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Document 62000CJ0339

    Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 16 octobre 2003.
    Irlande contre Commission des Communautés européennes.
    FEOGA - Apurement des comptes - Exercices 1997 et 1998 - Aide au boisement des terres agricoles - Article 2, paragraphes 1, sous c), et 2, sous b), du règlement (CEE) nº 2080/92 - Notion de 'personne morale de droit privé' - Principe de protection de la confiance légitime - Devoir de coopération loyale.
    Affaire C-339/00.

    Recueil de jurisprudence 2003 I-11757

    Identifiant ECLI: ECLI:EU:C:2003:545

    62000J0339

    Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 16 octobre 2003. - Irlande contre Commission des Communautés européennes. - FEOGA - Apurement des comptes - Exercices 1997 et 1998 - Aide au boisement des terres agricoles - Article 2, paragraphes 1, sous c), et 2, sous b), du règlement (CEE) nº 2080/92 - Notion de 'personne morale de droit privé' - Principe de protection de la confiance légitime - Devoir de coopération loyale. - Affaire C-339/00.

    Recueil de jurisprudence 2003 page 00000


    Sommaire
    Parties
    Motifs de l'arrêt
    Décisions sur les dépenses
    Dispositif

    Mots clés


    1. Agriculture - FEOGA - Apurement des comptes - Règlements n° s 729/70 et 1258/99 - Champ d'application temporel - Décision de la Commission portant refus de prise en charge de certaines dépenses, adoptée sur le fondement du règlement entre-temps abrogé - Légalité nonobstant l'absence de dispositions transitoires

    (Règlements du Conseil n° 729/70 et n° 1258/99, art. 16, § 1, et 20)

    2. Agriculture - Politique agricole commune - Financement par le FEOGA - Aides destinées à compenser les pertes de revenus agricoles découlant du boisement - Bénéfice réservé aux personnes privées - Notion de personne morale de droit privé - Société entièrement détenue et controlée par l'État - Exclusion

    (Règlement du Conseil n° 2080/92, art. 2, § 2, a) et b))

    3. États membres - Obligations - Obligation de coopération loyale avec les institutions communautaires - Réciprocité

    (Art. 10 CE)

    Sommaire


    $$1. Pour déplorable que soit l'absence de dispositions transitoires permettant de saisir clairement l'articulation entre les règlements n° s 729/70 et 1258/1999, relatifs au financement de la politique agricole commune, et d'assurer ainsi une lisibilité adéquate de textes normatifs, l'abrogation du premier de ces règlements déclarée par l'article 16, paragraphe 1, du second n'a pas porté atteinte à l'obligation pour la Commission de contrôler la conformité avec les règles communautaires des dépenses effectuées par les États membres dans le domaine de la politique agricole commune jusqu'au 31 décembre 1999, dernier jour avant la date initiale d'application auxdites dépenses du second règlement. En effet, l'article 16, paragraphe 1, du règlement n° 1258/1999, lu en combinaison avec l'article 20 du même règlement, n'a pas pour objet d'introduire dans l'application des règles relatives au financement de la politique agricole commune une interruption créant un vide juridique et portant atteinte à l'effet utile des règlements n° s 729/70 et 1258/1999, mais de procéder à une refonte des dispositions applicables, dans un souci de clarté.

    Dès lors, la décision de la Commission 2000/449, écartant du financement communautaire certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen d'orientation et garantie agricole (FEOGA), section «garantie», en tant qu'elle exclut du financement communautaire, pour les exercices 1997 et 1998, des dépenses effectuées par l'Irlande au titre de l'aide au boisement, a été valablement adoptée sur le fondement du règlement n° 729/70.

    ( voir points 35-39 )

    2. L'expression «toute autre personne physique ou morale de droit privé» figurant au passage sous b) de l'article 2, paragraphe 2, du règlement n° 2080/92, instituant un régime communautaire d'aides aux mesures forestières en agriculture, et relatif aux aides destinées à compenser les pertes de revenus agricoles découlant du boisement, vise uniquement les personnes privées, par opposition à l'expression «toutes personnes physiques ou morales» employée au passage sous a) du même paragraphe, concernant les aides destinées à couvrir les coûts de boisement et les coûts de l'entretien des surfaces boisées, qui recouvre à la fois les personnes privées et les personnes non privées telles que les personnes morales détenues et contrôlées par l'État. Il s'ensuit que les personnes morales détenues et contrôlées par l'État peuvent bénéficier d'une aide destinée à compenser les coûts liés au boisement et à l'entretien des forêts au même titre que toute autre personne physique et morale, mais qu'elles ne peuvent pas, en revanche, bénéficier de l'aide destinée à compenser la perte de revenus agricoles.

    À cet égard, ne constitue pas une personne morale de droit privé au sens de l'article 2, paragraphe 2, sous b), dudit règlement une société telle que Coillte Teoranta (Office des forêts), entièrement détenue par l'État irlandais. En effet, ni l'obligation imposée à cette société de gérer ses affaires de manière commerciale ni le fait que l'État n'intervienne pas en pratique dans sa gestion ne sauraient prévaloir sur la constatation qu'elle est entièrement détenue et contrôlée par l'État et que celui-ci peut donc y intervenir. Dès lors, une telle entité, en tant qu'entreprise publique, n'est pas qualifiée pour recevoir les aides destinées à compenser la perte de revenus découlant du boisement prévues par cette disposition.

    ( voir points 59-61, 63 )

    3. Le devoir de coopération loyale qui, en vertu de l'article 10 CE, régit les relations entre les États membres et les institutions, entraîne une obligation pour les États membres de prendre toutes les mesures propres à garantir la portée et l'efficacité du droit communautaire et impose aux institutions communautaires des devoirs réciproques de coopération loyale avec les États membres.

    ( voir point 71 )

    4. Le fait que la Commission n'a pas remis en cause les aides octroyées, avant une date déterminée, à une entreprise par un État membre au titre du Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA) ne peut pas conduire cet État à penser que l'attribution de telles aides ne sera jamais remise en cause à l'avenir. En effet, s'il est vrai que, lorsque la Commission a toléré des irrégularités pour des motifs d'équité, l'État membre concerné n'acquiert aucun droit à exiger la même attitude pour des irrégularités qui seraient commises lors de l'exercice suivant sur la base du principe de sécurité juridique ou de protection de la confiance légitime, il doit en être ainsi à plus forte raison dans les cas où la Commission n'a pas décelé le type d'irrégularités en cause lors des précédents exercices.

    ( voir point 81 )

    Parties


    Dans l'affaire C-339/00,

    Irlande, représentée par M. D. J. O'Hagan, en qualité d'agent, assisté de MM. R. Brady, SC, et A. M. Collins, BL, ayant élu domicile à Luxembourg,

    partie requérante,

    contre

    Commission des Communautés européennes, représentée par MM. M. Niejahr et K. Fitch, en qualité d'agents, assistés de M. J. O'Reilly, SC, ayant élu domicile à Luxembourg,

    partie défenderesse,

    ayant pour objet l'annulation de la décision 2000/449/CE de la Commission, du 5 juillet 2000, écartant du financement communautaire certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA), section «garantie» (JO L 180, p. 49), en tant qu'elle exclut du financement communautaire, pour les exercices 1997 et 1998, des dépenses d'un montant de 4 844 345,35 euros effectuées par l'Irlande au titre de l'aide au boisement,

    LA COUR (cinquième chambre),

    composée de M. C. W. A. Timmermans, président de la quatrième chambre, faisant fonction de président de la cinquième chambre, MM. A. La Pergola, P. Jann, S. von Bahr (rapporteur) et A. Rosas, juges,

    avocat général: M. A. Tizzano,

    greffier: Mme L. Hewlett, administrateur principal,

    vu le rapport d'audience,

    ayant entendu les parties en leur plaidoirie à l'audience du 26 juin 2002, au cours de laquelle l'Irlande a été représentée par MM. A. M. Collins et E. Fitzsimons, SC, et la Commission par MM. M. Niejahr et K. Fitch,

    ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 6 février 2003,

    rend le présent

    Arrêt

    Motifs de l'arrêt


    1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 15 septembre 2000, l'Irlande a, en vertu de l'article 230, premier alinéa, CE, demandé l'annulation de la décision 2000/449/CE de la Commission, du 5 juillet 2000, écartant du financement communautaire certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA), section «garantie» (JO L 180, p. 49, ci-après la «décision attaquée»), en tant qu'elle exclut du financement communautaire, pour les exercices 1997 et 1998, des dépenses d'un montant de 4 844 345,35 euros effectuées par cet État membre au titre de l'aide au boisement.

    Le cadre juridique

    Réglementation en matière d'apurement des comptes du FEOGA

    2 Le règlement (CEE) n° 729/70 du Conseil, du 21 avril 1970, relatif au financement de la politique agricole commune (JO L 94, p. 13), tel que modifié par le règlement (CE) n° 1287/95 du Conseil, du 22 mai 1995 (JO L 125, p. 1, ci-après le «règlement n° 729/70»), dispose à son article 5, paragraphe 2, sous c):

    «La Commission, après consultation du comité du Fonds:

    [...]

    c) décide des dépenses à écarter du financement communautaire visé aux articles 2 et 3, lorsqu'elle constate que des dépenses n'ont pas été effectuées conformément aux règles communautaires.

    Préalablement à toute décision de refus de financement, les résultats des vérifications de la Commission ainsi que les réponses de l'État membre concerné font l'objet de communications écrites, à l'issue desquelles les deux parties tentent de parvenir à un accord sur les suites à y donner.

    En cas d'absence d'accord, l'État membre peut demander l'ouverture d'une procédure visant à concilier leurs positions respectives dans un délai de quatre mois, et dont les résultats font l'objet d'un rapport communiqué à la Commission et examiné par celle-ci, avant une décision de refus de financement.

    [...]»

    3 La procédure de conciliation visée à l'article 5, paragraphe 2, sous c), du règlement n° 729/70 est régie par la décision 94/442/CE de la Commission, du 1er juillet 1994, relative à la création d'une procédure de conciliation dans le cadre de l'apurement des comptes du Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA), section «garantie» (JO L 182, p. 45). L'article 1er, paragraphe 1, de cette décision a institué un organe de conciliation qui intervient dans ledit cadre. Aux termes du paragraphe 2, sous a), de cet article, «la position prise par l'organe de conciliation ne préjuge pas la décision définitive de la Commission en matière d'apurement des comptes».

    4 Le règlement n° 729/70 a été abrogé et remplacé par le règlement (CE) n° 1258/1999 du Conseil, du 17 mai 1999, relatif au financement de la politique agricole commune (JO L 160, p. 103).

    5 L'article 16 du règlement n° 1258/1999 dispose à cet égard:

    «1. Le règlement (CEE) n° 729/70 est abrogé.

    2. Les références faites au règlement abrogé doivent s'entendre comme faites au présent règlement et sont à lire selon le tableau de correspondance figurant en annexe.»

    6 Aux termes de l'article 20 du règlement n° 1258/1999:

    «Le présent règlement entre en vigueur le septième jour suivant celui de sa publication au Journal officiel des Communautés européennes.

    Il s'applique aux dépenses effectuées à partir du 1er janvier 2000.»

    Réglementation en matière d'aide aux mesures forestières

    7 Le règlement (CEE) n° 2080/92 du Conseil, du 30 juin 1992, instituant un régime communautaire d'aides aux mesures forestières en agriculture (JO L 215, p. 96), prévoit l'octroi d'aides communautaires au boisement des superficies agricoles. Ces aides font partie des dépenses visées à l'article 5, paragraphe 2, sous c), du règlement n° 729/70.

    8 Le deuxième considérant du règlement n° 2080/92 énonce:

    «[...] l'expérience en matière de boisement de terres agricoles par les agriculteurs montre que les régimes d'aides existants destinés à promouvoir le boisement sont insuffisants et que les activités de boisement des superficies agricoles retirées de la production agricole dans les dernières années se sont avérées peu satisfaisantes».

    9 Selon le sixième considérant du règlement n° 2080/92:

    «[...] l'objectif d'arriver à une augmentation de boisement des terres agricoles dans l'intérêt de l'orientation de la politique agricole commune nécessite l'introduction de primes destinées à compenser la perte de revenu pendant la période non productive des superficies agricoles boisées des agriculteurs».

    10 Aux termes du septième considérant dudit règlement:

    «[...] dans beaucoup de cas, des personnes privées autres que des exploitants agricoles sont en mesure de procéder aux boisements des terres agricoles et [...] il s'avère opportun de prévoir des mesures d'incitation s'adressant à cette catégorie de personnes; [...] il convient donc d'introduire une prime par hectare à octroyer à d'autres personnes privées que des exploitants agricoles procédant à un boisement des terres agricoles».

    11 L'article 2 du règlement n° 2080/92 prévoit:

    «1. Le régime d'aides peut comprendre:

    a) des aides destinées à couvrir les coûts de boisement;

    b) une prime annuelle par hectare destinée à couvrir les coûts de l'entretien des surfaces boisées pendant les cinq premières années;

    c) une prime annuelle par hectare destinée à compenser des pertes de revenu découlant du boisement des surfaces agricoles;

    [...]

    2. a) Les aides visées au paragraphe 1 points a) et b) peuvent être accordées à toutes personnes physiques ou morales qui procèdent au boisement des surfaces agricoles.

    b) Les aides visées au paragraphe 1 point c) ne sont éligibles que si elles sont octroyées:

    - aux exploitants agricoles ne bénéficiant pas du régime de préretraite visé au règlement (CEE) n° 2079/92 du Conseil, du 30 juin 1992, instituant un régime communautaire d'aides à la préretraite en agriculture [...],

    - à toute autre personne physique ou morale de droit privé.

    [...]

    3. En outre, le régime peut comprendre une contribution communautaire aux coûts de boisement des terres agricoles réalisé par les autorités publiques compétentes des États membres.»

    12 Aux termes de l'article 4, paragraphe 1, premier tiret, du règlement n° 2080/92:

    «Les États membres mettent en oeuvre le régime d'aides visé à l'article 2 au moyen de programmes pluriannuels nationaux ou régionaux concernant les objectifs visés à l'article 1er et qui déterminent notamment:

    - les montants et la durée des aides visées à l'article 2 en fonction des dépenses réelles de boisement et de l'entretien des essences ou types d'arbres utilisés pour le boisement, ou en fonction de la perte de revenus».

    13 L'article 5 du règlement n° 2080/92 dispose:

    «1. Les États membres communiquent à la Commission les projets des programmes nationaux ou régionaux visés à l'article 4 ainsi que les dispositions législatives, réglementaires ou administratives existantes ou qu'ils envisagent d'adopter pour permettre l'application du présent règlement, avant le 30 juillet 1993, accompagnés par une estimation des dépenses annuelles prévues pour la réalisation des programmes.

    2. La Commission examine les communications des États membres en vue de déterminer:

    - leur conformité avec le présent règlement, compte tenu des objectifs de celui-ci et du lien entre les différentes mesures,

    - la nature des actions cofinançables,

    - le montant total des dépenses cofinançables.

    3. La Commission décide de l'approbation des programmes nationaux ou régionaux compte tenu des éléments visés au paragraphe 2. [...]

    [...]»

    Les faits et la procédure précontentieuse

    14 Jusqu'à la fin des années 80, l'État irlandais était propriétaire d'environ 400 000 hectares de forêts, qu'il gérait directement.

    15 Par la Forestry Act 1988 (loi de 1988 sur la foresterie), le Parlement irlandais a autorisé la création de la société Coillte Teoranta (Office des forêts) aux fins de développer la foresterie et d'exercer certaines fonctions relevant jusqu'alors du ministère des Finances et du ministère de l'Énergie.

    16 Coillte Teoranta a été constituée le 8 décembre 1988, conformément à la Companies Act 1963 (loi de 1963 sur les sociétés), sous la forme d'une «private company», c'est-à-dire d'une société privée par actions où le nombre d'actionnaires est limité à 50, le droit de cession des actions restreint et toute sollicitation du public pour la souscription d'actions interdite. La totalité des actions de Coillte Teoranta a été acquise par le ministère des Finances. Aux termes de la Forestry Act 1988, cette société était néanmoins tenue d'exercer ses activités indépendamment de l'État et conformément à des critères purement commerciaux.

    17 La question du statut de Coillte Teoranta et de sa qualité de personne morale de droit privé au sens de l'article 2, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 2080/92 a été soulevée au cours de réunions entre la Commission et le ministère de l'Agriculture, de l'Alimentation et de la Foresterie tenues entre juillet et octobre 1992.

    18 Par lettre du 26 janvier 1993, ce ministère a répondu à différentes questions de la Commission relatives au statut de Coillte Teoranta.

    19 Cette réponse n'a donné lieu à aucune observation de la part de la Commission.

    20 En juillet 1993, l'Irlande a présenté à la Commission un programme pluriannuel national de boisement, au titre du règlement n° 2080/92, qui a été approuvé par celle-ci le 27 avril 1994.

    21 Le 8 décembre 1994, la Commission a approuvé le programme opérationnel pour l'agriculture, le développement rural et la foresterie (1994-1999).

    22 En juillet 1996, le ministère de l'Agriculture, de l'Alimentation et de la Foresterie a publié un plan stratégique pour le développement du secteur forestier en Irlande, qui mentionnait que Coillte Teoranta réunissait les conditions requises pour l'obtention d'aides au titre des programmes de la Communauté.

    23 Jusqu'à l'année 1997, le FEOGA a remboursé à l'Irlande les montants réclamés au titre de l'aide au boisement versée à Coillte Teoranta en vertu de l'article 2, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 2080/92.

    24 Depuis septembre 1994, Coillte Teoranta a financé une partie des coûts de ses activités grâce à des emprunts contractés auprès de banques commerciales sur la base des subventions et des primes à recevoir au titre du règlement n° 2080/92 dans le cadre des programmes de boisement. En se fondant sur des estimations préparées à la fin de l'année 1998, Coillte Teoranta a ainsi emprunté 24 400 000 IEP dans la perspective de l'encaissement de primes pour les superficies boisées entre 1993 et 1998.

    25 À la suite de divers échanges de courrier et d'une réunion bilatérale, la Commission a, par lettre du 3 août 1999, informé le gouvernement irlandais qu'elle se proposait d'arrêter une décision visant à exclure du financement communautaire certaines aides au boisement versées à Coillte Teoranta, à compter du 1er août 1996. Celle-ci serait, aux termes de ladite lettre, une entité publique qui, en vertu de l'article 2, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 2080/92, ne peut prétendre à la prime prévue au paragraphe 1, sous c) de cet article. La Commission rejetait aussi par cette lettre le grief des autorités irlandaises quant à une prétendue atteinte au principe de protection de la confiance légitime.

    26 Par lettre du 11 octobre 1999, l'Irlande a demandé l'ouverture d'une procédure de conciliation au titre de la décision 94/442.

    27 Dans son rapport final du 30 mars 2000, l'organe de conciliation institué par cette décision a constaté qu'il était impossible de concilier les positions des deux parties.

    28 Le 5 juillet 2000, la Commission a adopté la décision attaquée.

    Sur le premier moyen

    Argumentation des parties

    29 Par son premier moyen, l'Irlande soutient que la Commission n'était pas compétente pour adopter la décision attaquée sur le fondement du règlement n° 729/70, au motif que ce règlement avait été abrogé par le règlement n° 1258/1999.

    30 L'Irlande fait valoir que l'article 16, paragraphe 1, du règlement n° 1258/1999 a, dès l'entrée en vigueur de celui-ci, en juillet 1999, abrogé le règlement n° 729/70 . Ce dernier étant abrogé lorsque la décision attaquée a été adoptée, il ne pouvait donc, selon l'Irlande, en constituer le fondement juridique. Par ailleurs, le règlement n° 1258/1999 n'aurait pas davantage pu constituer un fondement approprié puisque, en vertu de son article 20, il n'était applicable qu'aux dépenses effectuées à compter du 1er janvier 2000, c'est-à-dire d'une date postérieure à l'exécution des dépenses en cause.

    31 L'Irlande ajoute qu'il aurait été facile au législateur communautaire d'insérer une disposition transitoire dans le règlement n° 1258/99, mais qu'il ne l'a pas fait.

    32 La Commission fait valoir, au contraire, que la décision attaquée est fondée à juste titre sur le règlement n° 729/70. Elle considère que le règlement n° 1258/1999 n'était effectivement pas applicable en l'espèce, puisque les dépenses en cause concernent les exercices financiers 1997 et 1998 et sont donc antérieures au 1er janvier 2000.

    33 La Commission concède que la transition entre ces deux règlements pèche par manque de clarté. Elle soutient toutefois que l'abrogation du règlement n° 729/70 ne fait pas obstacle à son application aux dépenses effectuées avant le 1er janvier 2000. Le règlement n° 1258/1999 contiendrait nécessairement une disposition transitoire implicite visant à garantir que les dépenses effectuées au titre du règlement n° 729/70 continuent de relever du champ d'application de l'ancienne réglementation jusqu'à ce que la nouvelle réglementation sortisse pleinement ses effets.

    Appréciation de la Cour

    34 Il y a lieu de vérifier si la décision attaquée pouvait valablement être adoptée sur le fondement du règlement n° 729/70.

    35 À cet égard, il convient de relever que, si le règlement n° 1258/1999 prévoit, à son article 16, paragraphe 1, l'abrogation du règlement n° 729/70, il résulte du seizième considérant du règlement n° 1258/1999 que l'objectif du législateur était, eu égard aux nouvelles modifications apportées au règlement n° 729/70, de procéder à une refonte des dispositions applicables, dans un souci de clarté.

    36 Les dispositions du règlement n° 729/70 sont ainsi reprises dans le règlement n° 1258/1999. L'article 16, paragraphe 2, de ce dernier prévoit d'ailleurs que les références faites au règlement abrogé doivent s'entendre comme faites au règlement n° 1258/1999 et sont à lire selon le tableau de concordance figurant en annexe. Partant, le règlement n° 1258/1999 s'inscrit dans la continuité du régime établi par le règlement n° 729/70.

    37 C'est dans ce contexte qu'il convient d'interpréter l'article 16, paragraphe 1, du règlement n° 1258/1999. Ainsi que le relève M. l'avocat général aux points 20 à 24 de ses conclusions, cette disposition, lue en combinaison avec l'article 20 du même règlement, n'a pas pour objet d'introduire dans l'application des règles relatives au financement de la politique agricole commune une interruption créant un vide juridique et portant atteinte à l'effet utile des règlements nos 729/70 et 1258/1999.

    38 Ainsi, pour déplorable que soit l'absence de dispositions transitoires permettant de saisir clairement l'articulation entre les règlements nos 729/70 et 1258/1999 et d'assurer ainsi une lisibilité adéquate de textes normatifs, il y a lieu de considérer que l'abrogation déclarée par l'article 16, paragraphe 1, du règlement n° 1258/1999 n'a pas porté atteinte à l'obligation pour la Commission de contrôler la conformité avec les règles communautaires des dépenses effectuées par les États membres jusqu'au 31 décembre 1999 dans le domaine de la politique agricole commune.

    39 Eu égard à l'ensemble de ces éléments, il y a lieu de considérer que la décision attaquée, en ce qu'elle vise les exercices 1997 et 1998, a été valablement adoptée sur le fondement du règlement n° 729/70.

    Sur le second moyen

    40 Par son second moyen, l'Irlande fait valoir, premièrement, que la décision attaquée constitue une application erronée du règlement n° 2080/92 dans la mesure où Coillte Teoranta serait une personne morale de droit privé au sens de l'article 2, paragraphe 2, sous b), de ce règlement. Elle soutient, deuxièmement, que, en adoptant ladite décision, la Commission a porté atteinte aux obligations relatives à la coopération loyale, à la sécurité juridique ainsi qu'à la bonne administration et qu'elle a violé le principe de protection de la confiance légitime.

    Sur la première branche du second moyen, tirée d'une application erronée du règlement n° 2080/92

    Argumentation des parties

    41 L'Irlande prétend que Coillte Teoranta est une personne morale de droit privé au sens de l'article 2, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 2080/92 et qu'elle était donc habilitée à recevoir l'aide visée au paragraphe 1, sous c), de cet article.

    42 Même si l'expression «personne morale de droit privé» par opposition à «personne morale de droit public» n'est pas usuelle dans les pays de «common law», l'Irlande fait valoir que Coillte Teoranta a été constituée sous la forme d'une «private company» conformément à la Companies Act 1963 et que cette forme est équivalente à celle des sociétés de droit privé dans les États membres qui utilisent communément ce concept, tels que la République française, la République fédérale d'Allemagne ou le royaume d'Espagne.

    43 Le fait que Coillte Teoranta constitue une entreprise publique dont l'État est entièrement propriétaire ne l'empêcherait pas d'être une personne morale de droit privé. L'Irlande soutient que le Conseil a expressément défini les bénéficiaires de l'aide en fonction de leur forme juridique et non en fonction du régime de propriété économique, public ou privé, auquel ils sont soumis.

    44 L'Irlande fait aussi valoir que le règlement n° 2080/92 visait à assurer le boisement d'un maximum de terres agricoles en soutenant financièrement les personnes physiques et morales qui s'y employaient. Il conviendrait donc d'interpréter les dispositions relatives aux bénéficiaires de manière large, ainsi qu'elle le propose.

    45 L'Irlande soutient, par ailleurs, que Coillte Teoranta n'est pas une «autorité publique» au sens de l'article 2, paragraphe 3, du règlement n° 2080/92. Elle relève que la Cour a certes jugé dans les arrêts du 17 décembre 1998, Connemara Machine Turf (C-306/97, Rec. p. I-8761, point 35), et Commission/Irlande (C-353/96, Rec. p. I-8565, point 40), relatifs au domaine des marchés publics, que Coillte Teoranta était «une autorité publique dont les marchés publics de fournitures sont soumis au contrôle de l'État». Elle fait cependant valoir qu'il convient de manier l'expression «autorité publique» avec prudence, la notion en cause ayant été examinée par ces arrêts dans un autre contexte - celui des marchés publics - et dans le cadre d'une directive aujourd'hui abrogée. L'Irlande soutient à cet égard que Coillte Teoranta ne constitue pas un «organisme de droit public» au sens des nouvelles directives en matière de marchés publics. Elle affirme, en particulier, que la société est gérée de manière commerciale et que l'État n'intervient pas dans ses décisions.

    46 En tout état de cause, l'Irlande fait valoir que, même si, contrairement à la position qu'elle défend, Coillte Teoranta était considérée comme une autorité publique au sens de l'article 2, paragraphe 3, du règlement n° 2080/92, cela ne l'empêcherait pas d'être également une personne morale de droit privé et, dès lors, de pouvoir bénéficier de l'aide litigieuse au titre du paragraphe 1, sous c), du même article.

    47 L'Irlande ajoute que le Conseil a pris soin, dans son règlement (CE) n° 1257/1999, du 17 mai 1999, concernant le soutien au développement rural par le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA) et modifiant et abrogeant certains règlements (JO L 160, p. 80), qui remplace le règlement n° 2080/92, de définir différemment les bénéficiaires. Elle souligne de plus que, aux termes du règlement (CE) n° 1750/1999 de la Commission, du 23 juillet 1999, portant modalités d'application du règlement n° 1257/1999 (JO L 214, p. 31), sont exclues de l'aide au boisement les forêts dont l'État est propriétaire à hauteur d'au moins 50 %. L'Irlande fait valoir a contrario que, dans la mesure où le règlement n° 2080/92 ne contient pas une telle exclusion, Coillte Teoranta pouvait bénéficier de l'aide litigieuse.

    48 La Commission soutient à l'inverse que Coillte Teoranta n'est pas une personne morale de droit privé au sens de l'article 2, paragraphe 2, sous c), du règlement n° 2080/92, qu'elle est en revanche une autorité publique au sens du paragraphe 3 dudit article et qu'elle ne pouvait donc bénéficier de l'aide litigieuse.

    49 La Commission s'appuie sur la finalité du règlement n° 2080/92. Elle soutient que ce règlement a été adopté dans le cadre de la réforme de la politique agricole commune réalisée en 1992. Puisque le régime d'aide existant n'avait pas réussi à encourager les agriculteurs à retirer suffisamment de terres de la production agricole, ledit règlement entendait, selon elle, renforcer les mesures d'incitation à cet effet. Il aurait notamment prévu des mesures destinées à compenser la perte de revenus encourue pendant la période non productive des surfaces nouvellement boisées.

    50 La Commission affirme qu'il ressort clairement du septième considérant du règlement n° 2080/92 que l'aide litigieuse était destinée aux agriculteurs et aux autres personnes privées, mais pas aux États membres ou aux organismes publics.

    51 Or, il ne ferait aucun doute que Coillte Teoranta est une entreprise publique entièrement contrôlée par l'État. La Commission relève que, avant la création de cette société en 1988, les forêts étaient directement gérées par les ministères compétents. Aujourd'hui, Coillte Teoranta serait entièrement détenue par l'État et gérée pour le compte du gouvernement.

    52 L'État non seulement détiendrait toutes les actions de la société et en nommerait les responsables, mais il pourrait aussi intervenir dans le financement de l'entreprise. Coillte Teoranta serait également soumise à certaines obligations de service public dont le respect est contrôlé par l'État.

    53 La Commission considère que les arrêts Connemara Machine Turf et Commission/Irlande, précités, dans lesquels la Cour a jugé que Coillte Teoranta était une «autorité publique», sont pertinents, même s'ils avaient trait au domaine des marchés publics. Selon la Commission, la Cour y a abouti à la conclusion que Coillte Teoranta est un organisme de droit public. Cette notion étant exclusive, la Commission affirme que Coillte Teoranta ne saurait être en même temps une personne de droit privé.

    54 Elle fait encore valoir que le changement apporté à la définition des bénéficiaires des aides dans les règlements nos 1257/1999 et 1750/1999 ne change pas la substance de son raisonnement. Le règlement n° 2080/92 devait déjà, selon la Commission, être interprété comme excluant les forêts dont l'État est propriétaire à hauteur d'au moins 50 %.

    Appréciation de la Cour

    55 Il y a lieu de constater que, ainsi que l'Irlande le fait valoir, la notion de personne de droit privé employée à l'article 2, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 2080/92 n'existe pas dans le droit de tous les États membres. Il n'est donc pas pertinent en l'espèce de se référer à la définition utilisée dans certains droits nationaux.

    56 Il convient en revanche d'interpréter cette notion à la lumière de l'objectif et de l'économie du règlement n° 2080/92.

    57 Il ressort du deuxième considérant de ce règlement que c'est en particulier parce que le régime d'aide existant n'avait pas réussi à promouvoir suffisamment le boisement par les agriculteurs, par le retrait de superficies agricoles de la production agricole, qu'il s'est avéré nécessaire de renforcer ledit régime d'aide. Pour atteindre cet objectif, ainsi qu'il est énoncé aux sixième et septième considérants dudit règlement, le législateur communautaire a décidé de compenser la perte de revenus des agriculteurs pendant la période non productive des superficies nouvellement boisées et d'étendre cette compensation à d'autres personnes privées.

    58 Il importe de relever que l'article 2, paragraphe 2, du règlement n° 2080/92 établit une distinction entre bénéficiaires en fonction du type d'aide en cause.

    59 En effet, les dispositions du passage sous b) de ce paragraphe, relatives aux aides destinées à compenser les pertes de revenus agricoles, sont rédigées de manière restrictive par rapport à celles du passage sous a) du même paragraphe, concernant les aides destinées à couvrir les coûts de boisement et les coûts de l'entretien des surfaces boisées. Alors que ces dernières aides sont accordées à toutes les personnes physiques ou morales qui procèdent au boisement de surfaces agricoles, celles relatives aux pertes de revenus ne sont éligibles que si elles sont octroyées aux exploitants agricoles répondant à certaines conditions ou à toute autre personne physique ou morale de droit privé. À la lumière des sixième et septième considérants du règlement n° 2080/92, il y a lieu de considérer que l'expression «toute autre personne physique ou morale de droit privé» figurant audit passage sous b) vise uniquement les personnes privées, par opposition à l'expression «toutes personnes physiques ou morales» employée audit passage sous a), qui recouvre à la fois les personnes privées et les personnes non privées telles que les personnes morales détenues et contrôlées par l'État.

    60 Il s'ensuit que les personnes morales détenues et contrôlées par l'État peuvent bénéficier d'une aide destinée à compenser les coûts liés au boisement et à l'entretien des forêts au même titre que toute autre personne physique et morale, mais qu'elles ne peuvent pas, en revanche, bénéficier de l'aide destinée à compenser la perte de revenus agricoles.

    61 En l'espèce, selon l'Irlande elle-même, Coillte Teoranta est et a toujours été une entreprise publique entièrement détenue par l'État. Par ailleurs, la Cour a déjà jugé dans les arrêts Connemara Machine Turf et Commission/Irlande, précités, que cette société était contrôlée par l'État et aucun élément nouveau n'a été apporté tendant à démontrer que tel n'était plus le cas au cours des exercices 1997 et 1998. L'obligation imposée à la société de gérer ses affaires de manière commerciale de même que le fait, allégué par l'Irlande, que l'État n'intervienne pas en pratique dans la gestion de la société ne sauraient prévaloir sur la constatation que la société était entièrement détenue et contrôlée par l'État et que celui-ci pouvait donc y intervenir. Il s'ensuit que Coillte Teoranta ne constitue pas une personne morale de droit privé au sens de l'article 2, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 2080/92.

    62 Par ailleurs, la circonstance que la distinction entre entreprise privée et entreprise publique soit plus clairement établie dans les règlements nos 1257/1999 et 1750/1999 n'implique pas que cette distinction était absente du règlement n° 2080/92.

    63 Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de constater que Coillte Teoranta, en tant qu'entreprise publique, n'était pas qualifiée pour recevoir une aide destinée à compenser la perte de revenus découlant du boisement et que la Commission n'a pas commis d'erreur dans l'application de l'article 2, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 2080/92. Il convient dès lors de rejeter la première branche du second moyen comme non fondée.

    Sur la seconde branche du second moyen, tirée d'une atteinte au devoir de coopération loyale, à la sécurité juridique et à la bonne administration ainsi que d'une violation du principe de protection de la confiance légitime

    Argumentation des parties

    64 L'Irlande soutient qu'elle a pu légitimement considérer que Coillte Teoranta faisait partie des bénéficiaires visés à l'article 2, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 2080/92, du fait même de l'attitude de la Commission. La passivité dont celle-ci aurait fait preuve serait contraire au devoir de coopération loyale prévu à l'article 5 du traité CE (devenu article 10 CE) et la décision attaquée porterait atteinte au principe de protection de la confiance légitime.

    65 L'Irlande mentionne que la question du statut de Coillte Teoranta a été discutée entre le ministère irlandais compétent et la Commission de juillet à octobre 1992. À la suite de ces discussions, la Commission aurait demandé à l'Irlande des précisions sur le statut de cette société. L'Irlande aurait apporté les informations requises par sa lettre du 26 janvier 1993, à laquelle auraient été joints de nombreux documents dont la Forestry Act 1988 prévoyant la création de Coillte Teoranta ainsi que les statuts de la société. La Commission n'aurait pas répondu à cette lettre. En 1994, le programme pluriannuel irlandais de boisement aurait été approuvé par la Commission. En outre, pour les exercices antérieurs à 1997, les aides versées par l'Irlande à Coillte Teoranta au titre de l'article 2, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 2080/92 auraient été remboursées sans qu'aucune remarque soit faite.

    66 L'Irlande ajoute que Coillte Teoranta a contracté des emprunts importants auprès de banques en comptant sur les remboursements qu'elle pourrait obtenir du FEOGA.

    67 La Commission ne nie pas les faits présentés à cet égard par l'Irlande. Elle admet qu'il peut être regrettable qu'elle n'ait envoyé aucune réponse à la lettre du 26 janvier 1993, mais soutient qu'elle n'a pas manqué à son devoir de coopération loyale ni enfreint le principe de protection de la confiance légitime.

    68 La Commission fait valoir que l'Irlande avait participé aux négociations sur le règlement n° 2080/92 et qu'elle devait donc savoir que l'aide pour perte de revenus découlant du boisement n'était pas destinée aux entreprises publiques telles que Coillte Teoranta. Cet État membre aurait dû se rendre compte qu'il n'existait aucune base légale permettant à la Commission de rembourser, par l'intermédiaire du FEOGA, des dépenses effectuées en violation des règles du régime de la politique agricole commune. Par ailleurs, la Commission soutient que son silence ne saurait s'interpréter comme un consentement. Elle ajoute que, en tout état de cause, l'Irlande n'a pas insisté pour obtenir une réponse à sa lettre du 26 janvier 1993.

    69 S'agissant de son approbation du programme pluriannuel de boisement communiqué par l'Irlande en application du règlement n° 2080/92, la Commission fait valoir que cette circonstance ne pouvait pas inciter l'Irlande à entretenir une confiance légitime dans le fait que Coillte Teoranta était en droit de bénéficier de l'aide litigieuse. La Commission soutient que ce document fait à peine mention de ladite société et que rien n'y indiquait que l'Irlande avait décidé de verser l'aide en cause à Coillte Teoranta comme si elle était une entreprise privée.

    Appréciation de la Cour

    70 Par ce moyen, l'Irlande fait essentiellement valoir que la décision attaquée a porté atteinte au devoir de coopération loyale et au principe de protection de la confiance légitime.

    71 S'agissant du devoir de coopération loyale, il convient de rappeler que, en vertu de l'article 5 du traité, ce principe régit les relations entre les États membres et les institutions. Il entraîne une obligation pour les États membres de prendre toutes les mesures propres à garantir la portée et l'efficacité du droit communautaire et impose aux institutions communautaires des devoirs réciproques de coopération loyale avec les États membres (voir ordonnance du 13 juillet 1990, Zwartveld e.a., C-2/88 IMM, Rec. p. I-3365, point 17, et arrêt du 26 novembre 2002, First et Franex, C-275/00, Rec. p. I-10943, point 49).

    72 Il importe de souligner que, ainsi que M. l'avocat général l'a relevé au point 73 de ses conclusions, l'obligation de coopération loyale revêt par nature un caractère réciproque.

    73 En l'espèce, l'Irlande avait pris part aux discussions en vue de l'adoption du règlement n° 2080/92. Elle était donc censée en connaître les implications au même titre que la Commission.

    74 La Commission avait exprimé à l'Irlande les doutes qu'elle nourrissait sur le statut de Coillte Teoranta et, partant, ledit État membre devait savoir qu'il existait une incertitude quant à la qualification de celle-ci comme personne morale de droit privé au sens de l'article 2, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 2080/92.

    75 Même si la Commission aurait pu réitérer ses doutes auprès de l'Irlande, il convient de relever que, en tout état de cause, c'était à cette dernière qu'il appartenait de veiller à lever toute incertitude qui pouvait subsister quant à l'aptitude de Coillte Teoranta à recevoir l'aide litigieuse.

    76 Il y a donc lieu de rejeter le grief de manquement au devoir de coopération loyale soulevé par l'Irlande.

    77 L'Irlande prétend également que l'attitude de la Commission, en particulier le fait qu'elle n'a pas répondu à sa lettre du 26 janvier 1993, qu'elle a approuvé son programme pluriannuel de boisement et qu'elle n'a pas remis en cause avant 1997 les aides octroyées à Coillte Teoranta au titre de l'article 2, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 2080/92 et mises à la charge du FEOGA, l'avait conduite à croire légitimement que ces aides étaient conformes à la réglementation applicable.

    78 À cet égard, s'il peut être regretté que la Commission n'ait pas présenté d'observations sur la lettre de l'Irlande du 26 janvier 1993, l'absence de réaction de la Commission ne pouvait, ni en soi ni combinée aux autres circonstances de l'espèce, engendrer une confiance légitime pour l'Irlande.

    79 Tout d'abord, l'absence de réponse de la Commission à une lettre n'est pas en principe de nature à susciter une confiance légitime pour la personne qui l'a envoyée. En l'espèce, la lettre de l'Irlande du 26 janvier 1993 constituait elle-même une réponse à une demande de la Commission et n'appelait pas directement de réponse.

    80 Ensuite, s'agissant de l'approbation par la Commission du programme pluriannuel irlandais de boisement, il convient de relever que ce programme ne mentionnait Coillte Teoranta qu'incidemment et qu'il ne spécifiait pas clairement qu'il était envisagé d'octroyer à cette entreprise des primes pour perte de revenus. Ce dernier point n'était d'ailleurs pas davantage spécifié dans le programme opérationnel pour l'agriculture, le développement rural et la foresterie (1994-1999) ou dans le plan stratégique pour le développement du secteur forestier en Irlande publié par le ministère de l'Agriculture, de l'Alimentation et de la Foresterie. Ladite approbation ne pouvait donc pas être interprétée comme une reconnaissance du bien-fondé de l'octroi des primes litigieuses.

    81 Enfin, le fait que la Commission n'a pas remis en cause les aides octroyées à Coillte Teoranta avant 1997 ne pouvait pas non plus conduire l'Irlande à penser que l'attribution à cette entreprise d'aides pour perte de revenus ne serait jamais remise en cause à l'avenir. La Cour a en effet jugé à plusieurs reprises que, si la Commission a toléré des irrégularités pour des motifs d'équité, l'État membre concerné n'acquiert aucun droit à exiger la même attitude pour des irrégularités qui seraient commises lors de l'exercice suivant sur la base du principe de sécurité juridique ou de protection de la confiance légitime (voir, notamment, arrêt du 21 janvier 1999, Allemagne/Commission, C-54/95, Rec. p. I-35, point 12). Il doit en être ainsi à plus forte raison dans les cas où la Commission n'avait pas décelé le type d'irrégularités en cause lors des précédents exercices.

    82 Dans ces conditions, force est de constater que la Commission n'a pas, par son attitude, incité l'Irlande à croire que l'aide octroyée à Coillte Teoranta pour perte de revenus serait cofinancée par le FEOGA. Au contraire, elle avait fait part de ses doutes aux autorités irlandaises, dès 1992. Son absence de prise de position, par la suite, sur l'aptitude de Coillte Teoranta à bénéficier de l'aide litigieuse ne pouvait faire naître pour l'Irlande une confiance légitime à ce sujet, étant donné en particulier que cet État membre avait été étroitement associé à l'élaboration de la réglementation en cause et que reposait sur lui une obligation d'appliquer correctement ladite réglementation.

    83 Il y a donc lieu de rejeter également le grief de l'Irlande selon lequel la Commission aurait violé le principe de protection de la confiance légitime et, partant, de conclure que la seconde branche du second moyen n'est pas fondée.

    84 Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de rejeter le second moyen comme non fondé.

    85 Aucun des moyens invoqués par l'Irlande n'ayant prospéré, il y a lieu de rejeter le recours dans son ensemble.

    Décisions sur les dépenses


    Sur les dépens

    86 Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de l'Irlande et celle-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

    Dispositif


    Par ces motifs,

    LA COUR (cinquième chambre)

    déclare et arrête:

    1) Le recours est rejeté.

    2) L'Irlande est condamnée aux dépens.

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