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Document 62001CJ0320

Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 27 février 2003.
Wiebke Busch contre Klinikum Neustadt GmbH & Co. Betriebs-KG.
Demande de décision préjudicielle: Arbeitsgericht Lübeck - Allemagne.
Égalité de traitement entre hommes et femmes - Article 2, paragraphe 1, de la directive 76/207/CEE - Protection de la femme enceinte.
Affaire C-320/01.

Recueil de jurisprudence 2003 I-02041

Identifiant ECLI: ECLI:EU:C:2003:114

62001J0320

Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 27 février 2003. - Wiebke Busch contre Klinikum Neustadt GmbH & Co. Betriebs-KG. - Demande de décision préjudicielle: Arbeitsgericht Lübeck - Allemagne. - Égalité de traitement entre hommes et femmes - Article 2, paragraphe 1, de la directive 76/207/CEE - Protection de la femme enceinte. - Affaire C-320/01.

Recueil de jurisprudence 2003 page I-02041


Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés


1. Politique sociale - Travailleurs masculins et travailleurs féminins - Accès à l'emploi et conditions de travail - Égalité de traitement - Réintégration d'une femme enceinte dans son emploi avant la fin d'un congé parental d'éducation - Obligation de l'intéressée d'informer l'employeur de son état de grossesse - Absence

(Directives du Conseil 76/207, art. 2, § 1 et 3, et 92/85, art. 4, § 1, et 5)

2. Politique sociale - Travailleurs masculins et travailleurs féminins - Accès à l'emploi et conditions de travail - Égalité de traitement - Réintégration d'une femme enceinte dans son emploi avant la fin d'un congé parental d'éducation - Réglementation nationale autorisant l'employeur à revenir sur son consentement au motif de son ignorance de l'état de grossesse de l'intéressée - Inadmissibilité

(Directive du Conseil 76/207, art. 2, § 1)

Sommaire


1. L'article 2, paragraphe 1, de la directive 76/207, relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail, doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à ce que la travailleuse qui souhaite, avec l'accord de son employeur, réintégrer son emploi avant la fin de son congé parental pour éducation soit obligée d'informer ce dernier de son état de grossesse dans le cas où, en raison de certaines interdictions légales de travail, elle ne pourrait pas exercer certaines de ses fonctions.

En effet, la prise en considération, par l'employeur, de l'état de grossesse d'une travailleuse pour refuser sa réintégration dans son emploi avant la fin de son congé parental pour éducation est constitutive d'une discrimination directe fondée sur le sexe. Dès lors que l'employeur ne peut prendre en considération l'état de la travailleuse pour l'application des conditions de travail de celle-ci, l'intéressée n'est pas tenue d'informer ce dernier qu'elle est enceinte.

Une telle discrimination, qui ne saurait trouver de justification dans l'interdiction temporaire d'effectuer certaines des prestations de travail pour lesquelles la travailleuse a été engagée, serait contraire à l'objectif de protection que poursuivent les articles 2, paragraphe 3, de la directive 76/207, ainsi que 4, paragraphe 1, et 5 de la directive 92/85, concernant la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail, et priverait ces dispositions d'une part de leur effet utile. Pareille discrimination ne saurait non plus être justifiée par les conséquences financières qui pourraient découler pour l'employeur de l'obligation de réintégrer la travailleuse dans son emploi, ni par la circonstance que cette dernière a eu l'intention, en demandant sa réintégration, de percevoir les allocations de maternité, plus élevées que les allocations d'éducation, ainsi que le supplément aux allocations de maternité versé par l'employeur.

( voir points 39-40, 43-44, 46-47, disp. 1 )

2. L'article 2, paragraphe 1, de la directive 76/207, relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail, doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à ce qu'un employeur puisse, en vertu du droit national, remettre en cause le consentement qu'il a donné à la réintégration d'une travailleuse dans son emploi avant la fin d'un congé parental pour éducation, au motif qu'il aurait été dans l'erreur quant à l'état de grossesse de l'intéressée.

En effet, si un employeur ne peut pas prendre en compte l'état de grossesse d'une travailleuse pour refuser sa réintégration dans son emploi avant la fin de son congé parental pour éducation, il ne peut pas non plus se prévaloir d'une erreur quant à l'état de grossesse de l'intéressée. Toute disposition nationale qui pourrait servir de fondement à une telle prétention devrait être écartée par le juge national pour assurer le plein effet de la directive 76/207.

( voir points 49-50, disp. 2 )

Parties


Dans l'affaire C-320/01,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 234 CE, par l'Arbeitsgericht Lübeck (Allemagne) et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre

Wiebke Busch

et

Klinikum Neustadt GmbH & Co. Betriebs-KG,

une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation de l'article 2, paragraphe 1, de la directive 76/207/CEE du Conseil, du 9 février 1976, relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail (JO L 39, p. 40),

LA COUR (cinquième chambre),

composée de M. M. Wathelet (rapporteur), président de chambre, MM. C. W. A. Timmermans, P. Jann, S. von Bahr et A. Rosas, juges,

avocat général: M. D. Ruiz-Jarabo Colomer,

greffier: Mme M.-F. Contet, administrateur principal,

considérant les observations écrites présentées:

- pour Mme Wiebke Busch, par Me V. Gloe, Rechtsanwalt,

- pour Klinikum Neustadt GmbH & Co. Betriebs-KG, par Me J. Steinigen, Rechtsanwalt,

- pour le gouvernement allemand, par M. W.-D. Plessing et Mme M. Lumma, en qualité d'agents,

- pour la Commission des Communautés européennes, par Mme N. Yerrell et M. H. Kreppel, en qualité d'agents,

vu le rapport d'audience,

ayant entendu les observations orales de Klinikum Neustadt GmbH & Co. Betriebs-KG et de la Commission, à l'audience du 23 octobre 2002,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 21 novembre 2002,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt


1 Par ordonnance du 6 août 2001, parvenue à la Cour le 20 août suivant, l'Arbeitsgericht Lübeck a posé, en vertu de l'article 234 CE, deux questions préjudicielles sur l'interprétation de l'article 2, paragraphe 1, de la directive 76/207/CEE du Conseil, du 9 février 1976, relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail (JO L 39, p. 40).

2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre d'un litige opposant Mme Busch à Klinikum Neustadt GmbH & Co. Betriebs-KG (ci-après la «Clinique») au sujet de l'interruption par la première d'un congé parental pour éducation en vue de la reprise de l'activité salariée quelle exerçait auprès de la seconde.

Le cadre juridique

La réglementation communautaire

3 La directive 76/207 tend à mettre en oeuvre le principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l'accès à l'emploi, y compris la promotion, et la formation professionnelle, ainsi que les conditions de travail.

4 Aux termes de larticle 2, paragraphes 1 et 3, de cette directive:

«1. Le principe de l'égalité de traitement au sens des dispositions ci-après implique l'absence de toute discrimination fondée sur le sexe, soit directement, soit indirectement par référence, notamment, à l'état matrimonial ou familial.

[¼ ]

3. La présente directive ne fait pas obstacle aux dispositions relatives à la protection de la femme, notamment en ce qui concerne la grossesse et la maternité.»

5 L'article 3, paragraphe 1, de la directive 76/207 dispose:

«L'application du principe de l'égalité de traitement implique l'absence de toute discrimination fondée sur le sexe dans les conditions d'accès, y compris les critères de sélection, aux emplois ou postes de travail, quel qu'en soit le secteur ou la branche d'activité, et à tous les niveaux de la hiérarchie professionnelle.»

6 Larticle 5, paragraphe 1, de ladite directive énonce ce qui suit:

«L'application du principe de l'égalité de traitement en ce qui concerne les conditions de travail, y compris les conditions de licenciement, implique que soient assurées aux hommes et aux femmes les mêmes conditions, sans discrimination fondée sur le sexe.»

7 La directive 92/85/CEE du Conseil, du 19 octobre 1992, concernant la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail (dixième directive particulière au sens de l'article 16 paragraphe 1 de la directive 89/391/CEE) (JO L 348, p. 1), vise notamment, selon son neuvième considérant, à ce que les femmes ne soient pas défavorisées sur le marché du travail en raison de leur état de grossesse.

8 L'article 4, paragraphe 1, de la directive 92/85 prévoit:

«Pour toute activité susceptible de présenter un risque spécifique d'exposition aux agents, procédés ou conditions de travail, dont une liste non exhaustive figure à l'annexe I, la nature, le degré et la durée de l'exposition, dans l'entreprise et/ou l'établissement concernés, des travailleuses au sens de l'article 2 devront être évalués par l'employeur, directement ou par l'intermédiaire des services de protection et de prévention [...], afin de pouvoir:

apprécier tout risque pour la sécurité ou la santé ainsi que toute répercussion sur la grossesse ou l'allaitement des travailleuses au sens de l'article 2,

déterminer les mesures à prendre.»

9 L'article 5 de ladite directive ajoute:

«1. [...], si les résultats de l'évaluation visée à l'article 4 paragraphe 1 révèlent un risque pour la sécurité ou la santé ainsi qu'une répercussion sur la grossesse ou l'allaitement d'une travailleuse au sens de l'article 2, l'employeur prend les mesures nécessaires pour que, par un aménagement provisoire des conditions de travail et/ou du temps de travail de la travailleuse concernée, l'exposition de cette travailleuse à ce risque soit évitée.

2. Si l'aménagement des conditions de travail et/ou du temps de travail n'est pas techniquement et/ou objectivement possible ou ne peut être raisonnablement exigé pour des motifs dûment justifiés, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer à la travailleuse concernée un changement de poste.

3. Si le changement de poste n'est pas techniquement et/ou objectivement possible ou ne peut être raisonnablement exigé pour des motifs dûment justifiés, la travailleuse concernée est, conformément aux législations et/ou pratiques nationales, dispensée de travail pendant toute la période nécessaire pour la protection de sa sécurité ou de sa santé.

4. Les dispositions du présent article s'appliquent mutatis mutandis au cas où une travailleuse exerçant une activité qui est interdite en vertu de l'article 6 devient enceinte ou allaitante et en informe son employeur.»

La réglementation nationale

10 L'article 3 du Mutterschutzgesetz (loi sur la protection de la maternité, BGBl. 1997 I, p. 22, ci-après le «MuSchG») dispose:

«1. L'activité d'une future mère doit être interrompue si, au vu d'un certificat médical, la vie ou la santé de la mère ou de l'enfant sont menacées en cas de poursuite de l'activité.

2. Les futures mères ne doivent pas travailler pendant les six dernières semaines qui précèdent l'accouchement, à moins qu'elles ne se déclarent expressément disposées à le faire. Elles peuvent revenir à tout moment sur cette déclaration.»

11 L'article 4 de cette loi prévoit:

«1. Il est interdit de confier à des femmes enceintes des tâches physiques lourdes et des tâches les exposant aux effets nocifs de substances ou de rayons nuisibles à la santé, de la poussière, de gaz ou de vapeurs, de la chaleur, du froid ou de l'humidité, des vibrations ou du bruit.

2. Il est notamment interdit de confier aux femmes enceintes:

1) des tâches où il faut régulièrement soulever, mouvoir ou transporter à la main, et sans auxiliaire mécanique, des charges de plus de 5 kg ou, occasionnellement, des charges de plus de 10 kg. Si des charges plus importantes doivent être soulevées, mues ou transportées à la main, avec l'aide d'un auxiliaire mécanique, l'effort physique de la femme enceinte ne doit pas être plus important que pour les tâches citées dans la première phrase.

[...]»

12 Les articles 11, 13 et 14 du MuSchG traitent respectivement du maintien de la rémunération durant la suspension de l'activité professionnelle en raison d'une interdiction du travail, de l'octroi des allocations de maternité et du supplément à de telles allocations pendant la période du congé de maternité. L'allocation de maternité s'élève à 25 DEM net par jour civil et le supplément, versé par l'employeur, à la différence entre 25 DEM et le salaire moyen journalier diminué des déductions légales. Le supplément à lallocation n'est cependant versé qu'à la condition que la travailleuse ait droit à une rémunération, ce qui n'est pas le cas pendant le congé parental pour éducation.

13 Par ailleurs, l'article 15, paragraphe 1, du Bundeserziehungsgeldgesetz (loi fédérale relative à l'octroi de l'allocation et du congé d'éducation, BGBl. 1994 I, p. 180), telle que modifiée par une loi du 21 septembre 1997 (BGBl. I, p. 2390, ci-après le «BErzGG»), prévoit que les travailleurs ont droit au congé parental pour éducation «jusqu'au jour du 3e anniversaire d'un enfant né après le 31 décembre 1991». Conformément à l'article 5 de cette loi, l'allocation mensuelle d'éducation s'élève à 600 DEM.

14 Aux termes de l'article 16 du BErzGG:

«1. Le travailleur doit demander à son employeur le congé d'éducation au plus tard quatre semaines avant la date à partir de laquelle il veut le prendre et déclarer simultanément la période ou les périodes pour lesquelles il entend le prendre.

[...]

3. Le congé d'éducation peut être résilié avant terme ou prolongé dans le cadre de l'article 15, paragraphe 1, sous réserve de l'accord de l'employeur. [...]»

15 En outre, selon l'article 123, paragraphe 1, du Bürgerliches Gesetzbuch (code civil allemand, ci-après le «BGB»):

«Quiconque a été illégalement déterminé par des manoeuvres dolosives ou par des menaces à faire une déclaration de volonté peut la contester.»

16 Larticle 119 du BGB dispose:

«1. Quiconque, en remettant une déclaration de volonté, a fait erreur sur son contenu ou n'a pas voulu, en réalité, faire une déclaration d'un tel contenu peut contester sa déclaration lorsqu'il y a lieu d'admettre qu'il ne l'aurait pas remise s'il avait eu connaissance de la situation de fait et s'il avait apprécié la question avec discernement.

2. Constitue également une erreur sur le contenu de la déclaration l'erreur sur les qualités de la personne ou de la chose considérées selon l'usage comme essentielles.»

Le litige au principal et les questions préjudicielles

17 Mme Busch travaille, depuis le mois davril 1998, comme infirmière pour le compte de la Clinique. Après la naissance de son premier enfant, en juin 2000, elle a pris un congé parental pour éducation qui devait durer trois ans. En octobre 2000, elle est à nouveau tombée enceinte.

18 Par lettre du 30 janvier 2001, Mme Busch a demandé à la Clinique d'écourter son congé parental pour éducation et de reprendre totalement son activité d'infirmière, ce qui a été accepté par son employeur après la libération d'un poste dans un service de soins, en mars 2001. L'intéressée devait reprendre son travail dans une unité de 39 lits dont soccupaient des équipes de trois infirmiers travaillant par roulement et où existait un besoin urgent de personnel. Son employeur ne lui a pas demandé si elle était enceinte.

19 Mme Busch a ainsi repris son activité professionnelle le 9 avril 2001. Le lendemain, elle a déclaré pour la première fois à son employeur qu'elle était enceinte de sept mois.

20 En application de l'article 3, paragraphe 2, du MuSchG, le congé de maternité de Mme Busch devait commencer le 23 mai 2001, soit six semaines avant la date prévue de la naissance. La Clinique a dispensé la demanderesse au principal de travailler dès le 11 avril 2001 et, par lettre du 19 avril 2001, a contesté, pour dol et erreur sur une qualité essentielle, le consentement qu'elle avait donné à sa réintégration.

21 Pour justifier sa position, la Clinique a fait valoir que, eu égard aux interdictions de travail prévues à l'article 4, paragraphe 2, du MuSchG, Mme Busch n'aurait pas été apte à exercer effectivement ses fonctions.

22 Il ressort du dossier que le motif ayant poussé Mme Busch à abréger le congé parental pour éducation était la possibilité pour elle d'obtenir le bénéfice des allocations de maternité, lesquelles sont plus élevées que les allocations d'éducation, ainsi que des suppléments aux allocations de maternité.

23 La demanderesse au principal a soutenu devant l'Arbeitsgericht Lübeck qu'elle n'était pas tenue de déclarer son état de grossesse et qu'elle aurait été en mesure, moyennant quelques restrictions, d'exercer ses activités d'infirmière jusqu'au début de son congé de maternité, comme elle l'avait fait pendant sa première grossesse.

24 La juridiction de renvoi observe que l'employeur pourrait valablement contester la validité de son consentement à l'abrègement du congé parental pour éducation sur le fondement des articles 119, paragraphe 2, ou 123, paragraphe 1, du BGB.

25 S'interrogeant toutefois sur la compatibilité du droit allemand avec le principe d'égalité de traitement entre hommes et femmes tel que garanti par la directive 76/207, l'Arbeitsgericht Lübeck a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les deux questions préjudicielles suivantes:

«1) Y a-t-il discrimination fondée sur le sexe au sens de l'article 2, paragraphe 1, de la directive 76/207/CEE si une femme, qui veut abréger, avec l'accord de son employeur, le congé parental pour éducation dont elle a commencé à bénéficier, est tenue de déclarer à son employeur son nouvel état de grossesse, dont elle a connaissance, avant la conclusion de l'accord sur la fin anticipée dudit congé, dans le cas où elle ne peut pas pleinement exercer la fonction en cause en raison d'une interdiction de travail concernant certaines tâches inhérentes à sa fonction, applicable dès le premier jour?

2) Si la réponse à la première question est affirmative, dans les circonstances décrites, le fait que l'employeur soit en droit de remettre en cause la validité de son acceptation de la fin anticipée du congé pour éducation, au motif qu'il a été dans l'erreur sur l'état de grossesse de l'employée, est-il constitutif d'une discrimination injustifiée fondée sur le sexe au sens de la directive précitée?»

Sur la première question

26 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande si l'article 2, paragraphe 1, de la directive 76/207 doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à ce que la travailleuse qui souhaite, avec l'accord de son employeur, réintégrer son emploi avant la fin de son congé parental pour éducation soit obligée d'informer ce dernier de son état de grossesse dans le cas où, en raison de certaines interdictions légales de travail, elle ne pourrait pas pleinement exercer ses fonctions.

Observations soumises à la Cour

27 Mme Busch soutient qu'une femme enceinte qui est obligée de déclarer à son employeur son état de grossesse au moment de prendre ses fonctions dans un nouvel emploi est victime d'une discrimination fondée sur le sexe. Cette constatation vaudrait également dans l'hypothèse où, la relation de travail existant déjà, l'intéressée décide de reprendre son travail à l'issue d'un congé parental pour éducation écourté. L'inconvénient financier que représenteraient pour l'employeur l'octroi de la protection due aux femmes enceintes et, le cas échéant, les dispenses de service résultant dune interdiction de travail ne devrait pas entrer en ligne de compte.

28 Mme Busch ajoute que, en l'occurrence, elle aurait été en mesure d'exercer son emploi jusqu'au congé de maternité, même compte tenu des restrictions, très minimes, qui lui auraient été imposées, telles que l'interdiction de manipuler des seringues à injection et de soulever de lourdes charges. Les activités interdites à ce titre n'auraient représenté que quelques minutes par journée de travail.

29 La Clinique soutient, à titre liminaire, qu'il ne s'agit, en l'occurrence, ni d'un refus d'embauche ni dune résiliation du contrat de travail dune travailleuse enceinte, dès lors que la relation de travail à durée indéterminée la liant à Mme Busch existait antérieurement et a continué d'exister par la suite.

30 La Clinique fait valoir que Mme Busch aurait été dans l'impossibilité objective de s'acquitter d'une bonne partie des prestations qui lui auraient incombé si elle avait effectivement repris ses activités professionnelles, en raison des interdictions de travail attachées à son état de grossesse. En outre, le fait qu'elle ait omis d'informer l'employeur de cet état, tout en sachant qu'elle ne pourrait pas remplir pleinement ses obligations professionnelles, serait constitutif d'un manquement au devoir de loyauté du salarié, qui serait inhérent au contrat de travail et subsisterait durant un congé parental pour éducation.

31 En tout état de cause, lobligation d'informer lemployeur dans ces conditions, si elle devait être constitutive d'une discrimination fondée sur le sexe, serait justifiée par l'existence des dispositions légales qui ont été adoptées pour protéger la femme enceinte et interdisent l'exercice de certaines activités pendant la grossesse.

32 Le gouvernement allemand soutient que, s'il est vrai que, selon une jurisprudence constante, la directive 76/207 s'oppose aux restrictions à l'accès à l'emploi ainsi qu'aux licenciements qui seraient fondés sur l'état de grossesse et sur les interdictions de travail et les mesures protectrices liées à cet état, cette jurisprudence n'est cependant pas applicable à la présente affaire, car il sagirait ici des conditions et des modalités d'exécution d'une relation de travail préexistante. En cela, les circonstances de l'espèce au principal différeraient de celles des affaires dans lesquelles la Cour a déjà été amenée à se prononcer et qui auraient eu trait soit à l'embauche, soit au licenciement dune travailleuse (voir arrêts du 8 novembre 1990, Handels- og Kontorfunktionærernes Forbund, C-179/88, Rec. p. I-3979; du 5 mai 1994, Habermann-Beltermann, C-421/92, Rec. p. I-1657; du 14 juillet 1994, Webb, C-32/93, Rec. p. I-3567; du 3 février 2000, Mahlburg, C-207/98, Rec. p. I-549, et du 4 octobre 2001, Tele Danmark, C-109/00, Rec. p. I-6993). Mme Busch bénéficierait de la sécurité d'un emploi à durée indéterminée, dont l'existence n'aurait pas été remise en cause lorsque la Clinique a contesté la validité de son acceptation de la fin anticipée du congé parental pour éducation.

33 Le gouvernement allemand fait valoir également que la demanderesse au principal, tout en étant consciente qu'elle n'aurait pu s'acquitter d'une grande partie de ses fonctions en raison des mesures de protection de la femme enceinte, cherchait à obtenir le bénéfice des versements dus par l'employeur en complément des allocations de maternité. Un tel comportement ne serait pas compatible avec l'obligation de loyauté et de confiance mutuelle devant présider aux relations de travail et sapparenterait à un abus de droit.

34 Selon la Commission, le refus par l'employeur de réintégrer une travailleuse dans son emploi avant la fin du congé parental pour éducation en raison de son état de grossesse constitue une discrimination directe fondée sur le sexe, contraire à l'article 3, paragraphe 1, de la directive 76/207. La grossesse ne constituant pas un critère que l'employeur peut prendre en considération, puisqu'il est discriminatoire, la travailleuse ne serait pas tenue de lui révéler cet état (voir, en ce sens, arrêt Tele Danmark, précité, point 34).

35 En outre, selon la jurisprudence de la Cour, une discrimination frappant les femmes ne saurait être justifiée par l'existence de mesures de protection des femmes enceintes (voir arrêt Habermann-Beltermann, précité, point 24). Le préjudice financier subi par l'employeur ne pourrait pas davantage justifier un refus d'engagement pour cause de grossesse (voir arrêts du 8 novembre 1990, Dekker, C-177/88, Rec. p. I-3941, point 12, et Mahlburg, précité, point 29), même en cas de contrat à durée déterminée (voir arrêt Tele Danmark, précité, point 30).

36 La Commission ajoute que, selon Mme Busch, une réorganisation interne des services lui avait permis de fournir pour l'essentiel ses prestations de travail lors de la première grossesse, en dépit des interdictions de travail existantes, et qu'elle pouvait donc escompter semblable réorganisation lors de sa seconde grossesse. La Commission doute, en tout état de cause, que de telles interdictions aient pu exclure toute prestation de travail de la part de l'intéressée.

37 Par ailleurs, la Commission conteste l'argument tiré d'un éventuel abus de droit. En effet, indépendamment des mobiles ayant poussé Mme Busch à demander labrègement de son congé parental pour éducation, celle-ci aurait disposé du droit d'introduire une telle demande. Cette circonstance suffirait pour conclure à l'absence d'abus de droit.

Appréciation de la Cour

38 Il convient de rappeler que l'article 5, paragraphe 1, de la directive 76/207 interdit les discriminations fondées sur le sexe en ce qui concerne les conditions de travail, dont font partie les conditions applicables à la réintégration dans son emploi d'un travailleur ayant bénéficié d'un congé parental pour éducation.

39 Or, la prise en considération, par l'employeur, de l'état de grossesse d'une travailleuse pour refuser sa réintégration dans son emploi avant la fin de son congé parental pour éducation est constitutive d'une discrimination directe fondée sur le sexe (voir, à propos dun refus d'embauche, arrêts précités Dekker et Mahlburg; au sujet dun licenciement, arrêts précités Webb et Tele Danmark, et, en ce qui concerne le refus de renouvellement d'un contrat à durée déterminée, arrêt du 4 octobre 2001, Jiménez Melgar, C-438/99, Rec. p. I-6915).

40 Dès lors que l'employeur ne peut prendre en considération l'état de grossesse de la travailleuse pour l'application des conditions de travail de cette dernière, l'intéressée n'est pas tenue d'informer l'employeur qu'elle est enceinte.

41 Il découle également de la jurisprudence de la Cour qu'une discrimination fondée sur le sexe ne saurait être justifiée par le fait qu'une interdiction légale, imposée en raison de l'état de grossesse, empêche temporairement l'employée d'occuper pleinement le poste qui lui était destiné (voir arrêts précités Habermann-Beltermann, points 24 et 26, et Mahlburg, point 27).

42 Certes, l'article 2, paragraphe 3, de la directive 76/207 réserve aux États membres le droit de maintenir ou d'introduire des dispositions destinées à protéger la femme en ce qui concerne «la grossesse et la maternité», en reconnaissant ainsi la légitimité, par rapport au principe de l'égalité, d'une part, de la protection de la condition biologique de la femme au cours de sa grossesse et à la suite de celle-ci ainsi que, d'autre part, de la protection des rapports particuliers entre la femme et son enfant au cours de la période qui fait suite à la grossesse et à l'accouchement (arrêt Habermann-Beltermann, précité, point 21). Les articles 4, paragraphe 1, et 5 de la directive 92/85 tendent également à garantir une protection particulière aux travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes à l'égard de toute activité susceptible de présenter un risque spécifique pour leur sécurité ou leur santé ou davoir des répercussions négatives sur la grossesse ou l'allaitement.

43 Toutefois, admettre qu'une salariée enceinte puisse ne pas être réintégrée dans son emploi avant la fin d'un congé parental pour éducation, à cause de linterdiction temporaire d'effectuer certaines des prestations de travail pour lesquelles elle a été engagée, serait contraire à l'objectif de protection que poursuivent les articles 2, paragraphe 3, de la directive 76/207 ainsi que 4, paragraphe 1, et 5 de la directive 92/85 et priverait ces dispositions dune part de leur effet utile.

44 Quant aux conséquences financières qui pourraient découler pour l'employeur de l'obligation de réintégrer dans son emploi une femme enceinte qui ne pourrait pas accomplir, pendant la durée de la grossesse, l'ensemble des tâches liées à son poste, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence de la Cour, le préjudice financier subi par l'employeur ne saurait justifier une discrimination fondée sur le sexe (voir arrêts précités Dekker, point 12; Mahlburg, point 29, et Tele Danmark, point 28).

45 Il y a lieu de rappeler, à cet égard, que l'article 5 de la directive 92/85 permet à l'employeur, en cas de risque pour la sécurité ou la santé de la travailleuse ou de répercussion négative sur la grossesse ou l'allaitement, de procéder à un aménagement provisoire des conditions de travail ou du temps de travail ou, si cela ne s'avère pas possible, à un changement de poste, voire, en dernier recours, à une dispense de travail.

46 La circonstance que Mme Busch a eu l'intention, en demandant sa réintégration, de percevoir les allocations de maternité, plus élevées que les allocations d'éducation, ainsi que le supplément aux allocations de maternité versé par l'employeur ne saurait justifier en droit une discrimination fondée sur le sexe en ce qui concerne les conditions de travail.

47 Compte tenu de ce qui précède, il convient de répondre à la première question que l'article 2, paragraphe 1, de la directive 76/207 doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à ce que la travailleuse qui souhaite, avec l'accord de son employeur, réintégrer son emploi avant la fin de son congé parental pour éducation soit obligée d'informer ce dernier de son état de grossesse dans le cas où, en raison de certaines interdictions légales de travail, elle ne pourrait pas exercer certaines de ses fonctions.

Sur la seconde question

48 Par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l'article 2, paragraphe 1, de la directive 76/207 doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à ce quun employeur puisse, en vertu du droit national, remettre en cause le consentement qu'il a donné à la réintégration d'une travailleuse dans son emploi avant la fin d'un congé parental pour éducation, au motif qu'il aurait été dans l'erreur quant à l'état de grossesse de l'intéressée.

49 Compte tenu de la réponse apportée à la première question, il y a lieu de répondre également par l'affirmative à la seconde question. Il apparaît clairement que, si un employeur ne peut pas prendre en compte l'état de grossesse d'une travailleuse pour refuser sa réintégration dans son emploi avant la fin de son congé parental pour éducation, il ne peut pas non plus se prévaloir d'une erreur quant à l'état de grossesse de l'intéressée, qui aurait prétendument vicié son consentement à ladite réintégration. Toute disposition nationale qui pourrait servir de fondement à une telle prétention devrait être écartée par le juge national pour assurer le plein effet de la directive 76/207.

50 Il convient donc de répondre à la seconde question que l'article 2, paragraphe 1, de la directive 76/207 doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à ce quun employeur puisse, en vertu du droit national, remettre en cause le consentement qu'il a donné à la réintégration d'une travailleuse dans son emploi avant la fin d'un congé parental pour éducation, au motif qu'il aurait été dans l'erreur quant à l'état de grossesse de l'intéressée.

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens

51 Les frais exposés par le gouvernement allemand et par la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire lobjet dun remboursement. La procédure revêtant, à légard des parties au principal, le caractère dun incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Dispositif


Par ces motifs,

LA COUR (cinquième chambre),

statuant sur les questions à elle soumises par l'Arbeitsgericht Lübeck, par ordonnance du 6 août 2001, dit pour droit:

1) L'article 2, paragraphe 1, de la directive 76/207/CEE du Conseil, du 9 février 1976, relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail, doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à ce que la travailleuse qui souhaite, avec l'accord de son employeur, réintégrer son emploi avant la fin de son congé parental pour éducation soit obligée d'informer ce dernier de son état de grossesse dans le cas où, en raison de certaines interdictions légales de travail, elle ne pourrait pas exercer certaines de ses fonctions.

2) L'article 2, paragraphe 1, de la directive 76/207 doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à ce quun employeur puisse, en vertu du droit national, remettre en cause le consentement qu'il a donné à la réintégration d'une travailleuse dans son emploi avant la fin d'un congé parental pour éducation, au motif qu'il aurait été dans l'erreur quant à l'état de grossesse de l'intéressée.

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