérée.

20
La possibilité d’exercer une autre activité rémunérée tout en percevant la pension de transition découlait directement du point 4 du plan social, selon lequel «[…] les travailleurs sont autorisés, pendant qu’ils sont dispensés de service, à occuper un autre emploi en conservant les droits que leur confère le présent plan social».


Le litige au principal et les questions préjudicielles

21
Roche a fusionné, avec effet au 1er juillet 1998, avec la société pour laquelle M. Hlozek travaillait depuis le 1er janvier 1982. En vue de cette fusion, et afin d’atténuer les conséquences négatives pour les travailleurs des mesures de restructuration de l’entreprise envisagées dans le cadre de ladite fusion, l’employeur a conclu avec les délégués du personnel le plan social du 26 février 1998.

22
M. Hlozek a été licencié le 30 juin 1999, dans le contexte de la restructuration de l’entreprise, laquelle a impliqué la fermeture de l’unité de production qu’il dirigeait. Étant âgé de 54 ans au moment où sa relation de travail avec Roche a pris fin, M. Hlozek relevait du point 7 et non pas du point 8 du plan social. Il a accepté l’indemnité conventionnelle qui lui a été versée conformément au point 7 du plan social. Compte tenu de ses années d’ancienneté au sein de l'entreprise, le montant brut de cette indemnité a été fixé à 1 845 000 ATS, soit 1 274 113,75 ATS net. Lors d’une audience tenue le 7 décembre 1999, M. Hlozek a déclaré avoir trouvé un autre emploi, dont la rémunération est comparable à celle qu’il percevait auparavant.

23
Si M. Hlozek avait été un travailleur de sexe féminin, le point 8 du plan social lui aurait été applicable. Dans ce cas, il aurait reçu une indemnité conventionnelle de licenciement d’un montant inférieur à celui de l’indemnité qui lui a été versée. Toutefois, il aurait bénéficié des dispositions relatives à l’octroi d’une pension de transition.

24
M. Hlozek estimant, par conséquent, qu’il avait fait l’objet d’une discrimination en raison du sexe, a introduit devant l’Arbeits- und Sozialgericht Wien (Autriche) une action visant à faire juger qu’il peut prétendre, à l’égard de Roche, à l’octroi d’une pension de transition, au sens du plan social du 26 février 1998, jusqu’à ce qu’il perçoive sa pension ASVG. À titre subsidiaire, il a demandé qu’il soit jugé qu’il peut prétendre à cette pension de transition pendant les cinq années qui suivent la date de la dissolution de sa relation de travail avec Roche et, à titre encore plus subsidiaire, pour la période pendant laquelle il n’a pas exercé d’activité professionnelle.

25
À l’appui de ses prétentions, M. Hlozek soutient en substance que le régime relatif à l’octroi de la pension de transition, tel qu’il figure au point 8 du plan social du 26 février 1998, est illicite et nul tant au regard du droit interne que du droit communautaire, en ce qu’il prévoit un âge différent pour les hommes (55 ans) et pour les femmes (50 ans). Selon lui, la disposition relative à l’âge le plus jeune doit valoir également pour les hommes et, étant donné qu’il avait 54 ans au moment où il a été licencié, il peut prétendre à l’octroi d’une pension de transition.

26
Par jugement rendu le 17 octobre 2000, l’Arbeits- und Sozialgericht Wien a fait droit à la demande de M. Hlozek et a jugé que celui-ci pouvait prétendre, à l’égard de Roche, à l’octroi d’une pension de transition jusqu’à ce qu’il perçoive sa pension ASVG, mais seulement pendant une période maximale de cinq ans à compter du 30 juin 1999, date de la dissolution de sa relation de travail. Il a estimé que, eu égard à la jurisprudence de la Cour de justice, en particulier l’arrêt du 17 mai 1990, Barber (C-262/88, Rec. p. I-1889), il fallait considérer que le régime en question heurte le principe de l’égalité de traitement figurant à l’article 141 CE en ce qu’il établit des conditions d’âge différentes pour l’octroi de la pension de transition aux hommes et aux femmes. Selon cette juridiction, étant donné que l’article 141 CE est obligatoire et directement applicable, les conditions d’âge différentes sont nulles et le droit à l’octroi d’une pension de transition doit bénéficier aux hommes et aux femmes qui ont atteint l’âge de 50 ans au moment où la relation de travail a pris fin et qui n’ont pas encore droit à une pension ASVG.

27
Ce jugement ayant été confirmé en appel par l’Oberlandesgericht Wien (Autriche), Roche a introduit un pourvoi en «Revision» devant l’Oberster Gerichtshof. Elle conteste que la pension de transition en question doive s'apprécier au regard de l'article 141 CE et qu'il y ait discrimination. Elle soutient en substance, à cet égard, qu'il s'agit de savoir si la condition d'ouverture du droit à la pension de transition comporte une discrimination et que, conformément à l'arrêt du 16 février 1982, rendu dans l'affaire Burton (19/81, Rec. p. 555), cette question ne doit pas s'apprécier au regard de l'article 141 CE mais au regard de la directive 76/207. D'après Roche, on peut moduler le bénéfice d'une prestation de cette nature en fonction des âges différents auxquels le régime légal de sécurité sociale commence à servir des prestations. Au demeurant, elle fait valoir que, dans la pension de transition, la prestation de travail et la rémunération sont dissociées et que, si l'âge auquel les prestations sont servies était identique pour les hommes et pour les femmes, cela créerait une discrimination au préjudice des femmes.

28
Dans la décision de renvoi, l’Oberster Gerichtshof fait référence aux statistiques compilées par l’Arbeitsmarketservice Wien pour les années 1998 à 2000, relatives à la répartition du nombre de chômeurs en Autriche selon les sexes et les âges. Il relève que, d’après ces statistiques, le nombre de chômeurs dans les catégories de moins de 49 ans est relativement constant et égal pour les deux sexes. Toutefois, dans la classe d'âge de 50 à 54 ans, le nombre de chômeurs chez les femmes atteint presque le double de ce qu'il est dans la classe d'âge précédente. En outre, dans cette même classe d'âge, le nombre de chômeurs féminins est nettement plus élevé que le nombre de chômeurs masculins. En revanche, dans la classe d'âge de 55 à 59 ans, le nombre de chômeurs de sexe masculin est plus important que celui de la classe d'âge précédente. De plus, il est supérieur au nombre de chômeurs de sexe féminin dans cette classe d'âge.

29
Selon la juridiction de renvoi, cette situation pourrait s'expliquer par le fait que le risque de chômage augmente avec le rapprochement, pour chacun des deux sexes, de l'âge légal de la retraite. Ainsi, chez les femmes, dont l'âge de la pension légale est inférieur à celui des hommes, ce risque atteint plus tôt son maximum que chez ces derniers. Ladite juridiction relève que la défenderesse au principal a soutenu que le plan social en question vise précisément à prendre en compte le risque accru de chômage qu'encourt le travailleur lorsqu’il est licencié dans les cinq dernières années précédant son départ à la retraite.

30
La juridiction de renvoi précise également que l’octroi de la pension de transition, telle que prévu par le plan social litigieux, ne constitue pas la conclusion d'une relation de travail au sens de l'article 2, paragraphe 1, point 1, du Gleichbehandlungsgesetz ni une promotion au sens de l'article 2, paragraphe 1, point 3, de la même loi. Elle relève que les travailleurs concernés ne devront fournir aucun travail.

31
Étant donné que la pension de transition n’a pas pour but de compléter une assurance ou une pension légale, il ne s'agirait pas non plus d'une pension relevant d'un régime professionnel de sécurité sociale. Il n'y aurait aucun lien avec la durée de la relation de travail ni avec les périodes d'affiliation. En substance, selon les constatations de la juridiction de renvoi, le travailleur se voit accorder, du seul fait de son appartenance au personnel de l'entreprise et en vertu de l'obligation de l'employeur de mettre en place une protection sociale à son égard, une protection contre le risque de ne pas trouver de nouvel emploi lorsque sa relation de travail prend fin à un âge auquel on sait qu'il est très difficile d'en trouver.

32
Eu égard à ces éléments, l’Oberster Gerichtshof a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1) a)
Faut-il interpréter l'article 141 CE et l'article 1er de la directive 75/117/CEE [...] en ce sens que dans un régime dans lequel l'employeur, qui licencie une partie importante des travailleurs à la suite d'une fusion avec une autre société, est obligé de conclure au titre de son obligation de mettre en place une protection sociale à l'égard de l'ensemble du personnel pour atténuer les conséquences du licenciement − en particulier le risque de chômage lié à l'âge − avec les délégués du personnel un plan social qui a valeur normative pour les travailleurs, [...] ces dispositions s'opposent à un plan social aux termes duquel tous les travailleurs féminins ayant 50 ans au moment du licenciement et tous les travailleurs masculins ayant 55 ans au moment du licenciement se voient accorder une [...] [‘pension de transition’] de 75% du dernier traitement mensuel brut pendant cinq ans mais au maximum jusqu'au moment où ils ont droit à la pension légale, indépendamment de la durée d'activité, c'est-à-dire sans tenir compte des ‘périodes d'affiliation’, sur la seule base de l'âge − et du risque différent de chômage de longue durée évalué forfaitairement pour les hommes et les femmes en fonction de l'âge?

b) Faut-il comprendre en particulier la notion de rémunération figurant à l'article 141 CE ainsi qu'à l'article 1

c) Ou, si la notion de ‘rémunération’ figurant dans ces dispositions ne couvre que la prestation en espèce comme telle, la différence de risque ainsi comprise peut-elle alors justifier un régime différent entre les hommes et les femmes?

2) a)
Faut-il comprendre la notion de ‘régimes professionnels de sécurité sociale’ au sens de l'article 2, paragraphe 1, de la directive 86/378/CEE [...] en ce sens qu'elle englobe aussi les pensions de transition évoquées ci-dessus?

b) Faut-il comprendre la notion de risque de ‘vieillesse, y compris dans le cas de retraites anticipées’ figurant à l'article 4 de la directive en ce sens qu'elle englobe aussi les [‘pensions de transition’] de cette nature?

c) La notion de ‘régime’ figurant à l'article 6, paragraphe 1, sous c), de la directive couvre-t-elle uniquement les conditions d'ouverture du droit à la pension de transition ou couvre-t-elle aussi globalement l'appartenance au personnel?

3) a)
Faut-il interpréter la directive [76/207/CEE] [...] en ce sens que la [‘pension de transition’] [...] évoquée ci-dessus est une condition de licenciement au sens de l'article 5 de cette directive?

b) Faut-il interpréter cette directive en ce sens qu'elle s'oppose à un plan social aux termes duquel tous les travailleurs féminins ayant 50 ans au moment du licenciement et tous les travailleurs masculins ayant 55 ans au moment du licenciement se voient accorder une [‘pension de transition’] [...] de 75% du dernier traitement mensuel brut pendant cinq ans mais au maximum jusqu'au moment où ils ont droit à la pension légale, indépendamment de la durée d'activité, c'est-à-dire sans tenir compte des ‘périodes d'affiliation’, sur la seule base de l'âge − et du risque différent de chômage de longue durée évalué forfaitairement pour les hommes et les femmes en fonction de l'âge?»


Sur les questions préjudicielles

Sur la première question

33
Par sa première question, qui se divise en trois branches [points a) à c)], la juridiction de renvoi demande, en substance, si une pension de transition telle que celle en cause dans l’affaire au principal relève de la notion de «rémunération» au sens de l’article 141 CE et de l’article 1er de la directive 75/117 et, dans l’affirmative, si ces dispositions s’opposent à ce que cette pension soit octroyée en tenant compte du risque différent de chômage de longue durée évalué forfaitairement pour les hommes et pour les femmes en fonction de l’âge, ou si, au contraire, la différence de risque ainsi comprise peut justifier une différence de traitement entre les travailleurs masculins et les travailleurs féminins en ce qui concerne l’âge à partir duquel, en cas de licenciement, ils peuvent prétendre à l’octroi de ladite pension.

Première branche: qualification de la prestation

34
En ce qui concerne la première branche de cette question, toutes les parties qui ont soumis des observations à la Cour, à l’exception de Roche, soutiennent qu’une prestation telle que la pension de transition en cause dans l’affaire au principal est une «rémunération» au sens de l’article 141 CE et de l’article 1er de la directive 75/117. Selon Roche, il ne s’agit pas de qualifier la prestation en tant que telle, mais de savoir si les conditions d’ouverture du droit à la pension de transition sont discriminatoires. Elle fait valoir que cette matière relève de la directive 76/207 et invoque à cet égard l’arrêt Burton, précité.

35
Selon une jurisprudence constante se référant à l’article 119 du traité, la notion de «rémunération», au sens de l’article 141 CE et de l’article 1er de la directive 75/117, comprend tous les avantages en espèces ou en nature, actuels ou futurs, pourvu qu’ils soient payés, serait-ce indirectement, par l’employeur au travailleur en raison de l’emploi de ce dernier. La circonstance que certaines prestations soient versées après la cessation de la relation de travail n’exclut pas qu’elles puissent avoir un caractère de rémunération au sens des dispositions susmentionnées (voir, notamment, arrêts Barber, précité, point 12, et du 9 février 1999, Seymour-Smith et Perez, C-167/97, Rec. p. I-623, points 23 et 24).

36
S’il est vrai que dans son arrêt Burton, précité, la Cour a jugé que la directive 76/207 s’applique aux conditions d’octroi d’une indemnité de départ volontaire versée par un employeur à un travailleur souhaitant quitter son emploi, la Commission a relevé à juste titre que cette jurisprudence n’a pas été réitérée dans des arrêts plus récents portant sur des prestations versées après la cessation de la relation de travail.

37
En effet, s’agissant des indemnités octroyées par l'employeur au travailleur à l'occasion de son licenciement, la Cour a déjà constaté que celles-ci constituent une forme de rémunération différée, à laquelle le travailleur a droit en raison de son emploi, mais qui lui est versée au moment de la cessation de la relation de travail, dans le but de faciliter son adaptation aux circonstances nouvelles résultant de celle-ci (arrêts Barber, précité, point 13; du 27 juin 1990, Kowalska, C-33/89, Rec. p. I-2591, point 10, ainsi que Seymour-Smith et Perez, précité, point 25).

38
En l’occurrence, il convient de relever que la pension de transition trouve son origine dans le plan social du 26 février 1998 qui est le résultat d’une concertation entre partenaires sociaux et qu’elle est due par l’entreprise en raison de la relation de travail qui a existé entre celle-ci et certains travailleurs licenciés dans le cadre de l’opération de restructuration visée par ledit plan. Le point 8.3 de ce dernier, selon lequel le montant de la pension est calculé sur la base du dernier traitement mensuel brut, confirme que la pension de transition constitue un avantage octroyé en relation avec l’emploi des travailleurs concernés.

39
Il est constant que le plan social susmentionné a été élaboré en vue d’atténuer les conséquences sociales d’une opération de restructuration de l’entreprise. Ainsi, il réserve le bénéfice de la pension de transition aux travailleurs ayant atteint un âge proche de l’âge légal de la retraite au moment de leur licenciement et prévoit que cette pension leur sera versée de manière périodique pendant une durée maximale de cinq ans, sans qu’ils soient tenus de fournir un travail. Or, au nombre des avantages qualifiés de rémunération figurent précisément les avantages payés par l’employeur en raison de l’existence de rapports de travail salariés qui ont pour objet d’assurer une source de revenus aux travailleurs, même s’ils n’exercent, dans des cas spécifiques, aucune activité prévue par le contrat de travail (voir, en ce sens, arrêt du 16 septembre 1999, Abdoulaye e.a., C-218/98, Rec. p. I-5723, point 13 et jurisprudence citée). En outre, le caractère de rémunération de telles prestations ne saurait être mis en doute du seul fait qu’elles répondent également à des considérations de politique sociale (arrêt du 17 février 1993, Commission/Belgique, C-173/91, Rec. p. I-673, point 21, et du 28 septembre 1994, Beune, C-7/93, Rec. p. I-4471, point 45).

40
Il y a donc lieu de conclure que la pension de travail en cause dans l’affaire au principal relève de la notion de «rémunération» au sens de l’article 141 CE et de l’article 1er de la directive 75/117. 

Deuxième et troisième branches: existence d’une discrimination fondée sur le sexe

41
Il convient d’examiner ensemble les deuxième et troisième branches de la première question préjudicielle, lesquelles ont pour objet de savoir si, dans les circonstances de l’affaire au principal, la différence de traitement entre travailleurs masculins et travailleurs féminins prévue par le plan social du 26 février 1998 en ce qui concerne l’âge ouvrant le droit à une pension de transition constitue une discrimination interdite par l’article 141 CE et par l’article 1er de la directive 75/117.

42
Le principe de l'égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins pour un même travail, tel que consacré par l'article 141 CE et précisé par l’article 1er de la directive 75/117, s’oppose notamment à l'application de dispositions qui établissent des discriminations directement fondées sur le sexe.

43
S'agissant de l’article 141 CE, il convient de rappeler que, ayant un caractère impératif, la prohibition de discrimination entre travailleurs masculins et travailleurs féminins s'impose non seulement à l'action des autorités publiques, mais s'étend également à toutes conventions visant à régler de façon collective le travail salarié (voir arrêts du 8 avril 1976, Defrenne, 43/75, Rec. p. 455, point 39; Kowalska, précité, point 12, et du 18 novembre 2004, Sass, C-284/02, non encore publié au Recueil, point 25).

44
Toutefois, conformément à la jurisprudence de la Cour, ce principe d'égalité des rémunérations, tout comme le principe général de non-discrimination dont il est une expression particulière, présuppose que les travailleurs masculins et les travailleurs féminins qui en bénéficient se trouvent dans des situations identiques ou comparables (voir arrêts du 9 novembre 1993, Roberts, dit «Birds Eye Walls», C-132/92, Rec. p. I-5579, point 17; du 13 février 1996, Gillespie e.a., C-342/93, Rec. I-475, points 16 à 18; Abdoulaye e.a., précité, point 16, et du 13 décembre 2001, Mouflin, C-206/00, Rec. p. I-10201, point 28).

45
En l’espèce, il est constant que les dispositions du plan social du 26 février 1998 prévoient une différence de traitement entre les travailleurs directement fondée sur leur sexe, puisqu’elles fixent l’âge ouvrant le droit à la pension de transition à 55 ans pour les hommes et à 50 ans pour les femmes. Toutefois, selon Roche et la république d’Autriche, ces dispositions n’ont pas pour objet ni pour effet d’établir une discrimination à l’encontre des travailleurs masculins. Elles soutiennent, en substance, que les travailleurs masculins licenciés à un âge entre 50 et 54 ans ne se trouvent pas dans une situation identique ou comparable à celle des travailleurs féminins de la même classe d’âge. Par conséquent, il serait contraire au principe de l’égalité de traitement que la même règle soit appliquée à des situations objectivement différentes.

46
À cet égard, il convient de relever que le plan social du 26 février 1998, pris en application des dispositions de l’ArbVG, a été conclu entre l’entreprise et les représentants élus de son personnel en vue d’atténuer les conséquences sociales du licenciement d’un nombre important de travailleurs dans le cadre d’une opération de fusion avec une autre société. C’est dans ce contexte que le plan social a prévu une pension de transition octroyée exclusivement aux travailleurs ayant atteint un âge relativement avancé au moment de leur licenciement, tenant ainsi compte du risque accru de chômage de longue durée normalement encouru par ces travailleurs.

47
Il est vrai que le risque réel de chômage encouru par chaque travailleur ne dépend pas uniquement de facteurs comme l’âge et le sexe, mais également, comme l’a fait valoir M. Hlozek, d’autres facteurs qui lui sont propres, tels que ses qualifications et sa mobilité professionnelle. Toutefois, il n’en demeure pas moins que, selon l'expérience communément admise à l’époque de la restructuration de l’entreprise, les partenaires sociaux ont pu légitimement estimer que les travailleurs approchant l’âge légal de la retraite constituaient, au regard de l’intensité du risque de ne pas retrouver un nouvel emploi, une catégorie différente de celle regroupant les autres travailleurs. Cette appréciation explique le fait que, en ce qui concerne l’octroi de la pension de transition, le plan social ait établi une différence de traitement fondée directement sur l’âge des travailleurs au moment de leur licenciement.

48
Étant donné que, à l’époque de la conclusion du plan social, les femmes pouvaient prétendre à l’octroi d’une pension de retraite anticipée servie par le régime légal dès l’âge de 55 ans, alors que les hommes ne pouvaient prétendre à l’octroi de cette pension qu’à l’âge de 60 ans, les partenaires sociaux ont estimé que, pour assurer l’égalité de traitement de l’ensemble des travailleurs, il était nécessaire que les travailleurs féminins puissent bénéficier du droit à la pension de transition à partir d’un âge inférieur de cinq ans à celui fixé pour leurs collègues masculins. Cette disposition du plan social n’avait pas pour objet ni pour effet d’établir une discrimination à l’encontre des travailleurs masculins de l’entreprise. En effet, les travailleurs masculins qui, comme M. Hlozek, relevaient de la classe d'âge comprise entre 50 et 54 ans au moment de leur licenciement, étaient plus éloignés de l'âge légal de la retraite anticipée et, partant, ne se trouvaient pas dans une situation identique à celle des travailleurs féminins appartenant à cette même classe d’âge au regard de l'intensité du risque de chômage auquel ils étaient exposés.

49
Il convient dès lors de constater que, en fixant différemment l'âge à partir duquel le droit à la pension de transition était ouvert aux travailleurs masculins et aux travailleurs féminins, le plan social a prévu un mécanisme neutre, ce qui confirme l’absence de tout élément discriminatoire (arrêt Birds Eye Walls, précité, point 23).

50
En outre, il convient de souligner que les dispositions du plan social du 26 février 1998 concernant l’octroi d’une pension de transition n’ont vocation à s’appliquer ni de manière générale ni pendant une période indéterminée. Ces dispositions ont été convenues par les partenaires sociaux en vue d’une seule opération de restructuration de l’entreprise et le versement de toutes les pensions de transition octroyées aux travailleurs licenciés dans le cadre de cette opération prend fin au plus tard cinq ans après leur licenciement. Par conséquent, contrairement à l'argument avancé par la Commission, il n’est pas à craindre que l’application du plan social ait pour effet de renforcer ou de perpétuer les dispositions du régime légal autrichien établissant une différence de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l’âge de l’admission à une pension de retraite, même s’il existe un lien étroit entre les dispositions du plan social et celles du régime légal.

51
Il y a donc lieu de répondre à la première question qu’une pension de transition telle que celle en cause dans l’affaire au principal relève de la notion de «rémunération» au sens de l’article 141 CE et de l’article 1er de la directive 75/117. Dans des circonstances telles que celles de l'affaire au principal, ces dispositions ne s’opposent pas à l’application d’un plan social prévoyant une différence de traitement entre travailleurs masculins et travailleurs féminins en ce qui concerne l’âge ouvrant le droit à une pension de transition, dès lors que ces travailleurs masculins et féminins se trouvent, en vertu du régime légal national sur les pensions de retraite anticipée, dans des situations différentes au regard des éléments pertinents pour l’octroi de ladite pension.

Sur les deuxième et troisième questions

52
Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande en substance si la pension de transition en cause dans l’affaire au principal relève de la notion de «régimes professionnels de sécurité sociale» au sens de la directive 86/378. Par sa troisième question, qui se divise en deux branches, elle cherche à savoir si ladite pension de transition constitue une «condition de licenciement» au sens de l’article 5 de la directive 76/207 et, dans l’affirmative, si cette directive s’oppose à ce qu’une telle pension soit octroyée selon des règles comme celles fixées dans le plan social dont il est question dans l’affaire au principal.

53
Au vu de la réponse apportée à la première question, selon laquelle la pension de transition relève de la notion de «rémunération» au sens de l’article 141 CE, l’interprétation des directives 86/378 et 76/207 est dénuée de pertinence pour la solution du litige au principal. Dans ces conditions, il n’y a pas lieu de répondre aux deuxième et troisième questions préjudicielles.


Sur les dépens

54
La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit:

Une pension de transition telle que celle en cause dans l’affaire au principal relève de la notion de «rémunération» au sens de l’article 141 CE et de l’article 1er de la directive 75/117/CEE du Conseil, du 10 février 1975, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à l’application du principe de l’égalité des rémunérations entre les travailleurs masculins et les travailleurs féminins. Dans des circonstances telles que celles de l'affaire au principal, ces dispositions ne s’opposent pas à l’application d’un plan social prévoyant une différence de traitement entre travailleurs masculins et travailleurs féminins en ce qui concerne l’âge ouvrant le droit à une pension de transition, dès lors que ces travailleurs masculins et féminins se trouvent, en vertu du régime légal national sur les pensions de retraite anticipée, dans des situations différentes au regard des éléments pertinents pour l’octroi de ladite pension.

Signatures.


1
Langue de procédure: l'allemand.

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