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Document 62010CJ0025

    Arrêt de la Cour (deuxième chambre) du 10 février 2011.
    Missionswerk Werner Heukelbach eV contre État belge.
    Demande de décision préjudicielle: Tribunal de première instance de Liège - Belgique.
    Fiscalité directe - Libre circulation des capitaux - Impôt sur les successions - Legs en faveur d’organismes sans but lucratif - Refus d’appliquer un taux réduit lorsque ces organismes ont leur siège d’opération dans un État membre autre que celui dans lequel le de cujus résidait ou travaillait effectivement - Restriction - Justification.
    Affaire C-25/10.

    Recueil de jurisprudence 2011 I-00497

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:2011:65

    Affaire C-25/10

    Missionswerk Werner Heukelbach eV

    contre

    État belge

    (demande de décision préjudicielle, introduite par

    le tribunal de première instance de Liège)

    «Fiscalité directe — Libre circulation des capitaux — Impôt sur les successions — Legs en faveur d’organismes sans but lucratif — Refus d’appliquer un taux réduit lorsque ces organismes ont leur siège d’opération dans un État membre autre que celui dans lequel le de cujus résidait ou travaillait effectivement — Restriction — Justification»

    Sommaire de l'arrêt

    Libre circulation des capitaux — Restrictions — Impôt sur les successions

    (Art. 63 TFUE)

    L’article 63 TFUE s’oppose à la législation d’un État membre qui réserve la possibilité de bénéficier du taux réduit des droits de succession aux organismes sans but lucratif ayant leur siège d’opération dans cet État membre ou dans l’État membre dans lequel le de cujus résidait effectivement ou avait son lieu de travail, au moment de son décès, ou dans lequel il a antérieurement effectivement résidé ou eu son lieu de travail.

    En effet, s'il est légitime pour un État membre d’exiger, aux fins de l’octroi de certains avantages fiscaux, qu’un lien suffisamment étroit existe entre les organismes qu’il reconnaît comme poursuivant certains de ses objectifs d’intérêt général et les activités qu’ils exercent, celui-ci ne saurait toutefois réserver le bénéfice de tels avantages aux seuls organismes établis sur son territoire et dont les activités sont susceptibles de le décharger de certaines de ses responsabilités. En particulier, l’éventualité pour un État membre d’être déchargé de certaines de ses responsabilités ne permet pas à celui-ci d’introduire une différence de traitement entre les organismes reconnus d’intérêt général nationaux et ceux établis dans un autre État membre au motif que les legs effectués au profit de ces derniers organismes, quand bien même les activités de ceux-ci s’inscrivent dans les objectifs de la législation du premier État membre, ne peuvent conduire à une compensation budgétaire. En effet, la nécessité de prévenir la réduction de recettes fiscales ne figure ni parmi les objectifs énoncés à l’article 65 TFUE, ni parmi les raisons impérieuses d’intérêt général susceptibles de justifier une restriction à une liberté instituée par le traité FUE.

    (cf. points 30-31, 37 et disp.)







    ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

    10 février 2011 (*)

    «Fiscalité directe – Libre circulation des capitaux – Impôt sur les successions – Legs en faveur d’organismes sans but lucratif – Refus d’appliquer un taux réduit lorsque ces organismes ont leur siège d’opération dans un État membre autre que celui dans lequel le de cujus résidait ou travaillait effectivement – Restriction − Justification»

    Dans l’affaire C‑25/10,

    ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le tribunal de première instance de Liège (Belgique), par décision du 7 janvier 2010, parvenue à la Cour le 15 janvier 2010, dans la procédure

    Missionswerk Werner Heukelbach eV

    contre

    État belge,

    LA COUR (deuxième chambre),

    composée de M. J. N. Cunha Rodrigues, président de chambre, MM. A. Arabadjiev, U. Lõhmus (rapporteur), A. Ó Caoimh et Mme P. Lindh, juges,

    avocat général: M. N. Jääskinen,

    greffier: Mme C. Strömholm, administrateur,

    vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 28 octobre 2010,

    considérant les observations présentées:

    –        pour Missionswerk Werner Heukelbach eV, par Me J. Roseleth, avocat,

    –        pour le gouvernement belge, par Mme M. Jacobs et M. J.-C. Halleux, en qualité d’agents, assistés de Me E. Jacubowitz, avocat,

    –        pour la Commission européenne, par MM. R. Lyal et J.-P. Keppenne, en qualité d’agents,

    vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

    rend le présent

    Arrêt

    1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 18 TFUE, 45 TFUE, 49 TFUE et 54 TFUE.

    2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Missionswerk Werner Heukelbach eV (ci-après le «Missionswerk») à l’État belge au sujet du refus de celui-ci d’appliquer le taux réduit des droits dus à l’occasion d’une succession dont cette association a bénéficié.

     Le cadre juridique

     La réglementation de l’Union

    3        Aux termes de l’article 1er de la directive 88/361/CEE du Conseil, du 24 juin 1988, pour la mise en œuvre de l’article 67 du traité [article abrogé par le traité d’Amsterdam] (JO L 178, p. 5):

    «1.      Les États membres suppriment les restrictions aux mouvements de capitaux intervenant entre les personnes résidant dans les États membres, sans préjudice des dispositions figurant ci-après. Pour faciliter l’application de la présente directive, les mouvements de capitaux sont classés selon la nomenclature établie à l’annexe I.

    2.      Les transferts afférents aux mouvements de capitaux s’effectuent aux mêmes conditions de change que celles pratiquées pour les paiements relatifs aux transactions courantes.»

    4        Parmi les mouvements de capitaux énumérés à l’annexe I de la directive 88/361 figurent, à la rubrique XI, les «Mouvements de capitaux à caractère personnel», qui comprennent les successions et les legs.

     La réglementation nationale

    5        L’article 59, point 2, du code des droits de succession établi par l’arrêté royal n° 308, du 31 mars 1936 (Moniteur belge du 7 avril 1936, p. 2403), confirmé par la loi du 4 mai 1936 (Moniteur belge du 7 mai 1936, p. 3426, ci-après le «code»), énonce que les droits de succession et de mutation par décès sont réduits «à 7 % pour les legs faits aux associations sans but lucratif, aux mutualités ou unions nationales de mutualités, aux unions professionnelles et aux associations internationales sans but lucratif, aux fondations privées et aux fondations d’utilité publique».

    6        Aux termes de l’article 60, paragraphe 1, du code, tel que modifié par le décret-programme du gouvernement wallon, du 18 décembre 2003, portant diverses mesures en matière de fiscalité régionale, de trésorerie et de dette, d’organisation des marchés de l’énergie, d’environnement, d’agriculture, de pouvoirs locaux et subordonnés, de patrimoine et de logement et de la Fonction publique (Moniteur belge du 6 février 2004, p. 7196), le taux réduit prévu à l’article 59, point 2, dudit code n’est applicable qu’aux organismes et institutions réunissant les conditions suivantes:

    «a.      l’organisme ou l’institution doit avoir un siège d’opération:

    –        soit en Belgique;

    –        soit dans l’État membre de la Communauté européenne dans lequel le de cujus résidait effectivement ou avait son lieu de travail au moment de son décès, ou dans lequel il a antérieurement effectivement résidé ou eu son lieu de travail;

    b.      l’organisme ou l’institution doit poursuivre dans ce siège, à titre principal et dans un but désintéressé, des objectifs de nature environnementale, philanthropique, philosophique, religieuse, scientifique, artistique, pédagogique, culturelle, sportive, politique, syndicale, professionnelle, humanitaire, patriotique ou civique, d’enseignement, de soins aux personnes ou aux animaux, d’assistance sociale ou d’encadrement des personnes, au moment de l’ouverture de la succession;

    c.      l’organisme ou l’institution doit avoir son siège statutaire, son administration centrale ou son principal établissement sur le territoire de l’Union européenne.»

     Le litige au principal et la question préjudicielle

    7        Le Missionswerk est une association religieuse ayant son siège statutaire en Allemagne. Par testament olographe du 5 novembre 2003, cette association a été désignée comme légataire universel de Mme Renardie, ressortissante belge. La testatrice, ayant résidé toute sa vie en Belgique, est décédée à Malmedy (Belgique) le 12 juin 2004.

    8        Le 14 juin 2005, le Missionswerk a déposé une déclaration de succession au nom de la défunte auprès de l’administration de l’enregistrement et des domaines de Malmedy (ci-après l’«administration») et a, par la suite, payé les droits de succession au taux marginal de 80 % réclamés par cette administration, pour un montant de 60 038,51 euros.

    9        Par une lettre du 1er décembre 2005, le Missionswerk a demandé à l’administration le bénéfice du taux réduit des droits de succession prévu à l’article 59, point 2, du code. Cette demande a été rejetée, au motif que cette association ne répondait pas aux conditions fixées à l’article 60, paragraphe 1, de ce code.

    10      Le 7 août 2006, le Missionswerk a sollicité de l’administration le remboursement de la différence entre le montant des droits résultant de l’application du taux marginal et celui résultant de l’application du taux réduit. Sa demande a été rejetée par ladite administration au motif qu’il n’était pas suffisamment prouvé que Mme Renardie avait soit résidé soit travaillé en Allemagne.

    11      Dans sa requête introduite devant la juridiction de renvoi, le Missionswerk demande la restitution des droits de succession dont le montant excède celui qui résulte de l’application du taux réduit dont elle revendique le bénéfice. Cette association soutient que les articles 59, point 2, et 60, paragraphe 1, du code créent une discrimination au détriment des résidents de la région wallonne qui lèguent leurs biens au profit d’associations ou d’organismes caritatifs établis dans des États membres de l’Union dans lesquels ils n’ont jamais résidé ni travaillé.

    12      Dans ces conditions, le tribunal de première instance de Liège a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

    «Faut-il interpréter les articles 18 [TFUE], 45 [TFUE], 49 [TFUE] et 54 [TFUE] en ce qu’ils interdisent l’adoption ou le maintien, par le législateur d’un État membre, d’une règle ayant pour objet de réserver le bénéfice d’une taxation au taux réduit de 7 % aux associations sans but lucratif, aux mutualités ou aux unions nationales de mutualités, aux unions professionnelles et aux associations internationales sans but lucratif, aux fondations privées et aux fondations d’utilité publique, ressortissantes d’un État membre où le de cujus – résident wallon – résidait effectivement ou où il avait son lieu de travail au moment de son décès, ou dans lequel il a antérieurement effectivement résidé ou eu son lieu de travail?»

     Sur la question préjudicielle

     Sur l’identification des dispositions pertinentes du droit de l’Union

    13      La juridiction de renvoi a posé sa question préjudicielle au regard des articles 18 TFUE, 45 TFUE, 49 TFUE et 54 TFUE. La Commission européenne estime, cependant, que la situation en cause au principal relève de la libre circulation des capitaux.

    14      À cet égard, il y a lieu, tout d’abord, de constater que, s’agissant d’une question concernant la compatibilité avec le droit de l’Union de dispositions nationales relatives à l’imposition des droits de succession, ni la libre circulation des travailleurs (article 45 TFUE) ni la liberté d’établissement (articles 49 TFUE et 54 TFUE) ne sont pertinentes.

    15      Concernant, ensuite, la libre circulation des capitaux, il y a lieu de rappeler que, en l’absence, dans le traité FUE, de définition de la notion de «mouvements de capitaux», la Cour a reconnu une valeur indicative à la nomenclature annexée à la directive 88/361, même si celle-ci a été adoptée sur le fondement des articles 69 et 70, paragraphe 1, du traité CEE (les articles 67 à 73 du traité CEE ont été remplacés par les articles 73 B à 73 G du traité CE, eux-mêmes devenus articles 56 CE à 60 CE), étant entendu que, conformément à son introduction, la liste qu’elle contient ne présente pas un caractère exhaustif (voir arrêts du 23 février 2006, van Hilten-van der Heijden, C‑513/03, Rec. p. I‑1957, point 39; du 14 septembre 2006, Centro di Musicologia Walter Stauffer, C‑386/04, Rec. p. I‑8203, point 22; du 11 septembre 2008, Eckelkamp e.a., C‑11/07, Rec. p. I‑6845, point 38; du 11 septembre 2008, Arens‑Sikken, C‑43/07, Rec. p. I‑6887, point 29, et du 22 avril 2010, Mattner, C‑510/08, non encore publié au Recueil, point 19).

    16      À cet égard, la Cour, en rappelant notamment que les successions, qui consistent en une transmission à une ou plusieurs personnes du patrimoine laissé par une personne décédée, relèvent de la rubrique XI de l’annexe I de la directive 88/361, intitulée «Mouvements de capitaux à caractère personnel», a jugé que les successions constituent des mouvements de capitaux au sens de l’article 63 TFUE, à l’exception des cas où leurs éléments constitutifs se cantonnent à l’intérieur d’un seul État membre (voir, en ce sens, arrêt Eckelkamp e.a., précité, point 39 et jurisprudence citée). Or, une situation, telle que celle en cause au principal, dans laquelle une personne résidant en Belgique a effectué un legs en faveur d’un organisme sans but lucratif ayant son siège statutaire en Allemagne ne constitue nullement une situation purement interne.

    17      Il s’ensuit que les dispositions du traité FUE relatives à la libre circulation des capitaux s’appliquent dans une affaire telle que celle au principal.

    18      En ce qui concerne, enfin, la pertinence de la référence que comporte la question préjudicielle à l’article 18 TFUE, qui consacre le principe général d’interdiction de toute discrimination en raison de la nationalité, il convient de rappeler que cette disposition n’a vocation à s’appliquer de manière autonome que dans des situations régies par le droit de l’Union pour lesquelles le traité FUE ne prévoit pas de règles spécifiques de non-discrimination (arrêts du 21 janvier 2010, SGI, C‑311/08, non encore publié au Recueil, point 31 et jurisprudence citée, ainsi que du 26 octobre 2010, Schmelz, C‑97/09, non encore publié au Recueil, point 44).

    19      Les dispositions relatives à la libre circulation des capitaux étant applicables et prévoyant des règles spécifiques de non-discrimination, l’article 18 TFUE ne trouve donc pas à s’appliquer.

    20      Dès lors, il y a lieu de considérer que, par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 63 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une législation d’un État membre qui réserve la possibilité de bénéficier du taux réduit des droits de succession aux organismes sans but lucratif ayant leur siège d’opération dans cet État membre ou dans l’État membre dans lequel le de cujus résidait effectivement ou avait son lieu de travail, au moment de son décès, ou dans lequel il a antérieurement effectivement résidé ou eu son lieu de travail.

     Sur l’existence d’une restriction à la libre circulation des capitaux

    21      L’article 63, paragraphe 1, TFUE interdit de façon générale les restrictions aux mouvements de capitaux entre les États membres.

    22      Il résulte d’une jurisprudence constante que les mesures interdites par l’article 63, paragraphe 1, TFUE, en tant que restrictions aux mouvements de capitaux, comprennent, en cas de successions, celles qui ont pour effet de diminuer la valeur de la succession d’un résident d’un État autre que l’État membre où se trouvent les biens concernés et qui impose la succession desdits biens (arrêt van Hilten-van der Heijden, précité, point 44 et jurisprudence citée).

    23      En l’occurrence, la législation nationale en cause au principal réserve la possibilité de bénéficier du taux réduit des droits de succession aux organismes sans but lucratif ayant leur siège d’opération en Belgique ou dans l’État membre dans lequel le de cujus résidait effectivement ou avait son lieu de travail, au moment de son décès, ou dans lequel il a antérieurement effectivement résidé ou eu son lieu de travail.

    24      Ainsi, cette législation aboutit à ce qu’une succession soit imposée plus lourdement lorsqu’elle a pour bénéficiaire un organisme sans but lucratif ayant son siège d’opération dans un État membre où le de cujus n’a pas effectivement résidé ni travaillé et, par conséquent, a pour effet de restreindre les mouvements de capitaux en diminuant la valeur de ladite succession (voir, par analogie, arrêt Eckelkamp e.a., précité, point 45).

    25      En outre, ainsi que l’a relevé la Commission, l’application d’un taux d’imposition plus élevé à certains mouvements de capitaux transfrontaliers par rapport à celui appliqué aux mouvements à l’intérieur de la Belgique est de nature à rendre moins attrayants ces mouvements de capitaux transfrontaliers, en dissuadant les résidents belges de désigner comme légataires des personnes établies dans des États membres dans lesquels ils n’ont pas effectivement résidé ou travaillé (voir, en ce sens, arrêt du 27 janvier 2009, Persche, C‑318/07, Rec. p. I-359, point 38).

    26      Une telle législation nationale constitue donc une restriction à la libre circulation des capitaux, au sens de l’article 63, paragraphe 1, TFUE.

     Sur la justification de la restriction à la libre circulation des capitaux

    27      Selon le gouvernement belge, la différence de traitement qui résulte de la législation wallonne en cause au principal est justifiée dès lors que, au regard de l’objectif recherché par la législation belge, les organismes sans but lucratif, tels que celui en cause au principal, ne se trouvent pas dans une situation objectivement comparable à celle des organismes dont le siège d’opération se situe en Belgique. Les États membres seraient en droit, d’une part, d’exiger qu’un lien suffisamment étroit existe entre les organismes sans but lucratif et les activités qu’ils exercent aux fins de l’octroi de certains avantages fiscaux et, d’autre part, de décider quels sont les intérêts de la collectivité qu’ils veulent promouvoir en octroyant des avantages fiscaux à ces organismes. En l’espèce, la collectivité belge retirerait un profit de ladite législation.

    28      À cet égard, il convient de rappeler que, conformément à l’article 65, paragraphes 1, sous a), et 3, TFUE, l’article 63 TFUE ne porte pas atteinte au droit qu’ont les États membres d’appliquer les dispositions pertinentes de leur législation fiscale qui établissent une distinction entre les contribuables qui ne se trouvent pas dans la même situation en ce qui concerne leur résidence ou le lieu où leurs capitaux sont investis, pourvu que ces dispositions ne constituent ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée à la libre circulation des capitaux et des paiements telle que définie à cet article 63.

    29      Il ressort de la jurisprudence que, pour qu’une réglementation fiscale nationale puisse être considérée comme compatible avec les dispositions du traité FUE relatives à la libre circulation des capitaux, il faut que la différence de traitement concerne des situations qui ne sont pas objectivement comparables ou qu’elle soit justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général (voir arrêts du 6 juin 2000, Verkooijen, C‑35/98, Rec. p. I‑4071, point 43; du 7 septembre 2004, Manninen, C‑319/02, Rec. p. I‑7477, point 29; du 8 septembre 2005, Blanckaert, C‑512/03, Rec. p. I‑7685, point 42, et du 17 septembre 2009, Glaxo Wellcome, C‑182/08, Rec. p. I‑8591, point 68).

    30      La Cour a déjà jugé que, s’il est légitime pour un État membre d’exiger, aux fins de l’octroi de certains avantages fiscaux, qu’un lien suffisamment étroit existe entre les organismes qu’il reconnaît comme poursuivant certains de ses objectifs d’intérêt général et les activités qu’ils exercent (voir, en ce sens, arrêt Centro di Musicologia Walter Stauffer, précité, point 37), celui-ci ne saurait toutefois réserver le bénéfice de tels avantages aux seuls organismes établis sur son territoire et dont les activités sont susceptibles de le décharger de certaines de ses responsabilités (arrêt Persche, précité, point 44).

    31      En particulier, l’éventualité pour un État membre d’être déchargé de certaines de ses responsabilités ne permet pas à celui-ci d’introduire une différence de traitement entre les organismes reconnus d’intérêt général nationaux et ceux établis dans un autre État membre au motif que les legs effectués au profit de ces derniers organismes, quand bien même les activités de ceux-ci s’inscrivent dans les objectifs de la législation du premier État membre, ne peuvent conduire à une compensation budgétaire. En effet, il ressort d’une jurisprudence constante que la nécessité de prévenir la réduction de recettes fiscales ne figure ni parmi les objectifs énoncés à l’article 65 TFUE, ni parmi les raisons impérieuses d’intérêt général susceptibles de justifier une restriction à une liberté instituée par le traité FUE (arrêt Persche, précité, point 46).

    32      La Cour a également jugé que, lorsqu’un organisme reconnu d’intérêt général dans un État membre remplit les conditions imposées à cette fin par la législation d’un autre État membre et a comme objectif la promotion d’intérêts de la collectivité identiques, de sorte qu’il serait susceptible d’être reconnu d’intérêt général dans ce dernier État membre, ce qu’il appartient aux autorités nationales de ce même État membre, y compris les juridictions, d’apprécier, les autorités de cet État membre ne sauraient refuser à cet organisme le droit à l’égalité de traitement pour la seule raison qu’il n’est pas établi sur le territoire dudit État membre (arrêt Persche, précité, point 49).

    33      En effet, un organisme établi dans un État membre et qui remplit les conditions imposées à cette fin par un autre État membre pour l’octroi d’avantages fiscaux se trouve, à l’égard de l’octroi par ce dernier État membre d’avantages fiscaux visant à encourager les activités d’intérêt général concernées, dans une situation comparable à celle des organismes reconnus d’intérêt général qui sont établis dans ce dernier État membre (arrêt Persche, précité, point 50).

    34      En l’occurrence, il y a lieu de constater que la législation wallonne en cause au principal retient comme critère le lieu du siège d’opération de l’organisme sans but lucratif, lequel siège doit être situé soit en Belgique soit dans un État membre dans lequel le de cujus a résidé ou avait son lieu de travail, pour déterminer s’il convient d’appliquer un taux de droits de succession réduit. Dans ces circonstances, ainsi qu’il résulte de la jurisprudence rappelée aux points 31 à 33 du présent arrêt, lorsque l’organisme reconnu d’intérêt général en cause remplit les conditions autres que celle relative au lieu du siège d’opération imposées par la législation wallonne afin de bénéficier d’avantages fiscaux en matière de droits de succession, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi d’apprécier, les autorités de cet État membre ne sauraient refuser à cet organisme le droit à l’égalité de traitement au motif qu’il n’a pas de siège d’opération sur le territoire dudit État membre ni dans l’État membre où le de cujus a travaillé ou résidé.

    35      En tout état de cause, il convient de considérer que la législation belge en cause au principal ne permet pas d’atteindre l’objectif poursuivi, consistant à favoriser fiscalement les seuls organismes dont les activités bénéficient à la collectivité belge.

    36      En effet, ladite législation, en retenant comme critère le lieu du siège d’opération de l’organisme concerné pour établir l’existence d’un lien étroit avec la collectivité belge, aboutit à traiter non seulement de façon différente les organismes qui ont leur siège sur le territoire belge et ceux qui ne remplissent pas ce critère tout en ayant un lien étroit avec cette collectivité, mais aussi de manière similaire les organismes ayant leur siège d’opération en Belgique, qu’ils aient ou non établi un lien étroit avec ladite collectivité.

    37      Il résulte de l’ensemble de ce qui précède qu’il convient de répondre à la question posée que l’article 63 TFUE s’oppose à la législation d’un État membre qui réserve la possibilité de bénéficier du taux réduit des droits de succession aux organismes sans but lucratif ayant leur siège d’opération dans cet État membre ou dans l’État membre dans lequel le de cujus résidait effectivement ou avait son lieu de travail, au moment de son décès, ou dans lequel il a antérieurement effectivement résidé ou eu son lieu de travail.

     Sur les dépens

    38      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

    Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit:

    L’article 63 TFUE s’oppose à la législation d’un État membre qui réserve la possibilité de bénéficier du taux réduit des droits de succession aux organismes sans but lucratif ayant leur siège d’opération dans cet État membre ou dans l’État membre dans lequel le de cujus résidait effectivement ou avait son lieu de travail, au moment de son décès, ou dans lequel il a antérieurement effectivement résidé ou eu son lieu de travail.

    Signatures


    * Langue de procédure: le français.

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