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Document 61986CC0263

    Conclusions de l'avocat général Sir Gordon Slynn présentées le 15 mars 1988.
    État belge contre René Humbel et Marie-Thérèse Edel.
    Demande de décision préjudicielle: Justice de paix de Neufchâteau - Belgique.
    Non-discrimination - Accès à l'enseignement - Droits d'inscription.
    Affaire 263/86.

    Recueil de jurisprudence 1988 -05365

    Identifiant ECLI: ECLI:EU:C:1988:151

    61986C0263

    Conclusions de l'avocat général Sir Gordon Slynn présentées le 15 mars 1988. - État belge contre René Humbel et Marie-Thérèse Edel. - Demande de décision préjudicielle: Justice de paix de Neufchâteau - Belgique. - Non-discrimination - Accès à l'enseignement - Droits d'inscription. - Affaire 263/86.

    Recueil de jurisprudence 1988 page 05365


    Conclusions de l'avocat général


    ++++

    Monsieur le Président,

    Messieurs les Juges,

    Mme et M . Humbel, les parties défenderesses dans la procédure au principal, sont des ressortissants français résidant et, au moins dans le cas de M . Humbel, travaillant à Luxembourg . Leur fils Frédéric, né en 1966, a fréquenté des écoles belges à partir de 1977; des droits de montant variable connus sous le terme de "minerval" ont été payés pour ses études de l' année scolaire 1978-979 à l' année scolaire 1984-1985 comprise, après quoi le minerval a été supprimé .

    Le présent renvoi au titre de l' article 177 émane du juge de paix de Neufchâteau dans le cadre d' une procédure concernant le minerval de 35 000 BFR pour l' année scolaire 1984-1985 : M . Humbel refuse de le payer alors que l' État belge l' exige de lui . Dans le cadre d' une autre procédure, il semble que M . Humbel a obtenu un jugement contre l' État belge ordonnant que lui soient remboursés les minervals payés au cours des années précédentes; ce jugement fait à l' heure actuelle l' objet d' un appel .

    La juridiction nationale pose trois questions . En premier lieu, les études concernées relèvent-elles de la formation professionnelle? En second lieu, si tel n' est pas le cas, Frédéric Humbel peut-il être considéré comme destinataire de services au sens de l' article 59 et l' obligation de payer un minerval constitue-t-elle une restriction à sa liberté de se rendre en Belgique pour bénéficier de tels services? Enfin, dans la mesure où les ressortissants luxembourgeois peuvent faire fréquenter des établissements d' enseignement belge à leurs enfants sans payer de minerval, un travailleur français résidant à Luxembourg peut-il prétendre au même droit?

    En ce qui concerne la première question, la Cour a estimé dans l' affaire 293/83, Gravier/Ville de Liège ( Rec . 1985, p . 593 ), que l' imposition d' une redevance telle que le minerval, comme condition d' accès aux cours d' enseignement professionnel, aux étudiants ressortissants des autres États membres, alors qu' une même charge n' est pas imposée aux étudiants nationaux, constitue une discrimination en raison de la nationalité prohibée par l' article 7 du traité, lu en liaison avec l' article 128, l' enseignement professionnel étant défini comme "toute forme d' enseignement qui prépare à une qualification pour une profession, métier ou emploi spécifique, ou qui confère l' aptitude particulière à exercer une telle profession, métier ou emploi ... quels que soient l' âge et le niveau de formation des élèves ou des étudiants, et même si le programme d' enseignement inclut une partie d' éducation générale" ( attendu 30 ).

    Il semble constant dans cette procédure que le minerval imposé pour les études de Frédéric Humbel n' a été perçu que pour des raisons de nationalité . Il n' aurait pas été perçu s' il s' était agi d' un ressortissant belge ou luxembourgeois . La question de savoir si les études suivies constituent un enseignement professionnel tel qu' il est défini dans l' affaire Gravier nous paraît relever essentiellement de la compétence de la juridiction nationale . A nos yeux, ce n' est que dans les cas très clairs que la Cour peut décider que des études relèvent de l' enseignement professionnel ( comme elle l' a fait dans l' affaire 24/86, Blaizot et autres/Université de Liège et autres, arrêt du 2 février 1988, Rec . p . 379, mais comme elle s' est abstenue de le faire expressément dans l' affaire Gravier elle-même ).

    Les études en cause sont dispensées dans un établissement d' enseignement secondaire connu sous le terme d' institut technique . Cela n' exclut pas qu' elles relèvent de l' enseignement professionnel puisque, dans l' affaire Gravier, la Cour a déclaré que l' âge des élèves et le niveau d' enseignement n' étaient pas pertinents . Les études elles-mêmes se poursuivent pendant six ans divisés en trois "degrés" de deux ans chacun . L' année pour laquelle le minerval litigieux a été payé était la quatrième année de Frédéric Humbel et il est admis qu' au cours de cette année les sujets qu' il a étudiés étaient de caractère plutôt général ( langues, mathématiques, économie, sciences générales, dactylographie ). Au cours de la cinquième et sixième années toutefois, on étudie des sujets sensiblement plus techniques . M . Humbel et l' État belge paraissent convenir que l' enseignement dispensé au cours des deux dernières années est de nature professionnelle et il semble en fait qu' aucun minerval n' était imposé en ce qui concerne ces deux années . Ils ne sont pas d' accord quant au point de savoir s' il est possible de prendre les études année par année et d' imposer un minerval en ce qui concerne les années au cours desquelles l' enseignement n' était pas de nature professionnelle . C' est l' approche de M . Humbel qui nous semble correcte : il est nécessaire de considérer les études dans leur ensemble et de décider s' il s' agit d' enseignement professionnel et le fait que les études comportent un élément d' enseignement général ne lui fait pas perdre définitivement sa nature d' enseignement professionnel, comme le démontre clairement la définition figurant dans l' arrêt Gravier .

    Cette approche a été confirmée dans l' affaire Blaizot dans laquelle, traitant des études vétérinaires dispensées par des universités belges, études qui étaient divisées en deux cycles de trois ans connus respectivement comme "candidature" et "doctorat", la Cour a estimé que le second cycle présupposait la conclusion du premier cycle et que les deux cycles constituaient un tout indivisible ( attendu 21 de cet arrêt ). Pour l' instant nous ne sommes pas certain - bien qu' il s' agisse là d' une question qui doit être examinée par la juridiction nationale - que les études dont il s' agit ici présentent le même lien que celui existant entre les deux cycles concernés dans l' affaire Blaizot .

    Toutefois, même si les études doivent être considérées comme une unité, il n' est pas évident que, globalement, ces études relèvent de l' enseignement professionnel . Sur la base des informations dont dispose la Cour, il nous semble que les quatre premières années ( qui comprennent l' année litigieuse dans la présente procédure ) constituent dans une large mesure, si ce n' est entièrement, de l' enseignement général . Qui plus est, la Cour a appris lors de l' audience que, même au cours des deux dernières années, où la proportion des sujets techniques par rapport à l' enseignement dispensé est la plus élevée, ces sujets ne représentent que treize heures par semaine alors que dix-neuf heures par semaine sont consacrées à des sujets d' ordre général . Il nous semble que, lorsqu' elle a dit dans l' affaire Gravier qu' un enseignement professionnel pouvait comporter "une partie d' éducation générale", la Cour pensait à une proportion accessoire ou mineure . Il n' est pas certain que des études dans lesquelles l' élément professionel ne représente que 40 % puisse, à l' examen, être déclarées d' ordre professionnel .

    En toute hypothèse, même si les sujets techniques étaient prépondérants, il serait nécessaire, avant de caractériser ces études comme relevant de l' enseignement professionnel au sens de l' arrêt Gravier, de démontrer qu' elles préparaient à une qualification, ou conféraient l' aptitude particulière à exercer une profession, un métier ou un emploi spécifique .

    Il semble que la Cour ait adopté la même approche à l' attendu 19 de l' arrêt Blaizot où elle déclare, en ce qui concerne les études universitaires, qu' elles peuvent être de nature professionnelle, non seulement si elles confèrent des qualifications requises pour une profession, un métier ou un emploi spécifique, mais également dans la mesure où elles confèrent une aptitude particulière ( les termes utilisés dans l' arrêt Gravier ) dans les cas où l' étudiant a besoin de certaines connaissances pour l' exercice d' une profession, d' un métier ou d' un emploi, même lorsqu' aucun certificat formel n' est prescrit par des dispositions législatives, réglementaires ou administratives .

    La Cour n' a pas été informée de la profession, du métier ou de l' emploi spécifique, si tel est le cas, auquel préparaient les études suivies par Frédéric Humbel .

    C' est pourquoi nous estimons qu' il convient de répondre à la première question en ce sens qu' il appartient au juge national d' apprécier avec précision les modalités des études ( la Cour ne dispose pas réellement de détails à cet égard ) pour savoir si elles satisfont à la définition de l' enseignement professionnel donnée dans les affaires Gravier et Blaizot .

    Si nous avions pensé que cette première question devait être tranchée par la Cour, nous n' aurions pas été convaincu, sur la base des informations dont nous disposons, que ces études, mêmes considérées globalement, relevaient de l' enseignement professionnel au sens de l' arrêt Gravier . Il nous paraît s' agir d' études d' enseignement général comportant quelques sujets d' origine récente ( informatique ) qui sont à l' heure actuelle à la limite de l' enseignement général et de l' enseignement technique . Prise individuellement, l' année en cause ne relève pas de l' enseignement professionnel .

    Si la juridiction nationale constate que les études de Frédéric Humbel n' étaient pas de l' enseignement professionnel, c' est alors la deuxième question relative aux dispositions du traité relatives aux services qui se pose .

    M . Humbel, soutenu par la Commission, présente un argument similaire à l' un de ceux soulevés par Mlle Gravier que nous avons examiné dans nos conclusions, mais que la Cour n' a pas eu à traiter dans son arrêt puisqu' elle a admis que des études d' enseignement professionnel relevaient du champ d' application du traité, de sorte que l' article 7 s' appliquait . En résumé ( puisque j' ai traité de ce point de manière approfondie dans l' affaire Gravier ), l' argument est le suivant . Le fait de dispenser un enseignement dans une école ou un autre lieu d' études constitue une prestation de services . Il s' ensuit que Frédéric Humbel était le bénéficiaire de ces services et, en tant que tel, il relève du champ d' application de l' arrêt de la Cour dans les affaires jointes 286/82 et 26/83 Luisi et Carbone/Ministero del Tesoro ( Rec . 1984 p . 377 ), et notamment l' attendu suivant :

    "... la liberté de prestation de services inclut la liberté des destinataires de services de se rendre dans un autre État membre pour y bénéficier d' un service, sans être gênés par des restrictions, même en matière de paiement, ... les touristes, les bénéficiaires de soins médicaux et ceux qui effectuent des voyages d' études ou des voyages d' affaires sont à considérer comme des destinataires de services ." ( attendu 16, Rec . p . 403 ).

    Ce cas n' est pas vraiment similaire à la présente espèce car il concernait les restrictions à la liberté des paiements pour des services reçus à l' étranger, restrictions imposées par l' État dont les destinataires des services étaient ressortissants .

    Comme nous l' avons fait dans l' affaire Gravier, nous admettons que l' enseignement peut constituer un service au sens de la définition non exclusive contenue à l' article 60 du traité . Nous ne pensons pas que le fait que Frédéric Humbel ait été destinataire de ce service pour une période d' environ six ans fait nécessairement échapper ses études au champ d' application des dispositions du traité relatives aux services dont certains pourraient dire qu' ils sont de nature transitoire étant donné le contraste avec la nature plus permanente de l' "établissement" visé aux articles 52 à 58 du traité . Lorsqu' un prestataire de services se rend très souvent dans l' État membre dans lequel les services doivent lui être fournis, la question de savoir s' il est établi dans cet État peut se poser . Toutefois, comme le sous-entend clairement l' article 60, alinéa 3, ce n' est là qu' une façon possible de fournir des services au sens du traité . Il peut également se produire que ni le prestataire ni le destinataire de services ne se déplacent, les services étant fournis et payés par la poste ou d' autres formes plus modernes de communication, ou, comme en l' espèce et dans les affaires Luisi et Carbone, il peut arriver que le destinataire se déplace . Dans aucune de ces dernières situations, la distinction entre l' établissement et les services n' a, à notre avis, de l' importance .

    Le gouvernement du Royaume-Uni prétend que les dispositions du traité relatives aux services ont pour but de libérer celui qui fournit les services de toute restriction, qu' elle lui soit imposée ou qu' elle soit imposée aux personnes désireuses de bénéficier de ses services ( comme dans l' affaire Luisi ). Toutefois, elle ne lui impose pas de fournir ses services contre sa volonté . En d' autres termes, il peut utiliser cette liberté autant ou aussi peu qu' il le souhaite . Le refus de fournir des services peut être couvert par d' autres dispositions du traité, notamment les règles relatives à la concurrence . Son refus de fournir des services n' est pas une "restriction" relevant du chapitre des services, pas plus que sa volonté de fournir certaines catégories de destinataires selon des modalités spéciales ou plus onéreuses .

    Cet argument est très convaincant, en particulier en ce qui concerne la fourniture de services par des personnes physiques ou morales ne dépendant pas de l' État . Toutefois, lorsqu' un service est fourni par l' État ou une émanation de ce dernier ( comme dans le cas d' une école publique ), des considérations différentes peuvent jouer et il nous semble que le refus de l' État de fournir un service autrement que dans des conditions qui constituent une discrimination contre les ressortissants d' autres États membres peut, dans certaines circonstances, constituer une restriction prohibée par les articles 59 et 60 .

    Il ne semble toutefois pas nécessaire d' approfondir plus avant ces questions car leur point de départ est que l' enseignement reçu par Frédéric Humbel est un service au sens du traité . Pour les raisons que nous avons exposées dans nos conclusions dans l' affaire Gravier ( loc . cit ., p . 602 à 604 ), nous estimons qu' il ne s' agit pas d' un service car il ne satisfait pas au critère fixé par l' article 60, selon lequel "sont considérées comme services les prestations fournies normalement contre rémunération", critère qui, à notre avis ne saurait être purement et simplement ignoré .

    Notre opinion, après avoir entendu les arguments avancés dans la présente espèce, reste que l' enseignement assuré par l' État n' est pas fourni "contre rémunération ". L' État n' est pas une organisation commerciale qui recherche un profit, ni même à rentrer dans ses frais et à équilibrer un bilan . Si une organisation qui ne recherche pas des bénéfices (" sans but lucratif ") ne peut pas profiter de la liberté de s' établir et de fournir des services dans d' autres États membres telle qu' elle est reconnue par le traité ( comme cela ressort clairement des articles 58 et 66 ), il nous semble en résulter que les destinataires putatifs des services fournis par un tel organisme ne peuvent pas, eux non plus, se prévaloir du traité .

    Les organisations à but lucratif ( qui recherchent un profit ) sont généralement financées par le paiement des marchandises vendues ou des services rendus (" rémunération "). Leur but, lorsqu' elles vendent des marchandises ou qu' elles fournissent des services est précisément de recevoir une rémunération . A l' instar des services de santé toutefois, l' enseignement d' État est financé dans une large mesure par des impôts étatiques . Dans les deux cas, ces services relèvent de ce qu' on pourrait désigner sommairement comme la politique sociale . Le fait que des droits, généralement de pure forme, mais qui, exceptionnellement, peuvent se rapprocher du coût des services, soient perçus sur certains destinataires ne change rien à cette situation . Nous ne pensons pas que c' est cette situation qui était visée par l' avocat général M . Warner dans ses conclusions dans l' affaire 52/79, Procureur du roi/Debauve ( Rec . 1980, p . 833 ), et ce pour les raisons que nous avons données dans l' affaire Gravier, et nous ne pensons pas que ni la Commission ni M . Humbel peuvent faire fond sur ces conclusions .

    M . Humbel fait valoir, comme cela a été prétendu dans l' affaire Gravier, que des professeurs sont payés et que les factures des dépenses courantes des écoles sont honorées, de telle sorte qu' on ne peut pas dire que les services ne sont pas fournis contre une rémunération . Nous ne pensons pas que ce critère puisse être pertinent . Les organismes charitables et religieux emploient également du personnel et paient des notes de chauffage et d' électricité . Ils peuvent également imposer des droits pour certains services . Le critère véritable est de savoir si les services sont fournis dans le cadre d' une activité économique . Au lieu d' utiliser le terme "économique", on pourrait tout aussi bien dire "commerciale" ou "professionnelle ". Cela nous semble être la signification de "normalement fourni contre rémunération ". La question n' est pas de savoir si les professeurs sont rémunérés, mais de savoir si l' école est rémunérée ( ou financée ), ou selon quelles modalités .

    Au sens de l' article 60, la "rémunération" sera presque toujours un paiement fait par le destinataire ou en son nom, lié au coût économique de la fourniture des services ou fixé d' une autre manière en fonction de critères commerciaux ( comme dans l' hypothèse ou un service est fourni gratuitement ou à bas prix dans l' espoir d' attirer plus de clientèle ou en réponse à la pression des concurrents ). Il n' y a pas une telle rémunération, à notre avis, lorsque le destinataire reçoit le service sans avoir à payer de droits ou s' il paie pour ce service grâce à une subvention déjà reçue de l' État ou s' il paie pour un service fourni par l' État ou en son nom et que la totalité ou une partie de son paiement est remboursée par l' État ou en son nom, comme cela se produit dans le cas des droits de scolarité des universités du Royaume-Uni ( un exemple cité dans le débat ), ainsi que dans le cas des régimes de protection de la santé de certains pays .

    L' analogie avec les politiques de protection de la santé est frappante car, bien que les ressortissants des États membres de la Communauté aient généralement le droit aux soins médicaux à travers toute la Communauté, ce droit est renforcé par un système complexe destiné à déterminer quel État doit en fin de compte supporter les frais du traitement . A notre avis, il est regrettable qu' un tel système n' existe pas encore pour l' enseignement dans toute la Communauté .

    C' est pourquoi nous concluons, comme dans l' affaire Gravier, que l' étudiant ne peut se prévaloir des dispositions du traité relatives aux services pour prétendre à un droit à l' enseignement lorsqu' un tel enseignement n' est pas fourni "contre rémunération ". C' est pourquoi il n' est pas nécessaire de répondre à la fin de la deuxième question, et en particulier au point de savoir si le minerval constitue une "restriction" au bénéfice de services .

    Nous en venons à la troisième question qui requiert la prise en considération de l' article 48 du traité et de l' article 12 du règlement n° 1612/68 ( JO 1968, L 257, p . 2 ) qui dispose que "les enfants d' un ressortissant d' un État membre qui est ou a été employé sur le territoire d' un autre État membre sont admis aux cours d' enseignement général, d' apprentissage et de formation professionnelle dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet État, si ces enfants résident sur son territoire ".

    Pour autant que la Cour en soit informée, M . Humbel n' a jamais travaillé en Belgique . Les enfants des ressortissants luxembourgeois, quel que soit leur lieu de résidence, que ce soit au grand-duché ou ailleurs, peuvent se rendre en Belgique pour y faire leurs études sans payer de droits . La Cour ne sait pas si cela résulte d' un accord formel ou d' un arrangement officieux entre la Belgique et le Luxembourg . La Cour a adressé une question écrite sur ce point au gouvernement luxembourgeois mais elle n' a pas reçu de réponse . Le représentant du gouvernement belge n' a pas été en mesure de renseigner la Cour lors de l' audience .

    Il ressort des observations de M . Humbel et de la Commission que les règles belges en cause entraînent différentes anomalies . Le minerval n' est pas imposé en ce qui concerne les enfants de ressortissants français résidant dans une commune française située dans un rayon de 15 kilomètres maximum à partir de la frontière belge; toutefois, un Français qui réside dans une quelconque partie du Luxembourg doit payer le minerval si ses enfants fréquentent des écoles belges .

    M . Humbel affirme qu' une telle discrimination fondée sur des raisons de nationalité est tout simplement interdite par l' article 7 du traité . Toutefois, comme le montre l' arrêt Gravier, il est nécessaire de démontrer que la discrimination est pratiquée dans des circonstances qui relèvent du champ d' application du traité .

    M . Humbel prétend également que le gouvernement belge cherche à justifier cette discrimination en se référant à l' article 233 du traité qui dispose :

    "Les dispositions du présent traité ne font pas obstacle à l' existence et à l' accomplissement des unions régionales entre la Belgique et le Luxembourg, ainsi qu' entre la Belgique, le Luxembourg et les Pays-Bas, dans la mesure où les objectifs de ces unions régionales ne sont pas atteints en application du présent traité ".

    M . Humbel fait valoir que cet article n' apporte rien aux arguments de la Belgique . L' existence de l' Union Benelux ne saurait être pertinente puisqu' un tel traitement favorable n' est pas étendu aux étudiants néerlandais; l' Union économique belgo-luxembourgeoise n' a rien à voir avec l' enseignement . Qui plus est, comme le confirme l' arrêt rendu dans la Cour dans l' affaire 105/83, Pakvries ( Rec . 1984, p . 2101 ), il ressort clairement du texte de l' article que celui-ci n' est applicable que lorsque l' objectif de l' union régionale ne saurait être atteint au titre du traité, ce qui n' est pas le cas en l' espèce .

    Il nous semble toutefois que, à l' instar de l' article 7, l' article 233 ne doit être pris en considération que lorsque la discrimination pratiquée est contraire au traité, ce qui reste encore à établir .

    M . Humbel prétend ensuite que la pratique belge constitue une restriction à la libre circulation des travailleurs français, incompatible avec l' article 48 du traité . Or, selon nous, et comme semblent également le faire valoir la Commission et le gouvernement italien ( qui n' est intervenu que dans la cadre de la procédure orale et seulement en ce qui concerne la troisième question ), les droits particuliers des travailleurs migrants en ce qui concerne la formation de leurs enfants doivent être déduits de l' article 12 du règlement n° 1612/68 .

    La Commission a dû toutefois admettre que la lettre de l' article 12, et en particulier l' exigence que les enfants des travailleurs doivent résider dans l' état d' accueil, faitt obstacle à ce que la Cour l' applique dans la présente espèce . La Commission n' en considère pas moins que la discrimination est contraire à l' esprit de l' article 12 et suggère que l' article 12 pourrait imposer au Luxembourg d' assurer l' éducation gratuite, dans d' autres États membres, des enfants de travailleurs migrants résidant au Luxembourg, en ce qui concerne les types d' enseignement qui ne sont pas offerts au Luxembourg mais qui sont accessibles gratuitement aux enfants des nationaux luxembourgeois dans un autre État membre .

    De même, le gouvernement italien ( dont le point de départ est que la discrimination dont il est fait grief intervient entre les travailleurs luxembourgeois et les travailleurs migrants ressortissants d' autres États membres qui résident au Luxembourg ) fait valoir que l' article 12 n' est pas expressément limité à l' enseignement dispensé sur le territoire de l' État d' accueil . Si l' État d' accueil s' arrange pour offrir à ses propres ressortissants la possibilité d' étudier à l' extérieur dans des conditions avantageuses, ce bénéfice doit être étendu également aux autres ressortissants communautaires résidant sur son territoire, ou au moins à ceux couverts par le règlement n° 1612/68 . Le but de ce règlement, qui met en oeuvre l' article 48, est d' intégrer le travailleur migrant dans l' État d' accueil et il serait privé d' effet si les enfants des travailleurs migrants ne bénéficiaient pas, dans le domaine des études et de la culture, de chances de progrès égales à celles dont jouissent les ressortissants de l' État d' accueil .

    Bien que cet argument soit très convaincant, il concerne en premier lieu, comme le représentant du gouvernement italien nous a semblé l' admettre, la situation existante au Luxembourg dont la juridiction belge n' a pas été saisie . Comme la Commission l' a finalement admis, l' article 12 ne saurait raisonnablement être étendu au point d' exiger que la Belgique étende aux travailleurs migrants résidant au Luxembourg des avantages qu' elle n' était pas obligée d' accorder, mais qu' elle a accordé, sur une base qui n' est pas connue de la Cour, aux ressortissants luxembourgeois .

    En conséquence, nous estimons qu' il convient de répondre aux questions déférées par le juge de paix à Neufchâteau dans le sens suivant :

    "1 ) C' est à la juridiction nationale qu' il appartient de dire si les études suivies par Frédéric Humbel relèvent de l' enseignement professionnel tel qu' il a été défini dans l' arrêt Gravier .

    2 ) L' enseignement dispensé par l' État n' est pas un service au sens des articles 59 et 60 du traité CEE, car il n' est pas fourni contre rémunération .

    3 ) L' article 12 du règlement n° 1612/68 n' impose pas à un État membre de permettre à des travailleurs migrants résidant dans un autre État l' accès à l' enseignement dans les mêmes conditions que celles qu' il offre aux ressortissants de cet autre État membre ."

    C' est dans le cadre de la procédure au principal qu' il convient de statuer sur les dépens de M . Humbel et du gouvernement belge, parties à cette procédure . Il n' y a pas lieu de statuer sur les frais engagés par le gouvernement italien, le gouvernement luxembourgeois et le gouvernement britannique ainsi que par la Commission .

    (*) Traduit de l' anglais .

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