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Document 62004CJ0074

    Arrêt de la Cour (troisième chambre) du 13 juillet 2006.
    Commission des Communautés européennes contre Volkswagen AG.
    Pourvoi - Concurrence - Article 81, paragraphe 1, CE - Distribution des véhicules automobiles - Notion d''accords entre entreprises' - Preuve de l'existence d'un accord.
    Affaire C-74/04 P.

    Recueil de jurisprudence 2006 I-06585

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:2006:460

    Affaire C-74/04 P

    Commission des Communautés européennes

    contre

    Volkswagen AG

    «Pourvoi — Concurrence — Article 81, paragraphe 1, CE — Distribution des véhicules automobiles — Notion d''accords entre entreprises' — Preuve de l'existence d'un accord»

    Conclusions de l'avocat général M. A. Tizzano, présentées le 17 novembre 2005 

    Arrêt de la Cour (troisième chambre) du 13 juillet 2006 

    Sommaire de l'arrêt

    1.     Concurrence — Ententes — Accords entre entreprises — Notion

    (Art. 81, § 1, CE)

    2.     Pourvoi — Moyens — Appréciation erronée des faits — Irrecevabilité

    (Art. 225 CE; statut de la Cour de justice, art. 58)

    1.     Pour constituer un accord au sens de l'article 81, paragraphe 1, CE, il suffit qu'un acte ou un comportement apparemment unilatéral soit l'expression de la volonté concordante de deux parties au moins, la forme selon laquelle se manifeste cette concordance n'étant pas déterminante par elle-même. La solution inverse aurait pour conséquence de renverser la charge de la preuve de l'existence d'une infraction aux règles de la concurrence et de violer le principe de la présomption d'innocence.

    Une invitation adressée par un constructeur d'automobiles à ses distributeurs sous contrat constitue non pas un acte unilatéral, mais un accord au sens de l'article 81, paragraphe 1, CE, lorsqu'elle s'insère dans un ensemble de relations commerciales continues régies par un accord général préétabli. Or, cela n'implique pas que toute invitation adressée par un constructeur d'automobiles à des concessionnaires constitue un accord au sens de l'article 81, paragraphe 1, CE et ne dispense pas la Commission de démontrer l'existence d'un concours de volontés des parties au contrat de concession dans chaque cas particulier.

    La volonté des parties peut résulter tant des clauses du contrat de concession en question que du comportement des parties et, notamment, de l'existence éventuelle d'un acquiescement tacite des concessionnaires à la mesure adoptée par le constructeur d'automobiles.

    C'est pourquoi s'impose un examen in concreto, dans le cadre duquel la conformité ou non d'un contrat de concession avec les règles de la concurrence est nécessairement déterminante, car il ne saurait d'emblée être exclu qu'une invitation, qui serait contraire aux règles de la concurrence, puisse être considérée comme autorisée par des clauses apparemment neutres d'un contrat de concession.

    (cf. points 35-39, 43-46)

    2.     Il résulte des articles 225 CE et 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice que le Tribunal est seul compétent, d'une part, pour constater les faits, sauf dans le cas où l'inexactitude matérielle de ses constatations résulterait des pièces du dossier qui lui ont été soumises, et, d'autre part, pour apprécier ces faits. Lorsque le Tribunal a constaté ou apprécié les faits, la Cour est compétente pour exercer, en vertu dudit article 225 CE, un contrôle sur la qualification juridique de ces faits et les conséquences de droit qui en ont été tirées par le Tribunal.

    (cf. point 49)




    ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

    13 juillet 2006 (*)

    «Pourvoi – Concurrence – Article 81, paragraphe 1, CE – Distribution des véhicules automobiles – Notion d’’accords entre entreprises’ – Preuve de l’existence d’un accord»

    Dans l’affaire C-74/04 P,

    ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice, introduit le 16 février 2004,

    Commission des Communautés européennes, représentée par M. W. Mölls, en qualité d’agent, assisté de Me H.-J. Freund, Rechtsanwalt, ayant élu domicile à Luxembourg,

    partie requérante,

    l’autre partie à la procédure étant:

    Volkswagen AG, établie à Wolfsburg (Allemagne), représentée par Mes R. Bechtold et S. Hirsbrunner, Rechtsanwälte, ayant élu domicile à Luxembourg,

    partie requérante en première instance,

    LA COUR (troisième chambre),

    composée de M. A. Rosas, président de chambre, MM. J. Malenovský, J.-P. Puissochet, S. von Bahr (rapporteur) et U. Lõhmus, juges,

    avocat général: M. A. Tizzano,

    greffier: Mme K. Sztranc, administrateur,

    vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 29 septembre 2005,

    ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 17 novembre 2005,

    rend le présent

    Arrêt

    1       Par son pourvoi, la Commission des Communautés européennes demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 3 décembre 2003, Volkswagen/Commission (T‑208/01, Rec. p. II‑5141, ci‑après l’«arrêt attaqué»), par lequel celui‑ci a annulé la décision 2001/711/CE de la Commission, du 29 juin 2001, dans une procédure prévue par l’article 81 du traité CE (Affaire COMP/F‑2/36.693 – Volkswagen) (JO L 262, p. 14, ci‑après la «décision litigieuse»).

     Les faits à l’origine du litige et le cadre juridique

    2       Les faits à l’origine du litige et le cadre juridique de celui-ci, tels qu’ils résultent de l’arrêt attaqué, peuvent être résumés de la manière suivante.

    3       Volkswagen AG (ci-après «Volkswagen») est la société holding et la plus grande entreprise du groupe Volkswagen, actif dans le secteur de la construction automobile. Les véhicules automobiles produits par Volkswagen sont vendus dans la Communauté européenne, dans le cadre d’un système de distribution sélective et exclusive, par des concessionnaires avec lesquels cette société a conclu un contrat de concession type (ci‑après le «contrat de concession»).

    4       Conformément à l’article 4, paragraphe 1, du contrat de concession dans ses versions des mois de septembre 1995 et de janvier 1998, Volkswagen accorde au concessionnaire un territoire contractuel pour le programme de livraison et le service après-vente. En contrepartie, le concessionnaire s’engage à promouvoir la vente et le service après‑vente de façon intensive sur le territoire qui lui a été concédé et à exploiter le potentiel du marché de manière optimale. Selon l’article 2, paragraphe 6 (version du mois de janvier 1989) ou paragraphe 1 (versions des mois de septembre 1995 et de janvier 1998), du contrat de concession, le concessionnaire s’engage «à défendre les intérêts de Volkswagen AG, de l’organisation de distribution Volkswagen et de la marque Volkswagen et d’en assurer la promotion par tous les moyens». Il est également stipulé que «le concessionnaire respectera, à cette fin, toutes les exigences propres à l’exécution du contrat en ce qui concerne la distribution d’automobiles Volkswagen neuves, l’approvisionnement en pièces détachées, le service après-vente, la promotion des ventes, la publicité et la formation, ainsi que la garantie du niveau technique des divers domaines des opérations de Volkswagen». Enfin, selon l’article 8, paragraphe 1, du contrat de concession, «Volkswagen AG fait des recommandations de prix non contraignantes pour le prix final et les remises».

    5       Les 17 juillet 1997 et 8 octobre 1998, à la suite de la plainte d’un acheteur, la Commission a adressé à Volkswagen, en application de l’article 11 du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles 85 et 86 du traité (JO 1962, 13, p. 204), des demandes de renseignements concernant la politique tarifaire de cette société et, notamment, la fixation du prix de vente en Allemagne du modèle Volkswagen Passat. Volkswagen a répondu à ces demandes, respectivement, les 22 août 1997 et 9 novembre 1998.

    6       Le 22 juin 1999, sur la base des informations reçues, la Commission a adressé à Volkswagen une communication des griefs dans laquelle elle lui reprochait d’avoir violé l’article 81, paragraphe 1, CE pour être convenue, avec les concessionnaires allemands de son réseau de distribution, d’une discipline tarifaire rigoureuse pour les ventes du modèle Volkswagen Passat.

    7       Dans cette communication, la Commission évoquait, en particulier, trois circulaires adressées par Volkswagen à ses concessionnaires allemands, les 26 septembre 1996, 17 avril et 26 juin 1997, ainsi que cinq lettres envoyées à certains d’entre eux, les 24 septembre, 2 et 16 octobre 1996, 18 avril 1997 et 13 octobre 1998 (ci-après, prises ensemble, les «invitations litigieuses»).

    8       Par lettre du 10 septembre 1999, Volkswagen a répondu à ladite communication des griefs en indiquant que les faits décrits dans celle‑ci étaient, pour l’essentiel, exacts. Elle n’a pas demandé à être entendue.

    9       Les 15 janvier et 7 février 2001, la Commission a adressé deux nouvelles demandes de renseignements à Volkswagen, auxquelles celle‑ci a répondu, respectivement, les 30 janvier et 21 février 2001.

    10     Le 6 juillet 2001, la Commission a notifié à Volkswagen la décision litigieuse. Le dispositif de celle-ci est libellé comme suit:

    «Article premier      

    Volkswagen AG a commis une infraction aux dispositions de l’article 81, paragraphe 1, du traité CE en ce qu’elle a fixé les prix de vente du modèle Volkswagen Passat en exigeant de ses concessionnaires contractuels allemands de ne pas consentir de remises aux clients ou de ne leur consentir que des remises restreintes lors de la vente de ce modèle.

    Article 2

    En raison de l’infraction visée à l’article 1er, une amende d’un montant de 30,96 millions d’euros est infligée à Volkswagen AG.

    [...]

    Article 4

    Volkswagen AG, D-38436 Wolfsburg, est destinataire de la présente décision.

    […]»

     L’arrêt attaqué

    11     Par requête déposée au greffe du Tribunal le 10 septembre 2001, Volkswagen a introduit un recours visant à obtenir, à titre principal, l’annulation de la décision litigieuse et, à titre subsidiaire, une réduction du montant de l’amende qui lui a été infligée par cette décision.

    12     Au point 32 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté, en se référant au point 69 de son arrêt du 26 octobre 2000, Bayer/Commission (T‑41/96, Rec. p. II‑3383), que la notion d’accord au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE, telle qu’elle a été interprétée par la jurisprudence, est axée sur l’existence d’une concordance de volontés entre deux parties au moins, dont la forme de manifestation n’est pas importante pour autant qu’elle constitue l’expression fidèle de celles‑ci.

    13     Le Tribunal a observé, au point 33 de l’arrêt attaqué, qu’il ressort également de la jurisprudence que, lorsqu’une décision du fabricant constitue un comportement unilatéral de l’entreprise, cette décision échappe à l’interdiction énoncée à l’article 81, paragraphe 1, CE (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 25 octobre 1983, AEG/Commission, 107/82, Rec. p. 3151, point 38, et du 17 septembre 1985, Ford/Commission, 25/84 et 26/84, Rec. p. 2725, point 21, ainsi que arrêt Bayer/Commission, précité, point 66).

    14     Le Tribunal a précisé, au point 35 de l’arrêt attaqué, qu’il convient de distinguer les hypothèses où une entreprise a adopté une mesure véritablement unilatérale, et donc sans la participation expresse ou tacite d’une autre entreprise, de celles où le caractère unilatéral est uniquement apparent. Si les premières ne relèvent pas de l’article 81, paragraphe 1, CE, les secondes doivent être considérées comme révélant un accord entre entreprises et peuvent entrer, dès lors, dans le champ d’application de cet article. Tel serait le cas, notamment, des pratiques et mesures restrictives de la concurrence qui, adoptées apparemment de façon unilatérale par le fabricant dans le cadre de ses relations contractuelles avec ses revendeurs, reçoivent toutefois l’acquiescement, à tout le moins tacite, de ces derniers (arrêt Bayer/Commission, précité, point 71).

    15     Au point 38 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté qu’il n’a pas été établi que les invitations litigieuses avaient été mises en œuvre sur le terrain.

    16     Le Tribunal a indiqué, au point 39 de l’arrêt attaqué, que, pour constater l’existence d’un accord au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE, la Commission s’est fondée, à titre principal, sur l’argument selon lequel la politique de distribution de Volkswagen a été acceptée tacitement par les concessionnaires lors de la signature du contrat de concession.

    17     Au point 43 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a relevé que la thèse de la Commission revient à prétendre qu’un concessionnaire qui a signé un contrat de concession conforme au droit de la concurrence est censé avoir, lors de cette signature et par celle-ci, accepté d’avance une évolution ultérieure illégale de ce contrat, alors même que, en raison précisément de sa conformité au droit de la concurrence, ledit contrat ne pouvait permettre au concessionnaire de prévoir une telle évolution.

    18     Le Tribunal a considéré, au point 45 de l’arrêt attaqué, qu’il est envisageable qu’une évolution contractuelle puisse être regardée comme ayant été acceptée d’avance, lors de la signature d’un contrat de concession légal et en raison d’une telle signature, lorsqu’il s’agit d’une évolution contractuelle légale qui soit est envisagée par le contrat, soit ne saurait être refusée par le concessionnaire eu égard aux usages commerciaux ou à la réglementation. En revanche, selon le Tribunal, il ne saurait être admis qu’une évolution contractuelle illégale puisse être considérée comme ayant été acceptée d’avance, lors de la signature d’un contrat de distribution légal et en raison de cette signature.

    19     Le Tribunal en a inféré, au point 46 de l’arrêt attaqué, que c’est à tort que la Commission a prétendu que la signature par les concessionnaires de Volkswagen du contrat de concession avait emporté acceptation des invitations litigieuses de la part de ces derniers.

    20     Au point 47 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré que la Commission avait procédé à une interprétation erronée de la jurisprudence qu’elle invoque à l’appui de sa thèse lorsqu’elle prétend que, selon les arrêts de la Cour AEG/Commission, précité; Ford/Commission, précité, et du 24 octobre 1995, Bayerische Motorenwerke (C‑70/93, Rec. p. I‑3439), ainsi que selon l’arrêt du Tribunal du 6 juillet 2000, Volkswagen/Commission (T‑62/98, Rec. p. II‑2707), il ne serait pas nécessaire, à tout le moins dans le cas de systèmes de distribution sélective comme celui de l’espèce, de rechercher l’acquiescement à une invitation du concédant dans le comportement que le concessionnaire adopte dans le contexte de cette invitation, par exemple après l’avoir reçue, et que cet acquiescement devrait être considéré comme acquis par principe, du simple fait que le concessionnaire est entré dans le réseau de distribution.

    21     Au point 56 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a précisé que la thèse soutenue par la Commission est clairement infirmée par les arrêts de la Cour du 12 juillet 1979, BMW Belgium e.a./Commission (32/78, 36/78 à 82/78, Rec. p. 2435), et du 11 janvier 1990, Sandoz prodotti farmaceutici/Commission (C‑277/87, Rec. p. I‑45), ainsi que par l’arrêt du Tribunal, Bayer/Commission, précité, invoqués par Volkswagen au soutien de son recours. En effet, ces arrêts confirmeraient tous la nécessité, pour pouvoir constater l’existence d’un accord au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE, de rapporter la preuve d’un concours de volontés. De plus, celui‑ci devrait porter sur un comportement déterminé, lequel devrait, dès lors, être connu des parties lorsqu’elles l’acceptent.

    22     Au point 61 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a fait état de l’argument invoqué par la Commission à titre subsidiaire, selon lequel, quand bien même on estimerait qu’une clause de réserve est nécessaire dans le contrat de concession pour pouvoir constater l’insertion des invitations litigieuses dans ce contrat, l’article 2, paragraphes 1 ou 6, dudit contrat devrait être considéré comme constituant une telle clause.

    23     Le Tribunal a rejeté cet argument subsidiaire en précisant, au point 63 de l’arrêt attaqué, que l’article 2, paragraphes 1 ou 6, du contrat de concession ne pourrait s’interpréter que comme visant seulement les moyens conformes à la loi. Soutenir le contraire reviendrait, selon le Tribunal, à déduire d’une telle clause contractuelle, rédigée en termes neutres, que les concessionnaires se seraient liés par un pacte illégal. Le Tribunal a ajouté, au point 64 dudit arrêt, que l’article 8, paragraphe 1, du contrat de concession est également rédigé en termes neutres, voire même en des termes prohibitifs de la possibilité pour Volkswagen d’émettre des recommandations de prix contraignantes.

    24     Dans ces circonstances, le Tribunal a annulé la décision litigieuse.

     Les conclusions des parties et le moyen invoqué au soutien du pourvoi

    25     La Commission demande à la Cour d’annuler l’arrêt attaqué, de renvoyer le litige devant le Tribunal et de condamner Volkswagen aux dépens.

    26     Au soutien de son pourvoi, elle invoque un moyen unique tiré de la méconnaissance par le Tribunal de l’article 81, paragraphe 1, CE.

    27     Volkswagen conclut au rejet du pourvoi et à la condamnation de la Commission aux dépens.

     Sur le pourvoi

     Argumentation des parties

    28     Par son moyen, la Commission fait valoir que le Tribunal a méconnu l’article 81, paragraphe 1, CE en considérant que les invitations litigieuses ne constituaient pas des accords entre entreprises au sens de la jurisprudence constante de la Cour.

    29     La Commission indique que, conformément à la jurisprudence constante de la Cour, l’admission d’un concessionnaire dans un réseau de distribution sélective implique son acceptation expresse ou tacite de la politique de distribution du constructeur (arrêts AEG/Commission, précité, point 38; Ford/Commission, précité, point 21, ainsi que du 6 janvier 2004, BAI et Commission/Bayer, C‑2/01 P et C‑3/01 P, Rec. p. I‑23, point 144).

    30     La Commission ajoute que, selon une jurisprudence également constante, une invitation adressée par un constructeur d’automobiles à ses distributeurs sous contrat constitue non pas un acte unilatéral qui échapperait au champ d’application de l’article 81, paragraphe 1, CE, mais un accord au sens de cette disposition, lorsqu’elle s’insère dans un ensemble de relations commerciales continues régies par un accord général préétabli (voir arrêts Ford/Commission, précité, point 21; Bayerische Motorenwerke, précité, points 15 et 16, ainsi que du 18 septembre 2003, Volkswagen/Commission, C‑338/00 P, Rec. p. I‑9189, point 60).

    31     La Commission fait valoir que l’arrêt attaqué a été rendu en méconnaissance de cette jurisprudence et est incompatible avec la nature des systèmes de distribution sélective.

    32     Selon la Commission, le concessionnaire a, en signant le contrat de concession, accepté des mesures futures susceptibles de s’insérer dans le cadre tracé par ce contrat. Elle soutient que, contrairement à ce qui a été jugé par le Tribunal aux points 45 et 56 de l’arrêt attaqué, de telles mesures ne doivent pas nécessairement être envisagées par le contrat de concession ou être conformes à la loi pour pouvoir être considérées comme un accord au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE.

    33     Volkswagen fait valoir que l’interprétation de la notion d’accord par le Tribunal est en parfaite conformité avec la jurisprudence de la Cour et avec ladite disposition du traité CE.

     Appréciation de la Cour

    34     La Commission fait valoir en substance que le Tribunal ne pouvait, sans commettre d’erreur de droit, ignorer que, en signant un contrat de concession, le concessionnaire donne son consentement a priori à toutes les mesures adoptées par le constructeur d’automobiles dans le cadre de cette relation contractuelle.

    35     À l’appui de sa thèse, la Commission a rappelé la jurisprudence constante selon laquelle une invitation adressée par un constructeur d’automobiles à ses distributeurs sous contrat constitue non pas un acte unilatéral, mais un accord au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE, lorsqu’elle s’insère dans un ensemble de relations commerciales continues régies par un accord général préétabli.

    36     Or, la jurisprudence à laquelle la Commission se réfère n’implique pas que toute invitation adressée par un constructeur d’automobiles à des concessionnaires constitue un accord au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE et ne dispense pas la Commission de démontrer l’existence d’un concours de volontés des parties au contrat de concession dans chaque cas particulier.

    37     Il y a lieu de constater que le Tribunal a relevé à bon droit, aux points 30 à 34 de l’arrêt attaqué, que, pour constituer un accord au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE, il suffit qu’un acte ou un comportement apparemment unilatéral soit l’expression de la volonté concordante de deux parties au moins, la forme selon laquelle se manifeste cette concordance n’étant pas déterminante par elle-même.

    38     Ainsi que le précise Volkswagen au point 29 de son mémoire en réponse à la communication du pourvoi, la solution inverse aurait pour conséquence de renverser la charge de la preuve de l’existence d’une infraction aux règles de la concurrence et de violer le principe de la présomption d’innocence.

    39     La volonté des parties peut résulter tant des clauses du contrat de concession en question que du comportement des parties et, notamment, de l’existence éventuelle d’un acquiescement tacite des concessionnaires à l’invitation du constructeur (voir, en ce sens, arrêt du 18 septembre 2003, Volkswagen/Commission, précité, points 61 à 68).

    40     En l’espèce, s’agissant du premier cas de figure, la Commission a déduit l’existence d’une volonté concordante entre les parties des seules clauses du contrat de concession en question. Le Tribunal devait par la suite, ainsi qu’il l’a fait, s’attacher à examiner si les invitations litigieuses sont explicitement contenues dans le contrat de concession ou, à tout le moins, si les clauses de celui‑ci autorisent le constructeur d’automobiles à faire usage de telles invitations.

    41     À cet égard, il convient de rappeler que, au point 20 de l’arrêt Ford/Commission, précité, la Cour a rejeté un argument tiré de la nature prétendument unilatérale de certaines mesures de distribution sélective de véhicules automobiles, en relevant que des accords de concession doivent nécessairement laisser certains aspects à des décisions ultérieures du fabricant et que de telles décisions étaient précisément prévues à l’annexe 1 du contrat de concession en question.

    42     De même, au point 64 de l’arrêt du 18 septembre 2003, Volkswagen/Commission, précité, la Cour a considéré que le Tribunal avait jugé à bon droit que des mesures prises par Volkswagen en vue de limiter les livraisons de véhicules automobiles aux concessionnaires italiens, mises en œuvre dans le but explicite d’entraver les réexportations à partir de l’Italie, s’inséraient dans les relations commerciales continues des parties au contrat de concession, le Tribunal s’étant fondé, notamment, sur le fait que le contrat de concession en question prévoyait la possibilité de limiter de telles livraisons.

    43     Dans ce contexte, il convient de relever qu’il ne ressort pas de la jurisprudence de la Cour que la conformité ou non des clauses du contrat en question avec les règles de la concurrence soit nécessairement déterminante dans le cadre de cet examen. Il s’ensuit que le Tribunal a entaché son arrêt d’une erreur de droit en jugeant, aux points 45 et 46 de l’arrêt attaqué, que des clauses conformes aux règles de la concurrence ne sauraient être considérées comme autorisant des invitations contraires à ces règles.

    44     En effet, il ne saurait d’emblée être exclu qu’une invitation, qui serait contraire aux règles de la concurrence, puisse être considérée comme autorisée par des clauses apparemment neutres d’un contrat de concession.

    45     Par conséquent, le Tribunal ne pouvait, sans commettre d’erreur de droit, s’abstenir d’examiner au cas par cas les clauses du contrat de concession en tenant compte, le cas échéant, de tous les autres facteurs pertinents, tels que les buts poursuivis par ce contrat à la lumière du contexte économique et juridique au regard duquel celui-ci a été conclu.

    46     S’agissant du second cas de figure, à savoir en l’absence de dispositions contractuelles pertinentes, l’existence d’un accord au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE suppose l’acquiescement, explicite ou tacite, de la part des concessionnaires à la mesure adoptée par le constructeur d’automobiles (voir en ce sens, notamment, arrêt BMW Belgium e.a./Commission, précité, points 28 à 30).

    47     En l’occurrence, la Commission n’ayant pas invoqué l’existence d’un acquiescement explicite ou tacite de la part des concessionnaires, ce second cas de figure ne présente aucun intérêt dans le cadre du présent litige.

    48     Il découle de ce qui précède que, pour déterminer si les invitations litigieuses se sont insérées dans l’ensemble des relations commerciales de Volkswagen avec ses concessionnaires, le Tribunal aurait dû examiner si elles étaient prévues ou autorisées par les clauses du contrat de concession, en tenant compte des buts poursuivis par ce contrat en tant que tel, à la lumière du contexte économique et juridique au regard duquel il a été conclu.

    49     S’agissant en l’espèce de l’interprétation faite par le Tribunal des clauses du contrat de concession, il y a lieu de rappeler qu’il résulte des articles 225 CE et 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice que le Tribunal est seul compétent, d’une part, pour constater les faits, sauf dans le cas où l’inexactitude matérielle de ses constatations résulterait des pièces du dossier qui lui ont été soumises, et, d’autre part, pour apprécier ces faits. Lorsque le Tribunal a constaté ou apprécié les faits, la Cour est compétente pour exercer, en vertu dudit article 225 CE, un contrôle sur la qualification juridique de ces faits et les conséquences de droit qui en ont été tirées par le Tribunal (voir, notamment, arrêt du 17 décembre 1998, Baustahlgewebe/Commission, C‑185/95 P,Rec. p. I‑8417, point 23).

    50     En ce qui concerne les clauses du contrat de concession, le Tribunal a constaté souverainement, au point 2 de l’arrêt attaqué, que, aux termes de l’article 2, paragraphes 1 ou 6, de ce contrat, le concessionnaire s’engage notamment à défendre les intérêts de l’organisation de distribution Volkswagen et de la marque Volkswagen ainsi qu’à respecter, à cette fin, toutes les exigences propres à l’exécution du contrat en ce qui concerne la distribution d’automobiles neuves et la promotion des ventes.

    51     Il ressort également du point 2 de l’arrêt attaqué que, selon l’article 8, paragraphe 1, du contrat de concession, Volkswagen fait des recommandations de prix non contraignantes pour le prix final et les remises.

    52     Aux points 62 à 68 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a, dans le cadre de l’appréciation concrète du contrat de concession, constaté que lesdits articles ne peuvent être regardés comme ayant autorisé Volkswagen à adresser des recommandations contraignantes aux concessionnaires en ce qui concerne le prix des véhicules neufs et que, les invitations litigieuses ne constituaient pas un accord au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE.

    53     C’est à bon droit que le Tribunal s’est appuyé sur la formulation des clauses du contrat de concession pour apprécier leur contenu. La Cour n’est cependant pas, en principe, compétente pour contrôler, dans le cadre d’un pourvoi, l’appréciation du Tribunal selon laquelle ces clauses ont été rédigées en termes neutres, voire même en des termes prohibitifs de la possibilité pour Volkswagen d’émettre des recommandations de prix contraignantes. Il y a lieu toutefois de relever que le Tribunal a entaché son raisonnement d’une erreur de droit en ce qu’il a jugé que des clauses conformes aux règles de la concurrence ne sauraient être considérées comme autorisant des invitations contraires à ces règles.

    54     Toutefois, cette erreur demeure sans conséquence sur le bien-fondé de la conclusion à laquelle le Tribunal est parvenu, selon laquelle les invitations litigieuses ne sauraient, en l’espèce, être qualifiées d’«accord» au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE.

    55     Compte tenu de ce qui précède, il convient de constater que le Tribunal a conclu à bon droit, au point 68 de l’arrêt attaqué, qu’il y avait lieu d’annuler la décision litigieuse.

    56     Il s’ensuit que le pourvoi doit être rejeté comme non fondé.

     Sur les dépens

    57     Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 118 du même règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Volkswagen ayant conclu à la condamnation de la Commission et cette dernière ayant succombé en son moyen, il y a lieu de la condamner aux dépens.

    Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) déclare et arrête:

    1)      Le pourvoi est rejeté.

    2)      La Commission des Communautés européennes est condamnée aux dépens.

    Signatures


    * Langue de procédure: l’allemand.

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