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Document 62007TJ0122
Judgment of the General Court (Second Chamber) of 3 March 2011.#Siemens AG Österreich and VA Tech Transmission & Distribution GmbH & Co. KEG (T-122/07), Siemens Transmission & Distribution Ltd (T-123/07) and Siemens Transmission & Distribution SA and Nuova Magrini Galileo SpA (T-124/07) v European Commission.#Competition - Agreements, decisions and concerted practices - Market in gas insulated switchgear projects - Decision finding an infringement of Article 81 EC and Article 53 of the EEA Agreement - Market-sharing - Effects within the common market - Notion of continuous infringement - Duration of the infringement - Limitation period - Fines - Proportionality - Ceiling of 10% of turnover - Joint and several liability for payment of a fine - Mitigating circumstances - Cooperation - Rights of the defence.#Joined cases T-122/07 to T-124/07.
Arrêt du Tribunal (deuxième chambre) du 3 mars 2011.
Siemens AG Österreich et VA Tech Transmission & Distribution GmbH & Co. KEG (T-122/07), Siemens Transmission & Distribution Ltd (T-123/07) et Siemens Transmission & Distribution SA et Nuova Magrini Galileo SpA (T-124/07) contre Commission européenne.
Concurrence - Ententes - Marché des projets relatifs à des appareillages de commutation à isolation gazeuse - Décision constatant une infraction à l’article 81 CE et à l’article 53 de l’accord EEE - Répartition du marché - Effets à l’intérieur du marché commun - Notion d’infraction continue - Durée de l’infraction - Prescription - Amendes - Proportionnalité - Plafond de 10 % du chiffre d’affaires - Responsabilité solidaire pour le paiement de l’amende - Circonstances atténuantes - Coopération - Droits de la défense.
Affaires jointes T-122/07 à T-124/07.
Arrêt du Tribunal (deuxième chambre) du 3 mars 2011.
Siemens AG Österreich et VA Tech Transmission & Distribution GmbH & Co. KEG (T-122/07), Siemens Transmission & Distribution Ltd (T-123/07) et Siemens Transmission & Distribution SA et Nuova Magrini Galileo SpA (T-124/07) contre Commission européenne.
Concurrence - Ententes - Marché des projets relatifs à des appareillages de commutation à isolation gazeuse - Décision constatant une infraction à l’article 81 CE et à l’article 53 de l’accord EEE - Répartition du marché - Effets à l’intérieur du marché commun - Notion d’infraction continue - Durée de l’infraction - Prescription - Amendes - Proportionnalité - Plafond de 10 % du chiffre d’affaires - Responsabilité solidaire pour le paiement de l’amende - Circonstances atténuantes - Coopération - Droits de la défense.
Affaires jointes T-122/07 à T-124/07.
Recueil de jurisprudence 2011 II-00793
ECLI identifier: ECLI:EU:T:2011:70
Affaires jointes T-122/07 à T-124/07
Siemens AG Österreich e.a.
contre
Commission européenne
« Concurrence — Ententes — Marché des projets relatifs à des appareillages de commutation à isolation gazeuse — Décision constatant une infraction à l’article 81 CE et à l’article 53 de l’accord EEE — Répartition du marché — Effets à l’intérieur du marché commun — Notion d’infraction continue — Durée de l’infraction — Prescription — Amendes — Proportionnalité — Plafond de 10 % du chiffre d’affaires — Responsabilité solidaire pour le paiement de l’amende — Circonstances atténuantes — Coopération — Droits de la défense »
Sommaire de l'arrêt
1. Concurrence — Procédure administrative — Décision de la Commission constatant une infraction — Preuve de l'infraction et de sa durée à la charge de la Commission — Portée de la charge probatoire
(Art. 81, § 1, CE; règlement du Conseil nº 1/2003)
2. Concurrence — Ententes — Atteinte à la concurrence — Critères d'appréciation — Objet anticoncurrentiel — Caractère suffisant en vue de constater une infraction
(Art. 81, § 1, CE)
3. Concurrence — Ententes — Infraction — Caractère unique de l'infraction — Critères d'appréciation
(Art. 81, § 1, CE; accord EEE, art. 53)
4. Concurrence — Amendes — Principe d'individualisation des sanctions — Conciliation avec la notion d'entreprise
(Art. 81, § 1, CE)
5. Concurrence — Amendes — Montant — Détermination — Critères — Chiffre d'affaires pris en considération
(Art. 81, § 1, CE)
6. Concurrence — Règles communautaires — Infraction commise par une filiale — Imputation à la société mère — Charge de la preuve dans le chef de la Commission — Limites
(Art. 81, § 1, CE)
7. Concurrence — Règles communautaires — Infractions — Imputation — Imputation de l'infraction commise par une filiale à la société mère — Limites
(Art. 81, § 1, CE; accord CEE, art. 53)
8. Concurrence — Ententes — Entreprise — Notion — Unité économique — Imputation des infractions — Société mère et entreprises filiales — Responsabilité solidaire des sociétés concernées
(Art. 81, § 1, CE; accord EEE, art. 53; règlement du Conseil nº 1/2003, art. 23, § 2)
9. Concurrence — Amendes — Montant — Détermination — Critères — Prise en compte du chiffre d'affaires mondial réalisé avec les ventes des marchandises faisant l'objet de l'infraction — Admissibilité — Conditions
(Règlement du Conseil nº 17, art. 15)
10. Concurrence — Amendes — Montant — Détermination — Marge d'appréciation réservée à la Commission
(Art. 81, § 1, CE)
11. Concurrence — Amendes — Montant — Détermination — Montant maximal — Calcul — Chiffre d'affaires à prendre en considération — Chiffre d'affaires cumulé de l'ensemble des sociétés constituant l'entité économique agissant en tant qu'entreprise
(Art. 81, § 1, CE; règlement du Conseil nº 1/2003, art. 23, § 2 et 3)
12. Concurrence — Règles communautaires — Infraction commise par une filiale — Imputation à la société mère — Effets — Maintien de la responsabilité individuelle de la filiale
(Art. 81, § 1, CE)
13. Concurrence — Amendes — Montant — Détermination — Critères — Circonstances atténuantes — Marge d'appréciation réservée à la Commission
(Art. 81, § 1, CE; règlement du Conseil nº 1/2003, art. 23; communication de la Commission 98/C 9/03, point 3)
14. Concurrence — Amendes — Montant — Détermination — Circonstances atténuantes — Portée
(Art. 81, § 1, CE; règlement du Conseil nº 1/2003, art. 23; communication de la Commission 98/C 9/03)
15. Concurrence — Amendes — Montant — Détermination — Non-imposition ou réduction de l'amende en contrepartie de la coopération de l'entreprise incriminée — Nécessité d'un comportement ayant facilité la constatation de l'infraction par la Commission
(Art. 81, § 1, CE; règlement du Conseil nº 1/2003, art. 23; communication de la Commission 2002/C 45/03)
16. Concurrence — Procédure administrative — Respect des droits de la défense — Portée du principe — Limites — Droit de l'entreprise d'interroger les témoins à charge — Exclusion
(Art. 81, § 1, CE)
17. Concurrence — Amendes — Montant — Détermination — Pouvoir d'appréciation de la Commission — Contrôle juridictionnel — Constatation d'une illégalité — Nécessité pour le Tribunal de se prononcer sur la réformation de la décision au titre de sa compétence de pleine juridiction
(Art. 229 CE)
1. Il incombe à la partie ou à l’autorité qui allègue une violation des règles de la concurrence d’en apporter la preuve en établissant, à suffisance de droit, les faits constitutifs d’une infraction et il appartient à l’entreprise invoquant le bénéfice d’un moyen de défense contre une constatation d’infraction d’apporter la preuve que les conditions d’application de ce moyen de défense sont remplies, de sorte que ladite autorité devra alors recourir à d’autres éléments de preuve.
Le principe selon lequel la Commission doit prouver tous les éléments constitutifs de l’infraction, y compris sa durée, et susceptibles d’avoir une incidence sur ses conclusions définitives quant à la gravité de ladite infraction n’est pas remis en cause par le fait que les entreprises concernées ont soulevé un moyen de défense tiré de la prescription, dont la charge de la preuve incombe, en principe, à ces dernières. En effet, l’invocation d’un tel moyen de défense implique nécessairement que la durée de l’infraction ainsi que la date à laquelle celle-ci a pris fin soient établies. Or, ces circonstances ne sauraient justifier, à elles seules, un transfert de la charge de la preuve à cet égard au détriment desdites entreprises. D’une part, la durée d’une infraction, notion qui suppose que soit connue la date finale de celle-ci, constitue l’un des éléments essentiels de l’infraction, dont la charge de la preuve incombe à la Commission, indépendamment du fait que la contestation de ces éléments fait également partie du moyen de défense tiré de la prescription. D’autre part, cette conclusion se justifie au regard du fait que la non-prescription de la poursuite par la Commission, au titre des dispositions du règlement nº 1/2003, constitue un critère légal objectif, découlant du principe de sécurité juridique, et, partant, une condition de la validité de toute décision de sanction. En effet, son respect s’impose à la Commission même en l’absence de l’introduction d’un moyen de défense de l’entreprise à cet égard.
Toutefois, cette répartition de la charge de la preuve est susceptible de varier dans la mesure où les éléments factuels qu’une partie invoque peuvent être de nature à obliger l’autre partie à fournir une explication ou une justification, faute de quoi il est permis de conclure que la preuve a été apportée. Notamment, lorsque la Commission a rapporté la preuve de l’existence d’un accord, il incombe aux entreprises y ayant pris part de rapporter la preuve qu’elles s’en sont distanciées, laquelle doit témoigner d’une volonté claire, et portée à la connaissance des autres entreprises participantes, de se soustraire à cet accord.
(cf. points 52-55, 60)
2. Il découle du texte même de l’article 81, paragraphe 1, CE que les accords entre entreprises sont interdits, indépendamment de tout effet, lorsqu’ils ont un objet anticoncurrentiel. Par conséquent, la démonstration d’effets anticoncurrentiels réels n’est pas requise, alors même que l’objet anticoncurrentiel des comportements reprochés est établi.
(cf. point 75)
3. Les juridictions de l’Union ont identifié plusieurs critères pertinents pour apprécier le caractère unique d’une infraction à l’article 81 CE et à l’article 53 de l’accord sur l'Espace économique européen (EEE), à savoir l’identité des objectifs des pratiques en cause, l’identité des produits et des services concernés, l’identité des entreprises qui y ont pris part et l’identité des modalités de sa mise en œuvre. D’autres critères pertinents sont l’identité des personnes physiques impliquées pour le compte des entreprises et l’identité du champ d’application géographique des pratiques en cause.
(cf. point 90)
4. En vertu du principe d’individualité des peines et des sanctions, une personne, physique ou morale, ne doit être sanctionnée que pour les faits qui lui sont individuellement reprochés, principe qui est applicable dans toute procédure administrative susceptible d’aboutir à des sanctions en vertu des règles communautaires de concurrence. Toutefois, ce principe doit se concilier avec la notion d’entreprise, au sens de l’article 81 CE. À cet égard, la notion d'entreprise inclut des entités économiques consistant chacune en une organisation unitaire d’éléments personnels, matériels et immatériels poursuivant de façon durable un but économique déterminé, organisation pouvant concourir à ce qu’une infraction visée par cette disposition soit commise. En effet, le droit communautaire de la concurrence reconnaît que différentes sociétés appartenant à un même groupe constituent une entité économique, et donc une entreprise au sens de l’article 81 CE, si les sociétés filiales du groupe ne déterminent pas de façon autonome leur comportement sur le marché.
Il s’ensuit qu’il y a lieu de rejeter l’affirmation selon laquelle le fait qu’une entreprise participant à une infraction est constituée de plusieurs sociétés différentes ne conduit pas à ce que ces dernières doivent être traitées comme un seul participant à l’infraction. En effet, cette affirmation procède d’une confusion entre la notion d’entreprise et celle de société et ne trouve pas d’appui dans la jurisprudence.
(cf. points 122-123)
5. En matière de concurrence, l’application rétroactive, par la Commission, du concept de l’unité économique, aux fins du calcul du montant de l’amende, n’entraîne pas un alourdissement de la sanction et, dès lors, n’enfreint pas l’article 7, paragraphe 1, de la convention européenne des droits de l’homme, selon lequel il n’est infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l’infraction a été commise. En effet, puisque la pratique de la Commission consistant à prendre en compte, pour le calcul du montant de l’amende, le chiffre d’affaires de l’entreprise - et donc, le cas échéant, le chiffre d’affaires cumulé de toutes les sociétés formant cette entreprise - était uniforme dans le temps, elle doit être connue par les acteurs économiques. Par ailleurs, la pratique constante de la Commission consistant à prendre en compte, aux fins de la détermination du montant de départ des amendes, le chiffre d’affaires relatif à la dernière année complète de l’infraction a implicitement été acceptée par la jurisprudence.
À cet égard, en premier lieu, la portée dissuasive des amendes constitue l'un des éléments en fonction desquels doit être établie la gravité des infractions. Or, le caractère dissuasif d’une amende dépend dans une large mesure de son caractère suffisamment sensible pour l’entreprise concernée. Dès lors, afin de pouvoir mesurer le caractère dissuasif d’une amende à l’égard d’une entreprise ayant participé à une infraction, il y a lieu de tenir compte de la situation telle qu’elle existait à la fin de l’infraction et non de celle ayant pu exister à un moment antérieur. En second lieu, il serait impraticable et tout à fait excessif, au regard du principe de bonne administration et des exigences d’économie de la procédure administrative, de demander à la Commission de tenir compte de l’évolution du chiffre d’affaires des entreprises en cause pendant toute la durée du fonctionnement d’une entente. Une telle approche impliquerait de calculer un montant de départ de l’amende distinct pour chaque année d’appartenance à l’entente et, à cette fin, de déterminer les parts de marché respectives des participants pour chaque année de l’infraction.
(cf. points 124-127)
6. En matière de concurrence, la Commission peut raisonnablement présumer qu’une filiale à 100 % d’une société mère applique pour l’essentiel les instructions qui lui sont données par celle-ci et que cette présomption implique que la Commission n’est pas tenue de vérifier si la société mère a effectivement exercé ce pouvoir. L’imputation à la société mère du comportement d’une filiale à 100 % ne présuppose donc pas la preuve que la société mère avait connaissance des agissements de la filiale. C’est au contraire à la société mère qu’il appartient, lorsqu’elle considère que, malgré sa participation à 100 % dans le capital de sa filiale, cette dernière détermine de façon autonome son comportement sur le marché, de renverser cette présomption en fournissant des éléments de preuve suffisants.
(cf. point 130)
7. Les entités juridiques qui ont participé à titre indépendant à une infraction à l'article 81 CE et à l'article 53 de l'accord sur l'Espace économique européen (EEE) et qui, par la suite, ont été acquises par une autre société continuent à répondre elles-mêmes de leur comportement infractionnel antérieur à leur acquisition, lorsque ces sociétés n’ont pas été purement et simplement absorbées par l’acquéreur, mais qu’elles ont poursuivi leurs activités en tant que filiales. Dans un tel cas, l’acquéreur pourra uniquement être tenu pour responsable du comportement de sa filiale à partir de son acquisition, si la filiale poursuit l’infraction et si la responsabilité de la nouvelle société mère peut être établie.
En outre, le même principe doit s’appliquer, mutatis mutandis, dans l’hypothèse où, antérieurement à son acquisition, la société acquise a participé à l’infraction non à titre indépendant, mais en tant que filiale d’un autre groupe.
(cf. points 139, 141)
8. La solidarité entre sociétés pour le paiement des amendes dues en raison d’une infraction à l’article 81 CE et à l’article 53 de l’accord sur l'Espace économique européen (EEE) est un effet juridique qui découle, de plein droit, des dispositions matérielles de ces articles.
L’unité du comportement de l’entreprise sur le marché justifie, aux fins de l’application du droit de la concurrence, que les sociétés ou, plus généralement, les sujets de droit qui peuvent en être tenus pour personnellement responsables soient obligés solidairement. La solidarité pour le paiement des amendes infligées au titre d’une infraction à l’article 81 CE et à l’article 53 de l’accord EEE, en ce qu’elle concourt à garantir le recouvrement effectif desdites amendes, participe à l’objectif de dissuasion qui est généralement poursuivi par le droit de la concurrence, et ce dans le respect du principe ne bis in idem, principe fondamental du droit de l’Union, également consacré par l’article 4 du protocole nº 7 de la convention européenne des droits de l’homme, qui interdit, pour une même infraction au droit de la concurrence, de sanctionner plus d’une fois un même comportement d’entreprise sur le marché à travers les sujets de droit qui peuvent en être tenus pour personnellement responsables.
Le fait que les responsabilités personnelles encourues par plusieurs sociétés en raison de la participation d’une même entreprise à une infraction ne sont pas identiques ne fait pas obstacle à ce qu’elles se voient infliger une amende à payer solidairement, dès lors que la solidarité pour le paiement de l’amende ne couvre que la période d’infraction durant laquelle celles-ci formaient une unité économique et constituaient donc une entreprise, au sens du droit de la concurrence. À cet égard, il découle du principe d’individualité des peines et des sanctions que chaque société doit pouvoir déduire de la décision qui lui impose une amende à payer solidairement avec une ou plusieurs autres sociétés la quote-part qu’elle devra supporter dans sa relation avec ses codébiteurs solidaires, une fois la Commission désintéressée. À cette fin, la Commission doit notamment préciser les périodes pendant lesquelles les sociétés concernées sont (co)responsables des comportements infractionnels des entreprises ayant participé à l’entente et, le cas échéant, le degré de responsabilité desdites sociétés pour ces comportements.
Dès lors, la décision par laquelle la Commission impose à plusieurs sociétés de payer solidairement une amende produit nécessairement tous les effets qui s’attachent, de droit, au régime juridique du paiement des amendes en droit de la concurrence, et ce tant dans les rapports entre le créancier et les codébiteurs solidaires que dans les rapports des codébiteurs solidaires entre eux.
Il appartient exclusivement à la Commission, dans le cadre de l'exercice de sa compétence pour infliger des amendes, en vertu de l'article 23, paragraphe 2, du règlement nº 1/2003, de déterminer la quote-part respective des différentes sociétés dans les montants auxquels elles ont été condamnées solidairement, dans la mesure où elles faisaient partie d'une même entreprise, et cette tâche ne saurait en particulier être laissée aux tribunaux nationaux.
Faute d’indication contraire dans la décision par laquelle la Commission inflige une amende à payer solidairement à plusieurs sociétés en raison du comportement infractionnel d’une entreprise, celle-ci leur impute, à responsabilité égale, ledit comportement. Les sociétés qui se voient infliger une amende à payer solidairement et qui encourent, sauf indication contraire dans la décision qui inflige l’amende, une égale responsabilité dans la commission de l’infraction doivent, en principe, contribuer à parts égales au paiement de l’amende infligée en raison de cette infraction. Si la décision dans laquelle plusieurs sociétés se voient infliger une amende à payer solidairement ne permet pas de déterminer, a priori, laquelle de ces sociétés sera effectivement appelée à payer le montant de l’amende à la Commission, elle ne laisse cependant subsister aucun doute sur les quotes-parts du montant de l’amende qui leur reviennent en propre, de sorte que chacune d’entre elles pourra, le cas échéant, agir contre ses codébiteurs solidaires en répétition des sommes qu’elle aurait payées au-delà de cette quote-part.
(cf. points 149, 151-153, 156-158)
9. Dans le cas d’une entente de dimension mondiale et comportant, outre la fixation des prix, la répartition des marchés, la Commission est fondée à s’appuyer sur le chiffre d’affaires mondial réalisé par la vente du produit en cause, pour exprimer, en termes de montants de départ, la nature de l’infraction, son incidence réelle sur le marché ainsi que l’étendue du marché géographique, compte tenu de la disparité de taille entre les membres de l’entente. Étant donné que le Royaume-Uni et l’Irlande, pris ensemble, constituent une partie importante du marché commun, un préjudice causé à la concurrence sur ces marchés ne saurait être qualifié de mineur. Dès lors que l’infraction reprochée aux parties requérantes dans la décision attaquée inclut précisément le grief selon lequel les entreprises concernées se sont partagé différents marchés nationaux au niveau européen, au moyen d’un système de « pays constructeurs », le fait, pour l'entreprise requérante, d’avoir, conformément à un tel accord illicite, limité ses activités au sein du marché intérieur à ses marchés domestiques ne saurait être retenu comme une circonstance atténuante. Enfin, lorsque les participants à une entente illicite ont eux-mêmes tenu compte de leurs chiffres d’affaires mondiaux, afin de fixer leurs quotas individuels au sein de l’entente, quotas qui s’appliquaient tant au niveau européen - hors « pays constructeurs » - qu’au niveau mondial, la Commission est également fondée, afin d’apprécier le poids spécifique des différentes entreprises impliquées, à tenir compte de leur chiffre d’affaires au niveau mondial.
(cf. points 170-171)
10. Le droit communautaire n’exige pas que les amendes infligées à différentes sociétés au sein d’une même entreprise soient proportionnelles à la durée de la participation reprochée à chacune de ces sociétés. Par conséquent, une comparaison entre le montant en euros, par mois de participation à l’infraction, appliqué à plusieurs sociétés se voyant reprocher des participations d’une durée différente ne saurait révéler un traitement inégal.
Dès lors, il n’apparaît pas que la pratique de la Commission consistant à fixer les amendes d’une manière non strictement proportionnelle à la durée dépasserait les limites du pouvoir d’appréciation qui lui est reconnu par la jurisprudence.
(cf. points 181-182)
11. La circonstance selon laquelle plusieurs sociétés sont solidairement tenues de payer une amende au motif qu’elles forment une entreprise au sens de l’article 81 CE n’implique pas, en ce qui concerne l’application du plafond prévu par l’article 23, paragraphe 2, du règlement nº 1/2003, que l’obligation de chacune se limite à 10 % du chiffre d’affaires qu’elle a réalisé durant le dernier exercice social. En effet, le plafond de 10 %, au sens de cette disposition, doit être calculé sur la base du chiffre d’affaires cumulé de toutes les sociétés constituant l’entité économique unique agissant en tant qu’entreprise au sens de l’article 81 CE, puisque seul le chiffre d’affaires cumulé des sociétés composantes peut constituer une indication de la taille et de la puissance économique de l’entreprise en question.
La notion d’entreprise, au sens de l’article 23, paragraphes 2 et 3, du règlement nº 1/2003, n’est pas différente de la notion d’entreprise au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE. Dès lors, il n’y a pas lieu, en cas de responsabilité solidaire de plusieurs sociétés à l’intérieur d’un groupe formant une entreprise au sens de ces dispositions, de déterminer le plafond par rapport à la société au plus faible chiffre d’affaires.
(cf. points 186-187)
12. Le fait qu’une société mère se voit imputer le comportement de sa filiale, pour avoir déterminé le comportement commercial de celle-ci, n’a pas pour conséquence que ladite société mère doit être considérée comme l’auteur de ce comportement, à la place de sa filiale. En d’autres termes, la responsabilité d’une société mère pour le comportement de sa filiale n’exonère en aucun cas la filiale de sa propre responsabilité en tant que personne morale et celle-ci demeure individuellement responsable des pratiques anticoncurrentielles auxquelles elle a pris part.
(cf. point 196)
13. Les lignes directrices fixées par la Commission pour le calcul des amendes infligées en application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17 et de l'article 65, paragraphe 5, du traité CECA prévoient, en leur point 3, la diminution du montant de base pour les « circonstances atténuantes particulières » telles que, notamment, le rôle exclusivement passif ou suiviste des entreprises requérantes et la cessation des infractions dès les premières interventions de la Commission. Ce texte n’indique pas de manière impérative les circonstances atténuantes que la Commission serait tenue de prendre en compte. Par conséquent, la Commission conserve une certaine marge pour apprécier d’une manière globale l’importance d’une éventuelle réduction du montant des amendes au titre des circonstances atténuantes.
Dans ce contexte, la Commission ne saurait aucunement être obligée d’accorder, dans le cadre de son pouvoir d’appréciation, une réduction d’amende pour la cessation d’une infraction manifeste, que cette cessation ait eu lieu avant ou après ses interventions. Même si la Commission a considéré, dans le passé, la cessation volontaire d’une infraction comme une circonstance atténuante, il lui est loisible de tenir compte, en application de ses lignes directrices, du fait que des infractions manifestes très graves sont encore, bien que leur illégalité ait été établie dès le début de la politique communautaire de concurrence, relativement fréquentes et, partant, d’estimer qu’il y a lieu d’abandonner cette pratique généreuse et de ne plus récompenser la cessation d’une telle infraction par une réduction d’amende.
(cf. points 207-208, 211, 213)
14. Le fait qu'une entreprise dont la participation à une entente prohibée par les règles de concurrence - infraction qui revêt un caractère très grave - a été démontrée par la Commission à suffisance de droit a été trompée par les autres participants à cette entente, qui ont ainsi tenté d’obtenir des avantages supplémentaires par rapport à ceux générés pour eux par ladite entente, ne saurait conduire à considérer le comportement de cette entreprise comme moins grave. Dès lors, de telles circonstances ne sont pas susceptibles de constituer une circonstance atténuante et, en particulier, ne démontrent pas le rôle exclusivement passif ou suiviste de ladite entreprise au sein de l’entente.
(cf. point 218)
15. La réduction du montant des amendes en cas de coopération des entreprises participant à des infractions au droit communautaire de la concurrence trouve son fondement dans la considération selon laquelle une telle coopération facilite la tâche de la Commission visant à constater l’existence d’une infraction et, le cas échéant, à y mettre fin.
Comme cela est mentionné au point 29 de la communication sur l'immunité d'amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes, celle-ci a créé des attentes légitimes sur lesquelles se fondent les entreprises souhaitant informer la Commission de l’existence d’une entente. Eu égard à la confiance légitime que les entreprises souhaitant collaborer avec la Commission ont pu tirer de cette communication, la Commission est obligée de s’y conformer lors de l’appréciation, dans le cadre de la détermination du montant de l'amende imposée à une entreprise, de la coopération de celle-ci. Dans les limites tracées par la communication sur la coopération, la Commission jouit cependant d’un pouvoir d’appréciation pour évaluer si les éléments de preuve communiqués par une entreprise apportent ou non une valeur ajoutée, au sens du point 22 de ladite communication, et s’il y a lieu, de ce fait, de concéder une réduction à une entreprise au titre de cette communication. Cette évaluation fait l’objet d’un contrôle juridictionnel restreint.
(cf. points 219-221)
16. Le principe fondamental du respect des droits de la défense exige que les entreprises et les associations d’entreprises concernées par une enquête de la Commission en matière de concurrence soient mises en mesure, dès le stade de la procédure administrative, de faire connaître utilement leur point de vue sur la réalité et la pertinence des faits, griefs et circonstances allégués par la Commission. En revanche, ledit principe n’exige pas qu’il soit donné à ces entreprises l’occasion d’interroger elles-mêmes, dans le cadre de la procédure administrative, les témoins entendus par la Commission.
(cf. points 233-234)
17. Dès lors que l’examen des moyens soulevés par une entreprise, à l’encontre de la légalité d’une décision de la Commission lui infligeant une amende pour violation des règles communautaires de concurrence, a révélé une illégalité, il y a lieu pour le Tribunal d’examiner s’il doit, en faisant usage de sa compétence de pleine juridiction, réformer la décision attaquée.
(cf. point 238)
ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)
3 mars 2011(*)
« Concurrence – Ententes – Marché des projets relatifs à des appareillages de commutation à isolation gazeuse – Décision constatant une infraction à l’article 81 CE et à l’article 53 de l’accord EEE – Répartition du marché – Effets à l’intérieur du marché commun – Notion d’infraction continue – Durée de l’infraction – Prescription – Amendes – Proportionnalité – Plafond de 10 % du chiffre d’affaires – Responsabilité solidaire pour le paiement de l’amende – Circonstances atténuantes – Coopération – Droits de la défense »
Dans les affaires jointes T‑122/07 à T‑124/07,
Siemens AG Österreich, établie à Vienne (Autriche),
VA Tech Transmission & Distribution GmbH & Co. KEG, établie à Vienne,
parties requérantes dans l’affaire T‑122/07,
Siemens Transmission & Distribution Ltd, établie à Manchester (Royaume‑Uni),
partie requérante dans l’affaire T‑123/07,
Siemens Transmission & Distribution SA, établie à Grenoble (France),
Nuova Magrini Galileo SpA, établie à Bergame (Italie),
parties requérantes dans l’affaire T‑124/07,
représentées par Mes H. Wollmann et F. Urlesberger, avocats,
contre
Commission européenne, représentée initialement par MM. F. Arbault et O. Weber, puis par M. X. Lewis et Mme A. Antoniadis, et enfin par Mme Antoniadis et M. R. Sauer, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
ayant pour objet, à titre principal, une demande d’annulation partielle de la décision C (2006) 6762 final de la Commission, du 24 janvier 2007, relative à une procédure d’application de l’article 81 CE et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/F/38.899 – Appareillages de commutation à isolation gazeuse), ainsi que, à titre subsidiaire, une demande de réduction de l’amende infligée aux requérantes,
LE TRIBUNAL (deuxième chambre),
composé de Mmes I. Pelikánová (rapporteur), président, K. Jürimäe et M. S. Soldevila Fragoso, juges,
greffier : Mme K. Andová, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 16 mars 2010,
rend le présent
Arrêt
Antécédents du litige
I – Requérantes et groupe VA Tech
1 Le 20 septembre 1998, VA Technologie AG a acquis une filiale de Rolls-Royce, à savoir Reyrolle Ltd, devenue VA Tech Reyrolle Ltd puis Siemens Transmission & Distribution Ltd, la requérante dans l’affaire T-123/07 (ci-après « Reyrolle »). Le 13 mars 2001, VA Technologie, par l’intermédiaire d’une filiale à 100 %, à savoir, VA Tech Transmission & Distribution GmbH & Co. KEG, la seconde requérante dans l’affaire T-122/07 (ci-après « KEG »), a fait l’apport de Reyrolle à la société nouvellement créée VA Tech Schneider High Voltage GmbH (ci-après « VAS »), dans laquelle, par le biais de sa filiale, elle détenait 60 % des parts, le reste étant détenu par Schneider Electric SA. L’apport de cette dernière à VAS consistait en Schneider Electric High Voltage SA, devenu VA Tech Transmission & Distribution SA, puis Siemens Transmission & Distribution SA, la première requérante dans l’affaire T-124/07 (ci-après « SEHV ») et en Nuova Magrini Galileo SpA, la seconde requérante dans l’affaire T-124/07 (ci-après « Magrini »), qui étaient auparavant ses filiales à 100 %, SEHV regroupant, depuis 1999, les anciennes activités de haute tension de plusieurs filiales de Schneider Electric.
2 En octobre 2004, VA Technologie a acquis, par le biais de KEG, l’ensemble des parts de Schneider Electric dans le capital de VAS.
3 En 2005, Siemens AG a acquis le contrôle exclusif du groupe dont la société VA Technologie était la société mère (ci-après le « groupe VA Tech »), à travers une offre publique d’achat lancée par une filiale, à savoir la première requérante dans l’affaire T-122/07, Siemens AG Österreich (ci-après « Siemens Österreich »). À la suite de cette prise de contrôle, VA Technologie et, ensuite, VAS ont été fusionnées avec Siemens Österreich.
II – AIG et procédure précontentieuse
4 Les appareillages de commutation à isolation gazeuse (ci-après les « AIG ») servent à contrôler le flux d’énergie dans les réseaux électriques. Il s’agit d’un matériel électrique lourd, utilisé comme composant principal de sous-stations électriques clés en main. Les sous‑stations sont des centrales électriques auxiliaires qui convertissent le courant électrique. Outre le transformateur, les éléments constitutifs des sous-stations sont les systèmes de contrôle, les relais, les batteries, les chargeurs et l’appareillage de commutation. La fonction d’un appareillage de commutation est de protéger le transformateur d’une surcharge et/ou d’isoler le circuit et un transformateur défaillant.
5 Les appareillages de commutation peuvent être à isolation gazeuse, à isolation dans l’air ou à isolation hybride, lorsqu’ils combinent les deux précédentes techniques. Les AIG sont vendus dans le monde entier en tant que parties intégrantes de sous-stations électriques clés en main ou comme pièces détachées devant être intégrées dans de telles sous-stations. Ils représentent environ 30 à 60 % du prix total de ces sous-stations.
6 Le 3 mars 2004, ABB Ltd a signalé à la Commission l’existence de pratiques anticoncurrentielles dans le secteur des AIG et a présenté une demande orale d’immunité des amendes, conformément à la communication de la Commission du 19 février 2002 sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2002, C 45, p. 3, ci-après la « communication sur la coopération »).
7 Les pratiques dénoncées par ABB consistaient en une coordination au niveau mondial de la vente de projets d’AIG, impliquant la répartition des marchés, l’attribution de quotas et le maintien des parts de marché respectives, l’attribution de projets d’AIG à des producteurs désignés à cet effet et la manipulation de la procédure d’appels d’offres (trucage des offres) afin que les contrats soient attribués à ces producteurs, la fixation des prix par des arrangements complexes sur les projets d’AIG qui n’étaient pas attribués, la résiliation des contrats de licence avec des sociétés non membres de l’entente et l’échange d’informations sensibles sur le marché.
8 La demande orale d’immunité des amendes présentée par ABB a été complétée par des observations orales et des preuves documentaires. Le 25 avril 2004, la Commission a accordé une immunité conditionnelle à ABB.
9 Sur la base des déclarations d’ABB, la Commission a entamé une enquête et mené, les 11 et 12 mai 2004, des inspections dans les locaux d’Areva T&D SA, de Siemens AG, du groupe VA Tech, de Hitachi Ltd et de Japan AE Power Systems Corp (ci-après « JAEPS »).
10 Le 30 juillet 2004, le groupe VA Tech a fourni à la Commission un mémorandum et des documents et, le 23 août 2004, des explications supplémentaires.
11 Le 20 avril 2006, la Commission a adopté une communication des griefs, qui a été notifiée à 20 sociétés dont les requérantes.
III – Décision attaquée
12 Le 24 janvier 2007, la Commission a adopté la décision C (2006) 6762 final, relative à une procédure d’application de l’article 81 CE et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/F/38.899 – Appareillages de commutation à isolation gazeuse) (ci-après la « décision attaquée »). Celle-ci a été notifiée aux requérantes le 7 ou le 8 février 2007.
13 Outre les requérantes et Schneider Electric, la décision attaquée a été adressée à ABB, à Alstom, SA, à Areva, SA, à Areva T&D AG, à Areva T&D Holding SA et à Areva T&D SA (ci-après, prises ensemble, les « sociétés du groupe Areva »), à Fuji Electric Holdings Co., Ltd et à Fuji Electric Systems Co., Ltd (ci-après, prises ensemble, « Fuji »), à Hitachi Ltd et à Hitachi Europe Ltd (ci-après, prises ensemble, « Hitachi »), à JAEPS, à Mitsubishi Electric System Corp. (ci-après « Melco »), à Siemens et à Toshiba Corp.
14 Aux considérants 113 à 123 de la décision attaquée, la Commission a indiqué que les différentes entreprises ayant participé à l’entente avaient coordonné l’attribution des projets d’AIG à l’échelle mondiale, à l’exception de certains marchés, selon des règles convenues, afin notamment de maintenir des quotas reflétant dans une large mesure leurs parts de marché historiques estimées. Elle a précisé que l’attribution des projets d’AIG était effectuée sur la base d’un quota conjoint « japonais » et d’un quota conjoint « européen » qui devaient ensuite être répartis entre eux respectivement par les producteurs japonais et par les producteurs européens. Un accord signé à Vienne le 15 avril 1988 (ci-après l’« accord GQ ») établissait des règles permettant d’attribuer les projets d’AIG soit aux producteurs japonais, soit aux producteurs européens, et d’imputer leur valeur sur le quota correspondant. Par ailleurs, aux considérants 124 à 132 de la décision attaquée, la Commission a précisé que les différentes entreprises ayant participé à l’entente avaient conclu un arrangement non écrit (ci-après l’« arrangement commun »), en vertu duquel les projets d’AIG au Japon, d’une part, et dans les pays des membres européens de l’entente, d’autre part, désignés ensemble comme les « pays constructeurs » des projets d’AIG, étaient réservés respectivement aux membres japonais et aux membres européens du cartel. Les projets d’AIG dans les « pays constructeurs » ne faisaient pas l’objet d’échanges d’informations entre les deux groupes et n’étaient pas imputés sur les quotas respectifs.
15 L’accord GQ contenait également des règles relatives à l’échange des informations nécessaires au fonctionnement du cartel entre les deux groupes de producteurs, lequel était notamment assuré par les secrétaires desdits groupes, à la manipulation des appels d’offres concernés et à la fixation de prix pour les projets d’AIG qui ne pouvaient pas être attribués. Selon les termes de son annexe 2, l’accord GQ s’appliquait au monde entier, à l’exception des États‑Unis, du Canada, du Japon et de 17 pays d’Europe occidentale. En outre, en vertu de l’arrangement commun, les projets d’AIG dans les pays européens autres que les « pays constructeurs » étaient également réservés au groupe européen, les producteurs japonais s’étant engagés à ne pas présenter d’offres pour les projets d’AIG en Europe.
16 Selon la Commission, la répartition des projets d’AIG entre les producteurs européens était régie par un accord également signé à Vienne, le 15 avril 1988, et intitulé « E-Group Operation Agreement for GQ-Agreement » (Accord du groupe E pour la mise en œuvre de l’accord GQ) (ci‑après l’ « accord EQ »). Elle a indiqué que l’attribution des projets d’AIG en Europe suivait les mêmes règles et procédures que celles régissant l’attribution des projets d’AIG dans d’autres pays. En particulier, les projets d’AIG en Europe devaient également être notifiés, répertoriés, attribués, arrangés ou avaient reçu un niveau de prix minimal.
17 Au considérant 142 de la décision attaquée, la Commission a constaté que, dans l’accord GQ et dans l’accord EQ, ainsi qu’aux fins de l’organisation et du fonctionnement de l’entente, les différents membres de l’entente étaient identifiés par un code, composé de chiffres pour les membres européens et de lettres pour les membres japonais. Les codes initiaux ont été remplacés par des numéros à partir de juillet 2002.
18 À l’article 1er, sous p) et t), de la décision attaquée, la Commission a constaté que Siemens Österreich et KEG avaient participé à l’infraction pendant la période allant du 20 septembre 1998 au 13 décembre 2000 et du 1er avril 2002 au 11 mai 2004.
19 À l’article 1er, sous m), q) et r), de la décision attaquée, la Commission a constaté que Reyrolle, SEHV et Magrini avaient participé à l’infraction pour la période allant du 15 avril 1988 au 13 décembre 2000 et du 1er avril 2002 au 11 mai 2004.
20 Pour les infractions visées à l’article 1er de la décision attaquée, Siemens Österreich et KEG se sont vu infliger, à l’article 2, sous l), de ladite décision, une amende d’un montant de 12 600 000 euros, à payer solidairement avec Reyrolle.
21 Pour les infractions visées à l’article 1er de la décision attaquée, Reyrolle s’est vu infliger, à l’article 2, sous l), de ladite décision, une amende d’un montant de 22 050 000 euros, dont 17 550 000 à payer solidairement avec SEHV et Magrini et 12 600 000 à payer solidairement avec Siemens Österreich et KEG.
22 Pour les infractions visées à l’article 1er de la décision attaquée, SEHV et Magrini se sont vu infliger, à l’article 2, sous k) et l), de ladite décision, une amende d’un montant de 22 050 000 euros, dont 17 550 000 à payer solidairement avec Reyrolle et 4 500 000 à payer solidairement avec Schneider Electric.
Procédure et conclusions des parties
23 Par requêtes déposées au greffe du Tribunal le 17 avril 2007, les requérantes ont introduit les présents recours.
24 Le 27 août 2007, la Commission a déposé des mémoires en défense.
25 Le 22 octobre 2007, les requérantes ont déposé des répliques.
26 Le 14 décembre 2007, la Commission a déposé des dupliques.
27 Par ordonnance du 20 janvier 2010, les parties entendues, le Tribunal a joint les présentes affaires aux fins de la procédure orale et de l’arrêt, conformément à l’article 50 du règlement de procédure du Tribunal.
28 Dans le cadre de mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure, les parties ont été invitées à répondre aux questions écrites posées par le Tribunal. Les requérantes et la Commission ont répondu à ces questions dans les délais impartis.
29 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal à l’audience du 16 mars 2010.
30 Lors de l’audience du 16 mars 2010, SEHV et Magrini ont produit, à l’invitation du Tribunal, une copie de l’arrêt du tribunal de commerce de Grenoble (France) du 18 décembre 2009 dans une affaire mettant en cause certaines requérantes, sur lequel les parties ont eu l’occasion de présenter leurs observations. À la demande de la Commission, le Tribunal lui a accordé un délai supplémentaire jusqu’au 26 mars 2010 pour soumettre ses observations écrites. Ces observations, présentées dans le délai imparti, n’ont été prises en compte par le Tribunal que dans la mesure où elles concernaient le jugement du tribunal de commerce de Grenoble du 18 décembre 2009.
31 Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler l’article 1er de la décision attaquée dans la mesure où il constate que Reyrolle, SEHV et Magrini ont enfreint l’article 81 CE et l’article 53 de l’accord sur l’Espace économique européen (ci-après l’« accord EEE ») durant la période du 15 avril 1988 au 13 décembre 2000 et qu’elles ont toutes enfreint lesdites dispositions durant les périodes du 1er avril 2002 au 9 octobre 2002 et du 21 janvier 2004 au 11 mai 2004 ;
– annuler l’article 2 de la décision attaquée dans la mesure où il les concerne ;
– le cas échéant, réduire le montant des amendes qui leur ont été infligées à un montant n’excédant pas 1 980 000 euros pour Siemens Österreich et KEG, 1 100 000 euros pour Reyrolle et Magrini ainsi que 2 750 000 euros pour SEHV ;
– condamner la Commission aux dépens.
32 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter les recours ;
– condamner les requérantes aux dépens.
En droit
I – Sur les demandes d’annulation
33 À l’appui de leurs conclusions en annulation, les requérantes soulèvent deux moyens. Le premier est tiré d’une violation de l’article 81, paragraphe 1, CE, de l’article 53, paragraphe 1, de l’accord EEE, de l’article 23, paragraphes 2 et 3, et de l’article 25 du règlement n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO 2003, L 1, p. 1). Le second est tiré d’une violation du droit d’être entendu.
A – Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 81 CE, de l’article 53, paragraphe 1, de l’accord EEE et de certaines dispositions du règlement n° 1/2003
34 Dans le cadre du premier moyen, les requérantes font valoir que la Commission, en fixant l’amende, a enfreint à plusieurs égards l’article 81 CE, l’article 53 de l’accord EEE ainsi que certaines dispositions du règlement n° 1/2003. Ce moyen est divisé en trois branches, tirées, premièrement, du défaut de preuve de l’infraction alléguée, deuxièmement, d’erreurs d’appréciation quant à la durée de l’infraction alléguée et, troisièmement, du montant excessif de l’amende infligée. Dans les affaires T‑123/07 et T‑124/07, Reyrolle, SEHV et Magrini soulèvent également une branche tirée de la prescription de l’infraction alléguée pour la période antérieure au 16 juillet 1998.
1. Sur la branche tirée du défaut de preuve de l’infraction alléguée
a) Arguments des parties
35 Les requérantes soutiennent que la Commission n’a pas suffisamment prouvé une infraction à l’article 81 CE pendant la période antérieure au 13 décembre 2000. Selon elles, il ressort sans équivoque de l’annexe 2 de l’accord GQ que les marchés européens étaient exclus du champ d’application de cet accord. Ainsi, la Commission n’aurait pu déduire de cet accord une entente au sens de l’article 81 CE, à savoir un accord ayant pour objet ou pour effet d’empêcher, de réduire ou de fausser la concurrence à l’intérieur du marché commun.
36 Par ailleurs, la valeur probante de la liste de projets d’AIG invoquée au considérant 164 de la décision attaquée serait douteuse. D’une part, la Commission n’indiquerait pas dans quel but ladite liste a été élaborée et ne préciserait pas si les projets d’AIG énumérés ont fait l’objet d’accords entre les parties. D’autre part, dans la mesure où cette liste ne concerne que onze projets d’AIG portant géographiquement sur le marché commun, sur un total d’environ 1620, elle attesterait surtout de l’absence d’effets sensibles de tels accords au sein du marché commun.
37 La Commission conteste les arguments des requérantes.
b) Appréciation du Tribunal
38 Il ressort de la décision attaquée, et notamment de ses considérants 124 à 163, que la Commission a considéré que l’entente reprochée aux requérantes et sanctionnée par elle était fondée sur l’« arrangement commun » en vertu duquel les projets d’AIG dans les « pays constructeurs » étaient réservés aux membres japonais et aux membres européens du cartel, sur la protection des marchés dits « constructeurs » en Europe et sur la répartition du marché dans les « pays européens non constructeurs » entre les producteurs européens au moyen de manipulations d’appels d’offres et d’accords sur les prix. Selon la Commission, c’est la mise en œuvre de l’« arrangement commun », dont l’accord GQ ne constituait que l’un des éléments, qui a donné lieu à une entente portant sur le marché commun.
39 Afin de prouver l’existence et la portée de l’« arrangement commun », la Commission a mentionné, dans la décision attaquée, un ensemble d’éléments dont les plus importants sont les déclarations d’ABB, du témoin M. M., de Fuji et de Hitachi, ainsi que certains documents tels que l’accord GQ et l’accord EQ et leurs annexes, une liste de projets d’AIG discutés au sein de l’entente, fournie par ABB, un document non daté trouvé lors des inspections de la Commission dans les locaux du groupe VA Tech, intitulé « Synthèse discussion avec JJC », ainsi qu’un échange de courriers du 18 janvier 1999 entre MM. W., J. et B., employés au sein du groupe VA Tech.
40 Pour contester l’existence d’une violation de l’article 81 CE et de l’article 53 de l’accord EEE, les requérantes se bornent à alléguer que l’accord GQ n’a pas eu pour objet ou pour effet d’empêcher, de réduire ou de fausser la concurrence à l’intérieur du marché commun et à contester la valeur probante de la liste de projets d’AIG en Europe figurant au considérant 164 de la décision attaquée. En revanche, elles ne contestent ni l’existence de l’« arrangement commun », ni la valeur probante des autres éléments mentionnés au point 39 ci-dessus, sur lesquels la Commission s’est appuyée pour constater que l’entente avait eu un tel effet. Toutefois, étant donné le grand nombre d’éléments sur lesquels la Commission s’est appuyée, en l’espèce, les requérantes ne sauraient contester, de manière générale, l’existence d’une infraction à l’article 81 CE sans remettre spécifiquement en cause les constatations préalables de la Commission et, notamment, indiquer de manière circonstanciée en quoi les éléments de preuve invoqués par cette dernière sont irrecevables, non pertinents ou dépourvus de force probante.
41 En effet, il y a lieu de considérer que, même en tenant compte du fait que le libellé de l’accord GQ excluait son application dans la plupart des pays d’Europe et en faisant abstraction de la liste de projets d’AIG en Europe figurant au considérant 164 de la décision attaquée, les éléments de preuve invoqués par la Commission sont suffisants pour démontrer la portée de l’« arrangement commun ».
42 Premièrement, la constatation de la Commission selon laquelle les membres européens du cartel ont débattu et se sont réparti des projets d’AIG à l’intérieur du marché commun et au sein de l’EEE permet, à elle seule, d’établir que l’entente a eu des effets sur la concurrence dans ces territoires. Il ressort en outre de la décision attaquée que la Commission s’est également appuyée sur les déclarations d’ABB et de M. M. ainsi que sur les déclarations de Fuji et de Hitachi, l’annexe 2 de l’accord EQ, la liste de projets d’AIG en Europe figurant au considérant 164 de la décision attaquée, le document intitulé « Synthèse discussions avec JJC » et l’échange de courriers du 18 janvier 1999.
43 Deuxièmement, ainsi qu’il ressort des considérants 125 à 131 de la décision attaquée, la constatation de la Commission selon laquelle les producteurs européens et japonais se sont globalement réparti le marché en cause de sorte que les projets d’AIG au Japon étaient réservés aux producteurs japonais et les projets d’AIG en Europe étaient, en principe, réservés aux producteurs européens était fondée sur les déclarations d’ABB et de M. M. ainsi que sur les déclarations de Fuji et de Hitachi et l’annexe 2 de l’accord EQ.
44 Troisièmement, ainsi qu’il ressort des considérants 133 à 138 de la décision attaquée, la constatation de la Commission selon laquelle il existait une protection des marchés dits « constructeurs » en Europe, de sorte que, dans les pays dans lesquels les producteurs européens étaient présents historiquement, les projets d’AIG leur étaient réservés d’emblée et sans imputation sur les quotas au titre de l’entente, était fondée sur les déclarations d’ABB et de M. M. ainsi que sur le document intitulé « Synthèse discussions avec JJC » et l’échange de courriers du 18 janvier 1999.
45 Dès lors, même à supposer que les critiques des requérantes à l’égard des deux éléments de preuve qu’elles remettent en cause soient fondées, cela n’aurait pas pour conséquence de remettre en cause la constatation de la Commission selon laquelle l’entente a eu pour effet d’empêcher, de réduire ou de fausser la concurrence à l’intérieur du marché commun et au sein de l’EEE.
46 Partant, il y a lieu de rejeter la première branche du premier moyen.
2. Sur la branche tirée d’erreurs d’appréciation quant à la durée de l’infraction alléguée
47 Les requérantes soutiennent que la décision attaquée est entachée d’erreurs d’appréciation en ce qui concerne la durée de l’infraction, qui ont abouti à une augmentation indue de celle-ci. Ces erreurs concerneraient, premièrement, la date à laquelle elles ont interrompu leur participation à l’infraction, deuxièmement, la date à laquelle l’entreprise formée par les sociétés appartenant au groupe VA Tech (ci-après l’« entreprise VA Tech ») a repris sa participation à l’infraction et, troisièmement, la date de la cessation de l’infraction.
a) Sur la date à laquelle les requérantes ont interrompu leur participation à l’infraction
Arguments des parties
48 Les requérantes allèguent, à titre subsidiaire par rapport à la première branche du premier moyen, tirée de l’absence de preuve de la violation alléguée de l’article 81 CE et de l’article 53 de l’accord EEE, que la Commission a commis une erreur en constatant qu’elles avaient interrompu leur participation à l’infraction le 13 décembre 2000, date de la soirée organisée à Ville‑d’Avray (France) pour célébrer la prétendue dissolution de l’entente à laquelle les autres participants leur avaient fait croire, alors qu’elle aurait dû constater cette interruption à compter du 16 juillet 1998, date à laquelle a été débattu le dernier projet d’AIG en Europe mentionné au considérant 164 de la décision attaquée ou, au plus tard, à compter du 12 octobre 2000, date à laquelle s’est tenue à Zurich (Suisse) une réunion lors de laquelle elles avaient été informées de la prétendue dissolution de l’entente.
49 La Commission conteste les arguments des requérantes.
Appréciation du Tribunal
50 Il y a lieu de relever, à titre liminaire, qu’il n’est pas contesté que la participation à l’entente de Reyrolle, de SEHV et de Magrini a effectivement été interrompue. En revanche, les parties s’opposent sur la date exacte de cette interruption. Les requérantes contestent avoir participé à l’entente au-delà du 16 juillet 1998 ou, au plus tard, au-delà du 12 octobre 2000. La Commission soutient que Reyrolle, SEHV et Magrini n’ont interrompu leur participation à l’entente que lors de la « soirée d’adieu » du 13 décembre 2000.
51 Ce désaccord soulève la question de savoir à qui revient la charge de la preuve à cet égard. Alors que les requérantes estiment qu’il appartenait à la Commission de prouver la durée de l’infraction, la Commission soutient que, une fois qu’elle a démontré l’existence d’une entente illégale, celle-ci est réputée durer jusqu’à la preuve de sa cessation, laquelle doit être apportée par l’entreprise ayant participé à cette entente.
52 Il convient de rappeler, à cet égard, la jurisprudence constante selon laquelle, d’une part, il incombe à la partie ou à l’autorité qui allègue une violation des règles de la concurrence d’en apporter la preuve en établissant, à suffisance de droit, les faits constitutifs d’une infraction et, d’autre part, il appartient à l’entreprise invoquant le bénéfice d’un moyen de défense contre une constatation d’infraction d’apporter la preuve que les conditions d’application de ce moyen de défense sont remplies, de sorte que ladite autorité devra alors recourir à d’autres éléments de preuve (arrêt du Tribunal du 16 novembre 2006, Peróxidos Orgánicos/Commission, T‑120/04, Rec. p. II‑4441, point 50 ; voir également, en ce sens, arrêts de la Cour du 17 décembre 1998, Baustahlgewebe/Commission, C‑185/95 P, Rec. p. I‑8417, point 58, et du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, Rec. p. I‑123, point 78).
53 En l’espèce, le principe selon lequel la Commission doit prouver tous les éléments constitutifs de l’infraction, y compris sa durée (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 7 juillet 1994, Dunlop Slazenger/Commission, T‑43/92, Rec. p. II‑441, point 79 ; du 13 décembre 2001, Acerinox/Commission, T‑48/98, Rec. p. II‑3859, point 55, et du 29 novembre 2005, Union Pigments/Commission, T‑62/02, Rec. p. II‑5057, point 36), et susceptibles d’avoir une incidence sur ses conclusions définitives quant à la gravité de ladite infraction, n’est pas remis en cause par le fait que les requérantes dans les affaires T‑123/07 et T‑124/07 ont soulevé un moyen de défense tiré de la prescription, dont la charge de la preuve incombe, en principe, à ces dernières.
54 En effet, l’invocation d’un tel moyen de défense implique nécessairement que la durée de l’infraction ainsi que la date à laquelle celle-ci a pris fin soient établies. Or, ces circonstances ne sauraient justifier, à elles seules, un transfert de la charge de la preuve à cet égard au détriment des requérantes. D’une part, la durée d’une infraction, notion qui suppose que soit connue la date finale de celle-ci, constitue l’un des éléments essentiels de l’infraction, dont la charge de la preuve incombe à la Commission, indépendamment du fait que la contestation de ces éléments fait également partie du moyen de défense tiré de la prescription. D’autre part, cette conclusion se justifie au regard du fait que la non-prescription de la poursuite par la Commission, au titre des dispositions du règlement n° 1/2003 sur la prescription, constitue un critère légal objectif, découlant du principe de sécurité juridique (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 6 octobre 2005, Sumitomo Chemical et Sumika Fine Chemicals/Commission, T‑22/02 et T‑23/02, Rec. p. II‑4065, points 80 à 82), et, partant, une condition de la validité de toute décision de sanction. En effet, son respect s’impose à la Commission même en l’absence de l’introduction d’un moyen de défense de l’entreprise à cet égard (arrêt Peróxidos Orgánicos/Commission, point 52 supra, point 52).
55 Il y a lieu de préciser, toutefois, que cette répartition de la charge de la preuve est susceptible de varier dans la mesure où les éléments factuels qu’une partie invoque peuvent être de nature à obliger l’autre partie à fournir une explication ou une justification, faute de quoi il est permis de conclure que la preuve a été apportée (arrêt Peróxidos Orgánicos/Commission, point 52 supra, point 53 ; voir également, en ce sens, arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 52 supra, point 79). Notamment, lorsque, comme en l’espèce, la Commission a rapporté la preuve de l’existence d’un accord, il incombe aux entreprises y ayant pris part de rapporter la preuve qu’elles s’en sont distanciées, laquelle doit témoigner d’une volonté claire et portée à la connaissance des autres entreprises participantes de se soustraire à cet accord (arrêt du Tribunal du 27 septembre 2006, GlaxoSmithKline Services/Commission, T‑168/01, Rec. p. II‑2969, point 86 ; voir également, en ce sens, arrêts de la Cour du 6 janvier 2004, BAI et Commission/Bayer, C‑2/01 P et C‑3/01 P, Rec. p. I‑23, point 63, et Aalborg Portland e.a./Commission, point 52 supra, points 81 à 84).
56 C’est au regard de ces principes qu’il y a lieu de vérifier, en l’espèce, si la Commission pouvait constater que la participation des requérantes à l’entente avait été interrompue le 13 décembre 2000.
57 Il ressort des considérants 188 à 190 et 297 de la décision attaquée que la Commission s’est appuyée, à cet égard, sur les déclarations d’ABB, d’Areva et de Schneider Electric. Ainsi, ABB a déclaré qu’elle avait décidé, d’un commun accord avec Alstom, d’exclure les requérantes de l’entente, en raison de leur quota relativement élevé par rapport à leur capacité de production. À cette fin, une réunion aurait été organisée, le 13 décembre 2000, à Ville‑d’Avray, mettant prétendument fin à l’entente qui aurait cependant continué entre ABB, Alstom, Fuji, Melco et Toshiba. En outre, la Commission mentionne qu’Areva et Schneider Electric ont confirmé la tenue de cette réunion à la fin de novembre ou au début de décembre 2000 mais qu’Areva a contesté l’idée selon laquelle l’objet de cette réunion aurait été d’exclure des participants à l’entente.
58 Les requérantes contestent le 13 décembre 2000 comme date de l’interruption de leur participation à l’entente en avançant deux arguments. D’une part, elles font valoir que cette date devrait être fixée au 16 juillet 1998, date à laquelle a été débattu le dernier projet d’AIG en Europe mentionné au considérant 164 de la décision attaquée. D’autre part, elles soutiennent, comme dans le cadre de la procédure devant la Commission, que la fin de l’entente avait été décidée le 12 octobre 2000 lors d’une réunion à Zurich et que la réunion du 13 décembre 2000 n’a été qu’une « fête d’adieu », sans que l’entente se soit poursuivie entre ces deux dates.
59 S’agissant du premier argument, il y a lieu de rappeler que, ainsi qu’il a été exposé aux points 41 à 45 ci-dessus, l’existence de l’« arrangement commun » reproché aux requérantes dans la décision attaquée doit être considérée comme suffisamment prouvée même en faisant abstraction de la liste des projets d’AIG situés en Europe, figurant au considérant 164 de la décision attaquée. Dès lors, le fait que la dernière discussion sur un projet d’AIG figurant dans cette liste date du 16 juillet 1998 ne saurait constituer une preuve de ce que l’entente aurait cessé d’exister à cette date, ou de ce que les requérantes auraient cessé d’y participer. Dès lors, cet argument doit être rejeté.
60 En ce qui concerne le second argument, il ressort de la jurisprudence citée au point 55 ci-dessus que, lorsque, comme en l’espèce, la Commission a rapporté la preuve de l’existence d’un accord, il incombe aux entreprises y ayant pris part de rapporter la preuve qu’elles s’en sont distanciées, laquelle doit témoigner d’une volonté claire, et portée à la connaissance des autres entreprises participantes, de se soustraire à cet accord.
61 Il y a certes lieu d’admettre l’argument des requérantes, selon lequel il convient d’assimiler à une telle distanciation expresse la situation dans laquelle un participant à une entente est évincé de cette dernière par une collusion des autres participants à cette entente, sous prétexte que ladite entente aurait pris fin. Toutefois, la Commission ayant rapporté la preuve de l’existence de l’« arrangement commun », c’est sur les requérantes que repose la charge de la preuve du fait que les autres participants leur ont fait croire que l’entente avait pris fin. Par ailleurs, même à supposer que la cessation de l’entente n’ait pas été annoncée comme une « surprise » lors de la réunion du 13 décembre 2000, mais un certain temps à l’avance, la date du 12 octobre 2000, indiquée par les requérantes, n’est étayée par aucun élément de preuve. À défaut de tout élément de preuve à l’égard de la date effective de leur éviction de l’entente, la Commission était donc autorisée à fixer le 13 décembre 2000 comme date à laquelle les requérantes ont interrompu leur participation à l’entente, et cela sans qu’elle ait l’obligation de prouver que des accords illicites ont été conclus à cette date précise.
62 Par conséquent, il y a lieu de rejeter le grief relatif à la date à laquelle les requérantes ont interrompu leur participation à l’infraction.
b) Sur la date à laquelle l’entreprise VA Tech a repris sa participation à l’infraction
Arguments des parties
63 Les requérantes estiment que la Commission a constaté de manière erronée que l’entreprise VA Tech avait repris sa participation à l’infraction, à travers VAS, dès le 1er avril 2002. Selon elles, si cette entreprise était déjà informée de la reprise de l’entente dès l’été 2002, elle n’avait pas encore repris sa participation à cette époque. Cette reprise ne serait intervenue qu’à partir du 9 octobre 2002, date de la réunion de Paris (France) à laquelle certains de ses représentants ont assisté. Les requérantes soutiennent que leurs propres déclarations seraient, à cet égard, corroborées par d’autres éléments du dossier. Notamment, l’entreprise VA Tech n’aurait pas été représentée à la réunion de Francfort (Allemagne) du 10 juillet 2002 ni n’aurait participé à des accords ou des concertations concernant des projets d’AIG dont la date d’échéance se situait dans la période comprise entre avril et octobre 2002. En tout état de cause, la Commission aurait agi de manière incohérente pour identifier le moment de la reprise de l’infraction, puisque, dans le cas de Hitachi, elle aurait choisi de prendre en compte la date de la première participation à une réunion multilatérale.
64 La Commission rejette les arguments des requérantes.
Appréciation du Tribunal
65 Ainsi qu’il ressort des considérants 199, 203, 204 et 441 de la décision attaquée, la Commission a essentiellement fondé sa conclusion selon laquelle l’entreprise VA Tech a repris sa participation à l’entente, au plus tard, le 1er avril 2002 sur les indications figurant dans la réponse d’ABB à la communication des griefs, dans laquelle cette dernière a expliqué que le témoin M. M. se rappelait que, après un départ en 2000, l’entreprise VA Tech aurait repris sa participation à l’entente au cours des trois premiers mois de 2002. À défaut d’une date précise, la Commission a retenu la date du 1er avril 2002 comme étant la date la plus favorable à ladite entreprise. Selon la Commission, cette déclaration d’ABB est très crédible, car ce n’est que par cette dernière qu’elle a appris que l’entreprise VA Tech avait interrompu sa participation à l’entente pendant un certain temps. En effet, dans la communication des griefs, la Commission avait supposé que l’entreprise VA Tech avait participé à l’entente sans interruption. La Commission estime, par ailleurs, que ladite déclaration est étayée par des notes manuscrites rédigées par M. Z., employé du groupe VA Tech, et trouvées dans les locaux de ce groupe lors des vérifications sur place effectuées en avril 2004.
66 S’agissant des notes rédigées par M. Z., le considérant 204 de la décision attaquée fait référence à trois pages qui contiennent, selon la Commission, des interrogations quant à l’intérêt du groupe VA Tech pour un projet d’AIG à Ravenne (Italie) et aux éventuelles possibilités de fixer un niveau de prix, à des discussions avec les producteurs japonais, à une réunion prévue pour le mois de juillet afin de discuter des projets d’AIG et à l’état des discussions à la fin du mois d’août 2002. Ces pages sont reproduites aux pages 2014, 2018 et 2024 du dossier de procédure devant la Commission.
67 À cet égard, il convient de relever que les notes rédigées par M. Z. ne contiennent, pour la plupart, aucune référence à la date de leur établissement ni à celle des faits qui y sont mentionnés. De surcroît, il n’est pas possible de tirer des conclusions de l’ordre dans lequel les pages apparaissent dans le dossier de procédure de la Commission, puisque, de toute évidence, l’ordre de certaines pages a été modifié par rapport à l’ordre chronologique de leur établissement. Notamment, l’ordre des pages reproduites aux pages 2014 et 2015 du dossier de procédure devant la Commission a été inversé, ainsi qu’il ressort de la page 2014 qui est visible à droite de la page 2015, et la page 2016, qui contient un compte rendu d’une réunion du conseil d’administration du 27 juin 2002 et pourrait donc fournir une information datée, ne peut pas avoir suivi directement la page 2014, puisqu’il s’agit de deux pages de droite.
68 Dès lors, les seules informations fiables quant à la date de l’établissement des notes rédigées par M. Z. sont celles qui peuvent être déduites des rares mentions faisant référence à des dates et qui se trouvent sur une même page avec des indications invoquées par la Commission.
69 Or, premièrement, il y a lieu de constater que ni les passages des notes rédigées par M. Z. qui ont été cités dans la décision attaquée, ni ceux indiqués par la Commission dans sa réponse aux questions écrites du Tribunal ne permettent de retenir le 1er avril 2002 comme date à laquelle l’entreprise VA Tech a repris sa participation à l’entente. En effet, si les requérantes ne contestent pas que lesdites notes ont été établies en 2002, la date du 1er avril n’y est pas mentionnée de manière expresse et elle ne peut pas non plus être déduite du contenu de ces notes.
70 Deuxièmement, il convient de relever que le dossier de procédure devant la Commission contient, notamment, les mentions « discuter package avec Jap. Ils ont pris une série d’[i]nitiatives » et « en pratique réserver 1 date 1er juillet pour discuter 1 package Gd Export avec Jap. ». Ces mentions permettent de conclure que la note dans laquelle elles figurent a été établie avant la date du 1er juillet 2002 et donc, au plus tard, en juin 2002. À défaut d’une date précise, il convient donc, conformément au principe in dubio pro reo, de retenir la date du 1er juillet 2002 comme date à laquelle l’entreprise VA Tech a repris sa participation à l’entente.
71 Troisièmement, s’agissant de l’objet des concertations entre les producteurs, il convient de rappeler que, dans la décision attaquée, la Commission a constaté que, lors de la seconde phase de l’infraction, les projets d’AIG n’étaient plus discutés individuellement, mais par « paquets ». Cela n’a pas été contesté par les requérantes. De même, les requérantes n’ont pas contesté que, pendant ladite seconde phase, l’entente avait trait à des projets d’AIG au sein de l’EEE. En effet, la branche du premier moyen dans laquelle les requérantes contestent que l’entente a eu un effet au sein du marché commun ne s’appliquait qu’à la première phase de leur participation. Dès lors, le fait que la note mentionnée au point 70 ci-dessus ne fasse pas mention d’un projet d’AIG à l’intérieur de l’EEE n’est pas de nature à remettre en cause le fait que les requérantes ont participé, dès leur retour dans l’entente en 2002, à des discussions sur des projets d’AIG au sein de l’EEE.
72 Il s’ensuit qu’il y a lieu de faire droit au grief tiré de ce que la Commission a constaté, de manière erronée, que les requérantes avaient repris leur participation à l’entente dès le 1er avril 2002.
c) Sur la date de la fin de l’infraction
Arguments des parties
73 Les requérantes font valoir que la Commission a commis une erreur en considérant que l’infraction n’avait définitivement cessé que le 11 mai 2004 et non le 21 janvier 2004 au plus tard, date de la dernière réunion au cours de laquelle ont été discutés des projets d’AIG, sans qu’un accord ait pu être obtenu. Le système de coordination ayant ensuite commencé à s’effondrer, les réunions n’auraient plus eu pour objet que de s’interroger sur la poursuite de l’entente et quelques autres questions sans rapport avec le droit de la concurrence.
74 La Commission réfute la thèse selon laquelle l’entente avait pris fin le 21 janvier 2004 au plus tard et non le 11 mai 2004. L’entente se serait poursuivie après le 21 janvier 2004, ABB ayant uniquement mis fin à sa participation en février 2004. À tout le moins, les accords auraient eu des répercussions jusqu’à la réunion ayant suivi le départ d’ABB.
Appréciation du Tribunal
75 Premièrement, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, il découle du texte même de l’article 81, paragraphe 1, CE que les accords entre entreprises sont interdits, indépendamment de tout effet, lorsqu’ils ont un objet anticoncurrentiel (arrêts de la Cour du 8 juillet 1999, Commission/Anic Partecipazioni, C‑49/92 P, Rec. p. I‑4125, point 123, et du Tribunal du 8 juillet 2004, JFE Engineering/Commission, T‑67/00, T‑68/00, T‑71/00 et T‑78/00, Rec. p. II‑2501, point 181). Par conséquent, la démonstration d’effets anticoncurrentiels réels n’est pas requise, alors même que l’objet anticoncurrentiel des comportements reprochés est établi (voir arrêt du Tribunal du 6 juillet 2000, Volkswagen/Commission, T‑62/98, Rec. p. II‑2707, point 178, et la jurisprudence citée).
76 Or, en l’espèce, la Commission s’est fondée, à titre principal, sur l’objet restrictif de concurrence des accords et des pratiques concertées mentionnés à l’article 1er de la décision attaquée. Elle a d’abord constaté, aux considérants 303 et 304 de la décision attaquée, que l’ensemble des accords et/ou des pratiques concertées décrites avaient pour objet de restreindre la concurrence, au sens de l’article 81 CE et de l’article 53 de l’accord EEE et que, dans de telles circonstances, il était superflu, aux fins de l’application desdites dispositions, de prendre en considération les effets concrets d’un accord, avant d’ajouter, au considérant 308, que, par sa nature même, la mise en œuvre d’un accord du type décrit entraîne une importante distorsion de concurrence. De même, en ce qui concerne la fixation des amendes, la Commission a expressément affirmé, au considérant 477 de la décision attaquée, ne pas s’être spécifiquement fondée sur un impact particulier lors de la détermination de la gravité de l’infraction.
77 Deuxièmement, il convient de relever que, ainsi que la Commission l’a indiqué au considérant 215 de la décision attaquée, sur le fondement de déclarations du groupe VA Tech, les communications et les réunions au sein de l’entente après le départ d’ABB portaient, notamment, sur l’échange d’informations concernant les procédures d’appel d’offres en cours, sur la position des acteurs extérieurs à l’entente, sur le maintien ou sur l’interruption des contacts et sur des questions de sécurité. Or, ces sujets de discussion démontrent que, même si les membres restants de l’entente après le départ d’ABB n’arrivaient pas à se mettre d’accord sur des projets concrets, ils avaient l’intention de poursuivre l’entente à l’avenir ou, à tout le moins, n’avaient pas encore pris la décision d’y mettre fin.
78 Cette interprétation des faits n’est pas remise en cause par les déclarations de Hitachi concernant la fin de l’entente, invoquées par les requérantes. Selon les requérantes, Hitachi aurait déclaré, à propos de la réunion du 21 janvier 2004, que « [l]es parties [avaient] rejeté toutes les propositions » et que « la réunion [avait ensuite] été levée ». Cette même entreprise en aurait conclu, dans une autre déclaration, que « [l]e nouveau système [avait] commencé de s’effondrer en janvier 2004, date de la dernière réunion de travail à laquelle ABB [avait] participé. »
79 En premier lieu, le fait qu’aucun accord sur les projets d’AIG discutés n’a pu être conclu lors de la réunion du 21 janvier 2004 ne signifie pas pour autant que l’entente ait cessé d’exister à ce moment – même si, dans le cadre d’une appréciation ex post de la part de Hitachi, cet échec a pu constituer le point de départ de l’« effondrement de l’entente ». En effet, les sujets débattus lors des rencontres ultérieures, non contestés par les requérantes, témoignent de la volonté de poursuivre l’entente sans ABB. En second lieu, en ce qui concerne l’appréciation de Hitachi selon laquelle l’entente avait commencé à s’effondrer en janvier 2004, elle ne fait que confirmer, si besoin en était, que l’« effondrement de l’entente » ne s’était précisément pas encore réalisé en janvier 2004.
80 Dans ces circonstances, il n’était pas nécessaire, pour la Commission, de prouver la conclusion de nouveaux accords sur des projets d’AIG concrets, lors des réunions ayant eu lieu après celle du 21 janvier 2004, pour pouvoir conclure que l’entente s’était poursuivie après cette date.
81 Dès lors, les requérantes n’ont pas démontré que la Commission a commis une erreur d’appréciation en retenant le 11 mai 2004 comme date de la fin de l’entente. Il s’ensuit qu’il y a lieu de rejeter le grief tiré d’une telle erreur d’appréciation.
82 Il s’ensuit qu’il convient d’annuler l’article 1er de la décision attaquée, dans la mesure où la Commission y a constaté une infraction, commise par les requérantes, entre le 1er avril et le 30 juin 2002. Pour le surplus, il convient de rejeter la branche du premier moyen, tirée d’erreurs d’appréciation quant à la durée de l’infraction.
3. Sur la branche tirée de la prescription de l’infraction alléguée pour la période antérieure au 16 juillet 1998
a) Arguments des parties
83 Reyrolle, SEHV et Magrini estiment que, pour la période antérieure au 16 juillet 1998, il y a prescription en matière d’imposition de sanctions. Selon elles, le délai de prescription de cinq ans devant être calculé à partir du 16 juillet 1998 et la durée de leur participation dans le nouveau système se limitant à un an et trois mois, la majoration du montant de départ appliquée au titre de la durée de l’infraction devrait être réduite à 10 %.
84 Reyrolle, SEHV et Magrini ajoutent que la thèse de l’infraction continue, défendue par la Commission, est erronée en ce qui les concerne, puisque les conditions posées par la jurisprudence, à savoir, objectivement, qu’il n’y ait pas eu d’interruption des infractions et, subjectivement, que les comportements des entreprises en cause procèdent d’une intention générale, ne sont pas réunies.
85 La Commission réfute ces arguments.
b) Appréciation du Tribunal
86 L’article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 1/2003 fixe un délai de prescription de cinq ans pour les infractions du type de celle reprochée aux requérantes. Conformément à l’article 25, paragraphe 3, première phrase, du même règlement, la prescription est interrompue par tout acte de la Commission visant à l’instruction ou à la poursuite de l’infraction.
87 En l’espèce, l’exception de prescription invoquée s’agissant de la première phase de l’infraction reprochée à Reyrolle, à SEHV et à Magrini présuppose la réunion de deux conditions cumulatives. D’une part, cette première phase doit avoir pris fin au plus tard le 10 mai 1999, c’est-à-dire cinq ans avant le jour précédant les inspections sur place auxquelles la Commission a procédé les 11 et 12 mai 2004. D’autre part, les deux phases de l’infraction qui leur est reprochée ne doivent pas faire partie d’une seule infraction unique et continue, au sens de l’article 25, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, puisque, dans une telle hypothèse, la prescription ne court qu’à compter du jour où l’infraction a pris fin.
88 Or, ainsi qu’il a été exposé aux points 57 à 62 ci-dessus, la Commission a constaté à juste titre, dans la décision attaquée, que la première phase de l’infraction reprochée à Reyrolle, à SEHV et à Magrini n’avait pris fin que le 13 décembre 2000 et donc après la date du 10 mai 1999. Dès lors, il y a lieu de rejeter l’exception de prescription.
89 En tout état de cause, la seconde condition énoncée au point 87 ci-dessus n’est pas davantage remplie que la première condition. En effet, la Commission a constaté, à juste titre, que l’entente à laquelle Reyrolle, SEHV et Magrini ont participé en 2002 était, en substance, la même que celle à laquelle elles avaient participé jusqu’en 2000.
90 Les juridictions de l’Union ont identifié plusieurs critères pertinents pour apprécier le caractère unique d’une infraction, à savoir, l’identité des objectifs des pratiques en cause (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 21 septembre 2006, Technische Unie/Commission, C‑113/04 P, Rec. p. I‑8831, points 170 et 171, et arrêts du Tribunal du 20 mars 2002, Dansk Rørindustri/Commission, T‑21/99, Rec. p. II‑1681, point 67, et du 27 septembre 2006, Jungbunzlauer/Commission, T‑43/02, Rec. p. II‑3435, point 312), l’identité des produits et des services concernés (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 15 juin 2005, Tokai Carbon e.a./Commission, T‑71/03, T‑74/03, T‑87/03 et T‑91/03, non publié au Recueil, points 118, 119 et 124, et Jungbunzlauer/Commission, précité, point 312), l’identité des entreprises qui y ont pris part (arrêt Jungbunzlauer/Commission, précité, point 312) et l’identité des modalités de sa mise en œuvre (arrêt Dansk Rørindustri/Commission, précité, point 68). D’autres critères pertinents sont l’identité des personnes physiques impliquées pour le compte des entreprises et l’identité du champ d’application géographique des pratiques en cause.
91 En l’espèce, il y a lieu de relever que la totalité des critères mentionnés ci-dessus permettent de considérer que l’entente à laquelle Reyrolle, SEHV et Magrini ont participé en 2002 était, en substance, la même que celle à laquelle elles avaient participé jusqu’en 2000.
92 En effet, premièrement, l’objectif, consistant à stabiliser les parts de marché des membres de l’entente, à partager le marché mondial entre les producteurs japonais et européens – notamment en réservant à ces derniers les marchés européens – et à éviter l’érosion des prix, était le même pendant les deux périodes en cause.
93 Deuxièmement, les méthodes de fonctionnement de l’entente sont globalement restées inchangées, même si elles ont progressivement évolué au fil des années, notamment en fonction de la réduction du nombre d’entreprises participantes à la suite de la concentration du secteur et en fonction de l’évolution technique des moyens de communication. Toutefois, comme la Commission l’a exposé au considérant 280 de la décision attaquée, ces modifications ne sont pas intervenues à un moment précis entre 2000 et 2002, mais au fur et à mesure. Par ailleurs, elles n’ont pas affecté les principes essentiels du mode de fonctionnement, à savoir, l’attribution de projets d’AIG entre les membres de l’entente sur la base de quotas fixés par eux et au moyen du trucage des appels d’offres, ainsi que la fixation de prix minimaux pour les projets d’AIG ne faisant pas l’objet d’une attribution.
94 Ces constatations détaillées de la Commission relatives au fonctionnement de l’entente, non contestées en détail par les requérantes, ne sauraient être infirmées par l’allégation générale et non circonstanciée selon laquelle « la coordination à partir de 2002 s’est faite suivant un système tout à fait nouveau », ainsi qu’en attesteraient, notamment, des déclarations d’employés d’ABB. En effet, dans les passages cités par les requérantes dans les affaires T-123/07 et T-124/07 hors de leur contexte, l’employé en cause, M. Wi. relate, en substance, que, à l’époque des faits, son supérieur lui avait caché l’ampleur réelle de la « coopération » avec les autres producteurs d’AIG et le fait que l’entente, telle qu’elle existait à partir de 2002, s’inscrivait dans la continuité de la phase antérieure de l’entente.
95 Troisièmement, l’entente visait, pendant les deux périodes en cause, le même marché, à savoir celui des projets d’AIG sous forme de pièces détachées ou sous forme de sous-stations clés en main.
96 Quatrièmement, les entreprises impliquées dans l’entente ainsi que les différentes sociétés qui faisaient partie de ces entreprises sont, en substance, restées les mêmes pendant toute la durée de l’entente entre 1988 et 2004, compte tenu du processus de concentration dans le secteur des AIG ayant eu lieu pendant cette période et à la seule exception de l’absence temporaire de Siemens, de l’entreprise VA Tech et de Hitachi.
97 Cinquièmement, les personnes représentant les différentes entreprises au sein de l’entente étaient dans une très large mesure les mêmes en 2000 et en 2002, abstraction faite d’une certaine fluctuation normale au sein de chaque entreprise. La continuité personnelle des représentants est attestée par les différentes listes de réunions faisant partie du dossier et, notamment, celle figurant à l’annexe I de la décision attaquée, ainsi que par la liste des collaborateurs des entreprises concernées, actives dans l’entente, figurant à l’annexe II de la décision attaquée.
98 Sixièmement, le champ d’application géographique de l’entente était le même en 2000 et pendant la période de 2002 à 2004. En effet, il s’était quelque peu élargi depuis 1988, du fait que les marchés des pays de l’Europe centrale et de l’Est étaient entre-temps devenus accessibles aux membres de l’entente.
99 En outre, le fait, souligné par la Commission et non contesté par les requérantes dans les affaires T-123/07 et T-124/07, que l’entente ait été poursuivie par les autres membres en l’absence des entreprises temporairement absentes et que la continuité objective d’une infraction unique ait donc été préservée démontre également qu’il s’agissait d’une seule et même entente.
100 Enfin, en ce qui concerne l’élément subjectif, il suffit que, lorsque l’entreprise VA Tech a repris sa participation à l’entente, Reyrolle, SEHV et Magrini aient été conscientes de participer à la même entente qu’auparavant. Il convient de relever, à cet égard, que certains des employés qui représentaient l’entreprise VA Tech dans l’entente à partir de 2002 avaient déjà des fonctions dirigeantes au sein des sociétés faisant partie de ce groupe avant l’interruption de la participation desdites sociétés à l’entente en 2000. Ainsi, MM. Z., V., C., B. et W., qui figurent sur la liste des participants aux différentes réunions à partir d’octobre 2002 (voir l’annexe I de la décision attaquée), ont déjà travaillé pour Reyrolle, SEHV, Magrini et Schneider Electric avant 2000 (voir l’annexe II de la décision attaquée). Reyrolle, SEHV et Magrini ne pouvaient donc ignorer l’identité des facteurs déterminant le caractère unique de l’entente. Contrairement à ce que font valoir les requérantes dans les affaires T-123/07 et T-124/07, l’élément subjectif n’est donc pas exclu par le fait qu’elles aient été trompées, en 2000, en ce que les autres participants à l’entente leur avaient fait croire à sa dissolution. En effet, ce n’est pas leur niveau de connaissance en 2000 qui est déterminant à cet égard, mais celui au moment auquel elles ont repris leur participation à l’entente.
101 Dès lors, l’exception de prescription soulevée par Reyrolle, SEHV et Magrini doit, en tout état de cause, être rejetée en raison du fait que les deux phases de l’infraction qui leur a été reprochée faisaient partie d’une même infraction unique et continue.
102 En conclusion, il convient de rejeter la branche du premier moyen, tirée de la prescription de la première phase de l’infraction reprochée à Reyrolle, à SEHV et à Magrini.
4. Sur la branche tirée du montant excessif des amendes infligées
103 Au soutien de cette branche, les requérantes soulèvent plusieurs griefs, tirés, premièrement, du dépassement de la limite de 10 % du chiffre d’affaires de Reyrolle, de SEHV et de Magrini, deuxièmement, du défaut de prise en compte de la situation individuelle de ces mêmes sociétés, troisièmement, du caractère excessif du montant de l’amende de Siemens Österreich et de KEG par rapport à celle de Reyrolle, quatrièmement, d’une détermination incompréhensible de la responsabilité solidaire entre les différentes requérantes, cinquièmement, du fait que la Commission aurait erronément tenu Reyrolle pour responsable en sus de sa société mère, sixièmement, de la violation du principe ne bis in idem en ce qui concerne Siemens Österreich et KEG et, septièmement, également s’agissant de ces dernières, de l’absence de réduction de l’amende.
104 Il convient de relever que les quatre premiers griefs sont tirés, en substance, d’une application erronée, par la Commission, de la notion d’entreprise, au sens du droit communautaire de la concurrence. En effet, dans leurs arguments présentés à l’appui de ces griefs, les requérantes critiquent le fait que la Commission leur a appliqué, aux fins du calcul de leurs amendes, un montant de départ fondé sur le chiffre d’affaires total du groupe VA Tech pour 2005 et non sur leurs chiffres d’affaires isolés, et le fait que les montants pour lesquels les différentes sociétés de ce groupe sont tenues de payer solidairement sont déterminés de manière incompréhensible. Dès lors, il y a lieu de traiter ensemble ces quatre griefs avant d’examiner les autres griefs.
a) Sur les quatre premiers griefs, tirés, en substance, d’une application erronée, par la Commission, de la notion d’entreprise au sens du droit communautaire de la concurrence
Arguments des parties
105 Reyrolle, SEHV et Magrini reprochent à la Commission de leur avoir appliqué, aux fins du calcul de leurs amendes, un montant de départ fondé sur le chiffre d’affaires total du groupe VA Tech, tel qu’il existait au moment de la décision attaquée, et non sur leurs chiffres d’affaires isolés.
106 Selon Reyrolle, SEHV et Magrini, la Commission s’est ainsi mise en contradiction manifeste avec l’approche, exposée à plusieurs reprises dans la décision attaquée, selon laquelle elle entendait tenir les filiales du groupe VA Tech pour « individuellement responsables » de l’infraction à l’article 81 CE et à l’article 53 de l’accord EEE. Reyrolle, SEHV et Magrini font également valoir que la méthode de calcul appliquée par la Commission aboutit à ce que Reyrolle soit tenue pour responsable du comportement de SEHV et de Magrini et vice versa, alors qu’elles n’étaient pas liées pendant la plus grande partie de la durée de l’infraction, à savoir, pendant la période comprise entre le 15 avril 1988 et le 13 décembre 2000. Une telle « coresponsabilité à effet rétroactif » serait contraire au principe selon lequel la sanction doit être proportionnée à la faute commise, puisque le poids économique desdites sociétés dans l’entente s’en trouverait nettement exagéré.
107 Reyrolle, SEHV et Magrini affirment en outre que, dans la décision attaquée, la Commission n’a pas respecté le plafond de 10 % du chiffre d’affaires, prévu à l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003. Pour l’année 2005, leurs chiffres d’affaires mondiaux se seraient élevés à environ 118 953 000 euros pour Reyrolle, à 222 034 242 euros pour SEHV et à 103 047 112 euros pour Magrini, de sorte que les amendes de 22 050 000 euros qui leur ont été imposées seraient excessives.
108 De plus, Reyrolle, SEHV et Magrini estiment que le mode de calcul proposé par la Commission enfreint l’article 7, paragraphe 1, de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH »), selon lequel il n’est infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l’infraction a été commise. Selon elles, l’application rétroactive, par la Commission, du concept de l’unité économique, aux fins du calcul du montant de l’amende, entraînerait un alourdissement de la sanction.
109 Reyrolle ajoute que la Commission aurait dû tenir compte de sa capacité limitée à porter un préjudice important à la concurrence à l’intérieur du marché commun, soit en réduisant son montant de départ de l’amende, soit dans le cadre de l’application de circonstances atténuantes. Pour des raisons d’ordre technique, ses activités à l’intérieur de l’EEE se seraient limitées au Royaume-Uni et à l’Irlande pendant toute la durée de l’accord GQ. Dès lors, son chiffre d’affaires mondial, en exagérant son poids concurrentiel sur le marché commun, ne refléterait pas de manière pertinente sa capacité à porter préjudice à d’autres opérateurs au sein de l’EEE.
110 Siemens Österreich et KEG soutiennent que le montant de l’amende qui leur a été infligée est disproportionné par rapport à celui supporté par Reyrolle en raison du choix, fait par la Commission, de leur infliger une amende comme si elles avaient été liées à SEHV et à Magrini au cours de la période allant de 1998 à 2000, de manière à nettement exagérer leur poids économique dans l’entente.
111 Siemens Österreich et KEG ajoutent que, par principe, les amendes infligées à des sociétés mères pour l’infraction commise par leurs filiales, fondées sur l’influence déterminante que les premières exercent sur le comportement commercial des secondes, ne pourraient être plus lourdes que celles encourues par les filiales. Elles estiment cependant que, en l’espèce, le montant de l’amende qui leur a été infligée est, compte tenu de la durée des infractions qui leur sont imputées, deux fois plus élevé que dans le cas de Reyrolle, à savoir, 242 307 euros par mois d’infraction pour elles et 124 576 euros par mois d’infraction pour Reyrolle.
112 Selon Siemens Österreich et KEG, l’approche choisie par la Commission méconnaît le principe d’une sanction correspondant à la contribution individuelle d’une société aux faits reprochés et le « principe de la faute » et, partant, viole l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 ainsi que l’article 7, paragraphe 1, de la CEDH. Une telle approche irait également à l’encontre des lignes directrices de la Commission pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et de l’article 65, paragraphe 5, [CA] (JO 1998, C 9, p. 3, ci-après les « lignes directrices »). En outre, dans le mémoire en défense, la Commission présumerait à tort et sans la moindre preuve que VA Technologie était au courant ou aurait dû l’être, lors de l’acquisition de Reyrolle et de la création de VAS, de la participation de Reyrolle à l’entente, alors que VA Technologie ne serait « entrée dans le secteur des AIG […] qu’à la suite de l’acquisition de Reyrolle » et que l’audit préalable (due diligence) effectué à cette occasion n’aurait révélé aucune activité collusoire.
113 Siemens Österreich et KEG estiment que la Commission devait d’abord calculer le montant des amendes pour chaque filiale du groupe VA Tech, avant de calculer, au prorata de la durée du contrôle exercé par ce groupe sur chacune des filiales, le montant de l’amende à payer solidairement par les sociétés mères. En application de cette méthode, les amendes infligées par la Commission auraient dû correspondre à un montant de 720 000 euros pour Reyrolle, de 900 000 euros pour SEHV et de 360 000 euros pour Magrini, soit un montant total de 1 980 000 euros.
114 SEHV et Magrini font également valoir que l’amende d’un montant total de 22 050 000 euros qui leur est infligée dans la décision attaquée a été répartie de manière erronée entre, d’une part, le groupe dont Schneider Electric est la société mère (ci-après le « groupe Schneider ») à concurrence de 4 500 000 euros et, d’autre part, le groupe VA Tech à concurrence de 17 550 000 euros. Elles affirment que le calcul probablement effectué par la Commission aboutit en définitive à ce que Schneider Electric n’ait à assumer qu’une responsabilité très limitée, à savoir 40 %, pour la période pendant laquelle celle-ci les contrôlait seule. En revanche, le groupe VA Tech et Reyrolle seraient manifestement désavantagés.
115 SEHV et Magrini ajoutent que la Commission a établi le montant de départ de l’amende appliqué à Schneider Electric au regard de la participation détenue dans VAS. Or, VA Technologie aurait apporté dans VAS diverses activités ne présentant aucun lien avec l’entente. Dès lors, le montant fixé à l’article 2, sous l), i), de la décision attaquée que SEHV, Magrini et Reyrolle sont tenues de payer solidairement serait manifestement excessif.
116 La Commission estime que la fixation du montant de l’amende dans la décision attaquée répond aux critères établis par la jurisprudence et prend en compte, pour autant que nécessaire, la situation individuelle de Reyrolle, celle de SEHV et celle de Magrini.
117 S’agissant de l’article 7 de la CEDH, la Commission souligne qu’il n’est pas directement applicable en l’espèce. De plus, elle affirme que la décision attaquée ne viole pas l’interdiction de rétroactivité, ni le principe « pas de peine sans loi ».
118 La Commission réfute également l’argument de Reyrolle selon lequel la prise en compte du chiffre d’affaires mondial de cette société conduirait à un montant de départ excessif pour le calcul du montant de son amende. Elle estime être en droit, lorsqu’une entente couvre presque intégralement le marché mondial, de se fonder sur les chiffres d’affaires mondiaux comme indice de la gravité de l’infraction. En outre, elle fait observer qu’aucune disposition du droit communautaire ne prévoit de sanction proportionnelle à la durée de l’infraction.
119 La Commission fait observer, en outre, que Siemens Österreich et KEG ne prétendent pas que la somme de deux hypothétiques amendes séparées imposées au groupe VA Tech, l’une pour le comportement de Reyrolle et l’autre pour le comportement de SEHV et de Magrini, serait inférieure à l’amende unique fixée par la décision attaquée. Or, une décision ne pourrait être annulée que si le calcul prétendument erroné a effectivement fait grief au requérant.
120 En ce qui concerne la détermination des montants à payer solidairement, la Commission fait valoir que ce grief est irrecevable parce que SEHV et Magrini, n’étant pas directement affectées par cette détermination, ne pourraient pas faire valoir les intérêts de l’entreprise globale. La Commission estime également avoir suffisamment motivé le calcul du montant de l’amende pour les requérantes. En outre, la Commission estime que l’attribution d’une plus grande part de responsabilité solidaire à Schneider Electric serait nettement moins favorable au groupe VA Tech que la répartition effectuée par elle, puisque la responsabilité globale dudit groupe s’en trouverait nettement plus importante.
121 Enfin, la Commission fait, en substance, valoir, dans ses réponses aux questions écrites du Tribunal ainsi que lors de l’audience, qu’elle peut déterminer librement les montants à payer solidairement, puisque la responsabilité solidaire est un avantage pour les sociétés concernées. Partant, ne constitueraient une irrégularité ni le fait que Reyrolle, d’une part, et SEHV et Magrini, d’autre part, se voient tenir pour solidairement responsables pour un montant sans rapport avec la période de leur participation commune à l’entente, en leur qualité de filiales du groupe VA Tech, ni le fait que la participation seule de Reyrolle pendant dix ans, avant son rachat par VA Technologie, ne se traduit pas par un montant à supporter seule, ni même le fait que Siemens Österreich et KEG ne sont pas tenues pour solidairement responsables d’une partie de l’amende de SEHV et de Magrini. Par ailleurs, selon la Commission, les indications données, au considérant 468 de la décision attaquée, quant aux périodes de responsabilité solidaire ne doivent pas être comprises comme constituant définitivement des responsabilités solidaires, au sens de dettes solidaires. En effet, lorsqu’elle s’est prononcée audit considérant 468 sur la responsabilité personnelle de Reyrolle pour la période comprise entre le 15 avril 1988 et le 20 septembre 1988, elle n’aurait pas exclu qu’une responsabilité solidaire puisse être retenue pour d’autres raisons que l’existence d’une entité économique, seule une responsabilité solidaire avec ses sociétés mères étant écartée pour cette période. La Commission estime que, en fin de compte, les débiteurs solidaires sont totalement libres quant à la distribution en interne du montant total de l’amende, ce qui constitue un avantage pour eux.
Appréciation du Tribunal
– Sur le principe d’individualité des peines et des sanctions
122 Il y a lieu de rappeler, tout d’abord, que, en vertu du principe d’individualité des peines et des sanctions, une personne, physique ou morale, ne doit être sanctionnée que pour les faits qui lui sont individuellement reprochés (arrêt du Tribunal du 13 décembre 2001, Krupp Thyssen Stainless et Acciai speciali Terni/Commission, T‑45/98 et T‑47/98, Rec. p. II‑3757, point 63), principe qui est applicable dans toute procédure administrative susceptible d’aboutir à des sanctions en vertu des règles communautaires de concurrence (arrêt du Tribunal du 4 juillet 2006, Hoek Loos/Commission, T‑304/02, Rec. p. II‑1887, point 118). Toutefois, ce principe doit se concilier avec la notion d’entreprise, au sens de l’article 81 CE, telle qu’interprétée par la jurisprudence. À cet égard, il y a lieu de rappeler que la notion d’entreprise, au sens de l’article 81 CE, inclut des entités économiques consistant chacune en une organisation unitaire d’éléments personnels, matériels et immatériels poursuivant de façon durable un but économique déterminé, organisation pouvant concourir à ce qu’une infraction visée par cette disposition soit commise (voir arrêt du Tribunal du 20 mars 2002, HFB e.a./Commission, T‑9/99, Rec. p. II‑1487, point 54, et la jurisprudence citée). En effet, le droit communautaire de la concurrence reconnaît que différentes sociétés appartenant à un même groupe constituent une entité économique, et donc une entreprise au sens de l’article 81 CE, si les sociétés filiales du groupe ne déterminent pas de façon autonome leur comportement sur le marché (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 30 septembre 2003, Michelin/Commission, T‑203/01, Rec. p. II‑4071, point 290).
123 Il s’ensuit qu’il y a lieu de rejeter l’affirmation de Siemens Österreich et de KEG selon laquelle le fait qu’une entreprise participant à une infraction est constituée de plusieurs sociétés différentes ne conduit pas à ce que ces dernières doivent être traitées comme un seul participant à l’infraction. En effet, cette affirmation procède d’une confusion entre la notion d’entreprise et celle de société et ne trouve pas d’appui dans la jurisprudence citée par les requérantes.
124 De même, il convient de rejeter l’argument de Reyrolle, de SEHV et de Magrini, exposé au point 108 ci-dessus, selon lequel l’application rétroactive, par la Commission, du concept de l’unité économique, aux fins du calcul du montant de l’amende, entraîne un alourdissement de la sanction et, dès lors, enfreint l’article 7, paragraphe 1, de la CEDH, selon lequel il n’est infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l’infraction a été commise. En effet, la pratique de la Commission consistant à prendre en compte, pour le calcul du montant de l’amende, le chiffre d’affaires de l’entreprise – et donc, le cas échéant, le chiffre d’affaires cumulé de toutes les sociétés formant cette entreprise – était uniforme dans le temps et devait donc être connue par les acteurs économiques. En outre, les requérantes avaient poursuivi leur participation à l’infraction après une fusion entraînant une augmentation du chiffre d’affaires de l’entreprise. Elles ne sauraient donc exiger de la Commission d’être traitées comme si la fusion n’avait pas eu lieu, étant donné que le principe selon lequel c’est le chiffre d’affaires de l’entreprise et non ceux des sociétés la composant, pris isolément, qui est pertinent aux fins du calcul du montant des amendes était applicable pendant la période de fonctionnement de l’entente et n’a donc pas été appliqué de manière rétroactive.
125 Il y a également lieu d’ajouter que la pratique constante de la Commission consistant à prendre en compte, aux fins de la détermination du montant de départ des amendes, le chiffre d’affaires relatif à la dernière année complète de l’infraction, a implicitement été acceptée par la jurisprudence (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 16 novembre 2000, Sarrió/Commission, C‑291/98 P, Rec. p. I‑9991, points 85 à 87).
126 À cet égard, en premier lieu, il y a lieu de rappeler la jurisprudence selon laquelle la portée dissuasive des amendes constitue un des éléments en fonction desquels doit être établie la gravité des infractions (arrêts de la Cour du 17 juillet 1997, Ferriere Nord/Commission, C‑219/95 P, Rec. p. I‑4411, point 33, et du Tribunal du 12 décembre 2007, BASF et UCB/Commission, T‑101/05 et T‑111/05, Rec. p. II‑4949, point 45). Or, le caractère dissuasif d’une amende dépend dans une large mesure de son caractère suffisamment sensible pour l’entreprise concernée. Dès lors, afin de pouvoir mesurer le caractère dissuasif d’une amende à l’égard d’une entreprise ayant participé à une infraction, il y a lieu de tenir compte de la situation telle qu’elle existait à la fin de l’infraction et non de celle ayant pu exister à un moment antérieur. La prise en compte d’une situation antérieure risquerait soit d’aboutir à une amende d’un montant trop bas pour être suffisamment dissuasive, dans l’hypothèse où le chiffre d’affaires de l’entreprise concernée aurait augmenté entre-temps, soit d’aboutir à une amende d’un montant plus élevé qu’il ne le faudrait pour être dissuasive, dans l’hypothèse où le chiffre d’affaires de l’entreprise concernée aurait diminué entre-temps.
127 En second lieu, il serait impraticable et tout à fait excessif, au regard du principe de bonne administration et des exigences d’économie de la procédure, de demander à la Commission de tenir compte de l’évolution du chiffre d’affaires des entreprises en cause pendant toute la durée du fonctionnement d’une entente. Une telle approche impliquerait, ainsi que la Commission le fait valoir à bon droit, de calculer un montant de départ de l’amende distinct pour chaque année d’appartenance à l’entente et, à cette fin, de déterminer les parts de marché respectives des participants pour chaque année de l’infraction.
128 Dès lors, il y a lieu de rejeter également l’argument de Siemens Österreich et de KEG, exposé au point 110 ci-dessus, selon lequel l’approche suivie par la Commission, caractérisée par le fait de leur avoir infligé une amende tenant compte du chiffre d’affaires du groupe VA Tech pour l’année 2003 et non du chiffre d’affaires, plus faible, antérieur à l’acquisition de SEHV et de Magrini, a pour conséquence d’exagérer leur poids économique dans l’entente.
129 De même, il y a lieu de rejeter l’argument de Siemens Österreich et de KEG, exposé au point 112 ci-dessus, selon lequel ladite approche de la Commission méconnaît le principe d’une sanction correspondant à la contribution individuelle d’une société aux faits reprochés et le principe de la faute. En effet, il découle de la décision attaquée et, en particulier, de son considérant 468, sous c), et de son considérant 507 que lesdites requérantes n’ont été tenues pour responsables que pour la période pendant laquelle elles ont participé à l’entente, à travers leurs filiales, à savoir, d’abord Reyrolle puis, à partir de 2001, également SEHV et Magrini.
130 Quant à l’argument de Siemens Österreich et de KEG, également exposé au point 112 ci-dessus, selon lequel la Commission présume, à tort, que VA Technologie était au courant ou aurait dû l’être, lors de l’acquisition de Reyrolle et lors de la création de VAS, de la participation de Reyrolle à l’entente, il convient de rappeler que la Commission peut raisonnablement présumer qu’une filiale à 100 % d’une société mère applique pour l’essentiel les instructions qui lui sont données par celle-ci et que cette présomption implique que la Commission n’est pas tenue de vérifier si la société mère a effectivement exercé ce pouvoir (voir arrêt du Tribunal du 27 septembre 2006, Akzo Nobel/Commission, T‑330/01, Rec. p. II‑3389, point 83, et la jurisprudence citée). L’imputation à la société mère du comportement d’une filiale à 100 % ne présuppose donc pas la preuve que la société mère avait connaissance des agissements de la filiale. C’est au contraire à la société mère qu’il appartient, lorsqu’elle considère que, malgré sa participation à 100 % dans le capital de sa filiale, cette dernière détermine de façon autonome son comportement sur le marché, de renverser cette présomption en fournissant des éléments de preuve suffisants (voir arrêt Akzo Nobel/Commission, précité, point 83, et la jurisprudence citée).
131 En l’espèce, le fait de savoir si VA Technologie avait, lors de l’acquisition de Reyrolle en 1998, connaissance de l’implication de cette dernière dans l’entente ne revêt donc aucune pertinence, dès lors que Siemens Österreich et de KEG n’ont pas contesté, devant le Tribunal, que Reyrolle, filiale à 100 % du groupe VA Tech depuis 1998, appliquait pour l’essentiel ses instructions et ne déterminait pas de manière autonome son comportement sur le marché. Par conséquent, le fait que la Commission a pu considérer à tort que VA Technologie avait une telle connaissance n’est pas susceptible de vicier la décision attaquée.
132 Par ailleurs, s’agissant de la création de VAS en 2001, la Commission a pu estimer à bon droit que VA Technologie avait à l’époque connaissance de la participation à l’entente tant de son ancienne filiale Reyrolle que de ses nouvelles filiales SEHV et Magrini. En effet, la Commission a exposé, aux considérants 454 et suivants de la décision attaquée, que plusieurs personnes représentant l’entreprise VA Tech lors des réunions de l’entente ont simultanément occupé des postes de direction tant au sein des filiales Reyrolle, SEHV et Magrini qu’au sein de leurs sociétés mères, à savoir, VA Technologie et VAS – dont Siemens Österreich assure la succession juridique – ainsi que KEG. Or, Siemens Österreich et KEG n’ont pas contesté ces constatations devant le Tribunal.
133 Il y a donc lieu de rejeter cet argument.
134 Enfin, puisque l’entité ayant commis une infraction à l’article 81 CE et à l’article 53 de l’accord EEE est l’entreprise au sens du droit de la concurrence, qui n’est pas dotée, en tant que telle, de la personnalité juridique, la Commission doit, dans sa décision sanctionnant cette infraction et imposant des amendes, déterminer les sociétés individuelles, au sein de l’entreprise, auxquelles la décision sera adressée et qui devront répondre, pour le compte de l’entreprise, du paiement des amendes. Il s’ensuit que les amendes individuelles imposées aux différentes sociétés faisant partie de l’entreprise devront, sauf circonstances exceptionnelles, être calculées sur le fondement de la puissance économique et donc du chiffre d’affaires de l’entreprise et non sur le fondement de la puissance économique des sociétés individuelles.
135 En l’espèce, la Commission a d’abord expliqué, au considérant 333 de la décision attaquée, que l’objet de l’article 81 CE et de l’article 53 de l’accord EEE était l’entreprise au sens du droit communautaire, notion qui ne se confondait pas avec celle de personne morale en droit commercial, en droit des sociétés ou en droit fiscal national. Toutefois, la décision sanctionnant une infraction à ces articles devant être adressée à des personnes morales, il serait nécessaire, pour la Commission, d’identifier, au sein des entreprises concernées, les personnes morales destinataires de la décision. Ensuite, au considérant 335 de la décision attaquée, la Commission a expliqué que les sociétés mères qui exerçaient une influence déterminante sur le comportement commercial d’une filiale pouvaient être tenues pour solidairement responsables de l’infraction commise par la filiale, ce qui, néanmoins, n’exonérait pas cette dernière de sa propre responsabilité. La responsabilité de la société mère viendrait donc s’ajouter à celle de la filiale. Ces considérations tiennent pleinement compte des principes énoncés aux points 122 et 134 ci-dessus.
136 Dès lors, il y a lieu de rejeter l’argument de Reyrolle, de SEHV et de Magrini, exposé au point 106 ci-dessus, tiré de la contradiction de l’imposition d’une amende fondée sur le chiffre d’affaires total du groupe VA Tech avec l’approche consistant à tenir pour individuellement responsables de l’infraction les différentes filiales de ce groupe.
– Sur les différentes sociétés auxquelles peut être imputé le comportement des entreprises ayant participé à l’entente et l’application des règles en matière de solidarité pour le paiement des amendes
137 Il convient, dans un premier temps, de déterminer les différentes sociétés auxquelles peut être imputé le comportement des entreprises ayant participé à l’entente. Dans un second temps, il s’agira d’examiner si la Commission a correctement calculé le montant des amendes à infliger aux requérantes et, notamment, si elle a correctement déterminé les montants que celles-ci doivent payer solidairement. Puisque cet examen concerne notamment la cohérence interne de la décision attaquée, il convient, à ce stade, de tenir compte de la durée de l’infraction retenue par la Commission elle-même, dans le cadre de la décision attaquée, et, notamment, de la date du 1er avril 2002 et non de celle du 1er juillet 2002 (voir points 72 et 82 ci-dessus) comme date à laquelle l’entreprise VA Tech a repris sa participation à l’entente.
138 S’agissant, en premier lieu, de la détermination des différentes sociétés auxquelles peut être imputé le comportement des entreprises ayant participé à l’entente, il convient tout d’abord de rappeler qu’il n’est pas contesté que Reyrolle, SEHV et Magrini ne déterminaient pas de façon autonome leur comportement sur le marché, dans le cadre de la participation de l’entreprise VA Tech à l’entente. Ainsi qu’il ressort du point 1 ci-dessus, cela concerne, pour Reyrolle, la période débutant le 20 septembre 1998, date de son acquisition par VA Technologie et, pour SEHV et Magrini, la période postérieure au 13 mars 2001, date de la création de VAS. La Commission en a déduit, dans la décision attaquée, que, pendant lesdites périodes, Reyrolle, SEHV et Magrini formaient, avec VA Technologie et VAS (absorbées en 2006 par Siemens Österreich) ainsi qu’avec KEG, une seule et même entreprise au sens de l’article 81 CE, ce qui n’est pas contesté par les requérantes.
139 Ensuite, à l’instar de ce que la Commission a fait au considérant 337 de la décision attaquée, il y a lieu de rappeler que les entités juridiques qui ont participé à titre indépendant à une infraction et qui, par la suite, ont été acquises par une autre société continuent à répondre elles-mêmes de leur comportement infractionnel antérieur à leur acquisition, lorsque ces sociétés n’ont pas été purement et simplement absorbées par l’acquéreur, mais qu’elles ont poursuivi leurs activités en tant que filiales (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 16 novembre 2000, Cascades/Commission, C‑279/98 P, Rec. p. I‑9693, points 78 à 80). Dans un tel cas, l’acquéreur pourra uniquement être tenu pour responsable du comportement de sa filiale à partir de son acquisition, si la filiale poursuit l’infraction et si la responsabilité de la nouvelle société mère peut être établie (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 16 novembre 2000, Stora Kopparbergs Bergslags/Commission, C‑286/98 P, Rec. p. I‑9925, points 37 à 39).
140 En l’espèce, la situation de Reyrolle, d’une part, et de Siemens Österreich ainsi que de KEG, d’autre part, est semblable à la seconde situation évoquée au point 139 ci-dessus, puisque Reyrolle a d’abord participé à l’infraction à titre indépendant et a ensuite, à partir du 20 septembre 1998, poursuivi son activité infractionnelle en tant que filiale du groupe VA Tech (voir point 1 ci-dessus).
141 En outre, le même principe doit s’appliquer, mutatis mutandis, dans l’hypothèse où, antérieurement à son acquisition, la société acquise a participé à l’infraction non à titre indépendant, mais en tant que filiale d’un autre groupe comme cela a été le cas pour SEHV et Magrini qui, avant de faire partie de l’entreprise VA Tech, faisaient partie de l’entreprise appartenant au groupe Schneider (ci-après l’« entreprise Schneider »), jusqu’au 13 mars 2001.
142 À cet égard, il ressort du dossier que Reyrolle, SEHV et Magrini étaient détenues à 60 % par le groupe VA Tech à partir du 13 mars 2001, par l’intermédiaire de VAS. La Commission a exposé, aux considérants 454 et 455 de la décision attaquée, sans être contredite par les requérantes, qu’elle considérait que VA Technologie et KEG étaient en mesure d’exercer une influence déterminante sur le comportement commercial de Reyrolle, SEHV et Magrini, à travers leur part de 60 % dans le capital de VAS. Elle en a tiré la conclusion selon laquelle, entre le 13 mars 2001, date de la création de VAS, et le 11 mai 2004, date de la fin de l’entente, Siemens Österreich et KEG ou leurs prédécesseurs juridiques formaient une seule et même entreprise avec les filiales Reyrolle, SEHV et Magrini. En particulier, il ressort des considérants 423, 424, 450 et 467 de la décision attaquée que la Commission a considéré que la responsabilité de Schneider Electric pour la participation de ses anciennes filiales SEHV et Magrini avait pris fin avec la création de VAS, le 13 mars 2001, malgré le fait qu’elle avait détenu, jusqu’en octobre 2004, 40 % du capital de cette dernière.
143 Il résulte de l’application du principe énoncé au point 139 ci-dessus que SEHV et Magrini continuent de répondre elles-mêmes de leur comportement infractionnel antérieur à la prise de contrôle, le 13 mars 2001, par le groupe VA Tech. Par ailleurs, puisque, avant cette date, ces sociétés faisaient partie d’une entreprise différente, avec Schneider Electric, cette dernière doit être tenue pour solidairement responsable avec elles en ce qui concerne cette période.
144 Il découle de ce qui précède qu’il y a lieu de distinguer quatre périodes différentes :
– premièrement, pendant la période du 15 avril 1988 au 20 septembre 1998, Reyrolle répond seule de sa participation à l’entente ; en effet, à l’égard de sa société mère de l’époque, Rolls-Royce, l’infraction est prescrite ;
– deuxièmement, pendant la période du 15 avril 1988 au 13 décembre 2000, SEHV et Magrini répondent de leur participation à l’entente solidairement avec Schneider Electric, leur société mère de l’époque ;
– troisièmement, pendant la période du 20 septembre 1998 au 13 décembre 2000, Reyrolle répond de sa participation à l’entente solidairement avec Siemens Österreich, successeur juridique de VA Technologie, sa société mère de l’époque ;
– quatrièmement, pendant la période comprise entre le 1er juillet 2002 (le 1er avril 2002 selon la décision attaquée) et le 11 mai 2004, Reyrolle, SEHV et Magrini répondent solidairement de leur participation à l’entente avec leurs sociétés mères KEG et Siemens Österreich, successeur juridique de leurs anciennes sociétés mères, à savoir VAS et VA Technologie.
145 Or, effectivement, conformément au principe énoncé aux points 139 à 143 ci-dessus, la Commission a constaté, aux considérants 449 à 451 de la décision attaquée, s’agissant de la participation de Reyrolle à l’infraction, que celle-ci devait être tenue pour seule responsable de cette participation pour la période antérieure à l’acquisition de celle-ci par le groupe VA Tech, à savoir du 15 avril 1988 au 20 septembre 1998, que Siemens Österreich et KEG devaient être tenues pour responsables solidairement, avec Reyrolle, de cette participation à partir de l’acquisition de celle-ci par le groupe VA Tech à savoir du 20 septembre 1998 au 13 décembre 2000 et du 1er avril 2002 au 11 mai 2004 et que SEHV et Magrini, autres filiales du groupe VA Tech ayant participé à l’infraction, devaient être tenues pour responsables solidairement de cette participation pour la période du 1er avril 2002 au 11 mai 2004.
146 En ce qui concerne la participation de SEHV et de Magrini, la Commission a constaté, au considérant 465 de la décision attaquée, que Schneider Electric devait être tenue pour responsable solidairement, avec celles-ci, de cette participation pour la période allant du 15 avril 1988 au 13 décembre 2000 et, au considérant 467 de la décision attaquée, que Siemens Österreich et KEG devaient être tenues pour responsables solidairement, avec celles-ci, de cette participation pour la période allant du 1er avril 2002 au 11 mai 2004.
147 La Commission a donc pu considérer à juste titre, au considérant 468 de la décision attaquée :
« Par conséquent :
a) [Reyrolle] doit être tenue pour seule responsable de sa participation à l’infraction entre le 15 avril 1988 et le 20 septembre 1998 ;
b) [SEHV] et [Magrini] doivent être tenues pour solidairement responsables avec [Schneider Electric] du 15 avril 1988 au 13 décembre 2000 ;
c) [Siemens Österreich et KEG] doivent être tenues pour responsables solidairement du 20 septembre 1998 au 13 décembre 2000 et du 1er avril 2002 au 11 mai 2004 (jusqu’au 13 décembre 2000, solidairement avec [Reyrolle] et, à partir du 1er avril 2002, également solidairement avec [SEHV] et [Magrini]). »
148 S’agissant, en second lieu, du calcul du montant des amendes à infliger aux différentes sociétés auxquelles peut être imputé le comportement des entreprises ayant participé à l’entente et, notamment, de la détermination des montants que celles-ci doivent payer solidairement, il convient d’examiner si la Commission a respecté les principes énoncés ci-dessus, aux points 122, 134, 139, 141 et 143 de la décision attaquée, ainsi que le programme qu’elle s’est elle-même fixé au considérant 468 de la décision attaquée.
149 À cet égard, il importe de souligner que la solidarité entre sociétés pour le paiement des amendes dues en raison d’une infraction à l’article 81 CE et à l’article 53 de l’accord EEE est un effet juridique qui découle, de plein droit, des dispositions matérielles de ces articles.
150 Selon la jurisprudence, lorsque plusieurs personnes peuvent être tenues pour personnellement responsables de la participation à une infraction d’une seule et même entreprise, au sens du droit de la concurrence, elles doivent être considérées comme solidairement responsables de ladite infraction (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 6 mars 1974, Istituto Chemioterapico Italiano et Commercial Solvents/Commission, 6/73 et 7/73, Rec. p. 223, point 41, et du 16 novembre 2000, Metsä-Serla e.a./Commission, C‑294/98 P, Rec. p. I‑10065, points 33 et 34 ; arrêts du Tribunal du 14 mai 1998, Metsä-Serla e.a./Commission, T‑339/94 à T‑342/94, Rec. p. II‑1727, points 42 à 44 ; HFB e.a./Commission, point 122 supra, points 54, 524 et 525 ; Tokai Carbon e.a./Commission, point 90 supra, point 62, et du 12 décembre 2007, Akzo Nobel e.a./Commission, T‑112/05, Rec. p. II‑5049, points 57 à 62).
151 L’unité du comportement de l’entreprise sur le marché justifie, aux fins de l’application du droit de la concurrence, que les sociétés ou, plus généralement, les sujets de droit qui peuvent en être tenus pour personnellement responsables soient obligés solidairement (voir, en ce sens, arrêts de la Cour Istituto Chemioterapico Italiano et Commercial Solvents/Commission, point 150 supra, point 41, et du 14 juillet 1972, Geigy/Commission, 52/69, Rec. p. 787, point 45 ; arrêts HFB e.a./Commission, point 122 supra, points 54, 524 et 525, et Tokai Carbon e.a./Commission, point 150 supra, point 62). La solidarité pour le paiement des amendes infligées au titre d’une infraction à l’article 81 CE et à l’article 53 de l’accord EEE, en ce qu’elle concourt à garantir le recouvrement effectif desdites amendes, participe à l’objectif de dissuasion qui est généralement poursuivi par le droit de la concurrence (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 15 juillet 1970, ACF Chemiefarma/Commission, 41/69, Rec. p. 661, points 172 et 173, et du 29 juin 2006, Showa Denko/Commission, C‑289/04 P, Rec. p. I‑5859, point 61), et ce dans le respect du principe ne bis in idem, principe fondamental du droit de l’Union, également consacré par l’article 4 du protocole n° 7 de la CEDH, qui interdit, pour une même infraction au droit de la concurrence, de sanctionner plus d’une fois un même comportement d’entreprise sur le marché à travers les sujets de droit qui peuvent en être tenus pour personnellement responsables (voir, en ce sens, arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 52 supra, point 338 ; arrêts du Tribunal du 20 avril 1999, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, T‑305/94 à T‑307/94, T‑313/94 à T‑316/94, T‑318/94, T‑325/94, T‑328/94, T‑329/94 et T‑335/94, Rec. p. II‑931, points 95 à 99, et du 13 décembre 2006, FNCBV e.a./Commission, T‑217/03 et T‑245/03, Rec. p. II‑4987, point 340).
152 Le fait que les responsabilités personnelles encourues par plusieurs sociétés en raison de la participation d’une même entreprise à une infraction ne sont pas identiques ne fait pas obstacle à ce qu’elles se voient infliger une amende à payer solidairement, dès lors que la solidarité pour le paiement de l’amende ne couvre que la période d’infraction durant laquelle celles-ci formaient une unité économique et constituaient donc une entreprise, au sens du droit de la concurrence.
153 À cet égard, contrairement à ce que la Commission prétend dans le cadre de l’argument exposé au point 121 ci-dessus, elle ne saurait déterminer librement les montants à payer solidairement. En effet, il découle du principe d’individualité des peines et des sanctions, tel que décrit au point 122 ci-dessus, que chaque société doit pouvoir déduire de la décision qui lui impose une amende à payer solidairement avec une ou plusieurs autres sociétés la quote-part qu’elle devra supporter dans sa relation avec ses codébiteurs solidaires, une fois la Commission désintéressée. À cette fin, la Commission doit notamment préciser les périodes pendant lesquelles les sociétés concernées sont (co)responsables des comportements infractionnels des entreprises ayant participé à l’entente et, le cas échéant, le degré de responsabilité desdites sociétés pour ces comportements.
154 Dès lors, en l’espèce, la Commission devait tenir compte des constatations qu’elle a faites, au considérant 468 de la décision attaquée, quant aux périodes de responsabilité commune des différentes sociétés faisant partie de l’entreprise VA Tech pour fixer les montants à payer solidairement par ces sociétés. Ces montants doivent refléter, dans toute la mesure du possible, le poids des différentes parts de la responsabilité que partagent lesdites sociétés, telles qu’identifiées audit considérant.
155 Il convient d’ajouter que, de même que la notion d’« entreprise », au sens du droit de la concurrence, dont elle n’est qu’un effet de plein droit (voir points 150 et 151 ci-dessus), la notion de « solidarité pour le paiement des amendes » est une notion autonome qu’il faut interpréter en se référant aux objectifs et au système du droit de la concurrence dont elle participe et, le cas échéant, aux principes généraux qui se dégagent de l’ensemble des systèmes de droit nationaux. En particulier, même si la nature de l’obligation de payement qui pèse sur les sociétés auxquelles la Commission a infligé des amendes à payer solidairement, en raison d’une infraction au droit communautaire de la concurrence, diffère de celle des codébiteurs d’une obligation de droit privé, il y a lieu de s’inspirer, notamment, du régime juridique de l’obligation solidaire.
156 Dès lors, la décision par laquelle la Commission impose à plusieurs sociétés de payer solidairement une amende produit nécessairement tous les effets qui s’attachent, de droit, au régime juridique du paiement des amendes en droit de la concurrence, et ce tant dans les rapports entre le créancier et les codébiteurs solidaires que dans les rapports des codébiteurs solidaires entre eux.
157 Il appartient donc exclusivement à la Commission, dans le cadre de l’exercice de sa compétence pour infliger des amendes, en vertu de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, de déterminer la quote-part respective des différentes sociétés dans les montants auxquels elles ont été condamnées solidairement, dans la mesure où elles faisaient partie d’une même entreprise, et cette tâche ne saurait être laissée aux tribunaux nationaux, contrairement à ce que la Commission a suggéré lors de l’audience.
158 Il y a lieu de considérer que, faute d’indication contraire dans la décision par laquelle la Commission inflige une amende à payer solidairement à plusieurs sociétés en raison du comportement infractionnel d’une entreprise, celle-ci leur impute, à responsabilité égale, ledit comportement (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 2 octobre 2003, Aristrain/Commission, C‑196/99 P, Rec. p. I‑11005, points 100 et 101). Les sociétés qui se voient infliger une amende à payer solidairement et qui encourent, sauf indication contraire dans la décision qui inflige l’amende, une égale responsabilité dans la commission de l’infraction doivent, en principe, contribuer à parts égales au paiement de l’amende infligée en raison de cette infraction. Par conséquent, la société qui, après avoir été éventuellement mise en cause par la Commission, paye l’intégralité du montant de l’amende peut, sur le fondement même de la décision de la Commission, agir en répétition contre ses codébiteurs solidaires, chacun pour sa quote-part. Si, ainsi, la décision dans laquelle plusieurs sociétés se voient infliger une amende à payer solidairement ne permet pas de déterminer, a priori, laquelle de ces sociétés sera effectivement appelée à payer le montant de l’amende à la Commission, elle ne laisse cependant subsister aucun doute sur les quotes-parts du montant de l’amende qui leur reviennent en propre, de sorte que chacune d’entre elles pourra, le cas échéant, agir contre ses codébiteurs solidaires en répétition des sommes qu’elle aurait payées au-delà de cette quote-part.
159 Dès lors, en l’absence de toute constatation, dans la décision attaquée, selon laquelle, au sein de l’entreprise VA Tech, certaines sociétés seraient plus responsables que d’autres de la participation de ladite entreprise à l’entente pendant une période donnée, il y a lieu de supposer qu’elles ont une responsabilité égale et, partant, une quote-part égale dans les montants qui leur sont imposés solidairement.
160 Or, en l’espèce, il apparaît que le calcul du montant des amendes individuelles de SEHV et de Magrini et la détermination des montants que Siemens Österreich, KEG, Reyrolle, SEHV et Magrini et Schneider Electric doivent payer solidairement, tels qu’ils ressortent des considérants 505, 509 et 552 de la décision attaquée, ainsi que le résultat figurant à l’article 2, sous j) à l), de ladite décision, ne tiennent pas compte des principes énoncés ci-dessus et des constatations figurant au considérant 468 de la décision attaquée.
161 Premièrement, la Commission a tenu pour solidairement responsables Reyrolle, d’une part, et SEHV et Magrini, d’autre part, d’un montant de 17 550 000 euros sur les amendes d’un montant total de 22 050 000 euros qu’elle leur a respectivement imposées [considérants 509 et 552 et article 2, sous k et sous l), i), de la décision attaquée].
162 Or, ces trois sociétés n’ont fait partie de la même entreprise que pendant la période comprise entre le 1er avril 2002 et le 11 mai 2004, c’est-à-dire pendant une période de deux ans et un mois. Ainsi qu’il ressort des considérants 507 et 509 de la décision attaquée, le montant total de l’amende infligée à l’entreprise VA Tech est de 12 600 000 euros pour la période comprise entre le 20 septembre 1998 et le 11 mai 2004, c’est-à-dire une période de quatre ans et quatre mois et donc supérieure de plus du double par rapport à la période susvisée. Dès lors, même en tenant compte de ce que les amendes infligées à différentes sociétés au sein d’une entreprise ayant participé à l’entente ne doivent pas être proportionnelles à la durée d’une infraction (voir, à cet égard, point 181 ci-après), le montant de 17 550 000 euros, pour lequel les filiales SEHV et Magrini répondent solidairement avec Reyrolle, excède manifestement le montant qui, sur le fondement des propres constatations de la Commission dans la décision attaquée, est approprié pour sanctionner la participation de SEHV et de Magrini à l’entente, en tant que filiales du groupe VA Tech, entre le 1er avril 2002 et le 11 mai 2004.
163 Deuxièmement, sur le montant total de 22 050 000 euros de l’amende infligée à Reyrolle par la Commission, un montant de 12 600 000 euros est solidairement supporté par Siemens Österreich et KEG et un montant de 17 550 000 euros solidairement par SEHV et Magrini [considérants 509 et 552 et article 2, sous l), i et ii), de la décision attaquée].
164 Or, d’une part, la somme des montants à payer par Reyrolle solidairement avec d’autres sociétés excède clairement le montant total de son amende. Si cela ne saurait conduire, ainsi que la Commission l’a souligné dans sa réponse aux questions écrites du Tribunal, à ce que Reyrolle se voie tenue de payer une somme excédant le montant de 22 050 000 euros, une telle fixation des montants à payer solidairement ne permet pas aux requérantes de déduire de la décision attaquée les quotes-parts qu’elles devront supporter dans leur relation entre elles, une fois la Commission désintéressée, et ce contrairement à l’obligation de la Commission énoncée au point 153 ci-dessus. D’autre part, force est de constater que, contrairement à ce que la Commission a annoncé à bon droit au considérant 468, sous a), de la décision attaquée, Reyrolle ne s’est pas vu infliger une partie de son amende comme seule responsable, au titre de la période comprise entre 1988 et 1998, pendant laquelle elle participait seule à l’infraction.
165 Troisièmement, il ressort du tableau figurant au considérant 509, ainsi que de l’article 2, sous l), de la décision attaquée, que Siemens Österreich et KEG n’ont pas été tenues pour solidairement responsables d’une partie de l’amende infligée à SEHV et à Magrini, contrairement à ce que la Commission a annoncé à bon droit au considérant 468, sous c), in fine, de la décision attaquée, pour tenir compte de la période de deux ans et un mois pendant laquelle ces sociétés faisaient partie de la même entreprise.
166 Il y a lieu d’en conclure que, en tenant pour solidairement responsables Reyrolle, SEHV et Magrini du payement d’une amende d’un montant excédant clairement leur responsabilité commune, en ne tenant pas pour solidairement responsables Siemens Österreich et KEG du payement d’une partie de l’amende infligée à SEHV et à Magrini et en ne faisant pas supporter à Reyrolle seule une partie de l’amende qui lui a été infligée, la Commission a violé le principe d’individualité des peines et des sanctions, tel qu’énoncé au point 122 ci-dessus.
167 Partant, il y a lieu d’annuler l’article 2 de la décision attaquée en ce qui concerne le calcul du montant de l’amende à infliger à SEHV et à Magrini et en ce qui concerne la détermination des montants à payer solidairement par les requérantes.
– Sur l’absence de prise en compte de circonstances particulières propres à Reyrolle, à SEHV et à Magrini lors de l’application à ces dernières du montant de départ de l’entreprise VA Tech
168 Reyrolle, SEHV et Magrini font valoir que, en raison de circonstances qui leur sont particulières, le fait pour la Commission de leur appliquer le montant de départ fixé pour l’entreprise VA Tech conduit à ce qu’elles se voient imposer des amendes d’un montant disproportionné par rapport à l’importance de leur contribution à l’entente.
169 L’argument invoqué par Reyrolle (voir point 109 ci-dessus) est tiré de ce que la Commission n’a pas tenu compte, en lui appliquant le montant de départ de l’amende fixé pour l’entreprise VA Tech, de sa capacité limitée à porter un préjudice à la concurrence à l’intérieur du marché commun, résultant de la limitation de ses activités, pendant la durée de l’accord GQ, au Royaume-Uni et en Irlande.
170 Il convient de rappeler, à cet égard, que, dans le cas d’une entente de dimension mondiale et comportant, outre la fixation des prix, la répartition des marchés, la Commission est fondée à s’appuyer sur le chiffre d’affaires mondial réalisé par la vente du produit en cause, pour exprimer, en termes de montants de départ, la nature de l’infraction, son incidence réelle sur le marché ainsi que l’étendue du marché géographique, compte tenu de la disparité de taille entre les membres de l’entente (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 29 avril 2004, Tokai Carbon e.a./Commission, T‑236/01, T‑239/01, T‑244/01 à T‑246/01, T‑251/01 et T‑252/01, Rec. p. II‑1181, points 197 et 198, et du 27 septembre 2006, Archer Daniels Midland/Commission, T‑329/01, Rec. p. II‑3255, point 87).
171 En l’espèce, il convient, en premier lieu, de relever que le Royaume-Uni et l’Irlande, pris ensemble, constituent une partie importante du marché commun. Un préjudice causé à la concurrence sur ces marchés ne saurait donc être qualifié de mineur. Il y a lieu d’observer, en deuxième lieu, que l’infraction reprochée aux requérantes dans la décision attaquée inclut précisément le grief selon lequel les entreprises concernées se sont partagé différents marchés nationaux au niveau européen, au moyen d’un système de « pays constructeurs ». Dès lors, le fait, pour Reyrolle, d’avoir, conformément à un tel accord illicite, limité ses activités au sein du marché commun à ses marchés domestiques ne saurait être retenu comme une circonstance atténuante. En troisième lieu, il convient de rappeler que, selon les constatations de la Commission, non contestées par les requérantes, les participants à l’entente avaient eux-mêmes tenu compte de leurs chiffres d’affaires mondiaux, afin de fixer leurs quotas individuels au sein de l’entente, quotas qui s’appliquaient tant au niveau européen – hors « pays constructeurs » – qu’au niveau mondial. Il s’ensuit que la Commission était également fondée, afin d’apprécier le poids spécifique des différentes entreprises impliquées, à tenir compte de leur chiffre d’affaires au niveau mondial, réalisé avec les projets d’AIG.
172 Il s’ensuit qu’il y a lieu de rejeter l’argument de Reyrolle.
173 L’argument invoqué par SEHV et Magrini (voir point 115 ci-dessus) est tiré de ce que la Commission a établi le montant de départ appliqué à l’entreprise Schneider au regard de la participation détenue dans VAS. Puisque VA Technologie aurait apporté dans VAS diverses activités ne présentant aucun lien avec l’entente, la relation ainsi obtenue entre les montants de départ de l’amende appliqués à l’entreprise VA Tech et à l’entreprise Schneider ne correspondrait pas à la relation entre les chiffres d’affaires réalisés avec les projets d’AIG par les filiales que VA Technologie et Schneider Electric ont respectivement apportées dans VAS. Il en résulterait la fixation d’un montant de départ trop bas pour l’entreprise Schneider par rapport au montant de départ fixé pour l’entreprise VA Tech.
174 SEHV et Magrini font valoir que les activités ne présentant aucun lien avec les projets d’AIG, apportées par VA Technologie dans VAS, ne sauraient justifier d’infliger à l’entreprise VA Tech une amende plus importante par rapport à celle de l’entreprise Schneider. SEHV et Magrini estiment que la Commission aurait dû effectuer la répartition du montant de départ en fonction du chiffre d’affaires réalisé avec les projets d’AIG par les anciennes filiales de VAS ou bien selon leurs quotas au sein de l’entente, qu’elles chiffrent, selon le tableau figurant au considérant 144 de la décision attaquée, à 2,79 % pour Reyrolle et à 7,28 % pour SEHV et Magrini.
175 Il y a lieu de relever, à propos du montant de départ appliqué à l’entreprise Schneider, que celui-ci n’a en effet pas été fixé, comme pour les autres entreprises, sur le fondement du chiffre d’affaires mondial réalisé au cours de l’année 2003, sans doute parce que la Commission considérait qu’elle ne participait plus à l’entente pendant cette période. Ainsi qu’il est indiqué au considérant 489 in fine de la décision attaquée, le montant de départ appliqué à l’entreprise Schneider a été établi à 40 % du montant de départ retenu pour l’entreprise VA Tech, étant donné qu’elle détenait une participation de 40 % dans VAS, qui regroupait, à partir du 13 mars 2001, la totalité des activités en matière d’AIG du groupe VA Tech et du groupe Schneider. L’importance de cette participation donne donc une idée de l’importance relative des chiffres d’affaires respectifs réalisés par Reyrolle, d’une part, et par SEHV et Magrini, d’autre part, au moment de la création de VAS.
176 L’argument de SEHV et de Magrini doit être rejeté pour trois raisons.
177 Premièrement, le grief ainsi soulevé porte, en substance, sur le fait que la Commission aurait désavantagé VA Technologie, KEG et Reyrolle, d’une part, par rapport à Schneider Electric, à SEHV et à Magrini, d’autre part. Or, SEHV et Magrini n’ont pas d’intérêt à soulever ce grief. En effet, dans l’hypothèse où le Tribunal y ferait droit et augmenterait, en conséquence, le montant de départ de l’amende en ce qui concerne l’entreprise Schneider, cela entraînerait une augmentation de la partie de l’amende qui leur est infligée au titre de leur participation à l’infraction pendant la période de leur appartenance à l’entreprise Schneider, sans pour autant réduire l’amende qui leur est infligée au titre de leur participation pendant la période de leur appartenance à l’entreprise VA Tech. SEHV et Magrini tirent donc profit de l’erreur prétendument commise par la Commission et ne sauraient, de ce fait, être admises à la contester devant le Tribunal. Pour cette raison, le présent argument doit être rejeté comme irrecevable.
178 Deuxièmement, à titre surabondant, l’allégation selon laquelle VA Technologie a apporté dans VAS d’importantes activités non liées aux projets d’AIG n’est étayée par aucune preuve. En outre, SEHV et Magrini n’indiquent même pas de quelles activités il s’agissait, ni même quel poids relatif elles auraient eu par rapport aux activités en matière d’AIG. Il y a donc lieu de rejeter cet argument également pour cette raison.
179 Troisièmement, les quotas individuels initiaux au sein de l’entente, tels qu’ils sont mentionnés au considérant 144 de la décision attaquée et sur lesquels se fondent SEHV et Magrini, ont été modifiés par la suite. Ainsi, le considérant 145 de la décision attaquée contient un tableau dans lequel il est indiqué, pour une période non spécifiée, mais se situant après la reprise par Alstom des activités en matière d’AIG d’AEG en 1996, un quota de 10,94 % pour l’entreprise Schneider et un quota de 10,3 % pour Reyrolle. Vers la fin de la première phase de la participation des requérantes à l’entente, le poids de Reyrolle par rapport à celui de SEHV et à celui de Magrini était dès lors plus important, comparé aux chiffres indiqués par ces dernières, qui doivent donc en tout état de cause être rejetés comme erronés.
– Sur la majoration en raison de la durée de l’infraction
180 D’une part, Siemens Österreich et KEG font valoir, ainsi qu’il a été exposé au point 111 ci-dessus, que, rapporté à la durée des infractions qui leur sont respectivement imputées, le montant de l’amende infligée est deux fois plus élevé dans leur cas que dans celui de Reyrolle, à savoir 242 307 euros par mois d’infraction pour Siemens Österreich et KEG, contre 124 576 euros par mois d’infraction pour Reyrolle.
181 Il y a lieu de constater, à cet égard, à l’instar de ce qu’a fait la Commission dans le mémoire en défense dans l’affaire T‑122/07, que le droit communautaire n’exige pas que les amendes infligées à différentes sociétés au sein d’une même entreprise soient proportionnelles à la durée de la participation reprochée à chacune de ces sociétés. Par ailleurs, Siemens Österreich et KEG n’ont pas invoqué un tel principe, mais se sont contentées, d’une part, d’alléguer un principe selon lequel l’amende infligée aux sociétés mères tenues pour solidairement responsables de l’infraction commise par leur filiales et fondée sur l’influence déterminante que les premières exercent sur le comportement commercial des secondes ne peut être plus lourde que celle encourue par lesdites filiales, pour critiquer, ensuite, le fait que l’amende fixée dans la décision attaquée était plus importante, par mois de participation reprochée, pour elles que pour Reyrolle, s’agissant de la période pendant laquelle elles contrôlaient cette dernière. Or, dès lors que les amendes infligées à différentes sociétés au sein d’une même entreprise ne doivent pas être proportionnelles à la durée de la participation reprochée à chacune de ces sociétés, une telle comparaison entre le montant en euros, par mois de participation à l’infraction, appliqué à deux sociétés se voyant reprocher des participations d’une durée différente ne saurait révéler un traitement inégal.
182 Dès lors, il n’apparaît pas que la pratique de la Commission consistant à fixer les amendes d’une manière non strictement proportionnelle à la durée dépasserait les limites du pouvoir d’appréciation qui lui est reconnu par la jurisprudence (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 6 avril 1995, Martinelli/Commission, T‑150/89, Rec. p. II‑1165, point 59 ; du 11 décembre 1996, Van Megen Sports/Commission, T‑49/95, Rec. p. II‑1799, point 53, et du 21 octobre 1997, Deutsche Bahn/Commission, T‑229/94, Rec. p. II‑1689, point 127).
183 D’autre part, Siemens Österreich et KEG ont allégué, à cet égard, une contradiction entre le dispositif de la décision attaquée et les motifs invoqués au soutien de celle-ci. Or, comme la Commission l’a également relevé, dans le mémoire en défense dans l’affaire T‑122/07, il découle implicitement mais clairement des lignes directrices que les amendes calculées sur leur fondement ne sont en aucun cas proportionnelles à la durée des infractions. Au contraire, le fait que, en vertu du point 1 B, in fine, des lignes directrices, le montant de base résulte de l’addition du montant de départ, établi en fonction seulement de la gravité de l’infraction, et de la majoration au titre de la durée implique évidemment que le montant par mois d’infraction sera dégressif dans la durée, puisque le poids relatif du montant de départ, invariable, dans cette addition diminuera en fonction de l’augmentation de la majoration au titre de la durée. Dans la mesure où la Commission a indiqué à plusieurs reprises, dans la décision attaquée, qu’elle calculait les amendes en application de ses lignes directrices, ce qui correspond, par ailleurs, à sa pratique constante, il ne saurait être question, à l’égard du caractère dégressif dans le temps du montant de l’amende par mois, de contradiction ou d’incohérence entre le dispositif de la décision attaquée et les motifs invoqués à son soutien.
184 Par conséquent, il convient de rejeter cet argument.
– Sur le plafond de 10 % du chiffre d’affaires
185 Ainsi qu’il a été exposé au point 107 ci-dessus, Reyrolle, SEHV et Magrini font valoir que la décision attaquée ne respecte pas le plafond de 10 % du chiffre d’affaires prévu à l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003.
186 À cet égard, il convient de rappeler, tout d’abord, que la circonstance selon laquelle plusieurs sociétés sont solidairement tenues de payer une amende au motif qu’elles forment une entreprise au sens de l’article 81 CE n’implique pas, en ce qui concerne l’application du plafond prévu par l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, que l’obligation de chacune se limite à 10 % du chiffre d’affaires qu’elle a réalisé durant le dernier exercice social. En effet, selon une jurisprudence constante, le plafond de 10 %, au sens de cette disposition, doit être calculé sur la base du chiffre d’affaires cumulé de toutes les sociétés constituant l’entité économique unique agissant en tant qu’entreprise au sens de l’article 81 CE, puisque seul le chiffre d’affaires cumulé des sociétés composantes peut constituer une indication de la taille et de la puissance économique de l’entreprise en question (arrêts du Tribunal HFB e.a./Commission, point 122 supra, points 528 et 529, et Akzo Nobel e.a./Commission, point 150 supra, point 90).
187 Contrairement à ce qu’affirment les requérantes, la notion d’entreprise, au sens de l’article 23, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 1/2003, n’est donc pas différente de la notion d’entreprise au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE. Dès lors, il n’y a pas lieu non plus, en cas de responsabilité solidaire de plusieurs sociétés à l’intérieur d’un groupe formant une entreprise au sens de ces dispositions, de déterminer le plafond par rapport à la société au plus faible chiffre d’affaires.
188 L’arrêt Aristrain/Commission, point 158 supra, invoqué par les requérantes, n’est pas susceptible de remettre en cause cette considération. En effet, dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, la Commission avait constaté la participation à une infraction de deux sociétés appartenant à un même groupe, mais n’avait imposé une amende qu’à l’une d’entre elles, en indiquant que cette amende tenait également compte du comportement de l’autre société. La Commission n’ayant pas donné de motifs pour ce choix du destinataire de la décision attaquée et n’ayant, en particulier, pas démontré que la société à laquelle l’amende avait été imposée avait disposé d’un pouvoir de direction à l’égard de l’autre, la Cour a partiellement annulé la décision attaquée pour défaut de motivation (arrêt Aristrain/Commission, point 158 supra, points 93 à 100). La Cour ne s’est donc pas opposée, dans ledit arrêt, à ce que toutes les sociétés formant une entreprise se voient conjointement appliquer le plafond de 10 % du chiffre d’affaires total de cette entreprise mais a uniquement rappelé que la Commission devait démontrer l’existence des circonstances factuelles qui justifient de qualifier plusieurs sociétés d’unité économique.
189 Or, en l’espèce, comme il a été rappelé au point 138 ci-dessus, il n’est pas contesté que Reyrolle, SEHV et Magrini formaient, à la fin de l’entente, avec Siemens Österreich et KEG, respectivement leurs sociétés prédécesseurs, une seule et même entreprise. Dès lors, la Commission pouvait, en principe, prendre le chiffre d’affaires total de cette entreprise comme référence pour le calcul du plafond de 10 % pour chacune des amendes infligées aux sociétés ayant fait partie de ladite entreprise.
190 Reyrolle, SEHV et Magrini invoquent, en outre, la jurisprudence du Tribunal selon laquelle, si une unité économique ayant participé à une infraction a été rompue entre la fin de l’infraction et la date d’adoption de la décision sanctionnant cette infraction, chaque destinataire de la décision a le droit de se voir appliquer individuellement le plafond de 10 % du chiffre d’affaires (arrêt du 15 juin 2005, Tokai Carbon e.a./Commission, point 90 supra, point 390). Elles en déduisent que, de manière générale, le plafond de 10 % ne peut être calculé sur la base du chiffre d’affaires global d’une entité économique que si cette entité est restée identique entre le moment de l’infraction et la date d’adoption de la décision de la Commission. Dès lors, selon elles, le plafond de 10 % doit également être calculé de manière séparée pour chaque société lorsque l’entité économique s’est agrandie après l’infraction.
191 Cet argument doit être rejeté parce que l’entité économique désignée comme « VA Tech » dans la décision attaquée et comprenant, notamment, Reyrolle, SEHV et Magrini, ne s’est précisément pas agrandie dans l’intervalle entre la fin de l’entente et la décision attaquée. En effet, toutes les requérantes en faisaient partie à la date de la fin de l’entente, le 11 mai 2004, et en faisaient toujours partie à la date de l’adoption de la décision attaquée, le 24 janvier 2007 – même si certaines ont changé de dénomination voire, dans le cas de VAS, ont été absorbées par une autre société.
192 Dès lors, il y a lieu de rejeter l’argument tiré d’un dépassement de la limite de 10 % du chiffre d’affaires, en ce qui concerne Reyrolle, SEHV et Magrini.
b) Sur le cinquième grief, tiré du fait que la Commission aurait erronément tenu pour responsable Reyrolle en sus de sa société mère
Arguments des parties
193 Reyrolle soutient que ses employés n’ont plus participé, à partir de 2002, au système de coordination des accords et qu’elle n’était concernée par l’entente qu’en tant que « composante de VAS ». Or, les filiales ne seraient individuellement responsables de pratiques anticoncurrentielles que pour autant qu’elles y ont pris part personnellement. En revanche, les filiales ne pourraient pas être tenues pour responsables du comportement de leur société mère. Dès lors, la requérante ne pourrait pas se voir infliger d’amende au titre de la deuxième phase des infractions, à savoir pour la période de 2002 à 2004.
194 La Commission réfute les arguments de Reyrolle.
Appréciation du Tribunal
195 En premier lieu, il convient de relever que le présent grief de Reyrolle procède d’une compréhension trop formaliste de l’infraction qui lui est reprochée dans la décision attaquée. En effet, la participation aux réunions de l’entente n’est répréhensible qu’en tant que manifestation extérieure du fait que les participants ont la volonté de s’accorder et qu’ils se sentent liés par les accords illicites conclus au sein de l’entente. Or, Reyrolle n’a pas prétendu s’être distanciée de ces accords ou de l’entente en général ni ne plus avoir respecté, dans sa conduite commerciale, les règles de l’entente et les accords concrets sur des projets d’AIG. Dès lors, même à supposer que, après la création de VAS, Reyrolle n’ait plus été représentée, lors des réunions au sein de l’entente, par ses propres employés, cela ne démontre pas qu’elle ne commettait pas, en tant que personne morale, des faits constitutifs d’une infraction à l’article 81, paragraphe 1, CE.
196 En second lieu, le fait qu’une société mère se voit imputer le comportement de sa filiale, pour avoir déterminé le comportement commercial de celle-ci, n’a pas pour conséquence que ladite société mère doit être considérée comme l’auteur de ce comportement, à la place de sa filiale. En d’autres termes, la responsabilité d’une société mère pour le comportement de sa filiale n’exonère en aucun cas la filiale de sa propre responsabilité en tant que personne morale et celle-ci demeure donc individuellement responsable des pratiques anticoncurrentielles auxquelles elle a pris part.
197 Dès lors, il y a lieu de rejeter le présent grief.
c) Sur le sixième grief, tiré de la violation du principe ne bis in idem
Arguments des parties
198 Siemens Österreich et KEG soutiennent que l’article 2, sous l), ii), de la décision attaquée viole le principe ne bis in idem en ce qu’il peut aboutir à ce qu’elles soient condamnées à une double peine pour une même infraction. Il résulterait des considérants 487 et 505 de la décision attaquée que la Commission aurait entendu infliger une amende d’un montant de 22 050 000 euros à l’entreprise VA Tech. La Commission aurait ensuite réparti, de manière arbitraire, le montant de cette amende entre les différentes personnes morales formant ladite entreprise à la date de la cessation de l’infraction. Or, cette répartition pourrait amener le groupe VA Tech et, en fin de compte, Siemens Österreich et KEG, seules parmi les sociétés de ce groupe à disposer des ressources financières suffisantes, à devoir acquitter, pour la même infraction, une amende supplémentaire d’un montant de 4 500 000 euros, dans l’hypothèse où Schneider Electric, comme elle l’aurait par ailleurs indiqué, refuserait de payer le montant de l’amende à laquelle elle a été condamnée solidairement avec SEHV et Magrini.
199 En outre, le comportement infractionnel de SEHV et de Magrini pendant la période comprise entre 1988 et 2000 se trouverait doublement sanctionné, puisqu’il donnerait lieu tant à une augmentation de la responsabilité de Reyrolle – le montant de départ de cette dernière tenant compte du chiffre d’affaires de SEHV et de Magrini – qu’à la responsabilité solidaire de ces dernières et de Schneider Electric.
200 La Commission réfute les arguments des parties.
Appréciation du Tribunal
201 En premier lieu, il convient de constater que Siemens Österreich et KEG n’ont pas d’intérêt à soulever ce grief, puisque ce dernier ne leur est pas personnel. En effet, en vertu de l’article 2, sous l), de la décision attaquée, il ne leur est infligé qu’une amende d’un montant de 12 600 000 euros, solidairement avec Reyrolle. En revanche, elles ne sont pas tenues solidairement au paiement de l’amende infligée à SEHV et à Magrini. Dès lors, dans l’hypothèse où SEHV et Magrini se verraient exposées à une demande en répétition de Schneider Electric, cela n’augmenterait pas le montant dû par Siemens Österreich et KEG. Il convient d’ajouter, dans la mesure où ces dernières prétendent être les seules parmi les sociétés du groupe VA Tech à disposer des ressources financières suffisantes, que ni la décision attaquée ni le droit communautaire en général ne prévoient, dans l’hypothèse d’un manque de liquidités d’un destinataire d’une décision infligeant une amende, que sa société mère serait tenue au paiement de l’amende en lieu et place de ce destinataire.
202 En deuxième lieu, comme il a été constaté au point 167 ci-dessus, il y a lieu d’annuler l’article 2 de la décision attaquée en ce qui concerne le calcul du montant de l’amende à infliger à SEHV et à Magrini et en ce qui concerne les montants à payer solidairement par les sociétés ayant fait partie de l’entreprise VA Tech. Partant, le présent grief formulé par Siemens Österreich et KEG est devenu sans objet.
203 En troisième lieu, le fait que le chiffre d’affaires de SEHV et de Magrini peut être pris en compte tant aux fins de la détermination du montant de départ de l’amende de Reyrolle, y compris pour la période entre 1988 et 2000, pendant laquelle elle ne faisait pas partie d’une même entreprise avec SEHV et Magrini, qu’aux fins du calcul de l’amende imposée à ces dernières pour la même période est la conséquence inévitable du fait que, pendant la période en cause, lesdites sociétés ne faisaient pas partie de la même entreprise, au sens du droit communautaire de la concurrence. Toutefois, cela ne constitue une double sanction d’une même infraction ni à l’égard de Reyrolle ni à l’égard de l’entreprise VA Tech, dans la mesure où, pour la période comprise entre 1988 et 2000, l’entreprise VA Tech et l’entreprise Schneider sont sanctionnées séparément.
204 Il s’ensuit qu’il y a lieu de rejeter ce grief.
d) Sur le septième grief, tiré de l’absence de réduction de l’amende
Arguments des parties
205 Siemens Österreich et KEG font valoir que l’article 2, sous l), ii), de la décision attaquée viole les règles relatives aux circonstances atténuantes, telles qu’elles résultent des lignes directrices et de la jurisprudence communautaire, ainsi que la communication sur la coopération. En particulier, elles soulignent que la Commission n’a pas tenu compte du fait qu’elles ont volontairement interrompu leur participation à l’infraction dès le 21 janvier 2004, avant même l’intervention de la Commission, du fait qu’elles ont cessé tout contact contraire aux règles de concurrence avec les autres membres de l’entente au moment des inspections, du rôle passif de l’entreprise VA Tech au sein de l’entente, de leur coopération active au cours de la procédure administrative et du fait qu’elles ont toujours reconnu la participation de l’entreprise VA Tech à l’entente entre octobre 2002 et mars 2004.
206 La Commission conteste les arguments de Siemens Österreich et de KEG.
Appréciation du Tribunal
– Sur les circonstances atténuantes
207 Il convient de rappeler que les lignes directrices prévoient, en leur point 3, la diminution du montant de base pour les « circonstances atténuantes particulières » telles que, notamment, le rôle exclusivement passif ou suiviste et la cessation des infractions dès les premières interventions de la Commission.
208 Il y a lieu de relever que ce texte n’indique pas de manière impérative les circonstances atténuantes que la Commission serait tenue de prendre en compte. Par conséquent, la Commission conserve une certaine marge pour apprécier d’une manière globale l’importance d’une éventuelle réduction du montant des amendes au titre des circonstances atténuantes (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 8 juillet 2004, Dalmine/Commission, T‑50/00, Rec. p. II‑2395, point 326).
209 En l’espèce, premièrement, dans la mesure où les requérantes font valoir qu’elles ont volontairement interrompu leur participation à l’infraction dès le 21 janvier 2004, il suffit de rappeler que, ainsi qu’il découle des considérations figurant aux points 77 à 81 ci-dessus, la Commission a pu constater à bon droit que les requérantes avaient participé à l’entente jusqu’à la date du 11 mai 2004.
210 S’agissant, deuxièmement, de la « cessation des infractions dès les premières interventions de la Commission », mentionnée au point 3 des lignes directrices, le grief soulevé par Siemens Österreich et KEG ne saurait davantage prospérer.
211 En effet, la Commission ne saurait aucunement être obligée d’accorder, dans le cadre de son pouvoir d’appréciation, une réduction d’amende pour la cessation d’une infraction manifeste, que cette cessation ait eu lieu avant ou après ses interventions (arrêt du 15 juin 2005, Tokai Carbon e.a./Commission, point 90 supra, point 292).
212 En l’espèce, l’infraction en cause a indubitablement été une infraction manifeste, puisqu’elle avait trait à une entente secrète ayant pour objet une fixation de prix et une répartition de marchés. Ce type d’entente est expressément interdit par l’article 81, paragraphe 1, sous a) et c), CE et constitue une infraction particulièrement grave, ce que la Commission a constaté, à juste titre, au considérant 479 de la décision attaquée. C’est donc à tort que Siemens Österreich et KEG reprochent à la Commission de ne pas leur avoir concédé une réduction d’amende en raison de la cessation de leur participation à cette infraction.
213 Même si la Commission a considéré, dans le passé, la cessation volontaire d’une infraction comme une circonstance atténuante, il lui est loisible de tenir compte, en application de ses lignes directrices, du fait que des infractions manifestes très graves sont encore, bien que leur illégalité ait été établie dès le début de la politique communautaire de concurrence, relativement fréquentes et, partant, d’estimer qu’il y a lieu d’abandonner cette pratique généreuse et de ne plus récompenser la cessation d’une telle infraction par une réduction d’amende (arrêt du 15 juin 2005, Tokai Carbon e.a./Commission, point 90 supra, point 294 et la jurisprudence citée). En tout état de cause, le Tribunal ne voit pas de raison de réformer cette appréciation de la Commission, même dans l’exercice de son pouvoir de pleine juridiction.
214 Au regard de ce qui précède, le fait, pour les sociétés ayant fait partie de l’entreprise VA Tech, d’avoir mis fin à leur participation à l’infraction dès la première intervention de la Commission n’est pas susceptible de constituer une circonstance atténuante.
215 En ce qui concerne, troisièmement, le « rôle exclusivement passif ou suiviste dans la réalisation de l’infraction », mentionné au point 3 des lignes directrices, l’argumentation de Siemens Österreich et de KEG doit également être rejetée.
216 En premier lieu, Siemens Österreich et KEG avancent qu’elles n’ont pas participé à l’élaboration des accords anticoncurrentiels. Or, à cet égard, la Commission a constaté, dans la décision attaquée, que Reyrolle, Magrini et Schneider Electric, en tant que représentant des prédécesseurs juridiques de SEHV, avaient participé à l’élaboration des accords sous-tendant l’entente et en avaient été les cofondatrices. Dans ce contexte, il y a lieu de relever que l’annexe 1 de l’accord GQ, qui contient la liste des membres fondateurs de l’entente et leurs codes, contient, notamment, les numéros « 13 », « 26 » et « 32 », dont la Commission a constaté, sans être contredite par les requérantes, qu’ils désignaient, respectivement, Reyrolle, le groupe Schneider et Magrini. Puisque Siemens Österreich et KEG n’ont pas contesté de manière circonstanciée la constatation selon laquelle leurs filiales ont participé à l’élaboration de l’accord GQ, cet argument doit être rejeté.
217 En second lieu, Siemens Österreich et KEG font valoir que l’entreprise VA Tech aurait été trompée par les autres membres de l’entente, en ce qu’on lui aurait fait croire, en décembre 2000, à la fin de l’entente et en ce que, pendant la seconde phase de sa participation, les autres membres auraient débattu de projets d’AIG à son insu.
218 Il suffit, à cet égard, de constater que le fait que l’entreprise VA Tech, dont la participation à l’entente – infraction qui revêt, ainsi qu’il a été rappelé au point 212 ci-dessus, un caractère très grave – a été démontrée par la Commission à suffisance de droit, a été trompée par les autres participants à cette entente, qui ont ainsi tenté d’obtenir des avantages supplémentaires par rapport à ceux générés pour eux par ladite entente, ne saurait conduire à considérer le comportement de cette entreprise comme moins grave. Dès lors, de telles circonstances ne sont pas susceptibles de constituer une circonstance atténuante et, en particulier, ne démontrent pas le rôle exclusivement passif ou suiviste de ladite entreprise au sein de l’entente.
– Sur l’application de la communication sur la coopération
219 Selon la jurisprudence, la réduction du montant des amendes en cas de coopération des entreprises participant à des infractions au droit communautaire de la concurrence trouve son fondement dans la considération selon laquelle une telle coopération facilite la tâche de la Commission visant à constater l’existence d’une infraction et, le cas échéant, à y mettre fin (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, Rec. p. I‑5425, point 399 ; arrêts du Tribunal du 14 mai 1998, BPB de Eendracht/Commission, T‑311/94, Rec. p. II‑1129, point 325 ; Finnboard/Commission, T‑338/94, Rec. p. II‑1617, point 363, et Mayr-Melnhof/Commission, T‑347/94, Rec. p. II‑1751, point 330).
220 Comme cela est mentionné au point 29 de la communication sur la coopération, celle-ci a créé des attentes légitimes sur lesquelles se fondent les entreprises souhaitant informer la Commission de l’existence d’une entente. Eu égard à la confiance légitime que les entreprises souhaitant collaborer avec la Commission ont pu tirer de cette communication, la Commission est donc obligée de s’y conformer lors de l’appréciation, dans le cadre de la détermination du montant de l’amende imposée à Siemens Österreich et à KEG, de la coopération de celles-ci (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du Tribunal du 15 mars 2006, Daiichi Pharmaceutical/Commission, T‑26/02, Rec. p. II‑713, point 147, et la jurisprudence citée).
221 Dans les limites tracées par la communication sur la coopération, la Commission jouit cependant d’un large pouvoir d’appréciation pour évaluer si les éléments de preuve communiqués par une entreprise apportent ou non une valeur ajoutée, au sens du point 22 de ladite communication, et s’il y a lieu, de ce fait, de concéder une réduction à une entreprise au titre de cette communication (voir, par analogie, arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 219 supra, points 393 et 394, et arrêt du Tribunal du 14 décembre 2006, Raiffeisen Zentralbank Österreich e.a./Commission, T‑259/02 à T‑264/02 et T‑271/02, Rec. p. II‑5169, point 532). Cette évaluation fait l’objet d’un contrôle juridictionnel restreint.
222 Il y a lieu d’observer, à cet égard, que Siemens Österreich et KEG ne démontrent pas, à suffisance de droit, que leur contribution a apporté une valeur ajoutée significative par rapport aux éléments de preuve déjà en possession de la Commission, au sens du point 21 de la communication sur la coopération. En effet, c’est auxdites requérantes qu’il appartient d’indiquer précisément quelles informations elles ont produites devant la Commission et en quoi ces informations auraient facilité la tâche de cette institution afin d’établir les faits en question.
223 En l’espèce, Siemens Österreich et KEG font valoir que, s’agissant de la période comprise entre octobre 2002 et mars 2004, le groupe VA Tech a élaboré des listes de projets d’AIG et de réunions indiquant, de manière détaillée, quelles étaient les réunions auxquelles VAS et ses filiales ont participé et quels projets d’AIG ont concrètement été discutés. La circonstance que ces indications ont aidé la Commission à rapporter la preuve de l’infraction commise par l’entreprise VA Tech et d’autres entreprises résulterait de ce que la Commission a repris des pans entiers des faits exposés par le groupe VA Tech, par exemple au considérant 163 de la décision attaquée.
224 Or, la Commission, qui ne nie pas avoir utilisé des informations fournies par le groupe VA Tech, a constaté, aux considérants 539, 541 et 542 de la décision attaquée, que, dans l’ensemble, elle avait déjà connaissance de ces éléments et que le groupe VA Tech n’avait donc pas fourni d’éléments de preuve de nature à renforcer sa capacité à établir les faits en question. La Commission a également tenu compte du fait que le groupe VA Tech a nié certains faits qu’elle considérait comme établis et qu’il a émis des déclarations contradictoires, ce qui n’a pas facilité les conclusions de la Commission.
225 Il s’avère, à la lecture du considérant 163 de la décision attaquée – le seul passage de la décision attaquée, identifié par Siemens Österreich et KEG, pour lequel la Commission se serait fondée sur les informations produites par le groupe VA Tech –, que l’allégation selon laquelle la Commission aurait repris « des pans entiers des faits exposés » par le groupe VA Tech est exagérée. La seule circonstance pour laquelle la Commission s’est expressément référée à la déclaration au titre de la communication sur la coopération soumise par le groupe VA Tech est le fait que plusieurs lots de projets d’AIG en Europe et à l’extérieur de celle-ci ont fait l’objet de discussions entre octobre 2002 et février 2004. Même à supposer que l’allégation desdites requérantes selon laquelle c’est par elles que la Commission aurait eu accès pour la première fois à la distinction faite, à partir de 2002, entre les lots européens, désignés « EP », et les autres lots, désignés « P », soit fondée, la plus-value de cette information ne saurait être qualifiée de significative, au sens du point 21 de la communication sur la coopération.
226 Siemens Österreich et KEG n’ont pas indiqué dans quelle mesure les éléments contestés par la Commission auraient renforcé la capacité de cette dernière à prouver les faits en question, ni identifié d’autres éléments, produits par elles devant la Commission, qui auraient renforcé ladite capacité.
227 Il s’ensuit que, compte tenu du pouvoir d’appréciation reconnu à la Commission, en vertu de la jurisprudence citée au point 221 ci-dessus, il ne saurait lui être reproché d’avoir illégalement refusé d’accorder à Siemens Österreich et à KEG une réduction de l’amende qui leur a été infligée.
228 Partant, il y a lieu de rejeter ce grief.
B – Sur le second moyen, pris de la violation des formes substantielles et, plus spécifiquement, du droit des requérantes d’interroger le témoin à charge, découlant de l’article 6, paragraphe 3, sous d), de la CEDH et du droit à un procès équitable
Arguments des parties
229 Les requérantes soutiennent, en substance, que la Commission a violé leur droit d’interroger le témoin à charge, lequel figurerait au titre des garanties procédurales résultant de l’article 6, paragraphe 3, sous d), de la CEDH et du droit à un procès équitable. Pour constater que l’entreprise VA Tech avait repris sa participation à l’infraction, à travers VAS, dès le 1er avril 2002, la Commission se serait en effet fondée sur les déclarations de M. M., le témoin principal d’ABB, sans respecter, au préalable, leur droit d’interroger ou de faire interroger ce témoin à charge. Cette garantie procédurale serait d’autant plus essentielle que le témoin en cause aurait, en l’espèce, un intérêt subjectif à ce que les requérantes soient lourdement sanctionnées, l’entreprise concurrente qu’il représente étant elle-même exemptée du paiement de son amende en application de la communication sur la coopération, et que l’article 19 du règlement n° 1/2003 ne l’obligerait pas, en tout état de cause, à dire la vérité.
230 Les requérantes soulignent que ces principes sont applicables à la procédure devant la Commission en matière d’ententes même si elle n’est pas une procédure pénale devant une juridiction, la nature juridique des amendes au sens de l’article 23 du règlement n° 1/2003 en tant que peine au sens large étant reconnue. En tout état de cause, la procédure devant le Tribunal ne pourrait pas régulariser cette irrégularité au moyen d’une audition dudit témoin.
231 La Commission conteste les arguments des requérantes.
Appréciation du Tribunal
232 Selon une jurisprudence constante, les droits fondamentaux font partie intégrante des principes généraux du droit dont le juge communautaire assure le respect (avis de la Cour 2/94, du 28 mars 1996, Rec. p. I‑1759, point 33, et arrêt de la Cour du 29 mai 1997, Kremzow, C‑299/95, Rec. p. I‑2629, point 14). À cet effet, la Cour et le Tribunal s’inspirent des traditions constitutionnelles communes aux États membres ainsi que des indications fournies par les instruments internationaux concernant la protection des droits de l’homme auxquels les États membres ont coopéré et adhéré. La CEDH revêt, à cet égard, une signification particulière (arrêts de la Cour du 15 mai 1986, Johnston, 222/84, Rec. p. 1651, point 18, et Kremzow, précité, point 14). Par ailleurs, aux termes de l’article 6, paragraphe 2, UE, l’Union respecte les droits fondamentaux, tels qu’ils sont garantis par la CEDH et tels qu’ils résultent des traditions constitutionnelles communes aux États membres, en tant que principes généraux du droit communautaire.
233 Dès lors, il y a lieu d’examiner si, à la lumière de ces considérations, la Commission a méconnu le principe fondamental de l’ordre juridique communautaire qu’est le respect des droits de la défense (arrêt de la Cour du 9 novembre 1983, Nederlandsche Banden-Industrie-Michelin/Commission, 322/81, Rec. p. 3461, point 7), en n’offrant pas aux requérantes la possibilité d’interroger directement le témoin M. M.
234 À cet égard, il y a lieu de relever que, selon une jurisprudence constante, ce principe exige que les entreprises et les associations d’entreprises concernées par une enquête de la Commission en matière de concurrence soient mises en mesure, dès le stade de la procédure administrative, de faire connaître utilement leur point de vue sur la réalité et la pertinence des faits, griefs et circonstances allégués par la Commission (voir arrêt du Tribunal du 27 septembre 2006, Avebe/Commission, T‑314/01, Rec. p. II‑3085, point 49, et la jurisprudence citée). En revanche, ledit principe n’exige pas qu’il soit donné à ces entreprises l’occasion d’interroger elles-mêmes, dans le cadre de la procédure administrative, les témoins entendus par la Commission (voir, en ce sens, arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 52 supra, point 200).
235 Dès lors, il y a lieu de rejeter le second moyen soulevé par les requérantes.
II – Sur les demandes en réformation
236 Ainsi qu’il ressort des points 65 à 72 ci-dessus, l’article 1er de la décision attaquée doit être annulé en ce qu’il constate que les requérantes ont participé à une infraction à l’article 81 CE et à l’article 53 de l’accord EEE dans la période comprise entre le 1er avril et le 30 juin 2002. Il en résulte, pour toutes les requérantes, une diminution de la durée de l’infraction de trois mois par rapport à la durée constatée dans la décision attaquée.
237 De plus, ainsi qu’il ressort des points 137 à 167 ci-dessus, l’article 2 de la décision attaquée doit être annulé en ce qui concerne le calcul du montant de l’amende à infliger à SEHV et à Magrini et en ce qui concerne la détermination des montants à payer solidairement par les requérantes.
238 Il y a lieu de rappeler, à cet égard, que, dès lors que l’examen des moyens soulevés par une entreprise, à l’encontre de la légalité d’une décision de la Commission lui infligeant une amende pour violation des règles communautaires de concurrence, a révélé une illégalité, il y a lieu pour le Tribunal d’examiner s’il doit, en faisant usage de sa compétence de pleine juridiction, réformer la décision attaquée (arrêt du Tribunal du 27 septembre 2006, Archer Daniels Midland/Commission, T‑59/02, Rec. p. II‑3627, point 443).
239 Les requérantes ont demandé que le Tribunal réduise le montant des amendes qui leur ont été infligées à un montant n’excédant pas 1 980 000 euros pour Siemens Österreich et KEG, 1 100 000 euros pour Reyrolle et Magrini ainsi que 2 750 000 pour SEHV.
A – Sur les amendes infligées à SEHV et à Magrini
240 Le Tribunal estime qu’il y a lieu de réformer la décision attaquée en ce qui concerne le calcul du montant des amendes infligées à SEHV et à Magrini et en ce qui concerne la détermination des montants à payer solidairement par elles et les autres sociétés avec lesquelles elles ont constitué une entreprise au sens du droit communautaire de la concurrence, pendant la durée de leur participation à l’entente.
241 Tant la Commission que les requérantes ont affirmé, dans leurs écritures et/ou lors de l’audience, que, en l’espèce, il existait plusieurs possibilités pour calculer les montants des amendes. À cet égard, il y a lieu de tenir compte de diverses considérations. En premier lieu, la responsabilité encourue par une société, en raison de sa participation à une infraction, devrait en principe se traduire par une amende unique, calculée par rapport à la totalité des périodes pendant lesquelles elle a participé à l’infraction. En deuxième lieu, les amendes des différentes sociétés ayant fait partie d’une même entreprise pendant la durée de l’infraction devraient être calculées en fonction de la puissance économique de cette entreprise pendant la dernière année complète de sa participation à l’infraction, afin d’assurer le caractère suffisamment dissuasif de l’amende. En troisième lieu, dans l’hypothèse où, ainsi que c’est le cas en l’espèce, certaines sociétés ont successivement fait partie de deux entreprises différentes qui se voient, de surcroît, attribuer des montants de départ différents pour leurs amendes, il convient toutefois d’infliger à ces sociétés une amende composée de deux montants distincts pour chacune des périodes correspondant à leur appartenance à ces deux entreprises, afin de permettre de fixer de manière appropriée les montants à payer solidairement par les sociétés auxquelles l’infraction peut être imputée.
242 Dès lors, il convient de fixer, pour SEHV et Magrini, une amende composée de deux montants distincts pour chacune des périodes de l’infraction pendant lesquelles elles étaient respectivement contrôlées par Schneider Electric et par VA Technologie.
243 S’agissant de la période comprise entre le 1er juillet 2002 et le 11 mai 2004, pendant laquelle SEHV et Magrini étaient contrôlées par VA Technologie, la Commission a fixé, dans la décision attaquée, un montant de départ de 9 000 000 euros pour l’amende de l’entreprise VA Tech. Ainsi qu’il ressort des points 122 à 136 et 203 ci‑dessus, les arguments des requérantes ne permettent pas de remettre en cause ce montant.
244 Il ressort du considérant 492 de la décision attaquée que, en raison de la durée de l’infraction, la Commission a, conformément aux lignes directrices, majoré les montants de départ des amendes de 10 % par année complète d’infraction et de 5 % pour toute période supplémentaire égale ou supérieure à six mois, mais inférieure à un an. Le montant de départ de 9 000 000 euros de l’amende de l’entreprise VA Tech doit donc être majoré de 15 % pour tenir compte de la durée d’un an et dix mois de la période comprise entre le 1er juillet 2002 et le 11 mai 2004, ce qui aboutit à un montant de base de 10 350 000 euros (9 000 000 + 1 350 000) pour l’amende de l’entreprise VA Tech qui, en l’absence de circonstances aggravantes ou atténuantes, correspond au montant de l’amende.
245 Cette amende doit être payée solidairement par Reyrolle, Siemens Österreich et KEG, SEHV et Magrini qui formaient, pendant ladite période, une entreprise au sens du droit communautaire de la concurrence. Conformément aux considérations exposées aux points 158 et 159 ci-dessus, dans leur relation entre eux, chacun des codébiteurs solidaires supportera un cinquième du montant de 10 350 000 euros.
246 En ce qui concerne l’amende pour la période comprise entre le 15 avril 1988 et le 13 décembre 2000, pendant laquelle SEHV et Magrini faisaient partie du groupe Schneider, la Commission a fixé, dans la décision attaquée, un montant de départ de 3 600 000 euros pour l’entreprise Schneider. Ainsi qu’il a été constaté aux points 176 à 179 ci-dessus, les arguments de SEHV et de Magrini ne permettent pas de remettre en cause ce montant. Conformément aux lignes directrices, ce montant de départ de l’amende doit être majoré de 125 % pour tenir compte de la durée de douze ans et sept mois de ladite période, ce qui aboutit à un montant de base de 8 100 000 euros (3 600 000 + 4 500 000) pour l’entreprise Schneider qui, en l’absence de circonstances aggravantes ou atténuantes, correspond au montant de l’amende.
247 Cette amende doit être payée solidairement par Schneider Electric, SEHV et Magrini qui formaient, pendant ladite période, une entreprise au sens du droit communautaire de la concurrence. Conformément au principe dégagé au point 158 ci-dessus, dans leur relation entre eux, chacun des codébiteurs solidaires supportera un tiers du montant de 8 100 000 euros.
248 À cet égard, en premier lieu, il y a lieu de préciser que le montant total de l’amende infligée à Schneider Electric reste inchangé par rapport à celui fixé dans la décision attaquée. En outre, la répartition des montants à payer solidairement, au titre de cette amende, est favorable à Schneider Electric, par rapport à celle retenue dans la décision attaquée. Dans de telles circonstances, le fait que Schneider Electric n’a pas été entendue ne fait pas obstacle à une réformation de la décision attaquée telle qu’indiquée au point précédent.
249 En second lieu, le Tribunal n’estime pas opportun de suivre le raisonnement proposé par la Commission pour justifier son choix, dans la décision attaquée, de ne faire supporter à SEHV et à Magrini que la partie de l’amende de l’entreprise Schneider correspondant à la majoration en raison de la durée de l’infraction.
250 En effet, la condamnation de Schneider Electric au payement d’un montant auquel SEHV et Magrini ne seraient pas tenues présupposerait que la Commission lui adresse un grief supplémentaire, soit allant au-delà de la participation de ses (anciennes) filiales SEHV et Magrini, soit concernant une période plus importante.
251 Or, il n’est pas question d’un tel grief supplémentaire dans la décision attaquée. La Commission a certes affirmé, au point 29 de la duplique dans l’affaire T‑124/07, qu’il est « en principe légitime d’infliger à Schneider [Electric] une amende individuelle pour son comportement individuel ». Toutefois, elle n’a pas indiqué dans la décision attaquée ou dans ses écritures devant le Tribunal en quoi consisterait ce comportement individuel de Schneider Electric et dans quelle mesure un tel comportement serait différent de celui pour lequel a été retenue sa responsabilité pour la participation à l’entente de ses (anciennes) filiales. Par ailleurs, la Commission a elle-même indiqué, dans sa réponse aux questions écrites du Tribunal, que cette mention d’un « comportement individuel » ne doit pas être comprise en ce sens qu’elle reprocherait à Schneider Electric des comportements qui iraient au-delà des faits reprochés à SEHV et à Magrini. Enfin, la Commission a indiqué, au considérant 423 de la décision attaquée, sans aucune réserve, qu’elle entendait tenir pour solidairement responsables Schneider Electric, SEHV et Magrini pour la période du 15 avril 1988 au 13 décembre 2000.
252 Il s’ensuit que Schneider Electric, d’une part, en tant que société mère, ainsi que SEHV et Magrini, d’autre part, en tant que sociétés filiales, ayant formé ensemble l’entreprise Schneider, doivent être tenues en principe pour responsables pour le même montant, sous la seule réserve de l’existence de circonstances aggravantes ou atténuantes qui ne seraient présentes que s’agissant de l’une des sociétés et non des autres. Il est constant que de telles circonstances n’existent, en l’espèce, ni en ce qui concerne Schneider Electric, ni en ce qui concerne SEHV et Magrini.
253 Dans sa réponse aux questions écrites du Tribunal, la Commission a également indiqué qu’elle avait limité la responsabilité solidaire de Schneider Electric et de ses anciennes filiales à la partie du montant de l’amende correspondant à la majoration en raison de la durée de l’infraction, afin d’éviter que SEHV et Magrini, du fait que leur chiffre d’affaires a été pris en compte aux fins du calcul du montant de départ de l’amende tant pour l’entreprise VA Tech que pour l’entreprise Schneider, ne doivent payer deux fois un montant de départ. En effet, le montant de l’amende qui a été infligée à SEHV et à Magrini, à savoir 22 050 000 euros, comporterait déjà un montant de départ de 9 000 000 euros, tenant compte, entre autres, de leur chiffre d’affaires. Il serait donc inéquitable de leur faire payer solidairement, en plus, le montant de départ de l’amende de l’entreprise Schneider, à savoir 3 600 000 euros, fondé sur le même chiffre d’affaires.
254 Le Tribunal considère que, puisque l’article 2 de la décision attaquée est annulé en ce qui concerne le calcul du montant des amendes à infliger à SEHV et à Magrini, il n’y a pas lieu d’examiner la pertinence du raisonnement proposé par la Commission. En effet, ce raisonnement concerne les amendes infligées dans la décision attaquée, caractérisées par une approche selon laquelle le montant de l’amende de SEHV et de Magrini devait être calculé sur la base d’un montant de départ unique pour toute la durée de leur participation à l’entente, sans avoir égard au fait que ces deux sociétés ont successivement fait partie de deux entreprises différentes. Or, telle qu’elle est réformée par le Tribunal, l’amende de SEHV et de Magrini procède d’un calcul séparé pour chacune des périodes pendant lesquelles elles appartenaient à l’entreprise Schneider et à l’entreprise VA Tech. Dans ces circonstances, les montants de départ des amendes ne sont pas infligés deux fois pour une même période.
255 Par ailleurs, le montant de départ d’une amende ne constitue qu’une donnée de calcul dans l’algorithme appliqué pour la détermination du montant de base de cette amende applicable à une entreprise, mais ne constitue pas lui-même une partie détachable de l’amende. Au contraire, le montant de base de l’amende doit être considéré comme un montant indivisible, au regard de la responsabilité collective pesant sur les différentes sociétés composant l’entreprise concernée, de sorte que le montant de départ de cette amende ne saurait recevoir, au regard de la responsabilité solidaire, un traitement différent de celui de la majoration en raison de la durée de l’infraction – à la différence des multiplicateurs appliqués afin de tenir compte des circonstances aggravantes ou atténuantes, ces dernières n’influençant que les amendes des sociétés pour lesquelles ces circonstances sont réalisées ou auxquelles elles peuvent être imputées (voir point 252 ci-dessus).
256 Dès lors, SEHV, Magrini et Schneider Electric sont tenues de payer solidairement l’amende de 8 100 000 euros qui leur est infligée en raison de leur participation à l’entente pendant la période antérieure au 13 mars 2001, pendant laquelle elles faisaient partie d’une même entreprise.
257 Il est donc infligé à SEHV et à Magrini une amende d’un total de 18 450 000 euros.
B – Sur les amendes infligées à Reyrolle, à Siemens Österreich et à KEG
258 Le Tribunal estime qu’il y a lieu de réformer la décision attaquée, en ce qui concerne le calcul du montant des amendes infligées à Siemens Österreich, à KEG et à Reyrolle et en ce qui concerne les montants à payer solidairement par elles et les autres sociétés avec lesquelles elles ont constitué une entreprise au sens du droit communautaire de la concurrence, pendant la durée de leur participation à l’entente.
259 Ainsi qu’il ressort des considérants 506 et 507 de la décision attaquée, la Commission a tenu, d’une part, Reyrolle pour responsable d’une infraction d’une durée de quartorze ans et neuf mois et, d’autre part, Siemens Österreich et KEG pour responsables d’une infraction d’une durée de quatre ans et quatre mois.
260 Dès lors que, ainsi que cela ressort du point 72 ci-dessus, l’article 1er de la décision attaquée doit être annulé dans la mesure où la Commission y a constaté une infraction des requérantes pour la période comprise entre le 1er avril et le 30 juin 2002, la durée de l’infraction qui leur est reprochée doit être diminuée de trois mois, ce qui la ramène à quatorze ans et six mois pour Reyrolle et à quatre ans et un mois pour Siemens Österreich et KEG.
261 Or, les lignes directrices prévoient une majoration de 10 % par année complète d’infraction et de 5 % pour toute période supplémentaire égale ou supérieure à six mois, mais inférieure à un an. Dès lors, la diminution de la durée de l’infraction de trois mois pour Reyrolle, Siemens Österreich et KEG n’entraîne pas de diminution de la majoration au titre de la durée qui leur est appliquée. Cette dernière restera donc de 145 % pour Reyrolle et de 40 % pour Siemens Österreich et KEG. Il s’ensuit que les montants de base de leurs amendes – qui, en l’absence de circonstances aggravantes ou atténuantes, correspondent aux montants de leurs amendes – restent inchangés avec, respectivement, 22 050 000 euros et 12 600 000 euros.
262 Conformément aux constatations faites par la Commission au considérant 468 de la décision attaquée et compte tenu tant de la réduction de trois mois de la durée de l’infraction pour toutes les requérantes que du calcul du montant de l’amende de SEHV et de Magrini figurant au point 244 ci-dessus, sur l’amende d’un montant de 22 050 000 euros infligée à Reyrolle, un premier montant de 10 350 000 euros doit être payé solidairement par Siemens Österreich, KEG, SEHV et Magrini. Ainsi qu’il a été indiqué au point 245 ci-dessus, dans leur relation entre eux, chacun des codébiteurs solidaires devra supporter un cinquième du montant de 10 350 000 euros.
263 En outre, sur l’amende d’un montant de 22 050 000 euros infligée à Reyrolle, un deuxième montant de 2 250 000 euros doit être payé solidairement par Siemens Österreich et KEG. Conformément aux considérations exposées aux points 158 et 159 ci-dessus, dans leur relation entre eux, chacun des codébiteurs solidaires devra supporter un tiers de ce montant.
264 Enfin, sur l’amende d’un montant de 22 050 000 euros infligée à Reyrolle, cette dernière supportera seule un montant de 9 450 000 euros.
265 Pour le surplus, il y a lieu de rejeter les demandes de réformation de la décision attaquée.
Sur les dépens
266 Aux termes de l’article 87, paragraphe 3, du règlement de procédure, le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs.
267 Dans l’affaire T‑122/07, le recours ayant été partiellement accueilli, il sera fait une juste appréciation des circonstances de la cause en décidant que la Commission supportera un dixième des dépens de Siemens Österreich et de KEG et un dixième de ses propres dépens. Siemens Österreich et KEG supporteront neuf dixièmes de leurs propres dépens et neuf dixièmes des dépens de la Commission.
268 Dans l’affaire T‑123/07, le recours ayant été partiellement accueilli, il sera fait une juste appréciation des circonstances de la cause en décidant que la Commission supportera un dixième des dépens de Reyrolle et un dixième de ses propres dépens. Reyrolle supportera neuf dixième de ses propres dépens et neuf dixièmes des dépens de la Commission.
269 Dans l’affaire T‑124/07, le recours ayant été partiellement accueilli, il sera fait une juste appréciation des circonstances de la cause en décidant que la Commission supportera un cinquième des dépens de SEHV et de Magrini et un cinquième de ses propres dépens. SEHV et Magrini supporteront quatre cinquièmes de leurs propres dépens et quatre cinquièmes des dépens de la Commission.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (deuxième chambre)
déclare et arrête :
1) L’article 1er, sous m), p), q), r) et t), de la décision C (2006) 6762 final de la Commission, du 24 janvier 2007, relative à une procédure d’application de l’article 81 CE et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/F/38.899 – Appareillages de commutation à isolation gazeuse), est annulé dans la mesure où la Commission y a constaté une infraction, de la part de Siemens AG Österreich, de VA Tech Transmission & Distribution GmbH & Co. KEG, de Siemens Transmission & Distribution Ltd, de Siemens Transmission & Distribution SA et de Nuova Magrini Galileo SpA, pour la période comprise entre le 1er avril et le 30 juin 2002.
2) L’article 2, sous j), k) et l), de la décision C (2006) 6762 final est annulé.
3) Pour les infractions constatées à l’article 1er, sous m), p), q), r) et t), de la décision C (2006) 6762 final, les amendes suivantes sont infligées :
– Siemens Transmission & Distribution SA et Nuova Magrini Galileo, solidairement avec Schneider Electric SA : 8 100 000 euros ;
– Siemens Transmission & Distribution Ltd, solidairement avec Siemens AG Österreich, VA Tech Transmission & Distribution GmbH & Co. KEG, Siemens Transmission & Distribution SA et Nuova Magrini Galileo : 10 350 000 euros ;
– Siemens Transmission & Distribution Ltd, solidairement avec Siemens AG Österreich et VA Tech Transmission & Distribution GmbH & Co. KEG : 2 250 000 euros ;
– Siemens Transmission & Distribution Ltd : 9 450 000 euros.
4) Les recours sont rejetés pour le surplus.
5) Dans l’affaire T‑122/07, la Commission européenne supportera un dixième des dépens de Siemens AG Österreich et de VA Tech Transmission & Distribution GmbH & Co. KEG et un dixième de ses propres dépens. Siemens AG Österreich et VA Tech Transmission & Distribution GmbH & Co. KEG supporteront neuf dixièmes de leurs propres dépens et neuf dixièmes des dépens de la Commission.
6) Dans l’affaire T‑123/07, la Commission supportera un dixième des dépens de Siemens Transmission & Distribution Ltd et un dixième de ses propres dépens. Siemens Transmission & Distribution Ltd supportera neuf dixièmes de ses propres dépens et neuf dixièmes des dépens de la Commission.
7) Dans l’affaire T‑124/07, la Commission supportera un cinquième des dépens de Siemens Transmission & Distribution SA et de Nuova Magrini Galileo et un cinquième de ses propres dépens. Siemens Transmission & Distribution SA et Nuova Magrini Galileo supporteront quatre cinquièmes de leurs propres dépens et quatre cinquièmes des dépens de la Commission.
Pelikánová |
Jürimäe |
Soldevila Fragoso |
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 3 mars 2011.
Table des matières
Antécédents du litige
I – Requérantes et groupe VA Tech
II – AIG et procédure précontentieuse
III – Décision attaquée
Procédure et conclusions des parties
En droit
I – Sur les demandes d’annulation
A – Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 81 CE, de l’article 53, paragraphe 1, de l’accord EEE et de certaines dispositions du règlement n° 1/2003
1. Sur la branche tirée du défaut de preuve de l’infraction alléguée
a) Arguments des parties
b) Appréciation du Tribunal
2. Sur la branche tirée d’erreurs d’appréciation quant à la durée de l’infraction alléguée
a) Sur la date à laquelle les requérantes ont interrompu leur participation à l’infraction
Arguments des parties
Appréciation du Tribunal
b) Sur la date à laquelle l’entreprise VA Tech a repris sa participation à l’infraction
Arguments des parties
Appréciation du Tribunal
c) Sur la date de la fin de l’infraction
Arguments des parties
Appréciation du Tribunal
3. Sur la branche tirée de la prescription de l’infraction alléguée pour la période antérieure au 16 juillet 1998
a) Arguments des parties
b) Appréciation du Tribunal
4. Sur la branche tirée du montant excessif des amendes infligées
a) Sur les quatre premiers griefs, tirés, en substance, d’une application erronée, par la Commission, de la notion d’entreprise au sens du droit communautaire de la concurrence
Arguments des parties
Appréciation du Tribunal
– Sur le principe d’individualité des peines et des sanctions
– Sur les différentes sociétés auxquelles peut être imputé le comportement des entreprises ayant participé à l’entente et l’application des règles en matière de solidarité pour le paiement des amendes
– Sur l’absence de prise en compte de circonstances particulières propres à Reyrolle, à SEHV et à Magrini lors de l’application à ces dernières du montant de départ de l’entreprise VA Tech
– Sur la majoration en raison de la durée de l’infraction
– Sur le plafond de 10 % du chiffre d’affaires
b) Sur le cinquième grief, tiré du fait que la Commission aurait erronément tenu pour responsable Reyrolle en sus de sa société mère
Arguments des parties
Appréciation du Tribunal
c) Sur le sixième grief, tiré de la violation du principe ne bis in idem
Arguments des parties
Appréciation du Tribunal
d) Sur le septième grief, tiré de l’absence de réduction de l’amende
Arguments des parties
Appréciation du Tribunal
– Sur les circonstances atténuantes
– Sur l’application de la communication sur la coopération
B – Sur le second moyen, pris de la violation des formes substantielles et, plus spécifiquement, du droit des requérantes d’interroger le témoin à charge, découlant de l’article 6, paragraphe 3, sous d), de la CEDH et du droit à un procès équitable
Arguments des parties
Appréciation du Tribunal
II – Sur les demandes en réformation
A – Sur les amendes infligées à SEHV et à Magrini
B – Sur les amendes infligées à Reyrolle, à Siemens Österreich et à KEG
Sur les dépens
* Langue de procédure : l’allemand.