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Document 62019CC0758

Conclusions de l'avocat général M. M. Bobek, présentées le 2 février 2021.
OH contre ID.
Demande de décision préjudicielle, introduite par le Polymeles Protodikeio Athinon.
Renvoi préjudiciel – Articles 268, 270, 340 et 343 TFUE – Protocole (no 7) sur les privilèges et immunités de l’Union européenne — Articles 11, 17 et 19 – Ancien membre de la Commission européenne – Immunité de juridiction – Action en responsabilité extracontractuelle – Levée de l’immunité – Compétence de la Cour de justice de l’Union européenne.
Affaire C-758/19.

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2021:86

 CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MICHAL BOBEK

présentées le 2 février 2021 ( 1 )

Affaire C‑758/19

OH

contre

ID

[demande de décision préjudicielle formée par le Polymeles Protodikeio Athinon (tribunal de grande instance d’Athènes, Grèce)]

« Renvoi préjudiciel – Articles 268, 270, 340 et 343 TFUE – Protocole (no 7) sur les privilèges et immunités de l’Union européenne – Articles 11, 17 et 19 – Ancien membre de la Commission européenne – Immunité de juridiction – Action en responsabilité non contractuelle – Levée de l’immunité – Compétence de la Cour de justice de l’Union européenne »

I. Introduction

1.

Le requérant au principal est un ressortissant grec qui a été engagé par la Commission européenne en qualité d’agent temporaire. Il a travaillé au sein du cabinet d’une personne alors membre de la Commission (ci-après le « défendeur » au principal). À la suite d’une prétendue rupture du lien de confiance entre ces deux personnes, la Commission a décidé de résilier le contrat du requérant.

2.

Le requérant estime avoir subi un préjudice tant matériel que moral du fait de la cessation de sa relation de travail. Il a engagé une action (civile) devant une juridiction de première instance d’Athènes (Grèce), en demandant la réparation de ce préjudice. Éprouvant des doutes quant à sa compétence en la matière, cette juridiction de première instance pose plusieurs questions à la Cour. En particulier, elle s’interroge sur la question de savoir qui devrait être le défendeur approprié (l’ancien commissaire ou l’Union européenne) et devant quelle juridiction (les juridictions nationales ou la Cour de justice de l’Union européenne) une telle action devrait être introduite.

II. Le cadre juridique

A.   Le droit de l’Union

3.

L’article 11 du protocole no 7 sur les privilèges et immunités de l’Union européenne (JO 2012, C 326, p. 266, ci-après le « protocole no 7 »), annexé aux traités de l’Union, énonce ce qui suit :

« Sur le territoire de chacun des États membres et quelle que soit leur nationalité, les fonctionnaires et autres agents de l’Union :

a)

jouissent de l’immunité de juridiction pour les actes accomplis par eux, y compris leurs paroles et écrits, en leur qualité officielle, sous réserve de l’application des dispositions des traités relatives, d’une part, aux règles de la responsabilité des fonctionnaires et agents envers l’Union et, d’autre part, à la compétence de la Cour de justice de l’Union européenne pour statuer sur les litiges entre l’Union et ses fonctionnaires et autres agents. Ils continueront à bénéficier de cette immunité après la cessation de leurs fonctions,

[...] »

4.

Aux termes de l’article 17 de ce protocole :

« Les privilèges, immunités et facilités sont accordés aux fonctionnaires et autres agents de l’Union exclusivement dans l’intérêt de cette dernière.

Chaque institution de l’Union est tenue de lever l’immunité accordée à un fonctionnaire ou autre agent dans tous les cas où elle estime que la levée de cette immunité n’est pas contraire aux intérêts de l’Union. »

5.

En vertu de l’article 19 du protocole no 7, ses articles 11 et 17 sont applicables aux membres de la Commission.

B.   Le droit national

6.

Selon la juridiction de renvoi, les dispositions du code de procédure civile hellénique relatives à l’étendue de la compétence des juridictions nationales et à l’immunité de juridiction de certaines catégories de personnes sont applicables au présent litige.

7.

Plus précisément, conformément à l’article 3, paragraphe 2, du code de procédure civile, les étrangers jouissant d’une immunité de juridiction ne relèvent pas de la compétence hellénique, à l’exception des litiges relatifs aux droits réels immobiliers.

8.

À son tour, l’article 24 du code de procédure civile prévoit que les citoyens grecs jouissant de l’immunité de juridiction, ainsi que les fonctionnaires affectés à des postes à l’étranger, sont soumis à la compétence des juridictions du lieu de leur résidence préalablement à cette mission ou, à défaut, à la compétence des juridictions situées dans la capitale de l’État.

III. Les faits, le litige au principal et les questions préjudicielles

9.

Le 1er novembre 2014, le requérant est entré au service de la Commission en tant qu’agent temporaire recruté en vertu de l’article 2, sous c), du régime applicable aux autres agents de l’Union européenne (ci-après le « RAA ») ( 2 ). Il avait été embauché en tant que chef de cabinet adjoint au service du défendeur, lequel avait été nommé commissaire.

10.

En avril 2016, la direction générale des ressources humaines et de la sécurité de la Commission a informé le requérant que sa relation de travail avec la Commission prendrait fin après un préavis de trois mois, avec effet au 1er août 2016, au motif que le défendeur ne lui faisait plus confiance.

11.

Estimant qu’on ne lui avait pas accordé le droit d’être entendu préalablement à l’adoption de la décision de résilier son contrat, le requérant a introduit une réclamation au titre de l’article 90 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut ») contre cette décision. La réclamation a été rejetée le 29 novembre 2016.

12.

Le 10 mars 2017, le requérant a attaqué la décision résiliant son contrat devant le Tribunal en invoquant une violation de son droit d’être entendu. Jugeant cette demande fondée, le Tribunal a annulé la décision attaquée par arrêt du 10 janvier 2019 ( 3 ).

13.

À la suite du prononcé de cet arrêt, la Commission a donné au requérant la possibilité d’être entendu. Le 10 avril 2019, la Commission a adopté une nouvelle décision mettant fin au contrat d’agent temporaire du requérant. Le requérant a introduit une réclamation administrative contre cette décision, qui a été rejetée par décision du 14 août 2019 de la Commission.

14.

Le 2 décembre 2019, le requérant a introduit un recours en annulation contre la nouvelle décision résiliant son contrat devant le Tribunal. Dans son arrêt du 13 janvier 2021, le Tribunal a rejeté le recours ( 4 ).

15.

Parallèlement, le 13 septembre 2017, le requérant avait également engagé une procédure contre le défendeur devant le Polymeles Protodikeio Athinon (tribunal de grande instance d’Athènes, Grèce).

16.

Devant cette juridiction, le requérant a fait valoir que le défendeur avait formulé des propos diffamatoires concernant des insuffisances dans l’exercice de ses fonctions. Ce comportement lui aurait causé un préjudice tant matériel que moral. Le premier consisterait dans le salaire que la Commission aurait normalement dû lui verser pour la période comprise entre le 1er novembre 2016 et le 31 octobre 2019, s’élevant au total à 452299,32 euros, et le second, dans l’atteinte à sa réputation qui compromettrait sa future carrière au sein des institutions et organes de l’Union, et que le requérant a évalué à 600000 euros. Sur cette base, le requérant a demandé à la juridiction nationale de rendre un jugement exécutoire par provision condamnant le défendeur à réparer le préjudice matériel et moral qui lui avait été causé, à retirer certaines allégations prétendument diffamatoires et à supporter les dépens.

17.

La juridiction de renvoi relève que le recours a été formé contre un ancien commissaire, qui, bien qu’étant un ressortissant grec, jouit d’un privilège d’immunité de juridiction en vertu de l’article 343 TFUE et des articles 11, 17 et 19 du protocole no 7. Dans une attestation datée du 22 décembre 2017 produite devant la juridiction de renvoi, la direction générale des ressources humaines et de la sécurité de la Commission a déclaré que, « en sa qualité de membre de la Commission, [le défendeur] jouit de l’immunité de juridiction pour les actes accomplis par lui, y compris ses paroles et écrits, en sa qualité officielle, conformément aux articles 11 et 19 du [protocole no 7]. L’immunité peut être levée par le collège des commissaires à la demande d’un juge national, à moins qu’une telle levée d’immunité soit contraire aux intérêts de l’Union ».

18.

Dans ce contexte, éprouvant des doutes quant à l’interprétation qu’il convient de donner aux règles pertinentes de l’Union, le Polymeles Protodikeio Athinon (tribunal de grande instance d’Athènes) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

Les termes “immunité de juridiction” et “immunité”, tels qu’ils sont formulés à l’article 11 du [protocole no 7] et au regard de la finalité à laquelle ils répondent, ont-ils le même sens ?

2)

L’immunité de juridiction/immunité prévue à l’article 11 du protocole no 7 s’applique-t-elle, outre aux poursuites pénales, aux prétentions dirigées, dans le cadre d’une action de droit civil, contre un membre de la Commission par un tiers ayant subi un préjudice ?

3)

Une levée de l’immunité de juridiction du membre de la Commission dans le cadre d’une action de droit civil telle que celle en cause en l’espèce est-elle envisageable ? Dans l’affirmative, à qui appartient-il d’ouvrir la procédure de levée de l’immunité ?

4)

Les juridictions de l’Union sont-elles compétentes pour connaître d’une action en responsabilité délictuelle, comme celle en cause en l’espèce, dirigée contre un membre de la Commission ? »

19.

Des observations écrites ont été présentées par le requérant, le défendeur et la Commission.

IV. Analyse

20.

À mon avis, la question clé de cette affaire réside dans la quatrième question posée par la juridiction de renvoi : qui est le défendeur approprié et quel est le forum approprié lorsqu’un ancien membre du personnel d’une institution de l’Union invoque un préjudice prétendument causé par le comportement d’un ancien membre de cette institution ? Je commencerai donc par cette question. J’examinerai ensuite les trois premières questions posées par la juridiction de renvoi, par simple souci d’exhaustivité puisque ma proposition de réponse à la quatrième question rend inutile une réponse aux autres questions.

A.   Sur la quatrième question préjudicielle

21.

Par sa quatrième question, la juridiction de renvoi demande si la Cour de justice de l’Union européenne est compétente pour connaître d’une action en responsabilité non contractuelle, telle que celle en cause au principal, à l’encontre d’un ancien commissaire.

22.

La question réunit deux interrogations distinctes : l’identité du défendeur et du forum. Contre qui le requérant doit-il intenter une action pour demander réparation du préjudice allégué (l’ancien commissaire de l’Union), et devant quelle juridiction doit-il le faire (les juridictions nationales ou la Cour de justice de l’Union européenne) ? De surcroît, cela soulève en fait une troisième interrogation, liée, voire antérieure aux deux premières, sans laquelle la question relative à l’identité du défendeur et du forum peut difficilement être appréciée, mais qui n’est pas mentionnée : quel acte exactement est censé avoir causé le préjudice au requérant ? Quelle est la faute spécifique dont la réparation est demandée ?

23.

Dans la présente section, je commencerai par la question de l’identification du défendeur approprié par rapport à ce qui semble être l’acte répréhensible qui est censé avoir causé le préjudice au requérant (1). Une fois identifiés la nature de la faute et, partant, le défendeur approprié, le forum approprié pour introduire cette action est évident (2).

1. Sur le défendeur

24.

Conformément à l’article 11 du protocole no 7, sur le territoire de chaque État membre, les fonctionnaires et autres agents de l’Union « jouissent de l’immunité de juridiction pour les actes accomplis par eux [...] en leur qualité officielle ». Cette immunité perdure « après la cessation de leurs fonctions ». Cette disposition est rendue applicable aux membres de la Commission par l’article 19 du protocole no 7.

25.

Dès lors, en ce qui concerne les actes accomplis en leur qualité officielle, les membres du personnel (et les commissaires) ne peuvent pas être poursuivis en l’absence de levée de l’immunité par l’institution concernée de l’Union.

26.

Selon la Cour, la condition que l’acte en cause soit accompli en qualité officielle renvoie aux actes « qui, en vertu d’un rapport interne et direct, constituent le prolongement nécessaire des missions confiées aux institutions » ( 5 ). En d’autres termes, l’article 11 du protocole no 7 fait référence aux actes qui, « par la nature, représentent une participation de celui qui invoque l’immunité à l’exercice des tâches de l’institution dont il relève » ( 6 ).

27.

Ainsi, l’immunité est fonctionnellement limitée. Il doit exister un degré raisonnable de proximité (un lien direct) entre les tâches confiées aux institutions et le type de comportement ou l’acte du fonctionnaire de l’Union. Cependant, dès lors que cette condition est remplie, l’immunité couvre les actes quel que soit le domaine du droit (pénal, administratif, civil ou autre), et indépendamment du point de savoir si ces actes sont en fait légaux ( 7 ). Cela étant, comme cela ressort de l’article 340, quatrième alinéa, TFUE et de l’article 11 du protocole no 7, les membres du personnel (temporaire) ayant agi de manière illégale peuvent voir leur responsabilité engagée à l’égard de l’Union et peuvent donc faire l’objet des procédures y afférentes prévues à l’article 22 du statut et à l’article 11 du RAA.

28.

Au-delà de cette délimitation générale, la question de savoir si un acte spécifique a été accompli par un membre du personnel en sa qualité officielle dépend fortement de l’affaire concernée. Il est clair que le lieu de réalisation n’est guère déterminant : le simple fait qu’un acte soit accompli dans les locaux d’une institution de l’Union, pendant une mission officielle ou dans le cadre d’un événement professionnel n’est pas, en soi, suffisant pour établir qu’il l’a été en qualité officielle ( 8 ). Il en va de même en ce qui concerne, par exemple, les déclarations diffamatoires ou insultantes faites par un membre du personnel de l’Union à l’égard d’une autre personne, les actes de harcèlement psychologique ou sexuel, ou les violations des réglementations locales en matière de santé et de sécurité publiques, qui pourraient tous être considérés comme nécessaires à l’exercice efficace des activités. Toutefois, le fait que des événements aussi regrettables soient susceptibles de se produire sur le lieu de travail et impliquent des collègues ou collaborateurs ne signifie nullement qu’ils sont automatiquement le fruit d’un acte accompli en qualité officielle.

29.

Ainsi, le seul critère reste le lien étroit avec les tâches confiées aux institutions : pour le dire simplement, un critère de proximité. En effet, un lien vague et purement éventuel entre les actes accomplis et l’exercice de fonctions officielles par les membres du personnel en question ne peut suffire à déclencher l’immunité de juridiction ( 9 ). L’immunité de juridiction n’est garantie que pour les actes qui trouvent leur raison d’être dans les fonctions officielles attribuées au membre du personnel en question, et non pour les actes qui auraient également pu être accomplis dans un autre contexte, non officiel.

30.

Sur le plan procédural, il appartiendra à la juridiction nationale saisie d’un litige (ou à tout autre organe national compétent) d’examiner les faits pertinents afin de déterminer si un acte donné d’un membre du personnel a été accompli en sa qualité officielle. Certes, cette appréciation n’est pas toujours simple, étant donné qu’elle requiert une certaine connaissance des compétences et du fonctionnement interne des institutions de l’Union. Cependant, lorsqu’une telle question est pendante devant une juridiction nationale, ou lui est soumise, en dernier ressort, dans le cadre du contrôle juridictionnel, une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE peut toujours être présentée aux fins de l’interprétation de l’article 11 du protocole no 7 ( 10 ).

31.

Toutefois, dans le contexte de la présente affaire, la plupart de ces considérations générales semblent plutôt hypothétiques, et ce pour deux raisons.

32.

Premièrement, compte tenu des circonstances de l’espèce telles qu’exposées par la juridiction de renvoi, la question de savoir si le défendeur a accompli ses actes « en sa qualité officielle » n’est même pas susceptible de se poser dans le cadre de la présente procédure.

33.

En effet, conformément aux affirmations de la juridiction de renvoi, qui sont confirmées à cet égard par les allégations du requérant, le préjudice allégué par ce dernier découle du fait qu’il a été mis fin à sa relation de travail. Ainsi, la décision de la Commission de résilier le contrat du requérant semble être l’événement qui aurait causé le préjudice allégué. Le commissaire aurait certes contribué au processus ayant conduit au licenciement du requérant, mais la décision finale en ce sens a été adoptée le 27 avril 2016 par le directeur général de la direction générale des ressources humaines et de la sécurité de la Commission. En effet, comme le Tribunal l’a relevé à juste titre dans son arrêt rendu dans l’affaire introduite par le requérant, malgré la perte de confiance mutuelle entre les deux personnes, la Commission aurait pu également décider d’adopter d’autres mesures que le licenciement, par exemple l’affectation du requérant à d’autres fonctions au sein de la Commission ( 11 ).

34.

En d’autres termes, l’analyse du point de savoir si les actes du défendeur ont été accomplis « en sa qualité officielle » aurait été pertinente si le préjudice résultait de ces actes ou leur était directement imputable. Or, en l’espèce, la chaîne d’événements est différente : la décision de la Commission de résilier le contrat du requérant intervient chronologiquement entre le comportement du commissaire, d’une part, et la survenance du préjudice allégué, d’autre part, rompant ainsi le lien de causalité direct entre ces deux éléments. Il semble que le comportement reproché par le défendeur ne soit pas la cause directe et déterminante du préjudice ( 12 ).

35.

En bref, la chaîne d’événements semble être « la perte de confiance déclarée par le commissaire – la décision de la Commission – le préjudice allégué ». Ce ne semble pas être « l’acte répréhensible allégué du commissaire – le préjudice allégué ». Dans un tel scénario, je ne vois pas très bien pourquoi il serait nécessaire de débattre de l’étendue de l’immunité dont jouit le défendeur si l’acte ayant causé le préjudice allégué (tant matériel – la perte de revenus issus de la Commission – que moral – l’atteinte à sa réputation ( 13 )) est en réalité une décision officielle d’une institution de l’Union, à savoir la Commission. Dans ces circonstances, le défendeur approprié est clairement l’auteur de ce dernier acte, à savoir la Commission (ou plutôt l’Union, représentée par la Commission).

36.

Deuxièmement, à supposer même qu’une analyse de la nature des actes du défendeur soit effectivement nécessaire pour que la juridiction nationale tranche le litige, ce qui ne semble pas être le cas au regard du premier point exposé ci‑dessus, il semble assez clair que ces actes ont été accomplis par le défendeur en sa qualité officielle. En effet, rien dans la demande de décision préjudicielle ni dans l’argumentation du requérant ne permet de considérer que le préjudice allégué découle d’actes qui ne sont pas directement liés à l’exercice par le défendeur de ses fonctions (à l’époque) officielles de commissaire.

37.

En fait, il semble que ce soit le contraire. Le préjudice allégué semble découler, pour l’essentiel, de ce que la relation de travail a été rompue parce que le défendeur avait déclaré avoir perdu confiance dans le requérant. Les raisons pour lesquelles le requérant demande réparation des préjudices matériel et moral, ainsi que leurs montants, montrent assez clairement qu’aucun préjudice ne résulterait d’actes détachables de la cessation de ses fonctions.

38.

À mon avis, la décision de résilier le contrat du requérant, à supposer qu’il existe une « décision personnelle » antérieure et distincte du commissaire qui pourrait être considérée comme distincte de la décision officielle subséquente de la Commission qui a en fait mis fin au contrat, quid non, relèverait en tout état de cause précisément de la notion d’« actes accomplis en qualité officielle ».

39.

Il convient de rappeler que le requérant a été engagé, en qualité d’agent temporaire de la Commission, pour travailler dans le cabinet d’un commissaire. Comme le Tribunal l’a relevé à juste titre dans l’arrêt rendu dans la première procédure introduite par le requérant, un membre de la Commission dispose d’un cabinet composé de collaborateurs qui sont ses conseillers personnels. Le recrutement de ces collaborateurs est effectué intuitu personae, c’est-à-dire de manière largement discrétionnaire, les intéressés étant choisis tant pour leurs qualités professionnelles et morales que pour leur aptitude à s’adapter aux méthodes propres du membre de la Commission concerné et à celles de l’ensemble de son cabinet ( 14 ).

40.

Dans le même arrêt, le Tribunal a ajouté que le pouvoir largement discrétionnaire dont dispose le membre de la Commission pour choisir ses collaborateurs est justifié notamment par la nature spécifique des fonctions exercées au sein du cabinet d’un membre de la Commission et par la nécessité de maintenir des rapports de confiance mutuelle entre le membre de la Commission et ses collaborateurs.

41.

Je partage ce point de vue. Un commissaire doit jouir d’un pouvoir largement discrétionnaire pour choisir le personnel qui travaillera dans son cabinet. Sa faculté d’engager des agents temporaires en choisissant des personnes dans lesquelles il peut avoir confiance et, dans la même logique, sa faculté de résilier le contrat de travail d’une personne lorsque cette relation de confiance est rompue sont déterminantes pour l’exercice effectif de ses fonctions.

42.

Dès lors, le fait que le défendeur a décidé qu’il n’avait plus besoin des services du requérant et qu’il a justifié cette décision par la perte de confiance à l’égard de ce dernier constitue un acte accompli par le défendeur en sa qualité officielle. Il existe un lien direct et évident entre cet acte et l’exécution par le commissaire des tâches qui lui ont été confiées en tant que membre de la Commission.

43.

En résumé, pour les actes en cause au principal, en l’absence d’une levée d’immunité par la Commission, le défendeur ne saurait être valablement poursuivi devant la juridiction de renvoi. En fait, compte tenu de l’immunité dont il jouit en vertu de l’article 11 du protocole no 7, le défendeur, à titre personnel, ne pourrait être poursuivi par le requérant devant aucune juridiction pour de tels actes.

44.

Toutefois, conformément à l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, il incombe à l’Union de « réparer [...] les dommages causés par ses institutions ou par ses agents dans l’exercice de leurs fonctions ». Comme la Cour l’a souligné dès 1969, en matière de responsabilité non contractuelle, les traités prévoient une « règle unitaire » pour la réparation des dommages causés par ses institutions et par ses agents dans l’exercice de leurs fonctions ( 15 ).

45.

Ainsi, une personne telle que le requérant n’est certainement pas privée de la possibilité d’obtenir réparation devant une autorité judiciaire ( 16 ). Toutefois, dans le cadre d’une action en responsabilité non contractuelle pour des actes tels que ceux en cause au principal, le défendeur approprié est l’Union, qui doit être représentée par l’institution de l’Union dont le comportement a prétendument causé le préjudice invoqué ( 17 ).

2. Sur la juridiction compétente

46.

La conclusion qui précède permet déjà de répondre au second point soulevé par la quatrième question posée par la juridiction de renvoi. En effet, conformément à l’article 268 TFUE, un recours tel que celui introduit par le requérant au principal doit être introduit devant la Cour de justice de l’Union européenne.

47.

Comme la Cour l’a affirmé de manière constante, la Cour de justice de l’Union européenne a une « compétence exclusive » pour connaître des actions en responsabilité non contractuelle à l’encontre de l’Union ( 18 ). Les juridictions nationales – telles que la juridiction de renvoi – ne sont donc pas compétentes pour ce type de recours ( 19 ). Le fait que la réglementation nationale régissant les actions en responsabilité puisse instituer un régime particulier dans certaines situations (par exemple, lorsque le préjudice découle d’un comportement criminel) ne saurait infirmer cette conclusion ( 20 ).

48.

Cela étant dit, je ne peux m’empêcher de remarquer qu’un autre chef de compétence pourrait être pertinent en l’espèce.

49.

L’article 270 TFUE dispose que « [l]a Cour de justice de l’Union européenne est compétente pour statuer sur tout litige entre l’Union et ses agents dans les limites et conditions déterminées par le [statut] et le [RAA] ». Cette disposition prévoit aussi, notamment, une compétence exclusive de la Cour de justice de l’Union européenne.

50.

En application de l’article 270 TFUE, l’article 91, paragraphe 1, du statut – rendu applicable aux agents temporaires par l’article 46 du RAA – énonce que « [l]a Cour de justice de l’Union européenne est compétente pour statuer sur tout litige entre les Communautés et l’une des personnes visées au présent statut et portant sur la légalité d’un acte faisant grief à cette personne [...]. Dans les litiges de caractère pécuniaire, la Cour de justice a une compétence de pleine juridiction ».

51.

À cet égard, la Cour a toujours déclaré qu’« un litige entre un fonctionnaire et l’institution dont il dépend relève, lorsqu’il trouve son origine dans le lien d’emploi qui l’unit l’intéressé à l’institution, de l’article 270 TFUE et des articles 90 et 91 du [statut], même s’il s’agit d’un recours en indemnisation » ( 21 ).

52.

Dans ce contexte, il me semble que, sur la base des faits tels que présentés par la juridiction de renvoi, cette disposition pourrait bien être applicable en l’espèce, puisque le requérant a été engagé en tant qu’agent temporaire de la Commission en vertu de l’article 2, sous c), du RAA ( 22 ). Le requérant conteste en fait la légalité de la décision de la Commission de mettre fin à son contrat de travail et, indirectement, du comportement d’un ancien membre de la Commission qui a conduit à l’adoption de cette décision, et demande la réparation financière des dommages prétendument subis de ce fait. En bref, le présent litige a un caractère pécuniaire et trouve son origine dans le lien d’emploi qui unit le requérant à la Commission.

53.

Cette affaire est donc similaire à des affaires antérieures dans lesquelles la Cour a jugé que les actions en responsabilité dirigées par des membres du personnel, actuels ou anciens, contre une institution en raison d’une faute déterminée et visant à la condamnation au versement d’une somme, lorsque le litige trouve son origine dans le lien d’emploi qui unit l’intéressé à l’institution, relèvent ratione materiae du champ d’application de l’article 270 TFUE et de l’article 91, paragraphe 1, du statut ( 23 ).

54.

Il est donc quelque peu étonnant que le requérant n’ait pas introduit un recours en indemnisation au titre de la responsabilité non contractuelle devant le Tribunal, conjointement ou parallèlement à ses recours tendant à l’annulation des décisions de la Commission de résilier son contrat ( 24 ). Les demandes formulées dans les deux procédures semblent connexes. Dans le système des voies de recours de l’Union, la compétence pour statuer sur une demande prioritaire (par exemple, annulation d’un acte illégal) implique normalement celle pour statuer sur toute demande complémentaire qui dérive du même acte ou du même fait (par exemple, préjudice résultant de l’acte dommageable) ( 25 ). C’est donc dans le cadre de cette procédure devant le Tribunal que le requérant aurait pu valablement soulever ses éventuelles réserves à l’égard d’un fait quelconque ayant précédé son licenciement, y compris de tous les actes de nature préparatoire (notamment ceux accomplis par le défendeur).

55.

En conclusion, force est de constater qu’une action en responsabilité non contractuelle, telle que celle engagée par le requérant devant la juridiction de renvoi, indépendamment de la question de savoir si elle est fondée sur les articles 268 et 340 TFUE ou sur l’article 270 TFUE, devrait être dirigée contre l’Union et introduite devant la Cour de justice de l’Union européenne.

56.

Cela étant, je vais maintenant examiner les autres questions préjudicielles, auxquelles il est possible de répondre de manière assez concise, et ce uniquement par souci d’exhaustivité.

B.   Sur la première question préjudicielle

57.

Par sa première question, la juridiction de renvoi demande si les termes « immunité de juridiction » (« ετεροδικία », « eterodikia ») et « immunité » (« ασυλία », « asylia »), figurant à l’article 11, sous a), de la version grecque du protocole no 7, ont le même sens.

58.

Cette question a été posée à la lumière des arguments avancés par le requérant au principal. Il a fait valoir que, compte tenu des deux expressions utilisées dans la disposition en cause, un ancien commissaire ne bénéficie pas d’une immunité de juridiction totale, mais d’une forme plus limitée de celle-ci. Selon lui, cette dernière forme d’immunité ne peut pas, conformément au droit national (en particulier l’article 3, paragraphe 2, du code de procédure civile hellénique), « protéger » le défendeur des procédures engagées devant les juridictions nationales lorsque le préjudice résulte d’une infraction pénale.

59.

Ces arguments ne sont pas fondés. Comme le défendeur et la Commission le relèvent à juste titre dans leurs observations, les doutes de la juridiction de renvoi sont uniquement dus à la version grecque du protocole no 7.

60.

Selon une jurisprudence constante, la nécessité d’une interprétation uniforme des dispositions du droit de l’Union exclut que, en cas de doute, le texte d’une disposition soit considéré isolément et exige au contraire qu’il soit interprété et appliqué à la lumière des versions établies dans les autres langues officielles ( 26 ), et en fonction de l’économie générale et de la finalité de la réglementation dont elle constitue un élément ( 27 ).

61.

En l’espèce, une simple comparaison des différentes versions linguistiques du protocole fait ressortir que les deux termes sont censés avoir le même sens. On peut comparer la version grecque avec, par exemple, les versions espagnole (« inmunidad de jurisdicción »/« dicha inmunidad »), allemande (« Befreiung von der Gerichtsbarkeit »/« diese Befreiung »), anglaise (« immune from legal proceedings »/« this immunity »), française (« immunité de juridiction »/« cette immunité ») ou italienne (« immunità di giurisdizione »/« questa immunità »).

62.

L’objet et le contexte de cette disposition confirment également cette interprétation. La première phrase de l’article 11, sous a), du protocole no 7 fixe la portée matérielle de l’immunité, tandis que la seconde phrase réglemente sa portée temporelle. Dans les deux cas, il s’agit de la même immunité, qui a la même portée.

63.

Par conséquent, il y a lieu de répondre à la première question en ce sens que les termes « immunité de juridiction » (« ετεροδικία », « eterodikia ») et « immunité » (« ασυλία », « asylia »), figurant à l’article 11, sous a), de la version grecque du protocole no 7, ont le même sens.

C.   Sur la deuxième question préjudicielle

64.

Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi cherche à savoir, en substance, si l’immunité de juridiction prévue à l’article 11 du protocole no 7 inclut également, outre les poursuites pénales, les actions civiles.

65.

La réponse à cette question est également simple : comme le défendeur et la Commission l’ont fait valoir (et contrairement à ce que le requérant a soutenu), l’immunité accordée par l’article 11 du protocole no 7 s’étend aux actions civiles. Une lecture littérale, systématique et téléologique de la disposition confirme cette analyse.

66.

Premièrement, le libellé de cette disposition s’applique clairement à (toute) « [procédure judiciaire] pour les actes accomplis par eux [...] en leur qualité officielle ». Le texte de cette disposition ne contient aucune limitation concernant le type ou la nature (civile, pénale, administrative ou autre) de la procédure.

67.

Deuxièmement, une acception large de la notion d’« immunité » est corroborée par la raison d’être de la disposition, et plus généralement par la nature fonctionnelle des prérogatives spéciales consacrées par le protocole no 7. Ces prérogatives spéciales visent à assurer aux institutions de l’Union une protection complète et effective contre les entraves ou les risques d’atteinte à leur bon fonctionnement et à leur indépendance ( 28 ). En particulier, comme cela résulte de l’article 17 du protocole no 7, les privilèges, immunités et facilités sont accordés aux fonctionnaires et autres agents de l’Union « exclusivement dans l’intérêt de cette dernière » ( 29 ). En d’autres termes, les privilèges et immunités sont accordés afin de permettre au personnel de l’Union d’exercer ses fonctions de manière efficace, sans ingérence extérieure et sans avoir à craindre de poursuites pour les actes qu’il accomplit dans l’exercice de ses fonctions ( 30 ).

68.

Si tel est le cas, il n’est guère contestable que la bonne exécution des tâches du personnel de l’Union pourrait être entravée non seulement par des procédures pénales, mais également par des questions administratives ou des procédures civiles (y compris des actions en responsabilité non contractuelle, telles que celle en cause au principal).

69.

Troisièmement, la Cour a interprété le terme « poursuivis » figurant à l’article 8 du protocole no 7 (qui concerne l’immunité des membres du Parlement européen) comme faisant aussi obstacle aux poursuites civiles ( 31 ). Compte tenu de la similitude de libellé et de finalité de ces deux dispositions, il serait difficile de concevoir que ce terme doive recevoir une interprétation différente lorsqu’il est utilisé à l’article 11 du même protocole.

70.

Quatrièmement, j’observe, au passage, que l’interprétation proposée de l’article 11 du protocole no 7 est également conforme à l’article 31, paragraphe 1, de la convention de Vienne sur les relations diplomatiques ( 32 ), aux termes duquel « [l]’agent diplomatique jouit de l’immunité de la juridiction pénale de l’État accréditaire » et, sauf exceptions, également « de sa juridiction civile et administrative ».

71.

Dès lors, il y a lieu de répondre à la deuxième question en ce sens que l’immunité de juridiction visée à l’article 11 du protocole no 7 couvre toute procédure judiciaire, y compris les actions civiles.

D.   Sur la troisième question préjudicielle

72.

Enfin, la troisième question concerne la levée de l’immunité de juridiction. La juridiction de renvoi s’interroge sur le point de savoir si cette levée peut également être demandée dans le cadre d’une action civile et, dans l’affirmative, sur le point de déterminer qui doit engager la procédure en question.

73.

Là encore, le libellé de l’article 17 du protocole no 7 ne contient aucune limitation quant au type de procédure engagée à l’égard des fonctionnaires et autres agents de l’Union pour lesquels une levée d’immunité peut être demandée. Dès lors, je ne vois aucune raison de considérer qu’une levée de l’immunité pourrait uniquement être demandée dans le cadre d’une procédure pénale.

74.

Je ne vois pas non plus de justification logique à une telle distinction. Comme cela a été expliqué au point 67 des présentes conclusions, les privilèges et immunités sont accordés au personnel de l’Union dans l’intérêt de l’Union, afin de permettre à ce personnel d’exercer ses fonctions de manière efficace, sans avoir à craindre de poursuites (civiles, pénales, administratives ou autres) pour les actes qu’il accomplit dans ce cadre. Il peut donc naturellement exister des situations dans lesquelles l’Union décide que l’engagement et l’exécution de telles poursuites – qu’elles soient de nature civile, pénale ou autre – ne sont pas contraires à son intérêt.

75.

Par conséquent, une levée d’immunité peut bien être demandée dans le cadre d’une action civile.

76.

S’agissant, ensuite, de l’organe qui doit engager la procédure de demande de levée d’immunité, les dispositions du protocole no 7 ne régissent pas les modalités de cette procédure au niveau national et n’identifient pas non plus les autorités nationales compétentes à cette fin. Je note que la convention de Vienne sur les relations diplomatiques ne contient pas non plus de règles sur ce point ( 33 ).

77.

Cette situation est assez compréhensible compte tenu de la diversité des scénarios dans lesquels une telle demande de levée d’immunité peut être demandée et des instances nationales dont elle émane. La question de savoir quel organe exactement serait compétent au niveau national dépendra de la nature (civile, pénale, administrative ou autre) de la procédure. Il s’ensuit que, en l’absence de toute règle de l’Union en la matière, ces aspects ne peuvent être régis que par le droit national, conformément au principe de l’autonomie procédurale.

78.

Si l’on observe la pratique des différents États membres, comme on peut le voir, par exemple, dans les décisions du Parlement concernant les levées d’immunité demandées à l’égard de ses membres, ou des affaires qui sont parvenues aux juridictions de l’Union ( 34 ), il apparaît que les levées d’immunité sont normalement demandées par les autorités judiciaires compétentes en la matière (notamment le juge compétent dans le litige, ou le procureur chargé de l’instruction et/ou des poursuites).

79.

Toutefois, même si les dispositions du protocole no 7 ne régissent pas la phase procédurale au niveau national, elles régissent le « volet Union » de la procédure. En effet, son article 17 indique que, lorsqu’une levée d’immunité est demandée, il appartient à chaque institution de l’Union d’examiner si « la levée de cette immunité n’est pas contraire aux intérêts de l’Union ». En l’espèce, si une levée d’immunité était demandée, il appartiendrait à la Commission (en tant que collège des commissaires) d’examiner cette demande et de prendre une décision sur celle-ci.

80.

Il est clair que la décision de savoir si l’octroi d’une levée d’immunité serait ou non contraire aux intérêts de l’Union est largement politique. Elle requiert une évaluation de l’incidence que les poursuites judiciaires demandées contre un membre du personnel peuvent avoir sur l’intégrité de l’institution concernée. Ainsi les institutions compétentes de l’Union disposent-elles d’un large pouvoir d’appréciation dans le cadre de cette appréciation ( 35 ).

81.

Je propose donc de répondre à la troisième question en ce sens qu’une levée de l’immunité de juridiction peut également être demandée dans le cadre d’une action civile. Il appartient au droit national de déterminer les autorités compétentes pour introduire une telle demande.

V. Conclusion

82.

Je propose à la Cour de répondre aux questions préjudicielles posées par le Polymeles Protodikeio Athinon (tribunal de grande instance d’Athènes, Grèce) comme suit :

1)

Les termes « immunité de juridiction » (« ετεροδικία », « eterodikia ») et « immunité » (« ασυλία », « asylia »), figurant à l’article 11, sous a), de la version grecque du protocole (no 7) sur les privilèges et immunités de l’Union européenne, ont le même sens.

2)

L’immunité de juridiction prévue à l’article 11 du protocole no 7 inclut les actions civiles.

3)

Une levée de l’immunité de juridiction, prévue à l’article 17 du protocole no 7, peut être demandée dans le cadre d’une action civile. Il appartient au droit national de déterminer les autorités compétentes pour introduire une telle demande.

4)

Une action en responsabilité non contractuelle engagée par un ancien agent temporaire de l’Union pour obtenir la réparation du préjudice que lui aurait causé la résiliation irrégulière de son contrat devrait être dirigée contre l’Union européenne et introduite devant la Cour de justice de l’Union européenne.


( 1 ) Langue originale : l’anglais.

( 2 ) Conformément à cette disposition, l’« agent temporaire » inclut « [l]’agent engagé en vue d’exercer des fonctions auprès d’une personne remplissant un mandat prévu par le traité sur l’Union européenne ou le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, ou auprès du président élu d’une des institutions ou d’un des organes de l’Union ou auprès d’un groupe politique du Parlement européen ou du Comité des régions ou auprès d’un groupe du Comité économique et social européen, et qui n’est pas choisi parmi les fonctionnaires de l’Union ».

( 3 ) Arrêt du 10 janvier 2019, RY/Commission (T‑160/17, EU:T:2019:1).

( 4 ) Arrêt du 13 janvier 2021, RY/Commission (T‑824/19, non publié, EU:T:2021:6).

( 5 ) Arrêt du 10 juillet 1969, Sayag (9/69, EU:C:1969:37, point 7).

( 6 ) Conclusions de l’avocat général Gand dans l’affaire Sayag (9/69, non publiées, EU:C:1969:31, p. 338).

( 7 ) Voir, en ce sens, arrêts du 19 décembre 2019, Junqueras Vies (C‑502/19, EU:C:2019:1115, points 76, 77, 87 et 91), ainsi que du 12 septembre 2007, Nikolaou/Commission (T‑259/03, non publié, EU:T:2007:254, points 162, 185 à 188, 192 à 199, 208 et 209). Voir, également, conclusions de l’avocate générale Sharpston dans l’affaire Commission/RQ (C‑831/18 P, EU:C:2019:1143, points 54 et 55), ainsi que conclusions de l’avocat général Hogan dans l’affaire Cour des comptes/Pinxten (C‑130/19, EU:C:2020:1052, points 28 et 32).

( 8 ) Voir, par exemple, arrêts du 10 juillet 1969, Sayag (9/69, EU:C:1969:37, points 9 et 10), ainsi que du 22 mars 1990, Le Pen (C‑201/89, EU:C:1990:133, point 11).

( 9 ) En ce sens, par analogie, voir arrêt du 6 septembre 2011, Patriciello (C‑163/10, EU:C:2011:543, points 35 et 36).

( 10 ) Voir, en ce sens, arrêt du 6 septembre 2011, Patriciello (C‑163/10, EU:C:2011:543, points 22 et 23). Le respect, par les autorités nationales, des règles énoncées par le protocole no 7 pourrait finalement également être soumis à la Cour indirectement, par le biais des procédures d’infraction prévues aux articles 258 à 260 TFUE : voir, par analogie, ordonnance du 15 décembre 2020, Junqueras i Vies/Parlement (T‑24/20, EU:T:2020:601, point 84 et jurisprudence citée).

( 11 ) Arrêt du 10 janvier 2019, RY/Commission (T‑160/17, EU:T:2019:1, point 38).

( 12 ) En vertu d’une jurisprudence constante, il doit exister un lien de causalité direct entre le fait générateur et le dommage pour engager la responsabilité non contractuelle de l’Union (on peut néanmoins supposer que cette condition est la même dans la majorité des autres ordres juridiques nationaux) : voir, en ce sens, arrêt du 5 septembre 2019, Union européenne/Guardian Europe et Guardian Europe/Union européenne (C‑447/17 P et C‑479/17 P, EU:C:2019:672, point 32 et jurisprudence citée).

( 13 ) Comme indiqué au point 16 des présentes conclusions.

( 14 ) Arrêt du 10 janvier 2019, RY/Commission (T‑160/17, EU:T:2019:1, point 31).

( 15 ) Arrêt du 10 juillet 1969, Sayag (9/69, EU:C:1969:37, point 5).

( 16 ) En effet, comme la Cour internationale de Justice l’a souligné dans son avis consultatif du 29 avril 1999 concernant le Différend relatif à l’immunité de juridiction d’un rapporteur spécial de la Commission des droits de l’homme (C.I.J. Recueil 1999, p. 62, § 66), « la question de l’immunité de juridiction est distincte de celle de la réparation de tout préjudice subi du fait d’actes accomplis par l’Organisation des Nations unies ou par ses agents dans l’exercice de leurs fonctions officielles ».

( 17 ) Voir arrêt du 13 décembre 2018, Union européenne/Kendrion (C‑150/17 P, EU:C:2018:1014, point 33).

( 18 ) Voir, par exemple, arrêts du 27 septembre 1988, Asteris e.a. (C‑106/87, EU:C:1988:457, points 14 et 15), ainsi que du 29 juillet 2010, Hanssens-Ensch (C‑377/09, EU:C:2010:459, point 17).

( 19 ) Voir, en ce sens, arrêts du 13 février 1979, Granaria (C‑101/78, EU:C:1979:38, point 16), et du 27 septembre 1988, Asteris e.a. (C‑106/87, EU:C:1988:457, point 14).

( 20 ) Voir, en ce sens, arrêt du 29 juillet 2010, Hanssens-Ensch (C‑377/09, EU:C:2010:459, points 23 à 26).

( 21 ) Voir, entre autres, arrêt du 10 septembre 2015, Réexamen Missir Mamachi di Lusignano/Commission (C‑417/14 RX-II, EU:C:2015:588, point 38 et jurisprudence citée).

( 22 ) Voir point 9 des présentes conclusions.

( 23 ) Voir, en particulier, arrêt du 10 septembre 2015, Réexamen Missir Mamachi di Lusignano/Commission (C‑417/14 RX-II, EU:C:2015:588, points 39 à 41 et jurisprudence citée).

( 24 ) Voir points 12 et 14 des présentes conclusions.

( 25 ) De même, voir prise de position de l’avocat général Wathelet dans l’affaire Réexamen Missir Mamachi di Lusignano/Commission (C‑417/14 RX-II, EU:C:2015:593, point 48).

( 26 ) Voir, entre autres, arrêt du 27 avril 2017, Onix Asigurări (C‑559/15, EU:C:2017:316, point 39 et jurisprudence citée).

( 27 ) Voir, entre autres, arrêt du 19 avril 2007, Profisa (C‑63/06, EU:C:2007:233, point 14 et jurisprudence citée).

( 28 ) Voir, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2019, Junqueras Vies (C‑502/19, EU:C:2019:1115, point 82 et jurisprudence citée).

( 29 ) Mise en italique par mes soins. Cette disposition est l’expression du principe énoncé à l’article 343 TFUE, selon lequel l’Union jouit des privilèges et immunités « nécessaires à l’accomplissement de sa mission ».

( 30 ) Voir, entre autres, conclusions de l’avocat général Gand dans l’affaire Sayag (9/69, non publiées, EU:C:1969:31, p. 339), ainsi que conclusions de l’avocat général Poiares Maduro dans les affaires jointes Marra (C‑200/07 et C‑201/07, EU:C:2008:369, point 35).

( 31 ) Voir, par analogie, arrêts du 21 octobre 2008, Marra (C‑200/07 et C‑201/07, EU:C:2008:579), et du 6 septembre 2011, Patriciello (C‑163/10, EU:C:2011:543, point 34). Voir également conclusions de l’avocat général Jääskinen dans l’affaire Patriciello (C‑163/10, EU:C:2011:379, point 51) : « Elle est absolue également en ce sens qu’elle couvre toutes les formes de responsabilité juridique, notamment les responsabilités pénale et civile ».

( 32 ) Faite à Vienne le 18 avril 1961, et entrée en vigueur le 24 avril 1964 (Nations unies, Recueil des traités, vol. 500, p. 95). Bien que cette convention s’applique uniquement aux États, on considère généralement que les organisations internationales doivent aussi jouir des mêmes immunités : voir, par exemple, Cour EDH, arrêts du 18 février 1999, Waite et Kennedy c. Allemagne (CE:ECHR:1999:0218JUD002608394, § 63), et du 11 juin 2013, Stichting Mothers of Srebrenica et autres c. Pays-Bas (CE:ECHR:2013:0611DEC006554212, § 139).

( 33 ) Voir note 32 des présentes conclusions. Concernant les levées d’immunité, voir son article 32. En général, sur cette disposition, voir Denza, E., Diplomatic Law: Commentary on the Vienna Convention on Diplomatic Relations, Oxford University Press, Oxford, 2016 (4e éd.), p. 273‑287.

( 34 ) Voir, par exemple, arrêts du 24 octobre 2018, RQ/Commission (T‑29/17, EU:T:2018:717, points 5 et 6) ; du 19 décembre 2019, Junqueras Vies (C‑502/19, EU:C:2019:1115, point 92), et du 17 septembre 2020, Troszczynski/Parlement (C‑12/19 P, EU:C:2020:725, point 10).

( 35 ) Voir, en ce sens, arrêt du 8 novembre 2018, Troszczynski/Parlement (T‑550/17, non publié, EU:T:2018:754, point 43 et jurisprudence citée).

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