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Document 62006CJ0145

Arrêt de la Cour (troisième chambre) du 5 juillet 2007.
Fendt Italiana Srl contre Agenzia Dogane - Ufficio Dogane di Trento.
Demande de décision préjudicielle: Commissione tributaria di secondo grado di Trento - Italie.
Directive 2003/96/CE - Cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l'électricité - Champ d'application de la directive - Huiles minérales - Huiles lubrifiantes destinées à des usages autres que ceux de carburant ou de combustible - Exclusion - Abrogation de la directive 92/81/CEE - Régime national de taxation.
Affaires jointes C-145/06 et C-146/06.

Recueil de jurisprudence 2007 I-05869

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2007:411

Affaires jointes C-145/06 et C-146/06

Fendt Italiana Srl

contre

Agenzia Dogane - Ufficio Dogane di Trento

(demande de décision préjudicielle, introduite par

la Commissione tributaria di secondo grado di Trento)

«Directive 2003/96/CE — Cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l'électricité — Champ d'application de la directive — Huiles minérales — Huiles lubrifiantes destinées à des usages autres que ceux de carburant ou de combustible — Exclusion — Abrogation de la directive 92/81/CEE — Régime national de taxation»

Sommaire de l'arrêt

Dispositions fiscales — Harmonisation des législations — Taxation des produits énergétiques et de l'électricité — Directive 2003/96

(Directives du Conseil 92/12, art. 3, § 1 et 3, et 2003/96, art. 2, § 1, b), et 2, § 4, b))

La directive 2003/96, restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l'électricité, doit être interprétée en ce sens qu'elle ne s'oppose pas à une législation nationale qui prévoit la perception d'une taxe frappant les huiles lubrifiantes lorsqu'elles sont destinées, mises en vente ou employées à des usages autres que ceux de carburant ou de combustible. En effet, même si les huiles lubrifiantes utilisées autrement que comme combustible ou comme carburant relèvent de la définition de la notion de «produits énergétiques» au sens de l'article 2, paragraphe 1, sous b), de la directive 2003/96, elles sont explicitement exclues du champ d'application de cette directive par le paragraphe 4, sous b), premier tiret, dudit article et, partant, elles ne relèvent pas du régime de l'accise harmonisée. Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que lesdites huiles lubrifiantes constituent des produits autres que ceux visés à l'article 3, paragraphe 1, premier tiret, de la directive 92/12, relative au régime général, à la détention, à la circulation et aux contrôles des produits soumis à accise, de sorte que, conformément au paragraphe 3, premier alinéa, de cet article, les États membres conservent la faculté d'introduire ou de maintenir des impositions frappant ces produits, à la condition que celles-ci ne donnent pas lieu dans les échanges entre États membres à des formalités liées au passage d'une frontière.

(cf. points 43-45 et disp.)




ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

5 juillet 2007 (*)

«Directive 2003/96/CE – Cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l’électricité – Champ d’application de la directive – Huiles minérales – Huiles lubrifiantes destinées à des usages autres que ceux de carburant ou de combustible – Exclusion – Abrogation de la directive 92/81/CEE – Régime national de taxation»

Dans les affaires jointes C‑145/06 et C‑146/06,

ayant pour objet des demandes de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduites par la Commissione tributaria di secondo grado di Trento (Italie), par décisions respectivement des 6 mars 2006 et 23 décembre 2005, parvenues à la Cour le 17 mars 2006, dans les procédures

Fendt Italiana Srl

contre

Agenzia Dogane – Ufficio Dogane di Trento,

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. A. Rosas, président de chambre, MM. J. Klučka, U. Lõhmus, A. Ó Caoimh (rapporteur) et Mme P. Lindh, juges,

avocat général: Mme E. Sharpston,

greffier: Mme M. Ferreira, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 15 février 2007,

considérant les observations présentées:

–        pour Fendt Italiana Srl, par Me G. Maisto, avvocato, et M. A. Parolini, dottore commercialista,

–        pour le gouvernement italien, par M. I. M. Braguglia, en qualité d’agent, assisté de M. G. Aiello, avvocato dello Stato,

–        pour le gouvernement chypriote, par Mme N. Charalambidou, en qualité d’agent,

–        pour la Commission des Communautés européennes, par Mme L. Pignataro et M. W. Moells, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 19 avril 2007,

rend le présent

Arrêt

1        Les demandes de décision préjudicielle portent sur l’interprétation de la directive 2003/96/CE du Conseil, du 27 octobre 2003, restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l’électricité (JO L 283, p. 51), telle que modifiée par la directive 2004/75/CE du Conseil, du 29 avril 2004 (JO L 157, p. 100, ci-après la «directive 2003/96»).

2        Ces demandes ont été présentées dans le cadre de litiges opposant Fendt Italiana Srl (ci-après «Fendt») à l’Agenzia Dogane – Ufficio Dogane di Trento (autorité douanière du Trentin) au sujet du défaut de paiement par cette société, au titre de l’année 2004, de la taxe sur la consommation frappant l’huile lubrifiante prévue par le droit national.

 Le cadre juridique

 La réglementation communautaire

 La directive 92/12/CEE

3        L’article 1er de la directive 92/12/CEE du Conseil, du 25 février 1992, relative au régime général, à la détention, à la circulation et aux contrôles des produits soumis à accise (JO L 76, p. 1), prévoit:

«1.      La présente directive fixe le régime des produits soumis à accise et autres impositions indirectes frappant directement ou indirectement la consommation de ces produits, à l’exclusion de la taxe sur la valeur ajoutée et des impositions établies par la Communauté.

2.      Les dispositions particulières portant sur les structures et les taux des droits des produits soumis à accise figurent dans des directives spécifiques.»

4        L’article 3 de ladite directive dispose:

«1.      La présente directive est applicable, au niveau communautaire, aux produits suivants tels que définis dans les directives y afférentes:

–        les huiles minérales,

[…]

2.      Les produits mentionnés au paragraphe 1 peuvent faire l’objet d’autres impositions indirectes poursuivant des finalités spécifiques, à condition que ces impositions respectent les règles de taxation applicables pour les besoins des accises ou de la taxe sur la valeur ajoutée pour la détermination de la base d’imposition, le calcul, l’exigibilité et le contrôle de l’impôt.

3.      Les États membres conservent la faculté d’introduire ou de maintenir des impositions frappant des produits autres que ceux mentionnés au paragraphe 1, à condition toutefois que ces impositions ne donnent pas lieu dans les échanges entre États membres à des formalités liées au passage d’une frontière.

[…]»

Les directives 92/81/CEE et 92/82/CEE

5        La directive 92/81/CEE du Conseil, du 19 octobre 1992, concernant l’harmonisation des structures des droits d’accises sur les huiles minérales (JO L 316, p. 12), telle que modifiée par la directive 94/74/CE du Conseil, du 22 décembre 1994 (JO L 365, p. 46, ci-après la «directive 92/81»), prévoit, à son article 2, paragraphe 1, sous d), lu en combinaison avec le paragraphe 4 du même article, que «les produits relevant du code NC 2710», dans la version de la nomenclature combinée (ci-après «NC») en vigueur au 1er octobre 1994, c’est‑à‑dire, notamment, les huiles lubrifiantes, sont des huiles minérales pour l’application de celle‑ci.

6        Aux termes du paragraphe 2 dudit article 2, «[l]es huiles minérales, autres que celles pour lesquelles un niveau d’accise est fixé par la directive 92/82/CEE, sont soumises à une accise si elles sont destinées à être utilisées, mises en vente ou utilisées comme combustible ou carburant. […]»

7        L’article 8, paragraphe 1, sous a), de la directive 92/81 prévoit:

«1.      Outre les dispositions générales de la directive 92/12/CEE concernant les utilisations exonérées de produits soumis à accises et sans préjudice d’autres dispositions communautaires, les États membres exonèrent les produits suivants de l’accise harmonisée, selon les conditions qu’ils fixent en vue d’assurer l’application correcte et claire de ces exonérations et d’empêcher la fraude, l’évasion ou les abus:

a)      les huiles minérales utilisées autrement que comme carburant ou combustible;

[…]»

8        La directive 92/82/CEE du Conseil, du 19 octobre 1992, concernant le rapprochement des taux d’accises sur les huiles minérales (JO L 316, p. 19), telle que modifiée par la directive 94/74 (ci‑après la «directive 92/82), fixe un taux minimal d’accise pour certaines huiles minérales. L’article 2 de cette directive énumère les huiles minérales visées par celle-ci, parmi lesquelles ne figurent pas les huiles lubrifiantes.

 La directive 2003/96

9        Les premier à troisième et septième considérants de la directive 2003/96 sont libellés comme suit:

«(1)      Le champ d’application de la directive 92/81/CEE […] et de la directive 92/82/CEE […] est limité aux huiles minérales.

(2)      L’absence de dispositions communautaires soumettant à une taxation minimale l’électricité et les produits énergétiques autres que les huiles minérales peut être préjudiciable au bon fonctionnement du marché intérieur.

(3)      Le bon fonctionnement du marché intérieur et la réalisation des objectifs des autres politiques communautaires nécessitent que des niveaux minima de taxation soient fixés au niveau communautaire pour la plupart des produits énergétiques, y compris l’électricité, le gaz naturel et le charbon.

[…]

(7)      En tant que partie à la Convention-cadre des Nations unies sur le changement climatique, la Communauté a ratifié le protocole de Kyoto. La taxation des produits énergétiques et, le cas échéant, de l’électricité, est un des instruments disponibles pour atteindre les objectifs de Kyoto.»

10      Par ailleurs, le vingt-deuxième considérant de la directive 2003/96 énonce:

«Les produits énergétiques doivent principalement être soumis à un cadre réglementaire communautaire lorsqu’ils sont utilisés comme carburant ou comme combustible. À cet égard, il est inhérent à la nature et à la logique de la fiscalité d’exclure du champ d’application de ce cadre les produits énergétiques à double usage ou utilisés autrement que comme combustibles ou carburants, ainsi que les procédés minéralogiques. L’électricité utilisée de la même manière doit bénéficier d’un traitement analogue.»

11      L’article 1er de la directive 2003/96 dispose que les États membres taxent les produits énergétiques et l’électricité conformément à cette directive.

12      L’article 2, paragraphe 1, sous b), de ladite directive, lu en combinaison avec le paragraphe 5 du même article, prévoit que, aux fins de celle-ci, les termes «produits énergétiques» visent les produits «relevant des codes NC 2701, 2702 et 2704 à 2715 inclus», tels que figurant dans le règlement (CE) n° 2031/2001 de la Commission, du 6 août 2001, modifiant l’annexe I du règlement (CEE) n° 2658/87 du Conseil relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun (JO L 279, p. 1), à savoir, notamment, les huiles minérales, lesquelles relèvent de la position 2710 de la NC.

13      L’article 2, paragraphe 4, sous b), de la directive 2003/96 est libellé comme suit:

«4.      La présente directive ne s’applique pas:

[…]

b)      aux utilisations ci‑après des produits énergétiques et de l’électricité:

–        produits énergétiques destinés à des usages autres que ceux de carburant ou de combustible,

–        produits énergétiques à double usage.

Un produit énergétique est à double usage lorsqu’il est destiné à être utilisé à la fois comme combustible et pour des usages autres que ceux de carburant ou de combustible. L’utilisation de produits énergétiques pour la réduction chimique et l’électrolyse ainsi que dans les procédés métallurgiques est considérée comme un double usage,

[…]»

14      L’article 3 de la directive 2003/96 dispose:

«Dans la directive 92/12/CEE, les termes ‘huiles minérales’ et ‘droits d’accises’, dans la mesure où ils se rapportent à des huiles minérales, couvrent tous les produits énergétiques, l’électricité et tous les impôts indirects nationaux visés respectivement à l’article 2 et à l’article 4, paragraphe 2, de la présente directive.»

15      L’article 14, paragraphe 1, de la directive 2003/96 prévoit:

«1.      Outre les dispositions générales de la directive 92/12/CEE concernant les utilisations exonérées de produits imposables, et sans préjudice d’autres dispositions communautaires, les États membres exonèrent les produits suivants de la taxation, selon les conditions qu’ils fixent en vue d’assurer l’application correcte et claire de ces exonérations et d’empêcher la fraude, l’évasion ou les abus:

a)      les produits énergétiques et l’électricité utilisés pour produire de l’électricité et l’électricité utilisée pour maintenir la capacité de produire de l’électricité. […]

b)      les produits énergétiques fournis en vue d’une utilisation comme carburant ou combustible pour la navigation aérienne autre que l’aviation de tourisme privée.

         […]

c)      les produits énergétiques fournis en vue d’une utilisation, comme carburant ou combustible pour la navigation dans des eaux communautaires (y compris la pêche), autre qu’à bord de bateaux de plaisance privés, et l’électricité produite à bord des bateaux.

         […]»

16      Selon les articles 15 et 16 de la directive 2003/96, les États membres peuvent également appliquer des exonérations ou des réductions du niveau de taxation dans les cas qui y sont mentionnés.

17      L’article 28, paragraphes 1 et 2, de la directive 2003/96 énonce:

«1.      Les États membres adoptent et publient les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive au plus tard le 31 décembre 2003. Ils en informent immédiatement la Commission.

2.      Ils appliquent les présentes dispositions à partir du 1er janvier 2004, à l’exception des dispositions de l’article 16 et de l’article 18, paragraphe 1, que les États membres peuvent appliquer à partir du 1er janvier 2003.»

18      Aux termes de l’article 30 de ladite directive:

«Nonobstant l’article 28, paragraphe 2, les directives 92/81/CEE et 92/82/CEE sont abrogées le 31 décembre 2003.

Les références aux directives abrogées s’entendent comme faites à la présente directive.»

 La réglementation nationale

19      L’article 21, deuxième alinéa, du décret législatif n° 504, intitulé «texte unique des dispositions législatives relatives aux taxes sur la production, la consommation et les sanctions pénales et administratives en la matière» (Decreto legislativo n° 504, «Testo unico delle disposizioni legislative concernenti le imposte sulla produzione e sui consumi e relative sanzioni penale e amministrative»), du 26 octobre 1995 (supplément ordinaire à la GURI n° 279, du 29 novembre 1995, ci-après le «décret législatif n° 504/95»), soumet les produits relevant de la position 2710 de la NC (huiles lubrifiantes), utilisés comme carburant ou comme combustible à un droit d’accise fixé au même taux que celui prévu pour le carburant ou le combustible équivalent.

20      L’article 62, premier alinéa, du décret législatif n° 504/95 dispose:

«Les huiles lubrifiantes (codes NC 27 10 00 87 à 27 10 00 98), outre la taxation prévue à l’article 21, deuxième alinéa, sont soumises à une taxe sur la consommation lorsqu’elles sont destinées, mises en vente ou employées à des usages autres que la combustion ou la carburation.»

21      Le taux de cette taxe sur la consommation est différent du taux de l’accise visée à l’article 21, deuxième alinéa, du décret législatif n° 504/95.

22      Par arrêt du 25 septembre 2003, Commission/Italie (C‑437/01, Rec. p. I‑9861), la Cour a dit pour droit que la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 3, paragraphe 2, de la directive 92/12 et 8, paragraphe 1, sous a), de la directive 92/81 en maintenant en vigueur l’article 62, premier alinéa, du décret législatif n° 504/95.

23      Au point 30 de l’arrêt Commission/Italie, précité, la Cour a en effet jugé que, en vertu des articles 8, paragraphe 1, sous a), et 2, paragraphe 2, de la directive 92/81, combinés avec l’article 2 de la directive 92/82, les huiles lubrifiantes ne peuvent être soumises à accise que si elles sont destinées à être utilisées, mises en vente ou utilisées comme carburants ou combustibles, alors que, dans les autres cas, elles doivent obligatoirement être exonérées de l’accise harmonisée. À cet égard, la Cour a souligné, aux points 31 et 32 dudit arrêt, que permettre aux États membres de frapper d’une autre imposition indirecte les produits qui doivent être exonérés de l’accise harmonisée priverait de tout effet utile notamment l’article 8, paragraphe 1, sous a), de la directive 92/81.

24      Il est constant que, à la date des faits au principal, l’article 62, premier alinéa, du décret législatif n° 504/95 n’avait pas été abrogé par les autorités italiennes.

 Les litiges au principal et les questions préjudicielles

25      Par deux actes de notification distincts, l’Agenzia Dogane – Ufficio Dogane di Trento a communiqué à Fendt le défaut de paiement, au titre de l’année 2004, de la taxe sur la consommation frappant l’huile lubrifiante prévue à l’article 62, premier alinéa, du décret législatif n° 504/95.

26      Les recours formés par Fendt contre ces actes ont été rejetés par la Commissione tributaria provinciale di Trento. Selon cette juridiction, les produits énergétiques autres que ceux utilisables comme carburant ou comme combustible ne relèvent pas du champ d’application limité de la directive 2003/96. Le régime d’imposition des autres produits, au nombre desquels figurent les huiles minérales, serait donc entièrement déterminé par l’article 62, premier alinéa, du décret législatif n° 504/95. Ladite directive aurait, à cet égard, innové en permettant aux États membres de prévoir un système d’imposition autonome pour les huiles lubrifiantes.

27      Saisie en appel, la Commissione tributaria di secondo grado di Trento relève, dans ses décisions de renvoi, que, contrairement à ce que supposent les autorités douanières compétentes, la directive 2003/96 n’autorise pas expressément les États membres à prévoir l’imposition des produits utilisés autrement que comme carburant ou comme combustible. Toutefois, il ressortirait tant de l’arrêt Commission/Italie, précité, que de la raison d’être de cette directive ainsi que de l’objectif poursuivi par celle-ci que les huiles qui ne sont pas utilisées comme carburant ou comme combustible sont exclues du régime communautaire d’imposition.

28      Dans ces conditions, la Commissione tributaria di secondo grado di Trento a décidé, dans les deux affaires dont elle est saisie, de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante, qui est formulée en des termes identiques dans chacune de celles-ci:

«[Le] régime fiscal prévu à l’article 62 du décret législatif n° 504/95 [est-il compatible] avec la directive 2003/96[ ?]»

29      Par ordonnance du président de la Cour du 10 mai 2006, les affaires C‑145/06 et C‑146/06 ont été jointes aux fins de la procédure écrite et orale ainsi que de l’arrêt.

 Sur les questions préjudicielles

30      Ainsi que la Commission le relève à bon droit, il n’appartient pas à la Cour, dans le cadre de la procédure prévue à l’article 234 CE, de se prononcer sur la compatibilité de dispositions nationales avec le droit communautaire. La Cour est toutefois compétente pour fournir à la juridiction nationale tous les éléments d’interprétation relevant de ce droit qui peuvent lui permettre d’apprécier cette compatibilité pour le jugement de l’affaire dont elle est saisie (voir, notamment, arrêt du 10 juin 1999, Braathens, C‑346/97, Rec. p. I‑3419, point 14).

31      Dans ces conditions, il y a lieu de comprendre la question posée en ce sens que la juridiction de renvoi demande en substance si la directive 2003/96 s’oppose à une législation nationale, telle que celle en cause au principal, qui prévoit la perception d’une taxe sur la consommation frappant les huiles lubrifiantes lorsqu’elles sont destinées, mises en vente ou employées à des usages autres que ceux de carburant ou de combustible.

32      À cet égard, il y a lieu de relever que, selon l’article 1er de la directive 2003/96, les États membres ont l’obligation de taxer les produits énergétiques conformément à cette directive, celle‑ci visant à imposer, ainsi qu’il ressort de ses deuxième et troisième considérants, des niveaux minimaux de taxation au niveau communautaire pour la plupart des produits énergétiques.

33      En vertu de l’article 2, paragraphe 1, sous b), de la directive 2003/96, lu en combinaison avec le paragraphe 5 du même article, les produits relevant de la position 2710 de la NC, à savoir, notamment, les huiles lubrifiantes, constituent des produits énergétiques au sens de cette directive.

34      Toutefois, il résulte des termes mêmes de l’article 2, paragraphe 4, sous b), premier tiret, de ladite directive que celle-ci «ne s’applique pas» aux produits énergétiques destinés à des usages autres que ceux de carburant ou de combustible.

35      Selon le vingt-deuxième considérant de la directive 2003/96, les produits énergétiques doivent en effet principalement être soumis à un cadre réglementaire communautaire lorsqu’ils sont utilisés comme carburant ou comme combustible et il est donc inhérent à la nature ainsi qu’à la logique de la fiscalité d’exclure du champ d’application de ce cadre les produits énergétiques utilisés autrement que comme carburant ou comme combustible.

36      À cet égard, il y a lieu d’observer que, à la différence de l’article 8, paragraphe 1, sous a), de la directive 92/81, qui prévoyait que les États membres devaient exonérer les huiles minérales utilisées autrement que comme carburant ou comme combustible, l’article 14 de la directive 2003/96, qui énonce limitativement les exonérations obligatoires s’imposant auxdits États, ne mentionne pas les produits énergétiques utilisés autrement que comme carburant ou comme combustible. De même, ni l’article 15 ni l’article 16 de cette dernière directive, qui prévoient certaines exonérations facultatives pour les États membres, ne visent de tels produits.

37      Il en résulte que, comme Mme l’avocat général l’a relevé en substance au point 37 de ses conclusions, si les huiles minérales utilisées autrement que comme carburant ou comme combustible relevaient bien du champ d’application de la directive 92/81, ces produits étant toutefois, ainsi que la Cour l’a jugé aux points 30 et 33 de l’arrêt Commission/Italie, précité, obligatoirement exonérés de l’accise harmonisée, le législateur communautaire, lors de l’adoption de la directive 2003/96, a entendu modifier ce régime en excluant de tels produits du champ d’application de cette dernière directive, ce que Fendt, au demeurant, a elle-même admis lors de l’audience.

38      Il s’ensuit que, comme le font valoir les gouvernements italien et chypriote ainsi que la Commission, depuis le 1er janvier 2004, date à partir de laquelle la directive 2003/96 a abrogé, en vertu de son article 30, la directive 92/81, les États membres sont désormais compétents pour taxer les produits énergétiques, tels que les huiles lubrifiantes, utilisés autrement que comme carburant ou comme combustible.

39      Lors de l’audience, Fendt a toutefois soutenu que seules les dispositions de la directive 92/81 qui relèvent du champ d’application de la directive 2003/96 peuvent être abrogées par celle-ci. En conséquence, dès lors que cette dernière directive s’applique uniquement aux produits énergétiques utilisés comme carburant ou comme combustible, les dispositions de la directive 92/81 qui, à l’instar de son article 8, paragraphe 1, sous a), portent sur les produits énergétiques utilisés autrement que comme carburant ou comme combustible ne seraient pas abrogées par la directive 2003/96 et, partant, elles demeureraient en vigueur. Cette interprétation serait confirmée par l’objectif poursuivi par la directive 2003/96. En effet, celle-ci visant à contribuer à atteindre les objectifs assignés par le protocole de Kyoto, elle ne saurait réintroduire la possibilité pour les États membres de taxer les produits énergétiques utilisés autrement que comme carburant ou comme combustible dès lors que ceux-ci ne constituent pas une source de pollution.

40      Cette argumentation doit être rejetée. En effet, l’article 30 de la directive 2003/96 prévoit, aux termes d’un libellé dépourvu de toute ambiguïté, que la directive 92/81 est abrogée à compter du 31 décembre 2003. Dès lors, ni la circonstance selon laquelle le champ d’application de cette dernière directive et celui de la directive 2003/96 sont différents ni l’objectif poursuivi par celle-ci ne sauraient justifier, sous peine de modifier radicalement la portée dudit article 30 contrairement à l’intention clairement manifestée du législateur communautaire, que cet article soit interprété en ce sens que certaines dispositions de la directive 92/81 seraient demeurées en vigueur.

41      Toutefois, si les États membres sont compétents pour taxer les produits énergétiques, tels que les huiles lubrifiantes, utilisés autrement que comme carburant ou comme combustible, ils doivent exercer leurs compétences dans ce domaine dans le respect du droit communautaire (voir, en ce sens, arrêts du 14 février 1995, Schumacker, C‑279/93, Rec. p. I‑225, point 21, et du 29 mars 2007, Rewe Zentralfinanz, C‑347/04, non encore publié au Recueil, point 21 et jurisprudence citée).

42      En particulier, les États membres doivent à cet égard respecter non seulement les dispositions du traité CE, notamment les articles 25 CE et 90 CE, mais également, ainsi que le gouvernement chypriote et la Commission le relèvent à bon droit, celles énoncées à l’article 3, paragraphe 3, premier alinéa, de la directive 92/12.

43      En effet, même si les huiles lubrifiantes utilisées autrement que comme combustible ou comme carburant relèvent de la définition de la notion de «produits énergétiques» au sens de l’article 2, paragraphe 1, sous b), de la directive 2003/96, elles sont explicitement exclues du champ d’application de cette directive par le paragraphe 4, sous b), premier tiret, dudit article et, partant, elles ne relèvent pas du régime de l’accise harmonisée.

44      Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que lesdites huiles lubrifiantes, qui ne sont pas soumises à l’accise harmonisée, constituent des produits autres que ceux visés à l’article 3, paragraphe 1, premier tiret, de la directive 92/12 (voir, en ce sens, arrêts précités Braathens, points 24 et 25, ainsi que Commission/Italie, points 31 et 33), de sorte que, conformément au paragraphe 3, premier alinéa, de cet article, les États membres conservent la faculté d’introduire ou de maintenir des impositions frappant ces produits, à la condition que celles-ci ne donnent pas lieu dans les échanges entre États membres à des formalités liées au passage d’une frontière.

45      Eu égard à ce qui précède, il convient de répondre à la question posée que la directive 2003/96 doit être interprétée en ce sens qu’elle ne s’oppose pas à une législation nationale, telle que celle en cause au principal, qui prévoit la perception d’une taxe à la consommation frappant les huiles lubrifiantes lorsqu’elles sont destinées, mises en vente ou employées à des usages autres que ceux de carburant ou de combustible.

 Sur les dépens

46      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle‑ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit:

La directive 2003/96/CE du Conseil, du 27 octobre 2003, restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l’électricité, telle que modifiée par la directive 2004/75/CE du Conseil, du 29 avril 2004, doit être interprétée en ce sens qu’elle ne s’oppose pas à une législation nationale, telle que celle en cause au principal, qui prévoit la perception d’une taxe frappant les huiles lubrifiantes lorsqu’elles sont destinées, mises en vente ou employées à des usages autres que ceux de carburant ou de combustible.

Signatures


* Langue de procédure: l'italien.

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