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Document 61996CJ0309
Judgment of the Court (First Chamber) of 18 December 1997. # Daniele Annibaldi v Sindaco del Comune di Guidonia and Presidente Regione Lazio. # Reference for a preliminary ruling: Pretura circondariale di Roma - Italy. # Agriculture - Nature and archaeological park - Economic activity - Protection of fundamental rights - Lack of jurisdiction of the Court. # Case C-309/96.
Arrêt de la Cour (première chambre) du 18 décembre 1997.
Daniele Annibaldi contre Sindaco del Comune di Guidonia et Presidente Regione Lazio.
Demande de décision préjudicielle: Pretura circondariale di Roma - Italie.
Agriculture - Parc naturel et archéologique - Activité économique - Protection de droits fondamentaux - Incompétence de la Cour.
Affaire C-309/96.
Arrêt de la Cour (première chambre) du 18 décembre 1997.
Daniele Annibaldi contre Sindaco del Comune di Guidonia et Presidente Regione Lazio.
Demande de décision préjudicielle: Pretura circondariale di Roma - Italie.
Agriculture - Parc naturel et archéologique - Activité économique - Protection de droits fondamentaux - Incompétence de la Cour.
Affaire C-309/96.
Recueil de jurisprudence 1997 I-07493
Identifiant ECLI: ECLI:EU:C:1997:631
Arrêt de la Cour (première chambre) du 18 décembre 1997. - Daniele Annibaldi contre Sindaco del Comune di Guidonia et Presidente Regione Lazio. - Demande de décision préjudicielle: Pretura circondariale di Roma - Italie. - Agriculture - Parc naturel et archéologique - Activité économique - Protection de droits fondamentaux - Incompétence de la Cour. - Affaire C-309/96.
Recueil de jurisprudence 1997 page I-07493
Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif
Droit communautaire - Principes - Droits fondamentaux - Respect assuré par la Cour - Compatibilité avec la convention européenne des droits de l'homme d'une réglementation nationale ne relevant pas du champ d'application du droit communautaire - Appréciation par la Cour - Exclusion
(Traité CE, art. 164, 177 et 222)
La Cour, saisie à titre préjudiciel, ne peut pas fournir les éléments d'interprétation nécessaires à l'appréciation, par la juridiction nationale, de la conformité d'une réglementation nationale avec les droits fondamentaux dont elle assure le respect, tels qu'ils résultent en particulier de la convention européenne pour la sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que ladite réglementation concerne une situation qui ne relève pas du champ d'application du droit communautaire.
Tel est le cas d'une loi régionale qui, dans le cadre de la création d'un parc naturel et archéologique afin de protéger et de mettre en valeur l'environnement et les biens culturels du territoire concerné, impose des restrictions au droit de propriété.
En effet, il n'existe, d'abord, aucun élément permettant de conclure que la loi en cause a pour but de mettre en oeuvre une disposition de droit communautaire soit dans le domaine agricole, soit dans celui de l'environnement ou de la culture. Ensuite, la loi poursuit des objectifs autres que ceux couverts par la politique agricole commune et a un caractère général. Enfin, étant donné, d'une part, l'absence de réglementation communautaire spécifique en matière d'expropriation et, d'autre part, que les mesures relatives à l'organisation commune des marchés agricoles n'ont pas pour effet d'affecter les régimes de la propriété agricole, il résulte du libellé de l'article 222 du traité que la loi en cause concerne un domaine qui relève de la compétence des États membres.
Dans l'affaire C-309/96,
ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 177 du traité CE, par la Pretura circondariale di Roma, sezione distaccata di Tivoli, et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre
Daniele Annibaldi
et
Sindaco del Comune di Guidonia,
Presidente Regione Lazio,
une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation de l'article 40, paragraphe 3, du traité CE et des principes généraux de droit communautaire,
LA COUR
(première chambre),
composée de MM. D. A. O. Edward (rapporteur), faisant fonction de président de la première chambre, P. Jann et L. Sevón, juges,
avocat général: M. G. Cosmas,
greffier: M. R. Grass,
considérant les observations écrites présentées:
- pour M. Annibaldi, par Me Romano Vaccarella, avocat au barreau de Rome,
- pour le sindaco del Comune di Guidonia, par Me Giovanni Mascioli, avocat au barreau de Rome,
- pour le Presidente Regione Lazio, par Mes Giuseppe La Cute, Aldo Rivela et Massimo Luciani, avocats au barreau de Rome,
- pour la Commission des Communautés européennes, par M. Paolo Ziotti, membre du service juridique, en qualité d'agent,
vu le rapport du juge rapporteur,
ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 2 octobre 1997,
rend le présent
Arrêt
1 Par ordonnance du 9 septembre 1996, parvenue à la Cour le 23 septembre suivant, la Pretura circondariale di Roma, sezione distaccata di Tivoli, a posé, en vertu de l'article 177 du traité CE, deux questions préjudicielles sur l'interprétation de l'article 40, paragraphe 3, du traité CE et des principes généraux de droit communautaire.
2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre d'un litige opposant M. Annibaldi à la commune de Guidonia et à la Regione Lazio, au sujet du refus de délivrer au premier une autorisation d'implanter un verger sur une zone de trois hectares située dans le périmètre d'un parc régional.
3 L'article 1er de la loi régionale du Lazio n_ 22, du 20 juin 1996 (supplément ordinaire n_ 2 au Bollettino ufficiale della Regione Lazio n_ 18, du 1er juillet 1996, p. 3, ci-après la «loi régionale»), a instauré le parc naturel et archéologique régional de l'Inviolata (ci-après le «parc»). Selon l'article 2, paragraphe 1, de cette loi, le parc a été créé afin de protéger et de mettre en valeur l'environnement et les biens culturels du territoire concerné.
4 Afin de réaliser ces objectifs, les articles 7, 8 et 9 de la loi régionale prévoient une série d'interdictions de certaines activités à l'intérieur du périmètre du parc qui sont assorties, à titre exceptionnel, de certaines exceptions liées à la poursuite des objectifs du parc et nécessitant, en règle générale, une autorisation spéciale délivrée par l'organisme gestionnaire. Parmi ces interdictions prévues par l'article 7 de la loi régionale figurent les changements de culture et les mouvements de terrain [sous e)], la circulation et le stationnement de véhicules motorisés [sous g)], l'ouverture de nouvelles routes ou de voies de pénétration [sous h)], ainsi que la réalisation de tous travaux de construction [sous l)].
5 Selon l'article 9, paragraphe 2, de la loi régionale, une partie des fonds destinés à la gestion du parc est employée pour indemniser la perte des revenus lorsque cette dernière est la conséquence, notamment, de l'application des règles relatives à l'emploi du patrimoine forestier et agricole du parc.
6 M. Annibaldi est propriétaire d'une entreprise agricole de 65 hectares, dénommée «Prato Rotondo» et située dans la commune de Guidonia, dont 35 hectares sont inclus dans le périmètre du parc.
7 Par communication du 8 août 1996, le maire de la commune de Guidonia a, en sa qualité de gestionnaire du parc, refusé de délivrer à M. Annibaldi l'autorisation d'implanter un verger sur une zone de trois hectares située dans le périmètre du parc.
8 Estimant que la loi régionale organise en substance une expropriation sans accorder d'indemnité, M. Annibaldi a, le 26 août 1996, introduit un recours contre ce refus devant la Pretura circondariale di Roma. Il a soutenu que la loi régionale était contraire aux dispositions du traité CE, notamment ses articles 40 et 52, aux principes généraux du droit, notamment ceux liés à la propriété, à l'entreprise et à l'égalité de traitement par les autorités nationales, ainsi qu'à la Constitution italienne.
9 Considérant que le litige soulevait des questions d'interprétation du droit communautaire, la Pretura circondariale di Roma a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions suivantes:
«1) Une disposition de droit national qui impose aux entreprises englobées dans un parc naturel et archéologique de s'abstenir de toute activité, quelle qu'elle soit, dans les zones concernées - mesure impliquant, en substance, une expropriation de ces entreprises sans que soit prévue aucune indemnité pour les particuliers expropriés - viole-t-elle les droits fondamentaux liés à la propriété, à l'entreprise et à l'égalité de traitement par les autorités nationales?
2) En faisant même abstraction de la réponse que la Cour de justice estimera devoir donner à la première question, les mesures prévues par l'article 7 de la loi régionale en question (assimilable, aux fins de la décision communautaire, à toute autre disposition nationale) violent-elles le principe d'égalité et l'interdiction de discrimination connexe prévue par l'article 40, paragraphe 3, deuxième alinéa, du traité de Rome?»
Sur la compétence de la Cour
10 Selon la Regione Lazio et la Commission, la Cour n'est pas compétente pour se prononcer sur les questions préjudicielles puisque les dispositions de la loi régionale n'entrent pas dans le champ d'application du droit communautaire.
11 M. Annibaldi estime, en revanche, que la Cour est habilitée à dégager les principes généraux de l'ordre juridique communautaire en réponse à des questions préjudicielles portant sur l'interprétation de ces principes.
12 Il convient de rappeler d'emblée que, selon une jurisprudence constante (voir, notamment, avis 2/94, du 28 mars 1996, Rec. p. I-1759, point 33), les droits fondamentaux font partie intégrante des principes généraux du droit dont la Cour assure le respect. A cet effet, la Cour s'inspire des traditions constitutionnelles communes aux États membres ainsi que des indications fournies par les instruments internationaux concernant la protection des droits de l'homme auxquels les États membres ont coopéré ou adhéré. La convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (ci-après la «convention») revêt, à cet égard, une signification particulière. Comme la Cour l'a également précisé, il en découle que ne sauraient être admises dans la Communauté des mesures incompatibles avec le respect des droits de l'homme ainsi reconnus et garantis (voir, notamment, arrêt du 18 juin 1991, ERT, C-260/89, Rec. p. I-2925, point 41).
13 Il ressort encore de la jurisprudence de la Cour (voir, notamment, arrêt du 29 mai 1997, Kremzow, C-299/95, Rec. p. I-2629, point 15) que, lorsqu'une réglementation nationale entre dans le champ d'application du droit communautaire, la Cour, saisie à titre préjudiciel, doit fournir tous les éléments d'interprétation nécessaires à l'appréciation, par la juridiction nationale, de la conformité de cette réglementation avec les droits fondamentaux dont la Cour assure le respect, tels qu'ils résultent, en particulier, de la convention. En revanche, elle n'a pas cette compétence à l'égard d'une réglementation nationale qui ne se situe pas dans le cadre du droit communautaire.
14 Il y a donc lieu d'examiner si une réglementation nationale, telle que la loi régionale, qui instaure un parc naturel et archéologique afin de protéger et de mettre en valeur l'environnement et les biens culturels du territoire concerné, relève du droit communautaire, notamment de l'article 40, paragraphe 3, du traité.
15 Il convient de constater tout d'abord que l'article 2 du traité CE décrit la mission et les objectifs de la Communauté qui sont énoncés à l'article 3 (voir, notamment, arrêt du 1er février 1996, Perfili, C-177/94, Rec. p. I-161, point 10). Aux termes de l'article 3, sous e) et k), du traité CE, l'action de la Communauté comporte la mise en oeuvre de politiques communes dans les domaines de l'agriculture et de l'environnement.
16 Il y a lieu de rappeler ensuite que l'article 128 du traité CE prévoit une action de la Communauté dans le domaine de la culture comprenant, notamment, la conservation et la sauvegarde du patrimoine culturel d'importance européenne (paragraphe 2, deuxième tiret).
17 Il convient de rappeler enfin que, selon l'article 222 du traité CE, ce dernier «ne préjuge en rien le régime de la propriété dans les États membres».
18 Aux termes de l'article 40, paragraphe 3, deuxième alinéa, du traité, l'organisation commune des marchés agricoles, à établir dans le cadre de la politique agricole commune, «doit exclure toute discrimination entre producteurs ou consommateurs de la Communauté». Cette interdiction de discrimination n'est que l'expression spécifique du principe général d'égalité qui fait partie des principes fondamentaux du droit communautaire (voir, notamment, arrêts du 25 novembre 1986, Klensch e.a., 201/85 et 202/85, Rec. p. 3477, point 9, et du 24 mars 1994, Bostock, C-2/92, Rec. p. I-955, point 23).
19 En particulier, il convient de souligner que l'article 40, paragraphe 3, du traité vise toutes les mesures relatives à l'organisation commune des marchés agricoles, indépendamment de l'autorité qui les établit. Par conséquent, elle lie également les États membres lorsque ceux-ci mettent en oeuvre cette organisation (voir, notamment, arrêts Klensch e.a., précité, point 8, et du 14 juillet 1994, Graff, C-351/92, Rec. p. I-3361, point 18).
20 Il y a lieu également de souligner que, selon une jurisprudence constante (voir arrêts du 1er avril 1982, Holdijk e.a., 141/81, 142/81 et 143/81, Rec. p. 1299, point 12, et du 6 octobre 1987, Nertsvoederfabriek Nederland, 118/86, Rec. p. 3883, point 12), l'établissement d'une organisation commune des marchés agricoles en vertu de l'article 40 du traité n'a pas pour effet de soustraire les producteurs agricoles à toute réglementation nationale qui poursuit des objectifs autres que ceux couverts par l'organisation commune, mais qui, en affectant les conditions de production, peut avoir une incidence sur le volume ou les coûts de la production nationale et, partant, sur le fonctionnement du marché commun dans le secteur concerné. L'interdiction de toute discrimination entre les producteurs de la Communauté, qui est énoncée à l'article 40, paragraphe 3, deuxième alinéa, du traité, se réfère aux objectifs poursuivis par l'organisation commune et non pas aux différentes conditions de production découlant des réglementations nationales qui ont un caractère général et qui poursuivent d'autres objectifs (voir arrêt Holdijk e.a., précité, point 12).
21 Dans ces conditions, force est de constater, tout d'abord, qu'il n'existe en l'occurrence aucun élément permettant de conclure que la loi régionale avait pour but de mettre en oeuvre une disposition de droit communautaire soit dans le domaine agricole, soit dans celui de l'environnement ou de la culture.
22 Ensuite, même si la loi régionale est susceptible d'affecter indirectement le fonctionnement d'une organisation commune des marchés agricoles, il n'est pas contesté, d'une part, que, le parc ayant été créé afin de protéger et de mettre en valeur l'environnement et les biens culturels du territoire concerné, la loi régionale poursuit des objectifs autres que ceux couverts par la politique agricole commune et, d'autre part, que cette même loi a un caractère général.
23 Enfin, étant donné, d'une part, l'absence de réglementation communautaire spécifique en matière d'expropriation et, d'autre part, que les mesures relatives à l'organisation commune des marchés agricoles n'ont pas pour effet d'affecter les régimes de la propriété agricole, il résulte du libellé de l'article 222 du traité que la loi régionale concerne un domaine qui relève de la compétence des États membres.
24 Il s'ensuit que, en l'état actuel du droit communautaire, une réglementation nationale, telle que la loi régionale, qui instaure un parc naturel et archéologique afin de protéger et de mettre en valeur l'environnement et les biens culturels du territoire concerné, s'applique à une situation qui ne relève pas du droit communautaire.
25 Par conséquent, la Cour n'est pas compétente pour répondre aux questions posées par la Pretura circondariale di Roma.
Sur les dépens
26 Les frais exposés par la Commission des Communautés européennes, qui a soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.
Par ces motifs,
LA COUR
(première chambre)
statuant sur les questions à elle soumises par la Pretura circondariale di Roma, sezione distaccata di Tivoli, par ordonnance du 9 septembre 1996, dit pour droit:
La Cour n'est pas compétente pour répondre aux questions posées par la Pretura circondariale di Roma.