Choose the experimental features you want to try

This document is an excerpt from the EUR-Lex website

Document 52017IE2368

    Avis du Comité économique et social européen sur «Tirer les leçons du passé: éviter la rigueur des politiques d’austérité dans l’Union européenne» (avis d’initiative)

    EESC 2017/02368

    JO C 227 du 28.6.2018, p. 1–10 (BG, ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, HR, IT, LV, LT, HU, MT, NL, PL, PT, RO, SK, SL, FI, SV)

    28.6.2018   

    FR

    Journal officiel de l'Union européenne

    C 227/1


    Avis du Comité économique et social européen sur «Tirer les leçons du passé: éviter la rigueur des politiques d’austérité dans l’Union européenne»

    (avis d’initiative)

    (2018/C 227/01)

    Rapporteur:

    M. José LEIRIÃO

    Décision de l’assemblée plénière

    21.1.2016

    Base juridique

    Article 29, paragraphe 2, du règlement intérieur

     

    Avis d’initiative

    Compétence

    Section spécialisée «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale»

    Adoption en section spécialisée

    29.1.2018

    Adoption en session plénière

    14.2.2018

    Session plénière no

    532

    Résultat du vote

    (pour/contre/abstentions)

    177/26/18

    Introduction

    Le contenu du présent avis a bénéficié de la contribution des représentants des institutions de la société civile et des partenaires sociaux siégeant dans les conseils économiques et sociaux des trois États membres concernés (Grèce, Irlande et Portugal), à la suite de missions réalisées par le CESE dans ces États membres afin de connaître les points de vue et de recueillir les témoignages des personnes qui subissent les effets négatifs que les politiques d’austérité imposées par la troïka ont sur la réalité sociale, dans le monde des entreprises et dans le cadre du dialogue social.

    1.   Conclusions et recommandations

    1.1.

    Le premier enseignement à tirer de la crise est que la zone euro ne disposait pas des outils nécessaires pour gérer cette crise financière. Le CESE félicite donc la Commission de son ambition de réformer l’euro de manière fondamentale en rompant avec les politiques d’austérité et en approfondissant l’Union économique et monétaire. Le CESE estime que ces mesures sont indispensables à la mise en place d’une grande coalition européenne en vue de poursuivre les efforts pour reconstruire un «destin européen commun» et de regagner la confiance de l’ensemble des européens.

    1.2.

    La conception des programmes d’ajustement a souffert de plusieurs incohérences à différents niveaux, concernant par exemple: la coordination et l’articulation de l’action des partenaires de la troïka (FMI, CE, BCE) en matière de planification; l’ampleur des risques potentiels nés de la crise et leur anticipation; les enseignements tirés des crises précédentes qui n’ont pas toujours été pris en compte ou n’étaient pas applicables dans la nouvelle zone de la monnaie unique; et un certain déséquilibre entre les mécanismes du FMI et les instruments de la politique macroéconomique de la zone euro. Le CESE, tout en reconnaissant l’expertise du Fonds monétaire international, recommande que, dans les situations de crise à venir, touchant n’importe lequel des États membres, les institutions de l’Union européenne soient seulement responsables de la conception et de la mise en œuvre des programmes d’ajustement. S’il est nécessaire d’établir des partenariats avec des institutions extérieures pour faire face à la crise, l’Union européenne et la zone euro doivent prendre l’initiative et agir dans le respect des «valeurs européennes», en renforçant le dialogue social et civil existant ainsi que les droits civils et sociaux en vigueur dans l’Union européenne. La gestion des futures crises doit parvenir à un meilleur équilibre entre les objectifs budgétaires, sociaux et de renforcement qualitatif du secteur des entreprises.

    1.3.

    La crise et les programmes d’ajustement mis en œuvre dans les trois États membres les ont conduits à une situation économique, financière et sociale qui, dans certains cas, les a fait reculer de vingt ans, en provoquant des dommages permanents ou auxquels il ne pourra être remédié qu’à très long terme, affectant leurs facteurs de production et le fonctionnement du marché du travail. Le CESE invite la Commission à concevoir des «programmes complémentaires de reprise économique et sociale», qui devraient être appliqués parallèlement ou après la fin du «programme d’ajustement» de manière à garantir à ces pays un retour rapide à un niveau plus compétitif qui les placerait sur une trajectoire de convergence.

    1.4.

    Il convient que la Commission se recentre sur les valeurs européennes de solidarité et qu’elle adopte immédiatement des mesures exceptionnelles pour améliorer le sort des personnes défavorisées en situation d’extrême pauvreté et de dénuement en matière d’alimentation, de logement, de soins médicaux et d’achat de médicaments. Le CESE préconise la mise en place d’un programme spécifique de restauration de la dimension sociale, applicable aux pays qui sont ou ont été tenus de mettre en œuvre des «programmes d’ajustement». Ce programme d’appui doit respecter les principes du socle européen des droits sociaux récemment adopté par l’Union européenne et appliqué dans les trois États membres en question.

    1.5.

    La mise en œuvre des politiques d’austérité a augmenté de façon spectaculaire le nombre de pauvres (qu’ils soient travailleurs, demandeurs d’emploi, inactifs ou «sans-abri»). Le CESE demande avec insistance à la Commission d’élaborer une «stratégie européenne d’éradication de la pauvreté et d’intégration des personnes en situation de sans-abrisme», soutenue comme il se doit par des fonds destinés non seulement à la construction de bâtiments d’accueil appropriés, mais également à la mise en place de programmes de formation spécifiques axés sur des emplois adaptés aux compétences enseignées par lesdites formations, tant dans le secteur public (au niveau des municipalités) que privé. Il est également essentiel d’élaborer un plan conjoint avec les États membres permettant de restructurer la dette des entreprises et des citoyens surendettés en raison de leur incapacité à rembourser leurs emprunts, en évitant leur insolvabilité et la confiscation de leurs logements.

    1.6.

    Dans la zone euro, les règles du pacte de stabilité et de croissance, de la procédure de déficit excessif et du pacte budgétaire, et les politiques d’austérité qui en découlent, pénalisent tout particulièrement les pays qui ressentent encore la crise, parce qu’elles entravent l’expansion de l’investissement public et le déploiement du soutien à la création d’emplois par le secteur privé, ces États étant soumis à des sanctions et des pénalités sévères s’ils ne respectent pas les règles. Cette situation a aggravé les inégalités en Europe, car les pays pauvres sont de plus en plus pauvres, en raison du «cercle vicieux» dans lequel ces contraintes les ont enfermés. Le CESE recommande que le traité de Lisbonne soit réformé en vue d’affirmer la primauté des politiques de coopération, d’expansion économique et de solidarité pour qu’elles constituent de véritables solutions de remplacement aux politiques d’austérité restrictives. Le CESE propose également d’examiner si la «règle d’or de l’investissement public» pourrait être un instrument adéquat afin de stimuler l’investissement public dans la zone euro et d’assurer non seulement la croissance et la création d’emplois, l’entrepreneuriat et les nouvelles compétences nécessaires pour l’avenir du travail, mais aussi à l’«équité intergénérationnelle», en garantissant la viabilité des finances publiques à long terme ainsi qu’une répartition équitable de la charge fiscale non seulement entre les différentes générations mais aussi entre les personnes de différentes conditions sociales et économiques, ainsi que d’éviter de surcharger les unes au profit des autres.

    1.7.

    Ces deux dernières années, un redressement du taux d’emploi a été observé dans l’Union européenne et, plus particulièrement, dans les États membres soumis aux «programmes d’ajustement». Il est important de souligner que, dans le cas de ces derniers, il serait dû non seulement à la croissance économique, mais aussi aux centaines de milliers de personnes qui ont émigré et au rythme accéléré auquel le travail à temps partiel a été imposé. Toutefois, l’incidence de la pauvreté et la privation matérielle aux différents niveaux ne cessent d’augmenter en raison de la baisse des salaires et de la précarité des emplois. Par conséquent, bien que plus d’emplois aient été créés dans les activités liées au tourisme et dans d’autres domaines liés aux qualifications de bas, cela n’a pas entraîné d’augmentation de la compétitivité ou une valeur ajoutée. Le CESE recommande de réserver des fonds spécifiques afin de consacrer davantage de ressources à la création d’emplois dans les services de santé et dans les secteurs les plus touchés par l’émigration (sciences, programmation, nouvelles technologies, ingénierie et médecine) afin d’inciter les émigrants à rentrer dans leur pays d’origine.

    1.8.

    La numérisation, la robotisation et l’intelligence artificielle (IA) sont en train d’introduire des mutations profondes dans l’économie, le marché du travail — avec notamment de nouvelles formes de travail —, ainsi que dans les qualifications et la société, en remettant en question ses structures, y compris les stabilisateurs automatiques, ce qui augmentera par conséquent, dans une proportion difficile à prévoir, le nombre des exclus. Le CESE recommande d’examiner les idées actuelles qui visent à créer une «assurance chômage universelle de base à l’échelle européenne» de manière plus approfondie. En outre, il convient également d’examiner la possibilité de fixer des normes européennes minimales aux systèmes nationaux d’assurance chômage en vue de répondre efficacement à ce défi et de garantir une protection sociale décente pour tous et accessible pendant toute la durée de la vie active (15-65 ans). En ce qui concerne la question de l’éradication de la pauvreté, la Commission devrait également mettre en place un «revenu minimal vital», en adoptant une approche et un objectif européens consistant à «ne laisser personne de côté».

    1.9.

    Les futurs «programmes d’ajustement» devraient refléter tous les aspects et intérêts qui ressortent des dialogues sociaux et civils avec la participation des organisations de la société civile Le CESE invite la Commission à mettre en place des «modèles économétriques à visage humain», incluant des paramètres concernant la protection de la dimension sociale et de valorisation des entreprises afin de poursuivre un double objectif: le bien-être de la société et une relance durable et de qualité du monde des entreprises. Les partenaires sociaux et les représentants de la société civile doivent faire partie du groupe de suivi et d’évaluation du programme, au même titre, entre autres, que les représentants de l’Union européenne et de la BCE, de manière à valoriser le rôle constructif joué par la société civile et faire en sorte que le modèle économique et social ne soit pas mis à mal, comme cela a été le cas dans les exemples à l’examen. L’ensemble des institutions qui élaborent, contrôlent et évaluent les programmes d’ajustement doivent se soumettre à un contrôle démocratique (par exemple le parlement national). Le cycle d’évaluation et de contrôle doit être de six mois ou de toute autre période jugée appropriée afin de prévenir des préjudices irréparables et permettre des mesures correctrices en temps utile. L’ensemble d’indicateurs de suivi macroéconomique doit être complété par un «tableau de bord social allant au-delà du PIB», lequel doit être actualisé conformément au socle européen des droits sociaux.

    1.10.

    La dette publique des trois États membres a atteint des niveaux astronomiques, et le montant des intérêts à payer a constitué une contrainte qui a bloqué l’investissement public dans le développement économique et réduit les investissements pour la protection sociale, la santé, l’éducation, les retraites, les prestations de chômage et l’aide aux plus défavorisés et aux exclus. Ces États membres, à l’exception de l’Irlande, restent sont fortement endettés, et la situation est aggravée par l’exposition aux actions spéculatives des marchés financiers. Le CESE recommande à la Commission d’inscrire cette question parmi les priorités européennes et de donner suite aux conclusions du groupe de haut niveau sur le fonds de mutualisation de la dette et les titres de créance en eurodevises, nommé par la Commission en juillet 2013. Par ailleurs, le CESE félicite la BCE pour son programme d’assouplissement quantitatif (quantitative easing) d’achat de titres de la dette publique des États membres, qui a contribué de façon substantielle et décisive à la relance économique et à la gestion de la dette publique des États membres soumis à des «programmes d’ajustement».

    1.11.

    Alors qu’il fête ses soixante ans d’existence, le projet européen fait face à de sérieux défis, ce qui donne lieu à des doutes quant à son avenir, y compris quant aux conséquences du Brexit. L’une des raisons qui expliquent le divorce entre la société civile et les structures de gouvernance de la Commission est que l’Union européenne n’a pas répondu aux attentes des citoyens en ce qui concerne la convergence économique et la croissance inclusive. Bien qu’un certain niveau de croissance soit enregistré depuis peu et semble s’installer, la zone euro dans son ensemble a perdu une décennie: ce n’est qu’en 2015 que le PIB a retrouvé sa valeur d’avant la crise, soit son niveau de 2008. Le CESE estime qu’il est nécessaire de recourir à une démarche pragmatique et ambitieuse visant à réformer l’union économique et monétaire pour la rendre plus résiliente et plus favorable aux citoyens. Une telle réforme implique d’améliorer la coordination des politiques économiques et de combiner intelligemment l’Europe du Nord et du Centre, qui s’appuie davantage sur les règles du marché concurrentiel, et l’Europe du Sud, fondée sur une plus grande solidarité, le partage des risques et l’intégration, tout en tenant compte du fait que l’Union européenne ne saurait se départir d’une solidarité commune, en particulier face à des situations extrêmes telles que la progression de la pauvreté, l’inégalité de revenus et la gestion des migrations, ni persister à penser que chaque État membre doit affronter seul ses difficultés.

    1.12.

    Les agences de notation financière ont eu une influence décisive sur le déclenchement des ravages occasionnés par la crise des dettes souveraines. On peut mettre en doute leur crédibilité si on se souvient qu’au début de la crise financière aux États-Unis, la banque Lehman Brothers a bénéficié de la note maximale des agences de notation jusqu’à son effondrement lorsqu’elle a déclaré faillite en 2008. Le CESE suggère à la Commission de déployer des efforts en vue de proposer la création d’un organe international indépendant qui serait chargé de l’évaluation de la crédibilité et de la pertinence des évaluations réalisées. Elle devrait également promouvoir la création d’une agence européenne de notation financière.

    1.13.

    Le CESE recommande que, dans le cadre de la gestion des crises futures dans l’Union européenne, un meilleur équilibre soit trouvé entre les objectifs budgétaires et les objectifs sociaux, en commençant par dépasser une approche purement macroéconomique des déséquilibres, mais aussi en prenant en compte d’autres questions telles que: les inégalités de revenus et de richesse, la réduction de la pauvreté, un secteur des entreprises fort et compétitif, une croissance et un emploi inclusifs, les changements climatiques, la participation des femmes au marché du travail et la corruption. Penser et agir en gardant à l’esprit qu’«au-delà des déficits, il y a des citoyens et il y a des vies».

    2.   Introduction générale

    2.1.

    Le déclenchement de la crise financière en Grèce, en Irlande et au Portugal a été le prolongement de celle qui a éclaté aux États-Unis. Elle a été exacerbée par la présence de ces pays dans la zone euro, qui a conduit à un «boom» économique incontrôlé dû au relâchement des conditions de contrôle des dépenses publiques et du contrôle bancaire, et notamment au fait que les entreprises publiques ont continué à contracter des prêts avec la garantie de l’État, ce qui a conduit à une hausse très significative des dépenses publiques. Les conséquences ont notamment été une croissance rapide et incontrôlée des déficits budgétaires et des répercussions négatives sur la balance commerciale et celle des paiements.

    2.2.

    La libéralisation financière et la croissance incontrôlée du crédit bancaire alimenté par des pratiques de vente agressives des banques ont entraîné un surendettement des ménages et des PME, qui les a mis dans l’incapacité de payer leurs dettes, ainsi que celui du secteur bancaire en augmentant les dépréciations de crédits en raison de pratiques spéculatives qui ont mis en péril le fonctionnement normal de ce secteur. Les gouvernements ont poursuivi une politique budgétaire procyclique, qui a entraîné une dangereuse détérioration du déficit budgétaire et de la dette souveraine. En conséquence, les trois États membres concernés très vulnérables aux spéculations sur les prêts des investisseurs internationaux. Ces mauvaises pratiques ont eu pour conséquence que les impôts payés par les citoyens ont servi à éviter que les grandes banques ne fassent faillite et ont ainsi creusé encore davantage les dettes souveraines.

    2.3.

    La crise mondiale qui a débuté en 2007-2008 a mis en lumière la faiblesse d’une monnaie encore jeune et a gravement affecté la zone euro (entre le troisième trimestre de 2011 et le premier de 2013). Si les premiers États membres affectés ne faisaient pas partie de cette zone, il n’en demeure pas moins que les perturbations ont été significatives lorsque l’on a commencé à percevoir les vulnérabilités de certains pays de la zone euro. Les États membres touchés ont dû prendre des décisions difficiles et recourir à l’argent des contribuables pour soutenir financièrement les banques et éviter leur effondrement. En effet, les banques avaient connu des difficultés après l’éclatement des bulles immobilières et financières qui s’étaient accumulées et avaient grossi au cours des années précédentes. Combinés avec des recettes réduites et des dépenses élevées en raison de la «grande récession», les niveaux de dette publique dans l’Union européenne ont augmenté de manière significative, passant d’une valeur moyenne de 70 % du PIB à 92 % en 2014 (1).

    2.4.

    Dans l’intervalle, les «agences de notation financière» ont attribué à la Grèce, à l’Irlande et au Portugal une note infamante, qui a conduit les investisseurs internationaux à relever les taux d’intérêt à des niveaux inabordables, empêchant ces États membres de financer leurs déficits budgétaires sur les marchés financiers. Pour éviter une situation de «faillite», ces États membres ont eu recours à l’Union européenne et ont sollicité des prêts à des taux d’intérêt plus accessibles pour financer leur fonctionnement de manière à couvrir au minimum les salaires dans la fonction publique et les prestations sociales. La Commission a sollicité l’aide du FMI, en raison de sa grande expérience dans ce domaine, en vue de la constitution d’un consortium (troïka) associant la Commission, la BCE et le FMI, qui a prêté à ces États membres les sommes nécessaires pour éviter qu’ils ne soient en défaut de paiement, ce qui a conduit ces derniers à accepter des «programmes d’ajustement économique, financier et budgétaire» poursuivant les objectifs généraux suivants:

    la réalisation de réformes structurelles visant à stimuler le potentiel de croissance, la création d’emplois, l’amélioration de la compétitivité et la réduction du déficit structurel (Il convient de noter que, durant la période considérée et en raison de la situation, le chômage a augmenté de manière exponentielle parallèlement à l’effondrement et à la faillite de milliers d’entreprises, à la suspension du dialogue social et à la révision du droit du travail, qui a porté préjudice à la main-d’œuvre.); un assainissement budgétaire au moyen de mesures structurelles et d’un contrôle plus efficace du budget,

    le désendettement du secteur financier et la recapitalisation des banques,

    la recapitalisation des banques s’est effectuée avec la garantie et l’engagement de la responsabilité des États concernés, contribuant ainsi à l’accroissement exponentiel de la dette souveraine.

    2.5.

    Ces mesures, généralement appelées «mesures d’austérité», ont eu un effet dévastateur sur les personnes qui étaient déjà aux prises avec l’augmentation du chômage et des niveaux élevés d’endettement, ainsi que sur les entreprises, en particulier les PME, qui allaient être pénalisées par une pénurie de crédit et une baisse très significative de l’activité économique. La troïka a fait preuve d’une totale indifférence à l’égard des conséquences dramatiques de ses politiques sur la réalité sociale et la structure des entreprises, qui ont touché plus durement les PME.

    2.6.

    Le CESE reconnaît que l’ampleur de la crise a en effet mis à rude épreuve la santé économique, sociale et aussi politique de l’Union européenne en général, et de l’union économique et monétaire (UEM) en particulier. Pour prévenir la crise, il s’est avéré évident qu’il ne faut pas seulement tenir compte des aspects quantitatifs de la croissance économique de l’État membre mais qu’il est également indispensable d’évaluer les aspects qualitatifs de cette croissance, en cernant les facteurs macroéconomiques qui fondent ou non la durabilité de cette dynamique (2). Si ce type de vérification avait été fait de manière efficace, la crise n’aurait pas pris une ampleur catastrophique dans ces États membres.

    3.   Brève description des événements qui ont conduit à l’intervention de la troïka au Portugal

    3.1.

    Malgré des tarifs et des droits de douane élevés et bien qu’il dispose de sa propre monnaie, ce qui permettait des dévaluations, le Portugal a connu entre 1974 et 1995 un déficit de sa balance commerciale qui s’élevait en moyenne à 9,1 % du PIB. Au cours de la période allant de 1996 à 2010, durant laquelle l’euro avait déjà été adopté, ce déficit a été en moyenne de 8,5 % du PIB. Eu égard à ces données, on ne saurait imputer à l’euro la responsabilité de la perte de compétitivité.

    3.2.

    La principale raison pour laquelle le Portugal a été confronté à une crise de la dette publique n’est donc pas la perte de compétitivité du secteur de l’exportation, mais bien le fait que l’adoption de l’euro a entraîné la suppression des stabilisateurs automatiques, qui aidaient à garder sous contrôle la dette extérieure nette ainsi qu’un équilibre du déficit budgétaire à des niveaux acceptables. L’explication des causes de la crise portugaise a conduit à envisager une autre recette pour y répondre au mieux, très différente de celle qui a été adoptée par la troïka (3).

    3.3.

    L’enveloppe financière de 78 milliards d’euros (environ 45 % du PIB) allouée au pays couvrait la période allant de 2011 à 2014 et était assortie de la promesse de sauvegarder la stabilité financière du Portugal, de la zone euro et de l’Union européenne. Le programme comportait 222 mesures, axées sur différents secteurs. Au cours de sa mise en œuvre, il a donné lieu à plusieurs révisions qui comportaient des mesures d’austérité encore plus sévères. Celles-ci étaient considérées comme faisant partie d’un plan de portée globale visant à réformer complètement le pays (4).

    4.   Brève description des événements qui ont conduit à l’intervention de la troïka en Irlande

    4.1.

    Au moment de l’adhésion à l’Union européenne, le revenu irlandais moyen s’élevait à 63 % de la moyenne de l’Union européenne. Il a augmenté pour atteindre, quelques années après, 125 %, pourcentage supérieur à la moyenne qu’il maintient encore aujourd’hui malgré la sévérité de la crise. L’âge d’or de la croissance économique a eu lieu entre 1994 et 2000, période au cours de laquelle le PIB a augmenté en moyenne de 9,1 % par an. Par contre, au cours de la période comprise entre 2008 et 2010, le PIB s’est effondré d’environ 13 % par an. La demande intérieure est tombée en chute libre à partir du début de l’année 2008. La politique d’austérité pratiquée du fait du programme d’ajustement financier a fait perdre une décennie (5).

    4.2.

    Dans les premières années d’existence de l’euro et jusqu’en 2007-2008, l’Irlande a connu une expansion immobilière, avec une hausse considérable des prix du secteur. L’expansion du crédit a été fortement concentrée sur le crédit immobilier spéculatif. Lorsque la crise financière a éclaté et que l’envolée des prix de l’immobilier a pris fin, les recettes fiscales ont connu une très nette chute étant donné qu’elles étaient étroitement liées à l’expansion immobilière. Il en est résulté une forte hausse du déficit avec, simultanément, des effets très néfastes sur le système financier, et les cours des plus grandes banques irlandaises se sont effondrés (6).

    4.3.

    Le 21 novembre 2010, l’Irlande est devenue le deuxième pays de la zone euro à demander une assistance financière. Le programme a consisté en un prêt de 85 milliards d’EUR, dont 35 milliards d’EUR destinés au système financier (7). Le 14 novembre 2013, l’Eurogroupe a conclu que le programme d’ajustement économique avait été un succès et que, par conséquent, l’Irlande était en mesure d’en sortir à la fin de l’année.

    5.   Brève description des événements qui ont conduit à l’intervention de la troïka en Grèce

    5.1.

    Entre 2001 et 2007, l’économie grecque était celle qui connaissait, après l’économie irlandaise, la croissance la plus rapide de la zone euro; entre 1994 et 2008, son PIB a connu une augmentation moyenne de 3,6 %. Pourtant, tout au long de ces années consécutives de croissance, les déséquilibres macroéconomiques et les failles structurelles du pays ont été aggravés par les faiblesses du système politique aux niveaux national et européen.

    5.2.

    Le taux d’épargne au niveau national de la Grèce a plongé d’environ 32 points de pourcentage entre 1974 et 2009, alimentant le déficit courant et l’accumulation d’une dette extérieure chroniquement élevée. La conjugaison d’un excès de dépenses publiques et d’une incapacité à garantir un niveau adéquat de recettes a eu pour résultat un creusement de la dette publique (8).

    5.3.

    En août 2015, un troisième programme de soutien à la stabilité a été accordé à la Grèce par l’intermédiaire d’un supplément au protocole d’accord détaillant les conditions politiques de l’octroi de l’aide. Il comportait une évaluation de l’impact social, conçue comme une manière d’alimenter le processus de négociation du côté de la Commission, mais aussi comme un manuel d’accompagnement et de suivi de la mise en œuvre du programme. Cette initiative faisait suite à l’insistance du président Jean-Claude Juncker et aux orientations qu’il a données en 2014, selon lesquelles «à l’avenir, tout programme de soutien et de réformes doit être assorti non seulement d’une analyse de la viabilité budgétaire, mais également d’une évaluation de l’impact social». Ces orientations visaient également à garantir que «les incidences sociales des réformes structurelles soient débattues en public». La Commission est pleinement consciente de la situation sociale en Grèce et voit dans son amélioration un élément essentiel pour parvenir à une croissance durable et inclusive (9).

    5.4.

    Par délibération du Conseil européen, le 15 juin 2017, un prêt supplémentaire a été accordé à la Grèce pour aider à la reprise économique, financière et sociale.

    6.   Les résultats macroéconomiques, sociaux et financiers obtenus à la suite du programme d’ajustement

    6.1.

    De manière générale, l’on peut affirmer que la seule réussite qui peut être attribuée aux «programmes d’ajustement» a été de permettre aux États membres (Irlande et Portugal) de sortir de la «procédure de déficit excessif» et d’obtenir à nouveau l’accès aux marchés financiers à des conditions de financement acceptables. La réduction du déficit budgétaire et l’augmentation des exportations ont contribué à l’amélioration du solde du compte courant extérieur (biens, services et capitaux); la croissance économique et l’emploi ont également enregistré des progrès. Tous les autres indicateurs continuent à témoigner de répercussions dramatiques sur le bien-être de la société et sous l’angle de la dégradation des facteurs macroéconomiques, qui vont perdurer pendant une très longue période. Une partie des dégâts causés seront irréversibles, notamment l’émigration de personnes hautement qualifiées et les effets négatifs qui s’ensuivent sur le potentiel de croissance en innovation et développement dans les pays d’origine, l’augmentation brutale de la pauvreté et l’accroissement des inégalités de revenus et d’accès aux soins de santé de base, ainsi que la baisse du bien-être général des populations (10).

    7.   Les enseignements tirés qui doivent déboucher sur des changements et des innovations dans les politiques européennes

    7.1.

    L’Union européenne (comme la zone euro) a montré qu’elle n’était absolument pas préparée à faire face à une crise financière dans ses États membres, ce qui l’a amené à adopter intégralement les propositions du FMI, plutôt que de les adapter aux valeurs et aux normes communes européennes de solidarité. Dans le cas de la Grèce, l’Union européenne a perdu un temps précieux avant de réagir au problème et ses suggestions initiales n’étaient ni claires ni définitives. Par exemple, le montant total du prêt nécessaire a été modifié à plusieurs reprises en raison des hésitations de la Commission, ce qui a permis aux marchés de spéculer et conduit à l’aggravation d’une situation déjà mauvaise.

    7.2.

    Les programmes d’ajustement économique, financier et budgétaire mis en œuvre en Grèce, en Irlande et au Portugal ont été élaborés par le FMI et ont été dictés en partie par la logique qu’il avait suivie lors des périodes de crise des années 1980 en Afrique et des années 1990 dans certains pays asiatiques, dans lesquels la dévaluation de la monnaie grâce au mécanisme de taux de change avait joué un rôle efficace pour préserver la croissance et soulager la balance des paiements, en vue de stabiliser la situation macroéconomique, particulièrement en matière d’assainissement budgétaire et de stabilisation de l’inflation, ainsi que de stimuler les exportations (1). La nouveauté, dans les cas de la Grèce, de l’Irlande et du Portugal, était que de tels programmes étaient mis en œuvre pour la première fois dans une zone de monnaie unique (sans recours à la dévaluation de la monnaie) et dans des pays faisant partie de l’Union européenne et de la zone euro. Dans le cas des États membres qui nous intéressent, où les objectifs visés étaient de corriger les déséquilibres budgétaires et extérieurs et de restaurer la confiance, le FMI a estimé qu’il était «nécessaire de procéder à une réorientation majeure de l’économie là où la croissance attendue du PIB est faible» (2). Ainsi, les programmes d’ajustement visaient à atteindre l’assainissement budgétaire au moyen de politiques d’austérité consistant principalement en des coupes drastiques dans les dépenses publiques et des mesures structurelles à long terme, telles que les réformes des impôts ainsi que des lois du travail et des revenus, destinées à réduire les déficits et à augmenter les recettes de l’État. Cette politique d’austérité a été mise en œuvre au moyen d’une «dégradation interne des composantes du modèle économique et social».

    7.3.

    L’évaluation générale des programmes du FMI effectuée par son bureau d’évaluation indépendant en juillet 2016 indique que, si la surveillance opérée avant la crise a permis de correctement cerner les problèmes rencontrés dans les trois pays, elle n’a pas permis de prévoir et de jauger avec justesse l’ampleur des risques, lesquels se sont révélés par la suite décisifs en ce qui concerne les répercussions négatives de ces programmes d’ajustement, contribuant ainsi à leurs résultats déséquilibrés. L’évaluation relève aussi des incohérences dans la coordination entre les partenaires de la troïka, en matière d’action et de conformité avec les instruments de la zone euro (Union économique et monétaire, pacte de stabilité et de croissance, procédure de déficit excessif et semestre européen), et ajoute par ailleurs que la composition des équipes de négociation et la répartition des responsabilités entre leurs membres n’ont pas été clairement définies et que les leçons tirées des crises passées n’ont pas toujours été prises en compte.

    7.3.1.

    Les mesures d’austérité ont conduit à un «cercle vicieux» où l’austérité a engendré de la récession et a été suivie de plus d’austérité encore, ce qui a conduit à une situation catastrophique marquée par la baisse du PIB, lequel est retombé aux niveaux enregistrés 10 ou 20 ans plus tôt, la réduction des dépenses et des investissements publics et privés et l’effondrement du système bancaire. Cela a entraîné la faillite du système de production (PME, entreprises familiales et travailleurs indépendants) et l’imposition de mesures d’une rigueur catastrophique à tous les niveaux de la protection sociale.

    7.4.

    L’élaboration des programmes d’assistance a en général souffert des lacunes et incohérences suivantes:

    la dimension structurelle de la crise a été négligée,

    le niveau d’endettement des entreprises et des ménages a été sous-estimé,

    le poids représenté par la demande intérieure dans la croissance et la création d’emplois a également été sous-estimé,

    la réforme de l’État a omis d’aborder des aspects structurels majeurs,

    la réforme structurelle de l’économie a été réduite à la dévaluation des facteurs de compétitivité interne» (salaires, augmentation du temps de travail, réforme restrictive du marché du travail, augmentation brutale des impôts, etc.),

    le laps de temps prévu pour la mise en œuvre des programmes a été trop court,

    il est extrêmement difficile d’atteindre à la fois un équilibre intérieur et extérieur, quand les deux volets présentent des déficits très élevés,

    les mesures d’assainissement budgétaire, mises en œuvre principalement du côté des dépenses, dans une situation de récession sévère, dans un contexte où le pays considéré ne dispose pas du mécanisme de la dévaluation de la monnaie et alors même que ses partenaires sont en train de faire exactement la même chose, n’ont réussi dans aucun pays du monde, à aucune époque de l’histoire. On s’accorde aujourd’hui à juger leurs effets récessifs à court terme et les cicatrices qu’elles laissent dans l’économie sont souvent permanentes,

    les multiplicateurs fiscaux inappropriés ont entraîné des erreurs grossières.

    7.5.

    Tout «programme d’ajustement» doit tenir compte de tous les aspects et dialogues politiques qui sont importants pour sa réussite, mais il doit aussi toujours inclure les «indicateurs de l’effet distributif» des mesures d’ajustement, en mettant particulièrement l’accent sur l’identification des conséquences sur la réalité sociale et les entreprises, aux niveaux les plus divers. Il doit recenser les mesures de compensation qui permettront, au moyen de programmes de relance, de pallier avec succès ces effets négatifs (par exemple: faillite des entreprises, augmentation du taux de chômage, réduction des salaires, augmentation de la pauvreté, émigration accrue) et d’éviter des situations sociales dramatiques, notamment l’émigration. Tous les secteurs doivent pouvoir s’en sortir et il ne devrait pas y avoir des secteurs gagnants et d’autres perdants, comme cela a été le cas avec les programmes mis en œuvre en Grèce, en Irlande et au Portugal.

    Bruxelles, le 14 février 2018.

    Le président du Comité économique et social européen

    Georges DASSIS


    (1)  Easterly 2002; FMI (2010) Greece Request for Stand By Arrangement (Demande par la Grèce d’un accord de confirmation); rapport par pays no 10/110, mai; Reflection paper on the deepening of the economic and monetary union (Document de réflexion sur l’approfondissement de l’union économique et monétaire), Commission européenne, 31 mai 2017.

    (2)  Voir l’avis du CESE sur les «Déséquilibres macroéconomiques» (JO C 218 du 23.7.2011, p. 53).

    (3)  ZBW — Leibniz Information Centre for Economics (Intereconomics 2013).

    (4)  ZBW — Leibniz Information Centre for Economics (Intereconomics 2013).

    (5)  ZBW — Leibniz Information Centre for Economics (Intereconomics 2013).

    (6)  Étude du CESE, L’impact des mesures anti-crise et la situation sociale et de l’emploi: Irlande, 2013.

    (7)  ZBW — Leibniz Information Centre for Economics (Intereconomics 2013).

    (8)  Étude du CESE: L’impact des mesures anti-crise et la situation sociale et de l’emploi: Grèce, 2013.

    (9)  Étude de l’unité d’assistance à la gouvernance économique (EGOV) du Parlement européen sur le thème The Troika and financial assistance in the euro area: successes and failures (La troïka et l’assistance financière à l’ère de l’euro: réussites et échecs), février 2014.

    (10)  Voir annexe 1 reprenant les principaux indicateurs statistiques.


    ANNEXE 1

    À titre de référence, veuillez prendre note des indicateurs de base suivants:

    Indicateurs de base

    Grèce

    Irlande

    Portugal

     

    2008

    2013

    2016

    2008

    2013

    2016

    2008

    2013

    2016

    Taux de chômage total

    8 %

    27,5  %

    23,4  %

    6,4  %

    13,1  %

    6,9  %

    7,8  %

    16,2  %

    10,5  %

    Taux de chômage des jeunes (15-24)

    22 %

    58,3  %

    48 %

    12,8  %

    27,5  %

    16 %

    16,5  %

    38,1  %

    28 %

    Taux de pauvreté

    28,7  %

    35,7  %

    36,4  %

    22,3  %

    30,5  %

    26 %

    19,7  %

    24 %

    23,1  %

    Croissance du PIB

    -0,3  %

    -3,2  %

    2,1  %

    -4,4  %

    1,1  %

    5,2  %

    0,2  %

    -1,1  %

    1,4  %

    Déficit budgétaire en % du PIB

    -7,7  %

    -6,1  %

    -1,2  %

    -7 %

    -7,2  %

    0,5  %

    -2,6  %

    -2,9  %

    -2,1  %

    Dette publique en % du PIB

    100 %

    177,9  %

    178,8  %

    42,4  %

    119,5  %

    75,4  %

    71,7  %

    129 %

    130,4  %

    Source: Eurostat.

    Les conséquences du programme d’austérité sur le plan social et les conséquences sur la structure des entreprises au Portugal

    Le revenu du travail a chuté de 12 % entre 2009 et 2014.

    La baisse des revenus était extrêmement inégale et dans une large mesure régressive, affectant principalement la «classe moyenne», les plus pauvres et les petites entreprises familiales.

    La baisse des revenus de 5 % en termes nominaux s’est avérée contracyclique par rapport à l’évolution enregistrée en Europe, où les revenus des ménages ont augmenté de 6,5 % (entre 2009 et 2013).

    L’inégalité a considérablement augmenté en raison de la baisse des salaires les plus bas et d’une augmentation significative de «l’emploi précaire», ce qui a entraîné une augmentation du nombre de travailleurs employés, mais pauvres.

    Avec l’aggravation de la pauvreté de revenu, le taux de pauvreté a augmenté de 1,8 %, passant de 17,7 % à 19,5 % et le nombre de pauvres atteignant les 2,02 millions en 2014.

    La détérioration des ressources de la population la plus pauvre a surtout affecté les plus vulnérables (les personnes âgées et les enfants).

    Au cours du programme d’ajustement, plus de 400 000 Portugais ont émigré, principalement des personnes possédant des qualifications scientifiques et techniques de haut niveau (1), et des milliers d’entreprises (principalement des PME et des entreprises familiales) ont déclaré faillite.

    Les conséquences du programme d’austérité sur le plan social et les conséquences sur la structure des entreprises en Irlande

    En 2009, le salaire minimum garanti a été réduit de 15 %, mais son niveau initial a été rétabli en 2011.

    L’ajustement des marchés domestique, de détail et de la construction a entraîné des pertes d’emplois importantes dans ces secteurs (2) à la suite de la faillite de milliers d’entreprises.

    Le taux de chômage est passé de 6,4 % en 2008 à 15 % en 2012, cette augmentation touchant principalement le chômage de longue durée et le chômage des jeunes, avec un taux comparable à celui des pays du sud de l’Europe (environ 30 %).

    À partir de 2008, l’émigration a rapidement augmenté (82 000 personnes rien qu’en 2012).

    Les prestations sociales ont été réduites d’environ 15 %.

    Outre les coupes budgétaires dans le secteur public et dans les prestations sociales, la stratégie a consisté à réduire le personnel dans le secteur public (santé, éducation, forces de l’ordre et fonction publique), au moyen de départs volontaires.

    En ce qui concerne le revenu net au décile inférieur, il a été réduit de 25 %.

    La proportion de citoyens menacés de pauvreté est passée à 15,8 % (environ 700 000 personnes, dont 220 000 enfants) (3).

    La paralysie complète des programmes de construction a créé une pénurie dans la disponibilité de logements, qui a duré pendant une décennie après l’effondrement. Les entreprises en lien avec le secteur, en particulier des PME, ont été durement touchées, ce qui a entraîné des conséquences très négatives pour les employeurs et les travailleurs.

    Les conséquences du programme d’austérité sur le plan social et les conséquences sur la structure des entreprises en Grèce

    La crise et les politiques anticrise mises en œuvre en Grèce ont eu des effets directs et secondaires qui ont eu une incidence négative sur les entreprises (faillite), l’emploi et la situation sociale. L’impact a été ressenti de manière inégale chez les travailleurs, les retraités, les contribuables et leurs familles:

    le taux de chômage, qui était de 13,5 % en octobre 2010, a atteint les 27,5 % en 2013,

    le chômage des jeunes se maintient aux alentours de 45,5 %,

    les pertes de revenus importantes sont liées aux taux élevés de chômage,

    les coupes claires effectuées dans les salaires et les retraites, conjuguées à des emplois à temps partiel, un surendettement et un niveau élevé d’imposition, ont réduit radicalement le revenu des ménages et partant, contribué à affaiblir le pouvoir d’achat et marginalisé des segments importants de la population,

    les organisations de la société civile ont été confrontées à de graves difficultés financières, ce qui les a empêchées de participer de manière suivie au dialogue social et civil, ou de relever de manière adéquate les défis posés. Cette situation peut affaiblir la «qualité» de la démocratie, étant donné qu’elle peut conduire à une sous-représentation des divers intérêts économiques et sociaux,

    les mécanismes de surveillance du marché offerts par la société civile se détériorent en raison du manque de ressources humaines et financières, ce qui conduit à des lacunes dans la protection d’un large éventail d’intérêts, ceux des consommateurs compris,

    le niveau de protection sociale, d’éducation et de santé a été considérablement abaissé à la suite des coupes budgétaires (4),

    la situation est encore dramatique en ce qui concerne l’accès à la santé, l’achat de médicaments et la protection sociale,

    les situations ont entraîné une aggravation des niveaux de pauvreté, laquelle touche plus de 20 % de la population, augmentant ainsi les inégalités.


    (1)  Desigualdade de rendimento e Pobreza em Portugal (Inégalités des revenus et pauvreté au Portugal) (FFMS, septembre 2016).

    (2)  Étude du CESE, L’impact des mesures anti-crise et la situation sociale et de l’emploi: Irlande, 2013.

    (3)  ZBW — Leibniz Information Centre for Economics (Intereconomics 2013).

    (4)  Étude du CESE, L’impact des mesures anti-crise et la situation sociale et de l’emploi: Grèce (2013).


    ANNEXE 2

    L’amendement suivant, bien qu’ayant obtenu plus d’un quart des votes, a été rejeté au cours des débats.

    Paragraphe 1.7.

    Modifier comme suit:

     

    La numérisation, la robotisation et l’intelligence artificielle (IA) sont en train d’introduire des mutations profondes dans l’économie, le marché du travail — avec notamment de nouvelles formes de travail —, ainsi que dans les qualifications et la société, en remettant en question ses structures, y compris les stabilisateurs automatiques, ce qui augmentera par conséquent, dans une proportion difficile à prévoir, le nombre des exclus. Le CESE invite la Commission à créer une «assurance chômage universelle de base à l’échelle européenne» en vue de répondre efficacement à ce défi et de garantir une protection sociale décente pour tous et accessible pendant toute la durée de la vie active (15-65 ans). En ce qui concerne la question de l’éradication de la pauvreté, la Commission devrait également mettre en place un «revenu minimal vital», en adoptant une approche et un objectif européens consistant à «ne laisser personne de côté».

    Exposé des motifs

    Sous cette forme, la proposition n’est pas réalisable, et ne relève pas non plus de la compétence de la Commission.

    Mis au vote, l’amendement a été rejeté par 74 voix pour, 129 voix contre et 13 abstentions.


    Top