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Document 62022CJ0135

Arrêt de la Cour (dixième chambre) du 7 septembre 2023.
Patrick Breyer contre Agence exécutive européenne pour la recherche.
Pourvoi – Accès aux documents des institutions de l’Union européenne – Règlement (CE) no 1049/2001 – Article 4, paragraphe 2, premier tiret – Exception au droit d’accès – Protection des intérêts commerciaux – Programme-cadre pour la recherche et l’innovation “Horizon 2020” (2014-2020) – Documents relatifs au projet de recherche “iBorderCtrl : Intelligent Portable Border Control System” – Décision de l’Agence exécutive européenne pour la recherche (REA) refusant l’accès à certaines informations – Intérêt public supérieur.
Affaire C-135/22 P.

Court reports – general

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2023:640

 ARRÊT DE LA COUR (dixième chambre)

7 septembre 2023 ( *1 )

« Pourvoi – Accès aux documents des institutions de l’Union européenne – Règlement (CE) no 1049/2001 – Article 4, paragraphe 2, premier tiret – Exception au droit d’accès – Protection des intérêts commerciaux – Programme-cadre pour la recherche et l’innovation “Horizon 2020” (2014-2020) – Documents relatifs au projet de recherche “iBorderCtrl : Intelligent Portable Border Control System” – Décision de l’Agence exécutive européenne pour la recherche (REA) refusant l’accès à certaines informations – Intérêt public supérieur »

Dans l’affaire C‑135/22 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 25 février 2022,

Patrick Breyer, demeurant à Kiel (Allemagne), représenté par Me J. Breyer, Rechtsanwalt,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant :

Agence exécutive européenne pour la recherche (REA), représentée par Mmes V. Canetti et S. Payan-Lagrou, en qualité d’agents, assistées de Mes R. van der Hout et C. Wagner, Rechtsanwälte,

partie défenderesse en première instance,

soutenue par :

Commission européenne, représentée par M. F. Erlbacher, Mme A.‑C. Simon et M. A. Spina, en qualité d’agents,

partie intervenante au pourvoi,

LA COUR (dixième chambre),

composée de M. D. Gratsias, président de chambre, MM. M. Ilešič et I. Jarukaitis (rapporteur), juges,

avocat général : M. M. Campos Sánchez-Bordona,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1

Par son pourvoi, M. Patrick Breyer demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 15 décembre 2021, Breyer/REA (T‑158/19, ci-après l’ arrêt attaqué , EU:T:2021:902), par lequel celui-ci a partiellement rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision de l’Agence exécutive européenne pour la recherche (REA) du 17 janvier 2019 [ARES (2019) 266593] (ci-après la « décision litigieuse »), refusant de lui accorder l’accès à certains documents relatifs au projet « iBorderCtrl : Intelligent Portable Control System » (ci-après le « projet iBorderCtrl »), établi dans le cadre du programme‑cadre pour la recherche et l’innovation « Horizon 2020 » (2014-2020) (ci-après le « programme Horizon 2020 »).

Le cadre juridique

Le règlement (CE) no 1049/2001

2

Le règlement (CE) no 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO 2001, L 145, p. 43), définit les principes, les conditions et les limites du droit d’accès aux documents de ces institutions.

3

Le considérant 2 de ce règlement est ainsi rédigé :

« La transparence permet d’assurer une meilleure participation des citoyens au processus décisionnel, ainsi que de garantir une plus grande légitimité, efficacité et responsabilité de l’administration à l’égard des citoyens dans un système démocratique. La transparence contribue à renforcer les principes de la démocratie et le respect des droits fondamentaux tels qu’ils sont définis à l’article 6 du traité UE et dans la [c]harte des droits fondamentaux de l’Union européenne [(ci-après la « Charte »)]. »

4

L’article 2, paragraphe 1, dudit règlement prévoit que tout citoyen de l’Union européenne a un droit d’accès aux documents des institutions, sous réserve des principes, des conditions et des limites définis par le même règlement.

5

L’article 4 du règlement no 1049/2001, intitulé « Exceptions », dispose, à son paragraphe 2 :

« Les institutions refusent l’accès à un document dans le cas où sa divulgation porterait atteinte à la protection :

des intérêts commerciaux d’une personne physique ou morale déterminée, y compris en ce qui concerne la propriété intellectuelle,

[...]

à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifie la divulgation du document visé. »

6

L’article 6, paragraphe l, de ce règlement prévoit que «[l]e demandeur n’est pas obligé de justifier sa demande ».

Le règlement (CE) no 58/2003

7

L’article 23 du règlement (CE) no 58/2003 du Conseil, du 19 décembre 2002, portant statut des agences exécutives chargées de certaines tâches relatives à la gestion de programmes communautaires (JO 2003, L 11, p. 1), dispose, à son paragraphe 1, premier alinéa :

« L’agence exécutive est soumise aux dispositions du règlement [no 1049/2001] lorsqu’elle est saisie d’une demande d’accès à un document qu’elle détient. »

Le règlement (UE) no 1290/2013

8

Le règlement (UE) no 1290/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 11 décembre 2013, définissant les règles de participation au programme-cadre pour la recherche et l’innovation « Horizon 2020 » (2014-2020) et les règles de diffusion des résultats et abrogeant le règlement (CE) no 1906/2006 (JO 2013, L 347, p. 81), a été abrogé avec effet au 1er janvier 2021, à savoir postérieurement à l’adoption de la décision litigieuse, par le règlement (UE) 2021/695 du Parlement européen et du Conseil, du 28 avril 2021, portant établissement du programme-cadre pour la recherche et l’innovation « Horizon Europe » et définissant ses règles de participation et de diffusion, et abrogeant les règlements (UE) no 1290/2013 et (UE) no 1291/2013 (JO 2021, L 170, p. 1). Par conséquent, ce premier règlement demeure en tout état de cause applicable en l’espèce.

9

L’article 3 du règlement no 1290/2013 disposait :

« Sous réserve des conditions définies dans les accords, décisions ou contrats de mise en œuvre, toutes les données, connaissances et informations communiquées sous le sceau de la confidentialité dans le cadre d’une action restent confidentielles, le droit de l’Union relatif à la protection des informations classifiées et à l’accès à de telles informations étant dûment pris en compte. »

10

L’article 4, paragraphe 1, de ce règlement prévoyait :

« Sans préjudice de l’article 3, la Commission [européenne] met à la disposition des institutions, organes et organismes de l’Union, des États membres ou des pays associés, sur demande, toute information utile dont elle dispose concernant les résultats générés par un participant dans le cadre d’une action qui a bénéficié d’un financement de l’Union, pour autant que les deux conditions suivantes soient remplies :

a)

les informations concernées sont pertinentes aux fins de la politique publique ;

b)

les participants n’ont pas donné de raisons valables et suffisantes pour ne pas communiquer les informations concernées.

[...] »

11

L’article 43, paragraphes 2 et 3, dudit règlement disposait :

« 2.   Sous réserve d’éventuelles restrictions imposées pour des questions de protection de la propriété intellectuelle, des règles de sécurité ou des intérêts légitimes, chaque participant diffuse dès que possible, par les moyens appropriés, les résultats dont il est propriétaire. La convention de subvention peut fixer des délais à cet égard.

Toute obligation supplémentaire en matière de diffusion des résultats est fixée dans la convention de subvention et mentionnée dans le programme de travail ou le plan de travail.

En ce qui concerne la diffusion des résultats par voie de publications scientifiques, l’accès ouvert s’applique selon les modalités et conditions établies dans la convention de subvention. [...]

En ce qui concerne la diffusion des données de la recherche, la convention de subvention peut, dans le cadre d’un accès ouvert et dans un souci de préservation de ces données, fixer les modalités et conditions de l’ouverture de l’accès à ces résultats, en particulier pour les travaux de recherche exploratoire du [Conseil européen de la recherche (CER)] et la recherche menée dans le cadre des technologies futures et émergentes ou dans d’autres domaines qui s’y prêtent, et en tenant compte des intérêts légitimes des participants et de toute contrainte liée aux règles de protection des données, aux règles de sécurité ou aux droits de propriété intellectuelle. En pareil cas, le programme de travail ou le plan de travail indique s’il est nécessaire d’ouvrir l’accès aux données de recherche pour en assurer la diffusion.

Toute activité de diffusion est précédée d’une notification préalable adressée aux autres participants. À la suite de cette notification, un participant peut s’opposer à la diffusion envisagée s’il démontre qu’elle pourrait nuire gravement à ses intérêts légitimes concernant ses résultats ou ses connaissances préexistantes. Dans ce cas, la diffusion ne peut être réalisée tant que des mesures appropriées de sauvegarde desdits intérêts légitimes n’ont pas été prises. La convention de subvention fixe des délais à cet égard.

3.   Aux fins du contrôle et de la diffusion par la Commission ou l’organisme de financement compétent, les participants fournissent toute information sur leurs activités d’exploitation et de diffusion, ainsi que toute documentation requise conformément aux conditions fixées dans la convention de subvention. Sous réserve des intérêts légitimes des participants ayant fourni les informations, celles-ci sont rendues publiques. La convention de subvention fixe, entre autres, les délais applicables à ces obligations en matière de communication. »

Les antécédents du litige

12

Les antécédents du litige et le contenu de la décision litigieuse sont exposés aux points 1 à 8 de l’arrêt attaqué. Pour les besoins de la présente procédure, ils peuvent être résumés de la manière suivante.

13

Le 19 avril 2016, la REA a conclu, dans le cadre du programme Horizon 2020, la convention de subvention no 700626 (ci-après la « convention de subvention ») avec les membres d’un consortium en vue du financement du projet iBorderCtrl pour une période de 36 mois à compter du 1er septembre 2016.

14

Ce projet avait pour objet de tester de nouvelles technologies destinées à accroître l’efficacité de la gestion des contrôles aux frontières extérieures de l’Union en assurant une gestion plus rapide des voyageurs et une détection plus rapide des activités illégales.

15

Le 5 novembre 2018, le requérant a saisi la Commission, sur le fondement du règlement no 1049/2001, d’une demande d’accès à plusieurs documents relatifs tant à l’autorisation du projet qu’à son déroulement. Cette demande a été transmise le 7 novembre suivant à la REA.

16

Le 23 novembre 2018, la REA a informé le requérant qu’elle accueillait sa demande d’accès, de manière totale pour l’un des documents demandés, celui-ci étant accessible au public, et de manière partielle pour un autre document demandé. Elle lui a également indiqué qu’elle rejetait sa demande d’accès s’agissant des autres documents élaborés au cours du projet, en se fondant sur, d’une part, la protection de la vie privée et de l’intégrité de l’individu, dans la mesure où certains de ces documents contenaient des données à caractère personnel de personnes physiques participant au projet, et, d’autre part, la protection des intérêts commerciaux des membres du consortium, au sens de l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, de ce règlement.

17

Le 26 novembre 2018, le requérant a adressé une demande confirmative d’accès, en acceptant l’occultation des noms des personnes physiques impliquées dans le projet.

18

Par la décision litigieuse, la REA a accordé un accès partiel à certains documents demandés et a rejeté sa demande d’accès pour le surplus.

La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

19

Par requête déposée au greffe du Tribunal le 15 mars 2019, M. Breyer a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse, en reprochant à la REA, d’une part, s’agissant des documents relatifs à l’autorisation du projet iBorderCtrl, d’avoir omis de statuer sur sa demande d’accès et, d’autre part, s’agissant des documents relatifs au déroulement de ce projet, de ne lui avoir accordé qu’un accès partiel à une première série de documents et de lui avoir refusé l’accès à une seconde série de documents, en invoquant la protection des intérêts commerciaux des membres du consortium.

20

À l’appui de ce recours, le requérant avait invoqué deux moyens, dont seul le premier est pertinent pour l’examen du présent pourvoi.

21

Ce moyen, qui faisait grief à la REA d’avoir refusé l’accès ou de n’avoir accordé qu’un accès partiel aux documents relatifs au déroulement du projet, était divisé en deux branches, la première tirée de l’absence d’atteinte à la protection des intérêts commerciaux, au sens de l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1049/2001, et la seconde prise de l’existence d’un intérêt public supérieur justifiant la divulgation des documents en cause en application de l’article 4, paragraphe 2, dernier membre de phrase, de ce règlement.

22

Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a annulé partiellement la décision litigieuse et rejeté le recours de M. Breyer pour le surplus.

La procédure devant la Cour et les conclusions des parties au pourvoi

23

Par décision du président de la Cour du 4 juillet 2022, la Commission a été admise à intervenir au soutien des conclusions de la REA.

24

Par son pourvoi, le requérant demande à la Cour :

d’annuler dans son intégralité l’arrêt attaqué ;

d’annuler la décision litigieuse, et

de condamner la REA aux dépens de la présente procédure.

25

La REA, soutenue par la Commission, demande à la Cour :

de rejeter le pourvoi et

de condamner M. Breyer aux dépens de la présente procédure.

Sur le pourvoi

26

À l’appui de son pourvoi, le requérant invoque un moyen unique tiré, en substance, de ce que le Tribunal aurait commis une erreur de droit dans la mise en balance des intérêts en présence en lui refusant, à tort, un accès complet aux documents concernant la mise en œuvre du projet iBorderCtrl, alors que l’intérêt public à l’accès à l’information l’emporterait sur les intérêts commerciaux des participants à ce projet.

27

La REA conteste la recevabilité du pourvoi dans son ensemble.

Sur la recevabilité

Argumentation des parties

28

La REA fait valoir, tout d’abord, que le Tribunal ayant, par l’arrêt attaqué, partiellement fait droit aux conclusions du requérant, ce dernier ne pourrait tirer avantage de l’annulation de cet arrêt dans son intégralité.

29

Elle expose, ensuite, que les allégations du requérant concernent non pas la motivation de l’arrêt attaqué mais le contexte politique plus large du pourvoi, qu’elles reposent sur des considérations générales et qu’elles n’identifient pas clairement les erreurs de droit qu’aurait commises le Tribunal. Le requérant se bornerait à reprendre les arguments, majoritairement de nature matérielle, déjà invoqués devant le Tribunal, en se référant au surplus à des aspects factuels non constatés par celui-ci et sans décrire avec précision, conformément à l’article 168, paragraphe 1, sous d), et à l’article 169, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, les moyens et les arguments de droit.

30

Elle soutient, enfin, que l’objet du pourvoi est illégalement élargi, dans la mesure où le requérant s’est limité à critiquer les points 181 à 205 de l’arrêt attaqué, sans décrire les moyens et les arguments de droit qu’il entendait invoquer à l’encontre des autres parties de cet arrêt.

31

Le requérant objecte qu’il ne conteste pas l’arrêt attaqué en ce qu’il a fait droit à son recours, que son pourvoi décrit les erreurs commises par le Tribunal, sans se limiter à réitérer les arguments invoqués en première instance, et que la mise en balance correcte des intérêts en présence est non pas une question de fait, mais une question de droit, susceptible d’être contrôlée par la Cour.

Appréciation de la Cour

32

Premièrement, il convient d’emblée de relever que, s’il avait initialement conclu à l’annulation intégrale de l’arrêt attaqué, le requérant a précisé, au point 2 de ses observations sur le mémoire en intervention de la Commission, qu’il ne concluait à l’annulation de cet arrêt qu’en tant qu’il n’avait pas fait droit à son recours.

33

Par ailleurs, il résulte de l’article 56, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne que le pourvoi ne peut être formé que par une partie ayant partiellement ou totalement succombé en ses conclusions.

34

Le requérant ayant partiellement succombé en ses conclusions, son pourvoi contre l’arrêt attaqué en tant qu’il rejette partiellement son recours contre la décision litigieuse est dès lors, dans cette mesure, recevable.

35

Deuxièmement, il convient de rappeler qu’il résulte de l’article 256, paragraphe 1, second alinéa, TFUE, de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne ainsi que de l’article 168, paragraphe 1, sous d), et de l’article 169, paragraphe 2, du règlement de procédure qu’un pourvoi doit indiquer de façon précise les points critiqués de l’arrêt dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande, sous peine d’irrecevabilité du pourvoi ou du moyen concerné (arrêt du 23 novembre 2021, Conseil/Hamas, C‑833/19 P, EU:C:2021:950, point 50 et jurisprudence citée).

36

Ainsi, ne répond pas aux exigences de motivation résultant de ces dispositions un pourvoi qui se limite à répéter ou à reproduire textuellement les moyens et les arguments qui ont été présentés devant le Tribunal (arrêt du 17 décembre 2020, Allemagne/Commission, C‑475/19 P et C‑688/19 P, EU:C:2020:1036, point 33).

37

Cependant, les points de droit examinés en première instance peuvent être à nouveau discutés au cours d’un pourvoi, dès lors qu’un requérant conteste l’interprétation ou l’application du droit de l’Union faite par le Tribunal. En effet, si un requérant ne pouvait fonder de la sorte son pourvoi sur des moyens et des arguments déjà utilisés devant le Tribunal, la procédure de pourvoi serait privée d’une partie de son sens (arrêts du 3 décembre 2015, Italie/Commission, C‑280/14 P, EU:C:2015:792, point 43, et du 10 novembre 2022, Commission/Valencia Club de Fútbol, C‑211/20 P, EU:C:2022:862, point 32 ainsi que jurisprudence citée).

38

Il y a lieu de constater, à cet égard, que, par son pourvoi qui indique de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt attaqué, le requérant ne vise pas à obtenir un simple réexamen de la requête présentée devant le Tribunal, mais conteste les motifs figurant dans des points spécifiques de cet arrêt, en formulant des arguments juridiques tendant à démontrer que le Tribunal a commis des erreurs de droit en ce qui concerne la qualification des intérêts publics invoqués à l’appui de la demande de divulgation et la mise en balance des intérêts en présence.

39

Or, il est constant que la qualification juridique d’un fait ou d’un acte opérée par le Tribunal est une question de droit qui peut être soulevée dans le cadre d’un pourvoi (arrêt du 12 mai 2022, Klein/Commission, C‑430/20 P, EU:C:2022:377, point 41). En l’occurrence, tel est le cas de la question de savoir si les intérêts invoqués par le requérant doivent être considérés comme des intérêts publics supérieurs, au sens de l’article 4, paragraphe 2, dernier membre de phrase, du règlement no 1049/2001.

40

Troisièmement, il convient d’écarter l’argumentation de la REA tirée d’une irrecevabilité du pourvoi au motif que son objet aurait été irrégulièrement élargi. Ainsi qu’il a été souligné au point 32 du présent arrêt, dans le dernier état de ses écritures, le requérant ne demande l’annulation de l’arrêt attaqué qu’en tant que ce dernier a partiellement rejeté son recours. Par ailleurs, la circonstance qu’il ne conteste que certains points de l’arrêt attaqué ne saurait constituer une cause d’irrecevabilité de son pourvoi ou de son moyen.

41

Le pourvoi est, dès lors, recevable.

Sur le fond

Argumentation des parties

42

Le moyen unique du requérant, par lequel il fait valoir que le Tribunal, en lui refusant un accès complet aux documents concernant la mise en œuvre du projet iBorderCtrl alors qu’il existait un intérêt public supérieur justifiant la divulgation de ceux-ci, a violé l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001, comporte deux branches.

43

En premier lieu, le requérant soutient que le Tribunal a erronément retenu qu’il n’avait pas établi l’existence d’un intérêt public supérieur, au sens de l’article 4, paragraphe 2, dernier membre de phrase, du règlement no 1049/2001, alors qu’il invoquait différents intérêts qui, selon lui, répondaient à cette qualification.

44

Premièrement, le requérant expose qu’il existe un intérêt public supérieur justifiant l’accès aux documents qui concernent un projet entièrement financé par des fonds publics.

45

L’intérêt public à pouvoir débattre de l’opportunité d’un financement public d’un projet aussi invasif et discutable que le projet iBorderCrtl serait d’autant plus caractérisé que le financement public pourrait être consacré à d’autres projets de recherche moins controversés.

46

Deuxièmement, le requérant soutient qu’il existe un intérêt public à examiner le fondement scientifique et la fiabilité de la technologie utilisée dans le cadre du projet iBorderCtrl, laquelle est supposée permettre la détection automatisée des mensonges grâce à une analyse des microexpressions du visage des voyageurs répondant aux questions qui leur seraient posées avant leur entrée dans l’Union.

47

Le requérant invoque, troisièmement, l’existence d’un intérêt public supérieur lié à l’impact que les technologies utilisées dans le cadre du projet iBorderCtrl sont susceptibles d’avoir sur les droits fondamentaux.

48

La transparence s’imposerait dans la mesure où ces technologies nécessitent le recours à des tests et à des expérimentations, impliquent l’utilisation de données biométriques et peuvent avoir des effets discriminants, en particulier à l’égard des personnes en situation de vulnérabilité.

49

En outre, selon le requérant, le caractère expérimental du projet iBorderCtrl implique, comme en matière d’essais cliniques, que le public soit informé dès la phase de recherche afin qu’un débat public puisse s’instaurer sur la pertinence des technologies utilisées et que les questions d’éthique et de protection des droits fondamentaux puissent être abordées.

50

Quatrièmement, le requérant soutient qu’il existe un intérêt supérieur de nature scientifique, médiatique, politique et démocratique à la divulgation des documents du projet.

51

Conformément au « principe d’universalité de la science », un intérêt scientifique s’attacherait à la divulgation de tous les résultats de la recherche afin que ceux-ci puissent être discutés et critiqués, d’autant qu’il existerait un débat scientifique sur le point de savoir si la technologie, très controversée, de détection visuelle des mensonges produit des résultats probants.

52

L’existence de plusieurs études consacrées à ces technologies démontrerait ainsi à la fois le haut degré d’intérêt qu’elles suscitent dans le milieu scientifique et le caractère peu probant de leurs résultats. Le grand nombre de reportages consacrés au projet iBorderCtrl révèlerait, quant à lui, le fort intérêt médiatique pour ce type de projet, tandis que les travaux du Parlement européen démontreraient l’intérêt politique qu’il suscite.

53

Par ailleurs la technologie utilisée, initialement destinée aux contrôles aux frontières, pourrait être déployée dans d’autres domaines afin d’enquêter sur les personnes et de contrôler leurs déclarations. Il y aurait donc un intérêt démocratique et politique à déterminer si l’utilisation de ces technologies de contrôle de masse, actuellement interdites, est souhaitable et s’il convient de leur donner une base légale.

54

Le requérant relève par ailleurs que de nombreuses informations sur le projet iBorderCtrl ont déjà été divulguées, y compris par des participants au projet. Selon lui, il ne serait pas conforme à l’intérêt public que des informations sélectives soient ainsi diffusées, sans qu’un tiers indépendant puisse procéder à des vérifications objectives.

55

Dans ces conditions, le requérant estime que, dans la mise en balance des intérêts en présence, les intérêts commerciaux des membres du consortium « ne pèsent pas particulièrement lourd » et devraient passer au second plan au regard de l’intérêt du public à la transparence.

56

En particulier, l’intérêt public serait singulièrement prépondérant pour les documents ayant un faible rapport avec des secrets d’affaires, tels que les évaluations éthiques et juridiques de la technologie, les plans de communication publique, le rapport relatif à la gestion de la qualité ou les documents portant sur l’autorisation du projet de recherche.

57

En second lieu, le requérant expose que le Tribunal a commis une erreur de droit en retenant, aux points 194 à 200 de l’arrêt attaqué, que les dispositions du règlement no 1290/2013 et du règlement (UE) no 1291/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 11 décembre 2013, portant établissement du programme-cadre pour la recherche et l’innovation « Horizon 2020 » (2014-2020) et abrogeant la décision no 1982/2006/CE (JO 2013, L 347, p. 104), ainsi que les stipulations de la convention de subvention suffisaient à satisfaire cet intérêt dès lors que les participants au projet avaient l’obligation d’en diffuser les résultats, notamment par voie de publications scientifiques librement accessibles, que la REA se livrait à des actions de communication et de publicité, pour lesquelles des résumés de rapports pouvaient être utilisés, que les institutions, les organes et les organismes de l’Union et les États membres disposaient d’un droit d’accès aux informations, qu’un contrôle était exercé sur la légalité du développement de ce projet et, enfin, que les évaluations éthiques et juridiques dudit projet étaient soumises à un conseiller en éthique indépendant.

58

Il fait tout d’abord valoir que l’obligation de publication incombant aux participants au projet de recherche en cause ne saurait satisfaire l’intérêt public à l’accès à l’information dès lors que tous les documents afférents à ce projet devraient être publiés, y compris ceux relatifs à l’état de la recherche et aux matériaux et aux méthodes utilisés, et que cette obligation ne s’étend pas aux informations commerciales considérées comme dignes de protection.

59

Selon lui, le public, qui finance le projet, devrait avoir accès en temps utile à toutes les informations dès la phase de recherche et de développement. Cette approche correspondrait d’ailleurs à la pratique de la Commission pour les articles scientifiques liés à des projets financés au titre du programme Horizon 2020 et à l’économie du règlement no 1290/2013, dont l’article 43, paragraphe 2, prévoit que chaque participant à ce programme diffuse dès que possible, par les moyens appropriés, les résultats dont il est propriétaire. Le requérant fait aussi observer en ce sens que le règlement no 1049/2001 ne prévoit pas d’exception au droit d’accès à l’information pour les projets de recherche et de développement en cours et que les impératifs de protection des intérêts commerciaux des participants ne sont pas plus grands pendant le projet qu’après son achèvement.

60

Ainsi fait-il grief au Tribunal d’avoir jugé que les participants au projet iBorderCtrl pouvaient garder secrètes toutes les informations portant spécifiquement sur le système, y compris celles ayant trait à sa légalité et à son acceptabilité éthique, ainsi qu’à tous les risques et les inconvénients qu’il présente.

61

Il soutient ensuite que les activités de communication et de publicité de la REA ne sont pas non plus de nature à satisfaire l’intérêt public à l’accès à l’information, puisque cette agence est tenue de respecter la confidentialité des informations commercialement sensibles et que les informations qu’elle publie, souvent à caractère « publicitaire », ne permettraient pas un débat indépendant ou critique.

62

Enfin, le requérant estime que le droit des institutions, des organes et des organismes de l’Union et des États membres à avoir accès à l’information ne saurait satisfaire l’intérêt du public à être informé parce qu’il ne s’agit pas d’un accès public à l’information.

63

La REA, soutenue par la Commission, estime, d’une part, que le Tribunal a dûment constaté et motivé l’absence de démonstration, par le requérant, de l’existence d’un intérêt public supérieur qui justifierait la divulgation des documents demandés et, d’autre part, que le requérant n’est pas parvenu à identifier des erreurs de droit qu’aurait commises le Tribunal, susceptibles de remettre en cause l’arrêt attaqué.

Appréciation de la Cour

64

À titre liminaire, il y a lieu de relever que le requérant ne conteste l’arrêt attaqué qu’en tant qu’il a refusé de reconnaître l’existence d’un intérêt public supérieur de nature à justifier la divulgation de certains documents ou de parties de documents pour lesquels la REA avait conclu qu’ils relevaient du régime d’exception prévu à l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1049/2001.

65

Les appréciations du Tribunal, figurant aux points 117, 135, 146, 152, 164, 172 et 178 de l’arrêt attaqué, selon lesquelles c’est sans commettre d’erreur de droit que la REA a considéré que la divulgation des informations contenues dans certains documents ou parties de documents était susceptible de porter atteinte aux intérêts commerciaux des membres du consortium, ne sont donc pas remises en cause dans le cadre du présent pourvoi, dont il convient d’examiner le moyen unique.

66

Ainsi que le prévoit expressément l’article 23 du règlement no 58/2003, les agences exécutives, telles que la REA, sont tenues de respecter les règles fixées par le règlement no 1049/2001.

67

Conformément à son considérant 1, ce dernier règlement s’inscrit dans la volonté du législateur de l’Union, exprimée à l’article 1er, deuxième alinéa, TUE, de marquer une nouvelle étape dans le processus créant une union sans cesse plus étroite entre les peuples de l’Europe, dans laquelle les décisions sont prises dans le plus grand respect possible du principe d’ouverture et le plus près possible des citoyens (arrêt du 21 janvier 2021, Leino-Sandberg/Parlement, C‑761/18 P, EU:C:2021:52, point 36 et jurisprudence citée).

68

Cet objectif fondamental de l’Union est également reflété, d’une part, à l’article 15, paragraphe 1, TFUE, qui prévoit, notamment, que les institutions, les organes et les organismes de l’Union œuvrent dans le plus grand respect possible du principe d’ouverture, principe également réaffirmé à l’article 10, paragraphe 3, TUE et à l’article 298, paragraphe 1, TFUE, ainsi que, d’autre part, à l’article 42 de la Charte, par la consécration du droit d’accès aux documents (arrêt du 21 janvier 2021, Leino-Sandberg/Parlement, C‑761/18 P, EU:C:2021:52, point 37 et jurisprudence citée).

69

Il résulte, en outre, du considérant 2 du règlement no 1049/2001 que la transparence permet de conférer aux institutions de l’Union une plus grande légitimité, efficacité et responsabilité à l’égard des citoyens de l’Union dans un système démocratique. En permettant que les divergences entre plusieurs points de vue soient ouvertement débattues, elle contribue, en outre, à augmenter la confiance de ces citoyens (arrêt du 4 septembre 2018, ClientEarth/Commission, C‑57/16 P, EU:C:2018:660, point 75 et jurisprudence citée).

70

À cet effet, l’article 1er de ce règlement prévoit que celui-ci vise à conférer au public un droit d’accès aux documents des institutions de l’Union qui soit le plus large possible, sous réserve d’un régime d’exceptions fondées sur des raisons d’intérêt public ou privé, lesquelles, dérogeant au principe posé à cet article, doivent être interprétées et appliquées strictement (voir, en ce sens, arrêt du 4 septembre 2018, ClientEarth/Commission, C‑57/16 P, EU:C:2018:660, points 76 à 78).

71

Parmi ces exceptions au droit d’accès, figure celle énoncée à l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1049/2001, aux termes duquel les institutions de l’Union refusent l’accès à un document dans le cas où sa divulgation porterait atteinte à la protection « des intérêts commerciaux d’une personne physique ou morale déterminée, y compris en ce qui concerne la propriété intellectuelle », à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifie la divulgation du document visé.

72

Le régime des exceptions prévu à cet article 4 est donc fondé sur une mise en balance des intérêts qui s’opposent dans une situation donnée, à savoir, d’une part, les intérêts qui seraient favorisés par la divulgation des documents concernés et, d’autre part, ceux qui seraient menacés par cette divulgation, de sorte que la décision prise sur une demande d’accès à des documents dépend de la question de savoir quel est l’intérêt qui doit prévaloir dans le cas d’espèce (arrêts du 14 novembre 2013, LPN et Finlande/Commission, C‑514/11 P et C‑605/11 P, EU:C:2013:738, point 42, ainsi que du 27 février 2014, Commission/EnBW, C‑365/12 P, EU:C:2014:112, point 63).

73

Il convient de vérifier, en l’espèce, si le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en effectuant cette mise en balance et en refusant de qualifier les intérêts invoqués par le requérant d’intérêts publics supérieurs justifiant la divulgation des documents en cause.

74

À cet égard, il importe tout d’abord de relever que c’est à bon droit que le Tribunal a énoncé, au point 187 de l’arrêt attaqué, qu’il incombe à celui qui fait valoir l’existence d’un intérêt public supérieur d’invoquer de manière concrète les circonstances justifiant la divulgation des documents concernés (voir, en ce sens, arrêt du 14 novembre 2013, LPN et Finlande/Commission, C‑514/11 P et C‑605/11 P, EU:C:2013:738, point 94).

75

C’est aussi à bon droit que le Tribunal a rappelé, au point 188 de l’arrêt attaqué, que si l’intérêt public supérieur susceptible de justifier la divulgation d’un document ne doit pas nécessairement être distinct des principes qui sous-tendent le règlement no 1049/2001, toutefois, des considérations générales seules ne sauraient être de nature à établir que le principe de transparence présente une acuité particulière qui pourrait primer les raisons justifiant le refus de divulgation des documents (voir, en ce sens, arrêts du 14 novembre 2013, LPN et Finlande/Commission, C‑514/11 P et C‑605/11 P, EU:C:2013:738, points 92 et 93 ; du 16 juillet 2015, ClientEarth/Commission, C‑612/13 P, EU:C:2015:486, points 92 et 93, ainsi que du 14 juillet 2016, Sea Handling/Commission, C‑271/15 P, EU:C:2016:557, point 95).

76

En premier lieu, il convient de constater que le moyen du pourvoi repose pour partie sur des considérations générales relatives à la nécessité qu’il y aurait de publier toutes les informations relatives à des projets bénéficiant d’un financement public et à l’intérêt scientifique qui s’attacherait à la publication des résultats d’une recherche technologique en vertu du « principe d’universalité de la science ».

77

À cet égard, il importe de relever que la circonstance qu’un projet de recherche bénéficie d’un financement par des fonds de l’Union et a pour objet le développement d’une nouvelle technologie est, en principe, de nature à révéler l’existence d’un intérêt réel du public à l’accès aux documents relatifs à ce projet. Toutefois, ainsi qu’il a été rappelé au point 75 du présent arrêt, l’exposé d’un tel motif d’ordre général ne suffit pas aux fins d’établir que cet intérêt devrait nécessairement primer les raisons justifiant le refus de divulgation de ces documents.

78

En deuxième lieu, il convient de constater que le Tribunal n’a pas dénié l’existence d’un intérêt scientifique, médiatique et du public en général à la diffusion des informations relatives au projet iBorderCtrl, mais a jugé, aux points 193, 197 et 200 de l’arrêt attaqué, que cet intérêt était satisfait par le système de diffusion des résultats prévu par le règlement no 1290/2013 et par la convention de subvention.

79

Le Tribunal s’est fondé, d’une part, aux points 194 et 195 de l’arrêt attaqué, sur les obligations de publication des résultats pesant sur les participants au projet et, d’autre part, au point 196 de cet arrêt, sur les droits d’accès des institutions de l’Union et des États membres aux informations relatives aux résultats du projet.

80

S’agissant des obligations pesant sur les participants au projet, le Tribunal a tout d’abord relevé que l’article 43, paragraphe 2, du règlement no 1290/2013 et l’article 29.1 de la convention de subvention prévoyaient une obligation pour ces participants de diffuser par des moyens appropriés les résultats du projet, sous réserve d’éventuelles restrictions imposées, notamment, par la protection de la propriété intellectuelle, des règles de sécurité ou des intérêts légitimes.

81

Le Tribunal a, en outre, constaté que l’étendue de l’obligation de diffusion des résultats de la recherche incombant auxdits participants était précisée par la convention de subvention. Il s’est référé à l’article 29.2 de cette convention, qui stipulait qu’un accès libre aux publications scientifiques des résultats évalués par des pairs doit être garanti, et à l’article 38.2.1 de ladite convention, qui prévoyait que la REA pouvait, dans le respect de la confidentialité des informations, utiliser les informations relatives au projet et les documents, notamment les résumés destinés à la publication et les éléments livrables au public, pour ses activités de communication et de publicité. Le Tribunal a également mentionné l’article 20.3, sous a), iii), et l’article 20.4, sous a), de la convention de subvention, selon lesquels les participants devaient soumettre à la REA, avec les rapports périodiques techniques et financiers, les résumés contenant, notamment, un aperçu des résultats et de leur diffusion, destinés à la publication par la REA.

82

S’agissant des droits d’accès aux informations relatives aux résultats du projet, le Tribunal a relevé, d’une part, que l’article 4 du règlement no 1290/2013 et l’article 36.1 de la convention de subvention prévoyaient, dans les conditions qui y sont énoncées, l’accès des institutions, des organes et des organismes de l’Union ainsi que des États membres aux informations concernant les résultats générés par un participant ayant bénéficié d’un financement de l’Union et, d’autre part, que l’article 49 de ce règlement assurait aux mêmes institutions, organes et organismes de l’Union ainsi qu’aux États membres des droits d’accès, aux fins du développement, de la mise en œuvre et du suivi de politiques ou de programmes de l’Union, à ces résultats.

83

Dans ce contexte, il y a lieu de vérifier si le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant que les intérêts publics invoqués par le requérant au soutien de sa demande de divulgation étaient satisfaits par le système de diffusion des résultats prévu par le règlement no 1290/2013 et par la convention de subvention.

84

Ainsi qu’il a été rappelé au point 79 du présent arrêt, le Tribunal s’est tout d’abord fondé sur les obligations de publication des résultats pesant sur les participants au projet.

85

À cet égard, il y a lieu de relever, premièrement, que, contrairement à ce qu’allègue le requérant, le Tribunal n’a pas constaté que toutes les informations portant spécifiquement sur le projet iBorderCtrl, y compris celles relatives à sa légalité et à son acceptabilité éthique, pouvaient être gardées secrètes.

86

À la lumière du point 194 de l’arrêt attaqué, il apparaît que le Tribunal a seulement constaté que l’obligation de diffusion des résultats de la recherche pesant sur les participants au projet, prévue à l’article 43, paragraphe 2, du règlement no 1290/2013 et à l’article 29.1 de la convention de subvention, trouvait sa limite dans la protection de la propriété intellectuelle, des règles de sécurité ou des intérêts légitimes.

87

S’agissant plus particulièrement des documents relatifs aux implications éthiques et juridiques du projet, il ressort des points 113 à 118 de l’arrêt attaqué que le Tribunal n’a approuvé la décision litigieuse qu’en ce qui concerne ceux qui contenaient des informations relatives aux outils et aux technologies concrètement élaborés par les membres du consortium dans le cadre du projet iBorderCtrl. En revanche, le Tribunal a annulé cette décision en ce qu’elle avait refusé l’accès aux informations portant sur l’appréciation générale éthique et juridique de systèmes utilisant des moyens technologiques innovants, tels que la détection automatisée des mensonges.

88

Quant à l’argument du requérant selon lequel les critères développés par le Tribunal dans l’arrêt attaqué conduiraient à ce que toute une série de documents relatifs aux résultats du projet dont, en particulier, ceux relatifs aux résultats des essais pilotes soient gardés secrets, il repose sur une extrapolation injustifiée des constatations du Tribunal à des documents autres que ceux ayant fait l’objet de la demande de divulgation et, partant, de la décision litigieuse.

89

Deuxièmement, l’argumentation du requérant selon laquelle l’obligation de publication incombant aux participants au projet ne saurait satisfaire l’intérêt public dès lors que cette obligation ne permet pas la publication des informations commerciales considérées comme dignes de protection ne peut davantage être accueillie. En effet, faire droit à cette argumentation reviendrait à présumer la primauté des intérêts publics invoqués au soutien de la demande sur les intérêts qui ont justifié le refus de divulgation, alors que, ainsi qu’il a été rappelé au point 74 du présent arrêt, il incombe à celui qui fait valoir l’existence d’un intérêt public supérieur d’en rapporter la preuve.

90

Troisièmement, la comparaison faite par le requérant avec des projets antérieurs de recherche et de développement « similaires », lesquels confirmeraient que les publications des participants à de tels projets ne permettent pas un débat public, procède d’une considération générale, se rapportant à d’autres projets, impropre à établir, s’agissant spécifiquement du projet iBorderCtrl, l’insuffisance, au regard de l’exigence de transparence, des informations communiquées sur le fondement du règlement no 1290/2013 et de la convention de subvention.

91

Quatrièmement, le requérant ne démontre pas en quoi l’analyse du Tribunal selon laquelle il était possible de tenir une discussion publique éclairée sur les différents aspects du projet iBorderCtrl en cours de développement sur le fondement des résultats diffusés en application de ce règlement et de cette convention serait entachée d’une erreur de droit.

92

À ce titre, il convient tout d’abord de constater qu’il ne résulte pas de l’arrêt attaqué que le Tribunal aurait considéré que le règlement no 1049/2001 prévoyait une exception générale au droit à l’accès à l’information pour les projets de recherche et de développement en cours.

93

Il y a lieu, ensuite, de relever que, par son argumentation, le requérant invoque, en substance, l’existence d’un intérêt public supérieur, au sens de l’article 4, paragraphe 2, dernier membre de phrase, du règlement no 1049/2001, à connaître de toutes les informations relatives à tous les stades d’un projet de recherche technologique financé par des fonds publics, qui l’emporterait systématiquement sur les intérêts commerciaux des entreprises participant à ce projet. Cette argumentation ne pourrait prospérer qu’en présence d’une présomption selon laquelle de telles informations seraient réputées présenter un intérêt public supérieur. En l’absence d’une telle présomption, ainsi qu’il a été rappelé aux points 74 et 89 du présent arrêt, c’est au requérant qu’il appartient d’invoquer de manière concrète les circonstances justifiant la divulgation des documents concernés.

94

À cet égard, il convient de constater qu’aucun élément du moyen n’est de nature à établir que serait erronée en droit l’appréciation du Tribunal, figurant au point 202 de l’arrêt attaqué, selon laquelle le requérant était resté en défaut de démontrer que le principe de transparence présentait, en l’espèce, une acuité particulière primant l’intérêt légitime à la protection des intérêts commerciaux des membres du consortium participant au projet.

95

Par conséquent, le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en tant qu’il a estimé que les intérêts publics invoqués par le requérant pouvaient être satisfaits par les obligations de publication des résultats du projet iBorderCtrl mises à la charge des participants à ce projet par l’article 43, paragraphe 2, du règlement no 1290/2013 ainsi que par l’article 20.3, sous a), iii), l’article 20.4, sous a), et les articles 29.1, 29.2 et 38.2.1 de la convention de subvention.

96

En revanche, c’est à tort que le Tribunal a, au point 196 de l’arrêt attaqué, considéré que ces intérêts étaient assurés par les droits de mise à disposition et d’accès prévus, au profit des institutions, des organes et des organismes de l’Union ainsi que des États membres, aux articles 4 et 49 du règlement no 1290/2013 ainsi qu’à l’article 36.1 de la convention de subvention, alors que, d’une part, ces droits et, d’autre part, le droit d’accès aux documents prévu par le règlement no 1049/2001 n’ont ni les mêmes bénéficiaires ni les mêmes finalités.

97

En effet, en vertu de l’article 4, paragraphe 1, sous a), et paragraphe 2, du règlement no 1290/2013, le droit de mise à disposition des informations en possession de la Commission concernant les résultats générés par un participant dans le cadre d’une action qui a bénéficié d’un financement de l’Union est réservé aux institutions, aux organes et aux organismes de l’Union ainsi qu’aux États membres. Il ne leur permet d’accéder, sur demande, qu’aux informations qui sont pertinentes aux fins de la politique publique, lesquelles, une fois communiquées, demeurent confidentielles à moins qu’elles ne deviennent publiques ou ne soient mises à la disposition du public par les participants. Il ressort, de même, de l’article 49, paragraphe 1, du règlement no 1290/2013 que les droits d’accès aux résultats d’un participant ayant bénéficié d’un financement de l’Union prévus à cette disposition sont réservés aux institutions, aux organes et aux organismes de l’Union, aux seules « fins dûment justifiées du développement, de la mise en œuvre et du suivi des politiques ou programmes de l’Union ».

98

Au contraire, le droit d’accès prévu par le règlement no 1049/2001 est reconnu, en vertu de l’article 2, paragraphe 1, de ce règlement, à tout citoyen de l’Union et à toute personne physique ou morale résidant ou ayant son siège dans un État membre. En outre, conformément à l’article 6, paragraphe 1, deuxième phrase, dudit règlement, le demandeur n’est pas obligé de justifier sa demande d’accès.

99

Ainsi que le fait justement valoir le requérant, le droit de mise à disposition prévu à l’article 4 du règlement no 1290/2013 ne saurait donc satisfaire l’intérêt public invoqué à l’appui d’une demande d’accès aux documents formée sur le fondement du règlement no 1049/2001 par un citoyen de l’Union ou une personne physique ou morale résidant ou ayant son siège dans un État membre.

100

Toutefois, les motifs exposés par le Tribunal au point 196 de l’arrêt attaqué sont surabondants par rapport à ceux énoncés aux points 194 et 195 de celui-ci, le Tribunal ayant estimé à bon droit, ainsi que cela résulte des points 84 à 95 du présent arrêt, que les intérêts publics invoqués par le requérant pouvaient être satisfaits par les obligations de publication mises à la charge des participants aux projets de recherche par l’article 43, paragraphe 2, du règlement no 1290/2013 et par l’article 20.3, sous a), iii), l’article 20.4, sous a), ainsi que les articles 29.1, 29.2 et 38.2.1 de la convention de subvention. En effet, de telles obligations, directement imposées à ces participants, permettent de rendre publiques les informations relatives aux résultats des recherches, indépendamment des éventuelles actions de diffusion pouvant être menées par l’Union ou les États membres à la suite de l’exercice de leur droit d’accès à ces informations.

101

Partant, l’argument présenté par le requérant à cet égard est voué au rejet. En effet, conformément à une jurisprudence bien établie de la Cour, dans le cadre d’un pourvoi, un moyen dirigé contre un motif de l’arrêt attaqué, dont le dispositif est fondé à suffisance de droit sur d’autres motifs, est inopérant et doit, dès lors, être rejeté (voir, en ce sens, arrêts du 8 mai 2003, T. Port/Commission, C‑122/01 P, EU:C:2003:259, point 17 et jurisprudence citée, ainsi que du 6 octobre 2021, Banco Santander/Commission, C‑52/19 P, EU:C:2021:794, point 127).

102

En troisième lieu, s’agissant de l’argument du requérant reposant sur l’existence d’un intérêt public supérieur résultant des atteintes que le projet iBorderCtrl serait susceptible de porter aux droits fondamentaux, le Tribunal a écarté cet argument en considérant, au point 198 de l’arrêt attaqué, que les dispositions pertinentes applicables aux projets de recherche et d’innovation financés au titre du programme Horizon 2020 imposaient aux participants l’obligation de respecter les droits fondamentaux et les principes reconnus, en particulier, par la Charte, et à la Commission une obligation de veiller au respect de ces droits et de ces principes. Il a ajouté que ces exigences étaient d’ailleurs reflétées dans le fait que les évaluations juridiques et éthiques du projet iBorderCtrl étaient spécifiquement incluses dans les étapes obligatoires du développement de celui-ci, les questions éthiques étant elles-mêmes supervisées par un conseiller en éthique indépendant.

103

Le Tribunal s’est référé notamment à l’article 19 du règlement no 1291/2013, à l’article 14 du règlement no 1290/2013, lu à la lumière de son considérant 9, et à l’article 34 de la convention de subvention.

104

Ce faisant, le Tribunal a commis une erreur de droit.

105

En effet, la circonstance que les participants au projet iBorderCtrl sont tenus de respecter les droits fondamentaux et les principes reconnus, en particulier, par la Charte, et qu’il est enjoint à la Commission de veiller au respect de ces droits et de ces principes, n’est pas de nature à faire présumer l’absence d’atteinte auxdits droits et auxdits principes et à écarter l’existence d’un intérêt public supérieur tenant à la divulgation des documents relatifs à ce projet en raison des possibles incidences des techniques utilisées sur la protection des droits fondamentaux.

106

S’il traduit l’importance attachée par le législateur de l’Union à la préservation de ces derniers droits, le rappel de l’obligation pour les participants au projet de respecter les droits fondamentaux et de l’obligation pour la Commission de veiller au respect de ces droits ne saurait justifier que les tiers soient privés de la possibilité de demander l’accès à ces documents afin, notamment, de vérifier que les participants au projet et les institutions de l’Union ont respecté leurs obligations respectives.

107

Cependant, le motif énoncé au point 198 de l’arrêt attaqué revêt un caractère surabondant.

108

En effet, le Tribunal a constaté au point 199 de cet arrêt, d’une part, que le requérant n’alléguait pas que les droits fondamentaux des personnes participant aux essais pilotes dans le cadre du projet iBorderCtrl n’avaient pas été respectés et, d’autre part, que l’intérêt public qu’il invoquait, qui concernait en réalité un éventuel déploiement futur dans des conditions réelles des systèmes fondés sur des techniques et des technologies développées dans le cadre de ce projet, serait satisfait par la diffusion des résultats dans les conditions déterminées par le règlement no 1290/2013 et la convention de subvention.

109

Or, le requérant n’invoque pas une dénaturation de ses propres arguments en première instance.

110

Par ailleurs, pour les raisons exposées aux points 84 à 95 du présent arrêt, il ne saurait être reproché au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit en considérant que, dans la mesure où le projet iBorderCtrl était seulement un projet de recherche en cours de développement, ayant pour seul objectif d’expérimenter des technologies, l’intérêt public dont se prévalait le requérant pouvait être satisfait par la diffusion des résultats du projet dans les conditions déterminées par le règlement no 1290/2013 et la convention de subvention.

111

Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le moyen doit être rejeté comme étant, pour partie, inopérant et, pour partie, non fondé.

112

Dès lors, il convient de rejeter le pourvoi.

Sur les dépens

113

Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

114

La REA ayant conclu à la condamnation du requérant aux dépens et ce dernier ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de le condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la REA.

115

Conformément à l’article 140, paragraphe 1, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, la Commission, qui est intervenue au litige, supportera ses propres dépens.

 

Par ces motifs, la Cour (dixième chambre) déclare et arrête :

 

1)

Le pourvoi est rejeté.

 

2)

M. Patrick Breyer est condamné à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par l’Agence exécutive européenne pour la recherche (REA).

 

3)

La Commission européenne supporte ses propres dépens.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : l’allemand.

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