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Document 61995CJ0189

Arrêt de la Cour du 23 octobre 1997.
Procédure pénale contre Harry Franzén.
Demande de décision préjudicielle: Landskrona tingsrätt - Suède.
Articles 30 et 37 du traité CE - Monopole de vente au détail des boissons alcoolisées.
Affaire C-189/95.

Recueil de jurisprudence 1997 I-05909

Identifiant ECLI: ECLI:EU:C:1997:504

61995J0189

Arrêt de la Cour du 23 octobre 1997. - Procédure pénale contre Harry Franzén. - Demande de décision préjudicielle: Landskrona Tingsrätt - Suède. - Articles 30 et 37 du traité CE - Monopole de vente au détail des boissons alcoolisées. - Affaire C-189/95.

Recueil de jurisprudence 1997 page I-05909


Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés


1 Monopoles nationaux à caractère commercial - Article 37 du traité - Objet - Conciliation des exigences du marché commun avec l'intérêt des États membres de maintenir certains monopoles à caractère commercial - Obligation d'aménager les monopoles de façon à exclure toute discrimination entre les ressortissants des États membres dans les conditions d'approvisionnement et de débouchés

(Traité CE, art. 37)

2 Monopoles nationaux à caractère commercial - Article 37 du traité - Monopole national de vente au détail des boissons alcoolisées - Monopole caractérisé par des critères et méthodes de sélection des produits, un réseau de vente au détail et des modes de promotion des produits non discriminatoires ou n'étant pas de nature à désavantager, en fait ou en droit, les boissons importées des autres États membres - Admissibilité

(Traité CE, art. 37)

3 Libre circulation des marchandises - Restrictions quantitatives - Mesures d'effet équivalent - Importation de boissons alcoolisées réservée aux titulaires d'une autorisation de fabrication ou de commerce de gros - Entrave à l'importation de boissons alcoolisées en provenance des autres États membres - Justification - Protection de la santé publique - Absence

(Traité CE, art. 30 et 36)

Sommaire


4 L'article 37 du traité a pour objet de concilier la possibilité, pour les États membres, de maintenir certains monopoles à caractère commercial, en tant qu'instruments pour la poursuite d'objectifs d'intérêt public, avec les exigences de l'établissement et du fonctionnement du marché commun. Il vise l'élimination des entraves à la libre circulation des marchandises, à l'exception toutefois des effets restrictifs sur les échanges qui sont inhérents à l'existence des monopoles en cause.

Ainsi cet article exige que l'organisation et le fonctionnement du monopole soient aménagés de façon à exclure toute discrimination entre les ressortissants des États membres dans les conditions d'approvisionnement et de débouchés, de sorte que le commerce de marchandises en provenance des autres États membres ne soit désavantagé, ni en droit ni en fait, par rapport à celui des marchandises nationales et que la concurrence entre les économies des États membres ne soit pas faussée.

5 L'article 37 du traité ne s'oppose pas à des dispositions nationales relatives à l'organisation d'un monopole national de vente au détail des boissons alcoolisées telles que les critères ou méthodes de sélection des produits par le monopole, les règles relatives à l'implantation des points de vente au détail ou à la promotion des produits vendus par le monopole, lorsque ces dispositions ne sont ni discriminatoires, ni de nature à désavantager, en fait ou en droit, les boissons importées des autres États membres.

6 Les articles 30 et 36 du traité s'opposent à des dispositions nationales réservant l'importation de boissons alcoolisées aux opérateurs titulaires d'une autorisation de fabrication ou de commerce de gros lorsque, d'une part, le régime d'autorisation constitue une entrave à l'importation de boissons alcoolisées en provenance des autres États membres en ce qu'il expose lesdites boissons à des coûts supplémentaires, tels que des coûts d'intermédiation, des coûts liés à l'amortissement des droits et taxes exigés pour l'octroi d'une licence, ou liés à l'obligation de disposer de capacités de stockage sur le territoire national, et que, d'autre part, il n'est pas établi que le régime de licence mis en place par lesdites dispositions nationales, notamment en ce qui concerne les conditions relatives aux capacités de stockage et aux droits et taxes, d'un montant élevé, exigés des titulaires de licences, est proportionné à l'objectif de santé publique poursuivi ni que cet objectif ne peut pas être atteint par des mesures restreignant d'une manière moindre les échanges intracommunautaires.

Parties


Dans l'affaire C-189/95,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 177 du traité CE, par le Landskrona tingsrätt (Suède), et tendant à obtenir, dans la procédure pénale poursuivie devant cette juridiction contre

Harry Franzén,

une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation des articles 30 et 37 du traité CE,

LA COUR,

composée de MM. G. C. Rodríguez Iglesias, président, C. Gulmann, H. Ragnemalm, M. Wathelet, présidents de chambre, G. F. Mancini, J. C. Moitinho de Almeida, P. J. G. Kapteyn, J. L. Murray, D. A. O. Edward, J.-P. Puissochet (rapporteur), G. Hirsch, P. Jann et L. Sevón, juges,

avocat général: M. M. B. Elmer,

greffier: M. H. von Holstein, greffier adjoint,

considérant les observations écrites présentées:

- pour M. Franzén, par MM. Per Löfqvist, Lennart Lindström et Carl Michael von Quitzow, avocats à Stockholm,

- pour le gouvernement suédois, par Mme Lotty Nordling, rättschef au département du commerce extérieur du ministère des Affaires étrangères, en qualité d'agent,

- pour le gouvernement français, par Mme Catherine de Salins, sous-directeur à la direction des affaires juridiques du ministère des Affaires étrangères, et M. Jean-Marc Belorgey, chargé de mission au même ministère, en qualité d'agents,

- pour le gouvernement finlandais, par M. Esa Paasivirta, conseiller juridique au ministère des Affaires étrangères, en qualité d'agent,

- pour le gouvernement norvégien, par M. Didrik Tønseth, advokat au ministère des Affaires étrangères, en qualité d'agent,

- pour la Commission des Communautés européennes, par MM. Richard Wainwright, conseiller juridique principal, et Jean-Francis Pasquier, fonctionnaire national détaché au service juridique, en qualité d'agents,

vu le rapport d'audience,

ayant entendu les observations orales de M. Franzén, représenté par MM. Per Löfqvist, Lennart Lindström et Carl Michael von Quitzow, du gouvernement suédois, représenté par Mme Lotty Nordling et M. Erik Brattgård, departmentsråd au département du commerce extérieur du ministère des Affaires étrangères, en qualité d'agent, du gouvernement finlandais, représenté par MM. Holger Rotkirch, ambassadeur, chef du service des affaires juridiques du ministère des Affaires étrangères, Esa Paasivirta et Mme Tuula Pynnä, conseiller juridique au ministère des Affaires étrangères, en qualité d'agents, du gouvernement norvégien, représenté par M. Didrik Tønseth, et de la Commission, représentée par M. Knut Simonsson, membre du service juridique, en qualité d'agent, assisté de M. Jean-Francis Pasquier, à l'audience du 19 novembre 1996,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 4 mars 1997,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt


1 Par jugement du 14 juin 1995, parvenu à la Cour le 16 du même mois, le Landskrona tingsrätt a posé, en vertu de l'article 177 du traité CE, trois questions préjudicielles relatives à l'interprétation des articles 30 et 37 de ce traité.

2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre des poursuites pénales engagées contre M. Franzén pour infraction à l'alkohollag 1994:1738, du 16 décembre 1994 (loi suédoise sur l'alcool, ci-après la «loi sur l'alcool»).

La loi sur l'alcool

3 La loi sur l'alcool, qui est entrée en vigueur le 1er janvier 1995, réglemente la production et le commerce des boissons alcoolisées en Suède. Elle vise à limiter la consommation de ces boissons, notamment de celles à forte teneur en alcool, afin de réduire les conséquences néfastes d'une telle consommation sur la santé des personnes.

4 Au sens de cette loi, on entend par «boissons alcoolisées» les boissons dont le titre alcoométrique volumique est supérieur à 2,25 %. Ces boissons comprennent le «vin» (boisson fermentée à base de raisins ou d'autres fruits dont le titre alcoométrique volumique est inférieur à 22 %), la «bière» (boisson fermentée à base de malt dont le titre alcoométrique volumique est compris entre 2,25 % et 3,5 %), la «bière forte» (boisson fermentée à base de malt dont le titre alcoométrique volumique est supérieur à 3,5 %) et les boissons «spiritueuses» (boissons alcoolisées autres que le vin, la bière ou la bière forte).

5 La loi sur l'alcool subordonne la production des boissons alcoolisées à la détention d'une «licence de fabrication» et le commerce de gros des boissons spiritueuses, du vin et de la bière forte à la détention d'une «licence de commerce de gros». Elle permet toutefois aux titulaires de licences de fabrication de se livrer au commerce de gros des produits correspondants.

6 La loi subordonne aussi l'importation en Suède de vin, de bière forte ou de boissons spiritueuses à la possession d'une licence de fabrication ou de commerce de gros.

7 La licence est délivrée par l'Alkoholinspektion (Inspection sur l'alcool) sur la base d'une demande accompagnée des pièces justificatives déterminées par un arrêté de cette Inspection. Il est précisé dans l'arrêté que, pour les demandeurs étrangers, il doit être tenu compte des pièces que ces derniers peuvent raisonnablement obtenir de leurs autorités nationales.

8 Le dépôt d'une demande est soumis au paiement d'un droit fixe, dont le montant s'élevait à 25 000 SKR à l'époque des faits litigieux. Selon M. Franzén, qui n'a pas été démenti sur ce point, ce droit n'est pas remboursé si la demande de licence est rejetée.

9 L'Inspection sur l'alcool doit procéder à une appréciation objective et non discriminatoire de la demande en prenant en considération la situation personnelle et économique du demandeur ainsi que tous les éléments revêtant une importance pour l'octroi de la licence, tels que les connaissances professionnelles du demandeur, notamment en ce qui concerne la réglementation applicable au commerce de l'alcool en Suède, ou son aptitude à respecter les dispositions de la directive 92/12/CEE du Conseil, du 25 février 1992, relative au régime général, à la détention, à la circulation et aux contrôles des produits soumis à accise (JO L 76, p. 1). Elle doit aussi vérifier la capacité du demandeur à respecter la loi et à s'acquitter de ses obligations envers l'État, notamment au travers de ses capacités financières et des condamnations pénales dont il a éventuellement fait l'objet.

10 Le demandeur doit démontrer qu'il dispose de capacités de stockage suffisantes pour se livrer à son activité. L'Inspection sur l'alcool apprécie, au cas par cas, les capacités à exiger eu égard à la forme et à l'orientation de l'activité du demandeur. En particulier, une capacité de stockage n'est pas exigée des opérateurs qui livrent directement des boissons aux acheteurs situés sur le territoire national.

11 Le demandeur doit aussi fournir la garantie, notamment sous forme bancaire, du paiement des droits d'accises qui peuvent être exigés de lui, en sa qualité d'entrepositaire ou de destinataire de la marchandise, en application de la directive 92/12, précitée.

12 Enfin, le titulaire d'une licence doit acquitter annuellement une taxe pour la surveillance de ses installations, dont les taux sont fixés par l'État. A l'époque des faits litigieux, le taux de base variait entre 10 000 et 323 750 SKR selon les boissons et les quantités produites ou commercialisées.

13 En réponse aux questions écrites posées par la Cour, le gouvernement suédois a précisé que la loi sur l'alcool n'exigeait pas que le demandeur fût domicilié en Suède, ce qu'indiquait expressément une décision du 5 octobre 1995. Il a confirmé ce point lors de la procédure orale.

14 Selon les indications fournies à la Cour, 223 licences de fabrication ou de commerce de gros avaient été délivrées à la date du 7 octobre 1996.

15 La loi sur l'alcool charge une société d'État, spécialement constituée à cette fin, d'assurer la vente au détail du vin, de la bière forte et des boissons spiritueuses. La société désignée à cet effet est Systembolaget Aktiebolag (ci-après «Systembolaget»), société par actions entièrement détenue par l'État suédois.

16 L'activité, l'exploitation et les modalités de contrôle de cette société sont fixées par une convention passée avec l'État.

17 La loi sur l'alcool subordonne, en outre, la vente au comptoir du vin, de la bière forte et des boissons spiritueuses à l'obtention d'une «licence de débit de boissons».

18 Les titulaires de licences de fabrication ou de commerce de gros ne peuvent vendre des boissons qu'à la société chargée d'en assurer la vente au détail, aux autres titulaires de licences de fabrication ou de commerce de gros ou aux titulaires de licences de débit de boissons. La société de vente au détail est, elle-même, autorisée à solliciter des licences en vue de la vente en gros de boissons alcoolisées aux titulaires de licences de débit de boissons.

19 La vente de boissons alcoolisées sans autorisation, intentionnellement ou par négligence, est passible de sanctions pénales.

20 Enfin, la lag med vissa bestämmelser om marknadsföring av alkoholdrycker 1978:763 (loi portant diverses mesures en matière de commercialisation des boissons alcoolisées), sans prohiber de manière générale la publicité en faveur des boissons alcoolisées, interdit les mesures encourageant la consommation de ces boissons, telles que les mesures de promotion insistantes ou pressantes et le démarchage, ainsi que les messages publicitaires à la radio, à la télévision, dans les journaux et périodiques. La promotion des boissons alcoolisées est, toutefois, autorisée dans les écrits mis à la disposition du public dans les points de vente, notamment ceux de Systembolaget, et dans les moyens de transport bénéficiant d'une autorisation de servir de l'alcool. La loi n'interdit pas non plus la mention des boissons alcoolisées dans les articles de presse, notamment les rubriques relatives au vin et aux alcools dans les quotidiens ou les périodiques.

Les règles de fonctionnement de Systembolaget

21 La convention passée entre Systembolaget et l'État suédois, entrée en vigueur le 1er janvier 1995, prévoit notamment que cette société doit:

- exercer son activité de manière à prévenir dans la mesure du possible les conséquences publiques, sociales et médicales néfastes de la consommation d'alcool;

- sélectionner les boissons qu'elle commercialise sur la base de leurs qualités, de leurs effets négatifs sur la santé humaine, de la demande des consommateurs ou de considérations d'ordre commercial ou éthique;

- fournir par écrit à tout fournisseur les motifs pour lesquels elle décide de ne pas ou de ne plus commercialiser un produit et l'informer des voies de recours dont il dispose;

- adopter des mesures de commercialisation et d'information impartiales et indépendantes de l'origine des boissons;

- s'employer à faire connaître aux consommateurs les nouvelles boissons qu'elle commercialise tout en tenant compte des restrictions figurant dans la loi sur l'alcool;

- fixer sa marge commerciale selon des critères objectifs et indépendants de l'origine des boissons;

- exercer son activité de manière rationnelle, assurer un service de qualité et fixer ses prix de manière à couvrir ses frais, à assurer à l'État un rendement raisonnable de son capital et à éviter un enchérissement inutile des boissons;

- créer ou fermer ses points de vente en fonction des contraintes de sa gestion, des services à rendre et de la politique en matière d'alcool, tout en permettant à chaque commune de pouvoir disposer d'un point de vente, si elle en fait la demande, et tout en veillant à ce que, dans les localités sans point de vente, la vente puisse avoir lieu par correspondance sur simple demande et aux frais de Systembolaget;

- arrêter les heures d'ouverture des points de vente conformément aux directives du Parlement suédois.

22 Selon les indications figurant au dossier, Systembolaget dispose de 384 «boutiques» réparties sur tout le territoire suédois. En outre, les produits vendus par Systembolaget peuvent être commandés et livrés dans 550 points de vente environ en zone rurale (magasins d'alimentation, points de vente de journaux ou de tabac, stations-services...) ou dans le cadre de 56 lignes d'autobus et de 45 tournées de poste rurale.

23 En vertu des règlements internes à l'entreprise, les boissons commercialisées par Systembolaget (2 454 produits en octobre 1995) sont réparties en «assortiments». L'assortiment dit «de base» comprend des boissons situées dans les catégories de prix inférieures ou moyennes, disponibles toute l'année dans tous les points de vente (1 288 produits en octobre 1995). L'assortiment dit «provisoire» comprend des boissons disponibles de façon limitée, notamment pendant une partie de l'année seulement, telles que des vins millésimés, des boissons saisonnières (930 produits en octobre 1995). L'assortiment dit «à l'essai» regroupe des boissons proposées, à titre probatoire, dans certaines «boutiques», en vue de leur inscription dans l'assortiment «de base» (236 produits en octobre 1995). L'assortiment dit «à la commande» comprend les produits que Systembolaget ne détient pas en stock mais qui peuvent être obtenus sur commande. Systembolaget procède, en outre, à des importations de boissons à la demande et aux frais de ses clients (importations dites «privées»).

24 Les boissons des trois premiers assortiments figurent sur une liste de prix globale, publiée plusieurs fois par an, disponible dans les «boutiques» et points de vente de Systembolaget ou sur abonnement. Les produits «sur commande» figurent sur une liste spéciale, disponible sur demande dans les «boutiques». Les nouveaux produits commercialisés par Systembolaget font l'objet d'une présentation systématique dans la revue mensuelle d'information éditée par le monopole, qui est disponible dans les «boutiques» et points de vente de ce dernier et qui est adressée aux abonnés et aux restaurants, ainsi qu'auprès des journalistes de la presse écrite et audio-visuelle spécialisés dans la critique des vins et alcools. Ils sont, en outre, exposés dans les vitrines des «boutiques» du monopole.

25 Systembolaget élabore un plan d'achat annuel de ses produits, qui est révisé tous les trimestres. La société invite les titulaires de licences de fabrication et de commerce de gros à soumettre des offres. Celles-ci font l'objet d'une première sélection par ses services sur la base de critères économiques ou commerciaux, tels que le caractère compétitif du prix du produit ou ses antécédents commerciaux, puis d'un test gustatif «en aveugle». Les produits sélectionnés sont inscrits dans l'assortiment «de base» ou dans l'assortiment «provisoire». Les produits non sélectionnés peuvent, à la demande du fournisseur, faire l'objet d'une inscription dans l'assortiment «à l'essai» après sélection sur la base d'un nouveau test gustatif effectué par un panel de consommateurs. Les boissons ne sont, en principe, maintenues dans l'assortiment «de base» que si leurs ventes atteignent des quantités et des parts de marché prédéterminées.

26 Il ressort des pièces versées au dossier que Systembolaget a commercialisé 185,2 millions de litres de boissons alcoolisées de janvier à septembre 1995 (45,2 % en provenance de Suède et 41,8 % en provenance des autres États membres) et 176,9 millions de litres de boissons alcoolisées de janvier à septembre 1996 (45,1 % en provenance de Suède et 40,6 % en provenance des autres États membres). Durant les huit premiers mois de l'année 1996, Systembolaget a reçu 12 576 offres, dont 10 711 en provenance des États membres de la Communauté (227 de Suède et 10 484 des autres États membres), en a examiné 7 417, dont 6 325 provenant de la Communauté (149 de Suède et 6 176 des autres États membres), et retenu 908, dont 704 provenant de la Communauté (85 de Suède et 619 des autres États membres).

Les faits du litige au principal et la procédure devant la juridiction nationale

27 M. Franzén est poursuivi devant le Landskrona tingsrätt notamment pour avoir, le 1er janvier 1995, vendu intentionnellement et sans autorisation du vin acheté auprès de Systembolaget ou importé du Danemark.

28 Il a soutenu devant cette juridiction qu'aucun délit ne pouvait lui être reproché, car la loi sur l'alcool était contraire aux articles 30 et 37 du traité.

29 Doutant de la réponse à apporter à cette argumentation, le Landskrona tingsrätt a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1) Un monopole légal tel que celui de Systembolaget est-il compatible avec l'article 30 du traité de Rome?

2) Un monopole légal tel que celui de Systembolaget enfreint-il l'article 37 du traité de Rome et, dans l'affirmative, ce monopole doit-il être supprimé ou un aménagement est-il possible?

3) Au cas où un monopole légal tel que celui de Systembolaget devrait être considéré comme enfreignant l'article 37, existerait-il une période d'adaptation ou bien la société aurait-elle dû être dissoute à la date du 1er janvier 1995 ou l'aménagement avoir été réalisé à cette date?»

Sur les deux premières questions

30 Par ses deux premières questions, le juge national demande dans quelle mesure les articles 30 et 37 du traité s'opposent à des dispositions nationales relatives à l'organisation d'un monopole national de commerce au détail des boissons alcoolisées, telles que celles mentionnées dans l'ordonnance de renvoi.

31 Ces questions, si elles conduisent la Cour à s'interroger sur les règles de droit applicables au monopole en cause dans le litige au principal, ne portent pas sur la question de savoir si, dans des cas concrets, le comportement des autorités responsables de la gestion du monopole présente éventuellement un caractère discriminatoire à l'encontre notamment des fournisseurs des autres États membres.

32 M. Franzén soutient que les articles 30 et 37 du traité s'opposent aux dispositions en cause. Selon lui, l'organisation d'un monopole de vente au détail, comme celui actuellement en vigueur en Suède, entrave, à plusieurs titres, l'importation des boissons alcoolisées en Suède et permet à Systembolaget de favoriser la commercialisation des produits nationaux. Il fait valoir, à cet égard, que les boissons alcoolisées produites dans d'autres États membres ne peuvent être vendues en Suède que si elles sont importées par un titulaire de licence de fabrication ou de commerce de gros et que si elles sont sélectionnées sur la base des critères restrictifs et arbitraires fixés par Systembolaget. Il ajoute que ces boissons ne peuvent être commercialisées qu'à travers un réseau de vente restreint, qu'elles ne peuvent faire l'objet d'aucune promotion en dehors de celle effectuée par Systembolaget. M. Franzén soutient également que la réglementation applicable au monopole n'est pas une législation limitant ou interdisant certaines modalités de vente, au sens des arrêts du 24 novembre 1993, Keck et Mithouard (C-267/91 et C-268/91, Rec. p. I-6097), et du 29 juin 1995, Commission/Grèce (C-391/92, Rec. p. I-1621), notamment parce qu'elle concerne l'activité d'une entreprise qui n'est soumise à aucune concurrence, et non l'activité d'entreprises soumises au jeu de la concurrence.

33 Les gouvernements français, finlandais, suédois et norvégien ainsi que la Commission estiment que ni l'article 30 ni l'article 37 du traité ne s'opposent à des dispositions nationales telles que celles mentionnées par le juge de renvoi. Ils font valoir, d'une part, que l'article 37 n'exige pas l'abolition des monopoles de vente au détail, mais exige simplement leur aménagement de telle sorte qu'ils ne comportent pas de règles discriminatoires selon l'origine des produits ou selon la nationalité des opérateurs. D'après eux, le monopole en cause dans le litige au principal répond à ces conditions. Ils considèrent, d'autre part, que les règles applicables à ce monopole n'entravent pas directement ou indirectement le commerce intracommunautaire. Selon eux, en effet, de telles règles limitent ou interdisent certaines modalités de vente et affectent la commercialisation des produits nationaux et des produits importés de la même manière.

34 Ainsi qu'il ressort des motifs de l'ordonnance de renvoi et des observations déposées devant la Cour, les questions du juge national concernent non seulement les dispositions nationales relatives à l'existence et au fonctionnement du monopole, mais aussi, de manière plus générale, les dispositions qui, bien que ne régissant pas le fonctionnement du monopole, ont néanmoins une incidence directe sur celui-ci, comme c'est le cas des règles relatives aux licences de fabrication et de commerce de gros.

35 Compte tenu de la jurisprudence de la Cour, il y a lieu d'examiner les règles relatives à l'existence et au fonctionnement du monopole au regard des dispositions de l'article 37 du traité, spécifiquement applicables à l'exercice, par un monopole national de nature commerciale, de ses droits d'exclusivité (arrêts du 17 février 1976, Miritz, 91/75, Rec. p. 217, point 5; du 20 février 1979, Rewe-Zentral, dit «Cassis de Dijon», 120/78, Rec. p. 649, point 7, et du 13 mars 1979, Hansen, 91/78, Rec. p. 935, points 9 et 10).

36 En revanche, l'incidence, sur les échanges intracommunautaires, des autres dispositions de la législation nationale, qui sont détachables du fonctionnement du monopole bien qu'elles aient une incidence sur ce dernier, doit être examinée au regard de l'article 30 du traité (voir, en ce sens, arrêts Miritz, précité, point 5, Cassis de Dijon, précité, point 7, et du 13 mars 1979, Peureux, 86/78, Rec. p. 897, point 35).

En ce qui concerne les règles relatives à l'existence et au fonctionnement du monopole

37 Il résulte tant du texte de l'article 37 que de sa place dans le système du traité que cet article vise à assurer le respect de la règle fondamentale de la libre circulation des marchandises dans l'ensemble du marché commun, en particulier par l'abolition des restrictions quantitatives et des mesures d'effet équivalent dans les échanges entre États membres et à maintenir ainsi des conditions normales de concurrence entre les économies des États membres dans le cas où, dans l'un ou l'autre de ces États, un produit déterminé est soumis à un monopole national à caractère commercial (arrêts du 3 février 1976, Manghera e.a., 59/75, Rec. p. 91, point 9; Hansen, précité, point 8; du 7 juin 1983, Commission/Italie, 78/82, Rec. p. 1955, point 11; du 13 décembre 1990, Commission/Grèce, C-347/88, Rec. p. I-4747, point 42, et du 14 décembre 1995, Banchero, C-387/93, Rec. p. I-4663, point 27, ci-après l'«arrêt Banchero II»).

38 La Cour a, toutefois, indiqué, à maintes reprises, que cet article n'exigeait pas l'abolition totale des monopoles nationaux présentant un caractère commercial, mais prescrivait leur aménagement de façon que fût assurée, dans les conditions d'approvisionnement et de débouchés, l'exclusion de toute discrimination entre les ressortissants des États membres (arrêts, précités, Manghera e.a., point 5; Hansen, point 8; Commission/Italie, point 11, et Banchero II, point 27).

39 L'article 37 du traité a, en effet, pour objet de concilier la possibilité, pour les États membres, de maintenir certains monopoles à caractère commercial, en tant qu'instruments pour la poursuite d'objectifs d'intérêt public, avec les exigences de l'établissement et du fonctionnement du marché commun. Il vise l'élimination des entraves à la libre circulation des marchandises, à l'exception toutefois des effets restrictifs sur les échanges qui sont inhérents à l'existence des monopoles en cause.

40 Ainsi, l'article 37 exige que l'organisation et le fonctionnement du monopole soient aménagés de façon à exclure toute discrimination entre les ressortissants des États membres dans les conditions d'approvisionnement et de débouchés, de sorte que le commerce de marchandises en provenance des autres États membres ne soit désavantagé, ni en droit ni en fait, par rapport à celui des marchandises nationales et que la concurrence entre les économies des États membres ne soit pas faussée (voir, en ce sens, arrêt Commission/Italie, précité, point 11).

41 En l'espèce, il n'est pas contesté que, en visant la protection de la santé publique contre les méfaits de l'alcool, un monopole national de vente au détail des boissons alcoolisées, tel que celui conféré à Systembolaget, poursuit un objectif d'intérêt public.

42 Il convient alors de vérifier si un monopole de ce type est aménagé de manière à répondre aux conditions rappelées aux points 39 et 40 ci-dessus.

Le système de sélection des produits par le monopole

43 M. Franzén soutient que les boissons sont sélectionnées et maintenues dans les assortiments de Systembolaget en vertu de critères non seulement restrictifs, mais aussi arbitraires et dépourvus de possibilités de contrôle.

44 A cet égard, il y a lieu de relever, tout d'abord, que la convention passée entre l'État et Systembolaget impose à cette dernière de sélectionner les produits qu'elle commercialise sur la base de leurs qualités, de leur absence d'effets négatifs sur la santé humaine, de la demande des consommateurs ou de considérations d'ordre commercial ou éthique, c'est-à-dire sur la base de critères indépendants de l'origine des produits.

45 Il y a lieu d'examiner, ensuite, si les critères et les méthodes de sélection de Systembolaget sont discriminatoires ou de nature à désavantager les produits importés.

46 Sur ce point, il ressort, en premier lieu, des éléments portés à la connaissance de la Cour que le plan d'achat suivi par le monopole pour lancer ses appels d'offres est fondé sur l'évolution prévisible de la demande des consommateurs. Les organisations de producteurs, d'importateurs et de consommateurs sont d'ailleurs consultées à cet effet lors de son élaboration.

47 En deuxième lieu, les appels d'offres lancés par Systembolaget concernent tous les titulaires de licences de production ou de commerce de gros et portent sur tous les types de boissons, indépendamment de leur origine.

48 En troisième lieu, les offres sont sélectionnées par Systembolaget sur la base de critères purement commerciaux (caractère compétitif du prix du produit, antécédents commerciaux...) ou qualitatifs (test gustatif en aveugle), qui ne sont pas de nature à avantager les produits nationaux.

49 Il est vrai que les boissons sélectionnées ne sont maintenues dans l'assortiment «de base» de Systembolaget que si leurs ventes dépassent une certaine quantité et une certaine part de marché. Cependant, cette contrainte, si elle peut avoir pour conséquence de désavantager les petits producteurs, n'est pas de nature, en elle-même, à favoriser directement ou indirectement les produits nationaux. En tout état de cause, elle apparaît justifiée tant au regard de la liberté de choix dont dispose le monopole dans sa politique commerciale que par les exigences inhérentes à la gestion de ce dernier. En effet, elle vise à assurer la fourniture d'un nombre varié de boissons alcoolisées dans tous les points de vente du monopole, pendant une période déterminée, dans les limites compatibles avec une gestion rentable de ce dernier. En outre, elle ne concerne pas les produits dont les quantités sont, par nature, limitées, tels que les boissons millésimées ou saisonnières, et qui sont inscrits dans l'assortiment «provisoire».

50 En quatrième lieu, les opérateurs disposent d'autres possibilités pour faire commercialiser leurs produits par le monopole. Ainsi, ceux dont les offres n'ont pas été sélectionnées par Systembolaget peuvent demander à ce que leurs produits fassent l'objet d'un deuxième test qualitatif devant un panel de consommateurs et, le cas échéant, d'une commercialisation par le monopole, à titre d'essai, pendant une période déterminée. Les produits qui n'ont pas été retenus par Systembolaget et qui remplissent les conditions objectives fixées par le point 4 de la convention passée entre l'État et Systembolaget peuvent être inscrits dans l'assortiment «sur commande» et vendus à la demande du client. Enfin, Systembolaget est tenue d'importer toute boisson alcoolisée à la demande et aux frais du consommateur.

51 En cinquième lieu, les opérateurs sont en droit d'obtenir communication des motifs des décisions prises par le monopole en ce qui concerne la sélection des boissons et leur maintien dans l'assortiment «de base», et peuvent les contester devant une commission présentant toutes garanties d'indépendance.

52 Ainsi, compte tenu des éléments portés à la connaissance de la Cour, les critères ou les méthodes de sélection de Systembolaget n'apparaissent ni discriminatoires ni de nature à désavantager les produits importés.

Le réseau de vente du monopole

53 M. Franzén fait valoir que le réseau de vente de Systembolaget est limité et n'offre pas toute la gamme de boissons disponibles, ce qui restreint encore plus les possibilités de vente.

54 Il est vrai qu'un monopole tel que Systembolaget ne dispose que d'un nombre limité de «boutiques». Cependant, il ne ressort pas des indications fournies à la Cour que le nombre des lieux de vente soit limité au point de compromettre l'approvisionnement des consommateurs en boissons alcoolisées nationales ou importées.

55 Tout d'abord, Systembolaget est tenue, selon la convention qu'elle a passée avec l'État, de créer et de supprimer ses points de vente en fonction des contraintes de gestion, de la demande des consommateurs et des nécessités de la politique en matière d'alcool, et de faire en sorte que chaque commune qui le souhaite puisse disposer d'un point de vente et que tout point du territoire soit desservi au moins par voie de livraison.

56 Ensuite, d'après les indications fournies à la Cour, les boissons alcoolisées peuvent être commandées et livrées dans les 384 «boutiques» du monopole, dans 550 points de vente environ ainsi que dans le cadre de 56 lignes d'autobus et de 45 tournées de poste rurale. En outre, une «boutique» au moins est implantée dans 259 des 288 communes du pays et Systembolaget prévoit que chaque commune disposera au moins d'une «boutique» en 1998.

57 Enfin, à supposer même que des imperfections affectent le réseau de vente au détail de Systembolaget, elles ne porteraient pas davantage préjudice à la vente des boissons alcoolisées provenant d'autres États membres qu'à celle de boissons alcoolisées produites sur le territoire national (voir, mutatis mutandis, à propos de l'article 30 du traité, arrêt Banchero II, précité, point 40).

La promotion des boissons alcoolisées

58 M. Franzén soutient aussi que le régime de promotion des boissons alcoolisées favorise la commercialisation des boissons produites sur le territoire national. Il fait valoir que la promotion des boissons alcoolisées est limitée à une simple information sur les produits, d'ailleurs différenciée selon qu'il s'agit des produits de l'assortiment «de base» ou des produits de l'assortiment «sur commande», qu'elle est assurée par le seul monopole, en dehors de tout contrôle des fournisseurs, auxquels il est, en outre, interdit d'entreprendre des démarches auprès des responsables des «boutiques».

59 Sur ce point, il convient de relever, tout d'abord, que la limitation des possibilités de promotion des boissons alcoolisées auprès du public est inhérente à l'existence d'un opérateur unique sur le marché de la vente au détail de ces boissons.

60 Ensuite, les règles du monopole n'interdisent pas aux producteurs ou aux importateurs de promouvoir leurs produits auprès du monopole. S'il est vrai que les fournisseurs ne peuvent pas faire une telle promotion directement auprès des responsables des «boutiques» du monopole, il apparaît que cette interdiction répond au souci, exprimé par certains fournisseurs, notamment auprès du Konkurrensverket (Office suédois chargé des questions de concurrence), d'assurer une stricte égalité dans les conditions de promotion des produits.

61 Il convient de relever également que la promotion des boissons alcoolisées auprès du public est soumise, dans l'État membre en cause, à une limitation de portée générale, dont le bien-fondé n'est pas mis en cause par le juge national ni contesté par M. Franzén. Cette limitation se traduit, en particulier, par l'interdiction de la publicité à la radio, à la télévision ainsi que dans tous les journaux ou autres périodiques, c'est-à-dire par l'interdiction des moyens traditionnellement utilisés par les producteurs pour la promotion de leurs produits auprès du public. La publicité des boissons sélectionnées par Systembolaget est, cependant, autorisée dans les écrits disponibles sur les lieux de vente. En outre, toute boisson alcoolisée peut être mentionnée dans des articles de presse.

62 Dans ce cadre, la convention passée entre l'État suédois et Systembolaget fait obligation à cette dernière d'adopter des mesures de commercialisation et de publicité impartiales et indépendantes de l'origine des produits et de s'employer à faire connaître aux consommateurs les nouvelles boissons tout en tenant compte des restrictions figurant dans la loi sur l'alcool.

63 S'il est exact que la promotion en faveur des boissons alcoolisées effectuée par le monopole se fait, pour l'essentiel, sous forme de présentation des produits, il apparaît que ce mode de promotion ne fait que répondre aux obligations qui viennent d'être rappelées ci-dessus. Il y a lieu, cependant, de relever que les nouveaux produits font systématiquement l'objet d'une présentation soit dans la revue mensuelle diffusée par le monopole, soit auprès des journalistes de la presse écrite et audio-visuelle spécialisés dans la critique des vins et alcools, soit, enfin, sous la forme d'une exposition dans les «boutiques» du monopole.

64 Il y a lieu de relever, enfin, que le mode de promotion retenu par le monopole s'applique indépendamment de l'origine des produits et n'est pas de nature, en lui-même, à désavantager, en droit ou en fait, les boissons importées des autres États membres par rapport à celles produites sur le territoire national.

65 S'il est exact que les boissons de l'assortiment «sur commande» figurent sur une liste de prix spéciale fournie sur demande au consommateur, cette différence de traitement, indépendante, elle aussi, de l'origine des produits, se justifie par le fait que ces boissons ne sont pas détenues en stock par Systembolaget et ne se trouvent donc pas dans une situation comparable à celle des boissons figurant dans les autres assortiments de Systembolaget.

66 Ainsi, compte tenu des éléments dont dispose la Cour, il apparaît qu'un monopole de vente au détail, tel que celui en cause dans le litige au principal, répond aux conditions de conformité avec l'article 37 du traité, rappelées aux points 39 et 40 du présent arrêt.

En ce qui concerne les autres dispositions de la législation nationale ayant une incidence sur le fonctionnement du monopole

67 Ainsi qu'il a été dit ci-dessus, compte tenu des arguments qui ont été échangés tant devant la juridiction nationale que devant la Cour, les questions préjudicielles doivent être comprises comme portant, en outre, sur les dispositions de la législation nationale qui, bien que ne réglant pas, à proprement parler, le fonctionnement du monopole, ont néanmoins une incidence directe sur celui-ci. Ces dispositions doivent être examinées au regard de l'article 30 du traité.

68 Sur ce point, M. Franzén fait valoir que le monopole ne peut s'approvisionner qu'auprès de titulaires de licences de fabrication ou de commerce de gros, dont l'octroi est soumis à des conditions restrictives, et qu'une telle obligation entrave nécessairement l'importation des produits en provenance des autres États membres.

69 Selon la jurisprudence constante de la Cour, constitue une mesure d'effet équivalant à une restriction quantitative toute réglementation commerciale susceptible d'entraver, directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement, le commerce intracommunautaire (arrêt du 11 juillet 1974, Dassonville, 8/74, Rec. p. 837, point 5).

70 Dans un système national tel que celui en cause dans le litige au principal, les importations de boissons alcoolisées sont réservées aux titulaires de licences de fabrication ou de commerce de gros, c'est-à-dire aux opérateurs qui remplissent les conditions restrictives mises à la délivrance de ces licences. Il convient de relever, en effet, que, d'après les indications fournies à la Cour lors de la procédure, les opérateurs en question doivent justifier de garanties personnelles et économiques suffisantes pour exercer les activités en question, notamment de connaissances professionnelles, de capacités financières et de capacités de stockage répondant aux besoins de l'activité exercée. En outre, le dépôt d'une demande est subordonné au paiement d'un droit fixe, d'un montant élevé (25 000 SKR), qui n'est pas remboursé si la demande est rejetée. Enfin, la détention d'une licence exige le paiement d'une taxe annuelle de surveillance, elle aussi d'un montant élevé (entre 10 000 et 323 750 SKR pour les montants de base selon les types de boissons et les quantités produites ou commercialisées).

71 Ce régime d'autorisation constitue une entrave à l'importation des boissons alcoolisées en provenance des autres États membres en ce qu'il expose ces boissons à des coûts supplémentaires, tels que des coûts d'intermédiation, des coûts liés à l'amortissement des droits et taxes exigés pour l'octroi d'une licence, ou liés à l'obligation de disposer de capacités de stockage sur le territoire suédois.

72 Il convient de relever, à cet égard, que, selon les indications fournies par le gouvernement suédois lui-même, le nombre de licences délivrées est peu élevé (223 en octobre 1996) et que ces licences ont été octroyées, dans leur quasi-totalité, à des opérateurs établis en Suède.

73 Une législation nationale telle que celle en cause dans le litige est donc contraire à l'article 30 du traité.

74 Le gouvernement suédois a toutefois invoqué l'article 36 du traité CE et fait valoir que sa législation était justifiée par des raisons tenant à la protection de la santé des personnes.

75 Il est vrai que des mesures contraires à l'article 30 peuvent être justifiées sur le fondement de l'article 36 du traité. Encore faut-il, conformément à une jurisprudence constante (arrêts Cassis de Dijon, précité; du 6 juillet 1995, Mars, C-470/93, Rec. p. I-1923, point 15; du 26 juin 1997, Familiapress, C-368/95, Rec. p. I-3689, point 19, et du 9 juillet 1997, De Agostini et TV-Shop, C-34/95, C-35/95 et C-36/95, non encore publié au Recueil, point 45), que les dispositions nationales en cause soient proportionnées à l'objectif poursuivi et que cet objectif ne puisse pas être atteint par des mesures restreignant d'une manière moindre les échanges intracommunautaires.

76 En l'espèce, si la protection de la santé des personnes contre les méfaits de l'alcool, invoquée par le gouvernement suédois, est incontestablement au nombre des motifs susceptibles de justifier des dérogations à l'article 30 du traité (voir, en ce sens, arrêt du 25 juillet 1991, Aragonesa de Publicidad Exterior et Publivía, C-1/90 et C-176/90, Rec. p. I-4151, point 13), ce gouvernement n'a pas établi que le régime de licences mis en place par la loi sur l'alcool, notamment en ce qui concerne les conditions relatives aux capacités de stockage et aux droits et taxes, d'un montant élevé, exigés des titulaires de licences, était proportionné à l'objectif de santé publique poursuivi ni que cet objectif ne pouvait pas être atteint par des mesures restreignant d'une manière moindre les échanges intracommunautaires.

77 Dans ces conditions, il y a lieu de retenir que les articles 30 et 36 du traité s'opposent à des dispositions nationales réservant l'importation de boissons alcoolisées aux opérateurs titulaires d'une autorisation de fabrication ou de commerce de gros, dans des conditions telles que celles prévues par la législation suédoise.

En ce qui concerne la violation de l'article 52 du traité CE et des directives en matière de marchés publics

78 M. Franzén soutient également, dans ses observations, que certaines des dispositions de la loi sur l'alcool sont contraires à l'article 52 du traité ainsi qu'aux directives communautaires en matière de marchés publics.

79 A cet égard, il convient de rappeler que, compte tenu de la répartition des compétences opérée par l'article 177 du traité dans le cadre de la procédure préjudicielle, il appartient à la seule juridiction nationale de définir l'objet des questions qu'elle entend poser à la Cour. Celle-ci ne saurait, à la demande d'une partie au litige au principal, examiner des questions qui ne lui ont pas été soumises par la juridiction nationale. Si cette dernière, au vu de l'évolution du litige, devait estimer nécessaire d'obtenir des éléments supplémentaires d'interprétation du droit communautaire, il lui appartiendrait de saisir à nouveau la Cour (arrêts du 3 octobre 1985, CBEM, 311/84, Rec. p. 3261, point 10; du 9 janvier 1990, SAFA, C-337/88, Rec. p. I-1, point 20, et du 11 octobre 1990, Nespoli et Crippa, C-196/89, Rec. p. I-3647, point 23).

80 Dans ces conditions, il y a lieu de répondre aux deux premières questions que l'article 37 du traité ne s'oppose pas à des dispositions nationales relatives à l'existence et au fonctionnement d'un monopole national de vente au détail des boissons alcoolisées, telles que celles mentionnées dans l'ordonnance de renvoi. Les articles 30 et 36 du traité s'opposent, en revanche, à des dispositions nationales réservant l'importation de boissons alcoolisées aux opérateurs titulaires d'une autorisation de fabrication ou de commerce de gros, dans des conditions telles que celles prévues par la législation suédoise.

Sur la troisième question

81 La troisième question n'est posée que pour le cas où la Cour considérerait que l'article 37 s'oppose à des dispositions nationales relatives à l'organisation d'un monopole national de vente au détail des boissons alcoolisées, telles que celles mentionnées dans le jugement de renvoi.

82 Compte tenu de la réponse apportée aux deux premières questions, il n'y a pas lieu de répondre à cette question.

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens

83 Les frais exposés par les gouvernements suédois, français, finlandais et norvégien, et par la Commission des Communautés européennes, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Dispositif


Par ces motifs,

LA COUR

statuant sur les questions à elle soumises par le Landskrona tingsrätt, par jugement du 14 juin 1995, dit pour droit:

1) L'article 37 du traité CE ne s'oppose pas à des dispositions nationales relatives à l'existence et au fonctionnement d'un monopole national de vente au détail des boissons alcoolisées, telles que celles mentionnées dans l'ordonnance de renvoi.

2) Les articles 30 et 36 du traité CE s'opposent à des dispositions nationales réservant l'importation de boissons alcoolisées aux opérateurs titulaires d'une autorisation de fabrication ou de commerce de gros, dans des conditions telles que celles prévues par la législation suédoise.

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