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Document 62011TJ0346

Arrêt du Tribunal (première chambre) du 17 janvier 2013.
Bruno Gollnisch contre Parlement européen.
Privilèges et immunités – Membre du Parlement européen – Décision de lever l’immunité – Activité sans lien avec les fonctions de député – Procédure de levée de l’immunité – Décision de ne pas défendre les privilèges et immunités – Disparition de l’intérêt à agir – Non-lieu à statuer.
Affaires jointes T‑346/11 et T‑347/11.

Recueil – Recueil général

Identifiant ECLI: ECLI:EU:T:2013:23

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

17 janvier 2013 ( *1 )

«Privilèges et immunités — Membre du Parlement européen — Décision de lever l’immunité — Activité sans lien avec les fonctions de député — Procédure de levée de l’immunité — Décision de ne pas défendre les privilèges et immunités — Disparition de l’intérêt à agir — Non-lieu à statuer»

Dans les affaires jointes T‑346/11 et T‑347/11,

Bruno Gollnisch, demeurant à Limonest (France), représenté par Me G. Dubois, avocat,

partie requérante,

contre

Parlement européen, représenté par MM. R. Passos, D. Moore et Mme K. Zejdová, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet, d’une part, une demande d’annulation d’une décision de lever l’immunité du requérant, adoptée par le Parlement le 10 mai 2011, ainsi qu’une demande d’indemnisation du préjudice subi par celui-ci à cette occasion et, d’autre part, une demande d’annulation d’une décision de ne pas défendre l’immunité du requérant, adoptée par le Parlement le 10 mai 2011, ainsi qu’une demande d’indemnisation du préjudice subi par celui-ci à cette occasion,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de MM. J. Azizi, président, S. Frimodt Nielsen (rapporteur) et Mme M. Kancheva, juges,

greffier : Mme C. Kristensen, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 10 juillet 2012,

rend le présent

Arrêt

Cadre juridique

Protocole sur les privilèges et immunités

1

L’article 8 du protocole no 7 sur les privilèges et immunités de l’Union européenne (JO 2010, C 83, p. 266, ci-après le «protocole»), prévoit :

«Les membres du Parlement européen ne peuvent être recherchés, détenus ou poursuivis en raison des opinions ou votes émis par eux dans l’exercice de leurs fonctions.»

2

L’article 9 du protocole dispose :

«Pendant la durée des sessions du Parlement européen, les membres de celui-ci bénéficient :

a)

sur leur territoire national, des immunités reconnues aux membres du parlement de leur pays,

b)

sur le territoire de tout autre État membre, de l’exemption de toute mesure de détention et de toute poursuite judiciaire.

L’immunité les couvre également lorsqu’ils se rendent au lieu de réunion du Parlement européen ou en reviennent.

L’immunité ne peut être invoquée dans le cas de flagrant délit et ne peut non plus mettre obstacle au droit du Parlement européen de lever l’immunité d’un de ses membres.»

Règlement intérieur du Parlement

3

Aux termes de l’article 3, paragraphe 6, deuxième alinéa, du règlement intérieur du Parlement européen (ci-après le «règlement intérieur»), modifié à plusieurs reprises, dans sa version de mars 2011 (JO L 116, p. 1) applicable ratione temporis au litige :

«Lorsque les autorités compétentes des États membres entament une procédure susceptible d’aboutir à la déchéance du mandat d’un député, le [p]résident leur demande à être régulièrement informé de l’état de la procédure, et en saisit la [commission compétente pour la vérification des pouvoirs], sur proposition de laquelle le Parlement peut se prononcer.»

4

L’article 5, paragraphe 1, du règlement intérieur prévoit :

«Les députés jouissent des privilèges et immunités prévus par le [protocole].»

5

L’article 6 du règlement intérieur dispose :

«1.   Dans l’exercice de ses pouvoirs relatifs aux privilèges et aux immunités, le Parlement vise avant tout à conserver son intégrité en tant qu’assemblée législative démocratique et à assurer l’indépendance des députés dans l’accomplissement de leurs tâches.

2.   Toute demande adressée au [p]résident par une autorité compétente d’un État membre en vue de lever l’immunité d’un député est communiquée en séance plénière et renvoyée à la commission compétente.

3.   Toute demande adressée au [p]résident par un député ou un ancien député en vue de défendre l’immunité et les privilèges est communiquée en séance plénière et renvoyée à la commission compétente.

[...]

4.   Dans les cas où un député est arrêté ou privé de sa liberté de déplacement en violation supposée de ses privilèges et immunités, le [p]résident peut prendre d’urgence, après consultation du président et du rapporteur de la commission compétente, une initiative visant à confirmer les privilèges et immunités du député concerné. Le [p]résident communique son initiative à la commission et en informe le Parlement.»

6

L’article 7 du règlement intérieur dispose :

«1.   La commission compétente examine sans délai et dans l’ordre dans lequel elles ont été présentées les demandes de levée de l’immunité ou de défense de l’immunité et des privilèges.

2.   La commission présente une proposition de décision qui recommande l’adoption ou le rejet de la demande de levée de l’immunité ou de défense de l’immunité et des privilèges.

3.   La commission peut demander à l’autorité intéressée de lui fournir toutes informations et précisions qu’elle estime nécessaires pour déterminer s’il convient de lever ou de défendre l’immunité. Les députés concernés se voient offrir la possibilité de s’expliquer ; ils peuvent présenter autant de documents et d’éléments d’appréciation écrits qu’ils jugent pertinents. Chacun d’eux peut être représenté par un autre député.

[…]

6.   Dans les cas de défense d’un privilège ou d’une immunité, la commission précise si les circonstances constituent une entrave d’ordre administratif ou autre à la liberté de déplacement des députés se rendant au lieu de réunion du Parlement ou en revenant, d’une part, ou à l’expression d’une opinion ou d’un vote dans l’exercice de leur mandat, d’autre part, ou encore si elles sont assimilables aux aspects de l’article [9] du [protocole] qui ne relèvent pas du droit national, et présente une proposition invitant l’autorité concernée à tirer les conclusions qui s’imposent.

7.   La commission peut émettre un avis motivé sur la compétence de l’autorité en question et sur la recevabilité de la demande, mais ne se prononce en aucun cas sur la culpabilité ou la non-culpabilité du député ni sur l’opportunité ou non de le poursuivre au pénal pour les opinions ou actes qui lui sont imputés, même dans le cas où l’examen de la demande permet à la commission d’acquérir une connaissance approfondie de l’affaire.

8.   Le rapport de la commission est inscrit d’office en tête de l’ordre du jour de la première séance suivant son dépôt. Aucun amendement à la ou aux propositions de décision n’est recevable.

Le débat ne porte que sur les raisons qui militent pour et contre chacune des propositions de levée, de maintien ou de défense d’un privilège ou de l’immunité.

Sans préjudice des dispositions de l’article 151, le député dont les privilèges ou immunités font l’objet d’un examen ne peut intervenir dans le débat.

La ou les propositions de décision contenues dans le rapport sont mises aux voix à l’heure des votes qui suit le débat.

Après examen par le Parlement, il est procédé à un vote séparé sur chacune des propositions contenues dans le rapport. En cas de rejet d’une proposition, la décision contraire est réputée adoptée.

9.   Le [p]résident communique immédiatement la décision du Parlement au député concerné et à l’autorité compétente de l’État membre intéressé, en demandant à être informé du déroulement de la procédure et des décisions judiciaires en découlant. Dès que le [p]résident a reçu ces informations, il les communique au Parlement sous la forme qu’il juge la plus appropriée, le cas échéant après consultation de la commission compétente.

[…]

11.   La commission traite ces questions et examine tous les documents qu’elle reçoit en observant la plus grande confidentialité.

[…]».

7

Suivant l’article 24 du règlement intérieur :

«1.   La Conférence des présidents est composée du [p]résident du Parlement et des présidents des groupes politiques. Les présidents des groupes politiques peuvent se faire représenter par un autre membre de leur groupe.

2.   Le [p]résident du Parlement invite un des députés non inscrits aux réunions de la Conférence des présidents, auxquelles celui-ci participe sans droit de vote.

[…]»

8

Aux termes de l’article 103, paragraphe 4, du règlement intérieur :

«L’examen par la commission compétente des demandes relevant des procédures relatives à l’immunité, tel qu’il est prévu à l’article 7, a toujours lieu à huis clos.»

9

Par ailleurs, l’article 138 du règlement intérieur dispose :

«1.   Toute proposition […] de résolution non législative [adoptée] en commission alors que moins d’un dixième de ses membres a voté contre le texte [est inscrite] au projet d’ordre du jour du Parlement pour adoption sans amendement.

Ce point fait alors l’objet d’un vote unique, à moins que, avant que le projet définitif d’ordre du jour ne soit établi, des groupes politiques ou des députés à titre individuel représentant ensemble un dixième des membres du Parlement aient demandé par écrit l’autorisation de déposer des amendements, auquel cas le [p]résident fixe le délai de dépôt.

2.   Les points inscrits au projet définitif d’ordre du jour en vue d’un vote sans amendement ne font pas non plus l’objet d’un débat, sauf si le Parlement en décide autrement, lors de l’adoption de l’ordre du jour au début de la période de session, sur proposition de la Conférence des présidents ou à la demande d’un groupe politique ou de quarante députés au moins.

3.   Au moment où elle établit le projet définitif d’ordre du jour de la période de session, la Conférence des présidents peut proposer que d’autres points soient inscrits sans amendement ou sans débat. Lors de l’adoption de l’ordre du jour, le Parlement ne peut retenir de telles propositions si un groupe politique ou quarante députés au moins ont manifesté leur opposition par écrit une heure au moins avant l’ouverture de la période de session.

[…]»

10

L’article 151, paragraphe 1, du règlement intérieur prévoit :

«1.   Les députés demandant à intervenir pour un fait personnel sont entendus à la fin de la discussion du point de l’ordre du jour à l’examen ou au moment de l’adoption du procès-verbal de la séance à laquelle se rapporte la demande d’intervention.

Les orateurs ne peuvent s’exprimer sur le fond du débat. Ils peuvent uniquement réfuter soit des propos tenus au cours du débat et les concernant personnellement, soit des opinions qui leur sont prêtées ou encore rectifier leurs propres déclarations.»

Antécédents du litige

11

Le requérant, M. Bruno Gollnisch, est député au Parlement européen et conseiller régional de la Région Rhône-Alpes (France). Il est également président du groupe Front national au sein du Conseil régional de la Région Rhône-Alpes.

12

Le 3 octobre 2008, le groupe Front national de la Région Rhône-Alpes a rédigé un communiqué de presse intitulé «‘Affaire des fiches’ à la région : les Tartuffe s’insurgent».

13

Ce communiqué était rédigé dans les termes suivants :

«La Région Rhône-Alpes a réagi violemment à la demande des Renseignements généraux concernant l’existence d’éventuelles demandes d’aménagement d’horaires pour raison religieuse émanant de fonctionnaires non chrétiens. Le directeur général des services qualifie cette demande de ‘contraire à tous les principes républicains régissant l’organisation et le fonctionnement de la fonction publique dans notre pays’. [Q. (le président du Conseil régional de la Région Rhônes-Alpes)] trouve cette enquête choquante dans son principe. C’est très commode et très généreux, mais c’est oublier l’actualité et avoir la mémoire un peu courte. Oublier l’actualité, parce qu’il ne semble pas que ce soient des chrétiens qui ‘fêtent’ la fin d’une période de ‘jeûne’ (le jour, en se rattrapant allègrement la nuit) en cassant, brûlant, caillassant. Oublier l’actualité, parce que Romans n’a pas été mise à feu par des chrétiens. Avoir la mémoire courte, parce que le fichage de la fonction publique, en 1902, a été décidé dans un but ‘républicain’. Avoir la mémoire courte, parce que c’est le ‘Bloc des gauches’ qui était au pouvoir, avec le ‘petit père Combes’ et Waldeck-Rousseau. Avoir la mémoire courte, parce que les loges maçonniques, qui effectuaient la basse besogne, écrivaient allègrement sur les fiches ‘vit maritalement avec une femme arabe’, en toute bonne conscience. Il est vrai que la Gauche souhaitait à l’époque lutter contre les religions ! Or son but actuel est de soutenir l’invasion de notre Patrie et la destruction de notre culture et de nos valeurs par un islam dont on reconnaît facilement la tolérance, le respect des droits de l’homme et la liberté là où il est au pouvoir : Arabie Saoudite, Iran, Soudan, Afghanistan ... nos banlieues, et bientôt notre pays entier, avec la bénédiction des Loges et de la Gauche ?»

14

Lors d’une conférence de presse qui s’est tenue à Lyon (France) le 10 octobre 2008, le requérant a notamment confirmé que ce communiqué avait été rédigé par des personnes habilitées à s’exprimer au nom des élus du groupe politique qu’il préside au sein du Conseil régional.

15

À la suite d’une plainte de la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (LICRA), une information judiciaire a été ouverte par les autorités françaises en date du 22 janvier 2009 contre personne non dénommée pour provocation à la haine raciale.

16

Par lettre du 9 juin 2010 adressée au président du Parlement, le requérant a demandé à celui-ci d’«élever une vigoureuse protestation auprès des autorités françaises». Il indiquait dans cette lettre qu’un juge d’instruction de Lyon avait cherché à le faire arrêter par la police le 4 juin 2010 afin de le faire comparaître devant lui. Il précisait que cette «mesure de contrainte [était] interdite par la Constitution française (article 26) ainsi que par le Protocole sur les privilèges et immunités de 1965 (aujourd’hui article 9 du Protocole no 7 annexé au traité), dans la mesure où ce magistrat [n’avait] pas demandé la levée de [son] immunité parlementaire».

17

Le 14 juin 2010, le président du Parlement a annoncé, en séance plénière, qu’il avait reçu de la part du requérant une demande de défense de son immunité et, conformément à l’article 6, paragraphe 2, du règlement intérieur, il a renvoyé cette demande à la commission des affaires juridiques.

18

Par lettre du 25 octobre 2010, reçue par le Parlement le 3 novembre 2010, le ministre d’État, garde des Sceaux, ministre de la Justice et des Libertés de la République française a transmis au président du Parlement une demande de levée de l’immunité parlementaire du requérant, en vertu d’une requête du 14 septembre 2010 émanant du procureur général près la cour d’appel de Lyon, afin de poursuivre l’instruction de la plainte dirigée contre le requérant et permettre, le cas échéant, le renvoi de celui-ci devant les juridictions compétentes.

19

Le 24 novembre 2010, le président du Parlement a annoncé en séance plénière avoir reçu une demande de levée de l’immunité du requérant et, conformément à l’article 6, paragraphe 2, du règlement intérieur, il a renvoyé cette demande à la commission des affaires juridiques.

20

M. B. Rapkay a été nommé rapporteur pour les deux dossiers concernant le requérant, à savoir, d’une part, la levée de l’immunité de ce dernier ainsi que, d’autre part, la défense de son immunité.

21

Le requérant a été entendu par la commission des affaires juridiques du Parlement le 26 janvier 2011, en ce qui concerne tant la demande de défense de son immunité que la demande de levée de son immunité.

22

Le 11 avril 2011, la commission des affaires juridiques a adopté une proposition de décision du Parlement recommandant la levée de l’immunité du requérant ainsi qu’une proposition de décision recommandant de ne pas défendre l’immunité de celui-ci.

23

Lors de la séance plénière le 10 mai 2011, le Parlement a décidé de lever l’immunité du requérant et, simultanément, de ne pas défendre son immunité.

24

La décision de lever l’immunité du requérant est motivée de la manière suivante :

«A.

considérant qu’un procureur français a demandé la levée de l’immunité parlementaire de Bruno Gollnisch, député au Parlement [...], afin de donner suite à une plainte pour incitation présumée à la haine raciale et, le cas échéant, de pouvoir [le] traduire devant le tribunal de première instance, la cour d’appel et la Cour de cassation de la République française,

B.

considérant que la demande de levée de l’immunité de Bruno Gollnisch se rapporte à une infraction présumée d’incitation à la haine raciale suite à la publication, le 3 octobre 2008, d’un communiqué de presse du groupe du Front national de la Région Rhônes-Alpes, dont Bruno Gollnisch était président,

C.

considérant que, aux termes de l’article 9 du protocole sur les privilèges et immunités de l’Union européenne, pendant la durée des sessions du Parlement européen, les membres de celui-ci bénéficient, sur leur territoire national, des immunités reconnues aux membres du parlement de leur pays ; considérant que cette disposition ne fait pas obstacle au droit du Parlement européen de lever l’immunité d’un de ses députés,

D.

considérant que, aux termes de l’article 26 de la Constitution de la République française, ‘aucun membre du Parlement ne peut faire l’objet, en matière criminelle ou correctionnelle, d’une arrestation ou de toute autre mesure privative ou restrictive de liberté qu’avec l’autorisation du Bureau de l’assemblée dont il fait partie. Cette autorisation n’est pas requise en cas de crime ou délit flagrant ou de condamnation définitive’,

E.

considérant que, dans le cas présent, le Parlement n’a pas pu établir qu’il y avait fumus persecutionis, c’est-à-dire une présomption suffisamment sérieuse et précise que la procédure a été engagée dans l’intention de nuire à l’activité politique du député,

F.

considérant que la demande des autorités françaises ne se rapporte pas aux activités politiques de Bruno Gollnisch en sa qualité de député au Parlement [...], mais qu’elle concerne ses activités sur le plan purement régional et local, en sa qualité de conseiller régional de la Région Rhônes-Alpes, mandat dont [il] a été investi au suffrage universel direct et qui est distinct de celui de député au Parlement [...],

G.

considérant que Bruno Gollnisch a justifié la publication par son groupe politique au Conseil régional Rhônes-Alpes du communiqué de presse qui est à l’origine de la demande de levée de son immunité en précisant qu’il avait été écrit par l’équipe du Front national de la région, dont son responsable de la communication, qui était ‘habilité à s’exprimer au nom du groupe des élus du Front national’ ; considérant que l’application de l’immunité parlementaire dans un tel cas constituerait une extension injustifiée des dispositions qui ont pour but d’empêcher toute entrave au fonctionnement et à l’indépendance du Parlement,

H.

considérant qu’il n’appartient pas au Parlement, mais aux autorités judiciaires compétentes, de décider, dans le respect de toutes les garanties démocratiques, dans quelle mesure la loi française sur l’incitation à la haine raciale a été violée et quelles peuvent en être les suites judiciaires,

I.

considérant qu’il convient, par conséquent, de recommander la levée de l’immunité parlementaire dans le cas présent,

1.

décide de lever l’immunité de Bruno Gollnisch [...]»

25

Par ailleurs, la décision de ne pas défendre l’immunité du requérant comporte une motivation identique à celle de la décision de lever son immunité à l’exception, notamment, du considérant I et du dispositif de ladite décision qui sont rédigés comme suit :

«I.

[…] les autorités françaises ayant entre-temps demandé formellement la levée de son immunité pour appliquer lesdites mesures ultérieurement, il n’y a plus lieu de défendre l’immunité de Bruno Gollnisch à cet égard

[...]

1.

décide, à la lumière des considérations qui précèdent, de ne pas défendre l’immunité et les privilèges de Bruno Gollnisch [...]»

Procédure et conclusions des parties

26

Par requêtes déposées au greffe du Tribunal le 7 juillet 2011, le requérant a introduit les présents recours visant respectivement à obtenir l’annulation des décisions du Parlement de lever son immunité (affaire T‑346/11) et de ne pas défendre son immunité (affaire T‑347/11), ainsi qu’à obtenir l’indemnisation du préjudice moral qu’il prétend avoir subi.

27

Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (première chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure du Tribunal, a invité les parties à déposer certains documents et leur a posé par écrit des questions. Les parties ont déféré à cette demande.

28

Par ordonnance du président de la première chambre du Tribunal du 3 juillet 2012, les affaires T‑346/11 et T‑347/11 ont été jointes aux fins de la procédure écrite, de la procédure orale et de l’arrêt, conformément à l’article 50 du règlement de procédure.

29

Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 10 juillet 2012.

30

Dans l’affaire T‑346/11, le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

annuler la décision du Parlement de lever son immunité parlementaire, prise en date du 10 mai 2011 et portant adoption du rapport A7-0155/2011 de M. Rapkay ;

lui attribuer la somme de 8000 euros en réparation de son préjudice moral ;

lui attribuer la somme de 4000 euros au titre de frais exposés au titre de son conseil et de la préparation de son recours.

31

Le Parlement conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

rejeter le recours comme non fondé ;

condamner le requérant aux dépens.

32

Dans l’affaire T‑347/11, le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

annuler la décision du Parlement de ne pas défendre son immunité parlementaire, prise en date du 10 mai 2011 et portant adoption du rapport A7-0154/2011 de M. Rapkay ;

lui attribuer la somme de 8000 euros en réparation de son préjudice moral ;

lui attribuer la somme de 4000 euros au titre de frais exposés au titre de son conseil et de la préparation de son recours.

33

Le Parlement conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

rejeter le recours comme irrecevable ;

à titre subsidiaire, rejeter le recours comme non fondé ;

condamner le requérant aux dépens.

En droit

Observations liminaires

Sur le régime de l’immunité parlementaire établi par le protocole

34

Il y a lieu de rappeler que l’immunité parlementaire des députés au Parlement, telle que prévue aux articles 8 et 9 du protocole, comprend les deux formes de protection habituellement reconnues aux membres des parlements nationaux des États membres, à savoir l’immunité en raison des opinions et des votes exprimés dans l’exercice des fonctions parlementaires ainsi que l’inviolabilité parlementaire, comportant, en principe, une protection contre les poursuites judiciaires (arrêts de la Cour du 21 octobre 2008, Marra, C-200/07 et C-201/07, Rec. p. I-7929, point 24, et du 6 septembre 2011, Patriciello, C-163/10, Rec. p. I-7565, point 18).

35

L’article 8 du protocole, qui constitue une disposition spéciale applicable à toute procédure judiciaire pour laquelle le député au Parlement bénéficie de l’immunité en raison des opinions et des votes exprimés dans l’exercice des fonctions parlementaires, vise à protéger la libre expression et l’indépendance des députés au Parlement, de sorte qu’elle fait obstacle à toute procédure judiciaire en raison de tels opinions et votes (arrêt Patriciello, point 34 supra, point 26).

36

La Cour a rappelé que l’article 8 du protocole, eu égard à son objectif consistant à protéger la libre expression et l’indépendance des députés au Parlement et à son libellé, qui se réfère expressément, outre aux opinions, aux votes émis par lesdits députés, a essentiellement vocation à s’appliquer aux déclarations effectuées par ces derniers dans l’enceinte même du Parlement (arrêt Patriciello, point 34 supra, point 29).

37

La Cour a cependant précisé qu’il n’était pas exclu qu’une déclaration effectuée par de tels députés en dehors de cette enceinte puisse également constituer une opinion exprimée dans l’exercice de leurs fonctions au sens de l’article 8 du protocole, l’existence d’une telle opinion étant fonction non pas du lieu où une déclaration a été effectuée, mais bien de sa nature et de son contenu (arrêt Patriciello, point 34 supra, point 30).

38

En effet, en se référant aux opinions exprimées par les députés au Parlement, l’article 8 du protocole est étroitement lié à la liberté d’expression. Or, la liberté d’expression, en tant que fondement essentiel d’une société démocratique et pluraliste reflétant les valeurs sur lesquelles l’Union, conformément à l’article 2 TUE, est fondée, constitue un droit fondamental garanti par l’article 11 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (JO 2010, C 83, p. 389), laquelle, en vertu de l’article 6, paragraphe 1, TUE, a la même valeur juridique que les traités. Cette liberté est également consacrée à l’article 10 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (arrêt Patriciello, point 34 supra, point 31).

39

Dès lors, il y a lieu de considérer que la notion d’«opinion», au sens de l’article 8 du protocole, doit être comprise dans un sens large, comme recouvrant les propos ou les déclarations qui, par leur contenu, correspondent à des assertions constitutives d’appréciations subjectives (arrêt Patriciello, point 34 supra, point 32).

40

Il ressort également du libellé de l’article 8 du protocole que, pour être couverte par l’immunité, une opinion doit avoir été émise par un député au Parlement «dans l’exercice de [ses] fonctions», impliquant ainsi l’exigence d’un lien entre l’opinion exprimée et les fonctions parlementaires (arrêt Patriciello, point 34 supra, point 33).

41

S’agissant de déclarations d’un député au Parlement faisant l’objet de poursuites pénales dans son État membre d’origine, il y a lieu de constater que l’immunité prévue à l’article 8 du protocole est susceptible d’empêcher définitivement les autorités judiciaires et les juridictions nationales d’exercer leurs compétences respectives en matière de poursuites et de sanctions des infractions pénales dans le but d’assurer le respect de l’ordre public sur leur territoire et, corrélativement, de priver ainsi totalement les personnes lésées par ces déclarations de l’accès à la justice, y compris, le cas échéant, en vue d’obtenir devant les juridictions civiles la réparation du dommage subi (voir, en ce sens, arrêt Patriciello, point 34 supra, point 34).

42

Compte tenu de ces conséquences, le lien entre l’opinion exprimée et les fonctions parlementaires doit être direct et s’imposer avec évidence (arrêt Patriciello, point 34 supra, point 35).

43

Par ailleurs, l’article 9 du protocole prévoit que le député au Parlement jouit, sur son territoire national, des immunités reconnues aux membres du parlement de son pays.

44

La teneur de l’inviolabilité établie à l’article 9 du protocole s’analyse par renvoi aux dispositions nationales pertinentes (arrêts Marra, point 34 supra, point 25, et Patriciello, point 34 supra, point 25) et elle est par conséquent susceptible de varier selon l’État membre d’origine du député au Parlement.

45

En outre, l’inviolabilité du député peut être levée par le Parlement, conformément à l’article 9, troisième alinéa, du protocole, alors que l’immunité prévue à l’article 8 ne le peut pas (arrêt Patriciello, point 34 supra, point 27).

46

Ainsi, lorsqu’une demande de levée de l’immunité lui est transmise par une autorité nationale, il appartient tout d’abord au Parlement de vérifier si les faits à l’origine de la demande de levée sont susceptibles d’être couverts par l’article 8 du protocole, auquel cas une levée de l’immunité est impossible.

47

Si le Parlement aboutit à la conclusion que l’article 8 du protocole ne s’applique pas, il lui incombe ensuite de vérifier si le député au Parlement bénéficie de l’immunité prévue par l’article 9 du protocole pour les faits qui lui sont reprochés et, si tel est le cas, de décider s’il y a lieu ou non de lever cette immunité.

Sur la distinction qu’il convient d’opérer entre la levée de l’immunité et la défense de l’immunité au sens du protocole

48

Il convient tout d’abord d’observer que, si la levée de l’immunité d’un député au Parlement est expressément prévue à l’article 9 du protocole, il n’en va cependant pas de même de la défense de l’immunité de celui-ci, laquelle ne résulte que de l’article 6, paragraphe 3, du règlement intérieur du Parlement qui ne définit pas cette notion.

49

La Cour a jugé, en ce qui concerne l’article 8 du protocole, que le règlement intérieur est un acte d’organisation interne ne pouvant instituer au profit du Parlement des compétences qui ne sont pas expressément reconnues par un acte normatif, en l’occurrence par le protocole, et qu’il s’ensuit que, même si le Parlement, à la suite de la demande du député au Parlement concerné, adopte, sur le fondement du règlement intérieur, une décision de défense de l’immunité, celle-ci constitue un avis qui ne produit pas d’effets contraignants à l’égard des autorités juridictionnelles nationales (arrêt Marra, point 34 supra, point 39).

50

En outre, la circonstance que le droit d’un État membre prévoit une procédure de défense des membres du parlement national, permettant à celui-ci d’intervenir lorsque la juridiction nationale ne reconnaît pas cette immunité, n’implique pas la reconnaissance des mêmes pouvoirs au Parlement à l’égard des députés au Parlement provenant de cet État, dès lors que l’article 8 du protocole ne prévoit pas expressément une telle compétence du Parlement et ne renvoie pas aux règles de droit national (arrêt Marra, point 34 supra, point 40).

51

Il résulte de cette jurisprudence que doit être distinguée la notion de défense de l’immunité lorsqu’elle se fonde sur l’article 8 du protocole, ce dernier établissant une immunité absolue, dont le contenu est déterminé par le seul droit européen et qui ne peut être levée par le Parlement, ou sur l’article 9 du protocole, ce dernier renvoyant en revanche aux règles du droit national de l’État membre d’origine du député au Parlement quant à la teneur et à l’étendue de l’inviolabilité instaurée au bénéfice de celui-ci, cette inviolabilité pouvant, en outre, s’il y a lieu, être levée par le Parlement.

52

Dès lors que l’inviolabilité prévue à l’article 9 du protocole est de droit et que le député ne peut en être privé que si le Parlement l’a levée, la défense de l’immunité, dans le cadre des dispositions de l’article 9 du protocole, ne se conçoit que dans l’hypothèse où, en l’absence de demande de levée de l’immunité d’un député, l’inviolabilité, telle qu’elle résulte des dispositions du droit national de l’État membre d’origine du député au Parlement, est compromise, notamment, par l’action des autorités de police ou des autorités juridictionnelles de l’État membre d’origine dudit député.

53

Dans de telles circonstances, le député au Parlement pourra demander au Parlement de défendre son immunité, ainsi que le prévoit l’article 6, paragraphe 3, du règlement intérieur du Parlement.

54

Il s’ensuit qu’une décision du Parlement sur une demande de défense de l’immunité d’un député au Parlement ne se conçoit que pour autant qu’aucune demande de levée de cette immunité n’ait pas été transmise par les autorités nationales compétentes au Parlement.

55

La défense de l’immunité constitue ainsi une manière pour le Parlement de s’interposer, à la demande d’un député au Parlement, lorsque les autorités nationales violent ou s’apprêtent à violer l’immunité de l’un de ses membres.

56

En revanche, si une demande de levée de l’immunité est formée par les autorités nationales, le Parlement doit prendre la décision de lever ou de ne pas lever l’immunité. Dans un tel cas, la défense de l’immunité n’a plus de raison d’être, puisque soit le Parlement lève l’immunité et la défense de celle-ci ne se conçoit plus, soit il refuse de lever cette immunité et la défense de celle-ci est inutile, puisque les autorités nationales sont avisées que leur demande de levée a été rejetée par le Parlement et que l’immunité fait donc obstacle aux mesures que pourraient ou voudraient prendre ces dernières.

57

La défense de l’immunité est par conséquent privée de son objet lorsque intervient une demande de levée de l’immunité formée par les autorités nationales. Le Parlement n’est plus tenu d’agir de sa propre initiative en raison de l’absence d’une demande formelle de la part des autorités compétentes d’un État membre, mais il doit au contraire prendre une décision et, ainsi, donner une suite à une telle demande.

Sur l’exercice d’un droit de recours et sur la portée du contrôle exercé par le Tribunal dans un tel cadre

58

Si les privilèges et immunités reconnus à l’Union par le protocole revêtent un caractère fonctionnel en ce qu’ils visent à éviter qu’une entrave ne soit apportée au fonctionnement et à l’indépendance de l’Union, il n’en demeure pas moins qu’ils ont été expressément accordés aux membres du Parlement ainsi qu’aux fonctionnaires et autres agents des institutions de l’Union. Le fait que les privilèges et immunités sont prévus dans l’intérêt public de l’Union justifie le pouvoir donné aux institutions de lever, le cas échéant, l’immunité, mais ne signifie pas que ces privilèges et immunités soient accordés à l’Union exclusivement et non pas également à ses fonctionnaires, à ses autres agents et aux membres du Parlement. Le protocole crée donc un droit subjectif au profit des personnes visées, dont le respect est garanti par le système des voies de recours établi par le traité (voir arrêt du Tribunal du 19 mars 2010, Gollnisch/Parlement, T-42/06, Rec. p. II-1135, point 94, et la jurisprudence citée).

59

Il y a toutefois lieu de reconnaître au Parlement un très large pouvoir d’appréciation quant à l’orientation qu’il entend donner à une décision faisant suite à une demande de levée d’immunité ou de défense de l’immunité, en raison du caractère politique que revêt une telle décision (voir, en ce sens, arrêt Gollnisch/Parlement, point 58 supra, point 101).

60

L’exercice de ce pouvoir n’est toutefois pas soustrait à tout contrôle juridictionnel. En effet, il résulte d’une jurisprudence constante que, dans le cadre de ce contrôle, le juge de l’Union doit vérifier le respect des règles de procédure, l’exactitude matérielle des faits retenus par l’institution, l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation de ces faits ou l’absence de détournement de pouvoir (voir, par analogie, arrêts de la Cour du 25 janvier 1979, Racke, 98/78, Rec. p. 69, point 5, et du 22 octobre 1991, Nölle, C-16/90, Rec. p. I-5163, point 12).

61

Il y a lieu de rappeler que, aux fins de cet examen, la critique formulée contre l’exposé des motifs du rapport de la commission des affaires juridiques doit être considérée comme dirigée contre les motifs de la décision relative à la levée de l’immunité (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 15 octobre 2008, Mote/Parlement, T-345/05, Rec. p. II-2849, point 59, et Gollnisch/Parlement, point 58 supra, point 98).

62

C’est à la lumière des considérations qui précèdent qu’il convient d’examiner les présents recours.

Sur le recours en annulation dans l’affaire T‑346/11, relative à la levée de l’immunité du requérant

63

Le requérant avance six moyens à l’appui de son recours en annulation.

64

Il fait valoir, premièrement, la violation de l’article 9 du protocole, deuxièmement, une atteinte à la «jurisprudence constante» de la commission des affaires juridiques du Parlement, troisièmement, la violation des principes de sécurité juridique et de confiance légitime, quatrièmement, une atteinte à l’indépendance du député, cinquièmement, la violation des dispositions de l’article 3, paragraphe 4, deuxième alinéa du règlement intérieur, relatives à la procédure susceptible d’aboutir à la déchéance d’un député, et, sixièmement, la violation du principe du contradictoire et de ses droits de la défense.

65

Il convient d’examiner tout d’abord concomitamment les premier et quatrième moyens.

Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 9 du protocole, et sur le quatrième moyen, tiré de l’atteinte à l’indépendance du député

66

Le requérant fait valoir, à l’appui de son premier moyen, que le Parlement a commis une erreur de droit en levant son immunité au motif que les propos et opinions repris dans le communiqué de presse litigieux auraient été émis en dehors du cadre de son activité de député au Parlement. Il estime en effet que la liberté de débat politique et la liberté d’expression du député doivent être protégées, qu’elles soient ou non utilisées dans le cadre strict du Parlement, et que son immunité aurait par conséquent dû être défendue et non pas levée. Il considère en effet que l’article 9 du protocole concerne tous les actes accomplis en dehors de l’exercice de l’activité parlementaire stricto sensu, lesquels sont, pour leur part, couverts par l’immunité établie par l’article 8 du protocole. Le Parlement aurait par conséquent violé l’article 9 du protocole.

67

Le requérant soutient par ailleurs, à l’appui de son quatrième moyen, que le Parlement ne pouvait lever son immunité en décidant que celui-ci n’avait pas usé de sa liberté d’expression dans l’exercice de ses fonctions de député au Parlement. En effet, selon lui, aucun précédent, dans la pratique décisionnelle antérieure du Parlement, ne prévoit d’obligation, pour le député européen, de faire état de cette qualité afin de pouvoir bénéficier des privilèges et immunités qui sont attachés à son mandat lorsqu’il s’exprime en dehors des lieux de travail habituels de l’assemblée.

68

La liberté du débat politique aurait ainsi été méconnue et il en résulterait, selon le requérant, une violation de l’article 6, paragraphe 1, du règlement intérieur.

69

Le Parlement conteste ces allégations.

70

Il convient de relever que le Parlement a examiné la demande de levée de l’immunité du requérant au regard du seul article 9 du protocole, ce qui résulte tant de l’exposé des motifs du rapport de la commission des affaires juridiques que de la décision relative à la levée de son immunité.

71

Par ailleurs, le requérant reconnaît, dans ses écritures, que c’est à juste titre que le Parlement a considéré que la demande de levée de son immunité devait être examinée au seul regard de l’article 9 du protocole.

72

Le requérant a, en outre, confirmé, lors de l’audience, que, selon lui, l’article 8 du protocole ne s’appliquait pas en l’espèce.

73

Les parties s’accordent ainsi sur le fait que la demande de levée de l’immunité du requérant devait être examinée au regard des dispositions de l’article 9 du protocole.

74

À cet égard, il convient de préciser que, en l’espèce, les propos figurant dans le communiqué de presse litigieux qui sont reprochés au requérant concernent la manière par laquelle ont réagi le président et le directeur général des services du Conseil régional de la Région Rhônes-Alpes à une demande des renseignements généraux visant à obtenir des informations relatives à certains fonctionnaires.

75

Il est par ailleurs constant que ces propos ont été rédigés par le porte-parole du groupe Front National siégeant au Conseil régional de la Région Rhônes-Alpes, groupe politique présidé par le requérant qui est lui-même un membre élu dudit Conseil.

76

Il est également constant que, lors d’une conférence de presse qui s’est tenue à Lyon le 10 octobre 2008, le requérant a confirmé que ce communiqué avait été rédigé par des personnes habilitées à s’exprimer au nom des élus du groupe politique en cause au sein du Conseil régional.

77

Force est donc de constater que ces faits ont directement trait aux fonctions exercées par le requérant en sa qualité de conseiller régional et de président du groupe Front National au sein du Conseil régional de la Région Rhônes-Alpes. C’est, au demeurant, en raison de cette qualité, ainsi qu’il résulte des pièces du dossier de l’affaire, en particulier des annexes A6, A8 et A10 de la requête et de l’annexe B2 du mémoire en défense, qu’il est poursuivi par les autorités françaises.

78

Il n’y a par conséquent pas de lien entre les propos litigieux reprochés au requérant et les fonctions de celui-ci en tant que député au Parlement ni, a fortiori, de lien direct et s’imposant avec évidence entre les propos litigieux et la fonction de député au Parlement qui aurait pu justifier qu’il soit fait application de l’article 8 du protocole, tel qu’interprété par la Cour (voir point 42 ci-dessus).

79

C’est par conséquent à bon droit que le Parlement a considéré qu’il y avait lieu d’examiner la demande de levée de l’immunité du requérant au regard du seul article 9 du protocole et non de l’article 8 de celui-ci.

80

En application de l’article 9 du protocole, le requérant jouit, sur le territoire français, des immunités reconnues aux membres du parlement de ce pays, lesquelles sont déterminées par l’article 26 de la Constitution française.

81

En l’espèce, le requérant reproche au Parlement d’avoir levé son immunité au motif que les propos litigieux dont la responsabilité lui est imputée ont été émis en dehors du cadre de son activité de député au Parlement, alors que, selon lui, l’article 9 du protocole concerne tous les actes accomplis en dehors de l’exercice de l’activité parlementaire stricto sensu et a pour objet de protéger la liberté de débat politique et la liberté d’expression du député, qu’elles soient ou non utilisées dans le cadre strict du Parlement européen.

82

Il convient de rappeler que l’article 26 de la Constitution française prévoit :

«Aucun membre du Parlement ne peut être poursuivi, recherché, arrêté, détenu ou jugé à l’occasion des opinions ou votes émis par lui dans l’exercice de ses fonctions.

Aucun membre du Parlement ne peut faire l’objet, en matière criminelle ou correctionnelle, d’une arrestation ou de toute autre mesure privative ou restrictive de liberté qu’avec l’autorisation du Bureau de l’assemblée dont il fait partie. Cette autorisation n’est pas requise en cas de crime ou délit flagrant ou de condamnation définitive.

La détention, les mesures privatives ou restrictives de liberté ou la poursuite d’un membre du Parlement sont suspendues pour la durée de la session si l’assemblée dont il fait partie le requiert.

[…]»

83

Si le requérant ne précise pas s’il entend que lui soit appliquée l’immunité ou l’inviolabilité prévues par ces dispositions, il convient toutefois de considérer que, par son argumentation, il revendique en réalité le bénéfice de l’immunité prévue par l’article 26, premier alinéa, de la Constitution française, dans la mesure où il considère en effet qu’il ne saurait être poursuivi ou jugé à l’occasion des opinions émises par lui dans l’exercice de ses fonctions.

84

Pour pouvoir bénéficier des dispositions de l’article 26, premier alinéa, de la Constitution française, il faut donc, tout comme en ce qui concerne l’article 8 du protocole, que les opinions émises par le membre du Parlement l’aient été dans l’exercice de ses fonctions de député au Parlement, puisque c’est en cette qualité qu’il bénéficie, par le biais de l’article 9 du protocole, de l’immunité reconnue par la Constitution française.

85

Or, force est de constater que tel n’est pas le cas en l’espèce (voir points 74 à 78 ci-dessus).

86

Il s’ensuit que le Parlement n’a pas commis d’erreur en considérant :

«[… L]a demande des autorités françaises ne se rapporte pas aux activités politiques [du requérant] en sa qualité de député au Parlement [...], mais [...] elle concerne ses activités sur le plan purement régional et local, en sa qualité de conseiller régional de la Région Rhônes-Alpes, mandat dont [il] a été investi au suffrage universel direct et qui est distinct de celui de député au Parlement [...]»

87

Il s’ensuit également qu’il est sans incidence que le député au Parlement ait ou non fait état de sa qualité lorsqu’il a émis les propos litigieux, dès lors que cet élément n’entre pas en ligne de compte pour déterminer si lesdits propos ont été émis dans l’exercice des fonctions de l’intéressé.

88

Enfin, dans la mesure où l’argumentation avancée par le requérant consisterait à faire valoir qu’il a agi non pas dans l’exercice de ses fonctions de député au Parlement, mais seulement dans le cadre d’activités politiques qu’est susceptible d’avoir tout membre du Parlement en dehors desdites fonctions et que, partant, ce n’est pas l’article 26, premier alinéa, de la Constitution française qui s’appliquerait en l’espèce, mais bien l’article 26, deuxième ou troisième alinéa, de celle-ci, force est de constater que, au titre de l’article 26, troisième alinéa, de la Constitution française, les poursuites sont possibles à moins que le Parlement ne s’y oppose, ce qui signifie qu’elles ne nécessitent pas la levée de l’inviolabilité dont jouit le parlementaire.

89

En outre et pour autant que de besoin, il y a lieu de rappeler que l’article 9 du protocole prévoit expressément la possibilité, pour le Parlement, de lever l’immunité dont est susceptible de jouir le député au Parlement au titre de cette disposition.

90

Il ne saurait par conséquent être reproché au Parlement d’avoir estimé opportun, eu égard aux circonstances de l’espèce et à la demande formée par le ministre d’État, garde des Sceaux, ministre de la Justice et des Libertés de la République française de lever l’immunité du requérant résultant du protocole afin de permettre la poursuite de l’instruction menée par les autorités judiciaires françaises.

91

Pour terminer, pour autant que le requérant fasse valoir que le Parlement aurait pu lever son immunité dans un tel cas, mais qu’il ne le ferait habituellement pas au regard de sa pratique décisionnelle antérieure, cette argumentation se confond en substance avec celle avancée à l’appui des deuxième et troisième moyens à l’examen desquels il est renvoyé.

92

Il convient par conséquent de rejeter tant le premier que le quatrième moyen.

Sur les deuxième et troisième moyens, tirés, d’une part, de la violation de la «jurisprudence constante» de la commission des affaires juridiques du Parlement en matière de liberté d’expression et de fumus persecutionis et, d’autre part, de la violation des principes de sécurité juridique, de protection de la confiance légitime et d’égalité de traitement

93

Le requérant soutient, à l’appui de son deuxième moyen, que le Parlement a la faculté de créer ses propres principes, créant ainsi une «jurisprudence», notamment en matière d’immunité parlementaire, laquelle s’imposerait aux autres institutions.

94

Les délibérations du Parlement sur les demandes de levée d’immunité qui, au fil du temps, lui ont été soumises lui auraient en effet permis de dégager des principes généraux, consacrés dans la résolution adoptée par le Parlement lors de sa séance du 10 mars 1987 (JO C 99, p. 44), sur la base du rapport de M. Donnez clôturant la procédure de consultation du Parlement sur le projet de protocole portant sur la révision du protocole sur les privilèges et immunités des Communautés européennes en ce qui concerne les membres du Parlement (A2-121/86).

95

Le Parlement aurait de la sorte établi des principes visant à protéger les droits des députés au Parlement en refusant, dans une très large mesure, de lever leur immunité, notamment lorsqu’il s’agit de protéger leur liberté d’expression et, en particulier, lorsque les poursuites sont diligentées par leurs adversaires politiques ou par le pouvoir exécutif.

96

Les principes dégagés dans le cadre de cette «jurisprudence constante» se trouveraient résumés dans un document de la commission juridique et du marché intérieur du Parlement, intitulé «Communication aux membres no 11/2003», du 6 juin 2003 (ci-après la «communication no 11/2003»).

97

Le requérant soutient que les propos qui lui sont reprochés s’inscrivent clairement dans le cadre de son rôle de représentant du parti politique auquel il appartient et de président du groupe parlementaire régional de ce même parti, alors même qu’il est également député de ce parti au Parlement. Il s’ensuit, selon lui, qu’il ne saurait lui être refusé de définir ses propos comme étant directement liés à son activité politique. C’est dès lors, selon lui, avec une mauvaise foi manifeste que la commission des affaires juridiques a estimé qu’il avait tenu lesdits propos en dehors de l’exercice de ses fonctions de député au Parlement.

98

Il en résulterait, par voie de conséquence, une violation non seulement des principes en matière de liberté d’expression des députés évoqués ci-dessus, mais aussi du fumus persecutionis, dès lors que la procédure pénale trouve son origine dans la plainte avec constitution de partie civile déposée par la LICRA, qui fut et reste dirigée par des adversaires politiques déclarés du requérant, tant sur le plan local et régional qu’à l’intérieur du Parlement.

99

Par ailleurs, le requérant estime en substance que le comportement des autorités françaises, et notamment des autorités judiciaires, démontre également l’existence d’un tel fumus persecutionis.

100

Or, selon le requérant, les principes dégagés par le Parlement visent, dans une telle situation, à protéger le député d’une levée d’immunité.

101

Enfin, le requérant fait valoir en substance, à l’appui de son troisième moyen, que le Parlement, d’une part, en violant les principes et la «jurisprudence» qu’il a définis en matière de liberté d’expression et de fumus persecutionis, a violé les principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime et, d’autre part, en levant son immunité et en s’écartant de la sorte de sa «jurisprudence», a également violé le principe d’égalité de traitement qui s’impose entre les députés au Parlement.

102

Le Parlement conteste ces allégations.

103

Le requérant faisant valoir en substance, dans le cadre de son deuxième moyen, une violation de la «jurisprudence constante» du Parlement en matière d’immunité telle qu’elle résulte de la communication no 11/2003 et, dans le cadre de son troisième moyen, qu’en violant cette «jurisprudence constante» il en résulterait une violation des principes de sécurité, de confiance légitime et d’égalité de traitement, il convient d’examiner tout d’abord la nature juridique de la communication no 11/2003.

– Sur la nature juridique de la communication no 11/2003 et le contrôle exercé par le Tribunal

104

Il convient tout d’abord d’avoir égard à la communication no 11/2003, laquelle est rédigée comme suit :

«Le secrétariat [de la commission juridique et du marché intérieur] a rédigé le document en annexe à la demande de la commission. Il a identifié les cas où le Parlement a été saisi de demandes de levée d’immunité dans les affaires relatives à l’expression d’opinion depuis 1979 et essayé d’en extraire des principes communs, en tenant compte du vote final en séance plénière.

[…]

Bien que l’article [9], premier alinéa, sous a)[...], du [p]rotocole se réfère aux immunités reconnues aux membres du parlement national en question, le Parlement [...] a la faculté de créer ses propres principes, créant ainsi ce que l’on peut appeler une ‘jurisprudence’.

[…]

Les principes ou la jurisprudence dont il est question ci-dessus devraient avoir pour effet d’établir un concept cohérent de l’immunité parlementaire européenne lequel, en principe, devrait être indépendant des différentes pratiques en vigueur dans les parlements nationaux […] [Considérant] qu’il a été examiné si l’immunité existe dans le cadre de la législation nationale, le Parlement [...] applique des principes constants lorsqu’il s’agit de décider d’une levée d’immunité.

[…]

Principe no 2 : c’est un principe fondamental que, dans les cas où les actes dont est accusé le député entrent dans le cadre de son activité politique ou y sont directement liés, l’immunité ne sera pas levée.

Sont considérées comme expressions d’opinions couvertes par l’activité politique du député les manifestations (même à partir de la tribune réservée au public d’un parlement national), lors de réunions publiques, dans des publications politiques, dans la presse, dans un livre, à la télévision, en signant un tract politique et même dans un tribunal […] Le Parlement a même refusé de lever l’immunité concernant des accusations accessoires lorsque l’accusation principale était liée à l’expression d’une opinion politique.

Ce qui est présumé avoir été proféré ou écrit est largement dépourvu de pertinence, en particulier dans le cas où l’expression de l’opinion a trait à un autre politicien ou à l’objet du débat politique. Cela peut cependant faire l’objet de certaines notifications d’opposition :

[…]

3.

il est souvent indiqué dans les rapports que l’expression d’opinions ne peut constituer une incitation à la haine, une diffamation ou une violation des droits fondamentaux de la personne ou une attaque contre l’honneur ou la réputation de groupes ou d’individus. Néanmoins, il convient de dire que le Parlement a adopté avec constance une attitude très libérale en ce qui concerne l’expression d’opinions faites dans l’arène politique, observant que, dans l’arène politique, il est souvent difficile d’établir une distinction entre la polémique et la diffamation.

[…]

Le concept de fumus persecutionis, c’est-à-dire la présomption que les poursuites judiciaires à l’encontre d’un parlementaire sont entamées dans l’intention de porter atteinte à ses activités politiques, par exemple, si des dénonciations anonymes sont à l’origine de l’enquête ou lorsque la demande est introduite longtemps après les allégations. Par exemple, lorsque des poursuites en dommage[s] pour diffamation sont entamées par un adversaire politique, il est estimé que, en l’absence de preuve du contraire, elles doivent être considérées comme destinées à porter préjudice au parlementaire concerné et non à obtenir réparation des dommages. Le fumus persecutionis est présumable en particulier lorsque les poursuites sont engagées en ce qui concerne des faits anciens, pendant une campagne électorale, pour faire de l’accusé un exemple, etc.

Principe no 3 : lorsque les poursuites sont engagées par un adversaire politique, en l’absence de preuve du contraire, l’immunité ne sera pas levée dans la mesure où les poursuites doivent être considérées comme destinées à porter préjudice au parlementaire concerné et non à obtenir réparation des dommages. De même, lorsque les poursuites sont entamées dans des circonstances laissant à penser qu’elles n’ont été engagées que dans le but de nuire au député concerné.

[...]»

105

Il convient de reconnaître que c’est à bon droit que le Parlement fait valoir que ce document, rédigé par le secrétariat de la commission juridique et du marché intérieur, n’est pas un acte du Parlement et constitue uniquement une synthèse de la pratique décisionnelle antérieure de cette commission dans le domaine en cause.

106

Par ailleurs, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le droit de se prévaloir de la protection de la confiance légitime s’étend à tout particulier qui se trouve dans une situation de laquelle il ressort que l’administration communautaire, en lui fournissant des assurances précises, a fait naître chez lui des espérances fondées (arrêt de la Cour du 15 juillet 2004, Di Lenardo et Dilexport, C-37/02 et C-38/02, Rec. p. I-6911, point 70, et arrêt du Tribunal du 17 décembre 1998, Embassy Limousines & Services/Parlement, T-203/96, Rec. p. II-4239, point 74). Constituent de telles assurances, quelle que soit la forme sous laquelle ils sont communiqués, des renseignements précis, inconditionnels et concordants, émanant de sources autorisées et fiables (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 25 mai 2000, Kögler/Cour de justice, C-82/98 P, Rec. p. I-3855, point 33, et du Tribunal du 18 octobre 2011, Purvis/Parlement, T-439/09, Rec. p. II-7231, point 69). En revanche, nul ne peut invoquer une violation de ce principe en l’absence d’assurances précises que lui aurait fournies l’administration (arrêts de la Cour du 24 novembre 2005, Allemagne/Commission, C‑506/03, non publié au Recueil, point 58, et du 22 juin 2006, Belgique et Forum 187/Commission, C-182/03 et C-217/03, Rec. p. I-5479, point 147). De surcroît, seules des assurances conformes aux normes applicables peuvent fonder une confiance légitime (arrêts du Tribunal du 30 juin 2005, Branco/Commission, T-347/03, Rec. p. II-2555, point 102, et du 23 février 2006, Cementbouw Handel & Industrie/Commission, T-282/02, Rec. p. II-319, point 77).

107

Dès lors que la communication no 11/2003 n’est pas un acte du Parlement, mais constitue uniquement une synthèse de la pratique décisionnelle antérieure de la commission juridique et du marché intérieur, réalisée par le secrétariat général du Parlement dans le but de sensibiliser les députés au Parlement au regard de cette pratique décisionnelle, et qu’un tel document ne saurait par conséquent lier le Parlement, il s’ensuit qu’il ne saurait comporter des renseignements précis, inconditionnels et concordants, émanant de celui-ci, susceptibles de constituer des assurances précises de sa part sur la base desquelles des espérances fondées ont pu naître chez les députés au Parlement.

108

Il s’ensuit que, en tout état de cause, le requérant ne saurait faire valoir que le Parlement a méconnu le principe de confiance légitime en s’écartant d’un document qui n’est pas un acte du Parlement.

109

Il y a toutefois lieu de rappeler que les institutions sont tenues d’exercer leurs compétences en conformité avec les principes généraux du droit de l’Union, tels que le principe d’égalité de traitement et le principe de bonne administration et que, eu égard à ces principes, il leur appartient de prendre en considération les décisions déjà prises sur des demandes similaires et de s’interroger avec une attention particulière sur le point de savoir s’il y a lieu ou non de décider dans le même sens. En outre, les principes d’égalité de traitement et de bonne administration doivent se concilier avec le respect de la légalité (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C-51/10 P, Rec. p. I-1541, points 73 à 75, et la jurisprudence citée).

110

Il convient de rappeler, à cet égard, que le principe d’égalité de traitement s’oppose, notamment, à ce que des situations comparables soient traitées de manière différente, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir arrêts de la Cour du 16 décembre 2008, Arcelor Atlantique et Lorraine e.a., C-127/07, Rec. p. I-9895, point 23, et du 14 octobre 2010, Nuova Agricast et Cofra/Commission, C-67/09 P, Rec. p. I-9811, point 78, et la jurisprudence citée).

111

En outre, il résulte d’une jurisprudence constante que, parmi les garanties conférées par l’ordre juridique de l’Union dans les procédures administratives, figure notamment le principe de bonne administration, auquel se rattache l’obligation pour l’institution compétente d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce (arrêts de la Cour du 21 novembre 1991, Technische Universität München, C-269/90, Rec. p. I-5469, point 14, et du 29 mars 2012, Commission/Estonie, C‑505/09 P, point 95).

112

Il convient par conséquent de considérer que, par son moyen tiré de la violation de la «jurisprudence constante» du Parlement en matière d’immunité, le requérant entend faire valoir la violation des principes de bonne administration et d’égalité de traitement.

113

À supposer même que la communication no 11/2003 comporte des indications suffisamment précises sur l’attitude que les membres du Parlement peuvent attendre de la part de celui-ci lorsqu’il sera appelé à se prononcer sur l’immunité d’un député, au regard, en particulier, de la liberté d’expression et du fumus persecutionis, il y a lieu de considérer que le Parlement ne saurait s’en départir que si une motivation suffisante est apportée sur ce point.

114

Il convient de rappeler à cet égard que la motivation exigée à l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêts de la Cour du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C-367/95 P, Rec. p. I-1719, point 63 ; du 30 septembre 2003, Allemagne/Commission, C-301/96, Rec. p. I-9919, point 87, et du 22 juin 2004, Portugal/Commission, C-42/01, Rec. p. I-6079, point 66).

115

Enfin, s’agissant du principe de sécurité juridique, il ressort de la jurisprudence que ce principe constitue un principe fondamental du droit de l’Union qui exige, notamment, qu’une réglementation soit claire et précise, afin que les justiciables puissent connaître sans ambiguïté leurs droits et obligations et prendre leurs dispositions en conséquence. Cependant, dès lors qu’un certain degré d’incertitude quant au sens et à la portée d’une règle de droit est inhérent à celle-ci, il convient d’examiner si la règle de droit en cause souffre d’une ambiguïté telle qu’elle ferait obstacle à ce que les justiciables puissent lever avec une certitude suffisante des éventuels doutes sur la portée ou le sens de cette règle (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 14 avril 2005, Belgique/Commission, C-110/03, Rec. p. I-2801, points 30 et 31).

– Sur l’acte attaqué

116

Le requérant avance à l’appui de son deuxième moyen que le Parlement a méconnu sa pratique décisionnelle antérieure relative à l’appréciation des cas dans lesquels la liberté d’expression des députés est concernée et dans lesquels il existe une suspicion de fumus persecutionis.

117

En ce qui concerne tout d’abord la liberté d’expression, il résulte de la pratique décisionnelle du Parlement, suivant la communication no 11/2003, que la levée d’immunité peut être envisagée en particulier si les faits qui sont reprochés au député relèvent de l’incitation à la haine raciale.

118

Force est de constater, en l’espèce, que cette qualification des faits par les autorités compétentes a été relevée aux considérants A et B de l’acte attaqué :

«A.

considérant qu’un procureur français a demandé la levée de l’immunité parlementaire [du requérant], député au Parlement[...], afin de donner suite à une plainte pour incitation présumée à la haine raciale et, le cas échéant, de pouvoir [le] traduire devant le tribunal de première instance, la cour d’appel et la Cour de cassation de la République française ;

B.

considérant que la demande de levée de l’immunité [du requérant] se rapporte à une infraction présumée d’incitation à la haine raciale suite à la publication, le 3 octobre 2008, d’un communiqué de presse du groupe [...] Front national de la Région Rhônes-Alpes, dont [le requérant] était président».

119

Par ailleurs, en ce qui concerne le fumus persecutionis, il y a lieu de constater que les poursuites judiciaires à l’encontre du requérant n’ont pas été engagées par un adversaire politique, mais par une association habilitée par la loi française à poursuivre devant les tribunaux les paroles ou les écrits racistes ou antisémites en application de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse (Bulletin des Lois, 1881, no 637, p. 125), que ce ne sont pas des dénonciations anonymes qui sont à l’origine de l’enquête, que les poursuites engagées ne concernaient ni des faits anciens ni des faits commis pendant une campagne électorale et que rien ne permet d’établir, au vu des faits pris en considération par le Parlement et qui ne sont au demeurant pas contestés par le requérant, que les poursuites auraient manifestement visé à faire de ce dernier un exemple.

120

Aucun des critères identifiés dans le cadre de la pratique décisionnelle antérieure du Parlement et ayant pu conduire celui-ci à s’opposer, dans le passé, à une demande de levée de l’immunité n’est donc rencontré dans le cas d’espèce.

121

Le Parlement a dès lors relevé à bon escient ce qui suit dans la décision relative à la levée de l’immunité du requérant :

«[… D]ans le cas présent, le Parlement n’a pas pu établir qu’il y avait fumus persecutionis, c’est-à-dire une présomption suffisamment sérieuse et précise que la procédure a été engagée dans l’intention de nuire à l’activité politique du député [...]»

122

Il s’ensuit que, sur l’appréciation tant de la liberté d’expression que de l’existence d’un éventuel fumus persecutionis, l’obligation pour le Parlement d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce a été satisfaite et le requérant reste en défaut d’établir que le principe de bonne administration a été violé.

123

Il en va de même en ce qui concerne le principe d’égalité de traitement, le requérant restant en défaut de démontrer, au regard de la pratique décisionnelle antérieure du Parlement mise en lumière par la communication no 11/2003, qu’il aurait fait l’objet d’un traitement différent de celui qui est habituellement réservé aux députés au Parlement dans des situations comparables.

124

En outre, eu égard à la nature juridique de la communication no 11/2003, qui n’est pas un document du Parlement (voir points 107 et 108 ci-dessus), le requérant ne saurait utilement se prévaloir de la violation, par celui-ci, du principe de sécurité juridique pour s’être écarté de cette communication d’une manière inattendue pour lui, dès lors que cette communication, établie par le seul secrétariat général du Parlement, ne saurait par conséquent être considérée comme une réglementation au sens de la jurisprudence rappelée ci-dessus (point 115).

125

Enfin, il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que l’acte attaqué comporte une motivation suffisante à l’égard des deux points évoqués ci-dessus.

126

Les deuxième et troisième moyens doivent par conséquent être rejetés dans leur ensemble.

Sur le cinquième moyen, tiré de la méconnaissance des dispositions du règlement intérieur relatives à la procédure susceptible d’aboutir à la déchéance d’un député

127

Le requérant fait valoir en substance que les faits pour lesquels il est poursuivi sont susceptibles d’être sanctionnés, en droit français, par une peine complémentaire d’inéligibilité qui entraîne la déchéance des mandats électifs.

128

Or, le gouvernement français n’aurait pas respecté la procédure prévue à l’article 3, paragraphe 6, du règlement intérieur et aurait omis de mentionner, dans sa correspondance, que les poursuites diligentées contre le requérant pouvaient avoir pour conséquence la déchéance de son mandat de député.

129

En outre, selon le requérant, aucun organe du Parlement n’en a demandé compte au gouvernement français. Or, le président du Parlement aurait dû porter à la connaissance de la commission des affaires juridiques cet élément essentiel et celle-ci aurait pu en tenir compte, même si la condamnation du requérant à une telle peine complémentaire restait hautement improbable.

130

Il s’ensuit, selon lui, que l’omission de cette formalité substantielle vicie le rapport de la commission compétente et, par voie de conséquence, la décision relative à la levée de l’immunité du requérant.

131

Le Parlement conteste ces allégations.

132

Suivant une jurisprudence constante, le règlement intérieur d’une institution communautaire a pour objet d’organiser le fonctionnement interne des services dans l’intérêt d’une bonne administration. Il en résulte que les personnes physiques ou morales ne sauraient se prévaloir à l’appui d’un recours en annulation d’une prétendue violation de ces règles qui ne sont pas destinées à assurer la protection des particuliers (arrêt de la Cour du 7 mai 1991, Nakajima/Conseil, C-69/89, Rec. p. I-2069, points 49 et 50 ; voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 13 septembre 2007, Common Market Fertilizers/Commission, C-443/05 P, Rec. p. I-7209, points 144 et 145).

133

En outre, selon une jurisprudence constante, la violation d’une formalité substantielle peut entraîner l’annulation de la décision en cause s’il est établi que, en l’absence de cette irrégularité, ladite décision aurait pu avoir un contenu différent (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 29 octobre 1980, van Landewyck e.a./Commission, 209/78 à 215/78 et 218/78, Rec. p. 3125, point 47, et arrêt du Tribunal du 5 avril 2006, Degussa/Commission, T-279/02, Rec. p. II-897, point 416).

134

En l’espèce, le premier grief avancé par le requérant vise en substance à faire constater par le Tribunal que les autorités françaises ont manqué à l’obligation, qui résulterait pour elles de l’article 3, paragraphe 6, du règlement intérieur, d’informer le Parlement de l’existence d’une procédure susceptible d’aboutir à la déchéance du mandat du requérant.

135

Or, il y a lieu de constater que l’article 3, paragraphe 6, du règlement intérieur ne prévoit aucune obligation en ce sens à la charge des États membres.

136

En effet, l’article 3, paragraphe 6, du règlement intérieur prévoit que, lorsque les autorités compétentes des États membres entament une procédure susceptible d’aboutir à la déchéance du mandat d’un député, le président du Parlement leur demande d’être régulièrement informé de l’état de la procédure et saisit la commission compétente pour la vérification des pouvoirs, sur proposition de laquelle le Parlement peut se prononcer.

137

Les dispositions de cet article prévoient ainsi la procédure à suivre par le président du Parlement et non par les États membres. Au demeurant, il est en tout état de cause exclu qu’une quelconque obligation à la charge des États membres puisse être établie sur le fondement du règlement intérieur du Parlement.

138

Le premier grief doit par conséquent être écarté.

139

Le second grief est tiré de ce qu’aucun organe du Parlement, à commencer par son président, n’a reproché aux autorités françaises de ne pas avoir informé le Parlement du fait que le requérant encourait une déchéance de son mandat, alors que le président aurait dû attirer l’attention de la commission compétente sur ce manquement qui aurait pu être pris en compte par cette même commission lors de l’adoption de la décision relative à la levée de son immunité.

140

Or, il y a lieu de constater que l’article 3, paragraphe 6, du règlement intérieur, qui ne comporte pas de règles destinées à assurer la protection des particuliers, vise uniquement, ainsi que le fait valoir le Parlement, à permettre à celui-ci d’être tenu informé des suites réservées par les autorités nationales à une procédure susceptible d’aboutir à la déchéance d’un député et au remplacement éventuel de celui-ci.

141

Il s’agit en ce sens d’une disposition qui a pour objet d’assurer le bon fonctionnement interne du Parlement et qui ne constitue donc pas une formalité substantielle de la procédure de levée de l’immunité d’un député.

142

Il s’ensuit que le second grief doit, lui aussi, être écarté.

143

Le cinquième moyen doit par conséquent être rejeté dans son ensemble.

Sur le sixième moyen, tiré de la violation du principe du contradictoire et des droits de la défense

144

Le requérant soutient que le fait qu’il n’a pas eu la possibilité de se défendre lors du vote en séance plénière sur la décision relative à la levée de son immunité et qu’une demande qu’il a présentée en ce sens au président du Parlement européen a été rejetée constitue une violation du principe du contradictoire et des droits de la défense.

145

Il reconnaît que, certes, l’article 7, paragraphe 8, troisième alinéa, du règlement intérieur prévoit que, sans préjudice des dispositions de l’article 151, le député dont les privilèges ou immunités font l’objet d’un examen ne peut intervenir dans le débat.

146

Il soulève toutefois une exception d’illégalité à l’encontre de cette disposition, en faisant valoir sa contradiction avec le respect des droits de la défense et, en particulier, du droit d’être entendu.

147

À cet égard, premièrement, il fait valoir qu’il ne saurait être considéré que ses droits de la défense ont été respectés du seul fait qu’il a été entendu, à huis clos, devant la commission des affaires juridiques, alors même que le sens du rapport préparé par le rapporteur n’était pas connu.

148

Deuxièmement, le requérant observe que les procès-verbaux des réunions de commission ne mentionnent pas les noms des députés effectivement présents lors de son audition, mais seulement la liste d’émargement. Or, selon lui, nombre de députés ayant signé cette liste n’étaient plus présents lors de son audition.

149

Troisièmement, il allègue que plusieurs députés ayant participé au vote du rapport n’étaient pas présents lors de son audition. Or, il est communément admis, dans le cadre d’une procédure disciplinaire, judiciaire ou administrative, que ne peuvent prendre une décision que ceux qui ont entendu l’intéressé, ce qui suppose que les mêmes personnes participent à la fois à l’audition de l’intéressé et à l’adoption de la décision le concernant.

150

Quatrièmement, ce refus de l’entendre serait également en contradiction avec la plupart des usages parlementaires et, en particulier, avec l’article 80, paragraphe 7, du règlement de l’Assemblée nationale française, qui prévoit que le député prendra part aux débats dans le cadre de l’examen de la demande de levée d’immunité le concernant.

151

Cinquièmement, le requérant fait valoir que le Parlement a de surcroît écarté toute possibilité de débat en recourant à une procédure simplifiée sans débat pour l’adoption des textes n’ayant pas fait l’objet d’amendements, conformément à l’article 138, paragraphe 2, du règlement intérieur. Or, cette disposition à caractère général ne saurait s’appliquer, selon lui, dès lors que les dispositions particulières de l’article 7, paragraphe 8, du règlement intérieur, applicables en matière d’immunité, prévoient pour leur part la tenue d’un débat.

152

Enfin, sixièmement, les propositions d’adoption d’un acte avec ou sans débat sont examinées par la conférence des présidents des groupes politiques. Or, selon le requérant, dans le cadre de cette conférence, les députés non inscrits n’ont pas de représentant élu et ne disposent que d’un représentant nommé qui n’a pas voix délibérative, de sorte qu’il ne peut exiger la tenue d’un débat, ce qui constitue, selon lui, un nouveau cas de discrimination des députés non inscrits, à l’instar de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du Tribunal du 2 octobre 2001, Martinez e.a./Parlement (T-222/99, T-327/99 et T-329/99, Rec. p. II-2823).

153

Il convient de préciser que, lors de l’audience, le requérant a indiqué que son moyen portait uniquement sur l’absence de garanties offertes par les procédures internes du Parlement lors de l’examen d’une demande de levée de l’immunité, à savoir le débat contradictoire et le respect des droits de la défense, mais qu’il ne soutenait toutefois pas que, en l’espèce, ces procédures internes auraient été violées.

154

Le Parlement conteste ces allégations.

155

L’argumentation du requérant, telle qu’il l’a précisée lors de l’audience, consiste en substance à soutenir qu’il souhaitait prendre la parole en séance plénière pour se défendre et que ce droit lui a été refusé parce que l’application combinée des dispositions de l’article 7, paragraphe 8, et de l’article 138, paragraphe 2, du règlement intérieur a empêché la tenue du débat et le fait qu’il y prenne la parole.

156

Le requérant estime en effet que le recours à l’article 138, paragraphe 2, du règlement intérieur a empêché la tenue d’un débat pourtant prévu par l’article 7, paragraphe 8, dudit règlement et que l’application de l’article 7, paragraphe 8, du règlement intérieur empêche en outre le député de s’exprimer lorsqu’un tel débat a lieu.

157

S’il reconnaît que, certes, le Parlement s’est conformé aux dispositions de son règlement intérieur, le requérant conteste en revanche la légalité d’un tel dispositif, dans la mesure où il considère qu’il est contraire tant au respect des droits de la défense qu’au principe du contradictoire.

158

Il convient par conséquent d’examiner, premièrement, si un débat devait avoir lieu en séance plénière, deuxièmement, si, dans l’affirmative, le requérant pouvait s’y voir refuser la parole et, par conséquent, si les dispositions de l’article 7, paragraphe 8, du règlement intérieur sont à cet égard illégales et, enfin, troisièmement, si les autres griefs relatifs à la procédure suivie par le Parlement remettent en cause la légalité du déroulement de celle-ci.

– Sur la tenue d’un débat en séance plénière

159

À titre liminaire, il y a lieu de relever que le requérant ne remet pas en cause l’article 7, paragraphe 8, du règlement intérieur en ce qu’il prévoit la tenue d’un débat, mais exclusivement en ce qu’il prévoit que, au cours de ce débat, le député concerné ne peut prendre la parole.

160

Premièrement, il convient donc d’examiner s’il est permis d’appliquer les dispositions de l’article 138, paragraphe 2, du règlement intérieur, qui prévoit une procédure simplifiée sans débat et sans amendement en séance plénière, dans le cadre de l’adoption, lors de celle-ci, d’une décision relative à l’immunité d’un député.

161

L’article 138, paragraphe 2, du règlement intérieur prévoit que, lorsqu’une proposition de résolution non législative a été adoptée en commission alors que moins d’un dixième des membres de ladite commission a voté contre le texte, elle est inscrite à l’ordre du jour pour adoption sans amendement et sans débat, sauf s’il est décidé autrement sur proposition de la conférence des présidents ou à la demande d’un groupe politique ou de 40 députés au moins.

162

En premier lieu, il convient de considérer que, ainsi que le fait valoir le Parlement, la notion de «proposition de résolution non législative», par opposition à celle de «proposition d’acte législatif» au sens de l’article 138, paragraphe 1, du règlement intérieur, inclut la notion de «proposition de décision» au sens de l’article 7, paragraphe 2, du règlement intérieur, cette interprétation n’étant au demeurant pas contestée par le requérant.

163

En deuxième lieu, il convient de relever que ce n’est qu’au terme d’un débat en commission, et pour autant qu’une minorité de moins d’un dixième de ses membres ait voté contre le texte au sein de celle-ci, que le règlement intérieur prévoit que la procédure qui sera ensuite suivie de plein droit est la procédure sans débat et sans amendement prévue à l’article 138 du règlement intérieur, et ce pour des raisons d’économie de procédure.

164

En troisième lieu, il y a lieu de souligner que le règlement intérieur a néanmoins prévu des mécanismes de sauvegarde, permettant la tenue d’un débat en séance plénière, en dépit du résultat du vote en commission, sur proposition de la conférence des présidents ou à la demande d’un groupe politique ou encore de 40 députés au moins.

165

La possibilité de tenir un débat en séance plénière n’est donc aucunement exclue, même lorsque les dispositions de l’article 138, paragraphe 2, conduisent à inscrire un point à l’ordre du jour de la séance plénière en vue d’un vote sans débat et sans amendement.

166

En quatrième lieu, l’article 7, paragraphe 8, du règlement intérieur n’impose pas la tenue d’un débat en séance plénière, mais il se borne à prévoir les conditions dans lesquelles ce débat se déroulera s’il a lieu, en l’occurrence sous la forme d’un débat limité aux raisons qui militent pour et contre la proposition de lever ou non l’immunité d’un député et qui ne peut en outre conduire au dépôt d’aucun amendement.

167

Il s’ensuit que ces dispositions n’excluent nullement que, lorsque la proposition de décision a été adoptée en commission et qu’une minorité de moins d’un dixième des membres de celle-ci a voté contre le texte, le point soit inscrit de plein droit à l’ordre du jour de la séance plénière en vue d’un vote sans débat et sans amendement, conformément à l’article 138, paragraphe 2, du règlement intérieur.

168

L’article 7, paragraphe 8, ne constitue dès lors pas une lex specialis à laquelle l’article 138, paragraphe 2, ne permettrait pas de déroger, mais ces deux dispositions présentent, au contraire, un rapport de complémentarité procédurale destinée à faciliter les travaux du Parlement lors de la séance plénière lorsque seule une minorité très faible s’est exprimée contre la proposition adoptée par la commission compétente, voire lorsque aucune minorité ne s’est exprimée contre cette proposition.

169

Au demeurant, il convient de préciser que le Parlement a indiqué, sans être contredit par le requérant, que la procédure sans débat prévue à l’article 138, paragraphe 2, du règlement intérieur était celle qui était habituellement suivie par le Parlement en ce qui concernait les décisions relatives aux demandes de levée d’immunité et qu’un débat en séance plénière, tel qu’il était prévu par l’article 7, paragraphe 8, n’intervenait qu’exceptionnellement, dès lors que c’était uniquement le résultat du vote au sein de la commission compétente qui déterminait si l’article 138, paragraphe 2, s’appliquait.

170

En outre, d’une part, il convient de constater que, en l’espèce, le point a été inscrit à l’ordre du jour de la séance plénière en vue d’un vote sans amendement et sans débat, dans la mesure où la proposition de décision avait été adoptée en commission alors qu’une minorité de moins d’un dixième de ses membres avait voté contre le texte au sein de celle-ci. D’autre part, il y a lieu de constater, ce que le requérant ne conteste pas, que ni la conférence des présidents, ni un groupe politique, ni même 40 députés ne se sont exprimés afin que se tienne un débat concernant la décision de lever l’immunité de celui-ci.

171

Il convient par conséquent de considérer que c’est à bon droit que le Parlement a appliqué la procédure sans amendement et sans débat de l’article 138 du règlement intérieur.

172

Par conséquent et en conclusion, pour autant que le requérant fasse toujours valoir l’existence d’un détournement de procédure, nonobstant les précisions apportées à la formulation de ses griefs lors de l’audience, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, il n’y a détournement de pouvoir, dont le détournement de procédure n’est qu’une forme, que s’il apparaît, sur la base d’indices objectifs, pertinents et concordants, que l’acte attaqué a été pris dans le but exclusif, ou tout au moins déterminant, d’atteindre des fins autres que celles excipées ou d’éluder une procédure spécialement prévue par le traité pour parer aux circonstances de l’espèce (arrêts de la Cour du 10 mars 2005, Espagne/Conseil, C-342/03, Rec. p. I-1975, point 64, et du 7 septembre 2006, Espagne/Conseil, C-310/04, Rec. p. I-7285, point 69).

173

Dès lors que c’est de plein droit, en application de l’article 138, paragraphe 2, du règlement intérieur, que le point en cause a, en l’espèce, été inscrit à l’ordre du jour de la séance plénière en vue d’un vote sans amendement et sans débat, dans la mesure où la proposition de décision avait été adoptée en commission, alors que, tout au plus, une minorité de moins d’un dixième de ses membres avait voté contre le texte au sein de celle-ci, il n’existe en l’espèce aucun indice objectif et pertinent que l’acte attaqué aurait été adopté d’une manière visant à éluder une procédure spécialement prévue à cet effet.

174

Deuxièmement, il convient d’examiner si, comme le soutient le requérant, en dépit de la régularité de la procédure suivie par le Parlement, les principes généraux relatifs au respect des droits de la défense et du contradictoire s’opposent au dispositif procédural d’adoption d’une décision de lever l’immunité d’un député tel qu’il est établi par le règlement intérieur du Parlement.

175

Il convient à cet égard de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le respect des droits de la défense, et notamment du droit d’être entendu, dans toute procédure ouverte à l’encontre d’une personne et susceptible d’aboutir à un acte faisant grief à celle-ci constitue un principe fondamental du droit de l’Union et doit être assuré, même en l’absence de toute réglementation concernant la procédure en cause (arrêts de la Cour du 9 novembre 2006, Commission/De Bry, C-344/05 P, Rec. p. I-10915, point 37, et du Tribunal du 14 octobre 2009, Bank Melli Iran/Conseil, T-390/08, Rec. p. II-3967, point 91). Ce principe a d’ailleurs été consacré par l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la charte des droits fondamentaux.

176

En vertu de ce principe, l’intéressé doit avoir eu la possibilité, préalablement à l’adoption de la décision le concernant, de faire valoir utilement son point de vue sur la réalité et la pertinence des faits et circonstances sur la base desquels cette décision a été adoptée (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 15 juillet 1970, Buchler/Commission, 44/69, Rec. p. 733, point 9, et du 3 octobre 2000, Industrie des poudres sphériques/Conseil, C-458/98 P, Rec. p. I-8147, point 99).

177

Il s’ensuit que, conformément à ces principes, une décision ne saurait être adoptée sur le fondement d’éléments de fait et de circonstances sur lesquels l’intéressé n’aurait pas été en mesure de faire utilement valoir son point de vue avant l’adoption de cette décision.

178

Le droit d’être entendu n’implique toutefois pas nécessairement la tenue d’un débat public dans toute procédure ouverte à l’encontre d’une personne et susceptible d’aboutir à un acte faisant grief à celle-ci.

179

Le respect des droits de la défense et du contradictoire n’implique par conséquent pas que l’adoption, par le Parlement, d’une décision concernant la levée de l’immunité d’un député soit nécessairement précédée d’un débat en séance plénière.

180

Le requérant n’établit au demeurant pas qu’un tel principe prévaudrait largement dans le droit des États membres, ni même en droit français.

181

C’est en effet sans être contredit par le requérant que le Parlement a avancé, lors de l’audience, que, en France, depuis 1995, c’est au bureau de l’assemblée dont fait partie le député qu’il appartient de prendre une décision relative à la levée de l’immunité de celui-ci et non plus à l’assemblée siégeant en formation plénière.

182

Il convient en revanche d’avoir égard à l’article 7, paragraphe 3, du règlement intérieur, qui prévoit que le député concerné par une demande de levée de son immunité se voit offrir la possibilité de s’expliquer et qu’il peut présenter autant de documents et d’éléments d’appréciation écrits qu’il juge pertinents. Il peut en outre être représenté par un autre député.

183

Des garanties suffisantes, au regard des droits de la défense et du principe du contradictoire, sont ainsi conférées à l’intéressé dans le cadre de la procédure établie par le Parlement afin de traiter les demandes de levée de l’immunité des députés.

184

C’est par conséquent à tort que le requérant fait valoir que le principe du respect des droits de la défense et du contradictoire s’opposerait au dispositif procédural en vigueur devant le Parlement dans le cadre du règlement intérieur, en vertu des articles 7 et 138 de celui-ci, en vue du traitement des demandes de levée de l’immunité.

185

De surcroît, en l’espèce, il y a lieu de constater que le requérant ne conteste pas avoir été entendu devant la commission des affaires juridiques avant que celle-ci n’adopte sa proposition de décision.

186

En outre, le requérant reste en défaut d’établir quels éléments de fait ou quelles circonstances auraient été pris en compte par la commission des affaires juridiques ou par le Parlement et sur lesquels il n’aurait pas été en mesure de faire valoir son point de vue avant l’adoption de la décision relative à la levée de son immunité.

187

De plus, il résulte des motifs de la décision relative à la levée de l’immunité du requérant que le Parlement a répondu aux deux principaux arguments que celui-ci fait à nouveau valoir devant le Tribunal, à savoir qu’il aurait agi dans l’exercice de ses fonctions et qu’il existerait un fumus persecutionis justifiant que son immunité ne soit pas levée.

188

Il convient par conséquent de considérer que le requérant n’établit pas que, en l’espèce, ses droits de la défense ou le principe du contradictoire ont été violés.

– Sur le droit du député de prendre la parole lors du débat prévu par l’article 7, paragraphe 8, du règlement intérieur

189

Eu égard aux développements qui précèdent, il y a lieu de considérer comme inopérante l’argumentation du requérant suivant laquelle serait contraire au respect des droits de la défense et au principe du contradictoire le fait de ne pas être en droit de prendre la parole lors du débat en séance plénière lors de l’adoption de la décision relative à la levée de l’immunité.

190

En effet, si, en application de l’article 138, paragraphe 2, du règlement intérieur, il est permis d’inscrire à l’ordre du jour de la séance plénière en vue d’un vote sans débat et sans amendement une proposition de décision visant à lever l’immunité d’un député, le grief tiré du fait que ne pas lui permettre de prendre la parole à l’occasion d’un tel débat serait illégal est inopérant.

191

Il s’ensuit également que, dans de telles circonstances, il ne saurait être reproché à Mme A., qui présidait la séance plénière, de ne pas avoir accordé la parole au requérant aux fins d’un débat sur la levée de son immunité, puisque aucun débat n’était prévu.

– Sur les autres griefs avancés par le requérant concernant le déroulement de la procédure

192

En ce qui concerne le grief tiré du fait que le débat au sein de la commission compétente s’est déroulé à huis clos, il convient d’observer que c’est en application de l’article 103, paragraphe 4, du règlement intérieur qu’il en a été ainsi et que, aux termes de cet article, cette procédure est toujours d’application en ce qui concerne l’examen des demandes de levée d’immunité, afin de protéger tant le député concerné que la confidentialité des débats ainsi qu’il résulte de l’article 7, paragraphe 11, du règlement intérieur.

193

Le requérant n’a par conséquent fait l’objet d’aucun traitement différent ou particulier au regard du traitement habituellement réservé aux députés du Parlement dans des circonstances analogues.

194

En ce qui concerne le grief tiré de ce que le débat devant la commission compétente aurait eu lieu avant que la teneur du projet de rapport ne soit connue du requérant, ce qui ne lui aurait pas permis de se défendre adéquatement, il y a lieu de relever que le requérant reste en défaut d’établir qu’un projet de rapport existait déjà au moment de son audition le 26 janvier 2011 et que celui-ci aurait préalablement été porté à la connaissance des membres de la commission compétente, mais non à la sienne.

195

En tout état de cause, il convient de rappeler à cet égard que le requérant reste en défaut d’établir quels éléments de fait ou circonstances auraient été pris en compte par la commission des affaires juridiques ou par le Parlement sur lesquels il n’aurait pas été en mesure de faire valoir son point de vue avant l’adoption de la décision relative à la levée de son immunité.

196

Il s’ensuit que ce grief doit être écarté.

197

En ce qui concerne le grief tiré du fait que les députés ayant assisté au débat en commission n’étaient pas les mêmes que ceux qui ont pris part au vote au sein de celle-ci, premièrement, il y a lieu de considérer que c’est à bon droit, et sans être contredit sur ce point par le requérant, que le Parlement fait valoir qu’il n’existe aucune disposition ou règle interne exigeant que la commission soit composée de la même façon lors du débat et lors du vote, pour autant que les quorums soient respectés, ce qui se justifie par le fait qu’il ne s’agit pas d’actes adoptés individuellement par les députés, mais d’actes de la commission parlementaire.

198

Deuxièmement, il convient de rappeler que, suivant la procédure établie par le Parlement, après que la demande de levée de l’immunité d’un député a été transmise à la commission compétente, le député est entendu par cette commission. Un rapport est ensuite préparé par le membre de la commission désigné comme rapporteur, rapport auquel est annexé la proposition de décision. Ce rapport, accompagné de la proposition de décision, est ensuite soumis au vote des membres de la commission.

199

Or, le requérant reste en défaut d’établir que cette procédure n’aurait pas été suivie en l’espèce.

200

En outre, il convient de souligner que la proposition de décision soumise au vote de la commission expose les raisons pour lesquelles le Parlement a estimé que le requérant n’avait pas agi dans le cadre de ses fonctions en tant que député au Parlement et qu’un fumus persecutionis n’était pas établi.

201

De surcroît, il convient une nouvelle fois de rappeler que le requérant reste en défaut d’établir quels éléments de fait ou circonstances auraient été pris en compte par les membres de la commission des affaires juridiques lors du vote par celle-ci et au sujet desquels le requérant n’aurait pas été en mesure de faire valoir son point de vue.

202

Enfin, troisièmement, s’agissant d’un acte du Parlement qui revêt un caractère politique (voir point 59 ci-dessus), aucun parallélisme ne saurait être établi avec les règles qui régissent les procédures disciplinaires ou judiciaires quant à la composition de l’instance délibérante chargée de se prononcer à l’égard desdites procédures.

203

Le grief doit par conséquent être écarté.

204

En ce qui concerne le grief tiré des différences procédurales existant avec le droit français, même à le supposer établi (voir point 181 ci-dessus), il y a lieu de constater qu’il est inopérant dès lors que ce n’est pas la procédure d’adoption de la décision prévue par le droit français qui est applicable en l’espèce, mais la procédure prévue par le règlement intérieur.

205

Ce grief doit par conséquent être écarté.

206

Le sixième moyen doit par conséquent être rejeté dans son ensemble ainsi que l’exception d’illégalité visant l’article 7, paragraphe 8, troisième alinéa, du règlement intérieur.

207

En conclusion, il y a lieu de rejeter le recours en annulation dans le cadre de l’affaire T‑346/11 relative à la levée de l’immunité du requérant.

Sur le recours en indemnité dans l’affaire T‑346/11, relative à la levée de l’immunité

208

Le requérant se borne à formuler un chef de conclusions de nature indemnitaire dans sa requête.

209

Le Parlement conteste cette demande.

210

Selon une jurisprudence établie, l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union, au sens de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, pour comportement illicite de ses organes est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’illégalité du comportement reproché aux institutions, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué (voir arrêt Gollnisch/Parlement, point 58 supra, point 90, et la jurisprudence citée).

211

Ces trois conditions d’engagement de la responsabilité de la Communauté sont cumulatives (arrêts de la Cour du 9 septembre 1999, Lucaccioni/Commission, C-257/98 P, Rec. p. I-5251, point 14, et du Tribunal du 6 décembre 2001, Emesa Sugar/Conseil, T-43/98, Rec. p. II-3519, point 59). Ainsi, l’absence de l’une d’entre elles suffit pour rejeter un recours en indemnité (arrêt du Tribunal du 17 décembre 2003, DLD Trading/Conseil, T-146/01, Rec. p. II-6005, point 74).

212

Dès lors que, en l’espèce, la condition de l’illégalité du comportement reproché au Parlement n’étant pas remplie, aucune illégalité n’entache la décision du celui-ci de lever l’immunité du requérant (voir point 207 ci-dessus), la responsabilité de cette institution ne saurait être engagée sur le fondement de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE et le recours en indemnité doit être rejeté.

Sur le recours en annulation et le recours en indemnité dans l’affaire T‑347/11, relative à la décision de refus de défendre l’immunité du requérant

213

Le requérant avance six moyens, semblables aux moyens avancés dans le cadre de l’affaire T‑346/11, à l’appui du recours en annulation qu’il forme à l’encontre de la décision du Parlement de ne pas défendre son immunité.

214

Il fait valoir, premièrement, la violation de l’article 9 du protocole, deuxièmement, une atteinte à la «jurisprudence constante» de la commission des affaires juridiques du Parlement, troisièmement, la violation des principes de sécurité juridique et de confiance légitime, quatrièmement, une atteinte à l’indépendance du député, cinquièmement, la violation des dispositions de l’article 3, paragraphe 4, deuxième alinéa du règlement intérieur relatives à la procédure susceptible d’aboutir à la déchéance d’un député et, sixièmement, la violation du principe du contradictoire et des droits de la défense.

215

Le requérant se borne par ailleurs à formuler un chef de conclusions de nature indemnitaire dans sa requête.

216

Le Parlement soulève, en substance, à la fois l’irrecevabilité du recours, dans la mesure où la décision relative à la défense de l’immunité ne constituerait qu’un avis et ne serait pas susceptible de modifier la situation juridique de l’intéressé, en se prévalant de la jurisprudence issue de l’arrêt Marra, point 34 supra (point 44), et l’absence d’intérêt à agir du requérant, dans la mesure où sa décision de lever l’immunité de ce dernier a été adoptée concomitamment à la décision de refus de défendre son immunité dans le cadre de ce recours.

217

Par ailleurs, le Parlement conteste l’argumentation du requérant et conclut au rejet des moyens avancés par celui-ci à l’appui de son recours en annulation, ainsi qu’au rejet de sa demande indemnitaire, pour des motifs semblables à ceux qu’il a fait valoir dans le cadre de l’affaire T‑346/11.

218

Ainsi qu’il a été reconnu par une jurisprudence établie, l’objet du litige, tel qu’il a été déterminé par le recours introductif d’instance, doit perdurer, tout comme l’intérêt à agir, jusqu’au prononcé de la décision juridictionnelle sous peine de non-lieu à statuer, ce qui suppose que le recours soit susceptible, par son résultat, de procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté (arrêts de la Cour du 7 juin 2007, Wunenburger/Commission, C-362/05 P, Rec. p. I-4333, point 42, et du Tribunal du 24 septembre 2008, Reliance Industries/Conseil et Commission, T-45/06, Rec. p. II-2399, point 35).

219

Dans la mesure où le recours dirigé contre la décision de lever l’immunité est rejeté (voir point 207 ci-dessus), il y a lieu de considérer que le requérant ne saurait tirer aucun bénéfice d’un arrêt se prononçant sur la légalité de la décision du Parlement de ne pas défendre son immunité.

220

En effet, même si, par impossible, puisque les moyens soulevés sont semblables à ceux précédemment rejetés en ce qui concerne la décision de levée de l’immunité, la décision de ne pas défendre l’immunité du requérant était annulée, l’arrêt d’annulation resterait sans incidence sur la situation juridique de celui-ci, puisque son immunité resterait de toute manière levée et qu’elle ne saurait par conséquent être simultanément défendue par le Parlement.

221

Par conséquent, il n’y a plus lieu de statuer sur le recours en annulation dans l’affaire T‑347/11, relative à la décision du Parlement de ne pas défendre l’immunité du requérant.

222

Quant au recours en indemnité, il y a lieu de rappeler, dans le cadre des conditions d’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union rappelées au point 210 ci-dessus, que, suivant une jurisprudence constante, la condition relative à l’existence d’un lien de causalité est remplie dès lors qu’il existe un lien direct de cause à effet entre la faute commise par l’institution concernée et le préjudice invoqué, lien dont il appartient à la partie requérante d’apporter la preuve. L’Union ne peut être tenue pour responsable que du préjudice qui découle de manière suffisamment directe du comportement irrégulier de l’institution concernée, c’est-à-dire que ce comportement doit être la cause déterminante du préjudice. En revanche, il n’incombe pas à l’Union de réparer toute conséquence préjudiciable, même éloignée, des comportements de ses organes (voir arrêt Gollnisch/Parlement, point 58 supra, point 110, et la jurisprudence citée).

223

En l’espèce, dès lors que le Parlement ne pouvait que constater qu’il n’y avait plus lieu de statuer sur la demande de défense de l’immunité du requérant dans la mesure où il était saisi d’une demande de lever l’immunité de celui-ci, force est de considérer que seule la décision se prononçant sur cette demande aurait pu lui porter préjudice et qu’elle seule aurait été susceptible d’engager la responsabilité du Parlement, si elle avait été illégale, ce qu’elle n’était cependant pas (voir point 212 ci-dessus).

224

Il s’ensuit que, en tout état de cause, aucun lien de causalité ne saurait être établi entre le prétendu dommage moral allégué par le requérant et les illégalités qui, selon lui, entacheraient la décision du Parlement de ne pas défendre son immunité.

225

Il s’ensuit que le recours en indemnité doit être rejeté.

Sur les dépens

226

Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

227

Aux termes de l’article 87, paragraphe 6, du règlement de procédure, en cas de non-lieu à statuer, le Tribunal règle librement les dépens.

228

Le requérant ayant succombé dans l’affaire T‑346/11 ainsi que dans le cadre du recours en indemnité dans l’affaire T‑347/11, il y a lieu de le condamner aux dépens, y compris ceux afférents à la procédure de référé, conformément aux conclusions du Parlement.

 

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

 

1)

Le recours en annulation et le recours en indemnité dans l’affaire T‑346/11 sont rejetés.

 

2)

Il n’y a plus lieu de statuer sur le recours en annulation dans l’affaire T‑347/11.

 

3)

Le recours en indemnité dans l’affaire T‑347/11 est rejeté.

 

4)

M. Bruno Gollnisch est condamné aux dépens, y compris ceux afférents à la procédure de référé dans les affaires T‑346/11 et T‑347/11.

 

Azizi

Frimodt Nielsen

Kancheva

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 17 janvier 2013.

Signatures

Table des matières

 

Cadre juridique

 

Protocole sur les privilèges et immunités

 

Règlement intérieur du Parlement

 

Antécédents du litige

 

Procédure et conclusions des parties

 

En droit

 

Observations liminaires

 

Sur le régime de l’immunité parlementaire établi par le protocole

 

Sur la distinction qu’il convient d’opérer entre la levée de l’immunité et la défense de l’immunité au sens du protocole

 

Sur l’exercice d’un droit de recours et sur la portée du contrôle exercé par le Tribunal dans un tel cadre

 

Sur le recours en annulation dans l’affaire T‑346/11, relative à la levée de l’immunité du requérant

 

Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 9 du protocole, et sur le quatrième moyen, tiré de l’atteinte à l’indépendance du député

 

Sur les deuxième et troisième moyens, tirés, d’une part, de la violation de la «jurisprudence constante» de la commission des affaires juridiques du Parlement en matière de liberté d’expression et de fumus persecutionis et, d’autre part, de la violation des principes de sécurité juridique, de protection de la confiance légitime et d’égalité de traitement

 

– Sur la nature juridique de la communication no 11/2003 et le contrôle exercé par le Tribunal

 

– Sur l’acte attaqué

 

Sur le cinquième moyen, tiré de la méconnaissance des dispositions du règlement intérieur relatives à la procédure susceptible d’aboutir à la déchéance d’un député

 

Sur le sixième moyen, tiré de la violation du principe du contradictoire et des droits de la défense

 

– Sur la tenue d’un débat en séance plénière

 

– Sur le droit du député de prendre la parole lors du débat prévu par l’article 7, paragraphe 8, du règlement intérieur

 

– Sur les autres griefs avancés par le requérant concernant le déroulement de la procédure

 

Sur le recours en indemnité dans l’affaire T‑346/11, relative à la levée de l’immunité

 

Sur le recours en annulation et le recours en indemnité dans l’affaire T‑347/11, relative à la décision de refus de défendre l’immunité du requérant

 

Sur les dépens


( *1 ) Langue de procédure : le français.

Haut

Parties
Motifs de l'arrêt
Dispositif

Parties

Dans les affaires jointes T-346/11 et T-347/11,

Bruno Gollnisch, demeurant à Limonest (France), représenté par M e  G. Dubois, avocat,

partie requérante,

contre

Parlement européen, représenté par MM. R. Passos, D. Moore et M me K. Zejdová, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet, d’une part, une demande d’annulation d’une décision de lever l’immunité du requérant, adoptée par le Parlement le 10 mai 2011, ainsi qu’une demande d’indemnisation du préjudice subi par celui-ci à cette occasion et, d’autre part, une demande d’annulation d’une décision de ne pas défendre l’immunité du requérant, adoptée par le Parlement le 10 mai 2011, ainsi qu’une demande d’indemnisation du préjudice subi par celui-ci à cette occasion,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de MM. J. Azizi, président, S. Frimodt Nielsen (rapporteur) et M me M. Kancheva, juges,

greffier : M me  C. Kristensen, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 10 juillet 2012,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt

Cadre juridique

Protocole sur les privilèges et immunités

1. L’article 8 du protocole n o  7 sur les privilèges et immunités de l’Union européenne (JO 2010, C 83, p. 266, ci-après le « protocole »), prévoit :

« Les membres du Parlement européen ne peuvent être recherchés, détenus ou poursuivis en raison des opinions ou votes émis par eux dans l’exercice de leurs fonctions. »

2. L’article 9 du protocole dispose :

« Pendant la durée des sessions du Parlement européen, les membres de celui-ci bénéficient :

a) sur leur territoire national, des immunités reconnues aux membres du parlement de leur pays,

b) sur le territoire de tout autre État membre, de l’exemption de toute mesure de détention et de toute poursuite judiciaire.

L’immunité les couvre également lorsqu’ils se rendent au lieu de réunion du Parlement européen ou en reviennent.

L’immunité ne peut être invoquée dans le cas de flagrant délit et ne peut non plus mettre obstacle au droit du Parlement européen de lever l’immunité d’un de ses membres. »

Règlement intérieur du Parlement

3. Aux termes de l’article 3, paragraphe 6, deuxième alinéa, du règlement intérieur du Parlement européen (ci-après le « règlement intérieur »), modifié à plusieurs reprises, dans sa version de mars 2011 (JO L 116, p. 1) applicable ratione temporis au litige :

« Lorsque les autorités compétentes des États membres entament une procédure susceptible d’aboutir à la déchéance du mandat d’un député, le [p]résident leur demande à être régulièrement informé de l’état de la procédure, et en saisit la [commission compétente pour la vérification des pouvoirs], sur proposition de laquelle le Parlement peut se prononcer. »

4. L’article 5, paragraphe 1, du règlement intérieur prévoit :

« Les députés jouissent des privilèges et immunités prévus par le [protocole]. »

5. L’article 6 du règlement intérieur dispose :

« 1. Dans l’exercice de ses pouvoirs relatifs aux privilèges et aux immunités, le Parlement vise avant tout à conserver son intégrité en tant qu’assemblée législative démocratique et à assurer l’indépendance des députés dans l’accomplissement de leurs tâches.

2. Toute demande adressée au [p]résident par une autorité compétente d’un État membre en vue de lever l’immunité d’un député est communiquée en séance plénière et renvoyée à la commission compétente.

3. Toute demande adressée au [p]résident par un député ou un ancien député en vue de défendre l’immunité et les privilèges est communiquée en séance plénière et renvoyée à la commission compétente.

[...]

4. Dans les cas où un député est arrêté ou privé de sa liberté de déplacement en violation supposée de ses privilèges et immunités, le [p]résident peut prendre d’urgence, après consultation du président et du rapporteur de la commission compétente, une initiative visant à confirmer les privilèges et immunités du député concerné. Le [p]résident communique son initiative à la commission et en informe le Parlement. »

6. L’article 7 du règlement intérieur dispose :

« 1. La commission compétente examine sans délai et dans l’ordre dans lequel elles ont été présentées les demandes de levée de l’immunité ou de défense de l’immunité et des privilèges.

2. La commission présente une proposition de décision qui recommande l’adoption ou le rejet de la demande de levée de l’immunité ou de défense de l’immunité et des privilèges.

3. La commission peut demander à l’autorité intéressée de lui fournir toutes informations et précisions qu’elle estime nécessaires pour déterminer s’il convient de lever ou de défendre l’immunité. Les députés concernés se voient offrir la possibilité de s’expliquer ; ils peuvent présenter autant de documents et d’éléments d’appréciation écrits qu’ils jugent pertinents. Chacun d’eux peut être représenté par un autre député.

[…]

6. Dans les cas de défense d’un privilège ou d’une immunité, la commission précise si les circonstances constituent une entrave d’ordre administratif ou autre à la liberté de déplacement des députés se rendant au lieu de réunion du Parlement ou en revenant, d’une part, ou à l’expression d’une opinion ou d’un vote dans l’exercice de leur mandat, d’autre part, ou encore si elles sont assimilables aux aspects de l’article [9] du [protocole] qui ne relèvent pas du droit national, et présente une proposition invitant l’autorité concernée à tirer les conclusions qui s’imposent.

7. La commission peut émettre un avis motivé sur la compétence de l’autorité en question et sur la recevabilité de la demande, mais ne se prononce en aucun cas sur la culpabilité ou la non-culpabilité du député ni sur l’opportunité ou non de le poursuivre au pénal pour les opinions ou actes qui lui sont imputés, même dans le cas où l’examen de la demande permet à la commission d’acquérir une connaissance approfondie de l’affaire.

8. Le rapport de la commission est inscrit d’office en tête de l’ordre du jour de la première séance suivant son dépôt. Aucun amendement à la ou aux propositions de décision n’est recevable.

Le débat ne porte que sur les raisons qui militent pour et contre chacune des propositions de levée, de maintien ou de défense d’un privilège ou de l’immunité.

Sans préjudice des dispositions de l’article 151, le député dont les privilèges ou immunités font l’objet d’un examen ne peut intervenir dans le débat.

La ou les propositions de décision contenues dans le rapport sont mises aux voix à l’heure des votes qui suit le débat.

Après examen par le Parlement, il est procédé à un vote séparé sur chacune des propositions contenues dans le rapport. En cas de rejet d’une proposition, la décision contraire est réputée adoptée.

9. Le [p]résident communique immédiatement la décision du Parlement au député concerné et à l’autorité compétente de l’État membre intéressé, en demandant à être informé du déroulement de la procédure et des décisions judiciaires en découlant. Dès que le [p]résident a reçu ces informations, il les communique au Parlement sous la forme qu’il juge la plus appropriée, le cas échéant après consultation de la commission compétente.

[…]

11. La commission traite ces questions et examine tous les documents qu’elle reçoit en observant la plus grande confidentialité.

[…] ».

7. Suivant l’article 24 du règlement intérieur :

« 1. La Conférence des présidents est composée du [p]résident du Parlement et des présidents des groupes politiques. Les présidents des groupes politiques peuvent se faire représenter par un autre membre de leur groupe.

2. Le [p]résident du Parlement invite un des députés non inscrits aux réunions de la Conférence des présidents, auxquelles celui-ci participe sans droit de vote.

[…] »

8. Aux termes de l’article 103, paragraphe 4, du règlement intérieur :

« L’examen par la commission compétente des demandes relevant des procédures relatives à l’immunité, tel qu’il est prévu à l’article 7, a toujours lieu à huis clos. »

9. Par ailleurs, l’article 138 du règlement intérieur dispose :

« 1. Toute proposition […] de résolution non législative [adoptée] en commission alors que moins d’un dixième de ses membres a voté contre le texte [est inscrite] au projet d’ordre du jour du Parlement pour adoption sans amendement.

Ce point fait alors l’objet d’un vote unique, à moins que, avant que le projet définitif d’ordre du jour ne soit établi, des groupes politiques ou des députés à titre individuel représentant ensemble un dixième des membres du Parlement aient demandé par écrit l’autorisation de déposer des amendements, auquel cas le [p]résident fixe le délai de dépôt.

2. Les points inscrits au projet définitif d’ordre du jour en vue d’un vote sans amendement ne font pas non plus l’objet d’un débat, sauf si le Parlement en décide autrement, lors de l’adoption de l’ordre du jour au début de la période de session, sur proposition de la Conférence des présidents ou à la demande d’un groupe politique ou de quarante députés au moins.

3. Au moment où elle établit le projet définitif d’ordre du jour de la période de session, la Conférence des présidents peut proposer que d’autres points soient inscrits sans amendement ou sans débat. Lors de l’adoption de l’ordre du jour, le Parlement ne peut retenir de telles propositions si un groupe politique ou quarante députés au moins ont manifesté leur opposition par écrit une heure au moins avant l’ouverture de la période de session.

[…] »

10. L’article 151, paragraphe 1, du règlement intérieur prévoit :

« 1. Les députés demandant à intervenir pour un fait personnel sont entendus à la fin de la discussion du point de l’ordre du jour à l’examen ou au moment de l’adoption du procès-verbal de la séance à laquelle se rapporte la demande d’intervention.

Les orateurs ne peuvent s’exprimer sur le fond du débat. Ils peuvent uniquement réfuter soit des propos tenus au cours du débat et les concernant personnellement, soit des opinions qui leur sont prêtées ou encore rectifier leurs propres déclarations. »

Antécédents du litige

11. Le requérant, M. Bruno Gollnisch, est député au Parlement européen et conseiller régional de la Région Rhône-Alpes (France). Il est également président du groupe Front national au sein du Conseil régional de la Région Rhône-Alpes.

12. Le 3 octobre 2008, le groupe Front national de la Région Rhône-Alpes a rédigé un communiqué de presse intitulé « ‘Affaire des fiches’ à la région : les Tartuffe s’insurgent ».

13. Ce communiqué était rédigé dans les termes suivants :

« La Région Rhône-Alpes a réagi violemment à la demande des Renseignements généraux concernant l’existence d’éventuelles demandes d’aménagement d’horaires pour raison religieuse émanant de fonctionnaires non chrétiens. Le directeur général des services qualifie cette demande de ‘contraire à tous les principes républicains régissant l’organisation et le fonctionnement de la fonction publique dans notre pays’. [Q. (le président du Conseil régional de la Région Rhônes-Alpes)] trouve cette enquête choquante dans son principe. C’est très commode et très généreux, mais c’est oublier l’actualité et avoir la mémoire un peu courte. Oublier l’actualité, parce qu’il ne semble pas que ce soient des chrétiens qui ‘fêtent’ la fin d’une période de ‘jeûne’ (le jour, en se rattrapant allègrement la nuit) en cassant, brûlant, caillassant. Oublier l’actualité, parce que Romans n’a pas été mise à feu par des chrétiens. Avoir la mémoire courte, parce que le fichage de la fonction publique, en 1902, a été décidé dans un but ‘républicain’. Avoir la mémoire courte, parce que c’est le ‘Bloc des gauches’ qui était au pouvoir, avec le ‘petit père Combes’ et Waldeck-Rousseau. Avoir la mémoire courte, parce que les loges maçonniques, qui effectuaient la basse besogne, écrivaient allègrement sur les fiches ‘vit maritalement avec une femme arabe’, en toute bonne conscience. Il est vrai que la Gauche souhaitait à l’époque lutter contre les religions ! Or son but actuel est de soutenir l’invasion de notre Patrie et la destruction de notre culture et de nos valeurs par un islam dont on reconnaît facilement la tolérance, le respect des droits de l’homme et la liberté là où il est au pouvoir : Arabie Saoudite, Iran, Soudan, Afghanistan ... nos banlieues, et bientôt notre pays entier, avec la bénédiction des Loges et de la Gauche ? »

14. Lors d’une conférence de presse qui s’est tenue à Lyon (France) le 10 octobre 2008, le requérant a notamment confirmé que ce communiqué avait été rédigé par des personnes habilitées à s’exprimer au nom des élus du groupe politique qu’il préside au sein du Conseil régional.

15. À la suite d’une plainte de la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (LICRA), une information judiciaire a été ouverte par les autorités françaises en date du 22 janvier 2009 contre personne non dénommée pour provocation à la haine raciale.

16. Par lettre du 9 juin 2010 adressée au président du Parlement, le requérant a demandé à celui-ci d’« élever une vigoureuse protestation auprès des autorités françaises ». Il indiquait dans cette lettre qu’un juge d’instruction de Lyon avait cherché à le faire arrêter par la police le 4 juin 2010 afin de le faire comparaître devant lui. Il précisait que cette « mesure de contrainte [était] interdite par la Constitution française (article 26) ainsi que par le Protocole sur les privilèges et immunités de 1965 (aujourd’hui article 9 du Protocole n o  7 annexé au traité), dans la mesure où ce magistrat [n’avait] pas demandé la levée de [son] immunité parlementaire ».

17. Le 14 juin 2010, le président du Parlement a annoncé, en séance plénière, qu’il avait reçu de la part du requérant une demande de défense de son immunité et, conformément à l’article 6, paragraphe 2, du règlement intérieur, il a renvoyé cette demande à la commission des affaires juridiques.

18. Par lettre du 25 octobre 2010, reçue par le Parlement le 3 novembre 2010, le ministre d’État, garde des Sceaux, ministre de la Justice et des Libertés de la République française a transmis au président du Parlement une demande de levée de l’immunité parlementaire du requérant, en vertu d’une requête du 14 septembre 2010 émanant du procureur général près la cour d’appel de Lyon, afin de poursuivre l’instruction de la plainte dirigée contre le requérant et permettre, le cas échéant, le renvoi de celui-ci devant les juridictions compétentes.

19. Le 24 novembre 2010, le président du Parlement a annoncé en séance plénière avoir reçu une demande de levée de l’immunité du requérant et, conformément à l’article 6, paragraphe 2, du règlement intérieur, il a renvoyé cette demande à la commission des affaires juridiques.

20. M. B. Rapkay a été nommé rapporteur pour les deux dossiers concernant le requérant, à savoir, d’une part, la levée de l’immunité de ce dernier ainsi que, d’autre part, la défense de son immunité.

21. Le requérant a été entendu par la commission des affaires juridiques du Parlement le 26 janvier 2011, en ce qui concerne tant la demande de défense de son immunité que la demande de levée de son immunité.

22. Le 11 avril 2011, la commission des affaires juridiques a adopté une proposition de décision du Parlement recommandant la levée de l’immunité du requérant ainsi qu’une proposition de décision recommandant de ne pas défendre l’immunité de celui-ci.

23. Lors de la séance plénière le 10 mai 2011, le Parlement a décidé de lever l’immunité du requérant et, simultanément, de ne pas défendre son immunité.

24. La décision de lever l’immunité du requérant est motivée de la manière suivante :

« A. considérant qu’un procureur français a demandé la levée de l’immunité parlementaire de Bruno Gollnisch, député au Parlement [...], afin de donner suite à une plainte pour incitation présumée à la haine raciale et, le cas échéant, de pouvoir [le] traduire devant le tribunal de première instance, la cour d’appel et la Cour de cassation de la République française,

B. considérant que la demande de levée de l’immunité de Bruno Gollnisch se rapporte à une infraction présumée d’incitation à la haine raciale suite à la publication, le 3 octobre 2008, d’un communiqué de presse du groupe du Front national de la Région Rhônes-Alpes, dont Bruno Gollnisch était président,

C. considérant que, aux termes de l’article 9 du protocole sur les privilèges et immunités de l’Union européenne, pendant la durée des sessions du Parlement européen, les membres de celui-ci bénéficient, sur leur territoire national, des immunités reconnues aux membres du parlement de leur pays ; considérant que cette disposition ne fait pas obstacle au droit du Parlement européen de lever l’immunité d’un de ses députés,

D. considérant que, aux termes de l’article 26 de la Constitution de la République française, ‘aucun membre du Parlement ne peut faire l’objet, en matière criminelle ou correctionnelle, d’une arrestation ou de toute autre mesure privative ou restrictive de liberté qu’avec l’autorisation du Bureau de l’assemblée dont il fait partie. Cette autorisation n’est pas requise en cas de crime ou délit flagrant ou de condamnation définitive’,

E. considérant que, dans le cas présent, le Parlement n’a pas pu établir qu’il y avait fumus persecutionis, c’est-à-dire une présomption suffisamment sérieuse et précise que la procédure a été engagée dans l’intention de nuire à l’activité politique du député,

F. considérant que la demande des autorités françaises ne se rapporte pas aux activités politiques de Bruno Gollnisch en sa qualité de député au Parlement [...], mais qu’elle concerne ses activités sur le plan purement régional et local, en sa qualité de conseiller régional de la Région Rhônes-Alpes, mandat dont [il] a été investi au suffrage universel direct et qui est distinct de celui de député au Parlement [...],

G. considérant que Bruno Gollnisch a justifié la publication par son groupe politique au Conseil régional Rhônes-Alpes du communiqué de presse qui est à l’origine de la demande de levée de son immunité en précisant qu’il avait été écrit par l’équipe du Front national de la région, dont son responsable de la communication, qui était ‘habilité à s’exprimer au nom du groupe des élus du Front national’ ; considérant que l’application de l’immunité parlementaire dans un tel cas constituerait une extension injustifiée des dispositions qui ont pour but d’empêcher toute entrave au fonctionnement et à l’indépendance du Parlement,

H. considérant qu’il n’appartient pas au Parlement, mais aux autorités judiciaires compétentes, de décider, dans le respect de toutes les garanties démocratiques, dans quelle mesure la loi française sur l’incitation à la haine raciale a été violée et quelles peuvent en être les suites judiciaires,

I. considérant qu’il convient, par conséquent, de recommander la levée de l’immunité parlementaire dans le cas présent,

1. décide de lever l’immunité de Bruno Gollnisch [...] »

25. Par ailleurs, la décision de ne pas défendre l’immunité du requérant comporte une motivation identique à celle de la décision de lever son immunité à l’exception, notamment, du considérant I et du dispositif de ladite décision qui sont rédigés comme suit :

« I. […] les autorités françaises ayant entre-temps demandé formellement la levée de son immunité pour appliquer lesdites mesures ultérieurement, il n’y a plus lieu de défendre l’immunité de Bruno Gollnisch à cet égard

[...]

1. décide, à la lumière des considérations qui précèdent, de ne pas défendre l’immunité et les privilèges de Bruno Gollnisch [...] »

Procédure et conclusions des parties

26. Par requêtes déposées au greffe du Tribunal le 7 juillet 2011, le requérant a introduit les présents recours visant respectivement à obtenir l’annulation des décisions du Parlement de lever son immunité (affaire T-346/11) et de ne pas défendre son immunité (affaire T-347/11), ainsi qu’à obtenir l’indemnisation du préjudice moral qu’il prétend avoir subi.

27. Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (première chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure du Tribunal, a invité les parties à déposer certains documents et leur a posé par écrit des questions. Les parties ont déféré à cette demande.

28. Par ordonnance du président de la première chambre du Tribunal du 3 juillet 2012, les affaires T-346/11 et T-347/11 ont été jointes aux fins de la procédure écrite, de la procédure orale et de l’arrêt, conformément à l’article 50 du règlement de procédure.

29. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 10 juillet 2012.

30. Dans l’affaire T-346/11, le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– annuler la décision du Parlement de lever son immunité parlementaire, prise en date du 10 mai 2011 et portant adoption du rapport A7-0155/2011 de M. Rapkay ;

– lui attribuer la somme de 8 000 euros en réparation de son préjudice moral ;

– lui attribuer la somme de 4 000 euros au titre de frais exposés au titre de son conseil et de la préparation de son recours.

31. Le Parlement conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– rejeter le recours comme non fondé ;

– condamner le requérant aux dépens.

32. Dans l’affaire T-347/11, le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– annuler la décision du Parlement de ne pas défendre son immunité parlementaire, prise en date du 10 mai 2011 et portant adoption du rapport A7-0154/2011 de M. Rapkay ;

– lui attribuer la somme de 8 000 euros en réparation de son préjudice moral ;

– lui attribuer la somme de 4 000 euros au titre de frais exposés au titre de son conseil et de la préparation de son recours.

33. Le Parlement conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– rejeter le recours comme irrecevable ;

– à titre subsidiaire, rejeter le recours comme non fondé ;

– condamner le requérant aux dépens.

En droit

Observations liminaires

Sur le régime de l’immunité parlementaire établi par le protocole

34. Il y a lieu de rappeler que l’immunité parlementaire des députés au Parlement, telle que prévue aux articles 8 et 9 du protocole, comprend les deux formes de protection habituellement reconnues aux membres des parlements nationaux des États membres, à savoir l’immunité en raison des opinions et des votes exprimés dans l’exercice des fonctions parlementaires ainsi que l’inviolabilité parlementaire, comportant, en principe, une protection contre les poursuites judiciaires (arrêts de la Cour du 21 octobre 2008, Marra, C-200/07 et C-201/07, Rec. p. I-7929, point 24, et du 6 septembre 2011, Patriciello, C-163/10, Rec. p. I-7565, point 18).

35. L’article 8 du protocole, qui constitue une disposition spéciale applicable à toute procédure judiciaire pour laquelle le député au Parlement bénéficie de l’immunité en raison des opinions et des votes exprimés dans l’exercice des fonctions parlementaires, vise à protéger la libre expression et l’indépendance des députés au Parlement, de sorte qu’elle fait obstacle à toute procédure judiciaire en raison de tels opinions et votes (arrêt Patriciello, point 34 supra, point 26).

36. La Cour a rappelé que l’article 8 du protocole, eu égard à son objectif consistant à protéger la libre expression et l’indépendance des députés au Parlement et à son libellé, qui se réfère expressément, outre aux opinions, aux votes émis par lesdits députés, a essentiellement vocation à s’appliquer aux déclarations effectuées par ces derniers dans l’enceinte même du Parlement (arrêt Patriciello, point 34 supra, point 29).

37. La Cour a cependant précisé qu’il n’était pas exclu qu’une déclaration effectuée par de tels députés en dehors de cette enceinte puisse également constituer une opinion exprimée dans l’exercice de leurs fonctions au sens de l’article 8 du protocole, l’existence d’une telle opinion étant fonction non pas du lieu où une déclaration a été effectuée, mais bien de sa nature et de son contenu (arrêt Patriciello, point 34 supra, point 30).

38. En effet, en se référant aux opinions exprimées par les députés au Parlement, l’article 8 du protocole est étroitement lié à la liberté d’expression. Or, la liberté d’expression, en tant que fondement essentiel d’une société démocratique et pluraliste reflétant les valeurs sur lesquelles l’Union, conformément à l’article 2 TUE, est fondée, constitue un droit fondamental garanti par l’article 11 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (JO 2010, C 83, p. 389), laquelle, en vertu de l’article 6, paragraphe 1, TUE, a la même valeur juridique que les traités. Cette liberté est également consacrée à l’article 10 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (arrêt Patriciello, point 34 supra, point 31).

39. Dès lors, il y a lieu de considérer que la notion d’« opinion », au sens de l’article 8 du protocole, doit être comprise dans un sens large, comme recouvrant les propos ou les déclarations qui, par leur contenu, correspondent à des assertions constitutives d’appréciations subjectives (arrêt Patriciello, point 34 supra, point 32).

40. Il ressort également du libellé de l’article 8 du protocole que, pour être couverte par l’immunité, une opinion doit avoir été émise par un député au Parlement « dans l’exercice de [ses] fonctions », impliquant ainsi l’exigence d’un lien entre l’opinion exprimée et les fonctions parlementaires (arrêt Patriciello, point 34 supra, point 33).

41. S’agissant de déclarations d’un député au Parlement faisant l’objet de poursuites pénales dans son État membre d’origine, il y a lieu de constater que l’immunité prévue à l’article 8 du protocole est susceptible d’empêcher définitivement les autorités judiciaires et les juridictions nationales d’exercer leurs compétences respectives en matière de poursuites et de sanctions des infractions pénales dans le but d’assurer le respect de l’ordre public sur leur territoire et, corrélativement, de priver ainsi totalement les personnes lésées par ces déclarations de l’accès à la justice, y compris, le cas échéant, en vue d’obtenir devant les juridictions civiles la réparation du dommage subi (voir, en ce sens, arrêt Patriciello, point 34 supra, point 34).

42. Compte tenu de ces conséquences, le lien entre l’opinion exprimée et les fonctions parlementaires doit être direct et s’imposer avec évidence (arrêt Patriciello, point 34 supra, point 35).

43. Par ailleurs, l’article 9 du protocole prévoit que le député au Parlement jouit, sur son territoire national, des immunités reconnues aux membres du parlement de son pays.

44. La teneur de l’inviolabilité établie à l’article 9 du protocole s’analyse par renvoi aux dispositions nationales pertinentes (arrêts Marra, point 34 supra, point 25, et Patriciello, point 34 supra, point 25) et elle est par conséquent susceptible de varier selon l’État membre d’origine du député au Parlement.

45. En outre, l’inviolabilité du député peut être levée par le Parlement, conformément à l’article 9, troisième alinéa, du protocole, alors que l’immunité prévue à l’article 8 ne le peut pas (arrêt Patriciello, point 34 supra, point 27).

46. Ainsi, lorsqu’une demande de levée de l’immunité lui est transmise par une autorité nationale, il appartient tout d’abord au Parlement de vérifier si les faits à l’origine de la demande de levée sont susceptibles d’être couverts par l’article 8 du protocole, auquel cas une levée de l’immunité est impossible.

47. Si le Parlement aboutit à la conclusion que l’article 8 du protocole ne s’applique pas, il lui incombe ensuite de vérifier si le député au Parlement bénéficie de l’immunité prévue par l’article 9 du protocole pour les faits qui lui sont reprochés et, si tel est le cas, de décider s’il y a lieu ou non de lever cette immunité.

Sur la distinction qu’il convient d’opérer entre la levée de l’immunité et la défense de l’immunité au sens du protocole

48. Il convient tout d’abord d’observer que, si la levée de l’immunité d’un député au Parlement est expressément prévue à l’article 9 du protocole, il n’en va cependant pas de même de la défense de l’immunité de celui-ci, laquelle ne résulte que de l’article 6, paragraphe 3, du règlement intérieur du Parlement qui ne définit pas cette notion.

49. La Cour a jugé, en ce qui concerne l’article 8 du protocole, que le règlement intérieur est un acte d’organisation interne ne pouvant instituer au profit du Parlement des compétences qui ne sont pas expressément reconnues par un acte normatif, en l’occurrence par le protocole, et qu’il s’ensuit que, même si le Parlement, à la suite de la demande du député au Parlement concerné, adopte, sur le fondement du règlement intérieur, une décision de défense de l’immunité, celle-ci constitue un avis qui ne produit pas d’effets contraignants à l’égard des autorités juridictionnelles nationales (arrêt Marra, point 34 supra, point 39).

50. En outre, la circonstance que le droit d’un État membre prévoit une procédure de défense des membres du parlement national, permettant à celui-ci d’intervenir lorsque la juridiction nationale ne reconnaît pas cette immunité, n’implique pas la reconnaissance des mêmes pouvoirs au Parlement à l’égard des députés au Parlement provenant de cet État, dès lors que l’article 8 du protocole ne prévoit pas expressément une telle compétence du Parlement et ne renvoie pas aux règles de droit national (arrêt Marra, point 34 supra, point 40).

51. Il résulte de cette jurisprudence que doit être distinguée la notion de défense de l’immunité lorsqu’elle se fonde sur l’article 8 du protocole, ce dernier établissant une immunité absolue, dont le contenu est déterminé par le seul droit européen et qui ne peut être levée par le Parlement, ou sur l’article 9 du protocole, ce dernier renvoyant en revanche aux règles du droit national de l’État membre d’origine du député au Parlement quant à la teneur et à l’étendue de l’inviolabilité instaurée au bénéfice de celui-ci, cette inviolabilité pouvant, en outre, s’il y a lieu, être levée par le Parlement.

52. Dès lors que l’inviolabilité prévue à l’article 9 du protocole est de droit et que le député ne peut en être privé que si le Parlement l’a levée, la défense de l’immunité, dans le cadre des dispositions de l’article 9 du protocole, ne se conçoit que dans l’hypothèse où, en l’absence de demande de levée de l’immunité d’un député, l’inviolabilité, telle qu’elle résulte des dispositions du droit national de l’État membre d’origine du député au Parlement, est compromis e, notamment, par l’action des autorités de police ou des autorités juridictionnelles de l’État membre d’origine dudit député.

53. Dans de telles circonstances, le député au Parlement pourra demander au Parlement de défendre son immunité, ainsi que le prévoit l’article 6, paragraphe 3, du règlement intérieur du Parlement.

54. Il s’ensuit qu’une décision du Parlement sur une demande de défense de l’immunité d’un député au Parlement ne se conçoit que pour autant qu’aucune demande de levée de cette immunité n’ait pas été transmise par les autorités nationales compétentes au Parlement.

55. La défense de l’immunité constitue ainsi une manière pour le Parlement de s’interposer, à la demande d’un député au Parlement, lorsque les autorités nationales violent ou s’apprêtent à violer l’immunité de l’un de ses membres.

56. En revanche, si une demande de levée de l’immunité est formée par les autorités nationales, le Parlement doit prendre la décision de lever ou de ne pas lever l’immunité. Dans un tel cas, la défense de l’immunité n’a plus de raison d’être, puisque soit le Parlement lève l’immunité et la défense de celle-ci ne se conçoit plus, soit il refuse de lever cette immunité et la défense de celle-ci est inutile, puisque les autorités nationales sont avisées que leur demande de levée a été rejetée par le Parlement et que l’immunité fait donc obstacle aux mesures que pourraient ou voudraient prendre ces dernières.

57. La défense de l’immunité est par conséquent privée de son objet lorsque intervient une demande de levée de l’immunité formée par les autorités nationales. Le Parlement n’est plus tenu d’agir de sa propre initiative en raison de l’absence d’une demande formelle de la part des autorités compétentes d’un État membre, mais il doit au contraire prendre une décision et, ainsi, donner une suite à une telle demande.

Sur l’exercice d’un droit de recours et sur la portée du contrôle exercé par le Tribunal dans un tel cadre

58. Si les privilèges et immunités reconnus à l’Union par le protocole revêtent un caractère fonctionnel en ce qu’ils visent à éviter qu’une entrave ne soit apportée au fonctionnement et à l’indépendance de l’Union, il n’en demeure pas moins qu’ils ont été expressément accordés aux membres du Parlement ainsi qu’aux fonctionnaires et autres agents des institutions de l’Union. Le fait que les privilèges et immunités sont prévus dans l’intérêt public de l’Union justifie le pouvoir donné aux institutions de lever, le cas échéant, l’immunité, mais ne signifie pas que ces privilèges et immunités soient accordés à l’Union exclusivement et non pas également à ses fonctionnaires, à ses autres agents et aux membres du Parlement. Le protocole crée donc un droit subjectif au profit des personnes visées, dont le respect est garanti par le système des voies de recours établi par le traité (voir arrêt du Tribunal du 19 mars 2010, Gollnisch/Parlement, T-42/06, Rec. p. II-1135, point 94, et la jurisprudence citée).

59. Il y a toutefois lieu de reconnaître au Parlement un très large pouvoir d’appréciation quant à l’orientation qu’il entend donner à une décision faisant suite à une demande de levée d’immunité ou de défense de l’immunité, en raison du caractère politique que revêt une telle décision (voir, en ce sens, arrêt Gollnisch/Parlement, point 58 supra, point 101).

60. L’exercice de ce pouvoir n’est toutefois pas soustrait à tout contrôle juridictionnel. En effet, il résulte d’une jurisprudence constante que, dans le cadre de ce contrôle, le juge de l’Union doit vérifier le respect des règles de procédure, l’exactitude matérielle des faits retenus par l’institution, l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation de ces faits ou l’absence de détournement de pouvoir (voir, par analogie, arrêts de la Cour du 25 janvier 1979, Racke, 98/78, Rec. p. 69, point 5, et du 22 octobre 1991, Nölle, C-16/90, Rec. p. I-5163, point 12).

61. Il y a lieu de rappeler que, aux fins de cet examen, la critique formulée contre l’exposé des motifs du rapport de la commission des affaires juridiques doit être considérée comme dirigée contre les motifs de la décision relative à la levée de l’immunité (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 15 octobre 2008, Mote/Parlement, T-345/05, Rec. p. II-2849, point 59, et Gollnisch/Parlement, point 58 supra, point 98).

62. C’est à la lumière des considérations qui précèdent qu’il convient d’examiner les présents recours.

Sur le recours en annulation dans l’affaire T-346/11, relative à la levée de l’immunité du requérant

63. Le requérant avance six moyens à l’appui de son recours en annulation.

64. Il fait valoir, premièrement, la violation de l’article 9 du protocole, deuxièmement, une atteinte à la « jurisprudence constante » de la commission des affaires juridiques du Parlement, troisièmement, la violation des principes de sécurité juridique et de confiance légitime, quatrièmement, une atteinte à l’indépendance du député, cinquièmement, la violation des dispositions de l’article 3, paragraphe 4, deuxième alinéa du règlement intérieur, relatives à la procédure susceptible d’aboutir à la déchéance d’un député, et, sixièmement, la violation du principe du contradictoire et de ses droits de la défense.

65. Il convient d’examiner tout d’abord concomitamment les premier et quatrième moyens.

Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 9 du protocole, et sur le quatrième moyen, tiré de l’atteinte à l’indépendance du député

66. Le requérant fait valoir, à l’appui de son premier moyen, que le Parlement a commis une erreur de droit en levant son immunité au motif que les propos et opinions repris dans le communiqué de presse litigieux auraient été émis en dehors du cadre de son activité de député au Parlement. Il estime en effet que la liberté de débat politique et la liberté d’expression du député doivent être protégées, qu’elles soient ou non utilisées dans le cadre strict du Parlement, et que son immunité aurait par conséquent dû être défendue et non pas levée. Il considère en effet que l’article 9 du protocole concerne tous les actes accomplis en dehors de l’exercice de l’activité parlementaire stricto sensu, lesquels sont, pour leur part, couverts par l’immunité établie par l’article 8 du protocole. Le Parlement aurait par conséquent violé l’article 9 du protocole.

67. Le requérant soutient par ailleurs, à l’appui de son quatrième moyen, que le Parlement ne pouvait lever son immunité en décidant que celui-ci n’avait pas usé de sa liberté d’expression dans l’exercice de ses fonctions de député au Parlement. En effet, selon lui, aucun précédent, dans la pratique décisionnelle antérieure du Parlement, ne prévoit d’obligation, pour le député européen, de faire état de cette qualité afin de pouvoir bénéficier des privilèges et immunités qui sont attachés à son mandat lorsqu’il s’exprime en dehors des lieux de travail habituels de l’assemblée.

68. La liberté du débat politique aurait ainsi été méconnue et il en résulterait, selon le requérant, une violation de l’article 6, paragraphe 1, du règlement intérieur.

69. Le Parlement conteste ces allégations.

70. Il convient de relever que le Parlement a examiné la demande de levée de l’immunité du requérant au regard du seul article 9 du protocole, ce qui résulte tant de l’exposé des motifs du rapport de la commission des affaires juridiques que de la décision relative à la levée de son immunité.

71. Par ailleurs, le requérant reconnaît, dans ses écritures, que c’est à juste titre que le Parlement a considéré que la demande de levée de son immunité devait être examinée au seul regard de l’article 9 du protocole.

72. Le requérant a, en outre, confirmé, lors de l’audience, que, selon lui, l’article 8 du protocole ne s’appliquait pas en l’espèce.

73. Les parties s’accordent ainsi sur le fait que la demande de levée de l’immunité du requérant devait être examinée au regard des dispositions de l’article 9 du protocole.

74. À cet égard, il convient de préciser que, en l’espèce, les propos figurant dans le communiqué de presse litigieux qui sont reprochés au requérant concernent la manière par laquelle ont réagi le président et le directeur général des services du Conseil régional de la Région Rhônes-Alpes à une demande des renseignements généraux visant à obtenir des informations relatives à certains fonctionnaires.

75. Il est par ailleurs constant que ces propos ont été rédigés par le porte-parole du groupe Front National siégeant au Conseil régional de la Région Rhônes-Alpes, groupe politique présidé par le requérant qui est lui-même un membre élu dudit Conseil.

76. Il est également constant que, lors d’une conférence de presse qui s’est tenue à Lyon le 10 octobre 2008, le requérant a confirmé que ce communiqué avait été rédigé par des personnes habilitées à s’exprimer au nom des élus du groupe politique en cause au sein du Conseil régional.

77. Force est donc de constater que ces faits ont directement trait aux fonctions exercées par le requérant en sa qualité de conseiller régional et de président du groupe Front National au sein du Conseil régional de la Région Rhônes-Alpes. C’est, au demeurant, en raison de cette qualité, ainsi qu’il résulte des pièces du dossier de l’affaire, en particulier des annexes A6, A8 et A10 de la requête et de l’annexe B2 du mémoire en défense, qu’il est poursuivi par les autorités françaises.

78. Il n’y a par conséquent pas de lien entre les propos litigieux reprochés au requérant et les fonctions de celui-ci en tant que député au Parlement ni, a fortiori, de lien direct et s’imposant avec évidence entre les propos litigieux et la fonction de député au Parlement qui aurait pu justifier qu’il soit fait application de l’article 8 du protocole, tel qu’interprété par la Cour (voir point 42 ci-dessus).

79. C’est par conséquent à bon droit que le Parlement a considéré qu’il y avait lieu d’examiner la demande de levée de l’immunité du requérant au regard du seul article 9 du protocole et non de l’article 8 de celui-ci.

80. En application de l’article 9 du protocole, le requérant jouit, sur le territoire français, des immunités reconnues aux membres du parlement de ce pays, lesquelles sont déterminées par l’article 26 de la Constitution française.

81. En l’espèce, le requérant reproche au Parlement d’avoir levé son immunité au motif que les propos litigieux dont la responsabilité lui est imputée ont été émis en dehors du cadre de son activité de député au Parlement, alors que, selon lui, l’article 9 du protocole concerne tous les actes accomplis en dehors de l’exercice de l’activité parlementaire stricto sensu et a pour objet de protéger la liberté de débat politique et la liberté d’expression du député, qu’elles soient ou non utilisées dans le cadre strict du Parlement européen.

82. Il convient de rappeler que l’article 26 de la Constitution française prévoit :

« Aucun membre du Parlement ne peut être poursuivi, recherché, arrêté, détenu ou jugé à l’occasion des opinions ou votes émis par lui dans l’exercice de ses fonctions.

Aucun membre du Parlement ne peut faire l’objet, en matière criminelle ou correctionnelle, d’une arrestation ou de toute autre mesure privative ou restrictive de liberté qu’avec l’autorisation du Bureau de l’assemblée dont il fait partie. Cette autorisation n’est pas requise en cas de crime ou délit flagrant ou de condamnation définitive.

La détention, les mesures privatives ou restrictives de liberté ou la poursuite d’un membre du Parlement sont suspendues pour la durée de la session si l’assemblée dont il fait partie le requiert.

[…] »

83. Si le requérant ne précise pas s’il entend que lui soit appliquée l’immunité ou l’inviolabilité prévues par ces dispositions, il convient toutefois de considérer que, par son argumentation, il revendique en réalité le bénéfice de l’immunité prévue par l’article 26, premier alinéa, de la Constitution française, dans la mesure où il considère en effet qu’il ne saurait être poursuivi ou jugé à l’occasion des opinions émises par lui dans l’exercice de ses fonctions.

84. Pour pouvoir bénéficier des dispositions de l’article 26, premier alinéa, de la Constitution française, il faut donc, tout comme en ce qui concerne l’article 8 du protocole, que les opinions émises par le membre du Parlement l’aient été dans l’exercice de ses fonctions de député au Parlement, puisque c’est en cette qualité qu’il bénéficie, par le biais de l’article 9 du protocole, de l’immunité reconnue par la Constitution française.

85. Or, force est de constater que tel n’est pas le cas en l’espèce (voir points 74 à 78 ci-dessus).

86. Il s’ensuit que le Parlement n’a pas commis d’erreur en considérant :

« [… L]a demande des autorités françaises ne se rapporte pas aux activités politiques [du requérant] en sa qualité de député au Parlement [...], mais [...] elle concerne ses activités sur le plan purement régional et local, en sa qualité de conseiller régional de la Région Rhônes-Alpes, mandat dont [il] a été investi au suffrage universel direct et qui est distinct de celui de député au Parlement [...] »

87. Il s’ensuit également qu’il est sans incidence que le député au Parlement ait ou non fait état de sa qualité lorsqu’il a émis les propos litigieux, dès lors que cet élément n’entre pas en ligne de compte pour déterminer si lesdits propos ont été émis dans l’exercice des fonctions de l’intéressé.

88. Enfin, dans la mesure où l’argumentation avancée par le requérant consisterait à faire valoir qu’il a agi non pas dans l’exercice de ses fonctions de député au Parlement, mais seulement dans le cadre d’activités politiques qu’est susceptible d’avoir tout membre du Parlement en dehors desdites fonctions et que, partant, ce n’est pas l’article 26, premier alinéa, de la Constitution française qui s’appliquerait en l’espèce, mais bien l’article 26, deuxième ou troisième alinéa, de celle-ci, force est de constater que, au titre de l’article 26, troisième alinéa, de la Constitution française, les poursuites sont possibles à moins que le Parlement ne s’y oppose, ce qui signifie qu’elles ne nécessitent pas la levée de l’inviolabilité dont jouit le parlementaire.

89. En outre et pour autant que de besoin, il y a lieu de rappeler que l’article 9 du protocole prévoit expressément la possibilité, pour le Parlement, de lever l’immunité dont est susceptible de jouir le député au Parlement au titre de cette disposition.

90. Il ne saurait par conséquent être reproché au Parlement d’avoir estimé opportun, eu égard aux circonstances de l’espèce et à la demande formée par le ministre d’État, garde des Sceaux, ministre de la Justice et des Libertés de la République française de lever l’immunité du requérant résultant du protocole afin de permettre la poursuite de l’instruction menée par les autorités judiciaires françaises.

91. Pour terminer, pour autant que le requérant fasse valoir que le Parlement aurait pu lever son immunité dans un tel cas, mais qu’il ne le ferait habituellement pas au regard de sa pratique décisionnelle antérieure, cette argumentation se confond en substance avec celle avancée à l’appui des deuxième et troisième moyens à l’examen desquels il est renvoyé.

92. Il convient par conséquent de rejeter tant le premier que le quatrième moyen.

Sur les deuxième et troisième moyens, tirés, d’une part, de la violation de la « jurisprudence constante » de la commission des affaires juridiques du Parlement en matière de liberté d’expression et de fumus persecutionis et, d’autre part, de la violation des principes de sécurité juridique, de protection de la confiance légitime et d’égalité de traitement

93. Le requérant soutient, à l’appui de son deuxième moyen, que le Parlement a la faculté de créer ses propres principes, créant ainsi une « jurisprudence », notamment en matière d’immunité parlementaire, laquelle s’imposerait aux autres institutions.

94. Les délibérations du Parlement sur les demandes de levée d’immunité qui, au fil du temps, lui ont été soumises lui auraient en effet permis de dégager des principes généraux, consacrés dans la résolution adoptée par le Parlement lors de sa séance du 10 mars 1987 (JO C 99, p. 44), sur la base du rapport de M. Donnez clôturant la procédure de consultation du Parlement sur le projet de protocole portant sur la révision du protocole sur les privilèges et immunités des Communautés européennes en ce qui concerne les membres du Parlement (A2-121/86).

95. Le Parlement aurait de la sorte établi des principes visant à protéger les droits des députés au Parlement en refusant, dans une très large mesure, de lever leur immunité, notamment lorsqu’il s’agit de protéger leur liberté d’expression et, en particulier, lorsque les poursuites sont diligentées par leurs adversaires politiques ou par le pouvoir exécutif.

96. Les principes dégagés dans le cadre de cette « jurisprudence constante » se trouveraient résumés dans un document de la commission juridique et du marché intérieur du Parlement, intitulé « Communication aux membres n o  11/2003 », du 6 juin 2003 (ci-après la « communication n o  11/2003 »).

97. Le requérant soutient que les propos qui lui sont reprochés s’inscrivent clairement dans le cadr e de son rôle de représentant du parti politique auquel il appartient et de président du groupe parlementaire régional de ce même parti, alors même qu’il est également député de ce parti au Parlement. Il s’ensuit, selon lui, qu’il ne saurait lui être refusé de définir ses propos comme étant directement liés à son activité politique. C’est dès lors, selon lui, avec une mauvaise foi manifeste que la commission des affaires juridiques a estimé qu’il avait tenu lesdits propos en dehors de l’exercice de ses fonctions de député au Parlement.

98. Il en résulterait, par voie de conséquence, une violation non seulement des principes en matière de liberté d’expression des députés évoqués ci-dessus, mais aussi du fumus persecutionis, dès lors que la procédure pénale trouve son origine dans la plainte avec constitution de partie civile déposée par la LICRA, qui fut et reste dirigée par des adversaires politiques déclarés du requérant, tant sur le plan local et régional qu’à l’intérieur du Parlement.

99. Par ailleurs, le requérant estime en substance que le comportement des autorités françaises, et notamment des autorités judiciaires, démontre également l’existence d’un tel fumus persecutionis.

100. Or, selon le requérant, les principes dégagés par le Parlement visent, dans une telle situation, à protéger le député d’une levée d’immunité.

101. Enfin, le requérant fait valoir en substance, à l’appui de son troisième moyen, que le Parlement, d’une part, en violant les principes et la « jurisprudence » qu’il a définis en matière de liberté d’expression et de fumus persecutionis, a violé les principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime et, d’autre part, en levant son immunité et en s’écartant de la sorte de sa « jurisprudence », a également violé le principe d’égalité de traitement qui s’impose entre les députés au Parlement.

102. Le Parlement conteste ces allégations.

103. Le requérant faisant valoir en substance, dans le cadre de son deuxième moyen, une violation de la « jurisprudence constante » du Parlement en matière d’immunité telle qu’elle résulte de la communication n o  11/2003 et, dans le cadre de son troisième moyen, qu’en violant cette « jurisprudence constante » il en résulterait une violation des principes de sécurité, de confiance légitime et d’égalité de traitement, il convient d’examiner tout d’abord la nature juridique de la communication n o  11/2003.

– Sur la nature juridique de la communication n o  11/2003 et le contrôle exercé par le Tribunal

104. Il convient tout d’abord d’avoir égard à la communication n o  11/2003, laquelle est rédigée comme suit :

« Le secrétariat [de la commission juridique et du marché intérieur] a rédigé le document en annexe à la demande de la commission. Il a identifié les cas où le Parlement a été saisi de demandes de levée d’immunité dans les affaires relatives à l’expression d’opinion depuis 1979 et essayé d’en extraire des principes communs, en tenant compte du vote final en séance plénière.

[…]

Bien que l’article [9], premier alinéa, sous a)[...], du [p]rotocole se réfère aux immunités reconnues aux membres du parlement national en question, le Parlement [...] a la faculté de créer ses propres principes, créant ainsi ce que l’on peut appeler une ‘jurisprudence’.

[…]

Les principes ou la jurisprudence dont il est question ci-dessus devraient avoir pour effet d’établir un concept cohérent de l’immunité parlementaire européenne lequel, en principe, devrait être indépendant des différentes pratiques en vigueur dans les parlements nationaux […] [Considérant] qu’il a été examiné si l’immunité existe dans le cadre de la législation nationale, le Parlement [...] applique des principes constants lorsqu’il s’agit de décider d’une levée d’immunité.

[…]

Principe n o  2 : c’est un principe fondamental que, dans les cas où les actes dont est accusé le député entrent dans le cadre de son activité politique ou y sont directement liés, l’immunité ne sera pas levée.

Sont considérées comme expressions d’opinions couvertes par l’activité politique du député les manifestations (même à partir de la tribune réservée au public d’un parlement national), lors de réunions publiques, dans des publications politiques, dans la presse, dans un livre, à la télévision, en signant un tract politique et même dans un tribunal […] Le Parlement a même refusé de lever l’immunité concernant des accusations accessoires lorsque l’accusation principale était liée à l’expression d’une opinion politique.

Ce qui est présumé avoir été proféré ou écrit est largement dépourvu de pertinence, en particulier dans le cas où l’expression de l’opinion a trait à un autre politicien ou à l’objet du débat politique. Cela peut cependant faire l’objet de certaines notifications d’opposition :

[…]

3. il est souvent indiqué dans les rapports que l’expression d’opinions ne peut constituer une incitation à la haine, une diffamation ou une violation des droits fondamentaux de la personne ou une attaque contre l’honneur ou la réputation de groupes ou d’individus. Néanmoins, il convient de dire que le Parlement a adopté avec constance une attitude très libérale en ce qui concerne l’expression d’opinions faites dans l’arène politique, observant que, dans l’arène politique, il est souvent difficile d’établir une distinction entre la polémique et la diffamation.

[…]

Le concept de fumus persecutionis, c’est-à-dire la présomption que les poursuites judiciaires à l’encontre d’un parlementaire sont entamées dans l’intention de porter atteinte à ses activités politiques, par exemple, si des dénonciations anonymes sont à l’origine de l’enquête ou lorsque la demande est introduite longtemps après les allégations. Par exemple, lorsque des poursuites en dommage[s] pour diffamation sont entamées par un adversaire politique, il est estimé que, en l’absence de preuve du contraire, elles doivent être considérées comme destinées à porter préjudice au parlementaire concerné et non à obtenir réparation des dommages. Le fumus persecutionis est présumable en particulier lorsque les poursuites sont engagées en ce qui concerne des faits anciens, pendant une campagne électorale, pour faire de l’accusé un exemple, etc.

Principe n o  3 : lorsque les poursuites sont engagées par un adversaire politique, en l’absence de preuve du contraire, l’immunité ne sera pas levée dans la mesure où les poursuites doivent être considérées comme destinées à porter préjudice au parlementaire concerné et non à obtenir réparation des dommages. De même, lorsque les poursuites sont entamées dans des circonstances laissant à penser qu’elles n’ont été engagées que dans le but de nuire au député concerné.

[...] »

105. Il convient de reconnaître que c’est à bon droit que le Parlement fait valoir que ce document, rédigé par le secrétariat de la commission juridique et du marché intérieur, n’est pas un acte du Parlement et constitue uniquement une synthèse de la pratique décisionnelle antérieure de cette commission dans le domaine en cause.

106. Par ailleurs, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le droit de se prévaloir de la protection de la confiance légitime s’étend à tout particulier qui se trouve dans une situation de laquelle il ressort que l’administration communautaire, en lui fournissant des assurances précises, a fait naître chez lui des espérances fondées (arrêt de la Cour du 15 juillet 2004, Di Lenardo et Dilexport, C-37/02 et C-38/02, Rec. p. I-6911, point 70, et arrêt du Tribunal du 17 décembre 1998, Embassy Limousines & Services/Parlement, T-203/96, Rec. p. II-4239, point 74). Constituent de telles assurances, quelle que soit la forme sous laquelle ils sont communiqués, des renseignements précis, inconditionnels et concordants, émanant de sources autorisées et fiables (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 25 mai 2000, Kögler/Cour de justice, C-82/98 P, Rec. p. I-3855, point 33, et du Tribunal du 18 octobre 2011, Purvis/Parlement, T-439/09, Rec. p. II-7231, point 69). En revanche, nul ne peut invoquer une violation de ce principe en l’absence d’assurances précises que lui aurait fournies l’administration (arrêts de la Cour du 24 novembre 2005, Allemagne/Commission, C-506/03, non publié au Recueil, point 58, et du 22 juin 2006, Belgique et Forum 187/Commission, C-182/03 et C-217/03, Rec. p. I-5479, point 147). De surcroît, seules des assurances conformes aux normes applicables peuvent fonder une confiance légitime (arrêts du Tribunal du 30 juin 2005, Branco/Commission, T-347/03, Rec. p. II-2555, point 102, et du 23 février 2006, Cementbouw Handel & Industrie/Commission, T-282/02, Rec. p. II-319, point 77).

107. Dès lors que la communication n o  11/2003 n’est pas un acte du Parlement, mais constitue uniquement une synthèse de la pratique décisionnelle antérieure de la commission juridique et du marché intérieur, réalisée par le secrétariat général du Parlement dans le but de sensibiliser les députés au Parlement au regard de cette pratique décisionnelle, et qu’un tel document ne saurait par conséquent lier le Parlement, il s’ensuit qu’il ne saurait comporter des renseignements précis, inconditionnels et concordants, émanant de celui-ci, susceptibles de constituer des assurances précises de sa part sur la base desquelles des espérances fondées ont pu naître chez les députés au Parlement.

108. Il s’ensuit que, en tout état de cause, le requérant ne saurait faire valoir que le Parlement a méconnu le principe de confiance légitime en s’écartant d’un document qui n’est pas un acte du Parlement.

109. Il y a toutefois lieu de rappeler que les institutions sont tenues d’exercer leurs compétences en conformité avec les principes généraux du droit de l’Union, tels que le principe d’égalité de traitement et le principe de bonne administration et que, eu égard à ces principes, il leur appartient de prendre en considération les décisions déjà prises sur des demandes similaires et de s’interroger avec une attention particulière sur le point de savoir s’il y a lieu ou non de décider dans le même sens. En outre, les principes d’égalité de traitement et de bonne administration doivent se concilier avec le respect de la légalité (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C-51/10 P, Rec. p. I-1541, points 73 à 75, et la jurisprudence citée).

110. Il convient de rappeler, à cet égard, que le principe d’égalité de traitement s’oppose, notamment, à ce que des situations comparables soient traitées de manière différente, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir arrêts de la Cour du 16 décembre 2008, Arcelor Atlantique et Lorraine e.a., C-127/07, Rec. p. I-9895, point 23, et du 14 octobre 2010, Nuova Agricast et Cofra/Commission, C-67/09 P, Rec. p. I-9811, point 78, et la jurisprudence citée).

111. En outre, il résulte d’une jurisprudence constante que, parmi les garanties conférées par l’ordre juridique de l’Union dans les procédures administratives, figure notamment le principe de bonne administration, auquel se rattache l’obligation pour l’institution compétente d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce (arrêts de la Cour du 21 novembre 1991, Technische Universität München, C-269/90, Rec. p. I-5469, point 14, et du 29 mars 2012, Commission/Estonie, C-505/09 P, point 95).

112. Il convient par conséquent de considérer que, par son moyen tiré de la violation de la « jurisprudence constante » du Parlement en matière d’immunité, le requérant entend faire valoir la violation des principes de bonne administration et d’égalité de traitement.

113. À supposer même que la communication n o  11/2003 comporte des indications suffisamment précises sur l’attitude que les membres du Parlement peuvent attendre de la part de celui-ci lorsqu’il sera appelé à se prononcer sur l’immunité d’un député, au regard, en particulier, de la liberté d’expression et du fumus persecutionis, il y a lieu de considérer que le Parlement ne saurait s’en départir que si une motivation suffisante est apportée sur ce point.

114. Il convient de rappeler à cet égard que la motivation exigée à l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêts de la Cour du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C-367/95 P, Rec. p. I-1719, point 63 ; du 30 septembre 2003, Allemagne/Commission, C-301/96, Rec. p. I-9919, point 87, et du 22 juin 2004, Portugal/Commission, C-42/01, Rec. p. I-6079, point 66).

115. Enfin, s’agissant du principe de sécurité juridique, il ressort de la jurisprudence que ce principe constitue un principe fondamental du droit de l’Union qui exige, notamment, qu’une réglementation soit claire et précise, afin que les justiciables puissent connaître sans ambiguïté leurs droits et obligations et prendre leurs dispositions en conséquence. Cependant, dès lors qu’un certain degré d’incertitude quant au sens et à la portée d’une règle de droit est inhérent à celle-ci, il convient d’examiner si la règle de droit en cause souffre d’une ambiguïté telle qu’elle ferait obstacle à ce que les justiciables puissent lever avec une certitude suffisante des éventuels doutes sur la portée ou le sens de cette règle (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 14 avril 2005, Belgique/Commission, C-110/03, Rec. p. I-2801, points 30 et 31).

– Sur l’acte attaqué

116. Le requérant avance à l’appui de son deuxième moyen que le Parlement a méconnu sa pratique décisionnelle antérieure relative à l’appréciation des cas dans lesquels la liberté d’expression des députés est concernée et dans lesquels il existe une suspicion de fumus persecutionis.

117. En ce qui concerne tout d’abord la liberté d’expression, il résulte de la pratique décisionnelle du Parlement, suivant la communication n o  11/2003, que la levée d’immunité peut être envisagée en particulier si les faits qui sont reprochés au député relèvent de l’incitation à la haine raciale.

118. Force est de constater, en l’espèce, que cette qualification des faits par les autorités compétentes a été relevée aux considérants A et B de l’acte attaqué :

« A. considérant qu’un procureur français a demandé la levée de l’immunité parlementaire [du requérant], député au Parlement[...], afin de donner suite à une plainte pour incitation présumée à la haine raciale et, le cas échéant, de pouvoir [le] traduire devant le tribunal de première instance, la cour d’appel et la Cour de cassation de la République française ;

B. considérant que la demande de levée de l’immunité [du requérant] se rapporte à une infraction présumée d’incitation à la haine raciale suite à la publication, le 3 octobre 2008, d’un communiqué de presse du groupe [...] Front national de la Région Rhônes-Alpes, dont [le requérant] était président ».

119. Par ailleurs, en ce qui concerne le fumus persecutionis, il y a lieu de constater que les poursuites judiciaires à l’encontre du requérant n’ont pas été engagées par un adversaire politique, mais par une association habilitée par la loi française à poursuivre devant les tribunaux les paroles ou les écrits racistes ou antisémites en application de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ( Bulletin des Lois, 1881, n o  637, p. 125), que ce ne sont pas des dénonciations anonymes qui sont à l’origine de l’enquête, que les poursuites engagées ne concernaient ni des faits anciens ni des faits commis pendant une campagne électorale et que rien ne permet d’établir, au vu des faits pris en considération par le Parlement et qui ne sont au demeurant pas contestés par le requérant, que les poursuites auraient manifestement visé à faire de ce dernier un exemple.

120. Aucun des critères identifiés dans le cadre de la pratique décisionnelle antérieure du Parlement et ayant pu conduire celui-ci à s’opposer, dans le passé, à une demande de levée de l’immunité n’est donc rencontré dans le cas d’espèce.

121. Le Parlement a dès lors relevé à bon escient ce qui suit dans la décision relative à la levée de l’immunité du requérant :

« [… D]ans le cas présent, le Parlement n’a pas pu établir qu’il y avait fumus persecutionis, c’est-à-dire une présomption suffisamment sérieuse et précise que la procédure a été engagée dans l’intention de nuire à l’activité politique du député [...] »

122. Il s’ensuit que, sur l’appréciation tant de la liberté d’expression que de l’existence d’un éventuel fumus persecutionis, l’obligation pour le Parlement d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce a été satisfaite et le requérant reste en défaut d’établir que le principe de bonne administration a été violé.

123. Il en va de même en ce qui concerne le principe d’égalité de traitement, le requérant restant en défaut de démontrer, au regard de la pratique décisionnelle antérieure du Parlement mise en lumière par la communication n o  11/2003, qu’il aurait fait l’objet d’un traitement différent de celui qui est habituellement réservé aux députés au Parlement dans des situations comparables.

124. En outre, eu égard à la nature juridique de la communication n o  11/2003, qui n’est pas un document du Parlement (voir points 107 et 108 ci-dessus), le requérant ne saurait utilement se prévaloir de la violation, par celui-ci, du principe de sécurité juridique pour s’être écarté de cette communication d’une manière inattendue pour lui, dès lors que cette communication, établie par le seul secrétariat général du Parlement, ne saurait par conséquent être considérée comme une réglementation au sens de la jurisprudence rappelée ci-dessus (point 115).

125. Enfin, il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que l’acte attaqué comporte une motivation suffisante à l’égard des deux points évoqués ci-dessus.

126. Les deuxième et troisième moyens doivent par conséquent être rejetés dans leur ensemble.

Sur le cinquième moyen, tiré de la méconnaissance des dispositions du règlement intérieur relatives à la procédure susceptible d’aboutir à la déchéance d’un député

127. Le requérant fait valoir en substance que les faits pour lesquels il est poursuivi sont susceptibles d’être sanctionnés, en droit français, par une peine complémentaire d’inéligibilité qui entraîne la déchéance des mandats électifs.

128. Or, le gouvernement français n’aurait pas respecté la procédure prévue à l’article 3, paragraphe 6, du règlement intérieur et aurait omis de mentionner, dans sa correspondance, que les poursuites diligentées contre le requérant pouvaient avoir pour conséquence la déchéance de son mandat de député.

129. En outre, selon le requérant, aucun organe du Parlement n’en a demandé compte au gouvernement français. Or, le président du Parlement aurait dû porter à la connaissance de la commission des affaires juridiques cet élément essentiel et celle-ci aurait pu en tenir compte, même si la condamnation du requérant à une telle peine complémentaire restait hautement improbable.

130. Il s’ensuit, selon lui, que l’omission de cette formalité substantielle vicie le rapport de la commission compétente et, par voie de conséquence, la décision relative à la levée de l’immunité du requérant.

131. Le Parlement conteste ces allégations.

132. Suivant une jurisprudence constante, le règlement intérieur d’une institution communautaire a pour objet d’organiser le fonctionnement interne des services dans l’intérêt d’une bonne administration. Il en résulte que les personnes physiques ou morales ne sauraient se prévaloir à l’appui d’un recours en annulation d’une prétendue violation de ces règles qui ne sont pas destinées à assurer la protection des particuliers (arrêt de la Cour du 7 mai 1991, Nakajima/Conseil, C-69/89, Rec. p. I-2069, points 49 et 50 ; voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 13 septembre 2007, Common Market Fertilizers/Commission, C-443/05 P, Rec. p. I-7209, points 144 et 145).

133. En outre, selon une jurisprudence constante, la violation d’une formalité substantielle peut entraîner l’annulation de la décision en cause s’il est établi que, en l’absence de cette irrégularité, ladite décision aurait pu avoir un contenu différent (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 29 octobre 1980, van Landewyck e.a./Commission, 209/78 à 215/78 et 218/78, Rec. p. 3125, point 47, et arrêt du Tribunal du 5 avril 2006, Degussa/Commission, T-279/02, Rec. p. II-897, point 416).

134. En l’espèce, le premier grief avancé par le requérant vise en substance à faire constater par le Tribunal que les autorités françaises ont manqué à l’obligation, qui résulterait pour elles de l’article 3, paragraphe 6, du règlement intérieur, d’informer le Parlement de l’existence d’une procédure susceptible d’aboutir à la déchéance du mandat du requérant.

135. Or, il y a lieu de constater que l’article 3, paragraphe 6, du règlement intérieur ne prévoit aucune obligation en ce sens à la charge des États membres.

136. En effet, l’article 3, paragraphe 6, du règlement intérieur prévoit que, lorsque les autorités compétentes des États membres entament une procédure susceptible d’aboutir à la déchéance du mandat d’un député, le président du Parlement leur demande d’être régulièrement informé de l’état de la procédure et saisit la commission compétente pour la vérification des pouvoirs, sur proposition de laquelle le Parlement peut se prononcer.

137. Les dispositions de cet article prévoient ainsi la procédure à suivre par le président du Parlement et non par les États membres. Au demeurant, il est en tout état de cause exclu qu’une quelconque obligation à la charge des États membres puisse être établie sur le fondement du règlement intérieur du Parlement.

138. Le premier grief doit par conséquent être écarté.

139. Le second grief est tiré de ce qu’aucun organe du Parlement, à commencer par son président, n’a reproché aux autorités françaises de ne pas avoir informé le Parlement du fait que le requérant encourait une déchéance de son mandat, alors que le président aurait dû attirer l’attention de la commission compétente sur ce manquement qui aurait pu être pris en compte par cette même commission lors de l’adoption de la décision relative à la levée de son immunité.

140. Or, il y a lieu de constater que l’article 3, paragraphe 6, du règlement intérieur, qui ne comporte pas de règles destinées à assurer la protection des particuliers, vise uniquement, ainsi que le fait valoir le Parlement, à permettre à celui-ci d’être tenu informé des suites réservées par les autorités nationales à une procédure susceptible d’aboutir à la déchéance d’un député et au remplacement éventuel de celui-ci.

141. Il s’agit en ce sens d’une disposition qui a pour objet d’assurer le bon fonctionnement interne du Parlement et qui ne constitue donc pas une formalité substantielle de la procédure de levée de l’immunité d’un député.

142. Il s’ensuit que le second grief doit, lui aussi, être écarté.

143. Le cinquième moyen doit par conséquent être rejeté dans son ensemble.

Sur le sixième moyen, tiré de la violation du principe du contradictoire et des droits de la défense

144. Le requérant soutient que le fait qu’il n’a pas eu la possibilité de se défendre lors du vote en séance plénière sur la décision relative à la levée de son immunité et qu’une demande qu’il a présentée en ce sens au président du Parlement européen a été rejetée constitue une violation du principe du contradictoire et des droits de la défense.

145. Il reconnaît que, certes, l’article 7, paragraphe 8, troisième alinéa, du règlement intérieur prévoit que, sans préjudice des dispositions de l’article 151, le député dont les privilèges ou immunités font l’objet d’un examen ne peut intervenir dans le débat.

146. Il soulève toutefois une exception d’illégalité à l’encontre de cette disposition, en faisant valoir sa contradiction avec le respect des droits de la défense et, en particulier, du droit d’être entendu.

147. À cet égard, premièrement, il fait valoir qu’il ne saurait être considéré que ses droits de la défense ont été respectés du seul fait qu’il a été entendu, à huis clos, devant la commission des affaires juridiques, alors même que le sens du rapport préparé par le rapporteur n’était pas connu.

148. Deuxièmement, le requérant observe que les procès-verbaux des réunions de commission ne mentionnent pas les noms des députés effectivement présents lors de son audition, mais seulement la liste d’émargement. Or, selon lui, nombre de députés ayant signé cette liste n’étaient plus présents lors de son audition.

149. Troisièmement, il allègue que plusieurs députés ayant participé au vote du rapport n’étaient pas présents lors de son audition. Or, il est communément admis, dans le cadre d’une procédure disciplinaire, judiciaire ou administrative, que ne peuvent prendre une décision que ceux qui ont entendu l’intéressé, ce qui suppose que les mêmes personnes participent à la fois à l’audition de l’intéressé et à l’adoption de la décision le concernant.

150. Quatrièmement, ce refus de l’entendre serait également en contradiction avec la plupart des usages parlementaires et, en particulier, avec l’article 80, paragraphe 7, du règlement de l’Assemblée nationale française, qui prévoit que le député prendra part aux débats dans le cadre de l’examen de la demande de levée d’immunité le concernant.

151. Cinquièmement, le requérant fait valoir que le Parlement a de surcroît écarté toute possibilité de débat en recourant à une procédure simplifiée sans débat pour l’adoption des textes n’ayant pas fait l’objet d’amendements, conformément à l’article 138, paragraphe 2, du règlement intérieur. Or, cette disposition à caractère général ne saurait s’appliquer, selon lui, dès lors que les dispositions particulières de l’article 7, paragraphe 8, du règlement intérieur, applicables en matière d’immunité, prévoient pour leur part la tenue d’un débat.

152. Enfin, sixièmement, les propositions d’adoption d’un acte avec ou sans débat sont examinées par la conférence des présidents des groupes politiques. Or, selon le requérant, dans le cadre de cette conférence, les députés non inscrits n’ont pas de représentant élu et ne disposent que d’un représentant nommé qui n’a pas voix délibérative, de sorte qu’il ne peut exiger la tenue d’un débat, ce qui constitue, selon lui, un nouveau cas de discrimination des députés non inscrits, à l’instar de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du Tribunal du 2 octobre 2001, Martinez e.a./Parlement (T-222/99, T-327/99 et T-329/99, Rec. p. II-2823).

153. Il convient de préciser que, lors de l’audience, le requérant a indiqué que son moyen portait uniquement sur l’absence de garanties offertes par les procédures internes du Parlement lors de l’examen d’une demande de levée de l’immunité, à savoir le débat contradictoire et le respect des droits de la défense, mais qu’il ne soutenait toutefois pas que, en l’espèce, ces procédures internes auraient été violées.

154. Le Parlement conteste ces allégations.

155. L’argumentation du requérant, telle qu’il l’a précisée lors de l’audience, consiste en substance à soutenir qu’il souhaitait prendre la parole en séance plénière pour se défendre et que ce droit lui a été refusé parce que l’application combinée des dispositions de l’article 7, paragraphe 8, et de l’article 138, paragraphe 2, du règlement intérieur a empêché la tenue du débat et le fait qu’il y prenne la parole.

156. Le requérant estime en effet que le recours à l’article 138, paragraphe 2, du règlement intérieur a empêché la tenue d’un débat pourtant prévu par l’article 7, paragraphe 8, dudit règlement et que l’application de l’article 7, paragraphe 8, du règlement intérieur empêche en outre le député de s’exprimer lorsqu’un tel débat a lieu.

157. S’il reconnaît que, certes, le Parlement s’est conformé aux dispositions de son règlement intérieur, le requérant conteste en revanche la légalité d’un tel dispositif, dans la mesure où il considère qu’il est contraire tant au respect des droits de la défense qu’au principe du contradictoire.

158. Il convient par conséquent d’examiner, premièrement, si un débat devait avoir lieu en séance plénière, deuxièmement, si, dans l’affirmative, le requérant pouvait s’y voir refuser la parole et, par conséquent, si les dispositions de l’article 7, paragraphe 8, du règlement intérieur sont à cet égard illégales et, enfin, troisièmement, si les autres griefs relatifs à la procédure suivie par le Parlement remettent en cause la légalité du déroulement de celle-ci.

– Sur la tenue d’un débat en séance plénière

159. À titre liminaire, il y a lieu de relever que le requérant ne remet pas en cause l’article 7, paragraphe 8, du règlement intérieur en ce qu’il prévoit la tenue d’un débat, mais exclusivement en ce qu’il prévoit que, au cours de ce débat, le député concerné ne peut prendre la parole.

160. Premièrement, il convient donc d’examiner s’il est permis d’appliquer les dispositions de l’article 138, paragraphe 2, du règlement intérieur, qui prévoit une procédure simplifiée sans débat et sans amendement en séance plénière, dans le cadre de l’adoption, lors de celle-ci, d’une décision relative à l’immunité d’un député.

161. L’article 138, paragraphe 2, du règlement intérieur prévoit que, lorsqu’une proposition de résolution non législative a été adoptée en commission alors que moins d’un dixième des membres de ladite commission a voté contre le texte, elle est inscrite à l’ordre du jour pour adoption sans amendement et sans débat, sauf s’il est décidé autrement sur proposition de la conférence des présidents ou à la demande d’un groupe politique ou de 40 députés au moins.

162. En premier lieu, il convient de considérer que, ainsi que le fait valoir le Parlement, la notion de « proposition de résolution non législative », par opposition à celle de « proposition d’acte législatif » au sens de l’article 138, paragraphe 1, du règlement intérieur, inclut la notion de « proposition de décision » au sens de l’article 7, paragraphe 2, du règlement intérieur, cette interprétation n’étant au demeurant pas contestée par le requérant.

163. En deuxième lieu, il convient de relever que ce n’est qu’au terme d’un débat en commission, et pour autant qu’une minorité de moins d’un dixième de ses membres ait voté contre le texte au sein de celle-ci, que le règlement intérieur prévoit que la procédure qui sera ensuite suivie de plein droit est la procédure sans débat et sans amendement prévue à l’article 138 du règlement intérieur, et ce pour des raisons d’économie de procédure.

164. En troisième lieu, il y a lieu de souligner que le règlement intérieur a néanmoins prévu des mécanismes de sauvegarde, permettant la tenue d’un débat en séance plénière, en dépit du résultat du vote en commission, sur proposition de la conférence des présidents ou à la demande d’un groupe politique ou encore de 40 députés au moins.

165. La possibilité de tenir un débat en séance plénière n’est donc aucunement exclue, même lorsque les dispositions de l’article 138, paragraphe 2, conduisent à inscrire un point à l’ordre du jour de la séance plénière en vue d’un vote sans débat et sans amendement.

166. En quatrième lieu, l’article 7, paragraphe 8, du règlement intérieur n’impose pas la tenue d’un débat en séance plénière, mais il se borne à prévoir les conditions dans lesquelles ce débat se déroulera s’il a lieu, en l’occurrence sous la forme d’un débat limité aux raisons qui militent pour et contre la proposition de lever ou non l’immunité d’un député et qui ne peut en outre conduire au dépôt d’aucun amendement.

167. Il s’ensuit que ces dispositions n’excluent nullement que, lorsque la proposition de décision a été adoptée en commission et qu’une minorité de moins d’un dixième des membres de celle-ci a voté contre le texte, le point soit inscrit de plein droit à l’ordre du jour de la séance plénière en vue d’un vote sans débat et sans amendement, conformément à l’article 138, paragraphe 2, du règlement intérieur.

168. L’article 7, paragraphe 8, ne constitue dès lors pas une lex specialis à laquelle l’article 138, paragraphe 2, ne permettrait pas de déroger, mais ces deux dispositions présentent, au contraire, un rapport de complémentarité procédurale destinée à faciliter les travaux du Parlement lors de la séance plénière lorsque seule une minorité très faible s’est exprimée contre la proposition adoptée par la commission compétente, voire lorsque aucune minorité ne s’est exprimée contre cette proposition.

169. Au demeurant, il convient de préciser que le Parlement a indiqué, sans être contredit par le requérant, que la procédure sans débat prévue à l’article 138, paragraphe 2, du règlement intérieur était celle qui était habituellement suivie par le Parlement en ce qui concernait les décisions relatives aux demandes de levée d’immunité et qu’un débat en séance plénière, tel qu’il était prévu par l’article 7, paragraphe 8, n’intervenait qu’exceptionnellement, dès lors que c’était uniquement le résultat du vote au sein de la commission compétente qui déterminait si l’article 138, paragraphe 2, s’appliquait.

170. En outre, d’une part, il convient de constater que, en l’espèce, le point a été inscrit à l’ordre du jour de la séance plénière en vue d’un vote sans amendement et sans débat, dans la mesure où la proposition de décision avait été adoptée en commission alors qu’une minorité de moins d’un dixième de ses membres avait voté contre le texte au sein de celle-ci. D’autre part, il y a lieu de constater, ce que le requérant ne conteste pas, que ni la conférence des présidents, ni un groupe politique, ni même 40 députés ne se sont exprimés afin que se tienne un débat concernant la décision de lever l’immunité de celui-ci.

171. Il convient par conséquent de considérer que c’est à bon droit que le Parlement a appliqué la procédure sans amendement et sans débat de l’article 138 du règlement intérieur.

172. Par conséquent et en conclusion, pour autant que le requérant fasse toujours valoir l’existence d’un détournement de procédure, nonobstant les précisions apportées à la formulation de ses griefs lors de l’audience, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, il n’y a détournement de pouvoir, dont le détournement de procédure n’est qu’une forme, que s’il apparaît, sur la base d’indices objectifs, pertinents et concordants, que l’acte attaqué a été pris dans le but exclusif, ou tout au moins déterminant, d’atteindre des fins autres que celles excipées ou d’éluder une procédure spécialement prévue par le traité pour parer aux circonstances de l’espèce (arrêts de la Cour du 10 mars 2005, Espagne/Conseil, C-342/03, Rec. p. I-1975, point 64, et du 7 septembre 2006, Espagne/Conseil, C-310/04, Rec. p. I-7285, point 69).

173. Dès lors que c’est de plein droit, en application de l’article 138, paragraphe 2, du règlement intérieur, que le point en cause a, en l’espèce, été inscrit à l’ordre du jour de la séance plénière en vue d’un vote sans amendement et sans débat, dans la mesure où la proposition de décision avait été adoptée en commission, alors que, tout au plus, une minorité de moins d’un dixième de ses membres avait voté contre le texte au sein de celle-ci, il n’existe en l’espèce aucun indice objectif et pertinent que l’acte attaqué aurait été adopté d’une manière visant à éluder une procédure spécialement prévue à cet effet.

174. Deuxièmement, il convient d’examiner si, comme le soutient le requérant, en dépit de la régularité de la procédure suivie par le Parlement, les principes généraux relatifs au respect des droits de la défense et du contradictoire s’opposent au dispositif procédural d’adoption d’une décision de lever l’immunité d’un député tel qu’il est établi par le règlement intérieur du Parlement.

175. Il convient à cet égard de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le respect des droits de la défense, et notamment du droit d’être entendu, dans toute procédure ouverte à l’encontre d’une personne et susceptible d’aboutir à un acte faisant grief à celle-ci constitue un principe fondamental du droit de l’Union et doit être assuré, même en l’absence de toute réglementation concernant la procédure en cause (arrêts de la Cour du 9 novembre 2006, Commission/De Bry, C-344/05 P, Rec. p. I-10915, point 37, et du Tribunal du 14 octobre 2009, Bank Melli Iran/Conseil, T-390/08, Rec. p. II-3967, point 91). Ce principe a d’ailleurs été consacré par l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la charte des droits fondamentaux.

176. En vertu de ce principe, l’intéressé doit avoir eu la possibilité, préalablement à l’adoption de la décision le concernant, de faire valoir utilement son point de vue sur la réalité et la pertinence des faits et circonstances sur la base desquels cette décision a été adoptée (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 15 juillet 1970, Buchler/Commission, 44/69, Rec. p. 733, point 9, et du 3 octobre 2000, Industrie des poudres sphériques/Conseil, C-458/98 P, Rec. p. I-8147, point 99).

177. Il s’ensuit que, conformément à ces principes, une décision ne saurait être adoptée sur le fondement d’éléments de fait et de circonstances sur lesquels l’intéressé n’aurait pas été en mesure de faire utilement valoir son point de vue avant l’adoption de cette décision.

178. Le droit d’être entendu n’implique toutefois pas nécessairement la tenue d’un débat public dans toute procédure ouverte à l’encontre d’une personne et susceptible d’aboutir à un acte faisant grief à celle-ci.

179. Le respect des droits de la défense et du contradictoire n’implique par conséquent pas que l’adoption, par le Parlement, d’une décision concernant la levée de l’immunité d’un député soit nécessairement précédée d’un débat en séance plénière.

180. Le requérant n’établit au demeurant pas qu’un tel principe prévaudrait largement dans le droit des États membres, ni même en droit français.

181. C’est en effet sans être contredit par le requérant que le Parlement a avancé, lors de l’audience, que, en France, depuis 1995, c’est au bureau de l’assemblée dont fait partie le député qu’il appartient de prendre une décision relative à la levée de l’immunité de celui-ci et non plus à l’assemblée siégeant en formation plénière.

182. Il convient en revanche d’avoir égard à l’article 7, paragraphe 3, du règlement intérieur, qui prévoit que le député concerné par une demande de levée de son immunité se voit offrir la possibilité de s’expliquer et qu’il peut présenter autant de documents et d’éléments d’appréciation écrits qu’il juge pertinents. Il peut en outre être représenté par un autre député.

183. Des garanties suffisantes, au regard des droits de la défense et du principe du contradictoire, sont ainsi conférées à l’intéressé dans le cadre de la procédure établie par le Parlement afin de traiter les demandes de levée de l’immunité des députés.

184. C’est par conséquent à tort que le requérant fait valoir que le principe du respect des droits de la défense et du contradictoire s’opposerait au dispositif procédural en vigueur devant le Parlement dans le cadre du règlement intérieur, en vertu des articles 7 et 138 de celui-ci, en vue du traitement des demandes de levée de l’immunité.

185. De surcroît, en l’espèce, il y a lieu de constater que le requérant ne conteste pas avoir été entendu devant la commission des affaires juridiques avant que celle-ci n’adopte sa proposition de décision.

186. En outre, le requérant reste en défaut d’établir quels éléments de fait ou quelles circonstances auraient été pris en compte par la commission des affaires juridiques ou par le Parlement et sur lesquels il n’aurait pas été en mesure de faire valoir son point de vue avant l’adoption de la décision relative à la levée de son immunité.

187. De plus, il résulte des motifs de la décision relative à la levée de l’immunité du requérant que le Parlement a répondu aux deux principaux arguments que celui-ci fait à nouveau valoir devant le Tribunal, à savoir qu’il aurait agi dans l’exercice de ses fonctions et qu’il existerait un fumus persecutionis justifiant que son immunité ne soit pas levée.

188. Il convient par conséquent de considérer que le requérant n’établit pas que, en l’espèce, ses droits de la défense ou le principe du contradictoire ont été violés.

– Sur le droit du député de prendre la parole lors du débat prévu par l’article 7, paragraphe 8, du règlement intérieur

189. Eu égard aux développements qui précèdent, il y a lieu de considérer comme inopérante l’argumentation du requérant suivant laquelle serait contraire au respect des droits de la défense et au principe du contradictoire le fait de ne pas être en droit de prendre la parole lors du débat en séance plénière lors de l’adoption de la décision relative à la levée de l’immunité.

190. En effet, si, en application de l’article 138, paragraphe 2, du règlement intérieur, il est permis d’inscrire à l’ordre du jour de la séance plénière en vue d’un vote sans débat et sans amendement une proposition de décision visant à lever l’immunité d’un député, le grief tiré du fait que ne pas lui permettre de prendre la parole à l’occasion d’un tel débat serait illégal est inopérant.

191. Il s’ensuit également que, dans de telles circonstances, il ne saurait être reproché à M me  A., qui présidait la séance plénière, de ne pas avoir accordé la parole au requérant aux fins d’un débat sur la levée de son immunité, puisque aucun débat n’était prévu.

– Sur les autres griefs avancés par le requérant concernant le déroulement de la procédure

192. En ce qui concerne le grief tiré du fait que le débat au sein de la commission compétente s’est déroulé à huis clos, il convient d’observer que c’est en application de l’article 103, paragraphe 4, du règlement intérieur qu’il en a été ainsi et que, aux termes de cet article, cette procédure est toujours d’application en ce qui concerne l’examen des demandes de levée d’immunité, afin de protéger tant le député concerné que la confidentialité des débats ainsi qu’il résulte de l’article 7, paragraphe 11, du règlement intérieur.

193. Le requérant n’a par conséquent fait l’objet d’aucun traitement différent ou particulier au regard du traitement habituellement réservé aux députés du Parlement dans des circonstances analogues.

194. En ce qui concerne le grief tiré de ce que le débat devant la commission compétente aurait eu lieu avant que la teneur du projet de rapport ne soit connue du requérant, ce qui ne lui aurait pas permis de se défendre adéquatement, il y a lieu de relever que le requérant reste en défaut d’établir qu’un projet de rapport existait déjà au moment de son audition le 26 janvier 2011 et que celui-ci aurait préalablement été porté à la connaissance des membres de la commission compétente, mais non à la sienne.

195. En tout état de cause, il convient de rappeler à cet égard que le requérant reste en défaut d’établir quels éléments de fait ou circonstances auraient été pris en compte par la commission des affaires juridiques ou par le Parlement sur lesquels il n’aurait pas été en mesure de faire valoir son point de vue avant l’adoption de la décision relative à la levée de son immunité.

196. Il s’ensuit que ce grief doit être écarté.

197. En ce qui concerne le grief tiré du fait que les députés ayant assisté au débat en commission n’étaient pas les mêmes que ceux qui ont pris part au vote au sein de celle-ci, premièrement, il y a lieu de considérer que c’est à bon droit, et sans être contredit sur ce point par le requérant, que le Parlement fait valoir qu’il n’existe aucune disposition ou règle interne exigeant que la commission soit composée de la même façon lors du débat et lors du vote, pour autant que les quorums soient respectés, ce qui se justifie par le fait qu’il ne s’agit pas d’actes adoptés individuellement par les députés, mais d’actes de la commission parlementaire.

198. Deuxièmement, il convient de rappeler que, suivant la procédure établie par le Parlement, après que la demande de levée de l’immunité d’un député a été transmise à la commission compétente, le député est entendu par cette commission. Un rapport est ensuite préparé par le membre de la commission désigné comme rapporteur, rapport auquel est annexé la proposition de décision. Ce rapport, accompagné de la proposition de décision, est ensuite soumis au vote des membres de la commission.

199. Or, le requérant reste en défaut d’établir que cette procédure n’aurait pas été suivie en l’espèce.

200. En outre, il convient de souligner que la proposition de décision soumise au vote de la commission expose les raisons pour lesquelles le Parlement a estimé que le requérant n’avait pas agi dans le cadre de ses fonctions en tant que député au Parlement et qu’un fumus persecutionis n’était pas établi.

201. De surcroît, il convient une nouvelle fois de rappeler que le requérant reste en défaut d’établir quels éléments de fait ou circonstances auraient été pris en compte par les membres de la commission des affaires juridiques lors du vote par celle-ci et au sujet desquels le requérant n’aurait pas été en mesure de faire valoir son point de vue.

202. Enfin, troisièmement, s’agissant d’un acte du Parlement qui revêt un caractère politique (voir point 59 ci-dessus), aucun parallélisme ne saurait être établi avec les règles qui régissent les procédures disciplinaires ou judiciaires quant à la composition de l’instance délibérante chargée de se prononcer à l’égard desdites procédures.

203. Le grief doit par conséquent être écarté.

204. En ce qui concerne le grief tiré des différences procédurales existant avec le droit français, même à le supposer établi (voir point 181 ci-dessus), il y a lieu de constater qu’il est inopérant dès lors que ce n’est pas la procédure d’adoption de la décision prévue par le droit français qui est applicable en l’espèce, mais la procédure prévue par le règlement intérieur.

205. Ce grief doit par conséquent être écarté.

206. Le sixième moyen doit par conséquent être rejeté dans son ensemble ainsi que l’exception d’illégalité visant l’article 7, paragraphe 8, troisième alinéa, du règlement intérieur.

207. En conclusion, il y a lieu de rejeter le recours en annulation dans le cadre de l’affaire T-346/11 relative à la levée de l’immunité du requérant.

Sur le recours en indemnité dans l’affaire T-346/11, relative à la levée de l’immunité

208. Le requérant se borne à formuler un chef de conclusions de nature indemnitaire dans sa requête.

209. Le Parlement conteste cette demande.

210. Selon une jurisprudence établie, l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union, au sens de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, pour comportement illicite de ses organes est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’illégalité du comportement reproché aux institutions, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué (voir arrêt Gollnisch/Parlement, point 58 supra, point 90, et la jurisprudence citée).

211. Ces trois conditions d’engagement de la responsabilité de la Communauté sont cumulatives (arrêts de la Cour du 9 septembre 1999, Lucaccioni/Commission, C-257/98 P, Rec. p. I-5251, point 14, et du Tribunal du 6 décembre 2001, Emesa Sugar/Conseil, T-43/98, Rec. p. II-3519, point 59). Ainsi, l’absence de l’une d’entre elles suffit pour rejeter un recours en indemnité (arrêt du Tribunal du 17 décembre 2003, DLD Trading/Conseil, T-146/01, Rec. p. II-6005, point 74).

212. Dès lors que, en l’espèce, la condition de l’illégalité du comportement reproché au Parlement n’étant pas remplie, aucune illégalité n’entache la décision du celui-ci de lever l’immunité du requérant (voir point 207 ci-dessus), la responsabilité de cette institution ne saurait être engagée sur le fondement de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE et le recours en indemnité doit être rejeté.

Sur le recours en annulation et le recours en indemnité dans l’affaire T-347/11, relative à la décision de refus de défendre l’immunité du requérant

213. Le requérant avance six moyens, semblables aux moyens avancés dans le cadre de l’affaire T-346/11, à l’appui du recours en annulation qu’il forme à l’encontre de la décision du Parlement de ne pas défendre son immunité.

214. Il fait valoir, premièrement, la violation de l’article 9 du protocole, deuxièmement, une atteinte à la « jurisprudence constante » de la commission des affaires juridiques du Parlement, troisièmement, la violation des principes de sécurité juridique et de confiance légitime, quatrièmement, une atteinte à l’indépendance du député, cinquièmement, la violation des dispositions de l’article 3, paragraphe 4, deuxième alinéa du règlement intérieur relatives à la procédure susceptible d’aboutir à la déchéance d’un député et, sixièmement, la violation du principe du contradictoire et des droits de la défense.

215. Le requérant se borne par ailleurs à formuler un chef de conclusions de nature indemnitaire dans sa requête.

216. Le Parlement soulève, en substance, à la fois l’irrecevabilité du recours, dans la mesure où la décision relative à la défense de l’immunité ne constituerait qu’un avis et ne serait pas susceptible de modifier la situation juridique de l’intéressé, en se prévalant de la jurisprudence issue de l’arrêt Marra, point 34 supra (point 44), et l’absence d’intérêt à agir du requérant, dans la mesure où sa décision de lever l’immunité de ce dernier a été adoptée concomitamment à la décision de refus de défendre son immunité dans le cadre de ce recours.

217. Par ailleurs, le Parlement conteste l’argumentation du requérant et conclut au rejet des moyens avancés par celui-ci à l’appui de son recours en annulation, ainsi qu’au rejet de sa demande indemnitaire, pour des motifs semblables à ceux qu’il a fait valoir dans le cadre de l’affaire T-346/11.

218. Ainsi qu’il a été reconnu par une jurisprudence établie, l’objet du litige, tel qu’il a été déterminé par le recours introductif d’instance, doit perdurer, tout comme l’intérêt à agir, jusqu’au prononcé de la décision juridictionnelle sous peine de non-lieu à statuer, ce qui suppose que le recours soit susceptible, par son résultat, de procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté (arrêts de la Cour du 7 juin 2007, Wunenburger/Commission, C-362/05 P, Rec. p. I-4333, point 42, et du Tribunal du 24 septembre 2008, Reliance Industries/Conseil et Commission, T-45/06, Rec. p. II-2399, point 35).

219. Dans la mesure où le recours dirigé contre la décision de lever l’immunité est rejeté (voir point 207 ci-dessus), il y a lieu de considérer que le requérant ne saurait tirer aucun bénéfice d’un arrêt se prononçant sur la légalité de la décision du Parlement de ne pas défendre son immunité.

220. En effet, même si, par impossible, puisque les moyens soulevés sont semblables à ceux précédemment rejetés en ce qui concerne la décision de levée de l’immunité, la décision de ne pas défendre l’immunité du requérant était annulée, l’arrêt d’annulation resterait sans incidence sur la situation juridique de celui-ci, puisque son immunité resterait de toute manière levée et qu’elle ne saurait par conséquent être simultanément défendue par le Parlement.

221. Par conséquent, il n’y a plus lieu de statuer sur le recours en annulation dans l’affaire T-347/11, relative à la décision du Parlement de ne pas défendre l’immunité du requérant.

222. Quant au recours en indemnité, il y a lieu de rappeler, dans le cadre des conditions d’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union rappelées au point 210 ci-dessus, que, suivant une jurisprudence constante, la condition relative à l’existence d’un lien de causalité est remplie dès lors qu’il existe un lien direct de cause à effet entre la faute commise par l’institution concernée et le préjudice invoqué, lien dont il appartient à la partie requérante d’apporter la preuve. L’Union ne peut être tenue pour responsable que du préjudice qui découle de manière suffisamment directe du comportement irrégulier de l’institution concernée, c’est-à-dire que ce comportement doit être la cause déterminante du préjudice. En revanche, il n’incombe pas à l’Union de réparer toute conséquence préjudiciable, même éloignée, des comportements de ses organes (voir arrêt Gollnisch/Parlement, point 58 supra, point 110, et la jurisprudence citée).

223. En l’espèce, dès lors que le Parlement ne pouvait que constater qu’il n’y avait plus lieu de statuer sur la demande de défense de l’immunité du requérant dans la mesure où il était saisi d’une demande de lever l’immunité de celui-ci, force est de considérer que seule la décision se prononçant sur cette demande aurait pu lui porter préjudice et qu’elle seule aurait été susceptible d’engager la responsabilité du Parlement, si elle avait été illégale, ce qu’elle n’était cependant pas (voir point 212 ci-dessus).

224. Il s’ensuit que, en tout état de cause, aucun lien de causalité ne saurait être établi entre le prétendu dommage moral allégué par le requérant et les illégalités qui, selon lui, entacheraient la décision du Parlement de ne pas défendre son immunité.

225. Il s’ensuit que le recours en indemnité doit être rejeté.

Sur les dépens

226. Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

227. Aux termes de l’article 87, paragraphe 6, du règlement de procédure, en cas de non-lieu à statuer, le Tribunal règle librement les dépens.

228. Le requérant ayant succombé dans l’affaire T-346/11 ainsi que dans le cadre du recours en indemnité dans l’affaire T-347/11, il y a lieu de le condamner aux dépens, y compris ceux afférents à la procédure de référé, conformément aux conclusions du Parlement.

Dispositif

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1) Le recours en annulation et le recours en indemnité dans l’affaire T-346/11 sont rejetés.

2) Il n’y a plus lieu de statuer sur le recours en annulation dans l’affaire T-347/11.

3) Le recours en indemnité dans l’affaire T-347/11 est rejeté.

4) M. Bruno Gollnisch est condamné aux dépens, y compris ceux afférents à la procédure de référé dans les affaires T-346/11 et T-347/11.

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