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Document 61994CJ0214

    Arrêt de la Cour du 30 avril 1996.
    Ingrid Boukhalfa contre Bundesrepublik Deutschland.
    Demande de décision préjudicielle: Bundesarbeitsgericht - Allemagne.
    Ressortissant d'un Etat membre établi dans un pays tiers - Emploi, en qualité d'agent local, dans l'ambassade d'un autre Etat membre dans ce pays tiers - Traitement différent par rapport aux agents locaux ressortissants de l'Etat membre dont relève la représentation extérieure - Applicabilité du droit communautaire - Non-discrimination en raison de la nationalité.
    Affaire C-214/94.

    Recueil de jurisprudence 1996 I-02253

    Identifiant ECLI: ECLI:EU:C:1996:174

    61994J0214

    Arrêt de la Cour du 30 avril 1996. - Ingrid Boukhalfa contre Bundesrepublik Deutschland. - Demande de décision préjudicielle: Bundesarbeitsgericht - Allemagne. - Ressortissant d'un Etat membre établi dans un pays tiers - Emploi, en qualité d'agent local, dans l'ambassade d'un autre Etat membre dans ce pays tiers - Traitement différent par rapport aux agents locaux ressortissants de l'Etat membre dont relève la représentation extérieure - Applicabilité du droit communautaire - Non-discrimination en raison de la nationalité. - Affaire C-214/94.

    Recueil de jurisprudence 1996 page I-02253


    Sommaire
    Parties
    Motifs de l'arrêt
    Décisions sur les dépenses
    Dispositif

    Mots clés


    ++++

    Libre circulation des personnes ° Travailleurs ° Égalité de traitement ° Champ d' application territorial et personnel ° Ressortissant d' un État membre, établi dans un pays tiers, employé en qualité d' agent local dans l' ambassade d' un autre État membre dans ce pays tiers ° Inclusion

    (Traité CE, art. 48, § 2, et 227; règlement du Conseil n 1612/68, art. 7, § 1 et 4)

    Sommaire


    L' interdiction de discrimination en raison de la nationalité, contenue dans l' article 48, paragraphe 2, du traité et dans l' article 7, paragraphes 1 et 4, du règlement n 1612/68, relatif à la libre circulation des travailleurs à l' intérieur de la Communauté, s' applique à un ressortissant d' un État membre qui vit dans un pays tiers de manière permanente, qui est employé par un autre État membre dans son ambassade dans ce pays tiers et dont le contrat de travail a été conclu sur place et y est exécuté de manière permanente, et ce pour tous les aspects de la relation de travail qui sont régis par la législation de cet État membre employeur.

    En effet, l' article 227 du traité, qui définit le champ d' application de celui-ci ainsi, en principe, que celui du droit dérivé, n' exclut pas que les règles communautaires puissent avoir des effets en dehors du territoire de la Communauté, notamment sur des relations de travail qui, bien que relatives à une activité exercée en dehors dudit territoire, gardent un rattachement suffisamment étroit avec le territoire de la Communauté, ce qui doit s' entendre comme visant également les cas dans lesquels la relation de travail est rattachée de façon suffisante au droit d' un État membre et, par conséquent, aux règles pertinentes du droit communautaire.

    Parties


    Dans l' affaire C-214/94,

    ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l' article 177 du traité CE, par le Bundesarbeitsgericht (République fédérale d' Allemagne) et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre

    Ingrid Boukhalfa

    et

    Bundesrepublik Deutschland,

    une décision à titre préjudiciel sur l' interprétation de l' article 48, paragraphe 2, du traité CE et de l' article 7, paragraphes 1 et 4, du règlement (CEE) n 1612/68 du Conseil, du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs à l' intérieur de la Communauté (JO L 257, p. 2),

    LA COUR,

    composée de MM. G. C. Rodríguez Iglesias, président, C. N. Kakouris (rapporteur), J.-P. Puissochet et G. Hirsch, présidents de chambre, G. F. Mancini, F. A. Schockweiler, J. C. Moitinho de Almeida, J. L. Murray, P. Jann, H. Ragnemalm et L. Sevón, juges,

    avocat général: M. P. Léger,

    greffier: M. H. von Holstein, greffier adjoint,

    considérant les observations écrites présentées:

    ° pour Mme Boukhalfa, par Me Wilfried Mosebach, avocat à Kassel,

    ° pour la République fédérale d' Allemagne, par Me Axel Groeger, avocat à Cologne,

    ° pour la Commission des Communautés européennes, par MM. Christopher Docksey, membre du service juridique, et Horstpeter Kreppel, fonctionnaire national détaché auprès de ce service, en qualité d' agents,

    vu le rapport d' audience,

    ayant entendu les observations orales de la République fédérale d' Allemagne et de la Commission à l' audience du 19 septembre 1995,

    ayant entendu l' avocat général en ses conclusions à l' audience du 14 novembre 1995,

    rend le présent

    Arrêt

    Motifs de l'arrêt


    1 Par ordonnance du 23 juin 1994, parvenue à la Cour le 25 juillet suivant, le Bundesarbeitsgericht a posé, en vertu de l' article 177 du traité CE, une question préjudicielle sur l' interprétation de l' article 48, paragraphe 2, du même traité et de l' article 7, paragraphes 1 et 4, du règlement (CEE) n 1612/68 du Conseil, du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs à l' intérieur de la Communauté (JO L 257, p. 2, ci-après le "règlement n 1612/68").

    2 Cette question a été soulevée dans le cadre d' un litige opposant Mme Boukhalfa à la République fédérale d' Allemagne.

    3 Le Gesetz ueber den Auswaertigen Dienst (loi allemande relative au personnel employé par le ministère des Affaires étrangères, BGBl. I,p. 1842, ci-après le "GAD") régit, notamment, le statut du personnel des représentations extérieures, qui est composé des employés détachés du ministère et des employés non détachés (agents locaux). Pour ces derniers, il établit une distinction entre les agents locaux de nationalité allemande et ceux qui n' ont pas cette nationalité.

    4 La situation juridique des agents locaux de nationalité allemande est, en vertu de l' article 32 du GAD, déterminée par les conventions collectives allemandes et d' autres dispositions du droit allemand. Leurs conditions de travail sont en particulier régies par la convention collective allemande du 28 septembre 1973.

    5 Les conditions de travail des agents locaux qui n' ont pas la nationalité allemande sont, en vertu de l' article 33 du GAD, déterminées en fonction du droit du pays d' accueil et en tenant compte des usages locaux. Selon la même disposition, des conditions sociales appropriées leur sont garanties en tenant compte de la situation locale.

    6 Mme Boukhalfa est de nationalité belge. Depuis le 1er avril 1982, elle est employée, en qualité d' agent local, au service des passeports de l' ambassade d' Allemagne à Alger. Son contrat de travail a été conclu à Alger. Avant sa conclusion, Mme Boukhalfa était déjà établie en Algérie, où elle a également sa résidence permanente. Conformément à l' article 33 du GAD, ce contrat est soumis au droit algérien.

    7 Par lettre du 19 novembre 1991, Mme Boukhalfa a demandé à bénéficier du même traitement que les agents locaux de nationalité allemande soumis à l' article 32 du GAD. La République fédérale d' Allemagne a refusé de faire droit à cette demande.

    8 Mme Boukhalfa a alors introduit devant l' Arbeitsgericht Bonn un recours dans le cadre duquel elle a invoqué l' article 48, paragraphe 2, du traité ainsi que l' article 7, paragraphes 1 et 4, du règlement n 1612/68, dispositions qui interdisent toute discrimination en raison de la nationalité entre les travailleurs ressortissants des États membres.

    9 La République fédérale d' Allemagne a soutenu que le droit communautaire n' était pas applicable en l' espèce parce que son champ d' application est, en vertu de l' article 227 du traité CE, limité au territoire des États membres de l' Union européenne et que Mme Boukhalfa n' était pas dans la situation d' un ressortissant d' un État membre employé dans un autre État membre, mais qu' elle avait toujours travaillé dans un pays tiers.

    10 L' Arbeitsgericht a fait droit au recours. En appel, le Landesarbeitsgericht Koeln a infirmé ce jugement.

    11 Dans le cadre de la procédure en "Revision", le Bundesarbeitsgericht a posé à la Cour la question préjudicielle suivante:

    "Les articles 48, paragraphe 2, du traité CE ainsi que 7, paragraphes 1 et 4, du règlement 1612/68 doivent-ils être interprétés en ce sens que, s' agissant de ses conditions de travail, une ressortissante belge, qui vit en Algérie de manière permanente, est employée au service des passeports de l' ambassade d' Allemagne à Alger, dont le contrat de travail a été conclu sur place et est exécuté sur place de manière permanente, ne doit pas subir de discrimination en raison de sa nationalité?"

    12 Par cette question, la juridiction nationale demande si l' interdiction de discrimination en raison de la nationalité, contenue dans l' article 48, paragraphe 2, du traité et dans l' article 7, paragraphes 1 et 4, du règlement n 1612/68, s' applique à un ressortissant d' un État membre qui vit dans un pays tiers de manière permanente, qui est employé par un autre État membre dans son ambassade dans ce pays tiers et dont le contrat de travail a été conclu sur place et y est exécuté de manière permanente.

    13 Il y a lieu de rappeler que non seulement l' article 48 du traité, mais également les règlements, en tant qu' actes institutionnels pris sur la base du traité, ont, en principe, le même champ d' application géographique que le traité lui-même (arrêt du 16 février 1978, Commission/Irlande, 61/77, Rec. p. 417, point 46).

    14 Le champ d' application du traité est défini par son article 227. Or, cet article n' exclut pas que les règles communautaires puissent avoir des effets en dehors du territoire de la Communauté.

    15 En effet, il y a lieu de relever à cet égard que, selon la jurisprudence de la Cour, des dispositions de droit communautaire peuvent s' appliquer à des activités professionnelles exercées en dehors du territoire de la Communauté, dès lors que la relation de travail garde un rattachement suffisamment étroit avec le territoire de la Communauté (voir, en ce sens, notamment, arrêts du 12 juillet 1984, Prodest, 237/83, Rec. p. 3153, point 6, du 27 septembre 1989, Lopes da Veiga, 9/88, Rec. p. 2989, point 15, et du 29 juin 1994, Aldewereld, C-60/93, Rec. p. I-2991, point 14). Ce principe doit s' entendre comme visant également les cas dans lesquels la relation de travail est rattachée de façon suffisante au droit d' un État membre et, par conséquent, aux règles pertinentes du droit communautaire.

    16 En l' espèce, il résulte du dossier que plusieurs aspects de la situation de la requérante au principal sont soumis à la réglementation allemande. En premier lieu, son contrat de travail a été conclu conformément au droit de l' État membre qui l' emploie et c' est seulement par application de ce droit qu' il a été stipulé que ses conditions de travail seraient déterminées en fonction du droit algérien. En deuxième lieu, ce contrat contient une clause donnant compétence, pour tout différend entre les parties relatif à ce contrat, aux juridictions de Bonn, et ultérieurement à celles de Berlin. En troisième lieu, la requérante au principal est affiliée, en ce qui concerne l' assurance pension, au régime de sécurité sociale de l' État allemand et elle est assujettie, bien que d' une façon limitée, à l' impôt sur le revenu de ce même État.

    17 Il y a lieu de relever que, dans des cas tels que celui de la requérante au principal, le droit communautaire, et donc l' interdiction de discrimination en raison de la nationalité contenue dans les dispositions communautaires susmentionnées, est applicable à tous les aspects de la relation de travail qui sont régis par le droit d' un État membre.

    18 Le gouvernement allemand soutient toutefois que les conditions de travail de Mme Boukhalfa sont régies par le droit algérien et que, par conséquent, les dispositions communautaires susmentionnées concernant l' interdiction de discrimination en raison de la nationalité ne sont pas applicables.

    19 A cet égard, il y a lieu d' observer que, comme il a déjà été relevé au point 16 ci-dessus, si le droit algérien détermine les conditions de travail de Mme Boukhalfa, c' est par application de l' article 33 du GAD, dont la compatibilité avec le droit communautaire est précisément contestée dans le cadre du litige au principal.

    20 Le gouvernement allemand objecte encore que la requérante au principal n' avait pas son domicile dans un des États membres, mais en Algérie, et ce même avant la conclusion du contrat. Par ailleurs, la juridiction nationale fait remarquer que le contrat de travail a été conclu en Algérie et est exécuté sur place de manière permanente.

    21 Ces circonstances ne sont pas, toutefois, de nature à remettre en cause les éléments de rattachement au droit communautaire relevés ci-dessus.

    22 Au vu de ce qui précède, il convient de répondre à la question posée que l' interdiction de discrimination en raison de la nationalité, contenue dans l' article 48, paragraphe 2, du traité et dans l' article 7, paragraphes 1 et 4, du règlement n 1612/68, s' applique à un ressortissant d' un État membre qui vit dans un pays tiers de manière permanente, qui est employé par un autre État membre dans son ambassade dans ce pays tiers et dont le contrat de travail a été conclu sur place et y est exécuté de manière permanente, et ce pour tous les aspects de la relation de travail qui sont régis par la législation de cet État membre employeur.

    Décisions sur les dépenses


    Sur les dépens

    23 Les frais exposés par le gouvernement allemand et par la Commission des Communautés européennes, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l' objet d' un remboursement. La procédure revêtant, à l' égard des parties au principal, le caractère d' un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

    Dispositif


    Par ces motifs,

    LA COUR,

    statuant sur la question à elle soumise par le Bundesarbeitsgericht, par ordonnance du 23 juin 1994, dit pour droit:

    L' interdiction de discrimination en raison de la nationalité, contenue dans l' article 48, paragraphe 2, du traité CE et dans l' article 7, paragraphes 1 et 4, du règlement (CEE) n 1612/68 du Conseil, du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs à l' intérieur de la Communauté, s' applique à un ressortissant d' un État membre qui vit dans un pays tiers de manière permanente, qui est employé par un autre État membre dans son ambassade dans ce pays tiers et dont le contrat de travail a été conclu sur place et y est exécuté de manière permanente, et ce pour tous les aspects de la relation de travail qui sont régis par la législation de cet État membre employeur.

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