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Document 62008CO0535

    Ordonnance de la Cour (sixième chambre) du 26 mars 2009.
    Maria Catena Rita Pignataro contre Ufficio centrale circoscrizionale presso il Tribunale di Catania et autres.
    Demande de décision préjudicielle: Tribunale amministrativo regionale per la Sicilia - Italie.
    Conditions d’éligibilité à des élections régionales - Exigence de résidence dans la région concernée - Articles 17 CE et 18 CE - Droits fondamentaux - Absence de rattachement au droit communautaire - Incompétence manifeste de la Cour.
    Affaire C-535/08.

    Recueil de jurisprudence 2009 I-00050*

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:2009:204

    ORDONNANCE DU 26. 3. 2009 – AFFAIRE C-535/08

    PIGNATARO

    ORDONNANCE DE LA COUR (sixième chambre)

    26 mars 2009 (*)

    «Conditions d’éligibilité à des élections régionales – Exigence de résidence dans la région concernée – Articles 17 CE et 18 CE – Droits fondamentaux – Absence de rattachement au droit communautaire – Incompétence manifeste de la Cour»

    Dans l’affaire C‑535/08,

    ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Tribunale amministrativo regionale per la Sicilia (Italie), par décision du 9 octobre 2008, parvenue à la Cour le 3 décembre 2008, dans la procédure

    Maria Catena Rita Pignataro

    contre

    Ufficio centrale circoscrizionale presso il Tribunale di Catania,

    Ufficio centrale regionale per l’elezione del Presidente dell’Assemblea regionale siciliana presso la Corte d’appello di Palermo,

    Assemblea regionale siciliana,

    Presidenza del Consiglio dei Ministri,

    Ministero dell’Interno,

    Ministero dell’Economia,

    Andrea Vitale,

    Antonino Di Guardo,

    Fabio M. Mancuso,

    LA COUR (sixième chambre),

    composée de M. J.-C. Bonichot, président de chambre, MM. K. Schiemann (rapporteur) et P. Kūris, juges,

    avocat général: M. M. Poiares Maduro,

    greffier: M. R. Grass,

    la Cour se proposant de statuer par voie d’ordonnance motivée conformément aux articles 92, paragraphe 1, et 104, paragraphe 3, premier alinéa, de son règlement de procédure,

    l’avocat général entendu,

    rend la présente

    Ordonnance

    1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation, d’une part, des articles 6 UE, 3 du protocole additionnel n° 1 à la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (ci-après, respectivement, le «protocole additionnel n° 1» et la «CEDH»), 2 du protocole n° 4 à la CEDH, reconnaissant certains droits et libertés autres que ceux figurant déjà dans ladite convention et dans le protocole additionnel n° 1 (ci-après le «protocole n° 4») et 25 du pacte international relatif aux droits civils et politiques, ainsi que, d’autre part, des articles 17 CE et 18 CE.

    2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige relatif à l’exclusion de Mme Pignataro d’une liste de candidats aux élections à l’Assemblea regionale siciliana (assemblée régionale de Sicile).

     Le cadre juridique national

    3        La juridiction de renvoi expose qu’il résulte notamment des articles 1er quater, 14 bis, treizième alinéa, sous c), 15, troisième alinéa, sous d), 16 bis, septième alinéa, sous a), et 17 ter, quatrième alinéa, sous b) et c), de la loi n° 29 de la Région de Sicile, du 20 mars 1951, relative à l’élection des députés à l’assemblée régionale de Sicile (ci-après la «loi n° 29»), que, lors de la présentation des candidatures et des listes de candidats en vue de la participation à une telle élection, tout candidat doit, sous peine d’exclusion, résider dans une commune de ladite Région.

     Le litige au principal et les questions préjudicielles

    4        Mme Pignataro est de nationalité italienne et réside en Italie.

    5        Par décision du 17 mars 2008, l’Ufficio centrale circoscrizionale presso il Tribunale di Catania a exclu Mme Pignataro de la liste des candidats pour l’élection des députés à l’Assemblea regionale siciliana sur laquelle elle figurait. Cette exclusion est motivée par le fait que l’intéressée ne résidait pas dans une commune située sur le territoire de la Région de Sicile lors de la présentation de sa candidature et qu’elle ne satisfaisait dès lors pas aux conditions édictées par la loi n° 29.

    6        Cette décision a été confirmée le 19 mars 2008 par l’Ufficio centrale regionale per l’elezione del Presidente dell’Assemblea regionale siciliana presso la Corte d’appello di Palermo.

    7        Les élections régionales se sont tenues les 13 et 14 avril 2008 sans que Mme Pignataro ait pu y prendre part en tant que candidate.

    8        Celle-ci a alors saisi le Tribunale amministrativo regionale per la Sicilia d’un recours en annulation dirigé contre la décision d’exclusion susmentionnée. À l’appui de son recours, Mme Pignataro fait notamment valoir que la condition de résidence, qui constitue le fondement de cette décision, viole les dispositions énumérées au point 1 de la présente ordonnance.

    9        Relevant que lesdites dispositions garantissent aux citoyens le droit d’accéder aux fonctions publiques et aux charges électives ainsi que celui de circuler librement et de choisir librement leur résidence, le Tribunale amministrativo regionale per la Sicilia est enclin à considérer qu’une telle violation est effectivement avérée en l’espèce.

    10      Ayant toutefois des doutes sur l’interprétation desdites dispositions et, notamment, sur leur applicabilité au litige dont il est saisi, le Tribunale amministrativo regionale per la Sicilia a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

    «1)      L’article 6 UE, l’article 3 du protocole additionnel n° 1 […] rendu exécutoire par la loi n° 848 de 1955, l’article 2 du protocole n° 4 […] et l’article 25 du pacte international relatif aux droits civils et politiques, rendu exécutoire par la loi n° 881 de 1977, doivent-ils être interprétés comme étant ou non compatibles avec la législation régionale contenue dans les articles 1er quater, 14 bis, treizième alinéa, sous c), 15, troisième alinéa, sous d), 16 bis, septième alinéa, sous a), et 17 ter, quatrième alinéa, sous b) et c), de la loi n° 29 […] qui excluent l’éligibilité des citoyens ne résidant pas en Sicile au moment de la présentation des candidatures en vue de la participation à l’élection de l’Assemblea regionale siciliana?

    2)      Les articles 17 CE et 18 CE s’opposent-ils à [ladite législation régionale] ou sont-ils compatibles avec elle?»

     Sur les questions préjudicielles

     Sur la seconde question

    11      Par sa seconde question, qu’il convient d’examiner en premier lieu, la juridiction de renvoi demande en substance si les articles 17 CE et 18 CE doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale prévoyant, parmi les conditions d’éligibilité à une assemblée régionale, l’obligation de résider dans la région concernée au moment de la présentation de la candidature.

    12      En vertu de l’article 104, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement de procédure de la Cour, lorsqu’une question posée à titre préjudiciel est identique à une question sur laquelle la Cour a déjà statué ou lorsque la réponse à une telle question peut être clairement déduite de la jurisprudence, la Cour peut, après avoir entendu l’avocat général, statuer par voie d’ordonnance motivée.

    13      Il convient de rappeler que les deux dispositions visées par la question préjudicielle, à savoir les articles 17 CE et 18 CE, prévoient, la première, à son paragraphe 2, que les citoyens de l’Union jouissent des droits et sont soumis aux devoirs prévus par le traité CE, et la seconde, à son paragraphe 1, que tout citoyen de l’Union a le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, sous réserve des limitations et conditions prévues par le traité et par les dispositions prises pour son application.

    14      Se prononçant à propos desdites dispositions, la Cour a jugé à plusieurs reprises que la citoyenneté de l’Union n’a pas pour objectif d’étendre le champ d’application matériel du traité à des situations internes n’ayant aucun rattachement au droit communautaire (voir, notamment, arrêt du 1er avril 2008, Gouvernement de la Communauté française et Gouvernement wallon, C‑212/06, Rec. p. I-1683, point 39 et jurisprudence citée).

    15      À cet égard, il ressort des constatations opérées par la juridiction de renvoi que la requérante au principal, qui est de nationalité italienne et réside en Italie, a été empêchée de présenter sa candidature aux élections à l’Assemblea regionale siciliana en raison du fait qu’elle résidait dans une commune italienne non située sur le territoire de la Région de Sicile. En revanche, il ne ressort aucunement de la décision de renvoi que l’intéressée aurait exercé le droit de séjourner ou de circuler dans un autre État membre ni qu’un tel exercice se serait trouvé entravé d’une quelconque manière du fait de l’application des dispositions nationales en cause au principal.

    16      Dans ces conditions, il suffit de constater qu’une situation telle que celle en cause au principal ne présente aucun élément de rattachement à l’une quelconque des situations envisagées par les dispositions du traité relatives à la libre circulation des personnes et, notamment, par l’article 18 CE. En effet, la perspective purement hypothétique de l’exercice d’un tel droit de circulation ne présente pas un lien suffisant avec le droit communautaire pour justifier l’application desdites dispositions communautaires (arrêt du 29 mai 1997, Kremzow, C-299/95, Rec. p. I-2629, point 16).

    17      Quant à la circonstance, également mise en exergue dans la décision de renvoi, selon laquelle le troisième considérant de la directive 94/80/CE du Conseil, du 19 décembre 1994, fixant les modalités de l’exercice du droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales pour les citoyens de l’Union résidant dans un État membre dont ils n’ont pas la nationalité (JO L 368, p. 38), précise notamment que le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales dans l’État membre de résidence, prévu à l’article 19 CE, constitue un corollaire du droit de libre circulation et de séjour consacré à l’article 18 CE, il suffit de rappeler que, ainsi qu’il ressort de son intitulé même, ladite directive concerne les citoyens résidant dans un État membre dont ils n’ont pas la nationalité et qui souhaitent y exercer le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales. Or, la requérante au principal ne se trouve aucunement dans une telle situation.

    18      Eu égard à ce qui précède, il convient de répondre à la seconde question que les articles 17 CE et 18 CE ne s’opposent pas à une réglementation nationale prévoyant, dans une situation telle que celle en cause au principal, parmi les conditions d’éligibilité à une assemblée régionale, l’obligation de résider dans la région concernée au moment de la présentation de la candidature.

     Sur la première question

    19      Par sa première question, la juridiction de renvoi demande en substance si les articles 6 UE, 3 du protocole additionnel n° 1, 2 du protocole n° 4 et 25 du pacte international relatif aux droits civils et politiques doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale prévoyant, parmi les conditions d’éligibilité à une assemblée régionale, l’obligation de résider dans la région concernée au moment de la présentation de la candidature.

    20      En vertu de l’article 92, paragraphe 1, de son règlement de procédure, lorsqu’elle est manifestement incompétente pour connaître d’une requête, la Cour, l’avocat général entendu, peut, sans poursuivre la procédure, statuer par voie d’ordonnance.

    21      Ainsi qu’il ressort d’une jurisprudence constante, les droits fondamentaux font partie intégrante des principes généraux du droit dont la Cour assure le respect, cette dernière s’inspirant à cet égard des traditions constitutionnelles communes aux États membres ainsi que des indications fournies par les instruments internationaux concernant la protection des droits de l’homme auxquels les États membres ont coopéré ou adhéré, la CEDH revêtant à cet égard une signification particulière (voir, notamment, arrêt Kremzow, précité, point 14, et ordonnance du 25 janvier 2007, Koval’ský, C‑302/06, point 18 et jurisprudence citée). Ces principes ont, au demeurant, été repris à l’article 6, paragraphe 2, UE, aux termes duquel l’Union respecte les droits fondamentaux, tels qu’ils sont garantis par la CEDH, et tels qu’ils résultent des traditions constitutionnelles communes aux États membres, en tant que principes généraux du droit communautaire (voir, notamment, ordonnance Koval’ský, précitée, point 18).

    22      Il s’ensuit que, lorsqu’une réglementation nationale entre dans le champ d’application du droit communautaire, la Cour, saisie à titre préjudiciel, doit fournir tous les éléments d’interprétation nécessaires à l’appréciation, par la juridiction nationale, de la conformité de cette réglementation avec les droits fondamentaux dont elle assure le respect, tels qu’ils résultent en particulier de la CEDH. En revanche, la Cour n’a pas cette compétence à l’égard d’une réglementation qui ne se situe pas dans le cadre du droit communautaire (voir, notamment, arrêt Kremzow, précité, point 15, ainsi que ordonnances du 6 octobre 2005, Vajnai, C‑328/04, Rec. p. I‑8577, points 12 et 13, et du 3 octobre 2008, Savia e.a., C‑287/08, points 7 et 8).

    23      Or, ainsi qu’il ressort des points 15 à 17 de la présente ordonnance, la situation de la requérante au principal ne présente aucun élément de rattachement à l’une quelconque des situations envisagées par les dispositions du traité, en particulier celles des articles 17 CE et 18 CE auxquels s’est référée la juridiction de renvoi dans sa seconde question préjudicielle.

    24      Dans ces conditions, il convient de constater que la Cour est manifestement incompétente pour répondre à la première question posée par le Tribunale amministrativo regionale per la Sicilia.

    Sur les dépens

    25      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

    Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) dit pour droit:

    1)      Les articles 17 CE et 18 CE ne s’opposent pas à une réglementation nationale prévoyant, dans une situation telle que celle en cause au principal, parmi les conditions d’éligibilité à une assemblée régionale, l’obligation de résider dans la région concernée au moment de la présentation de la candidature.

    2)      La Cour de justice des Communautés européennes est manifestement incompétente pour répondre à la première question posée par le Tribunale amministrativo regionale per la Sicilia.

    Signatures


    * Langue de procédure: l’italien.

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