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Document 62002CJ0004

    Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 23 octobre 2003.
    Hilde Schönheit contre Stadt Frankfurt am Main (C-4/02) et Silvia Becker contre Land Hessen (C-5/02).
    Demandes de décision préjudicielle: Verwaltungsgericht Frankfurt am Main - Allemagne.
    Politique sociale - Travailleurs masculins et travailleurs féminins - Égalité de rémunération - Applicabilité de l'article 119 du traité CE (les articles 117 à 120 du traité CE ont été remplacés par les articles 136 CE à 143 CE) et de l'article 141, paragraphes 1 et 2, CE, ainsi que de la directive 86/378/CEE ou de la directive 79/7/CEE - Notion de 'rémunération' - Régime de retraite des fonctionnaires - Calcul de la pension de vieillesse des fonctionnaires à temps partiel - Existence d'une inégalité de traitement par rapport aux travailleurs à temps plein - Existence d'une discrimination indirecte fondée sur le sexe - Conditions d'une justification éventuelle par des raisons objectives étrangères à toute discrimination fondée sur le sexe - Protocole sur l'article 119 du traité CE (devenu protocole sur l'article 141 CE) - Effets dans le temps.
    Affaires jointes C-4/02 et C-5/02.

    Recueil de jurisprudence 2003 I-12575

    Identifiant ECLI: ECLI:EU:C:2003:583

    62002J0004

    Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 23 octobre 2003. - Hilde Schönheit contre Stadt Frankfurt am Main (C-4/02) et Silvia Becker contre Land Hessen (C-5/02). - Demandes de décision préjudicielle: Verwaltungsgericht Frankfurt am Main - Allemagne. - Politique sociale - Travailleurs masculins et travailleurs féminins - Égalité de rémunération - Applicabilité de l'article 119 du traité CE (les articles 117 à 120 du traité CE ont été remplacés par les articles 136 CE à 143 CE) et de l'article 141, paragraphes 1 et 2, CE, ainsi que de la directive 86/378/CEE ou de la directive 79/7/CEE - Notion de 'rémunération' - Régime de retraite des fonctionnaires - Calcul de la pension de vieillesse des fonctionnaires à temps partiel - Existence d'une inégalité de traitement par rapport aux travailleurs à temps plein - Existence d'une discrimination indirecte fondée sur le sexe - Conditions d'une justification éventuelle par des raisons objectives étrangères à toute discrimination fondée sur le sexe - Protocole sur l'article 119 du traité CE (devenu protocole sur l'article 141 CE) - Effets dans le temps. - Affaires jointes C-4/02 et C-5/02.

    Recueil de jurisprudence 2003 page 00000


    Parties
    Motifs de l'arrêt
    Décisions sur les dépenses
    Dispositif

    Parties


    Dans les affaires jointes C-4/02 et C-5/02,

    ayant pour objet deux demandes adressées à la Cour, en application de l'article 234 CE, par le Verwaltungsgericht Frankfurt am Main (Allemagne) et tendant à obtenir, dans les litiges pendants devant cette juridiction entre

    Hilde Schönheit

    et

    Stadt Frankfurt am Main (C-4/02),

    et entre

    Silvia Becker

    et

    Land Hessen (C-5/02),

    une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation de l'article 119 du traité CE (les articles 117 à 120 du traité CE ont été remplacés par les articles 136 CE à 143 CE), du protocole sur l'article 119 du traité CE, annexé au traité CE par le traité sur l'Union européenne (devenu protocole sur l'article 141 CE), de l'article 141, paragraphes 1 et 2, CE, de la directive 79/7/CEE du Conseil, du 19 décembre 1978, relative à la mise en oeuvre progressive du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale (JO 1979, L 6, p. 24), et de la directive 86/378/CEE du Conseil, du 24 juillet 1986, relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes dans les régimes professionnels de sécurité sociale (JO L 225, p. 40), telle que modifiée par la directive 96/97/CE du Conseil, du 20 décembre 1996 (JO 1997, L 46, p. 20), ainsi que de la directive 97/80/CE du Conseil, du 15 décembre 1997, relative à la charge de la preuve dans les cas de discrimination fondée sur le sexe (JO 1998, L 14, p. 6),

    LA COUR (cinquième chambre)

    composée de M. A. La Pergola (rapporteur), faisant fonction de président de la cinquième chambre, MM. P. Jann et S. von Bahr, juges,

    avocat général: M. L. A. Geelhoed,

    greffier: M. H. A. Rühl, administrateur principal,

    considérant les observations écrites présentées:

    - pour Mme Schönheit, par Me A. Fischer, Rechtsanwalt (C-4/02),

    - pour Mme Becker, par Me A. Kähler, Rechtsanwältin (C-5/02),

    - pour le gouvernement allemand, par MM. W.-D. Plessing et M. Lumma, en qualité d'agents (C-4/02 et C-5/02),

    - pour la Commission des Communautés européennes, par Mme N. Yerrell et M. H. Kreppel, en qualité d'agents (C-4/02 et C-5/02),

    vu le rapport d'audience,

    ayant entendu les observations orales de Mm e Becker, représentée par M. Schröder, Justiziar, et Me Kähler, et de la Commission, représentée par M. F. Hoffmeister, en qualité d'agent, à l'audience du 6 mars 2003,

    ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 22 mai 2003,

    rend le présent

    Arrêt

    Motifs de l'arrêt


    1. Par ordonnances du 12 novembre 2001, parvenues à la Cour le 9 janvier 2002, dans le cas de l'affaire C4/02, et le 10 janvier 2002, dans le cas de l'affaire C5/02, le Verwaltungsgericht Frankfurt am Main a posé, en vertu de l'article 234 CE, onze questions préjudicielles sur l'interprétation de l'article 119 du traité CE (les articles 117 à 120 du traité CE ont été remplacés par les articles 136 CE à 143 CE), du protocole sur l'article 119 du traité CE, annexé au traité CE par le traité sur l'Union européenne (devenu protocole sur l'article 141 CE), de l'article 141, paragraphes 1 et 2, CE, de la directive 79/7/CEE du Conseil, du 19 décembre 1978, relative à la mise en oeuvre progressive du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale (JO 1979, L 6, p. 24), et de la directive 86/378/CEE du Conseil, du 24 juillet 1986, relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes dans les régimes professionnels de sécurité sociale (JO L 225, p. 40), telle que modifiée par la directive 96/97/CE du Conseil, du 20 décembre 1996 (JO 1997, L 46, p. 20, ci-après la «directive 86/378»), ainsi que de la directive 97/80/CE du Conseil, du 15 décembre 1997, relative à la charge de la preuve dans les cas de discrimination fondée sur le sexe (JO 1998, L 14, p. 6).

    2. Ces questions ont été soulevées dans le cadre de litiges opposant, d'une part, Mme Schönheit et la ville de Francfortsurle­Main (C4/02), et, d'autre part, Mme Becker et le Land de Hesse (C-5/02), au sujet de la fixation des droits à pension des requérantes.

    Le cadre juridique

    La réglementation communautaire

    Le traité CE

    3. L'article 119, premier et deuxième alinéas, du traité CE dispose:

    «Chaque État membre assure au cours de la première étape, et maintient par la suite, l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre les travailleurs masculins et les travailleurs féminins pour un même travail.

    Par rémunération, il faut entendre, au sens du présent article, le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum, et tous autres avantages payés directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au travailleur en raison de l'emploi de ce dernier.»

    4. Depuis le 1er mai 1999, date de l'entrée en vigueur du traité d'Amsterdam, l'article 141 CE prévoit:

    «1. Chaque État membre assure l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins pour un même travail ou un travail de même valeur.

    2. Aux fins du présent article, on entend par rémunération, le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum, et tous autres avantages payés directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au travailleur en raison de l'emploi de ce dernier.

    [...]»

    5. L'article 141, paragraphes 1 et 2, premier alinéa, CE est donc, en substance, identique à l'article 119, premier et deuxième alinéas, du traité.

    6. Le protocole sur l'article 141 CE dispose:

    «Aux fins de l'application de l'article 141, des prestations en vertu d'un régime professionnel de sécurité sociale ne seront pas considérées comme rémunération si et dans la mesure où elles peuvent être attribuées aux périodes d'emploi antérieures au 17 mai 1990, exception faite pour les travailleurs ou leurs ayants droit qui ont, avant cette date, engagé une action en justice ou introduit une réclamation équivalente selon le droit national applicable.»

    7. Le protocole sur l'article 141 CE est, sous réserve du remplacement de la référence à l'article 119 du traité par une référence à l'article 141 CE, identique au protocole n° 2 sur l'article 119 du traité instituant la Communauté européenne annexé au traité sur l'Union européenne du 7 février 1992 (ci-après le «protocole n° 2»).

    La directive 79/7

    8. La directive 79/7 s'applique, conformément à son article 3, paragraphe 1, sous a), aux régimes légaux qui assurent une protection contre, notamment, le risque de vieillesse.

    9. L'article 4, paragraphe 1, de la directive 79/7 prévoit:

    «Le principe de l'égalité de traitement implique l'absence de toute discrimination fondée sur le sexe, soit directement, soit indirectement par référence, notamment, à l'état matrimonial ou familial, en particulier en ce qui concerne:

    - le champ d'application des régimes et les conditions d'accès aux régimes,

    - l'obligation de cotiser et le calcul des cotisations,

    - le calcul des prestations, y compris les majorations dues au titre du conjoint et pour personne à charge et les conditions de durée et de maintien du droit aux prestations.»

    La directive 86/378

    10. Aux termes de l'article 2, paragraphe 1, de la directive 86/378:

    «Sont considérés comme régimes professionnels de sécurité sociale les régimes non régis par la directive 79/7/CEE qui ont pour objet de fournir aux travailleurs, salariés ou indépendants, groupés dans le cadre d'une entreprise ou d'un groupement d'entreprises, d'une branche économique ou d'un secteur professionnel ou interprofessionnel, des prestations destinées à compléter les prestations des régimes légaux de sécurité sociale ou à s'y substituer, que l'affiliation à ces régimes soit obligatoire ou facultative.»

    11. Selon l'article 4 de la directive 86/378:

    «La présente directive s'applique:

    a) aux régimes professionnels qui assurent une protection contre les risques suivants:

    [...]

    - - vieillesse, y compris dans le cas de retraites anticipées,

    [...]»

    12. L'article 5, paragraphe 1, de la directive 86/378 dispose:

    «Dans les conditions fixées dans les dispositions suivantes, le principe de l'égalité de traitement implique l'absence de toute discrimination fondée sur le sexe, soit directement, soit indirectement, notamment par référence à l'état matrimonial ou familial, en particulier en ce qui concerne:

    [...]

    - le calcul des prestations, [...]»

    13. Aux termes de l'article 6, paragraphe 1, de la directive 86/378:

    «Sont à classer au nombre des dispositions contraires au principe de l'égalité de traitement celles qui se fondent sur le sexe, soit directement, soit indirectement, notamment par référence à l'état matrimonial ou familial, pour:

    [...]

    h) fixer des niveaux différents pour les prestations, sauf dans la mesure nécessaire pour tenir compte d'éléments de calcul actuariel qui sont différents pour les deux sexes dans le cas de régimes à cotisations définies.

    Dans le cas de régimes à prestations définies, financées par capitalisation, certains éléments (dont des exemples figurent à l'annexe) peuvent être inégaux dans la mesure où l'inégalité des montants est due aux conséquences de l'utilisation de facteurs actuariels différents selon le sexe lors de la mise en oeuvre du financement du régime;

    [...]»

    La directive 97/80

    14. Aux termes de l'article 2, paragraphe 2, de la directive 97/80:

    «Aux fins du principe de l'égalité de traitement visé au paragraphe 1, une discrimination indirecte existe lorsqu'une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre affecte une proportion nettement plus élevée de personnes d'un sexe, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit approprié(e) et nécessaire et ne puisse être justifié(e) par des facteurs objectifs indépendants du sexe des intéressés.»

    15. L'article 4 de la directive 97/80 dispose:

    «1. Les États membres, conformément à leur système judiciaire, prennent les mesures nécessaires afin que, dès lors qu'une personne s'estime lésée par le non-respect à son égard du principe de l'égalité de traitement et établit, devant une juridiction ou une autre instance compétente, des faits qui permettent de présumer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, il incombe à la partie défenderesse de prouver qu'il n'y a pas eu violation du principe de l'égalité de traitement.

    2. La présente directive n'empêche pas les États membres d'imposer un régime probatoire plus favorable à la partie demanderesse.

    3. Les États membres peuvent ne pas appliquer le paragraphe 1 aux procédures dans lesquelles l'instruction des faits incombe à la juridiction ou à l'instance compétente.»

    La réglementation nationale

    16. Le fünftes Gesetz zur Änderung dienstrechtlicher Vorschriften (la cinquième loi modifiant les dispositions sur la fonction publique), du 25 juillet 1984 (BGBl. I, p. 998, ci-après la «loi modificative de 1984»), a introduit dans l'article 14, intitulé «Montant de la pension», du Gesetz über die Versorgung der Beamten und Richter in Bund und Ländern (loi sur la pension des fonctionnaires et des juges fédéraux et régionaux), du 24 août 1976 (BGBl. I, p. 3839, ci-après le «BeamtVG»), au paragraphe 1, première phrase, deuxième membre de la phrase, un abattement de pension applicable aux fonctionnaires bénéficiant de congés sans solde et de réductions du temps de travail pour des raisons de politique familiale et en raison du règlement sur les congés spéciaux (ci-après l'«abattement de pension»).

    17. Aux termes de l'article 14, paragraphe 1, du BeamtVG, dans sa rédaction issue de la loi modificative de 1984, applicable du 1er août 1984 au 31 décembre 1991 (ci-après l'«ancienne version de l'article 14 du BeamtVG»):

    «Pour les dix premières années de service ouvrant droit à la pension, le montant de la pension est de 35 % et augmente pour chaque année supplémentaire de 2 % jusqu'à la fin de la vingt-cinquième année de service, et, à partir de ce moment, de 1% de la durée de service ouvrant droit à la pension, jusqu'au taux maximum de 75 %, [...]; en cas de travail à temps partiel, de congé ou de réduction du temps de travail, le taux de pension qui est calculé en l'absence de ces dispenses de service conformément au premier membre de la phrase est réduit, avant application du plafond, conformément au rapport existant entre la durée de service ouvrant droit à la pension et la durée qui aurait été atteinte sans ces dispenses de service, [...] sans toutefois être inférieur à 35 % ni supérieur à 75 %; [...]»

    18. L'abattement de pension introduit par la loi modificative de 1984, appliqué à l'échelle dégressive de pension de l'ancienne version de l'article 14 du BeamtVG, a été supprimé par l'article 14, point 16, du fünftes Gesetz zur Änderung besoldungsrechtlicher Vorschriften (cinquième loi portant modification des dispositions sur les traitements), du 28 mai 1990, entré en vigueur le 1er janvier 1992 (BGBl. I, p. 967, ci-après la «loi modificative sur les traitements de 1990»).

    19. Par ailleurs, l'échelle dégressive de pension de l'ancienne version de l'article 14 du BeamtVG a été remplacée par un système linéaire de droits à pension.

    20. Ainsi, l'article 14 du BeamtVG, intitulé «Montant de la pension», dans sa rédaction applicable à compter du 1er janvier 1992 (ci-après la «nouvelle version de l'article 14 du BeamtVG»), dispose:

    «1) La pension s'élève à 1,875 % des traitements ouvrant droit à la pension [...], pour chaque année de service ouvrant droit à la pension, sans toutefois dépasser au total 75 % [...]»

    21. L'article 85 du BeamtVG, intitulé «Taux de pension des fonctionnaires en service le 31 décembre 1991», dans sa version résultant de la loi modificative sur les traitements de 1990, dispose:

    «1) Si la personne était déjà fonctionnaire [...] le 31 décembre 1991, le taux de pension atteint à ce moment reste garanti. Le calcul de la durée de service ouvrant droit à la pension et du taux de pension s'effectue selon le droit en vigueur jusqu'au 31 décembre 1991; l'article 14, paragraphe 1, première phrase, deuxième et troisième membres de la phrase, ne s'applique pas dans ce cas. Le taux de pension calculé suivant les deux premières phrases de cet article augmente pour chaque année accomplie à partir du 1er janvier 1992 en tant que durée de service ouvrant droit à la pension en vertu du droit en vigueur à partir de cette date; cette augmentation est, pour chacune de ces années de 1 % des traitements ouvrant droit à la pension, sans excéder le plafond de 75 % [...].

    [...]

    4) Le taux de pension calculé en application des paragraphes 1, 2 ou 3 constitue la base pour le calcul de la pension, lorsqu'il est supérieur au taux qui, en vertu de la présente loi, est calculé pour la durée de service totale ouvrant droit à la pension. Le taux de pension calculé en application du paragraphe 1 ne peut être supérieur au taux résultant des dispositions en vigueur jusqu'au 31 décembre 1991.

    [...]»

    22. Intitulé «Durée de service normale ouvrant droit à la pension», l'article 6 du BeamtVG, dans sa version publiée le 16 mars 1999 (BGBl. I, p. 322, 847, 2033), dispose:

    «1) Ouvre droit à la pension la durée de service prenant cours le jour de la première nomination comme fonctionnaire auprès d'un employeur de droit public sur le territoire national. N'est pas pris en compte

    [...]

    5. le congé sans solde [...]

    [...]

    Les périodes de travail à temps partiel n'ouvrent droit à la pension qu'à concurrence du rapport existant entre l'horaire réduit et l'horaire de travail normal; [...]»

    Les litiges au principal et les questions préjudicielles

    Affaire C4/02

    23. Mme Schönheit, née le 12 juillet 1939, est entrée au service de la ville de Francfort-sur-le-Main le 1er avril 1966 en qualité de travailleuse sociale, comme agent contractuel puis, à partir du 1er janvier 1984, en tant que fonctionnaire.

    24. Jusqu'au 30 juin 1992, l'intéressée a exercé ses fonctions à plein temps. Du 1er juillet 1992 au 31 décembre 1995 elle a exercé ses fonctions à mi-temps. Après avoir bénéficié d'un congé sans solde de six mois, du 1er janvier 1996 au 30 juin 1996, elle a repris l'exercice de ses fonctions à temps partiel. Elle a ensuite été mise à la retraite de manière anticipée, à compter du 1er août 1999, sur sa demande, par décision du 12 juillet 1999 de son employeur.

    25. Par une décision également adoptée le 12 juillet 1999, la ville de Francfort-sur-le-Main lui a attribué une pension de 65,8 % de son dernier traitement ouvrant droit à la pension.

    26. Ce taux de pension a été calculé comme suit.

    27. Dans un premier temps, la ville de Francfort-sur-le-Main a calculé en application de l'article 6 du BeamtVG la durée de service normale de l'intéressée ouvrant droit à la pension (ci-après la «durée de service réelle») et a multiplié cette durée par le pourcentage de 1,875 % prévu par la nouvelle version de l'article 14 du BeamtVG, aboutissant à un taux de pension de 56,99 %.

    28. Dans un deuxième temps, l'employeur de Mme Schönheit, conformément à l'article 85, paragraphe 4, première phrase, du BeamtVG, puisque l'intéressée était déjà fonctionnaire à la date du 31 décembre 1991, a calculé le taux de pension qui pourrait être attribué à celle-ci en application du mode de calcul figurant à l'article 85, paragraphe 1, du BeamtVG. Ce mode de calcul aboutit à un taux de pension de 70,79 %.

    29. Dans un troisième temps, conformément à l'article 85, paragraphe 4, deuxième phrase, du BeamtVG, l'employeur de Mme Schönheit a calculé le taux de pension qui aurait été applicable à l'intéressée en application des dispositions en vigueur jusqu'au 31 décembre 1991, c'est-à-dire en application de l'ancienne version de l'article 14 du BeamtVG, y compris l'abattement de pension. À cet effet, il a tout d'abord calculé le taux de pension auquel l'intéressée aurait eu droit en l'absence des dispenses de service dont elle a bénéficié pendant sa période d'emploi (ci-après le «taux de pension fictif»), c'est-à-dire comme si l'intéressée avait travaillé à plein temps pendant l'ensemble de cette période (ci-après la «durée de service fictive»). Cette durée de service fictive aurait donné droit à l'intéressée à un taux de pension fictif de 74 %. La ville de Francfort-sur-le-Main a ensuite réduit ce taux conformément au rapport existant entre la durée de service réelle et la durée de service fictive, aboutissant à un taux de 65,8 %.

    30. Ce dernier taux est celui qui a été retenu dans la décision adoptée le 12 juillet 1999 par la ville de Francfort-sur-le-Main, conformément à l'article 85, paragraphe 4, deuxième phrase, du BeamtVG, puisque ce taux est inférieur au taux calculé en application du paragraphe 1 dudit article.

    31. Le 3 août 1999, Mme Schönheit a introduit une réclamation contre la décision du 12 juillet 1999 fixant le montant de sa pension.

    32. Cette réclamation a été rejetée par décision du 4 janvier 2000 de la ville de Francfort-sur-le-Main.

    33. Mme Schönheit a alors saisi, le 7 février 2000, le Verwaltungsgericht Frankfurt am Main d'un recours tendant à obtenir l'annulation des décisions du 12 juillet 1999 et du 4 janvier 2000 de la ville de Francfort-sur-le-Main relatives à la fixation de ses droits à pension. L'intéressée conclut également à ce que son taux de pension soit fixé à au moins 70, 79 %.

    34. Dans son ordonnance de renvoi, le Verwaltungsgericht Frankfurt am Main considère que l'abattement de pension prévu par l'ancienne version de l'article 14 du BeamtVG, qui a été appliqué lors de la fixation du taux de pension de Mme Schönheit par les décisions attaquées, est incompatible avec l'article 141 CE puisqu'il entraîne au détriment de l'intéressée une discrimination indirecte fondée sur le sexe qui n'est pas justifiée par des facteurs objectifs.

    35. La juridiction de renvoi estime à cet égard que l'abattement de pension litigieux ne touche que les travailleurs à temps partiel, dont il diminue la pension, alors que le pourcentage d'hommes travaillant à temps partiel dans les administrations du Land de Hesse est considérablement inférieur à celui des femmes. Selon des sources officielles concernant les personnels travaillant directement et indirectement au service du Land de Hesse, des communes et des associations de communes situées dans ce Land, en 1993, 92,05 % des personnels en cause qui travaillaient à temps partiel étaient des femmes. Selon d'autres sources officielles, il y avait, en 1996, sur 150 007 agents de l'administration du Land de Hesse, 33 260 travailleurs à temps partiel, dont 29 236 femmes (87,9 %) pour 4 024 hommes (12,1 %).

    36. La juridiction de renvoi estime qu'il n'existe aucune raison objective pouvant justifier une telle différence de traitement. L'objectif de limiter les dépenses publiques invoqué par les pouvoirs publics lors de l'introduction de l'abattement de pension ne pourrait pas, selon la juridiction de renvoi, justifier la différence de traitement en cause.

    37. Toutefois, la jurisprudence du Bundesverwaltungsgericht irait à l'encontre de cette analyse. Selon plusieurs arrêts récents de ladite juridiction, la réduction prorata temporis de la pension en cas de travail à temps partiel et de congé sans solde ne constitue pas une mesure de discrimination indirecte illicite à l'encontre des femmes. En effet, une telle réduction serait objectivement justifiée par le fait que la pension est dans ce cas la contrepartie d'une prestation de travail moins importante.

    38. Selon ladite jurisprudence, l'ancienne version de l'article 14, paragraphe 1, première phrase, deuxième membre de la phrase, du BeamtVG aurait simplement permis de corriger le traitement comparativement plus avantageux des fonctionnaires ne travaillant pas à temps plein, qui se fondait sur l'échelle dégressive des pensions prévue par la version antérieure de l'article 14 du BeamtVG.

    39. Dans ces conditions, le Verwaltungsgericht Frankfurt am Main, estimant qu'il existe des doutes quant à l'interprétation des dispositions communautaires pertinentes pour la solution du litige au principal, a décidé, par ordonnance du 12 novembre 2001, de surseoir à statuer et de soumettre à la Cour les neuf questions préjudicielles suivantes:

    «1) L'octroi d'une pension de retraite au sens du BeamtVG est-il soumis à l'application combinée des dispositions de l'article 119 du traité CE, remplacées par l'article 141, paragraphes 1 et 2, CE, et de la directive 86/378/CEE ou de la directive 79/7/CEE?

    2) Les prestations versées en application du BeamtVG constituent-elles un régime permettant de fixer, au sens de l'article 6, paragraphe 1, sous h), de la directive 86/378/CEE, des niveaux différents pour les prestations, nonobstant leur financement public, pour tenir compte d'éléments de calcul actuariel ou d'éléments similaires?

    3) Les conditions de justification auxquelles est soumise une mesure de discrimination indirecte mais identifiable fondée sur le sexe, prévues par l'article 2, paragraphe 2, de la directive 97/80/CE aux fins de l'application de l'article 119 du traité CE et de l'article 141, paragraphes 1 et 2, CE, ainsi que de la directive 86/378/CEE, sont-elles applicables indépendamment de savoir si la question d'un allégement de la charge de la preuve se pose dans le cadre de la procédure juridictionnelle ou si cette question est dénuée de pertinence eu égard au caractère inquisitorial de cette procédure?

    4) La nécessité d'utiliser, pour des normes juridiques, un critère apparemment neutre doit-elle être uniquement appréciée à la lumière des intentions du législateur et des motifs des règles en question, tels qu'ils ressortent de la procédure législative, notamment lorsque ces intentions et motifs sont documentés dans les travaux préparatoires et s'avèrent avoir été décisifs lors de leur adoption?

    5) Dans la mesure où, parallèlement à ces intentions et motifs (voir question 4) ou en plus de ceux-ci, il est possible de tenir compte d'autres objectifs légitimes du législateur justifiant une mesure de discrimination au sens de l'article 2, paragraphe 2, de la directive 97/80/CE ou de la jurisprudence de la Cour en matière de discrimination indirecte fondée sur le sexe, la juridiction nationale peut-elle rechercher elle-même ces objectifs légitimes et en déduire, le cas échéant, un critère permettant de justifier une différence de traitement en mettant notamment en oeuvre un raisonnement fondé sur l'économie du système? La réponse à cette question varie-t-elle lorsqu'un tel raisonnement ne peut s'appuyer sur aucun élément des motifs de l'adoption de la norme documentés durant la procédure législative?

    6) Une mesure identifiable de discrimination à l'encontre des fonctionnaires de sexe féminin, ayant atteint un certain âge et travaillant à temps partiel, est-elle justifiable, en ce qui a trait à la fixation du taux de leur pension sur la base de leur dernier traitement, au motif qu'elle est nécessaire pour atteindre un objectif légitime, si cela permet en quelque sorte de neutraliser le versement d'une pension minimale due au titre des dix premières années de service indépendamment de la réduction du temps de travail, quand bien même les prestations de pension des fonctionnaires font uniquement l'objet d'un financement public à l'exclusion de toute cotisation de la part de ces fonctionnaires de sexe féminin? Cette nécessité peut-elle être justifiée, le cas échéant à titre complémentaire, eu égard à la nature alimentaire des prestations de pension et à leur qualité de principe traditionnel du fonctionnariat conformément à l'article 33, paragraphe 5, du Grundgesetz (loi fondamentale)?

    7) Dans la mesure où la nécessité visée par la question 6 est admise, la réduction du taux de pension pour les fonctionnaires des deux sexes ayant un certain âge et ayant droit à des prestations largement supérieures à la pension minimale due au titre de dix années au moins de service validables, appliquée en raison de leur travail à temps partiel antérieur, estelle également raisonnable (proportionnée) lorsque cette réduction tient compte non seulement, de manière globale, linéaire, du temps de travail réduit, mais également, au détriment des intéressés, de la durée du travail à temps plein par rapport à celle du travail à temps partiel, quand bien même les fonctionnaires des deux sexes ayant atteint un certain âge ne sont plus concernés par l'avantage, le cas échéant disproportionné, d'une pension minimale indépendante de la réduction de leur temps de travail? Ne conviendrait-il pas mieux, dans ce contexte, d'écarter la réduction disproportionnée du taux des pensions des fonctionnaires des deux sexes ayant atteint un certain âge et une certaine ancienneté et d'appliquer exclusivement une réduction proportionnelle de la pension minimale?

    8) L'augmentation des dépenses d'administration du personnel liée aux recrutements occasionnés par un accroissement des emplois à temps partiel par rapport au contexte actuel qui privilégie les emplois à plein temps, sans que change toutefois le nombre de postes et emplois budgétaires, peut-elle justifier la nécessité que ces dépenses soient répercutées sur les fonctionnaires à temps partiel par une diminution disproportionnée du taux de leur pension ainsi que le prévoit l'article 14, paragraphe 1, première phrase, deuxième et troisième membres de phrase, du BeamtVG dans sa version en vigueur jusqu'au 31 décembre 1991?

    9) Une prise en compte nécessaire de ces dépenses (question 8) est-elle raisonnable lorsque ces dépenses supplémentaires sont exclusivement répercutées sur les fonctionnaires ayant occupé antérieurement des emplois à temps partiel, en l'occurrence très majoritairement des femmes, alors même que l'augmentation des possibilités d'emplois à temps partiel est intervenue, au moment où le législateur les a réformées, principalement pour lutter contre le chômage général par une réduction des candidatures surabondantes, masculines et féminines, à des emplois publics?»

    Affaire C5/02

    40. Mme Becker, née le 15 juillet 1951, est depuis le 23 août 1971 fonctionnaire au service du Land de Hesse, comme enseignante. Entre le 1er août 1981 et le 31 juillet 1989, elle a exercé son activité à temps partiel. Du 1er août 1989 au 31 juillet 1995 elle a bénéficié d'un congé sans solde et, entre le 1er août 1995 et le 31 janvier 2000, elle a repris ses fonctions à temps partiel. À compter du 1er février 2000, le Land de Hesse a mis Mme Becker en retraite anticipée pour invalidité.

    41. Par une décision du 5 janvier 2000, le Regierungspräsidium Darmstadt (Allemagne) a attribué à Mme Becker une pension de 52,18% de son dernier traitement ouvrant droit à la pension.

    42. Ce taux de pension a été calculé comme suit.

    43. Dans un premier temps, le Regierungspräsidium Darmstadt a calculé en application de l'article 6 du BeamtVG la durée de service réelle de l'intéressée et a multiplié cette durée par le pourcentage de 1,875 % prévu par la nouvelle version de l'article 14 du BeamtVG, aboutissant à un taux de pension de 47,31 %.

    44. Dans un deuxième temps, l'employeur de Mme Becker, conformément à l'article 85, paragraphe 4, première phrase, du BeamtVG, puisque l'intéressée était déjà fonctionnaire à la date du 31 décembre 1991, a calculé le taux de pension qui pourrait être attribué à celle-ci en application du mode de calcul figurant à l'article 85, paragraphe 1, du BeamtVG. Ce mode de calcul aboutit à un taux de pension de 57,94 %.

    45. Dans un troisième temps, conformément à l'article 85, paragraphe 4, deuxième phrase, du BeamtVG, l'employeur de Mme Becker a calculé le taux de pension qui aurait été applicable à l'intéressée en application des dispositions en vigueur jusqu'au 31 décembre 1991, c'est-à-dire en application de l'ancienne version de l'article 14 du BeamtVG, y compris l'abattement de pension. À cet effet, il a tout d'abord calculé le taux de pension fictif de l'intéressée sur la base de sa durée de service fictive. Cette durée aurait donné droit à l'intéressée à un taux de pension fictif de 72 %. Le Regierungspräsidium Darmstadt a ensuite réduit ce taux conformément au rapport existant entre la durée de service réelle et la durée de service fictive, aboutissant à un taux de pension de 52,18 %.

    46. Ce dernier taux est celui qui a été retenu dans la décision adoptée le 5 janvier 2000 par le Regierungspräsidium Darmstadt, conformément à l'article 85, paragraphe 4, deuxième phrase, du BeamtVG, puisque ce taux est inférieur au taux calculé en application du paragraphe 1 dudit article.

    47. Le 8 février 2000, Mme Becker a introduit une réclamation contre la décision du 5 janvier 2000 fixant le montant de sa pension.

    48. Cette réclamation a été rejetée par décision du 30 novembre 2000 du Regierungspräsidium Darmstadt.

    49. Mme Becker a alors saisi, le 21 décembre 2000, le Verwaltungsgericht Frankfurt am Main d'un recours tendant à obtenir l'annulation des décisions du 5 janvier 2000 et du 30 novembre 2000 du Regierungspräsidium Darmstadt relatives à la fixation de ses droits à pension. L'intéressée conclut également à ce que son taux de pension soit fixé à au moins 57,94 %.

    50. Dans son ordonnance de renvoi, le Verwaltungsgericht Frankfurt am Main a exposé les raisons, identiques à celles présentées dans son ordonnance de renvoi donnant lieu à l'affaire C-4/02, pour lesquelles il considère qu'une interprétation des dispositions communautaires pertinentes est nécessaire pour la solution du litige au principal.

    51. Aussi, par ordonnance du 12 novembre 2001, le Verwaltungsgericht Frankfurt am Main a décidé de surseoir à statuer et de soumettre à la Cour onze questions préjudicielles, dont les neuf premières sont identiques à celles présentées dans le cadre de l'affaire C-4/02.

    52. Dans son ordonnance de renvoi relative à l'affaire C-5/02, le Verwaltungsgericht Frankfurt am Main expose en particulier des considérations relatives aux effets dans le temps du protocole n° 2. Il indique à cet égard qu'il pourrait sembler contraire au principe de la bonne foi d'appliquer ce protocole dans l'affaire au principal alors que, antérieurement à la date du 17 mai 1990, les employeurs publics allemands, y compris le Land de Hesse, étaient déjà conscients de ce que la disposition concernant l'abattement de pension pouvait conduire à désavantager considérablement et de manière disproportionnée les fonctionnaires à temps partiel, raison pour laquelle cet abattement a été supprimé par la loi modificative sur les traitements de 1990 qui, si elle a été publiée le 28 mai 1990, avait été approuvée par le Parlement dès les 10 et 11 mai 1990.

    53. Ces considérations conduisent le Verwaltungsgericht Frankfurt am Main à poser à la Cour dans l'affaire C-5/02 les deux questions supplémentaires suivantes, en plus des neuf premières questions identiques à celles présentées dans le cadre de l'affaire C-4/02:

    «10) Le protocole sur l'article 119 du traité CE, en tant que partie intégrante du traité sur l'Union européenne de 1992 (JO C 191, p. 68), exclut-il de manière générale tout examen des modalités de prise en compte des périodes d'emploi antérieures au 17 mai 1990 au regard de l'article 141, paragraphes 1 et 2, CE (ex-article 119 du traité CE)? Cette interdiction vaut-elle aussi lorsque les dispositions applicables à la prise en compte des périodes d'emploi accomplies avant la date de référence du 17 mai 1990 ont été modifiées après cette date, mais que ces modifications ne prévoient que des adaptations partielles aux exigences de l'article 119 du traité CE alors que, dans certains cas, aucune adaptation favorable comparable n'est prévue?

    11) Pour déterminer l'incidence de la date de référence du 17 mai 1990 sur l'adoption des lois, convient-il de s'en tenir à la date de leur publication dans l'organe de publication ou doit-on retenir la clôture des débats au sein des instances législatives, et ce même dans l'hypothèse où la loi est soumise à l'approbation du gouvernement fédéral?»

    54. Par ordonnance du président de la Cour du 8 février 2002, les affaires C­4/02 et C5/02 ont été jointes aux fins de la procédure écrite, de la procédure orale et de l'arrêt.

    Sur les première et deuxième questions (C4/02 et C5/02)

    55. Par ses première et deuxième questions, qu'il convient d'examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande en substance si une pension de retraite versée en vertu d'un régime tel que celui établi par le BeamtVG entre dans le champ d'application de l'article 119 du traité et de l'article 141, paragraphes 1 et 2, CE, ainsi que dans le champ d'application des directives relatives à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes, et, dans l'affirmative, si ces dispositions doivent être interprétées en ce sens qu'elles s'opposent, en principe, à une législation, telle que celle découlant de la combinaison de l'article 85 du BeamtVG et de l'ancienne version de l'article 14 du BeamtVG, qui entraîne une réduction du montant de la pension des fonctionnaires ayant exercé leurs fonctions à temps partiel pendant au moins une partie de leur carrière.

    56. À cet égard, il convient de rappeler que, pour apprécier si une pension de retraite entre dans le champ d'application de l'article 119 du traité et, à compter du 1er mai 1999, dans celui de l'article 141, paragraphes 1 et 2, CE, seul le critère tiré de la constatation que la pension est versée au travailleur en raison de la relation de travail qui l'unit à son ancien employeur, c'est-à-dire le critère de l'emploi, tiré des termes mêmes des dispositions précitées, peut revêtir un caractère déterminant (voir, en ce sens, arrêts du 28 septembre 1994, Beune, C7/93, Rec. p. I4471, point 43; du 17 avril 1997, Evrenopoulos, C147/95, Rec. p. I2057, point 19; du 29 novembre 2001, Griesmar, C366/99, Rec. p. I9383, point 28, et du 12 septembre 2002, Niemi, C351/00, Rec. p. I7007, point 45).

    57. Certes, ce critère ne saurait avoir un caractère exclusif, puisque les pensions versées par des régimes légaux de sécurité sociale peuvent, en tout ou en partie, tenir compte de la rémunération d'activité (arrêts précités Beune, point 44, Evrenopoulos, point 20, Griesmar, point 29, et Niemi, point 46). Or, de telles pensions ne constituent pas des rémunérations au sens de l'article 119 du traité ou de l'article 141 CE (voir, en ce sens, arrêts précités Beune, points 24 et 44, Griesmar, point 27, et Niemi, point 39).

    58. Cependant, les considérations de politique sociale, d'organisation de l'État, d'éthique, ou même les préoccupations de nature budgétaire qui ont eu ou qui ont pu avoir un rôle dans la fixation d'un régime par le législateur national ne sauraient prévaloir si la pension n'intéresse qu'une catégorie particulière de travailleurs, si elle est directement fonction du temps de service accompli et si son montant est calculé sur la base du dernier traitement du fonctionnaire (arrêts précités Beune, point 45, Evrenopoulos, point 21, Griesmar, point 30, et Niemi, point 47). La pension versée par l'employeur public est alors absolument comparable à celle que verserait un employeur privé à ses anciens salariés (arrêts précités Beune, point 45, Griesmar, point 30, et Niemi, point 47).

    59. Il convient dès lors, en vue de déterminer si une pension de retraite versée en vertu d'un régime tel que celui établi par le BeamtVG entre dans le champ d'application de l'article 119 du traité et dans celui de l'article 141, paragraphes 1 et 2, CE, d'examiner si cette pension répond aux trois critères susmentionnés.

    60. À cet égard, il importe de relever, en premier lieu, que la Cour a déjà jugé que les fonctionnaires qui bénéficient d'un régime de pension doivent être regardés comme constituant une catégorie particulière de travailleurs. En effet, ceux-ci ne se distinguent des travailleurs groupés dans une entreprise ou un groupement d'entreprises, dans une branche économique ou un secteur professionnel ou interprofessionnel, qu'en raison des caractéristiques propres qui régissent leur relation d'emploi avec l'État, avec d'autres collectivités ou employeurs publics (arrêts précités Griesmar, point 31, et Niemi, point 48).

    61. En deuxième lieu, s'agissant du critère selon lequel la pension doit être directement fonction du temps de service accompli, il convient de constater qu'il résulte des dispositions du BeamtVG que le niveau de la pension versée en vertu de ladite loi est déterminé par la durée de l'activité du fonctionnaire.

    62. En troisième lieu, concernant le montant de la pension, il convient de relever que celui-ci est, en application du BeamtVG, calculé sur la base du dernier traitement du fonctionnaire ouvrant droit à la pension.

    63. Il s'ensuit qu'une pension de retraite versée en vertu d'un régime tel que celui établi par le BeamtVG, qui satisfait aux trois critères caractérisant la relation d'emploi, entre dans le champ d'application de l'article 119 du traité et, depuis le 1er mai 1999, dans celui de l'article 141, paragraphes 1 et 2, CE.

    64. Dès lors, une telle pension ne constitue pas une pension versée par un régime légal de sécurité sociale, de sorte que le régime institué par le BeamtVG n'entre pas dans le champ d'application de la directive 79/7.

    65. Si un régime tel que celui établi par le BeamtVG constitue bien un régime professionnel de sécurité sociale au sens de la directive 86/378, il n'y a toutefois pas lieu de s'interroger sur les effets de ladite directive dans le cas où une discrimination selon le sexe en matière de pension peut être directement établie à l'aide des éléments constitutifs de la rémunération et des critères énoncés à l'article 119 du traité et à l'article 141, paragraphes 1 et 2, CE (voir, en ce sens, arrêt Beune, précité, point 64). Il en va de même s'agissant des dispositions de la directive 97/80.

    66. Il convient d'examiner si tel est le cas en l'espèce.

    67. À cet égard, il y a lieu de rappeler que l'article 119 du traité et l'article 141, paragraphes 1 et 2, CE énoncent le principe de l'égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins pour un même travail. Ce principe s'oppose non seulement à l'application de dispositions qui établissent des discriminations directement fondées sur le sexe, mais également à l'application de dispositions qui maintiennent des différences de traitement entre travailleurs masculins et travailleurs féminins en application de critères non fondés sur le sexe dès lors que ces différences de traitement ne peuvent s'expliquer par des facteurs objectivement justifiés et étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe (voir arrêts du 15 décembre 1994, Helmig e.a., C-399/92, C409/92, C425/92, C34/93, C50/93 et C78/93, Rec. p. I-5727, point 20, et du 9 février 1999, SeymourSmith et Perez, C167/97, Rec. p. I623, point 52).

    68. S'agissant des dispositions litigieuses du BeamtVG, il est constant qu'elles n'établissent pas de discriminations directement fondées sur le sexe. Il convient donc de vérifier si elles peuvent constituer une discrimination indirecte contraire à l'article 119 du traité et à l'article 141, paragraphes 1 et 2, CE.

    69. En vue d'établir l'existence d'une telle discrimination, il y a lieu de vérifier si les dispositions litigieuses produisent à l'égard des travailleurs féminins des effets plus défavorables que ceux qu'elles comportent pour les travailleurs masculins (voir, notamment, en ce sens, arrêt SeymourSmith et Perez, précité, point 58).

    70. À cet égard, il est constant que l'application des dispositions sur l'abattement de pension en combinaison avec l'échelle dégressive est susceptible d'avoir pour résultat que, pour le même nombre d'heures travaillées, le travail à temps partiel donne lieu à une pension inférieure à celle résultant du temps de travail à temps plein.

    71. Il y a donc lieu de déterminer si les données statistiques disponibles indiquent qu'un pourcentage considérablement plus important de travailleurs féminins que de travailleurs masculins est affecté par les dispositions du BeamtVG qui entraînent une réduction du montant de la pension des fonctionnaires ayant exercé leurs fonctions à temps partiel pendant au moins une partie de leur carrière. Une telle situation révélerait une apparence de discrimination fondée sur le sexe, à moins que les dispositions litigieuses ne soient justifiées par des facteurs objectifs et étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe.

    72. En l'occurrence, il ressort des ordonnances de renvoi qu'un pourcentage considérablement plus important de fonctionnaires féminins que de fonctionnaires masculins travaille à temps partiel et est donc affecté par les dispositions litigieuses du BeamtVG.

    73. Dans ces conditions, il convient de constater, sur le fondement des indications fournies à cet égard par la juridiction de renvoi, que des dispositions telles que celles en cause au principal peuvent aboutir à une discrimination des travailleurs féminins par rapport aux travailleurs masculins contraire à l'égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins pour un même travail, à moins que lesdites dispositions ne soient justifiées par des facteurs objectifs et étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe.

    74. Au vu des considérations qui précèdent, il convient de répondre aux première et deuxième questions qu'une pension de retraite versée en vertu d'un régime tel que celui établi par le BeamtVG entre dans le champ d'application de l'article 119 du traité et de l'article 141, paragraphes 1 et 2, CE. Ces dispositions s'opposent à une législation, telle que celle découlant de la combinaison de l'article 85 du BeamtVG et de l'ancienne version de l'article 14 du BeamtVG, qui peut entraîner une réduction du montant de la pension des fonctionnaires ayant exercé leurs fonctions à temps partiel pendant au moins une partie de leur carrière, lorsque cette catégorie de fonctionnaires comprend un nombre considérablement plus élevé de femmes que d'hommes, à moins que cette législation ne soit justifiée par des facteurs objectifs et étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe.

    Sur les troisième à neuvième questions (C4/02 et C5/02)

    75. Par ses troisième à neuvième questions, qu'il convient d'examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande en substance, en cas de réponse affirmative aux première et deuxième questions, dans quelles conditions une législation, telle que celle découlant de la combinaison de l'article 85 du BeamtVG et de l'ancienne version de l'article 14 du BeamtVG, pourrait être regardée comme justifiée par des facteurs objectifs étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe.

    Observations soumises à la Cour

    76. Mme Becker soutient qu'il n'existe pas de raison objective permettant de justifier l'effet discriminatoire de l'abattement de pension, qui a pour conséquence qu'un fonctionnaire employé à temps partiel qui a fourni globalement une même quantité de travail qu'un fonctionnaire à temps plein, quantité qui se répartit simplement sur une période plus longue, bénéficie pourtant d'un taux de pension moins important. Il est vrai qu'il a parfois été soutenu que cette inégalité de traitement pourrait être justifiée par des raisons financières, l'abattement de pension ayant, selon ce point de vue, pour objet de compenser les charges financières supplémentaires résultant pour les pouvoirs publics de l'introduction de possibilités de travail à temps partiel. Toutefois, selon Mme Becker, une telle justification ne peut pas être admise.

    77. Selon le gouvernement allemand, d'autres motifs que celui de limiter les dépenses publiques, indiqué dans l'exposé des motifs de la législation nationale, peuvent aussi justifier une discrimination indirecte, la juridiction nationale devant tenir compte également des motifs qui résultent de l'économie des dispositions litigieuses.

    78. Le gouvernement allemand en tire la conclusion que, dans le cas d'espèce, le Verwaltungsgericht Frankfurt am Main doit vérifier s'il y a d'autres motifs de justification de l'abattement de pension que ceux avancés dans les motifs de la loi, pouvant ressortir d'un examen d'ensemble objectif de la législation allemande en matière de pension des fonctionnaires applicable à l'époque.

    79. À cet égard, le gouvernement allemand soutient que l'on peut déduire de ladite législation nationale que l'abattement de pension constituait un mécanisme de correction inhérent au système de pension, ayant pour but d'éviter que les fonctionnaires employés à temps partiel ne soient avantagés en conséquence de l'application de l'ancienne échelle de pension dégressive. En raison de la dégressivité de l'ancien système de pension, l'avantage dont bénéficiaient les fonctionnaires n'ayant pas travaillé toute leur carrière à plein temps ne pouvait pas être compensé en tenant simplement compte proportionnellement des périodes d'emploi à temps partiel. Le caractère dégressif de l'ancien système de pension nécessitait plutôt un autre mécanisme d'adaptation, l'abattement de pension. Le régime de l'abattement de pension n'est donc rien d'autre qu'un mécanisme de correction pour parvenir à l'équité interne du système des pensions de fonctionnaires.

    80. La Commission fait valoir qu'une inégalité de rémunération entre hommes et femmes telle que celle qui résulte des dispositions en cause du BeamtVG et qui est motivée uniquement par des considérations d'ordre budgétaire est contraire à l'article 141 CE. Elle invoque à cet égard l'arrêt Roks e.a. rendu par la Cour (arrêt du 24 février 1994, C343/92, Rec. p. I-571, points 35 à 37).

    81. La Commission ajoute qu'il appartient en dernier lieu au juge national de déterminer si et dans quelle mesure une disposition législative qui s'applique indépendamment du sexe du travailleur, mais qui frappe en fait un pourcentage considérablement plus élevé de femmes que d'hommes, est justifiée par des raisons objectives, étrangères à toute discrimination fondée sur le sexe. De l'avis de la Commission, la Cour peut cependant fournir au juge de renvoi des indications lui permettant de déterminer s'il existe un critère objectif de justification de la législation nationale en cause, en prenant en considération l'ensemble de la situation juridique et matérielle exposée par l'ordonnance de renvoi.

    Appréciation de la Cour

    82. Il convient d'abord de rappeler qu'il appartient en dernier lieu au juge national, qui est seul compétent pour apprécier les faits et pour interpréter la législation nationale, de déterminer si et dans quelle mesure une disposition législative qui s'applique indépendamment du sexe du travailleur, mais qui frappe en fait un pourcentage considérablement plus élevé de femmes que d'hommes, est justifiée par des raisons objectives et étrangères à toute discrimination fondée sur le sexe (voir, notamment, arrêts du 13 juillet 1989, Rinner-Kühn, 171/88, Rec. p. 2743, point 15, et Seymour-Smith et Perez, précité, point 67).

    83. Toutefois, même s'il appartient à la juridiction nationale, dans le cadre d'un renvoi préjudiciel, de constater l'existence de tels facteurs objectifs dans le cas concret dont elle est saisie, la Cour, appelée à fournir au juge national des réponses utiles, est compétente pour donner des indications tirées du dossier de l'affaire au principal ainsi que des observations écrites et orales qui lui ont été soumises, de nature à permettre à la juridiction nationale de statuer (arrêts du 7 mars 1996, Freers et Speckmann, C-278/93, Rec. p. I-1165, point 24; SeymourSmith et Perez, précité, point 68, et du 20 mars 2003, Kutz-Bauer, C187/00, non encore publié au Recueil, point 52).

    84. À cet égard, il y a lieu d'indiquer d'emblée que l'objectif de limiter les dépenses publiques, qui, selon la juridiction de renvoi, aurait été invoqué par les pouvoirs publics lors de l'introduction de l'abattement de pension dans la législation nationale, ne saurait être retenu pour justifier une différence de traitement fondée sur le sexe.

    85. En effet, la Cour a déjà jugé que des considérations d'ordre budgétaire ne sauraient justifier une discrimination au détriment de l'un des sexes. En effet, admettre que de telles considérations puissent justifier une différence de traitement entre hommes et femmes qui, à défaut, constituerait une discrimination indirecte fondée sur le sexe impliquerait que l'application et la portée d'une règle aussi fondamentale du droit communautaire que celle de l'égalité entre hommes et femmes puissent varier, dans le temps et dans l'espace, selon l'état des finances publiques des États membres (arrêts Roks e.a., précité, points 35 et 36; du 6 avril 2000, Jørgensen, C226/98, Rec. p. I2447, point 39, et Kutz-Bauer, précité, points 59 et 60).

    86. Toutefois, une différence de traitement entre hommes et femmes peut être justifiée le cas échéant par d'autres raisons que celles invoquées lors de l'adoption de la mesure qui a introduit cette différence de traitement.

    87. En effet, il appartient à l'État membre qui est l'auteur d'une telle mesure ou à la partie au principal qui l'invoque d'établir, devant la juridiction nationale, l'existence de raisons objectives et étrangères à toute discrimination fondée sur le sexe permettant de justifier cette mesure (voir, en ce sens, arrêts précités, SeymourSmith et Perez, point 69, et KutzBauer, point 62), sans que ceux-ci soient liés à cet égard par l'intention manifestée lors de l'adoption de cette dernière.

    88. Le gouvernement allemand soutient que l'abattement de pension introduit dans le BeamtVG constitue un mécanisme de correction inhérent au système de pension, ayant pour objectif d'éviter que les fonctionnaires employés à temps partiel ne soient avantagés par rapport aux fonctionnaires employés à temps plein en conséquence de l'application de l'ancienne échelle de pension dégressive.

    89. Par ailleurs, il ressort des ordonnances de renvoi que, selon la jurisprudence du Bundesverwaltungsgericht, l'abattement de pension opère une réduction proportionnelle de la pension en cas de travail à temps partiel et de congé sans solde et ne constitue donc pas une mesure de discrimination indirecte contraire au principe de l'égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins garanti par le droit communautaire. En effet, une telle réduction serait objectivement justifiée par le fait que la pension est dans ce cas la contrepartie d'une prestation de travail moins importante.

    90. À cet égard, il y a lieu d'indiquer à titre liminaire que, ainsi que l'a relevé M. l'avocat général au point 102 de ses conclusions, le droit communautaire ne s'oppose pas au calcul d'une pension de retraite selon une règle prorata temporis en cas de travail à temps partiel.

    91. En effet, outre le nombre d'années de service d'un fonctionnaire, la prise en compte de la durée de travail effectivement accomplie par celui-ci au cours de sa carrière, comparée à celle d'un fonctionnaire ayant effectué pendant toute sa carrière un horaire de travail à temps complet, constitue un critère objectif et étranger à toute discrimination fondée sur le sexe, permettant une réduction proportionnée de ses droits à pension.

    92. L'article 6 du BeamtVG, selon lequel les périodes de travail à temps partiel n'ouvrent droit à la pension qu'à concurrence du rapport existant entre l'horaire réduit et l'horaire de travail normal, met en oeuvre un tel critère objectif.

    93. En revanche, une mesure qui aboutit à réduire le montant d'une pension de retraite d'un travailleur d'une manière plus que proportionnelle à la prise en compte de ses périodes d'activité à temps partiel ne saurait être considérée comme objectivement justifiée par le fait que la pension est dans ce cas la contrepartie d'une prestation de travail moins importante.

    94. En l'espèce, ainsi que l'expose M. l'avocat général aux points 60 à 62 de ses conclusions, l'application à un fonctionnaire ayant travaillé à temps partiel au cours de sa carrière de l'abattement de pension prévu par l'ancienne version de l'article 14 du BeamtVG entraîne une réduction du taux de pension de celui-ci supérieure à celle, proportionnelle à la prise en compte de son temps de travail, qui résulterait de l'application de l'article 6 du BeamtVG.

    95. Un tel résultat ne saurait être justifié par l'argument, invoqué par le gouvernement allemand, selon lequel un tel abattement de pension serait justifié par l'objectif d'assurer l'égalité de traitement entre les fonctionnaires employés à temps partiel et ceux employés à temps plein dans le régime de l'échelle de pension dégressive.

    96. En effet, l'abattement de pension ne garantit pas d'atteindre un tel objectif. Ainsi que cela ressort des points 60 à 63 et 100 des conclusions de M. l'avocat général, en cas d'égalité des heures de travail effectuées sur l'ensemble de leur carrière par un fonctionnaire ayant travaillé à temps partiel et un fonctionnaire ayant travaillé à temps plein, l'application au premier du régime de l'abattement de pension est susceptible d'entraîner l'attribution à celui-ci d'un taux de pension inférieur à celui attribué au second en application de l'ancienne version de l'article 14 du BeamtVG. En réalité, l'introduction de l'abattement de pension a eu pour effet de réduire pour un tel fonctionnaire employé à temps partiel les avantages résultant de l'échelle de pension dégressive, tandis que les fonctionnaires employés à temps plein continuaient à pouvoir bénéficier de ces avantages, particulièrement lorsqu'ils liquidaient leurs droits à pension après les premières périodes de service, ouvrant des droits annuels à pension supérieurs à ceux accordés au cours des années suivantes.

    97. Il résulte des considérations qui précèdent qu'il y a lieu de répondre aux troisième à neuvième questions que:

    - c'est au juge national, qui est seul compétent pour apprécier les faits et pour interpréter la législation nationale, de déterminer si et dans quelle mesure une disposition législative qui s'applique indépendamment du sexe du travailleur, mais qui frappe en fait un pourcentage considérablement plus élevé de femmes que d'hommes, est justifiée par des facteurs objectifs et étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe;

    - l'objectif de limiter les dépenses publiques ne saurait être retenu pour justifier une différence de traitement fondée sur le sexe;

    - une différence de traitement entre hommes et femmes peut être justifiée, le cas échéant, par d'autres raisons que celles invoquées lors de l'adoption de la mesure qui a introduit cette différence de traitement;

    - une législation nationale, telle que celle découlant de la combinaison de l'article 85 du BeamtVG et de l'ancienne version de l'article 14 du BeamtVG, qui aboutit à réduire le montant d'une pension de retraite d'un travailleur d'une manière plus que proportionnelle à ses périodes d'activité à temps partiel ne saurait être considérée comme objectivement justifiée par le fait que la pension est dans ce cas la contrepartie d'une prestation de travail moins importante ou au motif qu'elle a pour objet d'éviter que les fonctionnaires employés à temps partiel ne soient avantagés par rapport à ceux employés à temps plein.

    Sur les dixième et onzième questions (C5/02)

    98. Par ses dixième et onzième questions, qu'il convient d'examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande en substance si le protocole n° 2 et le protocole sur l'article 141 CE doivent être interprétés en ce sens qu'ils excluent de manière générale, respectivement, l'application de l'article 119 du traité et l'application de l'article 141, paragraphes 1 et 2, CE à des prestations prévues par un régime professionnel de sécurité sociale dues au titre de périodes d'emploi antérieures au 17 mai 1990, ou bien s'il convient à cet égard de prendre en considération le fait que les dispositions nationales applicables à ces périodes d'emploi ont été modifiées par une législation nationale adoptée avant cette date, mais publiée après, qui laisse subsister dans certains cas une inégalité de traitement contraire à ces dispositions du traité.

    99. À cet égard, il y a lieu d'indiquer à titre liminaire que la Cour a jugé aux points 44 et 45 de son arrêt du 17 mai 1990, Barber (C262/88, Rec. p. I1889) que des considérations impérieuses de sécurité juridique s'opposent à ce que des situations juridiques qui ont épuisé leurs effets dans le passé soient remises en cause, alors que, dans un tel cas, l'équilibre financier de nombre de régimes de pension risquerait d'être rétroactivement bouleversé, de sorte que l'effet direct de l'article 119 du traité ne peut être invoqué pour demander l'ouverture, avec effet à une date antérieure au prononcé dudit arrêt, d'un droit à pension, exception faite pour les personnes qui auraient pris en temps utile des initiatives en vue de sauvegarder leurs droits.

    100. Ainsi que la Cour l'a précisé dans l'arrêt du 6 octobre 1993, Ten Oever (C-109/91, Rec. p. I-4879, points 19 et 20), en vertu de l'arrêt Barber, précité, l'effet direct de l'article 119 du traité ne peut être invoqué, afin d'exiger l'égalité de traitement en matière de pensions professionnelles, que pour les prestations dues au titre de périodes d'emploi postérieures au 17 mai 1990, date dudit arrêt, sous réserve de l'exception prévue en faveur des travailleurs ou de leurs ayants droit qui ont, avant cette date, engagé une action en justice ou introduit une réclamation équivalente selon le droit national applicable (arrêt du 11 décembre 1997, Magorrian et Cunningham, C246/96, Rec. p. I7153, point 25).

    101. Cette limitation figure également dans le protocole n° 2, qui présente un lien évident avec l'arrêt Barber, précité, puisqu'il se réfère en particulier à la même date du 17 mai 1990. Tout en l'étendant à l'ensemble des prestations versées par un régime professionnel de sécurité sociale et en l'incorporant au traité, le protocole n° 2 a retenu en substance la même interprétation de l'arrêt Barber, précité, que celle de l'arrêt Ten Oever, précité (arrêt du 28 septembre 1994, Vroege, C57/93, Rec. p. I4541, point 41).

    102. Cette limitation est également reprise par le protocole sur l'article 141 CE, dont la rédaction est identique à celle du protocole n° 2.

    103. Or, ainsi que l'a relevé M. l'avocat général au point 110 de ses conclusions, il ne ressort ni de l'arrêt Barber, ni du protocole n° 2 ou du protocole sur l'article 141 CE des raisons d'admettre d'autres exceptions que celle qu'ils prévoient expressément à la règle selon laquelle l'effet direct de l'article 119 du traité ou celui de l'article 141, paragraphes 1 et 2, CE ne peut être invoqué, afin d'exiger l'égalité de traitement en matière de pensions professionnelles, que pour les prestations dues au titre de périodes d'emploi postérieures au 17 mai 1990.

    104. Dès lors, il convient de répondre aux dixième et onzième questions que le protocole n° 2 et le protocole sur l'article 141 CE doivent être interprétés en ce sens qu'ils excluent, respectivement, l'application de l'article 119 du traité et l'application de l'article 141, paragraphes 1 et 2, CE à des prestations prévues par un régime professionnel de sécurité sociale dues au titre de périodes d'emploi antérieures au 17 mai 1990, sous réserve de l'exception prévue en faveur des travailleurs ou de leurs ayants droit qui ont, avant cette date, engagé une action en justice ou introduit une réclamation équivalente selon le droit national applicable.

    Décisions sur les dépenses


    Sur les dépens

    105. Les frais exposés par le gouvernement allemand et par la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

    Dispositif


    Par ces motifs,

    LA COUR (cinquième chambre)

    statuant sur les questions à elle soumises par le Verwaltungsgericht Frankfurt am Main, par ordonnances du 12 novembre 2001, dit pour droit:

    1) Une pension de retraite versée en vertu d'un régime tel que celui établi par le Gesetz über die Versorgung der Beamten und Richter in Bund und Ländern, du 24 août 1976, dans sa version publiée le 16 mars 1999, entre dans le champ d'application de l'article 119 du traité CE (les articles 117 à 120 du traité CE ont été remplacés par les articles 136 CE à 143 CE) et de l'article 141, paragraphes 1 et 2, CE. Ces dispositions s'opposent à une législation, telle que celle découlant de la combinaison de l'article 85 et de l'ancienne version de l'article 14 de la loi précitée, qui peut entraîner une réduction du montant de la pension des fonctionnaires ayant exercé leurs fonctions à temps partiel pendant au moins une partie de leur carrière, lorsque cette catégorie de fonctionnaires comprend un nombre considérablement plus élevé de femmes que d'hommes, à moins que cette législation ne soit justifiée par des facteurs objectifs et étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe.

    2) C'est au juge national, qui est seul compétent pour apprécier les faits et pour interpréter la législation nationale, de déterminer si et dans quelle mesure une disposition législative qui s'applique indépendamment du sexe du travailleur, mais qui frappe en fait un pourcentage considérablement plus élevé de femmes que d'hommes, est justifiée par des facteurs objectifs et étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe.

    L'objectif de limiter les dépenses publiques ne saurait être retenu pour justifier une différence de traitement fondée sur le sexe.

    Une différence de traitement entre hommes et femmes peut être justifiée, le cas échéant, par d'autres raisons que celles invoquées lors de l'adoption de la mesure qui a introduit cette différence de traitement.

    Une législation nationale, telle que celle découlant de la combinaison de l'article 85 du Gesetz über die Versorgung der Beamten und Richter in Bund und Ländern et de l'ancienne version de l'article 14 de ladite loi, qui aboutit à réduire le montant d'une pension de retraite d'un travailleur d'une manière plus que proportionnelle à ses périodes d'activité à temps partiel ne saurait être considérée comme objectivement justifiée par le fait que la pension est dans ce cas la contrepartie d'une prestation de travail moins importante ou au motif qu'elle a pour objet d'éviter que les fonctionnaires employés à temps partiel ne soient avantagés par rapport à ceux employés à temps plein.

    3) Le protocole n° 2 sur l'article 119 du traité instituant la Communauté européenne et le protocole sur l'article 141 CE annexé au traité CE doivent être interprétés en ce sens qu'ils excluent, respectivement, l'application de l'article 119 du traité et l'application de l'article 141, paragraphes 1 et 2, CE à des prestations prévues par un régime professionnel de sécurité sociale dues au titre de périodes d'emploi antérieures au 17 mai 1990, sous réserve de l'exception prévue en faveur des travailleurs ou de leurs ayants droit qui ont, avant cette date, engagé une action en justice ou introduit une réclamation équivalente selon le droit national applicable.

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