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Document 62013CJ0119
Judgment of the Court (Third Chamber), 4 September 2014.#eco cosmetics GmbH & Co. KG and Raiffeisenbank St. Georgen reg. Gen. mbH v Virginie Laetitia Barbara Dupuy and Tetyana Bonchyk.#Requests for a preliminary ruling from the Amtsgericht Wedding.#Reference for a preliminary ruling — Judicial cooperation in civil matters — Regulation (EC) No 1896/2006 — European order for payment procedure — Invalid service — Effects — European order for payment declared enforceable — Opposition — Review in exceptional cases — Time-limits.#Joined Cases C‑119/13 and C‑120/13.
Arrêt de la Cour (troisième chambre) du 4 septembre 2014.
eco cosmetics GmbH & Co. KG et Raiffeisenbank St. Georgen reg. Gen. mbH contre Virginie Laetitia Barbara Dupuy et Tetyana Bonchyk.
Demandes de décision préjudicielle, introduites par l'Amtsgericht Wedding.
Renvoi préjudiciel – Coopération judiciaire en matière civile – Règlement (CE) nº 1896/2006 – Procédure européenne d’injonction de payer – Absence de signification ou de notification valide – Effets – Injonction de payer européenne déclarée exécutoire – Opposition – Réexamen dans des cas exceptionnels – Délais.
Affaires jointes C-119/13 et C-120/13.
Arrêt de la Cour (troisième chambre) du 4 septembre 2014.
eco cosmetics GmbH & Co. KG et Raiffeisenbank St. Georgen reg. Gen. mbH contre Virginie Laetitia Barbara Dupuy et Tetyana Bonchyk.
Demandes de décision préjudicielle, introduites par l'Amtsgericht Wedding.
Renvoi préjudiciel – Coopération judiciaire en matière civile – Règlement (CE) nº 1896/2006 – Procédure européenne d’injonction de payer – Absence de signification ou de notification valide – Effets – Injonction de payer européenne déclarée exécutoire – Opposition – Réexamen dans des cas exceptionnels – Délais.
Affaires jointes C-119/13 et C-120/13.
Court reports – general
ECLI identifier: ECLI:EU:C:2014:2144
** AFFAIRE C-119/13 **
*A9* Amtsgericht Wedding, Beschluss vom 07/01/2013 (70b C 4/11)
** AFFAIRE C-120/13 **
*A9* Amtsgericht Wedding, Beschluss vom 05/02/2013 (70b C 17/11)
ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)
4 septembre 2014 ( *1 )
«Renvoi préjudiciel — Coopération judiciaire en matière civile — Règlement (CE) no 1896/2006 — Procédure européenne d’injonction de payer — Absence de signification ou de notification valide — Effets — Injonction de payer européenne déclarée exécutoire — Opposition — Réexamen dans des cas exceptionnels — Délais»
Dans les affaires jointes C‑119/13 et C‑120/13,
ayant pour objet des demandes de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduites par l’Amtsgericht Wedding (Allemagne), par décisions, respectivement, des 7 janvier et 5 février 2013, parvenues à la Cour le 14 mars 2013, dans les procédures
eco cosmetics GmbH & Co. KG
contre
Virginie Laetitia Barbara Dupuy (C‑119/13),
et
Raiffeisenbank St. Georgen reg. Gen. mbH
contre
Tetyana Bonchyk (C‑120/13),
LA COUR (troisième chambre),
composée de M. M. Ilešič, président de chambre, MM. C. G. Fernlund, A. Ó Caoimh, Mme C. Toader (rapporteur) et M. E. Jarašiūnas, juges,
avocat général: M. Y. Bot,
greffier: M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
considérant les observations présentées:
— |
pour Mme Dupuy, par Me M. Stawska-Höbel, Rechtsanwältin, |
— |
pour le gouvernement allemand, par M. T. Henze et Mme J. Kemper, en qualité d’agents, |
— |
pour le gouvernement hellénique, par Mmes F. Dedousi et M. Skorila, en qualité d’agents, |
— |
pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. L. D’Ascia, avvocato dello Stato, |
— |
pour la Commission européenne, par Mmes A.‑M. Rouchaud‑Joët et B. Eggers, en qualité d’agents, |
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 9 avril 2014,
rend le présent
Arrêt
1 |
Les demandes de décision préjudicielle portent sur l’interprétation du règlement (CE) no 1896/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, instituant une procédure européenne d’injonction de payer (JO L 399, p. 1). |
2 |
Ces demandes ont été présentées dans le cadre de deux litiges opposant, d’une part, eco cosmetics GmbH & Co. KG (ci-après «eco cosmetics»), ayant son siège social en Allemagne, à Mme Dupuy, domiciliée en France, et, d’autre part, Raiffeisenbank St. Georgen reg. Gen. mbH, ayant son siège social en Autriche, à Mme Bonchyk, domiciliée en Allemagne, au sujet de procédures européennes d’injonction de payer. |
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
3 |
Les considérants 13, 19 et 23 à 25 du règlement no 1896/2006 sont libellés comme suit:
[...]
[...]
|
4 |
Aux termes du considérant 27 dudit règlement, «[...] les procédures d’exécution de l’injonction de payer européenne devraient continuer à être régies par le droit national». |
5 |
L’article 1er, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1896/2006 dispose: «Le présent règlement a pour objet:
|
6 |
L’article 6 dudit règlement, intitulé «Compétence», prévoit, à son paragraphe 1: «Aux fins de l’application du présent règlement, la compétence est déterminée conformément aux règles de droit communautaire applicables en la matière, notamment au règlement (CE) no 44/2001 [du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO L 12, p. 1)].» |
7 |
L’article 12, paragraphes 3 et 5, du règlement no 1896/2006 est libellé comme suit: «3. Dans l’injonction de payer européenne, le défendeur est informé de ce qu’il a la possibilité:
[...] 5. La juridiction veille à ce que l’injonction de payer soit signifiée ou notifiée au défendeur conformément au droit national, selon des modalités conformes aux normes minimales établies aux articles 13, 14 et 15.» |
8 |
L’article 13 du règlement no 1896/2006, intitulé «Signification ou notification assortie de la preuve de sa réception par le défendeur», dispose: «L’injonction de payer européenne peut être signifiée ou notifiée au défendeur, conformément au droit national de l’État dans lequel la signification ou la notification doit être effectuée, par l’un des modes suivants:
|
9 |
L’article 14, paragraphes 1 et 2, de ce règlement, intitulé «Signification ou notification non assortie de la preuve de sa réception par le défendeur», prévoit: «1. L’injonction de payer européenne peut également être signifiée ou notifiée au défendeur conformément au droit national de l’État dans lequel la signification ou la notification doit être effectuée, par l’un des modes suivants:
2. Aux fins du présent règlement, la signification ou la notification au titre du paragraphe 1 n’est pas admise si l’adresse du défendeur n’est pas connue avec certitude.» |
10 |
L’article 15 de ce même règlement, intitulé «Signification ou notification à un représentant», est libellé comme suit: «La signification ou la notification en application des articles 13 ou 14 peut aussi être faite à un représentant du défendeur.» |
11 |
Aux termes de l’article 16 du règlement no 1896/2006: «1. Le défendeur peut former opposition à l’injonction de payer européenne auprès de la juridiction d’origine au moyen du formulaire type F figurant dans l’annexe VI, qui lui est transmis en même temps que l’injonction de payer européenne. 2. L’opposition est envoyée dans un délai de trente jours à compter de la signification ou de la notification de l’injonction au défendeur. 3. Le défendeur indique dans l’opposition qu’il conteste la créance, sans être tenu de préciser les motifs de contestation. [...]» |
12 |
L’article 17, paragraphe 1, dudit règlement énonce: «Si une opposition est formée dans le délai prévu à l’article 16, paragraphe 2, la procédure se poursuit devant les juridictions compétentes de l’État membre d’origine conformément aux règles de la procédure civile ordinaire, sauf si le demandeur a expressément demandé qu’il soit mis un terme à la procédure dans ce cas. [...]» |
13 |
L’article 18 du même règlement, intitulé «Force exécutoire», prévoit: 1. Si, dans le délai prévu à l’article 16, paragraphe 2, compte tenu d’un délai supplémentaire nécessaire à l’acheminement de l’opposition, aucune opposition n’a été formée auprès de la juridiction d’origine, la juridiction d’origine déclare sans tarder l’injonction de payer européenne exécutoire, au moyen du formulaire type G figurant dans l’annexe VII. La juridiction vérifie la date à laquelle l’injonction de payer a été signifiée ou notifiée. 2. Sans préjudice du paragraphe 1, les conditions formelles d’acquisition de la force exécutoire sont régies par le droit de l’État membre d’origine. 3. La juridiction envoie l’injonction de payer européenne exécutoire au demandeur.» |
14 |
L’article 20 du règlement no 1896/2006, intitulé «Réexamen dans des cas exceptionnels», dispose: «1. Après expiration du délai prévu à l’article 16, paragraphe 2, le défendeur a le droit de demander le réexamen de l’injonction de payer européenne devant la juridiction compétente de l’État membre d’origine si:
pour autant que, dans un cas comme dans l’autre, il agisse promptement. 2. Après expiration du délai prévu à l’article 16, paragraphe 2, le défendeur a également le droit de demander le réexamen de l’injonction de payer européenne devant la juridiction compétente de l’État membre d’origine lorsqu’il est manifeste que l’injonction de payer a été délivrée à tort, au vu des exigences fixées par le présent règlement, ou en raison d’autres circonstances exceptionnelles. 3. Si la juridiction rejette la demande du défendeur au motif qu’aucune des conditions de réexamen énoncées aux paragraphes 1 et 2 n’est remplie, l’injonction de payer européenne reste valable. Si la juridiction décide que le réexamen est justifié au motif que l’une des conditions énoncées aux paragraphes 1 et 2 est remplie, l’injonction de payer européenne est nulle et non avenue.» |
15 |
L’article 21, paragraphe 1, dudit règlement énonce: «Sans préjudice des dispositions du présent règlement, les procédures d’exécution sont régies par le droit de l’État membre d’exécution. L’injonction de payer européenne devenue exécutoire est exécutée dans les mêmes conditions qu’une décision exécutoire rendue dans l’État membre d’exécution.» |
16 |
L’article 26 du même règlement, intitulé «Relation avec le droit procédural national», est libellé comme suit: «Toute question procédurale non expressément réglée par le présent règlement est régie par le droit national.» |
Le droit allemand
17 |
En droit allemand, le code de procédure civile (Zivilprozessordnung) indique la procédure à suivre en matière d’injonction de payer. |
Les litiges au principal et les questions préjudicielles
Affaire C‑119/13
18 |
eco cosmetics, une société de droit allemand, a demandé à la juridiction de renvoi la délivrance d’une injonction de payer européenne à l’encontre de Mme Dupuy, domiciliée en France. |
19 |
Le 22 mars 2010, l’Amtsgericht Wedding (tribunal cantonal de Wedding) a, conformément à l’article 12 du règlement no 1896/2006, fait droit à ladite demande et délivré l’injonction de payer européenne sollicitée, pour ensuite la notifier par lettre recommandée internationale avec accusé de réception. Ainsi qu’il résulte de l’accusé de réception, cette injonction a été notifiée le 31 mars 2010 à l’adresse indiquée par eco cosmetics. L’accusé de réception ne comporte pas d’autres indications concernant la notification. |
20 |
Le 20 mai 2010, la juridiction de renvoi a déclaré ladite injonction exécutoire. |
21 |
Par lettre d’avocat du 28 juillet 2010, Mme Dupuy a contesté l’injonction de payer en cause. Par lettre du 5 août 2010, la juridiction de renvoi a signalé que l’opposition était hors délai et que, à ce stade, il était uniquement possible de faire une demande de réexamen conformément à l’article 20 du règlement no 1896/2006. |
22 |
Deux mois plus tard, par lettre du 7 octobre 2010, Mme Dupuy a présenté une demande de réexamen, sans exposé plus précis quant au fond. Six mois plus tard, par lettre d’avocat du 13 avril 2011, elle a motivé sa demande de réexamen. |
23 |
Mme Dupuy fait notamment valoir que l’injonction de payer européenne délivrée à son encontre ne lui a été notifiée à aucun moment. Elle précise qu’elle avait quitté le logement situé à l’adresse indiquée par eco cosmetics depuis le mois d’octobre 2009 et qu’elle a seulement eu connaissance de cette injonction par sa banque le 23 juillet 2010. |
Affaire C‑120/13
24 |
Raiffeisenbank St. Georgen reg. Gen. mbH, une banque de droit autrichien, a demandé à la juridiction de renvoi de délivrer une injonction de payer européenne à l’encontre de Mme Bonchyk, domiciliée en Allemagne. |
25 |
Le 2 septembre 2010, l’Amtsgericht Wedding a délivré l’injonction de payer européenne sollicitée et a tenté à deux reprises, sans succès, de la faire notifier par voie postale aux adresses indiquées par ladite banque. |
26 |
Ultérieurement, la même banque a indiqué une autre adresse à laquelle l’injonction de payer européenne en cause a été notifiée par dépôt dans la boîte aux lettres en date du 1er février 2011. |
27 |
Le 10 mars 2011, l’Amtsgericht Wedding a déclaré ladite injonction exécutoire. |
28 |
Par télécopie du 1er juin 2011, Mme Bonchyk a contesté l’injonction de payer européenne délivrée à son encontre. Elle a fait valoir qu’elle a eu uniquement par hasard connaissance de l’existence de cette injonction et que, depuis l’année 2009, elle n’habitait plus à l’adresse où celle-ci a été notifiée. |
29 |
Par lettre du 17 juin 2011, l’Amtsgericht Wedding a indiqué à Mme Bonchyk que son opposition était hors délai et que, à ce stade, il était uniquement possible de faire une demande de réexamen conformément à l’article 20 du règlement no 1896/2006. Par lettre d’avocat du 24 juin 2011, l’intéressée a présenté une demande de réexamen. |
30 |
Dans ces conditions, l’Amtsgericht Wedding a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes, qui sont formulées de manière identique dans les affaires C‑119/13 et C‑120/13, à l’exception de la deuxième question préjudicielle qui est propre à l’affaire C‑119/13:
|
31 |
Par ordonnance du président de la Cour du 8 avril 2013, les affaires C‑119/13 et C‑120/13 ont été jointes aux fins de la procédure écrite et orale ainsi que de l’arrêt. |
Sur les questions préjudicielles
Sur la première question
32 |
À titre liminaire, il convient de rappeler que, dans le cadre de la procédure de coopération entre les juridictions nationales et la Cour instituée à l’article 267 TFUE, il appartient à celle-ci de donner au juge national une réponse utile qui lui permette de trancher le litige dont il est saisi. Dans cette optique, il incombe, le cas échéant, à la Cour de reformuler les questions qui lui sont soumises. En effet, la Cour a pour mission d’interpréter toutes les dispositions du droit de l’Union dont les juridictions nationales ont besoin afin de statuer sur les litiges qui leur sont soumis, même si ces dispositions ne sont pas indiquées expressément dans les questions qui lui sont adressées par ces juridictions (arrêt Worten, C‑342/12, EU:C:2013:355, point 30 et jurisprudence citée). |
33 |
En conséquence, même si, sur le plan formel, les questions posées se réfèrent principalement à l’interprétation de l’article 20 du règlement no 1896/2006, une telle circonstance ne fait pas obstacle à ce que la Cour fournisse tous les éléments d’interprétation du droit de l’Union qui peuvent être utiles au jugement des affaires au principal. Il appartient, à cet égard, à la Cour d’extraire de l’ensemble des éléments fournis par la juridiction nationale, et notamment de la motivation des décisions de renvoi, les éléments dudit droit qui appellent une interprétation compte tenu de l’objet des litiges (arrêt Worten, EU:C:2013:355, point 31 et jurisprudence citée). |
34 |
En l’occurrence, il ressort des dossiers dont dispose la Cour que la juridiction de renvoi n’exclut pas l’application, dans les circonstances des affaires au principal, de la procédure d’opposition prévue aux articles 16 et 17 du règlement no 1896/2006. En outre, les gouvernements hellénique et italien considèrent ces dispositions comme étant les seules applicables dans les circonstances des affaires au principal. |
35 |
L’interprétation des articles 18 et 19 de ce règlement est également pertinente dans le cadre des affaires au principal, étant donné que les injonctions de payer européennes ont été déclarées exécutoires par la juridiction de renvoi. |
36 |
Dans ces conditions, en vue de répondre utilement à la juridiction de renvoi, il convient de reformuler la première question comme visant, en substance, à savoir si le règlement no 1896/2006 doit être interprété en ce sens que les procédures visées aux articles 16 à 20 de ce règlement sont applicables lorsqu’il s’avère qu’une injonction de payer n’a pas été signifiée ou notifiée de manière conforme aux normes minimales établies aux articles 13 à 15 dudit règlement. |
37 |
À cet égard, il convient de relever d’emblée qu’il ressort des articles 12, paragraphe 5, et 13 à 15 du règlement no 1896/2006 que toute injonction visée par ce règlement doit faire l’objet d’une signification ou d’une notification qui, en suivant l’un des modes décrits auxdits articles 13 à 15, est conforme aux normes minimales imposées par ce règlement. Ainsi que l’a relevé M. l’avocat général aux points 36 à 41 de ses conclusions, en cas de méconnaissance de ces normes minimales, l’équilibre entre les objectifs, poursuivis par le règlement no 1896/2006, de rapidité et d’efficacité, d’une part, et de respect des droits de la défense, d’autre part, serait compromis. |
38 |
En ce qui concerne, en premier lieu, l’éventuelle application de la procédure d’opposition prévue aux articles 16 et 17 du règlement no 1896/2006, il convient de préciser que, ainsi qu’il découle du considérant 24 dudit règlement, l’opposition est la voie ordinaire qui met fin à la procédure d’injonction de payer européenne, entraînant le passage automatique du litige à la procédure civile ordinaire. |
39 |
En effet, dès que les créances à l’origine d’une injonction de payer européenne sont contestées au moyen de l’opposition, la procédure spéciale régie par le règlement no 1896/2006 ne s’applique plus, étant donné que, conformément à l’article 1er, paragraphe 1, sous a), dudit règlement, celle-ci a pour objet uniquement de «simplifier, d’accélérer et de réduire les coûts de règlement dans les litiges transfrontaliers concernant des créances pécuniaires incontestées». |
40 |
À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 16 du règlement no 1896/2006, le défendeur peut former opposition à l’injonction de payer européenne auprès de la juridiction d’origine au moyen du formulaire type F qui lui est transmis en même temps que le formulaire type E contenant l’injonction. L’opposition doit être formée dans un délai de 30 jours à compter de la signification ou de la notification de l’injonction. |
41 |
Or, dans la mesure où l’injonction de payer européenne n’est pas signifiée ou notifiée de manière conforme aux normes minimales établies aux articles 13 à 15 du règlement no 1896/2006, le défendeur ne reçoit pas les formulaires mentionnés au point 40 du présent arrêt et n’est donc pas informé de manière régulière de l’existence et du fondement de l’injonction de payer européenne délivrée à son encontre. Dans un tel cas, celui-ci n’a pas nécessairement toutes les informations utiles lui permettant de décider s’il doit ou non s’opposer à cette injonction. |
42 |
Une telle situation ne saurait être compatible avec les droits de la défense, de sorte qu’une application de la procédure d’opposition prévue aux articles 16 et 17 du règlement no 1896/2006 ne peut pas être envisagée dans des circonstances telles que celles en cause au principal. |
43 |
En second lieu, il convient de préciser que, en cas d’absence d’une signification ou d’une notification conforme aux normes minimales établies aux articles 13 à 15 du règlement no 1896/2006, le délai d’opposition visé à l’article 16, paragraphe 2, de ce règlement ne commence pas à courir, de sorte que la validité des procédures qui dépendent de l’expiration de ce délai, telles que la déclaration de force exécutoire visée à l’article 18 dudit règlement ou la demande de réexamen visée à l’article 20 de celui-ci, même si elles ont déjà été déclenchées, est remise en cause. |
44 |
S’agissant plus particulièrement de la procédure de réexamen, il y a lieu de rappeler que celle-ci n’intervient, ainsi que l’intitulé même de l’article 20 du règlement no 1896/2006 l’indique, que «dans des cas exceptionnels» prévus de manière limitative à cet article, le défaut de signification ou de notification ne faisant pas partie de ces situations exceptionnelles. |
45 |
En tout état de cause, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 26 du règlement no 1896/2006, toute question procédurale non expressément réglée par ce règlement «est régie par le droit national», de sorte que, dans un tel cas, une application par analogie dudit règlement est exclue. |
46 |
Or, en l’occurrence, le règlement no 1896/2006 reste muet quant aux éventuelles voies de recours qui s’offrent au défendeur lorsque ce n’est qu’après la déclaration de force exécutoire d’une injonction de payer européenne qu’il s’avère que cette injonction n’a pas été signifiée ou notifiée de manière conforme aux normes minimales énoncées aux articles 13 à 15 de ce règlement. |
47 |
Il s’ensuit que, dans un tel cas, ces questions procédurales demeurent régies par le droit national conformément à l’article 26 du règlement no 1896/2006. |
48 |
En tout état de cause, il convient de souligner que, ainsi qu’il ressort du point 43 du présent arrêt, lorsqu’une injonction de payer européenne n’a pas été signifiée ou notifiée de manière conforme aux normes minimales établies aux articles 13 à 15 du règlement no 1896/2006, elle ne saurait bénéficier de l’application de la procédure d’exécution prévue à l’article 18 dudit règlement. Il s’ensuit que la déclaration de force exécutoire d’une telle injonction de payer doit être considérée comme invalide. |
49 |
Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre à la première question que le règlement no 1896/2006 doit être interprété en ce sens que les procédures visées aux articles 16 à 20 de ce règlement ne sont pas applicables lorsqu’il s’avère qu’une injonction de payer européenne n’a pas été signifiée ou notifiée de manière conforme aux normes minimales établies aux articles 13 à 15 dudit règlement. Lorsque ce n’est qu’après la déclaration de force exécutoire d’une injonction de payer européenne qu’une telle irrégularité est révélée, le défendeur doit avoir la possibilité de dénoncer cette irrégularité, laquelle doit, si elle est dûment démontrée, entraîner l’invalidité de cette déclaration de force exécutoire. |
Sur les deuxième et troisième questions
50 |
Compte tenu de la réponse apportée à la première question, il n’y a pas lieu de répondre aux deuxième et troisième questions posées. |
Sur les dépens
51 |
La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement. |
Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit: |
Le règlement (CE) no 1896/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, instituant une procédure européenne d’injonction de payer, doit être interprété en ce sens que les procédures visées aux articles 16 à 20 de ce règlement ne sont pas applicables lorsqu’il s’avère qu’une injonction de payer européenne n’a pas été signifiée ou notifiée de manière conforme aux normes minimales établies aux articles 13 à 15 dudit règlement. |
Lorsque ce n’est qu’après la déclaration de force exécutoire d’une injonction de payer européenne qu’une telle irrégularité est révélée, le défendeur doit avoir la possibilité de dénoncer cette irrégularité, laquelle doit, si elle est dûment démontrée, entraîner l’invalidité de cette déclaration de force exécutoire. |
Signatures |
( *1 ) Langue de procédure: l’allemand.