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Document 62002CJ0184

    Arrêt de la Cour (première chambre) du 9 septembre 2004.
    Royaume d'Espagne (C-184/02) et République de Finlande (C-223/02) contre Parlement européen et Conseil de l'Union européenne.
    Directive 2002/15/CE - Aménagement du temps de travail des transporteurs routiers - Conducteurs indépendants - Base juridique - Libre exercice d'une profession - Principe d'égalité de traitement - Proportionnalité - Obligation de motivation.
    Affaires jointes C-184/02 et C-223/02.

    Recueil de jurisprudence 2004 I-07789

    Identifiant ECLI: ECLI:EU:C:2004:497

    Arrêt de la Cour

    Affaires jointes C-184/02 et C-223/02


    Royaume d'EspagneetRépublique de Finlande
    contre
    Parlement européen et Conseil de l'Union européenne


    «Directive 2002/15/CE – Aménagement du temps de travail des transporteurs routiers – Conducteurs indépendants – Base juridique – Libre exercice d'une profession – Principe d'égalité de traitement – Proportionnalité – Obligation de motivation»

    Conclusions de l'avocat général Mme C. Stix-Hackl, présentées le 30 mars 2004
        
    Arrêt de la Cour (première chambre) du 9 septembre 2004
        

    Sommaire de l'arrêt

    1.
    Transports – Transports par route – Dispositions de politique sociale et de sécurité routière – Directive 2002/15 relative à l'aménagement du temps de travail – Base juridique

    (Art. 71, § 1, c) et d), CE; directive du Parlement européen et du Conseil 2002/15)

    2.
    Droit communautaire – Principes – Droits fondamentaux – Libre exercice des activités professionnelles – Restrictions – Conditions – Directive 2002/15 relative à l'aménagement du temps de travail – Mesures visant les conducteurs indépendants – Mesures justifiées par l'intérêt général tenant à la sécurité routière – Absence de violation dudit principe

    (Directive du Parlement européen et du Conseil 2002/15)

    3.
    Transports – Transports par route – Dispositions de politique sociale et de sécurité routière – Directive 2002/15 relative à l'aménagement du temps de travail – Mesures différentes visant les conducteurs salariés et les conducteurs indépendants – Violation du principe d'égalité de traitement – Absence

    (Directive du Parlement européen et du Conseil 2002/15)

    4.
    Transports – Transports par route – Dispositions de politique sociale et de sécurité routière – Directive 2002/15 relative à l'aménagement du temps de travail – Mesures visant les conducteurs indépendants et n'impliquant pas une entrave à la création et au développement des petites et moyennes entreprises – Absence de violation de l'article 137, paragraphe 2, CE

    (Art. 137, § 2, al. 1, seconde phrase, CE; directive du Parlement européen et du Conseil 2002/15)

    1.
    La réglementation du temps de travail des conducteurs indépendants envisagée par la directive 2002/15, relative à l’aménagement du temps de travail des personnes exécutant des activités mobiles de transport routier, poursuit un objectif de sécurité routière, tel que prévu à l’article 71, paragraphe 1, sous c), CE. En effet, ladite règlementation énonce un certain nombre de mesures visant à contenir dans des limites raisonnables la cadence hebdomadaire de travail du conducteur indépendant, s’agissant d’activités propres à influencer sa conduite en raison de leurs effets sur son état de fatigue, et à lui imposer des périodes minimales de récupération. Ces mesures visent donc indéniablement à améliorer la sécurité routière, susceptible d’être mise en péril non seulement par des périodes de conduite trop longues, mais aussi par une accumulation excessive d’activités autres que la conduite.
    Par ailleurs, de telles mesures ne peuvent que contribuer à l’élimination des disparités de nature à fausser substantiellement les conditions de concurrence dans les transports et s’avérer ainsi, pour l’établissement d’une politique commune des transports, «utiles» au sens de l’article 71, paragraphe 1, sous d), CE.

    (cf. points 33-34, 40)

    2.
    Le libre exercice d’une activité professionnelle fait partie des principes généraux du droit communautaire. Il en va de même de la liberté d’entreprendre, laquelle se confond avec le libre exercice d’une activité professionnelle. Ces libertés n’apparaissent toutefois pas comme des prérogatives absolues, mais doivent être prises en considération par rapport à leur fonction dans la société. Par conséquent, des restrictions peuvent leur être apportées, à condition qu’elles répondent à des objectifs d’intérêt général et ne constituent pas, au regard du but poursuivi, une intervention démesurée et intolérable qui porterait atteinte à la substance même des libertés ainsi garanties.
    À cet égard, compte tenu du large pouvoir d’appréciation dont il dispose pour adopter les mesures utiles en vue d’une politique commune des transports, le législateur communautaire a pu considérer que des mesures, telles que celles contenues dans la directive 2002/15, relative à l’aménagement du temps de travail des personnes exécutant des activités mobiles de transport routier, visant à encadrer le temps consacré par le conducteur indépendant aux activités directement liées au transport routier, sans entamer la liberté de celui-ci d’organiser comme il l’entend les tâches générales inhérentes au statut d’indépendant, constituent des mesures adéquates et raisonnables au regard de l’objectif de sécurité routière.

    (cf. points 51-52, 56, 58)

    3.
    La directive 2002/15, relative à l’aménagement du temps de travail des personnes exécutant des activités mobiles de transport routier, ne porte pas atteinte au principe de non-discrimination dès lors qu’elle édicte des mesures différentes pour les conducteurs indépendants et les conducteurs salariés, qui se trouvent dans des situations différentes. En effet, les conducteurs indépendants doivent assumer, en plus des activités directement liées au transport routier, des tâches administratives générales qui sont étrangères aux conducteurs salariés, ce dont la directive a tenu compte dans ses mesures visant les conducteurs indépendants.

    (cf. points 65-66)

    4.
    L’article 137, paragraphe 2, premier alinéa, seconde phrase, CE implique que soient pris en compte les intérêts économiques particuliers des petites et moyennes entreprises lors de l’adoption de mesures relevant du paragraphe 1, premier tiret, du même article, mais ne s’oppose pas à ce que ces entreprises fassent l’objet de mesures contraignantes.
    Dès lors, ne peut être considérée comme contraire à cet article la réglementation du temps de travail des conducteurs indépendants envisagée par la directive 2002/15, relative à l’aménagement du temps de travail des personnes exécutant des activités mobiles de transport routier. En effet, cette réglementation traduit une prise en considération équilibrée de l’objectif de sécurité routière, d’une part, et des spécificités du statut de conducteur indépendant liées aux tâches générales d’administration de l’entreprise de ce dernier, d’autre part, sans imposer de contraintes de nature à entraver la création et le développement des petites et moyennes entreprises.

    (cf. points 72-73)




    ARRÊT DE LA COUR (première chambre)
    9 septembre 2004(1)


    «Directive 2002/15/CE – Aménagement du temps de travail des transporteurs routiers – Conducteurs indépendants – Base juridique – Libre exercice d'une profession – Principe d'égalité de traitement – Proportionnalité – Obligation de motivation»

    Dans les affaires jointes C-184/02 et C-223/02,ayant pour objet deux recours en annulation au titre de l'article 230 CE,introduits les 16 mai et 12 juin 2002,

    Royaume d'Espagne, représenté initialement par Mme R. Silva de Lapuerta, puis par Mme N. Díaz Abad, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

    partie requérante dans l'affaire C-184/02,

    etRépublique de Finlande, représentée par Mme T. Pynnä, en qualité d'agent, ayant élu domicile à Luxembourg,

    partie requérante dans l'affaire C-223/02,

    contre

    Parlement européen, représenté par Mme M. Gómez-Leal et M. C. Pennera (C-184/02) ainsi que par MM. H. von Hertzen et G. Ricci (C-223/02), en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,etConseil de l'Union européenne, représenté par MM. A. Lopes Sabino et G.-L. Ramos Ruano (C-184/02) ainsi que par MM. A. Lopes Sabino et H. Erno (C-223/02), en qualité d'agents,

    parties défenderesses,

    soutenus parCommission des Communautés européennes, représentée par MM. F. Castillo de la Torre et W. Wils (C-184/02) ainsi que par MM. M. Huttunen et W. Wils (C-223/02), en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

    partie intervenante,



    LA COUR (première chambre),,



    composée de M. P. Jann, président de chambre, MM. A. Rosas, S. von Bahr, K. Lenaerts (rapporteur) et K. Schiemann, juges,

    avocat général: Mme C. Stix-Hackl,
    greffier: Mme M. Múgica Arzamendi, administrateur principal,

    vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 5 février 2004,considérant les observations présentées par les parties,

    ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 30 mars 2004,

    rend le présent



    Arrêt



    1
    Par sa requête, le royaume d’Espagne (C‑184/02) demande l’annulation de la directive 2002/15/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mars 2002, relative à l’aménagement du temps de travail des personnes exécutant des activités mobiles de transport routier (JO L 80, p. 35, ci-après la «directive attaquée»). Cette requête a fait l’objet d’une correction le 3 juin 2002.

    2
    Par sa requête, la république de Finlande (C‑223/02) demande l’annulation de la directive attaquée dans la mesure où celle-ci concerne les conducteurs indépendants.

    3
    Par ordonnances du président de la Cour datées, respectivement, des 4 octobre et 7 novembre 2002, la Commission des Communautés européennes a été admise à intervenir à l’appui des conclusions du Parlement et du Conseil.

    4
    Étant donné la connexité entre les deux affaires, le président de la première chambre de la Cour a, par ordonnance du 7 janvier 2004, décidé de joindre les affaires C‑184/02 et C‑223/02 aux fins de la procédure orale et de l’arrêt, conformément à l’article 43 du règlement de procédure.


    Le cadre juridique

    5
    Le 20 décembre 1985, le Conseil a adopté le règlement (CEE) n° 3820/85, relatif à l’harmonisation de certaines dispositions en matière sociale dans le domaine des transports par route (JO L 370, p. 1). Ce règlement, applicable aux conducteurs salariés et indépendants, régit essentiellement les temps de conduite et de repos en matière de transport routier.

    6
    Le 23 novembre 1993, le Conseil a adopté la directive 93/104/CE, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail (JO L 307, p. 18). Celle-ci réglemente les périodes minimales de repos journalier et hebdomadaire, le congé annuel, le temps de pause et la durée maximale hebdomadaire de travail, ainsi qu’un certain nombre d’aspects relatifs au travail de nuit, au travail posté et au rythme de travail.

    7
    Initialement exclu du champ d’application de la directive 93/104, le secteur des transports routiers a été intégré dans celui-ci par la directive 2000/34/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 juin 2000, modifiant la directive 93/104 du Conseil concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail afin de couvrir les secteurs et activités exclus de ladite directive (JO L 195, p. 41). En vertu de cette directive modificative, les dispositions de la directive 93/104 relatives au repos journalier et hebdomadaire, au temps de pause et à la durée du travail de nuit ne sont cependant pas applicables aux travailleurs mobiles.

    8
    En 2002 a été adoptée la directive attaquée. Aux termes de son article 1er, celle-ci a pour objet de «[...] fixer des prescriptions minimales relatives à l’aménagement du temps de travail afin d’améliorer la protection de la sécurité et de la santé des personnes exécutant des activités mobiles de transport routier ainsi que la sécurité routière et de rapprocher davantage les conditions de concurrence».

    9
    L’article 2 de la directive attaquée, relatif au champ d’application de celle-ci, dispose, à son paragraphe 1, ce qui suit:

    «La présente directive s’applique aux travailleurs mobiles employés par des entreprises établies dans un État membre et participant à des activités de transport routier couvertes par le règlement (CEE) n° 3820/85 ou, à défaut, par l’accord AETR.

    Sans préjudice des dispositions de l’alinéa ci-après, la présente directive s’applique aux conducteurs indépendants à compter du 23 mars 2009.

    Au plus tard deux ans avant cette date, la Commission soumet un rapport au Parlement européen et au Conseil. Ce rapport analysera les conséquences de l’exclusion des conducteurs indépendants du champ d’application de la directive, eu égard notamment à la sécurité routière, aux conditions de concurrence, à la structure de la profession ainsi qu’aux aspects sociaux. Les conditions prévalant dans chaque État membre en ce qui concerne la structure du secteur des transports et l’environnement de travail de la profession de transporteur routier seront prises en compte. Sur la base de ce rapport, la Commission présente une proposition ayant pour objectif, le cas échéant:

    soit de fixer les modalités visant à inclure les travailleurs indépendants dans le champ d’application de la directive eu égard à certains conducteurs indépendants qui ne participent pas à des activités de transport routier dans d’autres États membres et qui sont soumis à des contraintes locales liées à des motifs objectifs, telles que la situation périphérique, la longueur des distances internes et des conditions de concurrence particulières,

    soit de ne pas inclure les conducteurs indépendants dans le champ d’application de la directive.»

    10
    L’article 3 de la directive attaquée définit les notions de «temps de travail», de «temps de disponibilité», de «poste de travail», de «travailleur mobile», de «conducteur indépendant», de «personne exécutant des activités mobiles de transport routier», de «semaine», de «période nocturne» et de «travail de nuit».

    11
    À l’article 3, sous a), de cette directive, le «temps de travail» est défini comme suit:

    «
    (2) 1)dans le cas des travailleurs mobiles: toute période comprise entre le début et la fin du travail, durant laquelle le travailleur mobile est à son poste de travail, à la disposition de l’employeur et dans l’exercice de ses fonctions ou de ses activités, c’est-à-dire:

    le temps consacré à toutes les activités de transport routier. Ces activités sont notamment les suivantes:

    i)
    la conduite,

    ii)
    le chargement et le déchargement,

    iii)
    l’assistance aux passagers à la montée et à la descente du véhicule,

    iv)
    le nettoyage et l’entretien technique,

    v)
    tous les autres travaux visant à assurer la sécurité du véhicule, du chargement et des passagers ou à remplir les obligations légales ou réglementaires directement liées au transport spécifique en cours, y compris le contrôle des opérations de chargement et de déchargement et les formalités administratives avec les autorités policières, douanières, les services d’immigration, etc.;

    les périodes durant lesquelles le travailleur mobile ne peut disposer librement de son temps et est tenu de se trouver à son poste de travail, prêt à entreprendre son travail normal, assurant certaines tâches associées au service, notamment les périodes d’attente de chargement ou de déchargement, lorsque leur durée prévisible n’est pas connue à l’avance, c’est-à-dire soit avant le départ ou juste avant le début effectif de la période considérée, soit selon les conditions générales négociées entre les partenaires sociaux et/ou définies par la législation des États membres;

    2)
    dans le cas des conducteurs indépendants, cette définition s’applique à toute période comprise entre le début et la fin du travail, durant laquelle le conducteur indépendant est à son poste de travail, à la disposition du client et dans l’exercice de ses fonctions ou de ses activités, autres que les tâches administratives générales qui ne sont pas directement liées au transport spécifique en cours.

    […]»

    12
    À l’article 3, sous e), premier alinéa, de la directive attaquée, le conducteur indépendant est défini comme «[...] toute personne dont l’activité professionnelle principale consiste à effectuer des transports de voyageurs ou de marchandises par route contre rémunération au sens de la législation communautaire sous couvert d’une licence communautaire ou de toute autre habilitation professionnelle pour effectuer lesdits transports, qui est habilitée à travailler à son propre compte et qui n’est pas liée à un employeur par un contrat de travail ou par toute autre relation de subordination de travail, qui dispose de la liberté nécessaire pour l’organisation de l’activité visée, dont les revenus dépendent directement des bénéfices réalisés et qui est libre d’entretenir, à titre individuel ou en coopération avec d’autres conducteurs indépendants, des relations commerciales avec plusieurs clients».

    13
    La directive attaquée règle, essentiellement, la durée maximale hebdomadaire du travail (article 4), le temps de pause (article 5), le temps de repos des apprentis et des stagiaires (article 6) et le travail de nuit (article 7).


    Sur la recevabilité du recours dans l’affaire C-184/02

    14
    Le Parlement et le Conseil contestent la recevabilité du recours dans cette affaire. Ils font valoir que le Parlement n’est pas désigné comme partie défenderesse dans la requête, alors que la directive attaquée est une directive adoptée par ces deux institutions, conformément à la procédure de l’article 251 CE. Ils relèvent en outre que, dans la requête, il est conclu à la condamnation du seul Conseil aux dépens.

    15
    Ils ajoutent qu’il découle d’une lecture combinée des articles 21, premier alinéa, du statut CE de la Cour et 38, paragraphes 1, sous b), et 7, du règlement de procédure que le défaut de mention du Parlement en tant que partie défenderesse n’est pas une simple erreur matérielle et n’est pas susceptible de régularisation. Ils contestent, dans ces conditions, que la lettre adressée au greffe de la Cour par le royaume d’Espagne après le dépôt de la requête et ajoutant le Parlement comme partie défenderesse permette de conclure à la recevabilité du recours.

    16
    Il convient de relever que la correction apportée par le royaume d’Espagne après le dépôt de sa requête et désignant le Parlement et le Conseil comme parties défenderesses, est intervenue dans le délai de recours.

    17
    En tout état de cause, l’identification, dans la version initiale de la requête, de la directive 2002/15 «du Parlement européen et du Conseil» comme étant l’objet du recours en annulation vaut désignation, implicite mais certaine, tant du Parlement que du Conseil comme parties défenderesses et ne permet pas de douter que l’intention de la partie requérante a été, dès l’origine, de diriger le recours contre ces deux institutions. La correction mentionnée au point précédent doit, dans ces conditions, être considérée comme une clarification et non comme une modification ou une régularisation de la requête portant sur un élément visé à l’article 38, paragraphe 1, du règlement de procédure.

    18
    Il s’ensuit que le recours dans l’affaire C‑184/02 est recevable.


    Sur la recevabilité du recours dans l’affaire C‑223/02

    19
    Le Parlement et la Commission contestent la recevabilité du recours dans cette affaire en alléguant un manque de précision, contraire aux exigences de l’article 38, paragraphe 1, du règlement de procédure, en ce qui concerne l’objet du litige et les conclusions énoncées dans la requête. Le Parlement souligne que la république de Finlande n’identifie pas expressément les dispositions de la directive attaquée dont elle sollicite l’annulation. La Commission fait valoir que cet État membre ne précise pas dans sa requête s’il poursuit l’annulation de l’intégralité des dispositions visées au point 2 de celle-ci, de certaines de ces dispositions ou de certains termes figurant dans ces dernières.

    20
    Toutefois, il ressort sans ambiguïté de la requête que l’objet du recours est la directive attaquée dans la mesure où celle-ci concerne les conducteurs indépendants tels que définis à l’article 3, sous e), et que les conclusions de la république de Finlande tendent à l’annulation de cette directive dans la mesure précitée.

    21
    L’énumération, au point 2 de la requête, des éléments de la directive attaquée contenant une allusion spécifique aux conducteurs indépendants, à savoir le huitième considérant et les dispositions des articles 2, paragraphe 1, et 3, sous a), point 2), sous e) et sous f), de cette même directive, contribue à circonscrire avec toute la précision requise l’objet du présent recours en annulation.

    22
    Il s’ensuit que le recours dans l’affaire C‑223/02 est recevable.


    Sur le fond

    23
    Au soutien de leurs conclusions en annulation, les parties requérantes développent des moyens tantôt communs, tantôt propres à leur affaire, tirés de l’existence d’un excès de pouvoir, de violations du droit au libre exercice d’une activité professionnelle et du droit à la liberté d’entreprendre, d’une violation du principe de proportionnalité et du fait que la directive attaquée n’a pas pour objet la sécurité routière, de violations du principe de non-discrimination et de l’article 74 CE, d’une violation des articles 137, paragraphe 2, CE et 157 CE, ainsi que d’un défaut de motivation.

    Sur le moyen tiré de l’existence d’un excès de pouvoir

    24
    La république de Finlande soutient que ni l’article 71 CE ni l’article 137, paragraphe 2, CE ne confèrent à la Communauté le pouvoir de réglementer le temps de travail des conducteurs indépendants.

    25
    En ce qui concerne l’article 71 CE, elle allègue que la directive attaquée réglemente l’emploi du temps des conducteurs indépendants dans une mesure qui va bien au-delà des objectifs de sécurité routière et de rapprochement des conditions de concurrence couverts par cet article. S’agissant de l’objectif de sécurité routière, elle fait valoir que la directive attaquée ne régit pas seulement le temps de conduite, mais également le temps de travail global du conducteur indépendant, alors qu’il n’est aucunement démontré que les activités, autres que la conduite, liées au transport constituent des facteurs de risque pour la sécurité routière. S’agissant de l’objectif relatif au rapprochement des conditions de concurrence, elle soutient que cet objectif ne saurait non plus justifier l’inclusion des conducteurs indépendants dans le champ d’application de la directive attaquée, étant donné, d’une part, que les considérants de ladite directive ne permettent pas de mesurer ses effets réels sur les conditions de concurrence et, d’autre part, que les dispositions de cette directive sont plutôt de nature à accroître les distorsions de concurrence en défavorisant les petites et moyennes entreprises.

    26
    En ce qui concerne l’article 137, paragraphe 2, CE, la république de Finlande soutient que cette disposition n’autorise pas la Communauté à adopter des mesures concernant le temps de travail des indépendants.

    27
    Il convient de relever que la directive attaquée est fondée sur les articles 71 CE et 137, paragraphe 2, CE.

    28
    Il ressort de l’article 71, paragraphe 1, CE que, aux fins de la mise en œuvre d’une politique commune des transports, et compte tenu des aspects spéciaux de ces derniers, le Conseil, statuant conformément à la procédure de codécision visée à l’article 251 CE, est compétent pour établir, notamment, «les mesures permettant d’améliorer la sécurité des transports» [ sous c)] et «toutes autres dispositions utiles» [sous d)].

    29
    Selon une jurisprudence constante, le traité, en donnant au Conseil pour mission d’instaurer une politique commune des transports, lui confère un large pouvoir normatif quant à l’adoption de règles communes appropriées (arrêts du 28 novembre 1978, Schumalla, 97/78, Rec. p. 2311, point 4, et du 17 juillet 1997, SAM Schiffahrt et Stapf, C‑248/95 et C‑249/95, Rec. p. I‑4475, point 23).

    30
    Il ressort en outre du libellé clair de l’article 71, paragraphe 1, sous c), CE et des précisions fournies par la Cour sur la notion d’«autres dispositions utiles» visée à l’article 71, paragraphe 1, sous d), CE (arrêt Schumalla, précité, point 6) que, sur le fondement de l’article 71 CE, le législateur communautaire est en droit, ce que la république de Finlande admet d’ailleurs, d’adopter des dispositions communes tendant à améliorer la sécurité routière et à éliminer les disparités nationales de nature à fausser substantiellement les conditions de concurrence dans le secteur des transports.

    31
    La république de Finlande objecte toutefois que les dispositions de la directive attaquée concernant les conducteurs indépendants ne contribuent pas, contrairement à ce qu’énonce l’article 1er de celle-ci, aux objectifs de sécurité routière et de rapprochement des conditions de concurrence couverts par l’article 71 CE.

    32
    Il convient d’examiner le bien-fondé de cette argumentation.

    33
    En ce qui concerne, tout d’abord, l’objectif de sécurité routière, il y a lieu de relever que, à son article 3, sous a), point 2, la directive attaquée définit les périodes d’activité professionnelle à considérer comme du temps de travail dans le cas des conducteurs indépendants. Combinée avec les dispositions de l’article 4 de cette directive, relatives à la durée maximale hebdomadaire de travail, cette définition plafonne le nombre d’heures qu’un conducteur indépendant peut consacrer, par semaine, aux activités directement liées au transport routier. Afin de garantir le respect de cette limitation hebdomadaire, l’article 9 de la directive attaquée impose la tenue d’un registre du temps de travail. L’article 5 de la même directive fixe en outre, notamment à l’intention des conducteurs indépendants, la fréquence et la durée minimales des temps de pause.

    34
    Les mesures exposées au point précédent ont pour objet de contenir dans des limites raisonnables la cadence hebdomadaire de travail du conducteur indépendant, s’agissant d’activités propres à influencer sa conduite en raison de leurs effets sur son état de fatigue, et à lui imposer des périodes minimales de récupération. Elles visent donc indéniablement à améliorer la sécurité routière, laquelle, contrairement aux allégations de la république de Finlande, est susceptible d’être mise en péril non seulement par des périodes de conduite trop longues, mais aussi par une accumulation excessive d’activités autres que la conduite, telles que celles énoncées à l’article 3, sous a), point 1, premier tiret, ii) à v), de la directive attaquée, qui sont directement liées à une opération de transport routier (voir, en ce sens, arrêts du 9 juin 1994, Michielsen et GTS, C‑394/92, Rec. p. I‑2497, point 14, et du 18 janvier 2001, Skills Motor Coaches e.a., C‑297/99, Rec. p. I‑573, points 24 et 25).

    35
    La directive attaquée envisage également à son article 7 l’assujettissement des conducteurs indépendants aux limitations qu’elle fixe en matière de durée du travail de nuit. Compte tenu de l’influence particulière que le travail nocturne est de nature à avoir sur l’organisme humain, sur l’état de fatigue du transporteur routier et, donc, sur sa conduite, une telle mesure vise aussi à accroître la sécurité routière.

    36
    Il convient donc de considérer que la réglementation du temps de travail des conducteurs indépendants envisagée par la directive attaquée poursuit un objectif de sécurité routière. Ainsi que le soulignent à juste titre le Parlement et la Commission, cette réglementation vient utilement compléter les dispositions du règlement n° 3820/85, lesquelles ne concernent que l’un des facteurs compromettant la sécurité routière, à savoir l’accomplissement par le transporteur routier de périodes de conduite trop longues.

    37
    L’analyse qui précède ne saurait être remise en cause par la circonstance, alléguée par le royaume d’Espagne, que l’article 2, paragraphe 1, troisième alinéa, de la directive attaquée prévoit que, en vue de la fixation du statut définitif des conducteurs indépendants au regard de ladite directive, la Commission présente au Parlement et au Conseil, au plus tard le 23 mars 2007, un rapport concernant, notamment, les conséquences de l’exclusion actuelle des conducteurs indépendants du champ d’application de cette directive sur la sécurité routière.

    38
    Ainsi que l’a exposé le Parlement dans ses écritures et comme cela a été confirmé à l’audience par les différentes institutions, cette disposition est le résultat d’un compromis au Conseil sur la proposition de la Commission qui prévoyait l’assujettissement immédiat desdits conducteurs à la directive attaquée «pour des raisons liées principalement à la sécurité routière» [voir points 4 et 5 de la communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil, du 21 juin 2000, intitulée «Vers un transport routier de qualité plus sûr et plus concurrentiel dans la Communauté», COM(2000) 364 final]. Elle n’est pas de nature à écarter le bien-fondé des considérations relatives aux effets de l’accomplissement de périodes d’activité de transport routier trop longues ainsi que du travail de nuit sur l’état de fatigue du conducteur et, partant, sur la conduite de celui-ci. Elle n’est, par conséquent, pas susceptible d’infirmer la conclusion selon laquelle l’objectif de sécurité routière justifie pleinement la réglementation du temps de travail des conducteurs indépendants envisagée par la directive attaquée.

    39
    En ce qui concerne, ensuite, l’objectif de rapprochement des conditions de concurrence, les dispositions de la directive attaquée énoncées aux points 33 et 35 du présent arrêt tendent à coordonner les législations nationales sur des aspects essentiels du temps consacré par les conducteurs indépendants à leurs activités de transport routier. Elles contribuent, à ce titre, à l’élimination, sur ces aspects, des disparités entre les États membres de nature à fausser la concurrence dans la profession de transporteur routier indépendant.

    40
    Il a du reste été jugé que des dispositions communes qui, telles que celles exposées aux points 33 et 35 du présent arrêt, visent à améliorer la sécurité routière ne peuvent que contribuer à l’élimination des disparités de nature à fausser substantiellement les conditions de concurrence dans les transports et s’avérer ainsi, pour l’établissement d’une politique commune des transports, «utiles» au sens de l’article 71, paragraphe 1, sous d), CE (voir arrêt Schumalla, précité, point 6).

    41
    Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que la réglementation du temps de travail des conducteurs indépendants envisagée par la directive attaquée est de nature à contribuer à la réalisation des objectifs de sécurité routière et de rapprochement des conditions de concurrence énoncés à l’article 1er de ladite directive. Il s’ensuit que l’article 71 CE offre une base juridique appropriée et suffisante aux fins de l’application de la directive attaquée à cette catégorie de transporteurs routiers.

    42
    En ce qui concerne l’article 137, paragraphe 2, CE, il convient de relever que la procédure législative prévue par cette disposition pour l’adoption de mesures visant à l’amélioration du milieu de travail pour protéger la santé et la sécurité des travailleurs est identique à celle prescrite à l’article 71 CE.

    43
    Le recours à l’article 137, paragraphe 2, CE comme fondement juridique secondaire de la directive attaquée n’a donc, en tout état de cause, pas eu d’incidence sur la procédure suivie pour l’adoption de celle-ci.

    44
    Dans ces conditions, il n’est pas nécessaire de se prononcer sur le point de savoir si l’article 137, paragraphe 2, CE fournit également un fondement juridique approprié pour les mesures envisagées par la directive attaquée à l’égard des conducteurs indépendants [voir également arrêt du 10 décembre 2002, British American Tobacco (Investments) et Imperial Tobacco, C‑491/01, Rec. p. I‑11453, point 98, et, a contrario, arrêt du 11 juin 1991, Commission/Conseil, dit «Dioxyde de titane», C‑300/89, Rec. p. I‑2867, points 18 à 21].

    45
    Au vu de ce qui précède, le moyen examiné doit être rejeté.

    Sur les moyens tirés d’une violation du droit au libre exercice d’une activité professionnelle et à la liberté d’entreprendre, d’une violation du principe de proportionnalité et du fait que la directive attaquée n’a pas pour objet la sécurité routière

    46
    Le royaume d’Espagne soutient, d’une part, que l’inclusion des conducteurs indépendants dans le champ d’application de la directive attaquée a pour effet d’empêcher les transporteurs routiers indépendants de consacrer tous leurs efforts et tout leur temps au succès et à la valorisation de leur entreprise, et constitue une atteinte inadmissible à leurs droits au libre exercice d’une activité professionnelle et à la liberté d’entreprendre.

    47
    D’autre part, le royaume d’Espagne fait valoir que, contrairement à ce qui est exposé aux quatrième et dixième considérants ainsi qu’à l’article 1er de la directive attaquée, l’objectif de sécurité routière ne saurait être atteint par cette directive, qui est une réglementation sociale dont l’unique but est d’améliorer les conditions de vie et de travail des transporteurs routiers. Il soutient que, s’il est, certes, justifié de régir le temps de travail des salariés compte tenu de leur position d’infériorité par rapport à leur employeur, un tel besoin de protection n’existe pas pour les entrepreneurs indépendants, lesquels doivent demeurer libres d’organiser leurs activités comme ils l’entendent.

    48
    La république de Finlande fait valoir, d’une part, que l’inclusion des conducteurs indépendants dans le champ d’application de la directive attaquée constitue une violation du principe de proportionnalité. Elle soutient, premièrement, que l’objectif de protection des personnes ne justifie aucunement une réglementation du temps de travail de ces conducteurs, deuxièmement, que l’objectif de sécurité routière est déjà pris en considération par le règlement n° 3820/85 et serait servi de manière aussi efficace et moins attentatoire à la liberté professionnelle par un renforcement du contrôle du respect de ce règlement, et, troisièmement, que cette directive ne précise pas dans quelle mesure elle pourrait contribuer à la réalisation de l’objectif lié au rapprochement des conditions de concurrence.

    49
    D’autre part, la république de Finlande allègue que l’assujettissement des conducteurs indépendants à la directive attaquée viole le principe du libre exercice d’une activité professionnelle, lequel signifie que l’entrepreneur doit pouvoir librement décider de l’importance et de l’organisation du temps de travail qu’il entend consacrer à ses activités professionnelles. Elle affirme que, s’agissant des conducteurs indépendants, cette directive régit une série d’activités autres que la conduite et leur impose la tenue d’un registre du temps de travail, ce qui constitue une atteinte inadmissible à leur droit d’organiser librement leurs activités.

    50
    À titre liminaire, il y a lieu de souligner que, à l’audience, le royaume d’Espagne a précisé que son moyen, présenté au point 47 du présent arrêt, pris du fait que la directive attaquée n’a pas pour objet la sécurité routière, tend à dénoncer l’atteinte disproportionnée portée par ladite directive à la liberté dont doivent jouir les conducteurs indépendants dans l’organisation de leurs activités professionnelles. Ce moyen se confond donc avec son moyen tiré d’une violation du droit au libre exercice d’une activité professionnelle et à la liberté d’entreprendre.

    51
    Le libre exercice d’une activité professionnelle fait partie des principes généraux du droit communautaire (arrêts du 10 janvier 1992, Kühn, C‑177/90, Rec. p. I‑35, point 16; du 5 octobre 1994, Allemagne/Conseil, C‑280/93, Rec. p. I‑4973, point 78, ainsi que SAM Schiffahrt et Stapf, précité, point 72). Il en va de même de la liberté d’entreprendre, laquelle se confond avec le libre exercice d’une activité professionnelle (arrêt du 21 février 1991, Zuckerfabrik Süderdithmarschen et Zuckerfabrik Soest, C‑143/88 et C‑92/89, Rec. p. I‑415, points 72 à 77).

    52
    Ces libertés n’apparaissent toutefois pas comme des prérogatives absolues, mais doivent être prises en considération par rapport à leur fonction dans la société. Par conséquent, des restrictions peuvent leur être apportées, à condition qu’elles répondent à des objectifs d’intérêt général et ne constituent pas, au regard du but poursuivi, une intervention démesurée et intolérable qui porterait atteinte à la substance même des libertés ainsi garanties (voir, notamment, arrêt du 28 avril 1998, Metronome Musik, C-200/96, Rec. p. I‑1953, point 21).

    53
    En l’espèce, il convient de constater que la réglementation du temps de travail des conducteurs indépendants envisagée par la directive attaquée vise à améliorer la sécurité routière (voir points 33 à 36 du présent arrêt) et répond par conséquent à un objectif d’intérêt général (voir arrêts du 5 octobre 1994, Van Schaik, C‑55/93, Rec. p. I‑4837, point 19, et du 12 octobre 2000, Snellers, C‑314/98, Rec. p. I‑8633, point 55).

    54
    Ainsi que le relève Mme l’avocat général aux points 112 à 116 de ses conclusions, s’il est vrai que cette réglementation interfère sur les modalités d’exercice de l’activité professionnelle de conducteur indépendant, elle n’affecte toutefois pas l’existence même de la liberté d’exercer cette activité.

    55
    En outre, ainsi que le Parlement et la Commission le soulignent, la directive attaquée opère, s’agissant des conducteurs indépendants, une distinction nette entre, d’une part, les activités directement liées au transport routier, telles que celles énumérées à l’article 3, sous a), point 1, de ladite directive, qui font l’objet des mesures d’aménagement du temps de travail instituées par celle-ci, et, d’autre part, les «tâches administratives générales qui ne sont pas directement liées au transport spécifique en cours» figurant au point 2 de la même disposition, lesquelles ne sont pas concernées par cette directive.

    56
    Compte tenu du large pouvoir d’appréciation dont il dispose pour adopter les mesures utiles en vue d’une politique commune des transports (voir arrêt SAM Schiffahrt et Stapf, précité, points 23 à 25), le législateur communautaire a pu considérer que des mesures visant à encadrer le temps consacré aux activités directement liées au transport routier, sans entamer la liberté du conducteur ayant opté pour le statut d’indépendant d’organiser comme il l’entend les tâches générales inhérentes à ce statut, constituent des mesures adéquates et raisonnables au regard de l’objectif de sécurité routière.

    57
    S’agissant du principe de proportionnalité, il convient de rappeler que, en vertu d’une jurisprudence constante, ce principe, qui fait partie des principes généraux du droit communautaire, exige que les mesures concernées ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour réaliser les objectifs poursuivis par la réglementation en cause, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante (voir, notamment, arrêts du 16 décembre 1999, UDL, C‑101/98, Rec. p. I‑8841, point 30, et du 12 mars 2002, Omega Air e.a., C‑27/00 et C‑122/00, Rec. p. I‑2569, point 62).

    58
    En l’espèce, les considérations exposées aux points 54 à 56 du présent arrêt conduisent à constater que les dispositions de la directive attaquée relatives aux conducteurs indépendants, qui entendent éviter que ceux-ci adoptent, s’agissant des activités directement liées au transport routier, un rythme de travail propre à mettre en péril la sécurité routière, sans porter atteinte à leur liberté d’organiser leurs tâches administratives générales de la manière qu’ils jugent la plus conforme à leurs intérêts, ne méconnaissent pas le principe de proportionnalité.

    59
    Il importe d’ajouter que, contrairement à ce que soutient la république de Finlande, un renforcement du contrôle des limitations de temps de conduite fixées par le règlement n° 3820/85 ne saurait être regardé comme une solution aussi efficace et moins contraignante que les dispositions contestées. En effet, il ne serait d’aucun secours pour contenir, dans des limites raisonnables, la durée du temps de travail consacrée par le conducteur indépendant aux activités, autres que la conduite, qui sont directement liées au transport routier et susceptibles d’influer sur son état de fatigue et sur sa conduite au détriment de la sécurité routière.

    60
    Compte tenu de ce qui précède, la réglementation du temps de travail des conducteurs indépendants, envisagée dans la directive attaquée, ne saurait être considérée comme une intervention démesurée et intolérable portant atteinte à la substance même des droits au libre exercice d’une activité professionnelle et à la liberté d’entreprendre ni comme une violation du principe de proportionnalité.

    61
    Il s’ensuit que les moyens examinés doivent être rejetés dans leur ensemble.

    Sur le moyen tiré de violations du principe de non-discrimination et de l’article 74 CE

    62
    Le royaume d’Espagne fait valoir que, du fait de leur inclusion dans le champ d’application de la directive attaquée, les transporteurs indépendants subissent une discrimination injustifiée par rapport aux travailleurs salariés, étant donné que des situations rigoureusement différentes sont traitées de manière identique alors qu’aucune raison objective ne le justifie. Il soutient également que cette inclusion méconnaît les dispositions de l’article 74 CE.

    63
    Le royaume d’Espagne ajoute que la sécurité routière et la garantie de la libre concurrence ne constituent pas des raisons objectives susceptibles de justifier que les conducteurs indépendants soient traités de la même manière que les travailleurs salariés. Selon lui, d’une part, la sécurité routière n’est pas l’objectif de la directive attaquée et, d’autre part, l’exclusion des conducteurs indépendants du champ d’application de ladite directive n’est pas de nature à fausser la concurrence sur le marché des transports compte tenu, notamment, des limitations du temps de conduite édictées par le règlement n° 3820/85.

    64
    Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le principe de non-discrimination veut que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement soit objectivement justifié (voir, notamment, arrêts Omega Air e.a., précité, point 79, et du 9 septembre 2003, Milk Marque et National Farmers’ Union, C‑137/00, non encore publié au Recueil, point 126).

    65
    En l’espèce, il y a lieu de relever que, s’agissant de l’aménagement de leur temps de travail, auquel a trait la directive attaquée, les conducteurs indépendants et les conducteurs salariés ne partagent pas la même situation. Les premiers doivent en effet assumer, en plus des activités directement liées au transport routier, des tâches administratives générales qui sont étrangères aux seconds.

    66
    La lecture des dispositions de l’article 3, sous a), de la directive attaquée concernant la définition du temps de travail, respectivement, dans le cas des travailleurs mobiles salariés et dans le cas des conducteurs indépendants, fait apparaître que le législateur communautaire a tenu compte de cette différence de situation. En effet, en ce qui concerne les travailleurs salariés, cette directive réglemente l’intégralité de leur temps de travail, à savoir le temps consacré aux activités de transport routier, telles qu’énoncées audit article 3, sous a), point 1, premier tiret, mais aussi «les périodes durant lesquelles le travailleur mobile ne peut disposer librement de son temps et est tenu de se trouver à son poste de travail, prêt à entreprendre son travail normal, assurant certaines tâches associées au service [...]» [article 3, sous a), point 1), deuxième tiret]. S’agissant des conducteurs indépendants, elle se limite à encadrer la partie des activités que ceux-ci ont en commun avec les travailleurs salariés, à savoir les activités de transport routier précitées, tout en laissant en dehors de son champ d’application les activités, propres au statut de travailleur indépendant, correspondant aux «[...] tâches administratives générales qui ne sont pas directement liées au transport spécifique en cours.» [article 3, sous a), point 2)].

    67
    Il convient, par ailleurs, d’insister sur le fait que les activités liées au transport routier s’entendent dans le même sens pour les conducteurs salariés et pour les conducteurs indépendants, et couvrent, dans l’un et l’autre cas, non seulement la conduite, mais aussi une série d’autres activités directement liées au transport routier, telles que le chargement et le déchargement, l’assistance aux passagers à la montée et à la descente du véhicule, le nettoyage et l’entretien technique et tous travaux visant à assurer la sécurité du véhicule, du chargement et des passagers ainsi qu’à remplir les obligations légales ou réglementaires (formalités administratives, douanières…). Est, par conséquent, sans fondement l’argument du royaume d’Espagne selon lequel la directive attaquée obligerait les seuls conducteurs indépendants à imputer sur leur temps de travail des activités autres que la conduite et placerait ainsi les travailleurs salariés dans une situation plus favorable que celle des conducteurs indépendants en ce qui concerne l’affectation de la durée du temps de travail autorisée au temps de conduite admis par le règlement n° 3820/85.

    68
    Enfin, en admettant que la directive attaquée doive être considérée comme «une mesure dans le domaine des prix et conditions de transport» au sens de l’article 74 CE, l’analyse exposée aux points 54 à 56 du présent arrêt, ainsi que les conditions selon lesquelles est envisagée, à l’article 2, paragraphe 1, de ladite directive, l’inclusion des conducteurs indépendants dans le champ d’application de celle-ci, excluent que le législateur communautaire ait manqué à son obligation de tenir compte de la situation économique des transporteurs, en l’occurrence indépendants.

    Sur le moyen tiré d’une violation des articles 137, paragraphe 2, CE et 157 CE

    69
    La république de Finlande expose que les limitations de la directive attaquée en matière de temps de travail pèsent principalement sur les petites et moyennes entreprises, lesquelles, à la différence des grandes entreprises, n’ont pas les moyens humains nécessaires pour procéder à une répartition des tâches qui permettrait aux conducteurs d’exploiter l’intégralité du temps de conduite autorisé par ladite directive pendant que d’autres employés prendraient en charge, sans limitation du temps de travail découlant de cette directive, les activités étrangères à la conduite des véhicules. Elle conclut dès lors à une violation de l’article 137, paragraphe 2, CE.

    70
    Elle fait également valoir que la limitation du temps de travail des conducteurs indépendants inhibe le développement des petites entreprises, étant donné que, aux risques inhérents à toute entreprise, cette limitation ajoute des restrictions injustifiées à la liberté de consacrer le temps souhaité à la gestion de l’entreprise, ce qui contrevient à l’objectif de compétitivité de l’industrie européenne énoncé à l’article 157 CE. Elle affirme que l’application de la directive attaquée aux conducteurs indépendants risque de se traduire par un renforcement de la position des grandes entreprises de transport, un affaiblissement de la concurrence et une réduction des possibilités d’embauche dans les petites et moyennes entreprises.

    71
    Il convient d’observer que, s’agissant de l’article 137, paragraphe 2, CE, la république de Finlande vise en particulier la disposition figurant au premier alinéa, sous b), deuxième phrase, en vertu de laquelle les directives fondées sur l’article 137, paragraphe 2, et tendant à la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs au sens du paragraphe 1, sous a), du même article, évitent d’imposer des contraintes administratives, financières et juridiques telles qu’elles contrarieraient la création et le développement de petites et moyennes entreprises.

    72
    En admettant que les dispositions de la directive attaquée concernant les conducteurs indépendants, seules mises en cause en l’espèce, soient fondées, outre sur l’article 71 CE, sur l’article 137, paragraphe 2, CE, il importe de souligner que la disposition du traité CE visée au point précédent implique, certes, que soient pris en compte les intérêts économiques particuliers des petites et moyennes entreprises lors de l’adoption de mesures relevant de l’article 137, paragraphe 1, sous a), CE, mais elle ne s’oppose pas à ce que ces entreprises fassent l’objet de mesures contraignantes [voir, à propos de l’article 118, paragraphe 2, deuxième alinéa, du traité CE (les articles 117 à 120 du traité CE ont été remplacés par les articles 136 CE à 143 CE), arrêt du 12 novembre 1996, Royaume-Uni/Conseil, C‑84/94, Rec. p. I‑5755, point 44].

    73
    La réglementation du temps de travail des conducteurs indépendants envisagée par la directive attaquée traduit, ainsi qu’il a été exposé aux points 53 à 56 du présent arrêt, une prise en considération équilibrée de l’objectif de sécurité routière, d’une part, et des spécificités du statut d’indépendant liées aux tâches générales d’administration de l’entreprise de ce dernier, d’autre part. Dans ces conditions, elle ne saurait être considérée comme imposant des contraintes de nature à entraver la création et le développement de petites et moyennes entreprises.

    74
    Quant à l’article 157 CE, il prévoit que, afin d’assurer les conditions nécessaires à la compétitivité de l’industrie communautaire, les actions menées par la Communauté au titre de la politique de l’industrie ou au titre d’autres dispositions du traité visent, notamment, à encourager un environnement favorable à l’initiative et au développement des entreprises de l’ensemble de la Communauté et, notamment, des petites et moyennes entreprises.

    75
    Toutefois, en l’espèce, outre ce qui a été rappelé au point 73 du présent arrêt, force est de constater que la thèse de la république de Finlande tirée d’une violation de l’article 157 CE repose, pour partie, sur la prémisse, erronée au vu de l’exclusion des tâches administratives générales de la définition du temps de travail du conducteur indépendant, selon laquelle la directive attaquée entend régir le temps consacré par ce conducteur à la gestion générale de son entreprise, et, pour partie, sur de pures conjectures quant au prétendu impact à attendre de cette directive sur la position respective des grandes et des petites et moyennes entreprises.

    76
    Le moyen examiné doit en conséquence être rejeté.

    Sur les moyens fondés sur un défaut de motivation

    77
    Le royaume d’Espagne soutient que l’inclusion des conducteurs indépendants dans le champ d’application de la directive attaquée ne repose sur aucune justification appropriée. Il dénonce le manque de rigueur et de logique du huitième considérant de cette directive et souligne l’absence de solidité du raisonnement du législateur. Il ajoute que, compte tenu du caractère exceptionnel de l’instauration de limites au temps consacré par un entrepreneur indépendant à l’exercice de ses activités, un tel assujettissement suppose une motivation plus détaillée que l’exposé sommaire figurant dans ce considérant.

    78
    La république de Finlande soutient que le Parlement et le Conseil n’ont pas satisfait à l’exigence de motivation, étant donné que les considérants de la directive attaquée ne précisent pas les distorsions de concurrence que celle-ci prétend supprimer ni les moyens prévus à cette fin. Elle ajoute que cette directive, sans aller jusqu’à motiver chaque choix technique opéré par le législateur, aurait dû au moins identifier, pour chaque objectif poursuivi, les problèmes existants et les moyens envisagés pour les éliminer, compte tenu, notamment, de l’atteinte portée par cette législation à la liberté d’entreprendre.

    79
    Il convient toutefois de souligner que les considérations relatives aux lacunes du cadre juridique actuel, exposées aux premier et deuxième considérants de la directive attaquée, ainsi que les objectifs généraux de sécurité routière et de rapprochement des conditions de concurrence, identifiés aux quatrième, dixième et onzième considérants de ladite directive, concernent également les conducteurs indépendants et suffisent dès lors, au regard des exigences de motivation posées par la jurisprudence dans le domaine des actes de portée générale (voir arrêts du 19 novembre 1998, Royaume-Uni/Conseil, C‑150/94, Rec. p. I‑7235, points 25 et 26, ainsi que du 7 novembre 2000, Luxembourg/Parlement et Conseil, C‑168/98, Rec. p. I‑9131, points 62 et 66), à justifier la possible application à terme de la directive à cette catégorie de personnes exécutant des activités mobiles de transport.

    80
    En outre, ainsi que le relèvent à juste titre le Parlement et la Commission, le royaume d’Espagne et la république de Finlande ont, par leur participation aux travaux du Conseil, été directement impliqués dans le processus d’élaboration de la directive attaquée et connaissent donc les raisons qui ont servi de fondement aux dispositions de cette directive concernant les conducteurs indépendants (voir, en ce sens, arrêt du 22 juin 1993, Allemagne/Commission, C‑54/91, Rec. p. I‑3399, point 11).

    81
    Il s’ensuit que le moyen examiné doit être rejeté.

    82
    Au vu de ce qui précède, il convient de rejeter les recours dans leur ensemble.


    Sur les dépens

    83
    Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le royaume d’Espagne et la république de Finlande ayant succombé en leurs moyens, il y a lieu, conformément aux conclusions du Parlement et du Conseil, de les condamner à leurs propres dépens et à ceux exposés par les institutions défenderesses. Conformément à l’article 69, paragraphe 4, du même règlement, l’institution qui est intervenue au litige supporte ses propres dépens. La Commission, partie intervenante, supporte donc ses propres dépens.

    Par ces motifs, la Cour (première chambre) déclare et arrête:

    1)
    Les recours sont rejetés.

    2)
    Les parties requérantes supportent leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par les parties défenderesses.

    3)
    La Commission supporte ses propres dépens.

    Signatures.


    1
    Langue de procédure: l'espagnol et le finnois.


    2
    Modification des styles de la citation

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